Date : 20250207
Dossier : IMM‑10574‑23
Référence : 2025 CF 247
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Toronto (Ontario), le 7 février 2025
En présence de monsieur le juge Southcott
ENTRE : |
YOUNUS KHAN |
demandeur |
et |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
I. Aperçu
[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision du 8 août 2023 par laquelle un agent d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada [IRCC] a rejeté la demande de visa de résident temporaire [VRT] du demandeur.
[2] L’agent a rejeté la demande de VRT, car il n’était pas convaincu que le demandeur quitterait le Canada à la fin de la période de séjour autorisée, comme l’exige le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le RIPR], à l’alinéa 179b).
[3] Comme je l’explique en détail ci-après, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée, parce que les arguments du demandeur n’entachent pas le caractère raisonnable de la décision de l’agent ni ne démontrent qu’elle a été rendue d’une manière inéquitable sur le plan procédural.
II. Contexte
[4] Le demandeur est un citoyen du Pakistan qui réside actuellement en Thaïlande muni d’un permis de travail temporaire. Il habite en Thaïlande depuis 2018 et y travaille comme directeur des ressources humaines.
[5] Le ou vers le 12 mars 2023, le demandeur a présenté une demande de VRT dans le but de rendre visite à une personne qu’il a décrite comme étant une amie, une citoyenne canadienne qui réside en Colombie‑Britannique [l’hôtesse], pour une période de dix jours [la demande de VRT].
[6] IRCC a initialement rejeté la demande de VRT le 4 avril 2023 [la décision d’avril]. Le demandeur a demandé le contrôle judiciaire de la décision d’avril, mais, en juillet 2023, les parties ont convenu que la décision soit annulée et que l’affaire soit réexaminée par un autre agent d’IRCC. IRCC a donné au demandeur l’occasion de présenter de nouveaux documents à l’appui de la demande de VRT, ce que le représentant du demandeur a fait.
[7] Le 8 août 2023, l’agent a rendu sa décision, portant à nouveau rejet de la demande de VRT, d’où la présente demande de contrôle judiciaire.
III. Décision faisant l’objet du contrôle
[8] Dans sa décision, l’agent a rejeté la demande de VRT, car il n’était pas convaincu que le demandeur quitterait le Canada à la fin de la période de séjour autorisée, comme l’exige l’alinéa 179b) du RIPR. Dans la lettre faisant état de la décision, l’agent a précisé que sa conclusion reposait sur le statut d’immigrant du demandeur en dehors du pays dont il a la nationalité ou dans lequel il avait sa résidence habituelle, sur le fait que ses actifs et sa situation financière ne permettent pas d’assumer les frais relatifs au but déclaré du séjour, ainsi que sur le fait que sa situation d’emploi actuelle ne démontre pas qu’il est financièrement établi dans son pays de résidence.
[9] La décision de l’agent comprend les notes correspondantes que celui‑ci a versées dans le Système mondial de gestion des cas [le SMGC] :
[traduction]
[L]e demandeur est un ressortissant pakistanais qui habite et travaille en Thaïlande à titre de résident temporaire. Malgré ce qu’affirme son représentant, le statut d’immigrant ne se renouvelle pas automatiquement en Thaïlande : il faut présenter une demande de prolongation. Étant donné qu’il est un étranger en Thaïlande, son statut de travailleur est directement lié à son emploi; advenant la perte de son poste, ses permis de travail et de séjour seraient automatiquement annulés. Certes, l’emploi du demandeur a été renouvelé depuis 2018, mais rien ne garantit que son permis de travail ni son permis de séjour seront renouvelés lorsque son contrat de travail prendra fin le 30 juillet 2024. Je prends note des économies et du revenu du demandeur. Le représentant affirme que le salaire du demandeur est « élevé » pour la Thaïlande, mais des renseignements provenant de sources ouvertes montrent toutefois qu’il correspond au salaire moyen des cols blancs travaillant dans la ville de Bangkok, et qu’il est en fait plutôt bas compte tenu des études antérieures et de l’expérience du demandeur. Le nouveau relevé bancaire fait état d’économies s’élevant à environ 6 750 $, ce qui couvrirait à peine le coût de son séjour s’il arrivait quelque chose à son hôtesse. Vu le coût de la vie à Bangkok et la somme totale des économies du demandeur, je ne suis pas convaincu que le voyage proposé par le demandeur est une dépense raisonnable. Le demandeur cherche à rendre visite à son amie Sheila Loraine Bailey, une citoyenne canadienne. L’hôtesse affirme qu’elle entretient une relation platonique avec le demandeur, avec qui elle a communiqué pour la première fois en 2015 alors qu’elle travaillait à l’Université Trinity Western. Elle explique avoir développé une amitié étroite fondée sur le respect et la confiance mutuels, et qu’ils discutent de modes de vie, de pensées positives et de carrières par appels audio et vidéo. Les messages fournis sont de nature périodique en 2021 et comprennent deux captures d’écran de janvier 2023. Ils contiennent des vœux, des prières ainsi que des politesses, et ils ne témoignent pas de l’amitié profonde et sincère décrite dans les observations. La raison pour laquelle l’hôtesse dépenserait une part considérable de ses économies ou de son revenu afin de financer le voyage au Canada d’une connaissance n’est pas claire. Je prends note du renvoi par le représentant à la décision Sarah Janes Barril c Canada (Citoyenneté et Immigration) et de l’observation de la juge Aylen selon laquelle les agents doivent considérer le soutien financier que procurent les membres de la famille du demandeur comme un facteur favorable. L’hôtesse ne fait cependant pas partie de la famille du demandeur; elle est une simple amie que le demandeur n’a apparemment jamais rencontrée en personne. Le représentant affirme que le demandeur a des liens étroits avec le Pakistan, notamment en raison de sa famille et d’un bien immeuble au pays; cependant, aucune preuve de propriété ne figure au dossier. J’accorde moins de poids à cette affirmation étant donné que les antécédents de voyage fournis montrent que le demandeur a résidé à l’extérieur du Pakistan durant la majeure partie des douze dernières années et qu’il n’y a effectué que des visites périodiques depuis 2011 ou 2012. Je prends note de la relation déclarée du demandeur avec sa conjointe thaïlandaise qui ne l’accompagnera pas, ainsi que de la déclaration de cette dernière. Sa conjointe ne peut pas être considérée comme une conjointe de fait, puisqu’elle et lui résident ensemble depuis moins d’un an. À titre de preuve de leur relation, diverses photos prises à différents endroits figurent au dossier. Les seuls éléments de preuve qui indiquent que ces photos ont été prises à la date et à l’endroit inscrits sont des graphiques autogénérés fournis par le demandeur. Je prends également note du bail fourni par le demandeur afin de prouver qu’il réside en Thaïlande. Il est inhabituel que le bail original ait été délivré en anglais plutôt qu’en thaï; ce n’est pas la pratique courante et c’est d’autant plus inhabituel étant donné que la conjointe du demandeur est une citoyenne de la Thaïlande. Compte tenu du statut de résident temporaire du demandeur en Thaïlande, du fait que son statut est directement lié à son emploi qui devrait prendre fin dans moins d’un an, de ses actifs et de ses économies, ainsi que de sa relation ambiguë avec son hôtesse qui a consenti à financer son voyage et son séjour pour une raison obscure, je ne suis pas convaincu que le demandeur serait un résident temporaire authentique qui quitterait le Canada à la fin de la période de séjour autorisée. La demande est rejetée.
IV. Questions en litige et norme de contrôle
[10] Le demandeur demande à la Cour de trancher les questions suivantes :
-
La décision de l’agent est‑elle raisonnable?
B. La décision de l’agent est‑elle entachée d’un manquement à l’équité procédurale?
[11] Comme le laisse entendre sa formulation, la première question définie ci‑dessus est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable, conformément à l’explication de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65. La seconde question, qui concerne l’équité procédurale, est assujettie à la norme de contrôle de la décision correcte ou à une norme qui s’y apparente. En d’autres termes, le rôle de la Cour est d’évaluer si la procédure suivie était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances pertinentes (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54).
V. Analyse
A. La décision de l’agent est‑elle raisonnable?
[12] Mon analyse des arguments par lesquels le demandeur conteste le caractère raisonnable de la décision de l’agent est divisée selon les titres employés dans le mémoire du demandeur.
(1) Statut en Thaïlande
[13] Le demandeur fait remarquer, à juste titre, que la nature temporaire de son statut d’immigrant en Thaïlande a constitué un facteur déterminant dans la décision de l’agent. Il conteste toutefois le caractère raisonnable du raisonnement tenu par l’agent selon lequel, advenant un changement de statut en Thaïlande, le demandeur ne serait pas enclin à retourner au Pakistan, son pays de citoyenneté. Selon le demandeur, ce raisonnement représente une simple supposition, assimilable à celle que la Cour a jugée déraisonnable au paragraphe 20 de la décision Demyati c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 701 [Demyati].
[14] Cependant, comme le fait valoir le défendeur, l’analyse exposée dans la décision Demyati était propre au dossier dont disposait la Cour, laquelle a jugé que le décideur n’avait pas justifié au moyen de la preuve sa conclusion portant que le demandeur dans cette affaire (un ressortissant syrien bénéficiant du statut de résident temporaire aux Émirats arabes unis) ne retournerait pas dans son pays d’origine s’il perdait son statut aux Émirats arabes unis (au para 20). En revanche, dans la présente affaire, l’agent a tenu compte du fait que le demandeur avait affirmé maintenir des liens étroits avec le Pakistan, mais a accordé un poids moindre à cette affirmation étant donné que le demandeur réside depuis douze ans à l’extérieur de ce pays et qu’il n’y a effectué que des visites périodiques depuis 2011 ou 2012. Le raisonnement de l’agent est intelligible et fondé sur la preuve au dossier.
[15] Le demandeur fait également valoir qu’une telle analyse est déraisonnable parce qu’elle entraînerait le rejet de la vaste majorité des demandes de VRT présentées par des personnes résidant hors de leur pays de citoyenneté. À mon avis, cet argument est dénué de fondement, car chaque demande doit être examinée en fonction des faits qui lui sont propres, comme ce fut le cas de la demande en l’espèce. Je ne vois rien de déraisonnable à ce qu’un agent des visas prenne en considération la précarité du statut de résidence actuel d’un demandeur.
[16] Le demandeur soutient en outre que, vu la preuve dont disposait l’agent, celui‑ci aurait dû tirer la conclusion contraire à celle qu’il a tirée dans sa décision, puisque le demandeur a déjà voyagé en Angleterre, en Suisse, en Allemagne, en France et en Thaïlande, sans contrevenir aux conditions de son séjour dans ces pays. Je reconnais que les antécédents de voyage peuvent constituer un indicateur favorable. Cela étant dit, il n’appartient pas à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve dont disposait l’agent, et rien ne me porte à conclure que l’agent a négligé cet aspect de la demande de VRT.
(2) Salaire du demandeur
[17] Le demandeur fait remarquer que l’agent n’était pas d’accord avec son représentant pour dire que le salaire du demandeur était élevé pour la Thaïlande, en raison de renseignements provenant de sources ouvertes qui ne sont pas précisés dans la décision de l’agent. Le demandeur conteste le caractère raisonnable de cette conclusion et, à cette fin, il s’appuie sur des renseignements relatifs au salaire moyen en Thaïlande tirés du site Web de l’organisme national des statistiques du gouvernement de la Thaïlande.
[18] Je constate que le site Web de l’organisme national des statistiques auquel le demandeur renvoie est mentionné dans son mémoire sans une quelconque preuve à l’appui et sans la moindre indication que les renseignements provenant de ce site Web ont été fournis à l’agent. Cependant, l’avocat du défendeur a signalé, lors de l’audience relative à la présente demande de contrôle judiciaire, qu’il ne s’opposait pas à ce que le demandeur s’appuie sur les renseignements figurant sur ce site Web, parce que (comme je l’explique plus loin dans les présents motifs) le demandeur a également soulevé des questions d’équité procédurale concernant la façon dont l’agent a traité la question du salaire du demandeur, de sorte qu’il lui était loisible, en contrôle judiciaire, de présenter des éléments de preuve dont ne disposait pas le décideur administratif (Association des universités et collèges du Canada c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 aux para 19‑20).
[19] Malgré cette concession, le défendeur n’a pas traité directement du fait que le demandeur n’avait pas produit la preuve provenant du site Web de l’organisme national des statistiques par voie d’affidavit dans le contexte de la présente demande ni de la possibilité, pour le demandeur, d’invoquer cette preuve à l’appui de son argument relatif au caractère raisonnable, plutôt qu’à l’appui de ses observations sur l’équité procédurale. Quoi qu’il en soit, en l’absence d’objection de la part du défendeur, je prends cette preuve en considération.
[20] La preuve provenant du site Web n’entache pas le caractère raisonnable de la décision de l’agent étant donné qu’elle porte sur le salaire moyen pour l’ensemble de la Thaïlande. Comme le fait valoir le défendeur, l’analyse de l’agent reposait plutôt sur des renseignements relatifs aux salaires associés aux emplois de cols blancs dans la ville de Bangkok. L’agent a conclu que le salaire du demandeur était dans la moyenne pour ce type d’emploi.
(3) But du séjour
[21] Le demandeur critique le fait que l’agent a mis en doute le but du séjour envisagé. Il soutient que le doute soulevé par l’agent repose sur l’hypothèse non étayée selon laquelle il n’est pas possible que le demandeur et l’hôtesse se soient liés d’amitié par Internet, comme ils allègent l’avoir fait, et que le demandeur ait voulu faire un voyage à l’étranger pour rencontrer l’hôtesse en personne, grâce au soutien financier de celle-ci. Plus particulièrement, il invoque le paragraphe 7 de la décision Agidi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 691, pour faire valoir que l’agent n’a pas compris que le demandeur n’avait pas à prouver qu’il avait une raison impérieuse de venir au Canada.
[22] Je ne trouve aucun fondement à cet argument. Comme le soutient le défendeur, l’agent n’a pas conclu que le demandeur était tenu de démontrer qu’il avait une raison impérieuse de se rendre au Canada ou qu’il ne l’avait pas fait. L’agent a plutôt apprécié la preuve fournie par le demandeur et l’hôtesse, puis a conclu qu’elle ne témoignait pas d’une amitié profonde et sincère comme celle décrite par le demandeur.
(4) Traitement par l’agent des précédents invoqués par le demandeur
[23] Dans ses observations, le représentant du demandeur a invoqué le paragraphe 20 de la décision Barril c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 400 [Barril], au soutien de son argument selon lequel le soutien financier offert par l’hôtesse devrait être considéré comme un facteur favorable. L’agent a jugé que ce précédent se distinguait de la présente affaire, car, dans la décision Barril, il était question du soutien financier fourni par les membres de la famille d’un demandeur. Le demandeur soutient que l’agent a ainsi commis une erreur puisqu’il n’a pas su dégager le principe plus large qui ressort de ce précédent, à savoir que le soutien de la part de toute personne qu’un demandeur connaît au Canada devrait être considéré comme un facteur favorable.
[24] L’analyse effectuée par la juge Mandy Aylen au paragraphe 20 de la décision Barril portait sur les liens du demandeur dans cette affaire avec le Canada et son pays de résidence. Dans sa décision, l’agent a jugé que la décision Barril n’était guère utile au demandeur dans le contexte de sa conclusion, fondée sur la preuve au dossier, selon laquelle il était difficile de comprendre pourquoi l’hôtesse consacrerait des ressources importantes pour financer le voyage au Canada d’une connaissance. Cette partie de l’analyse est intelligible et résiste au contrôle selon la norme de la décision raisonnable.
(5) Liens
[25] Le demandeur conteste l’analyse que l’agent a effectuée concernant ses liens avec diverses administrations pertinentes dans le contexte de la demande de VRT. Il allègue que l’analyse faite par agent de ses liens avec le Pakistan est déraisonnable. Les arguments à cet égard sont toutefois examinés plus haut dans les présents motifs. L’agent a analysé les liens du demandeur au vu de la preuve, le demandeur n’a pas établi que des éléments de preuve avaient été négligés, et il n’appartient pas à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve.
[26] Le demandeur soutient également que, compte tenu des doutes soulevés par l’agent quant à la nature de sa relation avec l’hôtesse, l’agent n’a pas jugé que les liens du demandeur avec le Canada étaient assez importants pour conclure qu’il est peu probable que le demandeur quitte le pays à la fin de la période de séjour autorisée. Il fait valoir que l’agent n’a pas motivé sa conclusion selon laquelle ses liens avec le Canada sont plus forts que ceux avec la Thaïlande ou le Pakistan.
[27] Selon mon interprétation, le raisonnement de l’agent ne repose pas sur la conclusion selon laquelle ses liens avec le Canada sont plus forts que ceux avec la Thaïlande ou le Pakistan. En fait, la phrase suivante résume bien le raisonnement qui sous‑tend la décision de l’agent :
[traduction]
Compte tenu du statut de résident temporaire du demandeur en Thaïlande, du fait que son statut est directement lié à son emploi qui devrait prendre fin dans moins d’un an, de ses actifs et de ses économies, ainsi que de sa relation ambiguë avec son hôtesse qui a consenti à financer son voyage et son séjour pour une raison obscure, je ne suis pas convaincu que le demandeur serait un résident temporaire authentique qui quitterait le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.
[28] Le raisonnement de l’agent traduit une conclusion quant à la question de savoir si le demandeur s’est acquitté du fardeau qui lui incombait au titre de l’alinéa 179b) du RIPR, soit d’établir qu’il quitterait le Canada à la fin de la période de séjour autorisée, sur le fondement de l’appréciation globale des facteurs que l’agent a jugés les plus pertinents en ce qui concerne cette conclusion.
(6) Analyse des avantages à prolonger indûment son séjour au Canada
[29] Selon le demandeur, s’il voulait prolonger indûment son séjour dans un pays, le Royaume‑Uni serait pour lui un meilleur choix que le Canada, puisqu’il a vécu et étudié au Royaume‑Uni.
[30] Je conclus, au même titre que le défendeur, que l’argument du demandeur équivaut à demander à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve dont disposait l’agent, ce qui n’est pas son rôle dans le cadre d’un contrôle judiciaire.
B. La décision de l’agent est‑elle entachée d’un manquement à l’équité procédurale?
[31] Le demandeur avance trois arguments à l’appui de sa position selon laquelle l’agent a manqué à son obligation d’équité procédurale.
(1) Relation avec l’hôtesse
[32] Le demandeur soutient qu’il ressort de l’appréciation de la preuve exposée dans la décision de l’agent en lien avec la relation avec l’hôtesse que l’agent a mis en doute la nature de cette relation. Selon lui, l’analyse effectuée par l’agent comportait une conclusion en matière de crédibilité et, partant, l’agent était tenu, avant de rendre sa décision, de donner au demandeur l’occasion de dissiper le doute émis, conformément aux principes d’équité procédurale.
[33] Comme je le mentionne plus haut dans les présents motifs, la conclusion de l’agent, selon laquelle il était difficile de comprendre pourquoi l’hôtesse dépenserait des ressources importantes pour le voyage au Canada d’une connaissance, était fondée sur le constat que la preuve n’étayait pas l’amitié profonde et sincère décrite dans les observations. Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que l’analyse ayant mené à cette conclusion s’articulait autour du caractère suffisant de la preuve, et non sur la crédibilité, et qu’aucune obligation d’équité procédurale ne s’imposait.
(2) Bail du demandeur
[34] Dans les notes du SMGC, l’agent fait remarquer qu’il est inhabituel que le bail du demandeur ait été délivré en anglais plutôt qu’en thaïlandais, car ce n’est pas la pratique courante, et que c’est d’autant plus inhabituel étant donné que la conjointe du demandeur est une citoyenne de la Thaïlande. Le demandeur soutient qu’il s’agit là d’une conclusion quant à la crédibilité et que, conformément à l’obligation d’équité procédurale, l’agent devait donc lui donner l’occasion de dissiper le doute émis avant que la décision ne soit rendue.
[35] En ce qui concerne l’argument relatif à l’équité procédurale, il n’est pas nécessaire que j’examine les différentes positions des parties sur la question de savoir si l’analyse de l’agent s’articulait autour de la crédibilité ou du caractère suffisant de la preuve. Par souci de commodité, je reproduis ci‑dessous la phrase qui résume le mieux le raisonnement sous‑jacent à la décision de l’agent, qui n’est pas fondée sur l’état du bail du demandeur :
[traduction]
Compte tenu du statut de résident temporaire du demandeur en Thaïlande, du fait que son statut est directement lié à son emploi qui devrait prendre fin dans moins d’un an, de ses actifs et de ses économies, ainsi que de sa relation ambiguë avec son hôtesse qui a consenti à financer son voyage et son séjour pour une raison obscure, je ne suis pas convaincu que le demandeur serait un résident temporaire authentique qui quitterait le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.
[36] Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que l’état du bail du demandeur était sans conséquence dans le raisonnement de l’agent.
(3) Salaire du demandeur
[37] Lors de l’audience relative à la présente demande de contrôle judiciaire, le demandeur a avancé l’argument selon lequel l’agent avait porté atteinte à son droit à l’équité procédurale lorsqu’il s’est appuyé sur des renseignements provenant de sources ouvertes portant sur les salaires en Thaïlande sans lui donner l’occasion d’y répondre.
[38] La Cour a conclu que le renvoi, par un agent, à des ressources en ligne ne créait pas automatiquement une obligation d’offrir au demandeur la possibilité d’y répondre (Shah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 537 [Shah] au para 34). Dans la décision Shah, la juge Catherine Kane a traité de l’approche contextuelle à appliquer lorsqu’il s’agit de savoir si la consultation d’éléments de preuve en ligne crée une obligation d’équité procédurale (aux para 34‑42).
[39] En l’espèce, c’est le représentant du demandeur qui a soulevé la question du caractère concurrentiel du salaire gagné par le demandeur. De plus, comme je l’explique plus haut dans les présents motifs, les renseignements sur les salaires que le demandeur a produits dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire ne contredisent pas les conclusions que l’agent a tirées sur le fondement des renseignements provenant de sources ouvertes mentionnées dans sa décision. Je ne vois aucun manquement à l’obligation d’équité procédurale dans cette partie de la décision de l’agent.
VI. Conclusion
[40] Comme je rejette les arguments que le demandeur a soulevés relativement au caractère raisonnable et équitable de la décision de l’agent, la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.
[41] Aucune des parties n’a proposé de question à certifier en vue d’un appel, et aucune question n’est énoncée.
JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM‑10574‑23
LA COUR rejette la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune question n’est certifiée en vue d’un appel.
« Richard F. Southcott »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
IMM‑10574‑23 |
INTITULÉ : |
YOUNUS KHAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
LIEU DE L’AUDIENCE : |
TORONTO (ONTARIO) |
DATE DE L’AUDIENCE : |
Le 4 février 2025 |
JUGEMENT ET MOTIFS : |
LE JUGE SOUTHCOTT |
DATE DES MOTIFS : |
LE 7 FÉVRIER 2025 |
COMPARUTIONS :
Kapilkumar P. Rathod |
Pour le demandeur |
Gregory George |
Pour le défendeur |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Kapilkumar Rathod Avocat Caledon East (Ontario) |
Pour le demandeur |
Procureur général du Canada Toronto (Ontario) |
Pour le défendeur |