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Date : 20040119

Dossier : T-646-02

Référence : 2004 CF 83

OTTAWA (Ontario), le 19e jour de janvier 2004

Présent(e) :      L'HONORABLE JOHANNE GAUTHIER

ENTRE :

                                                              DANIEL ROBITAILLE

                                                                                                                                                    Demandeur

                                                                                   et

                                              PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                   

                                                                                                                                                     Défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Monsieur Robitaille est un détenu. En 2000, il est incarcéré à l'Établissement La Macaza. Sa demande de contrôle judiciaire concerne une décision de la Commissaire du Service correctionnel du Canada datée du 5 novembre 2001 qui rejette cinq de ses griefs.


[2]                 Comme dans son mémoire, le demandeur n'identifiait pas clairement les questions en litiges vis-à-vis de chacun de ses griefs, la Cour lui a demandé de clarifier sa position afin que les parties puissent faire leurs représentations sur la norme de contrôle applicable à ces questions. De plus, vu la nature de certains des griefs rejetés (tel qu'une demande de transfèrement volontaire en Alberta ou, un changement d'agent de sécurité à la Macaza etc.) et le transfèrement de M. Robitaille à l'Établissement de Drummond en juillet 2001, le défendeur a argumenté oralement qu'une décision de cette Cour, quant à ces griefs, est devenue théorique. Lors de l'audition, M. Robitaille était représenté par un nouveau procureur et dans les circonstances, la Cour a cru équitable de permettre aux parties de produire des représentations écrites supplémentaires sur la norme de contrôle après que le demandeur ait défini les véritables questions en litige dans son mémoire additionnel.

[3]                 Dans ce mémoire, le demandeur indique que suite à l'audition, la seule question en litige concerne le grief V30000A12367.

[4]                 Avant de déposer ce grief, M. Robitaille s'était plaint qu'on lui avait demandé de signer un contrat de comportement parce qu'une enquête était en cours sur sa participation à un trafic de drogue à l'interne. Il refusa de signer ce contrat et par la suite, perdit son emploi aux travaux généraux et fût ré-affecté au nettoyage pavillonnaire. Sa plainte fut rejetée par son gérant d'unité qui indiqua qu'un contrat de comportement était justifié et, quant à sa perte d'emploi, qu'un grief « aurait dût être envoyé au comité de travail qui seul est habilité à ce sujet » .

[5]                 M. Robitaille ne logea aucun grief auprès du comité de travail ; toutefois, le 14 mars 2001, il déposa un grief auprès du directeur de son établissement (premier palier) indiquant qu'il exigeait la communication des preuves matérielles et visuelles pertinentes « aux accusations » pour lesquelles ont voulaient lui faire signer un contrat de comportement.

[6]                 En rejetant ce grief le 14 avril 2001, le directeur de l'établissement indique que M. Robitaille avait rencontré l'agent de sécurité préventive qui lui avait remis un avis d'interception des communications et lui avait fait part du contenu de l'information recueillie pendant la période où ses communications furent interceptées. M. Robitaille s'adressa alors au second palier (direction régionale/sous-commissaire de la région de Québec) qui conclut que quant au partage des renseignements demandés par M. Robitaille que « la non divulgation de renseignements avant l'issue de l'enquête est conforme aux dispositions de l'Instruction permanent 700-01, paragraphes 21 à 29 » . Le demandeur en ayant appelé du troisième palier, la Commissaire rejeta le grief en disant « nous sommes d'avis que les décisions qui ont été rendues par le palier précédent, le 8 juin 2001, sont justifiées et que les explications déjà fournies sont adéquates » .

QUESTIONS


[7]                 Dans son mémoire supplémentaire, le demandeur reconnaît que la Commissaire n'a pas violé le principe d'équité procédurale en ce qu'il a eu l'occasion de présenter ses observations sur ce grief. Mais il soumet que la Commissaire a erré en refusant de lui fournir plus d'information sur sa présumée participation à un trafic de stupéfiant alors que l'enquête à ce sujet était close depuis le 27 février 2001 soit plus d'un mois avant la décision du décideur au deuxième palier.

[8]                 En plus de nier que la Commissaire a erré, le défendeur argue que la question en litige telle que définie par le demandeur, est devenue purement théorique puisque depuis le dépôt du grief de M. Robitaille, celui-ci à quitter la Macaza et a reçu toute l'information disponible (sauf l'information confidentielle comme le nom des sources impliquées et l'information concernant d'autres détenus). À cet effet, le défendeur souligne que la version expurgée du rapport sur les renseignements de sécurité relative au trafic de drogues impliquant M. Robitaille, a été produite au dossier de la demande de contrôle judiciaire le ou vers le 20 septembre 2002. (Pièce P-2 à l'affidavit de Sylvain Bertrand daté du 8 juillet 2002).

[9]                 Le défendeur ajoute qu'avec ses informations, le demandeur peut maintenant, par le biais de l'article 24 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition 1992, ch. 20 ( la « Loi » ), demander que le rapport soit corrigé s'il le considère erroné ou incomplet. À cet égard, il note que les explications déjà données par le demandeur en décembre 2000 ont effectivement été notées au dossier.

[10]            L'article 24 de la Loi se lit comme suit:


24(1) Le Service est tenu de veiller, dans la mesure du possible, à ce que les renseignements qu'il utilise concernant les délinquants soient à jour, exacts et complets.

(2) Le délinquant qui croit que les renseignements auxquels il a eu accès en vertu du paragraphe 23(2) sont erronés ou incomplets peut demander que le Service en effectue la correction; lorsque la demande est refusée, le Service doit faire mention des corrections qui ont été demandées mais non effectuées.

[11]            Pour M. Robitaille, une décision de la Cour quant à ce grief n'est pas théorique, parce qu'il n'a jamais eu l'opportunité de contester efficacement le bien fondé des soupçons qui sont notés à son dossier et que ceux-ci continuent d'avoir des effets bien concrets sur sa situation.

[12]            L'impact de ces soupçons est décrit par M. Robitaille dans son affidavit comme suit:

[...]

13.           Le trafic de stupéfiants est une accusation très grave, d'autant plus lorsqu'il s'agit de la raison pour laquelle je suis incarcéré et, ayant une longue sentence à purger, il importe que ces allégations non fondées disparaissent de mon dossier sinon elles me suivront continuellement et seront la cause d'autres conflit avec le Service correctionnel;

14.           Il est d'ailleurs remarquable que depuis le dépôt des présentes procédures, alors que j'ai été retransféré à l'établissement Drummond, je fais à nouveau l'objet d'un placement en isolement sur la base de soupçons de trafic de stupéfiants en institution;[1]

15.           Cela renforce ma conviction que tant que je n'aurais pas été en mesure de réfuter les allégations qui entachent mon dossier, je subirai toujours les contrecoups des premières informations versées dans mon dossier par le personnel de La Macaza;

[...]


19.           C'est pour cela qu'il importe que cette honorable Cour intervienne afin que mes droits soient rétablis, que toute la lumière soit faite dans ce dossier et que je puisse faire valoir mes arguments selon les principes d'équité et de justice naturelle et nettoyer mon dossier de tout ce qui ne devrait pas s'y trouver.

[13]            Dans sa demande de contrôle judiciaire, M. Robitaille demandait à la Cour de lui permettre de prendre connaissance de la preuve au soutien des allégations de trafic de stupéfiant. Dans son mémoire additionnel, il demande maintenant que la Cour ordonne plutôt que toutes les allégations le reliant au trafic institutionnel de stupéfiant soient radiées de son dossier.

[14]            Le premier point à déterminer sera donc si la question en litige est devenue théorique et si oui, si la Cour devrait quant même exercer sa discrétion pour la trancher. (Borowski c. Canada (procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342).

ANALYSE

[15]            Dans son mémoire du 20 septembre 2002, le défendeur indique que la version expurgée du rapport de renseignement de sécurité produit, contient toutes les informations que le Service correctionnel du Canada a colligées sur les activités du demandeur le reliant à un trafic de stupéfiant dans l'établissement à la mi-décembre 2000. Ceci n'a pas été contesté par le demandeur. Dans les circonstances, il n'est plus utile de déterminer si la Commissaire a erré en décidant que M. Robitaille avait eu accès à l'essentiel de l'information disponible en décembre 2000 ou d'émettre une ordonnance exigeant que cette information lui soit remise.


[16]            D'ailleurs, la Cour comprend que le demandeur n'est pas en désaccord avec cette conclusion. Ce qu'il argue, c'est qu'une ordonnance radiant l'information (ou la pièce P-2) de son dossier ne serait pas théorique puisque la présence d'information erronée à ce sujet dans son dossier lui porte toujours préjudice.

[17]            La Cour note que suite à l'enquête, M. Robitaille n'a fait l'objet d'aucune action disciplinaire. Il n'y a eu aucune accusation criminelle, aucun isolement, aucune hausse de sa cote de sécurité ni aucun transfèrement non volontaire attribuable à cet incident.


[18]            L'argument principal du demandeur est qu'il n'a jamais eu l'opportunité de faire valoir son point de vue parce qu'il n'a pas eu toute l'information lui permettant de le faire. Même si M. Robitaille a maintenant copie de la pièce P-2, il n'a pas encore, à la connaissance de la Cour, eu l'opportunité de commenter ce rapport. C'est donc dire que le Service correctionnel du Canada n'a pas encore refusé ses explications ou de corriger ou compléter son dossier à cet égard. De la même façon, il n'y a eu aucun débat contradictoire et aucune preuve n'a été déposée[2] à ce sujet devant la Cour puisque la demande originale de M. Robitaille était simplement de lui fournir les informations additionnelles qu'il demandait de façon à ce qu'il puisse contester (présumément plus tard) les allégations de trafic de drogues dans son dossier.

[19]            Il n'est pas contesté que M. Robitaille peut maintenant demander la correction de son dossier en vertu de l'article 24(1) de la Loi. M. Robitaille argue seulement qu'il croit que les autorités auront la même attitude négative à son égard.

[20]            Il n'est pas opportun pour la Cour de considérer la demande de radier l'information (donc la pièce P-2), parce qu'elle est prématurée et que M. Robitaille a un recours alternatif (Anderson c. Canada (Forces armées) (C.A.), [1997] 1 C.F. 273).

[21]            Ayant considéré l'ensemble des circonstances, la Cour conclut qu'il serait théorique de se prononcer sur la présente demande et qu'il n'y a pas lieu d'exercer sa discrétion pour tout de même rendre une ordonnance dans ce dossier.

[22]            Compte tenu de cette conclusion, la Cour n'a pas à considérer les arguments additionnels présentés par le défendeur quant à l'impact de la Loi sur les renseignements personnels, L.R.C 1985, ch. P-21 et de la Loi sur les archives nationales, L.R.C. 1985, ch 1.

ORDONNANCE


1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée sans frais.

"Johanne Gauthier"     

                          Juge     

U:\TRANSLAT.ION\Standby\T-646-02 Robitaille.wpd            


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                         

DOSSIER :                 T-646-02

INTITULÉ :              DANIEL ROBITAILLE c. PROCUREUR GÉNÉRAL              DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Québec

DATE DE L'AUDIENCE :                              5 juin 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE : Honorable Johanne Gauthier

DATE DES MOTIFS :                                     19 janvier 2004

COMPARUTIONS:

Me François Drouin                                              POUR LE DEMANDEUR

Me Sébastien Gagné                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

François Drouin, avocat                                                    POUR LE DEMANDEUR

Charlesbourg (Québec)

Ministère de la justice - Canada                                       POUR LE DÉFENDEUR

Ottawa (Ontario)                               


                                                  

                                 COUR FÉDÉRALE

Date : 20040119

Dossier : T-646-02

Entre :                          

DANIEL ROBITAILLE

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                              

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

                                                                                                                              




[1]           La Cour comprend qu'il s'agit ici de nouveau soupçons liés à un autre incident que celui décrit dans P-2.

[2]           Ceci distingue la présente cause de celle dans Zarzour c. Canada (Procureur général) [2000] A.C.F. no 103 (QL),où les parties avait soumis une preuve contradictoire sur la validité des accusations. Le défendeur avait même admis que M. Zarzour n'avait pas participé au complot pour attaquer un autre détenu (une des accusations qu'on demandait de rayer du dossier).


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