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Date : 20250117

Dossier : IMM-10433-23

Référence : 2025 CF 102

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 17 janvier 2025

En présence de monsieur le juge Favel

ENTRE :

HOANG ANH TUAN LAM

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Hoang Anh Tuan Lam [le demandeur], ressortissant du Vietnam, sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue par un agent des visas [l’agent] le 15 juin 2023. L’agent a rejeté la demande de visa de résident temporaire du demandeur après avoir conclu que ce dernier était interdit de territoire au Canada pour fausses déclarations aux termes de l’alinéa 40(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2007, c 27 [la LIPR].

[2] La demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

II. Le contexte

[3] Le 15 janvier 2023, le demandeur a sollicité un visa de résident temporaire dans le but de se rendre au Canada du 20 mai au 20 juin 2023. Les deux enfants du demandeur étudient au Canada et son épouse se trouve au Canada avec un statut de visiteur depuis 2017.

[4] Le 17 mai 2023, l’agent a envoyé au demandeur une lettre relative à l’équité procédurale faisant état de ses réserves quant à la possibilité que le demandeur soit interdit de territoire au titre de l’alinéa 40(1)a). L’agent y précisait ce qui suit :

[traduction]

Vous avez répondu par la négative à la question « Êtes-vous resté au Canada après l’expiration de votre statut, avez[-vous] fréquenté l’école sans permis d’études au Canada [ou] travaillé sans permis de travail au Canada? » Cependant, vous êtes demeuré au Canada à la fin de votre période de séjour autorisée (entre le 2018/12/28 et le 2022/02/02) et vous avez omis de le déclarer comme il se doit.

[5] Le demandeur a répondu qu’il avait accidentellement cliqué sur la case « Non » à cause de ses compétences limitées en lecture et qu’il avait demandé de corriger l’erreur. Dans sa réponse, le demandeur a fourni une chronologie de ses séjours antérieurs au Canada de 2016 à 2022. Il a séjourné au Canada du 26 juin au 19 août 2016 et du 1er juillet au 26 décembre 2017. Il est revenu au Canada le 9 janvier 2018 pour étudier l’anglais au Global Education Language Institute de Winnipeg. Deux demandes de permis d’études, déposées en mai et juin 2018 avec l’aide d’un cabinet de consultants en immigration, ont été refusées. La demande visant à obtenir une fiche de visiteur en décembre 2018 a également été refusée. Le demandeur déclare être retourné au Vietnam le 18 décembre 2018 puis être revenu au Canada le 28 décembre 2018. Il a étudié l’anglais au Manitoba Institute of Trades and Technology du 7 janvier 2019 au 15 mars 2019. Il a présenté en mai 2019 une demande de permis d’études qui a été rejetée. Le 25 juin 2019, le demandeur a encore une fois demandé une fiche de visiteur avec l’aide d’un avocat spécialisé en droit de l’immigration [l’avocat].

[6] Le 19 septembre 2019, des agents de l’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC] se sont présentés chez le demandeur, ont confisqué son passeport et lui ont fixé un rendez-vous pour le 27 septembre 2019. L’ASFC a exigé la coopération du demandeur dans une enquête sur un présumé faux consultant en immigration. Elle a conservé le passeport du demandeur jusqu’au 2 février 2022. Le demandeur a compris qu’il ne pouvait pas quitter le Canada sans son passeport.

[7] Le 20 avril 2021, l’avocat a été informé par l’ASFC que la demande de fiche de visiteur du 25 juin 2019 avait été refusée le 24 septembre 2020. Il a confirmé ne pas avoir reçu la lettre de refus en question. L’ASFC a informé le demandeur qu’il devait quitter le Canada, mais il n’a pas pu le faire en raison des restrictions liées à la COVID-19.

[8] Le 11 mai 2021, l’avocat a demandé une fiche de visiteur et le rétablissement du statut de visiteur pour le demandeur. Celui-ci a reçu le refus de la fiche de visiteur le 3 janvier 2022. Le 14 janvier 2022, l’ASFC l’a informé qu’il devait retourner au Vietnam et demander un autre visa de visiteur. Le demandeur a pris le premier vol disponible à destination du Vietnam le 2 février 2022.

[9] Le demandeur a expliqué qu’il ne comprenait pas bien la loi, qu’il avait été dupé par des sociétés d’immigration au Canada et que son séjour prolongé au Canada était attribuable à la pandémie de COVID-19 en 2020 et 2021, qui l’avait empêché de retourner au Vietnam.

III. La décision

[10] L’agent a refusé le permis de séjour temporaire parce que le demandeur était interdit de territoire aux termes de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR. Dans le dossier du Système mondial de gestion des cas [le SMGC], l’agent mentionne que le demandeur a répondu qu’il n’était jamais resté au Canada après l’expiration d’une période de séjour autorisée. L’agent précise également qu’une lettre relative à l’équité procédurale a été délivrée.

[11] L’agent a formulé des réserves découlant des points suivants : le demandeur n’a pas étayé de manière satisfaisante sa présence au Vietnam, les explications fournies n’ont pas dissipé les doutes quant à la sincérité du demandeur et des informations n’ont pas été divulguées, ce qui a pu empêcher des évaluations supplémentaires. Les antécédents du demandeur en matière d’immigration sont importants pour évaluer, tout bien considéré, s’il quitterait le Canada à la fin de sa période de séjour autorisé. L’agent a estimé que la réticence du demandeur sur ces informations a pu empêcher la tenue de vérifications et d’évaluations supplémentaires. L’agent a pris en compte l’exception relative à l’erreur commise de bonne foi, qui peut être invoquée au regard de l’alinéa 40(1)a), et a constaté que le demandeur avait répondu comme il faut aux autres questions réglementaires, de sorte que peu de poids a été accordé à l’explication du demandeur.

IV. Les questions en litige et la norme de contrôle applicable

[12] La présente affaire soulève les questions suivantes :

  1. La décision était-elle raisonnable?

  2. La décision était-elle équitable sur le plan procédural?

[13] Le demandeur n’a pas présenté d’observations sur la norme de contrôle applicable au bien-fondé de la décision, mais il mentionne la norme de la décision raisonnable dans ses observations. Le défendeur soutient quant à lui que la décision est susceptible de contrôle sur le fond selon la norme de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]). Je suis d’accord avec le défendeur. Cette affaire ne fait entrer en jeu aucune des exceptions énoncées par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Vavilov. Par conséquent, la présomption d’application de la norme de la décision raisonnable n’est pas réfutée (Vavilov, aux para 16-17).

[14] Le demandeur n’a pas non plus présenté d’observations sur la norme de contrôle régissant les questions d’équité procédurale. Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 43). Les questions d’équité procédurale sont susceptibles de contrôle selon une norme qui s’apparente à celle de la décision correcte (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 [CP] au para 54. Lorsqu’elle évalue l’équité procédurale, la Cour doit se demander si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances (CP, au para 54).

V. Analyse

A. La décision était-elle raisonnable?

(1) La position du demandeur

(a) L’exception relative à l’erreur commise de bonne foi

[15] La jurisprudence de notre Cour a reconnu qu’il existe une exception relative à l’« erreur commise de bonne foi » pour ce qui est des fausses déclarations et oblige l’agent à déterminer si elle s’applique à la demande dont il est saisi (Gill c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1441 aux para 16-18). Bien que l’agent en l’espèce ait pris en considération l’explication du demandeur, il n’a pas procédé à une évaluation rationnelle et ne s’est pas attaqué aux éléments de preuve.

[16] Il a écarté l’explication donnée par le demandeur, qui affirmait avoir mal compris la question, parce que le demandeur avait répondu correctement aux [traduction] « autres questions réglementaires ». La question à la source du litige, à laquelle le demandeur a répondu par la négative, est moins directe et un peu floue en ce qui concerne les notions de « statut » et de « permis ».

[17] Le demandeur n’a pas compris que la réponse correcte à la question 2a était « Oui ». Selon le paragraphe 183(5) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le RIPR], si le résident temporaire demande la prolongation de son statut, la période de séjour est automatiquement prolongée jusqu’à ce qu’il soit statué sur la demande. Or le demandeur n’a appris le refus de sa demande de prolongation que le 20 avril 2021. Par conséquent, son séjour autorisé aurait dû se poursuivre jusqu’au 20 avril 2021. Une décision ne peut être considérée comme ayant été « rendue » tant qu’elle n’est pas communiquée au résident temporaire concerné (Shekhtman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 964 aux para 25-27).

[18] Par ailleurs, le paragraphe 182(1) du RIPR permet à un visiteur de demander le rétablissement de son statut dans les 90 jours suivant la perte de ce statut. Le demandeur a présenté une demande de rétablissement de son statut de visiteur le 11 mai 2021. Le site Web du gouvernement du Canada précise que les demandeurs peuvent rester au Canada en attendant la décision au sujet de leur demande de rétablissement du statut de travailleur. Par conséquent, il est compréhensible qu’un profane croie qu’il lui est « permis » de se trouver au Canada si on le laisse y rester.

[19] Le défendeur ajoute des éléments au dossier en mentionnant les cours d’anglais suivis par le demandeur en 2018 et 2019, le fait qu’il ait choisi de recevoir des services en anglais et les communications en anglais relativement à la demande de permis de séjour temporaire. L’agent n’a pas traité de ces faits dans ses motifs.

[20] Enfin, lorsqu’une conclusion relative à de fausses déclarations entraînant une période d’interdiction de territoire de cinq ans est envisagée, des répercussions aussi graves font en sorte que « les motifs du décideur doivent ‘refléter les enjeux pour l’intéressé et tenir compte de la perspective de ce dernier’ » (Gill, au para 7).

[21] Bien que l’agent prétende analyser l’exception relative à l’erreur commise de bonne foi dans ses motifs, son examen des faits n’est pas à la mesure des enjeux, ce qui rend la décision déraisonnable (Shao c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 973 aux para 21-22; Bhatia c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2024 CF 698 [Bhatia] aux para 18-19).

[22] Même si ses observations écrites comportaient des arguments sur l’importance de la fausse déclaration, le demandeur a choisi de renoncer à faire valoir cette partie de ses observations à l’audience.

(2) La position du défendeur

[23] Les motifs de l’agent traitent avec exhaustivité de l’exception relative à l’erreur commise de bonne foi et contiennent une analyse de son application. Malgré qu’il ait abandonné ses arguments sur l’importance de la fausse déclaration à l’audience, le demandeur a admis avoir répondu de manière inexacte à la question en litige. Le devoir de franchise exige une divulgation complète. Il incombait au demandeur de présenter ses « meilleurs arguments » lorsqu’il a répondu à la lettre relative à l’équité procédurale. L’agent n’était pas tenu de demander des renseignements supplémentaires si le demandeur ne s’était pas acquitté de son fardeau (Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 969 au para 23). Il était raisonnable pour l’agent de rejeter l’explication du demandeur compte tenu du dossier. L’agent souligne que l’explication du demandeur n’a pas apaisé ses doutes au sujet de la véracité et du fait que la réticence sur des renseignements a pu empêcher la tenue de vérifications et d’évaluations supplémentaires.

(a) L’exception relative à l’erreur commise de bonne foi

[24] L’exception relative à l’erreur commise de bonne foi est étroite et ne s’applique que dans des circonstances vraiment exceptionnelles. Dans la décision Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 747 [Singh], la Cour résume les principes sous-tendant cette exception, qui comprennent notamment l’obligation de franchise du demandeur et le fait que celui-ci doit s’assurer de l’exactitude et de l’intégralité de l’information. La décision Singh énonce clairement, au paragraphe 28, que le demandeur porte l’entière responsabilité des fausses déclarations, peu importe qu’elles soient délibérées, faites par négligence, intentionnelles ou non, faites par lui‑même ou par d’autres personnes en son nom, et même lorsqu’elles ont été faites à son insu.

[25] L’agent a raisonnablement pris en compte l’exception relative à l’erreur commise de bonne foi et a conclu qu’elle ne s’appliquait pas en l’espèce compte tenu de l’ensemble des éléments de preuve. Le demandeur a répondu sans se tromper aux autres questions. L’agent a accordé peu de poids à l’explication donnée par le demandeur, soit qu’il avait des compétences limitées en lecture et qu’il [traduction] « [ne comprenait] pas bien la loi, ce qui [lui] a valu d’être trompé par des sociétés d’immigration au Canada ». Selon l’agent, il incombe quand même au demandeur d’examiner et de vérifier les informations fournies à l’appui de sa demande afin de s’assurer de leur exactitude et de leur véracité.

[26] Le demandeur reproche à un cabinet de consultants en immigration de l’avoir [traduction] « dupé », ce qui a fait en sorte qu’il a dépassé la durée de séjour autorisée. Cependant, la dernière interaction du demandeur avec ce cabinet remonte à 2019. Le demandeur ne précise pas si le consultant en immigration a aussi préparé la demande de permis de séjour temporaire présentée en 2023. Néanmoins, notre Cour a rejeté une demande de contrôle judiciaire dans laquelle le demandeur invoquait les activités frauduleuses des représentants qu’il avait engagés (Cao c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CF 260 aux para 3-4, et 17).

[27] Les connaissances limitées du demandeur en anglais n’excusent pas la fausse déclaration en l’espèce. La Cour a rejeté de la même manière l’incapacité de lire l’anglais et la méconnaissance du processus qu’avait invoquées un demandeur pour justifier une fausse déclaration et a affirmé que, même si le demandeur avait été dupé, cela ne l’exonérait pas des conséquences de sa fausse déclaration (Haghighat c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 598 [Haghighat]).

[28] En outre, le demandeur a rédigé sa réponse à la lettre relative à l’équité procédurale en anglais, il a étudié l’anglais au Canada en 2018 et 2019, et il a choisi dans son formulaire de demande de recevoir des services en anglais, affirmant qu’il pouvait communiquer en anglais. La réponse du demandeur ne précise pas qu’il avait bénéficié de services de traduction, mais l’affidavit présenté aux fins du contrôle judiciaire indique que son fils avait fait une traduction orale en vietnamien pour lui. Le défendeur n’ajoute aucun élément aux motifs de l’agent. Celui-ci est présumé avoir tenu compte de toute la preuve qui lui a été présentée avant de rendre sa décision. Le défendeur soutient que cette décision était raisonnable compte tenu de l’ensemble de la trame factuelle.

(3) Conclusion

[29] La décision était raisonnable. Les motifs reflètent les enjeux et le dossier dont disposait l’agent. Ce dernier a fourni des motifs qui répondent à la réponse du demandeur à la lettre relative à l’équité procédurale, s’est livré à une analyse visant à déterminer s’il y a eu fausse déclaration sur un fait important au sens du paragraphe 40(1) de la LIPR et s’est demandé si l’exception relative à l’erreur commise de bonne foi s’appliquait.

(a) L’exception relative à l’erreur commise de bonne foi

[30] Dans le dossier du SMGC, l’agent a formulé les commentaires suivants sur l’exception relative à l’erreur commise de bonne foi :

[traduction]

L’exception à l’application de l’alinéa 40(1)a) est restreinte et s’applique uniquement dans des circonstances véritablement exceptionnelles, où le demandeur croyait honnêtement et raisonnablement qu’il ne faisait pas de présentation erronée sur un fait important et où il lui était impossible d’avoir connaissance de la fausse déclaration. Autrement dit, le demandeur ignorait subjectivement qu’il dissimulait des renseignements.

[31] L’agent a résumé la réponse du demandeur à la lettre relative à l’équité procédurale comme suit : le demandeur a accidentellement cliqué sur la case « Non » pour répondre à la question en raison de ses compétences limitées en lecture; il a fourni des informations supplémentaires concernant son statut et ses demandes au Canada; il a mentionné qu’en raison de ses connaissances limitées, il a été dupé par des sociétés d’immigration. L’agent a accordé peu de poids à l’explication du demandeur en soulignant que ce dernier avait donné des réponses correctes à d’autres questions obligatoires.

[32] Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que les observations du demandeur visent essentiellement à étayer sa réponse initiale. Le demandeur n’a fourni aucune information au sujet de sa confusion entre le fait qu’il avait un « permis » pour rester au Canada ou qu’on l’ait « laissé » rester au pays. Je souligne également que la question 2a) est ainsi libellée : « Êtes-vous resté au Canada après l’expiration de votre statut, avez[-vous] fréquenté l’école sans permis d’études au Canada [ou] travaillé sans permis de travail au Canada? » [Non souligné dans l’original.] Les observations relatives au débat sur la notion de « permis » ne s’appliquent pas de toute façon : la question consiste à savoir si le demandeur est resté au Canada après l’expiration de son statut, et non s’il l’a fait avec ou sans permis.

[33] Dans sa réponse à la lettre relative à l’équité procédurale, le demandeur a reconnu qu’il était resté plus longtemps que prévu parce qu’il a été [traduction] « dupé » par des sociétés d’immigration et que la pandémie de COVID-19 avait entraîné des restrictions de vol. Toutefois, il n’a jamais fait valoir dans ses observations que la fausse déclaration elle-même était indépendante de sa volonté. Compte tenu de la demande et des explications données par le demandeur dans sa réponse à la lettre relative à l’équité procédurale, l’agent a conclu raisonnablement que l’exception étroite relative à l’erreur commise de bonne foi ne s’appliquait pas.

[34] Je conviens avec le demandeur que les observations du défendeur sur ses compétences en anglais n’ont essentiellement rien à voir avec les motifs donnés par l’agent.

[35] Même si les observations relatives à l’importance de la fausse déclaration ont été abandonnées à l’audience, la Cour souligne que la jurisprudence est claire quant à l’obligation continue de franchise imposée aux demandeurs, qui doivent donc toujours fournir des renseignements fidèles. Les demandeurs ne peuvent pas tirer parti du fait que la fausse déclaration a été mise au jour par les autorités d’immigration avant qu’elles ne se prononcent sur la demande (Kazzi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 153 au para 38).

B. La décision était-elle équitable sur le plan procédural?

(1) La position du demandeur

[36] Même si un permis de séjour temporaire suppose habituellement un degré faible d’équité procédurale, le paragraphe 27 de la décision Likhi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 171 énonce ce qui suit :

[…] les conclusions afférentes d’avoir fait une présentation erronée au titre de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR appellent un niveau ou un degré plus strict d’équité procédurale, car une telle conclusion empêche l’intéressé de présenter une nouvelle demande pendant cinq ans, une conséquence sévère, qui peut donc également rejaillir sur sa réputation.

[37] La lettre relative à l’équité procédurale n’a pas permis au demandeur de comprendre raisonnablement les raisons pour lesquelles l’agent envisageait de rejeter sa demande, ce qui a réduit sa capacité à répondre aux réserves qui étaient exprimées (Bhatia, au para 21). En affirmant que le demandeur avait séjourné au Canada sans permis entre le 28 décembre 2018 et le 2 février 2022, l’agent laissait entendre que l’ensemble du séjour n’avait pas été autorisé. Par conséquent, le demandeur a relaté l’ensemble de son parcours d’immigration au Canada. Ces erreurs dans la lettre relative à l’équité procédurale ont empêché le demandeur de répondre correctement. Le demandeur a été amené à croire qu’il s’était trouvé sans permis au Canada pendant trois ans et deux mois, au lieu de 9,5 mois. La quasi-totalité de la période réelle de séjour sans permis, soit 9,5 mois, était comprise dans la période visée par la demande de rétablissement, celle pendant laquelle le demandeur a été autorisé à rester au Canada.

[38] Enfin, contrairement aux observations du défendeur, la réponse à la lettre relative à l’équité procédurale n’a pas été déposée en retard.

(2) La position du défendeur

[39] La procédure a été équitable à l’endroit du demandeur. L’agent a envoyé une lettre relative à l’équité procédurale où il exprimait ses réserves quant à la présentation erronée que constituait la réponse à la question 2a). Il a aussi précisé la période de séjour non autorisé (du 28 décembre 2018 au 2 février 2022). En réponse, le demandeur n’a pas contesté le dépassement de la durée de séjour autorisée. Il a plutôt fait part de son désaccord quant à la période où il s’est retrouvé sans statut (du 20 avril 2021 au 2 février 2022). Le demandeur a eu l’occasion d’apporter des éclaircissements ou de dissiper les doutes. Cependant, une fois qu’il a admis être resté au Canada à l’expiration de son statut, il admettait exactement la fausse déclaration qui lui est reprochée. L’agent a tenu compte d’informations supplémentaires concernant l’avancement des demandes présentées par le demandeur au Canada. Il a souligné que le demandeur n’a déposé aucune preuve documentaire pour corroborer le temps qu’il a passé au Vietnam, ni ses deux départs déclarés du Canada en 2018.

[40] Selon ses dossiers, IRCC a reçu une réponse tardive à la lettre relative à l’équité procédurale, qui lui est parvenue le 15 juin 2023 au lieu du 24 mai 2023. L’agent a tout de même tenu compte de l’explication dans les motifs, malgré le non-respect des délais. Cette divergence n’a pas d’importance.

(3) Conclusion

[41] L’agent n’a pas porté atteinte aux droits du demandeur en matière d’équité procédurale. Le demandeur a eu la possibilité de répondre aux doutes concernant la fausse déclaration qui avaient été exprimés dans la lettre relative à l’équité procédurale.

[42] Le demandeur affirme que la lettre relative à l’équité procédurale ne satisfaisait pas aux règles d’équité procédurale. La position du demandeur lors du contrôle judiciaire repose essentiellement sur de la confusion. Le demandeur pensait qu’il lui suffisait de corriger les dates indiquées dans la lettre. Toutefois, sa réponse montre clairement qu’il s’est rendu compte que les informations qu’il avait fournies étaient inexactes et qu’il a cherché à apporter des corrections en ce qui a trait à ses antécédents d’immigration.

[43] Il incombe au demandeur de présenter ses « meilleurs arguments ». Malgré tout, le demandeur n’a fourni que peu de renseignements pour dissiper les doutes de l’agent concernant la fausse déclaration. Le demandeur a eu suffisamment l’occasion de connaître les arguments présentés contre lui et, en conséquence, d’y répondre.

VI. Conclusions

[44] Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[45] Les parties n’ont proposé aucune question à certifier, et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-10433-23

LA COUR REND LE JUGEMENT qui suit :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. L’affaire ne soulève aucune question aux fins de certification.

« Paul Favel »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-10433-23

 

INTITULÉ :

HOANG ANH TUAN LAM c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 15 JUILLET 2024

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE FAVEL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 17 JANVIER 2025

 

COMPARUTIONS :

Nalini Reddy

POUR LE DEMANDEUR

 

Cynthia Lau

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gindin Segal Law

Winnipeg (Manitoba)

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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