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Date : 20250102


Dossier : IMM-15365-23

Référence : 2025 CF 10

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 2 janvier 2025

En présence de madame la juge Pallotta

ENTRE :

DONALDO MALASI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] M. Donaldo Malasi demande à la Cour d’annuler la décision par laquelle un agent des visas (l’agent) a rejeté sa demande de visa de résident temporaire (VRT).

[2] M. Malasi, un citoyen de l’Albanie, a présenté une demande de VRT afin de venir rendre visite à son frère et à la famille de celui-ci au Canada durant un mois. L’agent n’était pas convaincu que M. Malasi quitterait le Canada à la fin de la période de séjour autorisée, comme l’exige l’alinéa 179b) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le RIPR), et il a rejeté la demande pour ce motif. Il était d’avis que M. Malasi n’avait pas fourni suffisamment de détails sur ses actifs et sa situation financière et que ses liens affectifs avec l’Albanie étaient faibles.

[3] M. Malasi soutient que la décision de l’agent était déraisonnable selon les principes énoncés dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]. Il affirme que le raisonnement de l’agent était exagérément hypothétique et que ses conclusions montraient qu’il avait mal interprété la preuve ou n’en avait pas tenu compte.

[4] Premièrement, M. Malasi soutient que l’agent a écarté ou mal interprété des renseignements et des éléments de preuve essentiels de nature financière et qu’il n’a pas expliqué pourquoi ses actifs n’étaient pas suffisants pour étayer une demande de visa d’un mois pour venir au Canada. Il affirme que l’agent a discrédité la preuve qui indique qu’il est propriétaire de sa résidence et qu’il possède et exploite sa propre entreprise depuis 2018 au motif qu’il n’avait pas fourni de relevé bancaire détaillé montrant des opérations. Il ajoute que sa demande comprenait un état financier de l’entreprise de son frère, qui montrait d’importants revenus bruts.

[5] Je ne suis pas convaincue par ce premier argument.

[6] L’état financier de l’entreprise du frère du demandeur n’était pas pertinent, puisque la demande indiquait que le voyage serait financé par M. Malasi, et non par son frère.

[7] Le défendeur fait remarquer à juste titre que la liste de contrôle des documents qui s’applique aux demandeurs de VRT de l’Albanie exige que les demandeurs fournissent un relevé de leurs opérations bancaires des trois mois précédents pour démontrer qu’ils peuvent assumer les dépenses de leur voyage. L’agent a expressément noté que M. Malasi n’avait pas fourni de relevés bancaires détaillés. Un agent peut raisonnablement conclure qu’un demandeur n’a pas établi qu’il dispose de fonds suffisants pour financer le but déclaré du voyage s’il n’a pas fourni les documents expressément mentionnés dans la liste de contrôle ou une explication raisonnable pour ne pas l’avoir fait : Bawa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2024 CF 1605 au para 9; voir également Koulaji c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2024 CF 1044 au para 4 et Kaleka c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2024 CF 1457 aux para 27-28.

[8] Deuxièmement, M. Malasi soutient que les conclusions de l’agent concernant ses liens avec l’Albanie sont aussi déraisonnables. Il affirme que l’agent a conclu à tort qu’il [traduction] « n’avait pas de liens apparents avec l’Albanie » alors qu’il a vécu en Albanie toute sa vie, qu’il y possède une résidence où il vit avec ses parents et qu’il y possède et exploite sa propre entreprise depuis 2018. M. Malasi soutient que l’agent n’a pas tenu compte de ces renseignements et qu’il n’a pas expliqué pourquoi ses liens avec son frère au Canada seraient plus importants que ses liens avec ses parents. Il renvoie à l’affaire Azari c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2024 CF 34 (au paragraphe 6), qu’il juge similaire :

[6] Bien que le demandeur ait soulevé plusieurs questions dans sa demande de contrôle judiciaire, j’estime que la question déterminante en l’espèce est l’affirmation de l’agent selon laquelle le demandeur n’a pas de liens familiaux importants à l’extérieur du Canada. L’agent ne fournit pas de justification pour cette observation dans ses notes au SMGC. Cette observation de l’agent pose problème, puisque le formulaire « Informations sur la famille » du demandeur joint à sa demande de permis de travail indique sa mère, son père, sa sœur et son frère comme membres de sa famille vivant en Iran, et seulement un frère vivant au Canada. Je conclus que l’omission de l’agent d’examiner cet élément de preuve, qui contredit directement sa conclusion, rend sa décision déraisonnable [renvois omis].

[9] Le défendeur affirme que la conclusion de l’agent selon laquelle les renseignements financiers fournis étaient insuffisants était non seulement raisonnable, mais aussi déterminante quant à la décision de rejeter la demande de M. Malasi. À cet égard, le défendeur se fonde sur les paragraphes 12 à 16 de la décision Davoodabadi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2024 CF 85 [Davoodabadi].

[10] En outre, le défendeur soutient que les conclusions de l’agent concernant les liens familiaux étaient raisonnables, car M. Malasi n’a fourni aucun renseignement sur les liens avec ses parents qui l’inciteraient à quitter le Canada à la fin de son séjour. M. Malasi n’a pas fourni de déclaration pour expliquer ses liens avec ses parents, et les observations présentées par son conseil mentionnaient seulement qu’il vivait avec eux. Le défendeur fait observer qu’un décideur n’est pas tenu de renvoyer expressément à tous les éléments de preuve et qu’il est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve, à moins que le contraire puisse être établi. Les décisions des agents des visas sont habituellement brèves et, compte tenu des renseignements contenus dans la demande de M. Malasi, il n’était pas déraisonnable pour l’agent de ne pas faire mention des parents de celui-ci.

[11] Je ne suis pas convaincue que la conclusion de l’agent concernant la situation financière de M. Malasi était déterminante, selon les motifs de la Cour dans la décision Davoodabadi. Dans cette décision, la Cour a jugé que la conclusion de l’agent selon laquelle les renseignements financiers fournis n’étaient pas suffisants pour étayer la demande de permis d’études était déterminante : Davoodabadi, au para 16. Le raisonnement reposait sur l’article 220 du RIPR, qui prévoit qu’un agent ne délivre pas de permis d’études à moins qu’il ne soit démontré que le demandeur dispose, sans qu’il lui soit nécessaire d’exercer un emploi au Canada, de ressources financières suffisantes pour acquitter les frais de scolarité, pour subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille qui l’accompagnent, et pour acquitter les frais de transport pour lui-même et les membres de sa famille qui l’accompagnent pour venir au Canada et en repartir : ibid., au para 10. En l’espèce, le défendeur n’a pas soulevé d’exigence semblable prévue par la loi pour les VRT, et l’agent n’a pas affirmé que la situation financière de M. Malasi était déterminante. L’agent est plutôt parvenu à sa décision après avoir soupesé plusieurs facteurs.

[12] Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que le défaut de l’agent de mentionner les parents de M. Malasi n’était pas en soi déraisonnable, étant donné que peu de renseignements avaient été fournis à leur sujet dans la demande. Toutefois, dans sa demande, M. Malasi soulevait un certain nombre de points concernant son établissement en Albanie pour démontrer qu’il y retournerait à la fin de son séjour. M. Malasi a déclaré qu’il avait vécu en Albanie toute sa vie, qu’il vivait avec ses parents dans une maison dont il était propriétaire, qu’il possédait et exploitait sa propre entreprise depuis cinq ans et qu’il avait occupé un emploi stable avant de posséder son entreprise. Il a aussi déclaré qu’il avait voyagé à l’extérieur de l’Albanie à de nombreuses reprises et qu’il était toujours retourné chez lui. Il a ajouté qu’il devait y retourner pour continuer à diriger son entreprise.

[13] L’agent n’était pas tenu de renvoyer à tous les éléments de preuve, mais dans le cas de M. Malasi, il n’a mentionné aucun des points soulevés par ce dernier au sujet de son établissement, et il est difficile de savoir s’il en a tenu compte pour conclure que M. Malasi n’avait pas de liens apparents avec l’Albanie. Étant donné que l’une des principales raisons pour lesquelles l’agent a rejeté la demande de M. Malasi était ses liens avec l’Albanie, je conclus que M. Malasi a établi l’existence d’une lacune suffisamment grave pour justifier l’annulation de la décision.

[14] Pour les motifs qui précèdent, j’accueillerai la demande de contrôle judiciaire.

[15] Aucune des parties n’a proposé de question aux fins de certification. Il n’y a pas de question importante à certifier.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-15365-23

LA COUR REND LE JUGEMENT qui suit :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. La décision de l’agent est annulée, et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen.

  3. Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.

« Christine M. Pallotta »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-15365-23

 

INTITULÉ :

DONALDO MALASI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 27 novembre 2024

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE PALLOTTA

 

DATE DES MOTIFS :

Le 2 janvier 2025

 

COMPARUTIONS :

Marvin Moses

 

Pour le demandeur

 

Andrea Mauti

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Marvin Moses Law Office

Cabinet d’avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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