Date : 20250129
Dossier : T-2144-23
Référence : 2025 CF 179
[TRADUCTION FRANÇAISE RÉVISÉE PAR L’AUTRICE]
Ottawa (Ontario), le 29 janvier 2025
En présence de madame la juge Tsimberis
ENTRE : |
T. ROWE PRICE GROUP, INC.
|
demanderesse |
et |
GLIDEPATH TECHNOLOGIES INC. |
défenderesse |
JUGEMENT ET MOTIFS
I. Aperçu
[1] La demanderesse, T. Rowe Price Group, Inc. [Rowe], interjette appel en vertu de l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 [la LMC], et de l’alinéa 300d) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, contestant la décision de la Commission des oppositions des marques de commerce [la Commission] datée du 8 août 2023 (2023 COMC 140) [Décision]. La Commission a rejeté l’opposition de Rowe à la demande de la défenderesse Glidepath Technologies Inc [Glidepath] portant le numéro de demande 1,906,787 pour la marque de commerce LIVE WITH CONFIDENCE en association avec les services reproduits ci-dessous, sur la base de motifs d’opposition variés, incluant la non-enregistrabilité en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la LMC :
[traduction]
Gestion de portefeuilles de valeurs mobilières; Services de portefeuille d’investissement, nommément services de conseil en planification financière et en placement, gestion de portefeuilles financier, conseils en placement financier, analyse de placements financiers et recherche de titres, placements financiers dans le domaine des fonds communs de placement, placements financiers dans le domaine des valeurs mobilières; Exploitation d’un site Web dans le domaine de la gestion financière et de la planification financière.
[2] Dans son appel, Rowe sollicite un jugement annulant la Décision et enjoignant au registraire des marques de commerce de refuser la demande de Glidepath pour la marque de commerce LIVE WITH CONFIDENCE. Le présent appel porte uniquement sur le motif d’opposition invoqué par Rowe au titre de l’alinéa 12(1)d), basé sur soit la probabilité de confusion entre la marque de commerce LIVE WITH CONFIDENCE de Glidepath et les marques de commerce RETIRE WITH CONFIDENCE et INVEST WITH CONFIDENCE de Rowe, enregistrées en association avec des services dans les domaines de la planification de placements financiers, de la gestion de placements et des services de conseil. Plus précisément, le point central de cet appel est l’analyse et l’application faite par la Commission du facteur du degré de ressemblance prévu à l’alinéa 6(5)e), puisque la Commission a conclu que chacun des autres facteurs pertinents énoncés aux alinéas 6(5) a) à d) favorisaient Rowe.
[3] Dans son appel, Rowe soutient que la Commission a commis des erreurs de droit et des erreurs mixtes de fait et de droit dans son analyse du degré de ressemblance entre les marques que la Commission a trouvé « légèrement »
favorable à Glidepath. Glidepath soutient que ce n’est pas le cas et qu’aucune des questions en appel soulevées par Rowe ne rencontre la norme de contrôle stricte en appel d’une décision de la Commission. Rowe et Glidepath n’ont déposé aucun nouvel élément de preuve en appel.
[4] En résumé, après un examen attentif de la Décision et des observations des parties, je trouve que la Commission a commis à la fois une erreur de droit dans le test pour apprécier le degré de ressemblance entre les marques de commerce, et une erreur manifeste et dominante dans son application de ce test de degré de ressemblance. Pour les motifs qui suivent, j’accueille le présent appel, la Décision est annulée et j’ordonne au registraire des marques de commerce de refuser la demande de Glidepath pour la marque de commerce LIVE WITH CONFIDENCE.
II. Les questions en litige
[5] Rowe soulève trois (3) questions en appel :
[traduction]
- La Commission a commis une erreur en procédant à une comparaison côte à côte pour différencier les marques de commerce respectives des parties sur la base de leurs premiers éléments (c’est-à-dire une comparaison de
«
LIVE »
à«
INVEST »
et à«
RETIRE »
), même si elle avait déjà conclu que les marques de commerce sont comprises comme des « phrases unitaires » et qu’aucune partie n’est plus frappante ou unique;
2. La Commission a commis une erreur dans l’ appréciation du « degré de ressemblance »
, en concluant que les idées évoquées par les marques respectives des parties dans leur ensemble sont différentes sur la base des idées suggérés par «
LIVE »
par rapport à «
INVEST »
et à «
RETIRE »
, alors que la Commission avait déjà tiré la conclusion de fait que la suggestion des marques en tant que « phrases unitaires » état similaire et, en tout état de cause, a négligé d’apprécier le chevauchement évident des idées suggérées;
3. La Commission a commis une erreur en concluant que l’impact de la similarité est « minimisé »
par la nature suggestive de l’élément commun «
WITH CONFIDENCE »
après avoir conclu qu’il existe un « certain » degré de ressemblance en raison de la structure grammaticale similaire et de la deuxième partie commune des marques de commerce.
III. Analyse
1. Les normes de contrôle applicables
[6] La Cour d’appel fédérale a établi la norme de contrôle applicable à ce type de demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de la disposition d’appel prévue par l’article 56 de la LMC dans l’arrêt Clorox Company of Canada, Ltd c Chloretec s.e.c., 2020 CAF 76 [Clorox]. Si la nouvelle preuve déposée par les parties n’est pas pertinente (ou si aucune nouvelle preuve n’est produite), la Cour fédérale doit appliquer la jurisprudence de la Cour suprême sur les normes de contrôle en appel lorsqu’elle examine un appel interjeté en vertu du paragraphe 56(1) de la LMC (Clorox aux para 21-23; Miller Thomson SENCRL, srl c Hilton Worldwide Holding LLP, 2020 CAF 134 aux para 41, 42, tel que cité dans Tokai of Canada Ltd c Kingsford Products Company, LLC, 2021 CF 782 au para 22).
[7] Selon les directives de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Clorox, les normes de contrôle en appel énoncées dans l’arrêt Housen c Nikolaisen, 2002 CSC 33 [Housen], sont applicables en l’espèce. Pour les questions de fait et les questions mixtes de fait et de droit (à l’exception des questions de droit isolables), la norme applicable est donc celle de l’« erreur manifeste et dominante »
. Pour les questions de droit, la norme s’apparente à celle de la décision correcte.
[8] Par erreur « manifeste »
, on entend une erreur évidente, et par erreur « dominante »,
on entend une erreur qui a une incidence déterminante sur l’issue de l’affaire (Millennium Pharmaceuticals Inc c Teva Canada Limitée, 2019 CAF 273 au para 6). La norme de contrôle de l’erreur manifeste et dominante est un critère exigeant (voir Canada (Commissaire de la concurrence) c Rogers Communications Inc, 2023 CAF 16 [Rogers] au para 7). Comme la Cour d’appel fédérale l’a récemment indiqué, la Cour doit trouver une erreur manifeste et dominante ou une « erreur évidente »
« qui touche directement à l’issue de l’affaire »
pour infirmer une conclusion sur une question mixte de fait et de droit où les faits prédominent, puisque la Cour doit « défér[er] à l’avis du Tribunal, et ce considérablement »
(Rogers au para 7).
[9] Lorsqu’il s’agit d’une pure question de droit, la Cour peut examiner la question selon une norme qui s’apparente à celle de la décision correcte et elle a toute latitude pour substituer son opinion à celle du juge de première instance (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 37, citant Housen au para 8; voir également Clorox aux para 22, 23). Si aucun nouvel élément de preuve n’est déposé, la Cour applique la norme de la décision correcte qui ne commande aucune déférence à l’égard des conclusions du décideur sous‑jacent (Caterpillar Inc c Puma SE, 2021 CF 974 au para 35 (appel rejeté : 2023 CAF 4) citant Clorox au para 23). En d’autres termes, cette norme de contrôle en appel s’applique à la décision rendue sur les questions de droit pures soulevées en l’espèce (Pentastar Transport Ltd c FCA US LLC, 2020 CF 367 au para 45, cité dans Clorox au para 23).
(1) Première erreur alléguée – défaut de considérer les marques de commerce dans leur ensemble
[10] La première erreur alléguée par Rowe est que la Commission n’a pas considéré les marques dans leur ensemble en procédant à une comparaison côte à côte entre les marques respectives des parties pour distinguer le degré de ressemblance entre elles sur la base de leurs premiers éléments, même si elle avait déjà précédemment conclu que les marques de commerce devaient être comprises comme des phrases unitaires et qu’aucune partie des marques n’était plus frappante ou unique que le reste.
[11] Les paragraphes pertinents de la Décision visés en l’espèce sont les suivants :
[83] Lorsqu’il s’agit de déterminer le degré de ressemblance, la loi est claire qu’il faut évaluer les marques de commerce dans leur ensemble; il n’est pas approprié de les placer côte à côte dans le but de les comparer et de relever les ressemblances ou les différences entre leurs éléments constitutifs. De plus, bien que le premier élément de la marque de commerce soit habituellement le plus important aux fins de la distinction [voir Conde Nast Publications Inc c Union des Editions Modernes (1979), 46 CPR (2d) 183, à la p 188 (CF 1re inst)], la Cour suprême du Canada dans Masterpiece a indiqué que l’approche préférable pour comparer les marques consiste à déterminer d’abord s’il y a un aspect de la marque qui est particulièrement frappant ou unique.
[84] En l’espèce, je suis d’accord avec l’Opposante que ses marques de commerce INVEST WITH CONFIDENCE et RETIRE WITH CONFIDENCE visent à être interprétées comme des phrases unitaires. En effet, ce sont de courtes phrases semblables à des slogans suggérant aux consommateurs qu’ils peuvent investir ou prendre leur retraite [traduction] « en toute confiance » lorsqu’ils font appel aux services de l’Opposante. Je ne considère donc aucun des mots individuels (ou sous-ensemble de ceux-ci) comme étant particulièrement frappant ou unique.
[85] Dans le même ordre d’idées, je n’estime pas qu’une quelconque partie de la Marque de commerce est plus frappante ou unique que les autres. Comme c’est le cas avec les marques de commerce de l’Opposante, l’intention est qu’elle soit interprétée comme une phrase unitaire. La Marque de commerce est également suggestive puisqu’elle communique l’idée que les consommateurs peuvent vivre avec confiance lorsqu’ils font appel aux services de la Requérante.
[86] De plus, je suis d’accord avec la Requérante que les idées communiquées par les marques respectives des parties dans leur ensemble sont différentes puisque le premier mot « live » englobe tous les aspects de la vie d’un client et, par conséquent, possède quelque peu une signification plus large que les mots « invest » et « retire », lesquels font référence seulement à certains aspects particuliers de la vie.
[87] En bout de compte, bien qu’il y ait un certain degré de ressemblance en raison des structures grammaticales semblables et de la deuxième partie commune des marques (c.-à-d. l’expression « with confidence »), j’estime que l’impact de la similarité est atténué par le fait que cet élément commun est suggestif [voir Venngo Inc c Concierge Connection Inc, 2015 CF 1338 [Venngo], conf par 2017 CAF 96].
[88] Tout compte fait, j’estime que le facteur de ressemblance favorise légèrement la Requérante.
[12] Au paragraphe 83 de la Décision, la Commission a correctement énoncé la norme juridique applicable pour analyser le degré de ressemblance entre les marques de commerce. Aucune des parties ne débat cela. Il y a un débat, toutefois, entre les parties premièrement sur la question de savoir si l’erreur alléguée est une erreur de droit isolable ou une erreur mixte de fait et de droit et, deuxièmement, sur celle de savoir si la Commission a commis une erreur quelconque. J’aborderai ces deux points successivement.
[13] Rowe soutient que la question de savoir si la Commission a fait défaut d’apprécier les marques dans leur ensemble en procédant uniquement à une comparaison côte à côte des marques de commerce des parties basé uniquement sur leurs premiers éléments constitue une erreur de droit isolable, même si la Commission a correctement énoncé l’approche préférable de la Cour suprême du Canada qui est « de se demander d’abord si l’un des aspects de celle-ci est particulièrement frappant ou unique »
(Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27 [Masterpiece] au para 64). Rowe soutient que le défaut de pas apprécier les marques de commerce dans leur ensemble était le résultat de l’application par la Commission d’une incorrecte norme juridique, ce qui équivaut à une erreur de droit isolable susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte. Dans l’alternative, Rowe soutient qu’il s’agit d’une erreur manifeste et dominante sur une question mixte de fait et de droit.
[14] Rowe s’appuie également sur la décision International Stars SA c Simon Chang Design Inc, 2013 CF 1041 [International Stars], dans laquelle le juge Campbell a conclu que la conclusion de la Commission selon laquelle « les différences entre les marques sont suffisantes pour rendre la confusion improbable »
était « le résultat d’une comparaison côte à côte, et constitu[ait] une erreur de droit »
(International Stars au para 10).
[15] Glidepath soutient que la Commission a à la fois cité et appliqué la correcte approche pour apprécier le degré de ressemblance entre les marques de commerce, et que l’allégation de Rowe selon laquelle la Commission s’est livrée à une comparaison côte à côte des marques de commerce n’est exacte car la Commission a conclu qu’aucun aspect de la marque n’était plus frappant ou unique que le reste, et que le premier mot de la marque devrait donc être retenu comme l’élément le plus important au moment de déterminer la confusion, citant également l’arrêt Masterpiece au paragraphe 64.
[16] Dans son ensemble, les paragraphes 63 à 65 de la section intitulée « (7) La ressemblance entre les marques de commerce en litige »
de l’arrêt Masterpiece se lisent comme suit :
[63] Le premier mot qui figure dans les marques de commerce d’Alavida et de Masterpiece Inc. est le même, à savoir « Masterpiece ». Il a été établi que le premier mot est important lorsqu’il s’agit d’établir le caractère distinctif d’une marque (voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des éditions modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.), le juge Cattanach, p. 188).
[64] Il est vrai que dans certains cas le premier mot sera l’élément le plus important pour établir le caractère distinctif d’une marque de commerce, mais j’estime qu’il est préférable de se demander d’abord si l’un des aspects de celle-ci est particulièrement frappant ou unique. En l’espèce, les mots « Living » ou « the Art of Living » ne sont en rien frappants ou uniques. « Masterpiece » est le mot qui distingue Alavida et Masterpiece Inc. des autres fournisseurs de services de résidence pour personnes âgées. Il est raisonnable de conclure qu’il est le mot dominant dans les marques de commerce de l’une et de l’autre. En outre, il est évidemment commun à ces marques. De même, dans le contexte du secteur des résidences pour personnes âgées, l’idée évoquée par le mot « Masterpiece », à savoir la retraite dans le luxe, est la même tant pour la marque d’Alavida que pour celle de Masterpiece Inc. Enfin, le mot « Living » est lui aussi commun aux marques d’Alavida et de Masterpiece Inc.
[65] Compte tenu de ces similitudes frappantes, j’estime, en toute déférence, qu’il est très difficile de ne pas conclure qu’il existe globalement une forte ressemblance entre les deux marques de commerce de Masterpiece Inc. et celle d’Alavida.
[Notre accentuation.]
[17] Pour être certaine, je note que l’approche énoncée dans l’arrêt Masterpiece, qui est reproduite ci-dessus, n’empêche pas le premier mot d’une marque de commerce d’être l’aspect le plus frappant ou unique d’une marque de commerce. J’interprète cependant que l’approche énoncée dans l’arrêt Masterpiece a supprimé la présomption ou l’approche utilisée par défaut selon laquelle le premier mot est l’élément le plus important lorsqu’il s’agit d’apprécier le degré de ressemblance entre les marques de commerce, comme le soutient Glidepath aux paragraphes 39, 41 et 44 de son mémoire des faits et du droit reproduits ci-dessous :
[traduction]
39. Il est bien établi dans la jurisprudence que l’approche préférable à adopter dans l’appréciation de la probabilité de confusion consiste d’abord à examiner s’il y a un aspect d’une marque de commerce qui est particulièrement frappant ou unique, faute de quoi, le premier mot de la marque devrait être retenu comme l’élément le plus important dans l’appréciation de la confusion.
41. À défaut de relever un aspect particulièrement frappant ou unique des marques de la demanderesse et de la marque contestée, la [Commission] a souligné à juste titre le principe mentionné auparavant selon lequel le premier mot ou la première syllabe d’une marque de commerce est généralement l’élément le plus important aux fins d’appréciation de la confusion.
44. Par conséquent, la Commission ne doit pas disséquer les parties constitutives des marques de commerce lorsqu’elle compare pour apprécier le degré de ressemblance et la confusion, sauf dans certains cas, notamment en ce qui concerne le premier élément/mot, qui est reconnu comme l’élément le plus important.
[Notre accentuation.]
[18] Je ne souscris pas à ce résumé du droit fait par Glidepath. En fait, il est entièrement loisible et dans les limites de la jurisprudence pour la Commission de déterminer que n’importe quel aspect ou aucun aspect d’une marque de commerce est le plus frappant ou unique.
[19] Ce point peut être illustré dans l’arrêt Masterpiece, comme je l’ai souligné plus haut. Le mot «
Masterpiece »
était le premier mot des marques de commerce en litige, et, après avoir déterminé l’approche préférable, le juge Rothstein a poursuivi en appliquant l’approche préférable et a conclu que le mot «
Masterpiece »
était le mot dominant dans les deux marques de commerce et qu’il était donc l’aspect le plus frappant des deux marques. À la lumière de ce qui précède, il a conclu qu’il était « très difficile de ne pas conclure qu’il existe globalement une forte ressemblance entre les deux marques de commerce de
Masterpiece Inc. et celle d’Alavida »
(Masterpiece au para 65).
[20] La situation est factuellement différente de l’affaire en l’espèce. La Commission a indiqué qu’elle n’a « consid[éré] [...] aucun des mots individuels (ou sous-ensemble de ceux-ci) comme étant particulièrement frappant ou unique »
au paragraphe 84 de la Décision et au paragraphe 85 de la Décision, la Commission a conclu qu’aucune partie des marques de commerce n’était plus frappante ou unique que les autres, et que les marques de commerce devaient plutôt être interprétées comme des phrases unitaires. Compte tenu de ces conclusions, je ne suis pas d’accord avec l’argument de Glidepath selon lequel le premier mot de la marque de commerce devrait être retenu comme l’élément le plus important dans l’appréciation de la confusion, car ce n’était pas l’approche énoncée et appliquée dans l’arrêt Masterpiece. Comme je l’ai mentionné précédemment, le juge Rothstein a appliqué ce qu’il a dit être l’approche préférable pour examiner d’abord s’il y a un aspect de la marque de commerce qui est particulièrement frappant ou unique, concluant que le mot «
Masterpiece »
était le mot dominant dans les marques de commerce en cause, qu’il soit ou non le premier mot de l’une ou l’autre des marques de commerce (Masterpiece aux para 63-64). Dans la présente affaire, la Commission ne considérait « aucun des mots individuels (ou sous-ensemble de ceux-ci) »
comme étant dominant, frappant ou unique.
[21] Ensuite, Rowe a utilement invoqué l’arrêt Housen pour illustrer comment ce qui peut paraître une question mixte de fait et de droit peut en fait être, dans certaines circonstances, une question de droit :
27 Une fois établi que la question examinée exige l’application d’une norme juridique à un ensemble de faits et qu’il s’agit donc d’une question mixte de fait et de droit, il faut alors déterminer quelle est la norme de contrôle appropriée et l’appliquer. Vu les diverses normes de contrôle qui s’appliquent aux questions de droit et aux questions de fait, il est souvent difficile de déterminer celle qui s’applique. Dans l’arrêt Southam, précité, par. 39, notre Cour a expliqué comment une erreur touchant une question mixte de fait et de droit peut constituer une pure erreur de droit, assujettie à la norme de la décision correcte :
. . . si un décideur dit que, en vertu du critère applicable, il lui faut tenir compte de A, B, C et D, mais que, dans les faits, il ne prend en considération que A, B et C, alors le résultat est le même que s’il avait appliqué une règle de droit lui dictant de ne tenir compte que de A, B et C. Si le bon critère lui commandait de tenir compte aussi de D, il a en fait appliqué la mauvaise règle de droit et commis, de ce fait, une erreur de droit.
Par conséquent, ce qui peut paraître une question mixte de fait et de droit peut, après plus ample examen, se révéler en réalité une pure erreur de droit.
(Housen au para 27, citant Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c Southam Inc, [1997] 1 RCS 748, 1997 CanLII 385 (CSC) [Southam] au para 39; notre accentuation.)
[22] Je suis d’accord avec Rowe que, alors que l’application du droit pour produire une conclusion prétendument incorrecte constitue typiquement une question mixte de fait et de droit, une conclusion incorrecte résultant de l’application de la mauvaise norme juridique pour tirer une conclusion erronée constitue effectivement une erreur de droit. Contrairement aux observations de Glidepath, le fait que Commission ait correctement énoncé la norme juridique applicable ne signifie pas par défaut que la Commission a correctement appliqué le droit applicable. Si la Commission a considéré, puis comparé, uniquement le premier mot de chacune des marques de commerce des parties en dépit de l’approche dans l’arrêt Masterpiece, et des instructions dans l’arrêt Masterpiece selon lesquelles « ni l’expert, ni le tribunal ne doit considérer chaque partie [d’une marque] séparément des autres éléments »
(Masterpiece au para 83) et selon lesquelles « les juges doivent évidemment examiner chaque marque litigieuse globalement, mais aussi eu égard à la caractéristique dominante de chacune, sa caractéristique la plus frappante ou singulière »
(Masterpiece au para 92), la Commission n’a pas incorrectement appliqué le droit applicable, elle a appliqué le mauvais droit. Pour mettre cela dans les propos des arrêts Housen/Southam, l’arrêt Masterpiece exigeait de la Commission qu’elle considère les marques de commerce dans leur ensemble (A), en suivant l’approche préférable (B), et non pas qu’elle procède à une analyse côte à côte en décomposant chaque marque en ses parties constitutives et en s’adonnant à un comparaison côte à côte de ces parties constitutives (C). N’ayant que partiellement suivi l’approche préférable en identifiant qu’aucune partie des marques de commerce n’est plus frappante ou unique que le reste (B) et qu’il s’agit donc de phrases unitaires, puis en procédant à une analyse côte à côte uniquement de la première partie des marques de commerce (et non des marques dans leur ensemble), la Commission a en fait appliqué le mauvais droit (appliquant seulement B et n’appliquant pas A et C). Par conséquent, en appliquant l’arrêt Housen, la première erreur soulevée par Rowe est une pure question de droit, et je l’examinerai selon la norme de la décision correcte.
[23] Bien qu’elle ait correctement énoncé le principe selon lequel « la loi est claire qu’il faut évaluer les marques de commerce dans leur ensemble; [qu’]il n’est pas approprié de les placer côte à côte dans le but de les comparer et de relever les ressemblances ou les différences entre leurs éléments constitutifs »
, et qu’elle ait noté avec raison l’approche préférable énoncée dans l’arrêt Masterpiece mentionnée ci-dessus, la Commission semble continuer, au paragraphe 86 de la Décision, non seulement à disséquer les phrases unitaires en différents éléments, mais elle procède ensuite à une sorte de comparaison côte à côte du premier élément de chaque marque en analysant l’idée évoquée par le mot «
live » spécifiquement en référence aux idées
évoquées par les mots «
invest »
et « retire »
. Lu dans son ensemble, il semble que la Commission a seulement trouvé une différence dans les idées évoquées par les marques de commerce respectives, parce qu’ils ont comparé les premiers éléments des marques et l’ont subséquemment utilisés comme points de référence pour les distinguer l’une de l’autre. Sur la base de l’analyse limitée effectuée au paragraphe 86, il semble, à mon avis, qu’il n’y ait pas d’autre conclusion à tirer de la Décision que le fait que la Commission n’aurait pu parvenir à la conclusion qu’elle a tirée, en utilisant les motifs qu’elle a exposés, que si elle n’avait pas considérer les marques de commerce des parties dans leur ensemble et qu’elle avait plutôt procédé à une comparaison côte à côte, en décomposant chaque marque en ses éléments constitutifs et en comparant les idées suggérées entre les éléments constitutifs des marques de commerce. Je souscris à l’observation de Rowe selon laquelle l’application déficiente du critère du degré de ressemblance, c’est-à-dire le défaut de la Commission d’apprécier les marques dans leur ensemble, a amené la Commission à conclure à tort que les « idées suggérées »
par les marques des parties sont différentes.
[24] À mon avis respectueux, je conclus par conséquent que la Commission a commis une erreur de droit en appliquant une norme juridique différente et contraire à l’approche prescrite dans l’arrêt Masterpiece. Ayant conclu que la Commission avait commis une erreur de droit sur ce point, je compléterai l’analyse selon la norme de la décision correcte en appliquant le bon droit pour déterminer la bonne issue. Si je n’avais pas conclu que la Commission avait commis une erreur de droit, j’aurais néanmoins convenu avec Rowe qu’il s’agissait d’une erreur manifeste et dominante sur une question mixte de fait et de droit, essentiellement pour les motifs exposés à la section C ci-dessous.
[25] Après avoir examiné la preuve et les observations des parties présentées à la Cour sur ce point, je suis d’accord avec la Commission que les marques de commerce des parties sont toutes des phrases unitaires, étant donné qu’aucun aspect des marques de commerce ne semble plus frappant ou unique que les autres. Je suis également d’accord que l’expression «
WITH CONFIDENCE »
dans chaque marque de commerce, dans le contexte du public ciblé et des services offerts par les deux parties, sont des mots du dictionnaire qui, s’ils sont interprétés au sein des marques de commerce dans leur ensemble, suggèrent qu’un consommateur peut vivre, investir ou prendre sa retraite en ayant confiance dans sa sécurité financière, lorsqu’il fait appel à l’un ou l’autre des services de gestion financière des parties. Je suis aussi d’accord avec la Commission que les marques de commerce de Rowe, INVEST WITH CONFIDENCE et RETIRE WITH CONFIDENCE, sont de courtes phrases semblables à un slogan (3 mots) qui suggèrent aux consommateurs qu’ils peuvent investir ou prendre leur retraite [traduction] « en toute confiance »
lorsqu’ils font appel aux services de Rowe. Je suis également d’avis que la marque de commerce de Glidepath. LIVE WITH CONFIDENCE, est une courte phrase semblable à un slogan (3 mots) qui suggère aux consommateurs qu’ils peuvent vivre [traduction] « en toute confiance »
lorsqu’ils font appel aux services de Glidepath. Compte tenu des services pratiquement identiques en liaison avec lesquels les marques de commerce des parties sont utilisées, que la Commission a qualifiés de services de gestion et de conseil dans le domaine de la planification des finances et des investissements (Décision au para 78), et en considérant les idées suggérées par les marques de commerce dans leur ensemble, je ne vois que peu ou pas de distinction entre les significations respectives des marques de commerce, à savoir « vivre en toute confiance dans sa sécurité financière »
et « investir en toute confiance dans sa sécurité financière » ou « prendre sa retraite en toute confiance dans sa sécurité financière »
. Je ne trouve pas de sens à vivre en toute confiance dans sa sécurité financière si l’on n’investit pas ou l’on ne prend pas sa retraite avec la même confiance. Je juge que les marques de commerce se ressemblent suffisamment dans les idées qu’elles suggèrent pour que le facteur du degré de ressemblance favorise Rowe.
[26] Comme la Commission a conclu que tous les autres facteurs de l’analyse de la probabilité de confusion favorisaient Rowe et, après avoir appliqué le bon droit selon l’approche énoncée dans l’arrêt Masterpiece, le facteur du degré de ressemblance favorise également Rowe pour les motifs mentionnés précédemment et ceux exposés au paragraphe 32 ci-dessous. Je conclus que, pour un consommateur ordinaire « plutôt pressé »
qui se fit à sa première impression selon un souvenir vague ou imparfait (Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23 [Veuve] au para 20), il existe une probabilité de confusion entre la marque de commerce visée par la demande d’enregistrement LIVE WITH CONFIDENCE de Glidepath et les marques de commerce enregistrées INVEST WITH CONFIDENCE et RETIRE WITH CONFIDENCE de Rowe. Par conséquent, conformément à l’alinéa 12(1)d) de la LMC, la marque de commerce LIVE WITH CONFIDENCE de Glidepath n’est pas enregistrable.
2. Deuxième erreur alléguée – erreur dans l’appréciation du « degré de ressemblance »
, en établissant une distinction entre les idées suggérées par «
LIVE
»
par rapport à celles suggérées par «
INVEST
»
et «
RETIRE
»
, malgré des conclusions de fait antérieures
[27] Je commence par souligner qu’à mon avis, la deuxième erreur alléguée de Rowe est essentiellement la même que la première erreur alléguée, à la différence que la première erreur alléguée est formulée comme une question de droit, alors que la deuxième erreur alléguée soulève la même erreur comme une question mixte de fait et de droit. Les positions des parties sur cette erreur sont, dans leur fond, les mêmes que leurs positions sur la première erreur alléguée. Dans son mémoire des faits et du droit, Glidepath argumente ce qui suit :
[traduction]
53. Dans la décision, la [Commission] a fait remarquer qu’aucun élément des marques de la demanderesse ou de la marque contestée n’était particulièrement frappant ou unique, concluant que les marques de commerce devaient être comprises comme des phrases unitaires.
54. À la suite de cette conclusion, la Commission s’est penchée sur les idées communiquées par les marques de commerce respectives des parties dans leur ensemble. Cela a conduit la Commission à accorder moins de poids aux aspects des marques de commerce qui se ressemblaient – les deuxièmes parties communes des marques de commerce – et plus de poids aux idées communiquées par les marques dans leur ensemble.
[Caractères gras dans l’original.]
[28] Aux paragraphes 84 et 85 de la Décision reproduits ci-dessus au paragraphe 11, la Commission conclut et renforce continuellement sa conclusion selon laquelle les marques de commerce sont destinées à être comprises comme des phrases unitaires, et la Commission les considère comme telles, avec les « phrases [...] suggérant aux consommateurs qu’ils peuvent investir ou prendre leur retraite [traduction] "en toute confiance" lorsqu’ils font appel aux services [de la demanderesse] »
de Rowe et avec la marque de commerce de Glidepath qui « communique l’idée que les consommateurs peuvent vivre avec confiance lorsqu’ils font appel aux services [de la défenderesse] »
. Malgré cela, et comme discuté au paragraphe 22 ci-dessus, la Commission n’analyse pas le degré de ressemblance des marques de commerce comme s’il s’agissait de phrases unitaires; au paragraphe 86 de la Décision, elle analyse plutôt les idées évoquées par les marques de commerce respectives des parties en se basant sur les idées suggérées uniquement en fonction du premier mot de chaque marque de commerce.
[29] Encore une fois, j’ai trouvé l’arrêt Housen instructif sur ce point :
28 Cependant, lorsque l’erreur ne constitue pas une erreur de droit, une norme de contrôle plus exigeante s’impose. Dans les cas où le juge des faits examine tous les éléments de preuve que le droit lui commande de prendre en considération mais en tire néanmoins une conclusion erronée, il commet alors une erreur mixte de fait et de droit, qui est assujettie à une norme de contrôle plus rigoureuse : Southam, précité, par. 41 et 45. Bien que facile à énoncer, cette distinction peut s’avérer difficile à établir en pratique parce que les questions mixtes de fait et de droit s’étalent le long d’un spectre comportant des degrés variables de particularité. Cette difficulté a été soulignée dans l’arrêt Southam, par. 37 :
. . . il arrive que les faits dans certaines affaires soient si particuliers, de fait qu’ils soient si uniques, que les décisions concernant la question de savoir s’ils satisfont aux critères juridiques n’ont pas une grande valeur comme précédents. Si une cour décidait que le fait d’avoir conduit à une certaine vitesse, sur une route donnée et dans des conditions particulières constituait de la négligence, sa décision aurait peu de valeur comme précédent. Bref, plus le niveau de généralité de la proposition contestée se rapproche de la particularité absolue, plus l’affaire prend le caractère d’une question d’application pure, et s’approche donc d’une question de droit et de fait parfaite. Voir R. P. Kerans, Standards of Review Employed by Appellate Courts (1994), aux pp. 103 à 108. Il va de soi qu’il n’est pas facile de dire avec précision où doit être tracée la ligne de démarcation; quoique, dans la plupart des cas, la situation soit suffisamment claire pour permettre de déterminer si le litige porte sur une proposition générale qui peut être qualifiée de principe de droit ou sur un ensemble très particulier de circonstances qui n’est pas susceptible de présenter beaucoup d’intérêt pour les juges et les avocats dans l’avenir.
(Housen au para 28, citant Southam au para 37).
[30] Même si je n’avais pas conclu que la Commission avait commis une erreur de droit en ce faisant, je trouve sa manière d’analyser le degré de ressemblance entre les marques de commerce en fonction des idées suggérées par leurs premiers mots seulement est entièrement contraire à sa conclusion selon laquelle les marques de commerce sont des phrases unitaires. Il est intrinsèquement inconséquent, incohérent et illogique de conclure que les marques de commerce doivent être comprises comme des phrases unitaires et, du même coup, de les apprécier en se basant uniquement sur des idées suggérées uniquement par leurs premiers mots. Si les marques de commerce sont des phrases unitaires, elles doivent être appréciées en fonction des idées suggérées par chaque phrase unitaire dans son ensemble. Pour caractériser à nouveau cette erreur dans les termes utilisé dans l’arrêt Housen, même si la Commission a examiné tous les éléments de preuve requis, la Commission est arrivée à une conclusion erronée en raison de son application déficiente du droit aux faits.
[31] Cette conclusion de la Commission semble être le seul élément qui a fait pencher le facteur du degré de ressemblance en faveur de Glidepath. Si cette conclusion est une erreur, il va de soi que tous les facteurs soient alors en faveur de Rowe, et la Commission aurait conclu qu’il existait une probabilité de confusion entre les marques de commerce. Puisque c’est en effet le cas, je conclus que la Commission a commis une erreur en appréciant le degré de ressemblance entre les marques de commerce en fonction des idées suggérées uniquement par le premier mot de chaque marque de commerce. Comme cette analyse semble avoir fait pencher le facteur du degré de ressemblance en faveur de Glidepath, qui est le seul facteur en faveur de Glidepath, je conclus que la Commission a commis une erreur manifeste et dominante en procédant à uneanalyse entre des marques de commerce comme des phrases unitaires basée sur les idées suggérées uniquement par le premier mot de chaque marque de commerce. Cette erreur est manifeste et dominante, parce que, comme l’explique le juge Stratas, il s’agit d’« une "erreur évidente" "qui touche directement à l’issue de l’affaire" »
, ou plutôt, l’« arbre »
tout entier de la décision tombe (Rogers au para 7).
[32] En plus des conclusions de la Commission aux paragraphes 84 et 85 de la Décision que j’ai résumées au paragraphe 20 ci-dessus, la Commission a poursuivi au paragraphe 67 de la Décision en convenant que l’expression «
with confidence »
dans les trois marques « fait allusion à la relation de confiance sur laquelle repose la prestation de services de gestion des investissements financiers et de conseil »
, et elle conclut que les mots «
live »
, «
invest »
et « retire »
dans les marques de commerce LIVE WITH CONFIDENCE, INVEST WITH CONFIDENCE et RETIRE WITH CONFIDENCE « suggèr[ent] que l’on peut vivre, investir et prendre sa retraite en toute confiance dans sa sécurité financière »
. Je suis d’accord avec la défenderesse que la Commission a tiré des conclusions de fait selon lesquelles la connotation des trois marques en tant que phrases unitaires étaient similaire et qu’elles étaient toutes liées par l’expression « en toute confiance dans sa sécurité financière »
, ce qui sous-entend que les marques sont similaires dans les idées suggérées lorsqu’elles sont considérées dans leur ensemble. À mon avis, de telles « conclusions de fait […] ne vont pas ensemble »
et constituent une erreur manifeste de la part de la Commission (Arterra Wines Canada Inc c Diageo North America, Inc, 2020 CF 508 au para 31, citant la Cour d’appel fédérale dans Mahjoub c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 157 au para 62) :
[62] Par erreur « manifeste », on entend une erreur évidente. Bien des choses peuvent être qualifiées de « manifestes ». À titre d’exemples, mentionnons l’illogisme évident dans les motifs (notamment les conclusions de fait qui ne vont pas ensemble), les conclusions tirées sans éléments de preuve admissibles ou éléments de preuve reçus conformément à la doctrine de la connaissance d’office, les conclusions fondées sur des inférences erronées ou une erreur de logique, et le fait de ne pas tirer de conclusions en raison d’une ignorance complète ou quasi complète des éléments de preuve.
[Notre accentuation.]
[33] Je suis d’accord avec Rowe que les conclusions et l’appréciation incohérentes de la Commission concernant les idées communiquées par les marques de commerce des parties constituent une erreur manifeste et dominante. Mis à part l’analyse des idées suggérées par les marques de commerce des parties, la Commission n’a pas tiré d’autres conclusions claires concernant les différences dans la présentation ou le son des marques de commerce respectives des parties, concluant seulement que la structure grammaticale des marques de commerce était similaire et a terminé ainsi l’analyse au paragraphe 88 : « Tout compte fait, j’estime que le facteur de ressemblance favorise légèrement la [défenderesse]. »
Par conséquent, il n’est pas nécessaire que je n’aie pas à soupeser les conclusions de la Commission sur le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son et mes conclusions sur le degré de ressemblance dans les idées suggérées par les marques de commerce. En considérant les éléments de preuve présentés à la Commission de novo sur le degré de ressemblance des marques dans les idées qu’elles suggèrent, compte tenu de ce que je considère être une forte ressemblance entre les marques, et étant donné que la Commission a conclu que tous les autres facteurs dans l’analyse de la confusion favorisaient Rowe, je conclus que, pour un consommateur ordinaire « plutôt pressé »
qui se fit à sa première impression selon un souvenir vague ou imparfait (Veuve au para 20), il existe une probabilité de confusion entre la marque de commerce LIVE WITH CONFIDENCE de Glidepath ainsi que les marques de commerce INVEST WITH CONFIDENCE et RETIRE WITH CONFIDENCE de Rowe. Par conséquent, conformément à l’alinéa 12(1)d) de la LMC, la marque de commerce LIVE WITH CONFIDENCE de Glidepath n’est pas enregistrable.
(2) Troisième erreur alléguée – a commis une erreur en concluant que la nature suggestive de l’expression «
WITH CONFIDENCE »
minimisait le degré de ressemblance
[34] Ayant déjà conclu que la Commission avait commis à la fois une erreur de droit ainsi qu’une erreur manifeste et dominante qui avaient influencé le facteur du degré de ressemblance en faveur de Glidepath, et étant donné que tous les autres facteurs relatifs à la confusion favorisaient Glidepath, j’estime qu’il n’est pas nécessaire de consacrer des ressources judiciaires à analyser trop en détail la troisième erreur alléguée par Rowe. Par souci d’exhaustivité, je le ferai très brièvement.
[35] Glidepath argumente que l’affirmation de Rowe selon laquelle la Commission a commis une erreur en concluant que la similarité entre les marques des parties était « minimisé[e] »
par le fait que l’élément commun «
WITH CONFIDENCE »
était suggestif, ne correspond pas à une erreur manifeste et dominante. Il suffit de dire que je suis d’accord avec les observations de Rowe aux paragraphes 77, 78 et 79 de son mémoire des faits et du droit, que je reproduis ci-dessous :
[traduction]
77. En toute clarté, l’expression « WITH CONFIDENCE » en soi n’est pas suggestive de services de gestion de placements financiers et de conseil. L’expression ne peut devenir suggestive que lorsqu’elle est utilisée en combinaison avec les premiers mots. C’est la conclusion de fait à laquelle la [Commission] est arrivée lorsqu’elle a examiné le caractère distinctif inhérent des marques (Décision au para 67). Plus précisément, la [Commission] a conclu que l’expression « with confidence » n’était pas clairement descriptive des services, mais à tout le moins, qu’elle faisait allusion à la relation de confiance sur laquelle reposait la prestation de services de gestion des investissements financiers et de conseil lorsqu’elle était utilisée en combinaison avec les premiers mots « live », « invest » et « retire » — « mots du dictionnaire qui suggère[nt] que l’on peut vivre, investir et prendre sa retraite en toute confiance dans sa sécurité financière ». (Décision au para 67)
[Souligné dans l’original.]
78. Lorsqu’elle a appliqué le droit, la [Commission] a encore une fois fait défaut d’examiner les marques de commerce dans leur ensemble et comme des phrases unitaires, ce qui est contraire à la jurisprudence établie. Par exemple, dans l’arrêt Accessoires d’Autos Nordiques Inc c Société Canadian Tire Limitée, [2007 CAF 367 au para 23], la Cour d’appel fédérale a conclu ce qui suit :
En examinant la possibilité de confusion, les marques de commerce en question doivent être examinées comme un tout. Ce principe est énoncé dans le jugement British Drug Houses Ltd. c. Battle Pharmaceuticals, [1944] Ex. C.R. 239, à la page 251, confirmé par 1945 CanLII 49 (SCC), [1946] R.C.S. 50 :
[TRADUCTION] À mon avis, il est bien établi que, lorsque des marques de commerce sont formées d’une combinaison d’éléments, il n’est pas approprié, pour décider si elles sont semblables, de les décomposer selon leurs éléments, de se concentrer sur les éléments qui sont différents et de conclure qu’en raison des différences dans ces éléments, les marques dans leur ensemble sont différentes. Des marques de commerce peuvent être semblables lorsqu’on les regarde comme un tout, même si des différences peuvent apparaître dans certains éléments lorsqu’ils sont examinés séparément. C’est la combinaison des éléments qui compose une marque de commerce et qui lui confère son caractère distinctif, et c’est l’effet de la marque de commerce dans son ensemble plutôt qu’un élément particulier de cette marque qu’il faut considérer. (British Drug Houses, à la page 251).
[Soulignement dans l’original et caractères gras ajoutés.]
[36] Je suis d’accord avec Rowe que la Commission a commis une erreur au paragraphe 87 de sa Décision, lorsqu’elle a conclu que « l’impact de la similarité »
dans « la deuxième partie commune des marques (c.-à-d. l’expression "
with confidence") » « [était] atténué par le fait que cet élément commun [était] suggestif »
, et que le fait que la Commission se soit appuyé sur l’arrêt Venngo dans les circonstances factuelles différentes de la présente affaire est mal appliqué. Ce que le Membre de la Commission semblait dire, au paragraphe 87, c’est que l’expression «
WITH CONFIDENCE »
est suggestive, par conséquent, le Membre les minimise en considérant la ressemblance entre les marques dans leur ensemble. À mon avis, ce que le Membre semble avoir fait, cependant, c’est de les réduire à néant, en contradiction avec sa conclusion selon laquelle elles étaient suggestives (plutôt que clairement descriptive – voir le paragraphe 67 de la Décision). Puisque la Commission a conclu que l’expression «
WITH CONFIDENCE »
était uniquement suggestive, l’expression aurait dû être considérée en combinaison avec les premiers mots «
LIVE »
, «
INVEST »
ou «
RETIRE » dans leur totalité
, en tant que phrases unitaires (Décision aux para 84 et 85). À mon avis, il s’agit d’une erreur susceptible de contrôle semblable à l’« erreur »
que la Cour d’appel fédérale a relevée dans son arrêt Miss Univers, Inc c Bohna (CA), [1995] 1 CF 614 aux pages 629, 630; 1994 CanLII 3534, qui portait sur l’appel du jugement de la Cour fédérale statuant à l’absence de probabilité sérieuse de confusion entre les marques de commerce MISS NUDE UNIVERSE et MISS UNIVERSE :
Finalement, je note que le juge de première instance n’a pas mentionné, lorsqu’il a traité de la confusion, le facteur exposé à l’alinéa 6(5)e), c’est-à-dire le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux en ce qui concerne leur apparence, leur aspect phonétique ou les idées qu’ils suggèrent. La seule remarque qu’il a faite à ce sujet est la suivante, déjà citée, et elle visait le caractère distinctif de la marque de commerce projetée :
En outre, bien que les deux marques de commerce aient deux mots en commun, ma première impression lorsque j’examine les deux est que le mot « Nude » qui se trouve au milieu de la marque de commerce du requérant a une signification saisissante et qu’il fait comprendre à tout lecteur sauf le plus indifférent qu’il existe une différence profonde entre les deux concours. Par conséquent, la marque de commerce du requérant est distinctive.
Je veux bien admettre, pour les besoins de la cause, que le juge de première instance aurait également pu faire ces remarques dans le contexte de l’alinéa 6(5)e) et les traiter en conséquence.
À mon sens, c’est une erreur de considérer le mot « Nude », pris isolément, comme ayant « une signification saisissante ». Lorsque l’on considère les deux marques de commerce, on constate entre elles un degré de ressemblance. Ce degré peut ne pas être considérable si l’on regarde les marques dans leur ensemble « mais », pour citer de nouveau les motifs du juge en chef Thurlow dans l’arrêt Mr. Submarine, « il existe quand même une ressemblance et j’estime qu’on doit en tenir compte ». […]
[37] Ayant déjà complété ci-dessus l’analyse de novo du facteur du degré de ressemblance pour une autre erreur de droit ainsi que pour une erreur manifeste et dominante qui a fait pencher le facteur du degré de ressemblance en faveur de Glidepath, je suis d’avis qu’il n’est pas nécessaire de poursuivre davantage.
IV. Les dépens
[38] À l’audience, les parties ont convenu que des dépens de 5 000 $, y compris les taxes et débours, devraient être adjugés à la partie ayant gain de cause. Puisque j’ai conclu que Rowe avait eu gain de cause dans cet appel, j’adjugerai à Rowe des dépens de 5 000 $, y compris les taxes et débours.
V. Conclusion
[39] Compte tenu à la fois de l’erreur de droit dans l’application du critère visant à apprécier le degré de ressemblance entre les marques de commerce, qui a eu une incidence importante sur l’issue de la Décision, ainsi que des erreurs manifestes et dominantes relevées dans cette partie de la Décision, l’appel de Rowe est accueilli. Il sera ordonné au registraire des marques de commerce de refuser la demande de Glidepath pour la marque de commerce LIVE WITH CONFIDENCE. À titre de partie ayant obtenu gain de cause, Rowe se verra adjuger des dépens sous forme d’une somme globale convenue de 5 000 $, y compris les taxes et débours.
JUGEMENT dans le dossier T-2144-23
LA COUR STATUE :
La demande et le présent appel sont accueillis, avec des dépens de 5 000 $, y compris les taxes et débours, payables à T. Rowe Price Group, Inc.;
La décision de la Commission des oppositions des marques de commerce datée du 8 août 2023 (2023 COMC 140) rejetant l’opposition de T. Rowe Price Group, Inc. à la demande d’enregistrement no 1,906,787 est annulée;
La Cour ordonne au registraire des marques de commerce de rejeter la demande no 1,906,787 de Glidepath Technologies Inc. visant à enregistrer la marque de commerce LIVE WITH CONFIDENCE.
« Ekaterina Tsimberis »
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
T-2144-23 |
INTITULÉ :
|
T. ROWE PRICE GROUP, INC. c GLIDEPATH TECHNOLOGIES INC.
|
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
TORONTO (ONTARIO)
|
DATE DE L’AUDIENCE :
|
Le 18 juin 2024
|
JUGEMENT ET MOTIFS : |
LA JUGE TSIMBERIS
|
DATE DU JUGEMENT |
Le 29 janvier 2025
|
COMPARUTIONS :
Geoffrey D. Mowatt
Sangeetha Punniyamoorthy
Diane Hwang
|
POUR LA DEMANDERESSE |
Laurent Debrun
Nicholas Bakopanos |
POUR LA DÉFENDERESSE |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
DLA PIPER (CANADA) S.E.N.C.R.L.
TORONTO (ONTARIO)
|
POUR LA DEMANDERESSE |
SPIEGEL SOHMER INC.
Montréal (Québec)
|
POUR LA DÉFENDERESSE |