Date : 20250127
Dossier : IMM-16716-23
Référence : 2025 CF 161
Ottawa (Ontario), le 27 janvier 2025
En présence de l’honorable madame la juge Saint-Fleur
ENTRE :
|
EVELYN MARIA MANTILLA ZUNIGA |
Partie demanderesse |
et
|
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
Partie défenderesse |
JUGEMENT ET MOTIFS
I. Aperçu
[1] La demanderesse, Madame Evelyn Maria Mantilla Zuniga [demanderesse], sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 10 octobre 2023 par laquelle la Section de la protection des réfugiés [SPR] a rejeté sa demande d’asile, concluant qu’elle n’a pas la qualité de réfugiée au sens de la Convention ni celle de personne à protéger au titre des articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR] [Décision].
[2] La demanderesse soumet à la Cour que la décision de la SPR est erronée à plusieurs égards. Plus particulièrement, les conclusions rendues vis-à-vis de sa crainte subjective, de sa crainte de persécution aux mains des Forces armées révolutionnaires de Colombie [FARC] et du risque couru étant donné son genre seraient déraisonnables. Le défendeur soutient que la décision de la SPR est raisonnable et repose sur une analyse cohérente et rationnelle qui est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles qui s’imposaient.
[3] Pour les motifs exposés ci-dessous, la demande judiciaire est rejetée.
[4] La demanderesse est une citoyenne de la Colombie âgée de 43 ans. Au début de l’année 1999, les FARC ont contraint le frère de la demanderesse à effectuer des travaux d’électricité sur l’une de leurs bases. Quelques semaines plus tard, il s’est échappé et a contacté sa famille pour les aviser qu’ils s’exposaient désormais à un risque.
[5] Le frère est demeuré caché à Bogotá jusqu’au mois de mai 1999 avant de se rendre aux États-Unis. La demanderesse, sa mère et son plus jeune frère sont demeurés cachés en Colombie. La demanderesse a quitté la Colombie pour les États-Unis en novembre 1999, alors qu’elle était âgée de dix-huit ans. Sa mère et son plus jeune frère l’y ont rejointe en août 2000.
[6] En 2003, le frère aîné de la demanderesse a présenté une demande d’asile au Canada et cette demande a été accueillie. Sa mère et son plus jeune frère ont fait de même en 2008, et leur demande a également été accueillie.
[7] La demanderesse a continué de vivre aux États-Unis et n’a jamais demandé l’asile dans ce pays, car elle aurait été informée que les demandes d’asile de Colombiens étaient refusées et car elle a été capable d’y vivre sans statut sans être inquiétée par les autorités américaines.
[8] En 2021, la demanderesse a décidé de rejoindre sa famille et a réclamé l’asile au Canada. Elle allègue qu’advenant son retour en Colombie, les FARC la cibleraient parce que les ravisseurs de son frère connaissent les noms des membres de sa famille. Elle allègue aussi que suite aux accords de paix de 2016, des membres des FARC sont dans le gouvernement, quelqu’un qui se souvient de son frère et de sa famille reconnaîtra son nom et pourrait lui faire du mal ou la tuer en représailles de la fuite de son frère. La demanderesse allègue également craindre d’être persécutée en Colombie parce qu’elle est une femme célibataire qui serait désormais sans ressource familiale.
II. Décision faisant l’objet du contrôle judiciaire
A. La crainte subjective
[9] La SPR a conclu que les allégations de crainte subjective de persécution de la demanderesse n’étaient pas crédibles, car sa conduite ne reflétait pas une telle crainte en raison de la longue durée de son séjour aux États-Unis avant le dépôt de sa demande d’asile au Canada.
[10] La SPR a considéré que le comportement de la demanderesse, laquelle s’est volontairement inscrite auprès de l’autorité fiscale l’Internal Revenue Agency malgré le fait qu’elle savait se trouver aux États-Unis sans statut juridique, n’est pas compatible avec une crainte subjective d’être renvoyée en Colombie. La SPR a également examiné ses explications concernant le long délai entre le départ de la Colombie et la demande d’asile au Canada. La demanderesse a expliqué qu’elle n’aimait pas les hivers froids et qu’elle n’était pas émotionnellement prête à quitter jusqu’au début de la pandémie, ayant notamment été dans une relation amoureuse de longue durée de 2007 à 2015. La SPR a conclu que ces motifs étaient faibles en regard de la crainte de persécution et de préjudice alléguée en Colombie.
B. La crainte face aux FARC
[11] La SPR a conclu également que la crainte de la demanderesse à l’égard des FARC est spéculative, 25 ans après le départ de son frère de la Colombie.
[12] La SPR a expliqué que l’accent est mis sur la situation dans le pays au moment de l’audience (citant Canada (M.E.I.) v Paszkowska (1991), 13 Imm. L.R. (2d) 262 (CAF)), et que les conditions en Colombie relativement aux FARC ont considérablement changé depuis le départ de la demanderesse. La SPR a tenu compte de la preuve documentaire qui explique que 85 % des combattants des FARC ont été démobilisés volontairement après que la signature des accords de paix avec le gouvernement national en 2016, et que les dirigeants du parti FARC ont déclaré que le groupe irait de l’avant en tant que parti politique pacifique. La SPR a estimé qu’il n’y avait aucune preuve suggérant que les membres démobilisés des FARC qui font maintenant partie du gouvernement utilisent leurs positions pour poursuivre des personnes qui étaient ciblées par les FARC avant la démobilisation. La SPR a reconnu que des dissidents des FARC continuent de cibler des groupes politiques rivaux, y compris des membres démobilisés des FARC, mais que d’autres anciens membres des FARC sont plus susceptibles d’être la cible de violences que la population colombienne dans son ensemble.
[13] La SPR a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que le frère de la demanderesse n’était pas une cible de grande valeur pour les FARC. Cela, parce qu’il n’a jamais été membre ou impliqué matériellement dans le groupe, qu’il ne disposait pas d’informations sensibles sur le groupe et n’avait pas contesté l’autorité des FARC en signalant son enlèvement aux autorités. La SPR a jugé que la demanderesse n’a pas démontré que les FARC cibleraient son frère ou encore elle-même après tant d’années.
C. Persécution en raison du genre
[14] Finalement, la SPR a conclu que la demanderesse n’a pas démontré que le seul fait qu’elle soit une femme célibataire l’exposerait, en soi, à une possibilité sérieuse de persécution ou encore à une menace à sa vie ou à un risque de traitements ou peines cruels et inusités qui n’est généralement pas rencontré par d’autres en Colombie.
[15] La SPR a reconnu que « the objective evidence contained in the National Documentation Package (NDP) for Colombia confirms that femicide and sexual violence, as well as other forms of gender-based violence, are a concern in Colombia, particularly for Afro-Colombian, Indigenous, LGBTQ women and women from rural areas »
. La SPR a noté que toutefois, « [n]one of these profiles apply to the claimant, and there is no evidence that she is at risk from domestic violence »
. La SPR a indiqué que les hommes sont statistiquement plus susceptibles que les femmes d’être tués ou victimes de violence en Colombie tout en reconnaissant qu’il subsiste un écart entre les mesures législatives prises pour promouvoir l’équité entre les sexes et leur mise en œuvre.
III. Question en litige
[16] Les parties sont en accord qu’il y a seulement une question en litige :
IV. Norme de contrôle
[17] Les parties soutiennent, et je suis d’accord, que la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable.
[18] Selon Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], qui recherche un contrôle judiciaire a le fardeau de démontrer que la décision n’a pas les caractéristiques d’une décision raisonnable que sont la justification, la transparence et l’intelligibilité, la justification étant évaluée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes au cas (Vavilov aux para 99-100). Pour ce faire, la cour de révision est tenue au principe de la retenue judiciaire et adopte une attitude de respect à l’égard de la décision à l’étude (Vavilov aux para 13-14).
V. Analyse
A. La décision rendue par l’agent est-elle déraisonnable?
(1) Observations de la demanderesse
a) Les erreurs relatives à la crainte subjective
[19] La demanderesse soutient que dans son évaluation de la conduite de la demanderesse, la SPR n’a pas pris en compte son jeune âge à son arrivée aux États-Unis et de la barrière de la langue. Elle lui reproche également d’avoir ignoré le fait que l’Internal Revenue Agency est une agence indépendante des autorités de l’immigration, et que conséquemment, son inscription auprès de celle-ci n’avait aucun impact sur son risque d’appréhension par les autorités américaines.
b) Les erreurs relatives à la crainte face aux FARC
[20] La demanderesse prétend que la SPR a omis de considérer que son frère était en mesure d’identifier plusieurs membres des FARC et un laboratoire de transformation de drogues ainsi que ceux qui y travaillaient. La demanderesse soutient que, comme ces personnes sont susceptibles de s’en prendre à ceux qui seraient en mesure de les dénoncer aujourd’hui pour les crimes commis alors, ce manquement dans l’analyse de la SPR rend la décision déraisonnable à la lumière de la preuve documentaire sur la Colombie.
[21] La demanderesse ajoute que l’information contenue dans les onglets 7 et 7.4 du cartable national de documentation sur la Colombie [CND] confirme la présence continue de membres dissidents des FARC qui demeurent une source de risque pour la demanderesse. Elle prétend que, n’ayant pas expliqué pourquoi elle ignore cette documentation dans son analyse, la SPR a rendu une décision déraisonnable et inintelligible.
c) Les erreurs relatives à la persécution en raison du genre
[22] La demanderesse soutient que la preuve révèle qu’elle est célibataire et serait seule sans support de sa famille si elle devait retourner en Colombie. La SPR aurait dû tenir compte de cela dans son analyse.
[23] La demanderesse soutient que l’onglet 5 démontre que les femmes en Colombie sont toujours à risque de violence sexuelle de la part des FARC, et que la SPR n’en tient pas compte lorsqu’elle conclut que la demanderesse ne court pas de risque en Colombie en tant que femme.
[24] La demanderesse prétend également que la SPR n’a pas considéré la documentation récente portant sur la violence faite aux femmes en Colombie et porte plutôt son intérêt sur le sort réservé aux hommes dans ce pays. Elle aurait dû évaluer si son profil combiné de femme seule ayant fui les FARC la distinguait des autres personnes victimes de la violence en Colombie.
(2) Observations du défendeur
a) Les erreurs relatives à la crainte subjective
[25] Le défendeur prétend qu’il était raisonnable pour la SPR de conclure que la crainte subjective alléguée par la demanderesse n’est pas crédible. Un comportement incompatible avec cette crainte, comme un long délai avant de réclamer l’asile ou l’absence de démarche pour régulariser sa situation, sans explication raisonnable, peut sérieusement miner la crédibilité de la personne qui réclame l’asile (Cherifi c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2023 CF 458 aux para 24-26; Renee c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 409 [Renee] aux para 27-30).
b) Les erreurs relatives à la crainte face aux FARC
[26] Le défendeur soutient que le risque invoqué par la demanderesse est spéculatif et qu’elle n’a pas rempli son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle s’exposerait à un risque si elle devait aujourd’hui retourner en Colombie.
[27] Le défendeur souligne que la SPR a reconnu que le processus de paix n’a pas tout réglé et que certains membres dissidents des FARC ont formé des groupes armés qui continuent de commettre des actes violents contre des opposants politiques. Cependant, la preuve confirme que cette violence vise surtout les anciens membres des FARC qui ont été démobilisés, et non la population colombienne en général.
[28] Le défendeur prétend que la demanderesse n’a pas non plus démontré qu’elle serait elle-même visée en Colombie parce qu’une personne au sein du gouvernement ayant été membre des FARC pourrait potentiellement reconnaître son nom de famille. Le défendeur soutient premièrement qu’il n’y a « aucune preuve documentaire qui indique que les anciens membres des FARCs qui ont intégré le gouvernement utilisent maintenant leur position pour tenter de retracer d’anciennes cibles de l’organisation »
. Le défendeur ajoute que, deuxièmement, « rien n’indique que le frère aîné de la demanderesse était et demeure une cible d’importance pour les FARCs »
parce qu’il « n’a jamais été membre des FARCs, n’a jamais porté plainte à la police, ni rapporté les incidents dont il a été témoin, et il n’y a aucune preuve qu’il serait lui-même encore recherché aujourd’hui, près de vingt-cinq ans plus tard »
.
[29] Concernant l’omission par la SPR du fait que le frère pouvait identifier un laboratoire de transformation de drogues utilisé par les FARC, le défendeur prétend que non seulement la SPR est présumée avoir considéré tout ce qui lui a été présenté, mais que la demanderesse n’a aucunement expliqué en quoi cet élément changerait la conclusion de la SPR au sujet de l’absence de risque prospectif (Florea c Canada (M.E.I.), [1993] ACF no 598 au para 1; Newfoundland and Labrador Nurses' Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 aux para 14-16). Le défendeur ajoute que cela est d’autant plus vrai considérant que, à nouveau, il n’y a aucune indication à l’effet que le frère est toujours recherché par les FARC près d’un quart de siècle après les faits.
[30] Relativement à l’omission de la SPR de mentionner deux onglets du CND sur la Colombie, le défendeur souligne que la SPR a dûment tenu compte des éléments de preuve concernant les dissidents des FARC dans son analyse, et qu’elle n’avait pas à citer tous les onglets du CND qui en traitent.
c) Les erreurs relatives à la persécution en raison du genre
[31] Le défendeur prétend que, bien que la preuve contenue dans le CND indique que les féminicides, les violences sexuelles et d’autres formes de violence fondée sur le genre sont un problème en Colombie, la demanderesse ne correspond à aucun des profils qui, selon la preuve documentaire, sont les plus susceptibles d’être ciblés par ce type de violence.
[32] Le défendeur ajoute : « Le risque que la demanderesse soit visée par quelque forme de criminalité en Colombie est général et ne suffit pas en soi à établir un risque personnalisé donnant ouverture à la protection aux termes de l’article 97 de la LIPR. »
Le défendeur prétend que la demanderesse n’a fourni aucune preuve précise démontrant en quoi elle court un risque différent de celui auquel s’expose la population en général, et que sa demande ne pouvait donc être accueillie sur cette base (Prophète c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CAF 31; Henry c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 1210).
B. Analyse
(1) Les erreurs relatives à la crainte subjective
[33] J’estime que la SPR a raisonnablement déterminé que le long délai survenu entre les événements en Colombie qui datent de 1999 et la demande d’asile de la demanderesse au Canada en 2021 mine fondamentalement la crédibilité de sa crainte de retour alléguée en vertu des articles 96 et 97 de la LIPR.
[34] La SPR a considéré les explications de la demanderesse dans ses motifs, et a conclu qu’elles n’étaient pas satisfaisantes. La jurisprudence de cette Cour est claire à l’effet qu’il s’agit d’un comportement incompatible avec la crainte subjective, et qu’en l’absence d’une explication satisfaisante quant à la raison pour laquelle la protection n’a pas été réclamée à la première occasion, il est loisible au décideur de conclure que le demandeur d’asile ne craint pas véritablement d’être persécuté (Renee au para 27).
(2) Les erreurs relatives à la crainte face aux FARC
[35] Comme indiqué par le défendeur, la SPR n’est pas tenue de mentionner tous les éléments de preuve qu’elle a examinés, et il ressort clairement de ses motifs qu’elle a reconnu que les dissidents des FARC continuent de perpétrer des actes de violence en Colombie.
[36] Quant aux informations détenues par le frère de la demanderesse à propos de la localisation d’un laboratoire de transformation de drogues, je note que la SPR a conclu que le frère « did not have sensitive information about the group »
. Il est vrai qu’il s’agit d’une affirmation erronée puisque la demanderesse a indiqué dans son formulaire Fondement de la demande d’asile que son frère a vu un laboratoire. Même si le défendeur prétend que la demanderesse n’a aucunement expliqué en quoi cet élément changerait la conclusion de la SPR au sujet de l’absence de risque prospectif, je remarque plutôt que la demanderesse a expliqué que cette connaissance ferait de son frère une cible parce qu’il pourrait rapporter des crimes passés, et qu’elle serait elle-même une cible étant donné sa relation familiale. Néanmoins, je ne crois pas que l’inclusion de cette preuve à la décision aurait été conséquente, considérant le long passage du temps, désormais plus de 25 ans, et le fait que le frère, même s’il avait de l’information, n’a rien signalé aux autorités colombiennes; ce sont là les facteurs décisifs en l’espèce.
(3) Les erreurs relatives à la persécution en raison du genre
[37] La demanderesse reproche à la SPR d’avoir ignoré l’onglet 5 du CND qui documente des violences sexuelles à l’occasion de la démobilisation des FARC. Or, à nouveau, la SPR n’est pas tenue de mentionner précisément tous les éléments de preuves dont elle a tenu compte. L’onglet 5 fait état de violence sexuelle dans les endroits où la démobilisation des FARC avait lieu en 2016, et la SPR a justement reconnu l’existence de la violence sexuelle aujourd’hui en Colombie. La SPR a cependant jugé que la preuve documentaire indique que les femmes qui sont le plus susceptibles de subir cette violence sont les femmes autochtones, afro-américaines, issues de la communauté LGBTQ+ et celles vivant en milieu rural, ce qui ne correspond pas au profil de la demanderesse. Au regard de la preuve documentaire, cette conclusion est raisonnable.
[38] En d’autres mots, le risque de persécution comporte un élément de crainte subjective et un élément de crainte objective, et la demanderesse n’a pas lié les violences subies par les femmes en Colombie à sa situation personnelle (Sallai c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 446 aux para 64-73). Ce qui ressort de la décision de la SPR, c’est que la preuve documentaire au dossier ne permet pas conclure que la demanderesse ferait face à une possibilité sérieuse de persécution parce qu’elle est une femme seule en Colombie ou qu’elle y serait, selon la prépondérance des probabilités, exposée à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités de ce seul fait. L’exigence de crainte objective n’est pas remplie.
[39] La demanderesse reproche également à la SPR d’avoir porté son intérêt sur la violence faite aux hommes en Colombie plutôt que sur celle faite aux femmes, ce qui l’aurait empêchée d’analyser raisonnablement le risque de persécution encouru par la demanderesse étant donné son genre. Dans sa décision, la SPR reconnait que les violences sexuelles et les féminicides sont préoccupants en Colombie, mais observe que plus d’hommes que de femmes y sont violentés, surtout par des cartels. Cette remarque n’est pas pertinente. Le fait que les hommes subissent également de la violence, pour des raisons sur lesquelles la SPR ne s’avance d’ailleurs pas, n’exclut pas que des femmes puissent en subir en raison de leur genre. Cela dit, cette remarque de la SPR n’est pas « suffisamment capitale ou importante »
pour rendre la Décision déraisonnable (Vavilov au para 100).
[40] La demanderesse demande essentiellement à la Cour d’examiner et d’apprécier de nouveau la preuve que la SPR a elle-même examinée et appréciée. Malheureusement, ce n’est pas le rôle de la Cour dans le contexte du contrôle judiciaire (Zhang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 1308 au para 36; Vavilov aux para 124-125).
VI. Conclusion
[41] Pour les motifs exposés ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
[42] Les parties ne soulèvent pas de question certifiée, et je conviens qu’aucune ne se pose.
JUGEMENT dans IMM-16716-23
LA COUR STATUE que :
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Il n’y a aucune question à certifier.
« L. Saint-Fleur »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
IMM-16716-23 |
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INTITULÉ :
|
EVELYN MARIA MANTILLA ZUNIGA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
|
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
MONTRÉAL (QUÉBEC) |
|
DATE DE L’AUDIENCE :
|
LE 22 JANVIER 2025 |
|
JUGEMENT ET MOTIFS :
|
LA JUGE SAINT-FLEUR |
|
DATE DES MOTIFS :
|
LE 27 JANVIER 2025 |
|
COMPARUTIONS :
Me Jacques Beauchemin |
POUR LA DEMANDERESSE |
Me Guillaume Bigaouette |
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
BEAUCHEMIN Avocat Montréal (Québec) |
POUR LA DEMANDERESSE |
Procureur général du Canada Montréal (Québec) |
POUR LE DÉFENDEUR |