Date : 20250127
Dossier : IMM-11206-23
Référence : 2025 CF 166
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Toronto (Ontario), le 27 janvier 2025
En présence de madame la juge Whyte Nowak
ENTRE : |
TAHEREH POURGHASEM |
demanderesse |
et |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
I. Aperçu
[1] La demanderesse, Tahereh Pourghasem, sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 18 août 2023 par laquelle la Section d’appel des réfugiés [la SAR] a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés [la SPR] portant qu’elle n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni qualité de personne à protéger aux termes des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. La demanderesse a fait principalement valoir en appel devant la SAR qu’elle avait été représentée de manière incompétente et négligente par son ancien conseil [l’ancien conseil], ce qui avait eu une incidence sur tous les aspects de sa demande et avait notamment amené la SPR à conclure que son témoignage n’était pas crédible et que sa conversion au christianisme n’était pas authentique.
[2] Pour les motifs exposés ci-dessous, je conclus que la demanderesse n’a pas démontré que la décision de la SAR est déraisonnable. La SAR a effectué une évaluation raisonnable des allégations de la demanderesse et a conclu que l’ancien conseil avait satisfait à la norme de compétence professionnelle requise, de sorte qu’il faudrait que la Cour apprécie à nouveau la preuve pour modifier les conclusions de la SAR, ce qu’elle ne peut pas faire. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire en l’espèce sera rejetée.
II. Faits
[3] La demanderesse est une citoyenne de l’Iran. Il s’agit d’une femme divorcée et qui était dans la fin de la soixantaine au moment de l’instance. Elle a une scolarité limitée et un faible niveau d’alphabétisation.
[4] En août 2021, elle est venue au Canada pour rendre visite à sa fille, qui est citoyenne canadienne. En octobre 2021, elle a demandé l’asile. Elle allègue craindre, en raison de sa conversion de l’islam au christianisme, d’être persécutée, maltraitée, menacée ou condamnée à mort pour apostasie en Iran si elle est contrainte d’y retourner.
A. Décision de la SPR
[5] Dans une décision datée du 21 novembre 2022 [la décision de la SPR], la SPR a rejeté la demande d’asile de la demanderesse, estimant que celle-ci n’avait pas établi de manière crédible qu’elle était une véritable chrétienne convertie ni qu’elle était exposée au risque d’être persécutée ou de subir un préjudice à son retour en Iran à cause de sa demande d’asile sur place.
[6] La crédibilité était la question déterminante pour la SPR, qui a jugé que le témoignage de la demanderesse était changeant, contradictoire et vague, ce qui l’a amenée à conclure que la conversion religieuse de la demanderesse n’était pas authentique. La SPR a constaté que la demanderesse, malgré quatorze mois d’exposition au christianisme – dont une année d’études bibliques en ligne, n’était pas [traduction] « en mesure de décrire quoi que ce soit, à part nommer des concepts très généraux de la foi et des prières ou encore mentionner des caractéristiques très connues, notamment la Bible, Jésus et Dieu »
. Même compte tenu de sa situation personnelle en tant que femme d’un certain âge dotée d’un niveau d’éducation et d’alphabétisation limité, la demanderesse a été considérée par la SPR comme étant [traduction] « suffisamment instruite et intelligente pour comprendre la nature d’une conversion religieuse, le processus d’audience et le témoignage »
.
[7] Lorsqu’elle a rejeté la demande d’asile sur place, la SPR a souligné que la demanderesse ne serait pas perçue comme une chrétienne à son retour en Iran et qu’il n’y avait aucune preuve fiable portant à croire que des gens en Iran savent qu’elle est une adepte du christianisme, y compris les autorités iraniennes.
B. Décision de la SAR
[8] La demanderesse a interjeté appel de la décision de la SPR en raison principalement de la représentation incompétente et inadéquate de son ancien conseil devant la SPR, ce qui avait entraîné des conclusions défavorables en matière de crédibilité à son endroit, conclusions qu’elle qualifiait de déraisonnables. Elle a également invoqué d’autres moyens d’appel, par exemple le fait que la SPR s’est contredite lorsqu’elle a conclu qu’elle était suffisamment instruite pour comprendre parfaitement bien la nature de la procédure. La demanderesse a voulu déposer de nouveaux éléments de preuve aux fins de son appel, tant après l’audience de la SPR qu’après la mise en état de son appel devant la SAR, et elle a sollicité la tenue d’une audience devant la SAR.
[9] Le 18 août 2023, la SAR a rejeté l’appel de la demanderesse et confirmé la décision de la SPR. Elle a estimé que la demanderesse n’avait pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que la conduite de l’ancien conseil répondait au critère juridique de l’incompétence équivalant à un manquement à l’équité procédurale. Selon la SAR, les conclusions de la SPR concernant le niveau d’instruction de la demanderesse n’étaient pas contradictoires.
[10] Comme la SPR, la SAR était d’avis que la demanderesse, selon la prépondérance des probabilités, n’avait pas démontré au moyen d’éléments de preuve crédibles et dignes de foi qu’elle s’était véritablement convertie au christianisme et qu’elle était exposée à une possibilité sérieuse de persécution à son retour en Iran.
[11] Parmi la nouvelle preuve déposée, la SAR a admis les nouveaux éléments de preuve relatifs à l’allégation d’incompétence visant l’ancien conseil. Elle a également accepté de nouveaux éléments de preuve concernant le baptême de la demanderesse, qui a eu lieu après l’audience de la SPR, soit entre autres un certificat de baptême et des photos de la cérémonie, et la nouvelle preuve portant sur les conditions dans le pays qui servait à montrer le traitement réservé aux personnes chrétiennes en Iran. La SAR a rejeté la demande d’audience parce que les nouveaux éléments de preuve admis n’avaient pas trait à la crédibilité de la demanderesse.
[12] La SAR était d’avis que la SPR avait commis une erreur en concluant que personne en Iran n’était au fait que la demanderesse était une adepte du christianisme, car certains des amis de la demanderesse savaient qu’elle s’était convertie. Toutefois, elle a estimé que la conclusion de la SPR, selon laquelle rien ne prouvait que la conversion de la demanderesse avait été signalée aux autorités iraniennes, demeurait malgré tout correcte. Elle a donc rejeté la demande d’asile sur place de la demanderesse.
III. Questions en litige et norme de contrôle applicable
[13] La demanderesse soulève les questions suivantes dans le présent contrôle judiciaire visant la décision de la SAR :
-
Était-il déraisonnable pour la SAR de conclure que la demanderesse était suffisamment instruite pour comprendre la procédure?
-
La SAR a-t-elle rejeté de façon déraisonnable les allégations de la demanderesse concernant l’incompétence de son ancien conseil?
-
Était-il déraisonnable de la part de la SAR de ne pas accepter les nouveaux éléments de preuve corroborant la conversion de la demanderesse et sa pratique chrétienne?
-
La SAR a-t-elle tiré des conclusions défavorables déraisonnables quant à la crédibilité?
-
La SAR a-t-elle rejeté de façon déraisonnable la demande d’asile sur place présentée par la demanderesse?
[14] Les parties conviennent que la Cour doit effectuer le contrôle de la décision de la SAR en l’espèce suivant la norme de la décision raisonnable énoncée dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]. Une décision raisonnable est une décision qui possède les caractéristiques exigées dans tout exercice du pouvoir public, c’est-à-dire qu’elle est justifiée, transparente et intelligible (Vavilov, au para 95). Lorsqu’elle procède au contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la Cour doit se demander si la décision contestée est fondée sur « une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti »
(Vavilov, au para 85).
[15] Fait important, si le contrôle judiciaire est décrit comme un « examen rigoureux »
, il est néanmoins empreint de déférence envers les motifs du décideur administratif et ne prend pas la forme d’une « chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur »
(Vavilov, aux para 81, 91, 102). Les cours de révision doivent s’abstenir d’apprécier à nouveau la preuve (Vavilov, aux para 94, 125) et n’interviennent que s’il y a des erreurs fondamentales ou importantes (Vavilov, au para 101).
IV. Analyse
A. La SAR n’a pas commis d’erreur en concluant que la demanderesse était suffisamment instruite pour comprendre la procédure
[16] La demanderesse soutient que la SAR a commis une erreur lorsqu’elle a déterminé qu’elle était suffisamment instruite pour comprendre la procédure devant la SPR et les questions qui lui ont été posées à l’audience. Elle fait valoir que la SAR a accepté aveuglément les dires de l’ancien conseil, qui a déclaré qu’elle avait été capable, dans ses rapports avec lui, de répondre aux questions avec assurance et de manière détaillée. La demanderesse estime que cette déclaration n’est pas compatible avec le fait que l’ancien conseil ait mentionné son faible niveau d’instruction et d’alphabétisation dès le début de l’audience de la SPR.
[17] Contrairement à ce qu’affirme la demanderesse, la SAR n’a pas fait abstraction de son niveau d’instruction et d’alphabétisation limité; elle a simplement constaté qu’elle était capable, malgré celui-ci, de comprendre la procédure d’audience et de répondre aux questions. Cette conclusion n’a rien de contradictoire : une personne peut comprendre la procédure d’audience et avoir besoin d’aide pour bien saisir le sens des questions qui lui sont posées.
[18] J’estime que la conclusion de la SAR selon laquelle la demanderesse était en mesure de comprendre la nature de la procédure était à la fois justifiée et solide. Pour tirer cette conclusion, la SAR ne s’est pas fondée uniquement sur les déclarations de l’ancien conseil : elle a aussi, notamment, effectué son propre examen de l’enregistrement sonore et de la transcription de l’audience de la SPR.
Un examen équitable des décisions de la SPR et de la SAR montre que les deux décideurs ont été sensibles au faible niveau d’alphabétisation et d’instruction de la demanderesse et en ont tenu compte dans l’ensemble de leurs motifs. Par exemple, la SAR a souligné que, lorsqu’elle a évalué les connaissances de la demanderesse sur le christianisme, la SPR : (i) a formulé ses questions de différentes façons; (ii) a donné à la demanderesse la possibilité d’expliquer sa compréhension des principes de la religion chrétienne en utilisant des concepts généraux; (iii) a demandé à la demanderesse de décrire les concepts qu’elle avait assimilés à partir de discussions orales durant ses études religieuses plutôt qu’à partir de documents écrits; (iv) a demandé à la demanderesse d’expliquer dans ses propres mots ce que sa foi voulait dire pour elle.
B. L’analyse de l’incompétence du conseil par la SAR était raisonnable
[19] La demanderesse allègue principalement qu’elle a été privée d’une audience équitable devant la SPR en raison de la représentation négligente de son ancien conseil et que la SAR a commis une erreur en rejetant ses arguments fondés sur l’incompétence de celui-ci. Elle fait valoir en outre que l’incompétence de son ancien conseil a mené la SPR à tirer des conclusions défavorables en matière de crédibilité et à rejeter ses nouveaux éléments de preuve, de sorte que les conclusions tirées par la suite à l’égard de sa crédibilité, de l’argument fondé sur sa conversion religieuse et de sa demande d’asile sur place étaient déraisonnables.
[20] La liste des lacunes relevées par la demanderesse dans le travail de son ancien conseil est longue et comprend des allégations couvrant toute la durée du mandat, depuis la préparation du formulaire Fondement de la demande d’asile [le formulaire FDA] jusqu’aux mesures prises après l’audience de la SPR [collectivement, les allégations d’incompétence]. Toutefois, pour les motifs qui sont exposés ci-dessous, je suis d’avis que la SAR a appliqué le bon critère juridique dans son analyse de la compétence de l’ancien conseil et qu’elle a fourni des arguments logiques et raisonnés qui étaient défendables au regard des faits et du droit afin d’expliquer pourquoi elle rejetait chacune des allégations d’incompétence de la demanderesse.
(1) La SAR a appliqué le bon critère juridique
[21] Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que la SAR a bien défini le critère juridique à appliquer pour évaluer la compétence de l’ancien conseil, soit le critère énoncé dans l’arrêt R c GDB, 2000 CSC 22 [GDB]. Ce critère exige qu’un demandeur démontre, selon la prépondérance des probabilités, que les actes ou les omissions de son conseil relevaient de l’incompétence (le volet examen du travail de l’avocat) et qu’une erreur judiciaire en a résulté (le volet appréciation du préjudice) (GDB, au para 26) [collectivement, le critère énoncé dans l’arrêt GDB].
[22] L’analyse de la SAR était presque entièrement centrée sur le volet examen du travail de l’avocat décrit dans l’arrêt GDB. Elle a trouvé un seul exemple d’inconduite possible, soit le cas où l’ancien conseil n’a pas divulgué en temps opportun une lettre d’une église de Canmore, en Alberta, qui confirmait que la demanderesse participait aux réunions de l’église « depuis quelques semaines »
et avait manifesté la volonté de se faire baptiser [la lettre de l’église]. Selon la SPR, les actes de l’ancien conseil n’ont pas entraîné d’erreur judiciaire, puisque celui-ci a finalement transmis la lettre et que la SPR l’a prise en considération.
[23] La demanderesse fait valoir que, même si elle a bien défini le critère juridique applicable, la SAR a commis une erreur dans l’application de celui-ci puisqu’elle a effectué le genre d’analyse inadéquate dont il est question dans la décision Guadron c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1092 [Guadron]. Dans cette décision, la Cour a jugé qu’il était erroné de mettre l’accent sur le fait que la demanderesse n’avait pas fourni spontanément certaines informations sans évaluer comme il se doit si la représentante s’était acquittée de son rôle essentiel qui consiste à trouver les renseignements cruciaux exigés (Guadron, au para 29).
[24] Je ne pense pas que la SAR se soit livrée à ce genre d’analyse erronée. Elle a expressément reconnu qu’une représentation juridique compétente exigeait davantage de la part du conseil :
Bien que je convienne avec la fille de l’appelante que [traduction] « l’objectif du conseil est de guider un demandeur d’asile tout au long du processus », je souscris également à la déclaration de l’ancien conseil qui est la suivante : [traduction] « Je ne peux présenter que ce qu’elle m’a présenté […] [et] que ces aspects du dossier de l’appelante sont hors de mon contrôle. »
(2) La SAR n’a pas commis d’erreur en rejetant les allégations d’incompétence
[25] La SAR a examiné chacune des allégations d’incompétence et a conclu que la demanderesse n’avait pas réussi à démontrer que la conduite de l’ancien conseil correspondait au volet de l’examen du travail de l’avocat qui fait partie du critère énoncé dans l’arrêt GDB.
(a) Omission d’examiner d’autres motifs sous-tendant la demande d’asile de la demanderesse
[26] La demanderesse a présenté des éléments de preuve à la SAR pour démontrer que l’ancien conseil ne l’avait pas informée qu’elle pouvait faire valoir d’autres motifs de persécution fondés sur ses opinions politiques ou son genre.
[27] La SAR a déterminé que la preuve ne justifiait pas ces reproches. Dans son évaluation de cette allégation, la SAR a accepté le témoignage de l’ancien conseil, qui a expliqué que, outre ses discussions avec la demanderesse au sujet du formulaire FDA et de son exposé circonstancié, il avait interrogé sa cliente sur les craintes qu’elle éprouvait à l’idée de retourner en Iran en vue de la préparer à l’audience de la SPR.
[28] La SAR a souligné par ailleurs que la SPR avait aussi posé des questions à la demanderesse sur les autres motifs sous-tendant sa demande d’asile conformément à l’obligation énoncée dans la Directive numéro 4 du président : Considérations liées au genre dans les procédures devant la CISR (juillet 2022). La SPR a constaté que, même lorsqu’elle a été interrogée à ce sujet, la demanderesse n’a pas mentionné ses opinions politiques ou même son genre. La SAR a considéré qu’il avait été raisonnable pour la SPR de conclure que la religion déclarée de la demanderesse « était la seule question centrale »
sur laquelle était fondée sa crainte de persécution en Iran.
[29] J’estime qu’il était loisible à la SAR d’accepter la preuve présentée par l’ancien conseil et confirmée par le propre témoignage de la demanderesse.
(b) Irrégularités alléguées relativement au contenu du formulaire FDA
[30] La demanderesse reproche à son ancien conseil de ne pas avoir satisfait à la norme d’un conseil compétent pour les raisons suivantes : (i) il lui a demandé de signer un formulaire FDA incomplet qui ne comportait pas de déclaration de l’interprète; (ii) il n’a pas transmis à la SPR les modifications apportées au formulaire FDA; (iii) il n’a pas sollicité les instructions de la demanderesse sur les modifications apportées à son exposé circonstancié et qu’il a envoyées à la SPR dans une lettre datée du 21 mars 2022 [la lettre supplémentaire]. La demanderesse soutient que le contenu de la lettre supplémentaire aurait dû être déposé en tant que modification apportée à son formulaire FDA conformément aux protocoles et aux règles de la SPR et que la SAR a commis une erreur en concluant que la lettre supplémentaire ne constituait pas une modification du formulaire FDA.
[31] La demanderesse est d’avis que ces erreurs ont eu une incidence, car elles ont donné l’impression à la SPR que son exposé circonstancié avait évolué au fil du temps.
[32] Je ne trouve rien à redire au raisonnement de la SAR en ce qui concerne le contenu du formulaire FDA. Premièrement, la SAR pouvait accepter la déclaration de l’ancien conseil quant au fait qu’il avait déposé un formulaire FDA complet et qu’il avait passé en revue tous les documents, y compris la version finale du formulaire FDA, avec la demanderesse. Deuxièmement, le raisonnement de la SAR s’appuyait sur d’autres éléments de preuve objectifs qui comprenaient les suivants : (i) le courriel de l’ancien conseil présenté par la demanderesse contredisait les propos de cette dernière concernant le fait que le formulaire FDA signé était incomplet; (ii) la demanderesse elle-même a signé le formulaire FDA en attestant que « les renseignements étaient complets, vrais et exacts […] et qu’ils ont été traduits de vive voix à son intention »
, ce qu’elle a confirmé au début de l’audience de la SPR; (iii) l’affidavit de la fille de la demanderesse était contradictoire relativement aux instructions données par l’ancien conseil au sujet du formulaire FDA.
[33] Quant à l’exposé circonstancié contenu dans la lettre supplémentaire, j’estime que la SAR a expliqué de façon raisonnable les raisons qui l’ont amenée à juger que la lettre ne constituait pas une modification et, bien qu’elle n’ait pas traité directement de l’ensemble des arguments de la demanderesse, elle n’est pas tenue de « [répondre] à tous les arguments ou modes possibles d’analyse »
(Vavilov, au para 128). Je ne considère pas cette omission comme une lacune importante dans la décision de la SAR, étant donné que la demanderesse ne nie pas avoir fourni les détails complémentaires à son exposé circonstancié qui figuraient dans la lettre supplémentaire et que la SAR est venue à la conclusion que les renseignements contenus dans cette lettre correspondaient à ceux qu’avait donnés la demanderesse elle-même dans son témoignage.
(c) Préparation inadéquate à l’audience de la SPR
[34] La demanderesse soutient qu’il était déraisonnable pour la SAR d’accepter l’affirmation selon laquelle l’ancien conseil l’avait correctement préparée à l’audience de la SPR. Elle fait valoir que les questions que lui a envoyées l’ancien conseil afin de l’aider à savoir à quoi s’attendre lors de l’audience étaient très générales et lui avaient été transmises bien avant le travail de préparation à l’audience. Elle soutient que la SAR n’a pas tenu compte du fait que les séances de simulation avaient eu lieu seulement après qu’elle-même a pris l’initiative de communiquer avec l’ancien conseil ni du fait que ce dernier ne lui a jamais indiqué que ses réponses étaient générales, vagues et contradictoires durant ces séances.
[35] J’estime qu’il était loisible à la SAR, compte tenu du dossier, de conclure que l’ancien conseil avait « beaucoup travaillé »
avec la demanderesse à la préparation de l’audience de la SPR. Selon la SAR, ce travail ne s’est pas limité à des séances de simulation, mais a aussi inclus des discussions téléphoniques avec la demanderesse et sa fille ainsi que l’envoi de questions types en anglais et en farsi/persan avant l’audience afin que la demanderesse sache à quoi s’attendre. L’ancien conseil a affirmé que la demanderesse, durant les séances de simulation, s’exprimait « avec assurance et clarté et en fournissant de nombreux détails »
. La SAR pouvait accepter cette déclaration et lui accorder la préséance sur la preuve présentée par la demanderesse.
[36] La SAR a également souligné qu’il n’était pas allégué dans la demande que la préparation avait eu lieu trop tardivement et qu’aucune preuve n’indiquait que la demanderesse s’était plainte de sa préparation. Compte tenu de ces constatations, le fait que ce soit la demanderesse qui a sollicité ces séances de simulation n’est pas important, et on ne peut reprocher à la SAR de ne pas l’avoir mentionné. Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que les motifs de la SAR sont logiques et défendables.
(d) Omission de souligner la nécessité de présenter des éléments de preuve corroborants
[37] La demanderesse soutient que la SAR a commis une erreur en concluant que l’ancien conseil l’avait informée de l’importance de fournir des éléments de preuve corroborants. Les observations de la demanderesse portent sur trois aspects des motifs de la SAR liés à ce qui suit : (i) la lettre de l’église, (ii) une lettre concernant le processus d’examen du dossier où la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada [la CISR] demandait que la demanderesse fournisse des documents à l’appui de sa demande d’asile [la lettre de la CISR] et (iii) la capacité de la demanderesse de comprendre les questions et la procédure.
[38] La demanderesse allègue que la SAR a mal interprété la preuve qu’elle lui a présentée au sujet de la lettre de l’église, sa fille ayant précisé avoir obtenu le document de sa propre initiative, même si l’ancien conseil avait mentionné qu’une telle lettre n’était pas nécessaire.
[39] Je ne suis pas en mesure de conclure que la SAR a mal interprété les éléments de preuve concernant la lettre de l’église et je ne vois aucune faille logique dans le raisonnement de la SAR. Celle-ci a souligné que la demanderesse, dans son propre témoignage devant la SPR, a contredit son allégation suivant laquelle l’ancien conseil n’avait pas communiqué avec elle et sa fille au sujet de la nécessité de fournir des éléments de preuve corroborants, puisqu’elle a affirmé que sa fille avait précisé à l’église les renseignements à inclure dans la lettre et avait demandé qu’on la lui envoie par courriel afin qu’elle puisse la retransmettre par courriel à l’ancien conseil.
[40] La demanderesse soutient que la SAR a eu tort d’accepter la preuve présentée par laquelle l’ancien conseil relativement à la lettre de la CISR. Cette lettre contenait des informations sur les types de documents corroborants pouvant être fournis à l’appui des demandes d’asile et réclamait précisément trois types de documents, dont ceux qui attestaient la conversion religieuse de la demanderesse. La demanderesse fait valoir que, bien que sa fille ait été informée de la lettre de la CISR, l’ancien conseil ne leur en a pas remis de copie. J’estime que la SAR a fourni sur ce point des motifs rationnels et logiques qui sous-tendent sa conclusion selon laquelle l’ancien conseil a informé la demanderesse de la lettre de la CISR, étant donné qu’il a demandé une prolongation du délai pour y répondre et qu’il y a bel et bien répondu en fournissant deux des trois documents demandés. Notre Cour doit s’abstenir d’apprécier à nouveau la preuve.
[41] Enfin, la demanderesse soutient que la SAR a commis une erreur en présumant qu’elle était suffisamment instruite pour comprendre les instructions données dans le formulaire FDA, dont l’annexe avise les demandeurs qu’ils doivent fournir des documents à l’appui de leurs demandes d’asile. Selon la demanderesse, la SAR s’est lancée dans un raisonnement boiteux pour conclure que, étant donné qu’elle avait fourni des documents à l’appui de sa demande, elle avait compris que c’était important de le faire. Comme je l’indique dans d’autres parties des présents motifs, je suis d’avis que la SAR a examiné de manière réfléchie et raisonnable la capacité de la demanderesse à comprendre la procédure et qu’il lui était loisible de conclure qu’elle était capable de comprendre le formulaire FDA, puisqu’elle a confirmé à l’audience de la SPR que l’intégralité du formulaire FDA lui avait été traduite.
(e) Défaut d’obtenir des mesures d’adaptation compte tenu du faible niveau d’instruction et d’alphabétisation de la demanderesse
[42] La SAR a rejeté l’allégation de la demanderesse selon laquelle l’ancien conseil n’avait pas obtenu les bonnes mesures d’adaptation à son faible niveau d’éducation et d’alphabétisation. La demanderesse soutient que la SAR a commis deux erreurs.
[43] Premièrement, la SAR se serait contredite lorsqu’elle a conclu qu’aucun document supplémentaire attestant le niveau limité d’instruction et d’alphabétisation de la demanderesse n’était nécessaire étant donné que l’ancien conseil avait lui-même soulevé la question de l’instruction et de l’alphabétisation de la demanderesse auprès de la SPR.
[44] J’estime que cette observation n’a aucun fondement. La SAR a souligné que l’ancien conseil avait attiré l’attention de la SPR sur le faible taux d’alphabétisation de la demanderesse au début de l’audience ainsi que dans une lettre écrite à la SPR avant l’audience, lettre qui mentionnait également que la demanderesse avait du mal à retenir l’information et qu’elle n’avait jamais acquis les compétences nécessaires pour apprendre en lisant des livres. L’ancien conseil a averti la SPR qu’elle pourrait avoir à s’adapter à la demanderesse en répétant ou en reformulant les questions, ce que la SPR a fait, selon la SAR. Le raisonnement de la SAR est logique, et il lui était loisible de conclure que l’ancien conseil avait cherché à obtenir des mesures d’adaptation adéquates de cette manière.
[45] Deuxièmement, la demanderesse soutient que, dans les circonstances, l’ancien conseil aurait dû l’informer de la possibilité de nommer un représentant désigné.
[46] Les motifs avancés par la SAR pour excuser l’ancien conseil de ne pas avoir évoqué la possibilité de nommer un représentant désigné étaient raisonnablement fondés à la fois sur le fait qu’elle a conclu que la demanderesse était suffisamment instruite pour défendre sa propre cause et sur le témoignage non contesté de l’ancien conseil selon lequel la demanderesse l’avait informé que sa fille ne devait pas participer à la procédure. D’après l’ancien conseil, la demanderesse a déclaré que sa fille avait « ses propres problèmes de vie et [ne pouvait pas] trop s’impliquer dans les activités de la demandeure d’asile […] ou en être informée »
. La SAR pouvait accepter les déclarations de l’ancien conseil et le fait qu’il se soit plié aux instructions de la demanderesse. J’estime que les motifs de la SAR sont solides, rationnels et justifiés compte tenu du dossier.
(f) Décision de ne pas fournir de preuve sur les problèmes de santé de la demanderesse
[47] La demanderesse soutient que l’ancien conseil était au courant de ses problèmes de santé, mais qu’il n’a pas déposé d’éléments de preuve décrivant ces problèmes et les médicaments qu’elle prend. Selon la fille de la demanderesse, ces médicaments affectent la capacité de sa mère à se souvenir des événements et à bien fonctionner, ce qui a eu une incidence sur les conclusions défavorables tirées par la SPR en matière de crédibilité. La demanderesse reproche à la SAR d’avoir écarté la preuve à ce sujet.
[48] Je ne suis pas d’accord. La SAR pouvait accepter le témoignage de l’ancien conseil portant que la demanderesse était « aussi lucide que n’importe quelle autre cliente qu’il a eue »
et qu’il n’avait constaté aucune altération de sa capacité à répondre aux questions ou à s’exprimer de manière claire et efficace. Je ne peux reprocher à la SAR de ne pas s’être fiée à des éléments de preuve qui ne relevaient pas de la compétence de la fille de la demanderesse.
(g) Absence de vérification de l’interprétation fournie à l’audience de la SPR
[49] La demanderesse soutient que la SAR a rejeté de manière déraisonnable son allégation selon laquelle l’ancien conseil n’a pas satisfait à la norme correspondant au travail d’un conseil compétent en n’acceptant pas l’offre de la SPR de procéder à une vérification du travail de l’interprète durant l’audience après que l’ancien conseil a informé la SPR que, à son avis, il y avait eu des problèmes « flagrants »
. La SAR a estimé que, malgré la déclaration de l’ancien conseil à la fin de l’audience de la SPR, son examen de l’enregistrement de l’audience confirmait la conclusion de la SPR, soit qu’il n’y avait pas eu de problèmes significatifs d’interprétation justifiant la tenue d’une vérification.
[50] La jurisprudence est claire : pour qu’une erreur d’interprétation constitue un manquement à l’équité procédurale, elle doit être suffisamment sérieuse, réelle et importante (Muamba c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 388 au para 13). La demanderesse n’a manifestement pas satisfait à cette norme puisqu’elle n’a pas relevé d’erreurs d’interprétation précises qui auraient justifié une vérification ou amènerait la conclusion que la décision de la SAR était déraisonnable.
(h) Omission d’informer la demanderesse que sa demande pouvait entrer dans la catégorie des demandes d’asile moins complexes
[51] La demanderesse prétend que, en raison de l’incompétence de l’ancien conseil, elle n’a pas eu la possibilité de faire examiner sa demande selon la catégorisation des demandes d’asile moins complexes, pour lesquelles la tenue d’une audience n’est pas obligatoire. Elle affirme que la SAR a eu tort de rejeter cette allégation d’incompétence en acceptant aveuglément la preuve présentée par l’ancien conseil.
[52] Ce même argument a été présenté à la SAR, qui a estimé que l’allégation d’incompétence de la demanderesse manquait de précision et ne reposait sur aucun élément de preuve. Non seulement la demanderesse n’a-t-elle pas étayé ses allégations d’incompétence sur ce point aussi, mais elle a omis de reconnaître que le raisonnement de la SAR était fondé sur le fait que c’était la SPR qui avait décidé de tenir une audience. Rien ne justifie de reprocher à la SAR, comme le fait la demanderesse, d’avoir accepté aveuglément la preuve présentée par l’ancien conseil. La SAR a simplement souligné que l’ancien conseil affirmait avoir averti la demanderesse qu’il était « presque sûr »
, étant donné l’absence de documents et d’éléments de preuve supplémentaires, qu’une date d’audience serait fixée.
(3) Conclusion relative à l’analyse des allégations d’incompétence faite par la SAR
[53] En résumé, j’estime que l’analyse de la SAR visant les allégations d’incompétence se justifie au regard des faits et du droit. Par conséquent, les arguments de la demanderesse relatifs au rejet des nouveaux éléments de preuve par la SAR, arguments qui reposaient sur les erreurs supposément commises par la SAR dans sa décision concernant la compétence du conseil, ne peuvent pas être retenus.
[54] Je souligne que la demanderesse reproche à la SAR de ne pas avoir justifié pourquoi elle avait privilégié la preuve présentée par l’ancien conseil. Je ne considère pas qu’il s’agit d’une défaillance importante dans la décision de la SAR. Tout d’abord, il faudrait autrement astreindre la SAR à une norme de perfection qui n’est pas justifiée, étant donné que la décision de 72 pages traite directement et en détail des nombreuses allégations formulées par la demanderesse. Ensuite, une bonne part des motifs de la SAR sont étayés non seulement par la preuve présentée par l’ancien conseil, mais aussi par des éléments de preuve objectifs qui corroborent cette preuve. En définitive, l’appréciation de la preuve va au cœur même de l’expertise de la SAR et notre Cour ne la modifiera pas à la légère (Homayun c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CF 319 au para 78).
C. La SAR n’a pas commis d’erreur en omettant d’accepter de nouveaux éléments de preuve qui corroboraient la conversion religieuse et la pratique chrétienne de la demanderesse
[55] La demanderesse soutient que la SAR a commis une erreur en concluant qu’elle n’était pas crédible et en écartant les raisons qu’elle a données dans son affidavit à la SAR afin d’expliquer pourquoi elle avait laissé tomber ses études en ligne avec une église iranienne à Calgary, ce qui fait partie des facteurs ayant amené la SPR à conclure que sa conversion religieuse n’était pas authentique. Selon la demanderesse, les nouveaux éléments de preuve, qui témoignaient de ses activités chrétiennes, n’auraient pas dû être rejetés et une audience aurait dû être menée, car elle était pertinente pour l’évaluation de sa crédibilité.
[56] Bien que je reconnaisse que la SAR n’a pas mentionné les raisons données par la demanderesse afin d’expliquer pourquoi elle avait laissé tomber ses études en ligne, plusieurs autres facteurs ont amené la SAR à mettre en doute la crédibilité des nouveaux éléments de preuve concernant l’authenticité de la conversion religieuse de la demanderesse. Il s’agit entre autres du fait que les pièces à l’appui portaient toutes une date postérieure à la décision de la SPR, mais très proche de cette décision, et qu’elles provenaient d’une église en ligne. La pause prise par la demanderesse dans ses études en ligne n’étant pas le seul fondement de la conclusion défavorable de la SAR en matière de crédibilité, je ne considère pas qu’il s’agit d’une défaillance importante qui justifie l’intervention de notre Cour.
[57] Je ne considère pas non plus que la SAR a commis une erreur susceptible de contrôle en refusant de tenir une audience relative à cette preuve. Le paragraphe 110(6) de la LIPR est de nature discrétionnaire, de sorte que notre Cour a reconnu que rien n’oblige la SAR à tenir une audience pour évaluer la crédibilité d’un nouvel élément de preuve (voir Hossain c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 1255 au para 42).
D. La SPR n’a pas tiré de conclusions défavorables déraisonnables sur la crédibilité
[58] Les observations de la demanderesse relatives à la conclusion défavorable de la SAR en matière de crédibilité sont en grande partie liées à d’autres erreurs qu’elle reproche à la SAR. Elle soutient que le rejet, par la SAR, des allégations de représentation incompétente a mené au rejet inapproprié des nouveaux éléments de preuve, ce qui a eu des répercussions profondes sur l’évaluation de la crédibilité par la SAR. Elle affirme également que l’omission de la SAR de tenir compte du fait qu’elle possédait des connaissances et un niveau d’instruction limités rend déraisonnables les conclusions relatives à sa crédibilité.
[59] Compte tenu de mes conclusions précédentes au sujet de la compétence de l’ancien conseil, de l’évaluation faite par la SAR quant à la capacité de la demanderesse à comprendre la nature de la procédure devant la SPR et du rejet des nouveaux éléments de preuve par la SAR, je ne peux retenir les arguments sur la crédibilité.
[60] Enfin, la demanderesse soutient qu’il était déraisonnable de la part de la SAR de considérer douteux le délai qui a précédé son baptême au lieu d’y voir un signe de la sincérité de sa foi. Dans ses arguments, la demanderesse invite la Cour à apprécier de nouveau la preuve, ce qui n’est pas son rôle (Vavilov, au para 125).
[61] J’estime donc que la demanderesse n’a pas démontré que la conclusion défavorable de la SAR en matière de crédibilité était déraisonnable.
E. La SAR n’a pas procédé à une évaluation déraisonnable de la demande d’asile sur place de la demanderesse
[62] En réponse aux observations qui lui ont été présentées, dans lesquelles la demanderesse affirme avoir l’intention de pratiquer ouvertement sa nouvelle foi en Iran, ce qui lui ferait courir un risque auprès des autorités iraniennes, la SAR a conclu que la demanderesse avait fait ces allégations seulement après que la SAR a présenté la version la plus récente du cartable national de documentation sur l’Iran et a demandé des observations supplémentaires concernant le risque éventuel. Selon la SAR, les allégations de la demanderesse quant au fait qu’elle souhaitait pratiquer ouvertement sa foi chrétienne en Iran et aurait besoin d’aide à cette fin n’étaient pas sincères. Plus précisément, la SAR a déclaré ce qui suit :
De plus, comme je suis d’accord avec la SPR pour dire que l’appelante n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle est une véritable adepte du christianisme, je n’admets pas les arguments qu’avance l’appelante, c’est-à-dire qu’elle pratiquerait le christianisme en Iran et que les autorités iraniennes ou des acteurs non étatiques comme des membres de la famille, des amis ou des membres du grand public en Iran le sauraient. Je signale que la Cour fédérale a déjà décidé dans une autre affaire que la CISR doit être autorisée à intégrer des conclusions sur la crédibilité dans son appréciation d’une demande d’asile sur place et qu’il lui est permis d’évaluer la demande d’asile sur place au regard des préoccupations relatives à la crédibilité se rapportant à l’authenticité initiale d’une demande d’asile [d’après Jiang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1067 aux para 27-28] (décision de la SAR, au para 163).
[63] La demanderesse soutient que la SAR a mal interprété la jurisprudence sur l’authenticité et la motivation dans une demande sur place. À son avis, selon la décision Ejtehadian c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 158 [Ejtehadian], dans son évaluation des risques auxquels pourrait faire face la demanderesse à son retour en Iran, dans le cadre de la demande d’asile sur place, la SAR devait tenir compte de la preuve de ses activités religieuses au Canada indépendamment des motifs derrière sa conversion, puisque les conséquences de l’imputation possible d’apostasie à l’égard de la demanderesse par les autorités iraniennes peuvent être suffisantes pour qu’elle réponde aux exigences de la définition de la Convention (Ejtehadian, au para 11).
[64] Contrairement à ce qu’affirme la demanderesse, c’est bien ce qu’a fait la SAR. Elle a examiné la preuve relative au baptême de la demanderesse et s’est exprimée en ces termes :
Je sais que le certificat de baptême donne le véritable nom de l’appelante. Cependant, il n’y a aucun élément de preuve qui montre que, selon la prépondérance des probabilités, les autorités iraniennes seraient au courant de l’existence de ce certificat de baptême de toute façon. Le certificat n’est pas accessible au public sur Internet ou dans les médias sociaux. L’appelante n’a pas non plus affirmé qu’elle avait l’intention de le rendre accessible publiquement à des acteurs étatiques ou non étatiques. De même, pour ce qui est des photos de la cérémonie de baptême, rien dans les photos ne montre qu’il s’agit strictement d’une cérémonie de baptême. Ni le prêtre, ni l’appelante, ni les participants ne portent de vêtements particuliers ou ne tiennent d’objets ou de textes religieux qui pourraient donner à penser qu’il s’agit d’une cérémonie religieuse. Les photos ont également été prises à un lac (décision de la SAR, au para 165).
[65] La demanderesse affirme aussi que la SAR a déraisonnablement mis en doute l’authenticité de son baptême. Elle se méprend ainsi sur le sens de la décision de la SAR. La SAR se demandait si la preuve du baptême de la demanderesse lui faisait courir le risque d’être découverte comme apostate par les autorités iraniennes, et elle a estimé, ce qui est raisonnable, que ce n’était pas le cas.
[66] La demanderesse n’a pas prouvé que la SAR a commis une erreur dans l’examen de sa demande d’asile sur place.
V. Conclusion
[67] Il incombait à la demanderesse de démontrer que la décision est déraisonnable. Toutefois, elle n’a pas été en mesure de le faire. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire en l’espèce sera rejetée.
JUGEMENT dans le dossier IMM-11206-23
LA COUR REND LE JUGEMENT qui suit :
-
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
-
Il n’y a aucune question à certifier.
« Allyson Whyte Nowak »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
DOSSIER : |
IMM-11206-23 |
INTITULÉ : |
TAHEREH POURGHASEM c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ |
LIEU DE L’AUDIENCE : |
TORONTO (ONTARIO) |
DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 8 JANVIER 2025 |
JUGEMENT ET MOTIFS : |
LA JUGE WHYTE NOWAK |
DATE DES MOTIFS : |
LE 27 JANVIER 2025 |
COMPARUTIONS :
Marvin Moses |
POUR LA DEMANDERESSE |
Nicole Rahaman |
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Marvin Moses Law Office Cabinet d’avocats Toronto (Ontario) |
POUR LA DEMANDERESSE |
Procureur général du Canada Toronto (Ontario) |
POUR LE DÉFENDEUR |