Date : 20250103
Dossier : IMM-1799-24
Référence : 2025 CF 19
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 3 janvier 2025
En présence de monsieur le juge Zinn
ENTRE : |
KASHIF BASHIR |
demandeur |
et |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
I. Contexte
[1] Je rejetterai la présente demande de contrôle judiciaire. Le demandeur, M. Bashir, est venu au Canada en provenance de la Corée du Sud et a demandé l’asile. La Section de la protection des réfugiés [la SPR] a rejeté sa demande d’asile, puis la Section d’appel des réfugiés [la SAR] a rejeté son appel.
[2] Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision de la SAR. La principale question que je dois trancher est celle de savoir s’il était raisonnable pour la SAR de conclure que le demandeur n’avait pas démontré qu’il craignait avec raison d’être persécuté en Corée du Sud.
[3] Je conclus que la SAR a rendu une décision raisonnable lorsqu’elle a jugé que la discrimination à laquelle était exposé le demandeur en Corée du Sud ne constituait pas de la persécution. La SAR a adéquatement tenu compte de l’expérience personnelle du demandeur en tant que membre de la communauté LGBT et du traitement général réservé aux minorités sexuelles en Corée du Sud. Elle a conclu à juste titre que le traitement réservé aux personnes LGBT en Corée du Sud était loin d’être parfait, mais que les institutions démocratiques du pays, notamment la police et les tribunaux, leur offraient une protection adéquate.
II. Faits
[4] Le demandeur est né au Pakistan. En 2005, il a obtenu la citoyenneté sud‑coréenne et a renoncé à sa citoyenneté pakistanaise. Il vivait en Corée du Sud depuis 1997, où il dirigeait sa propre entreprise.
[5] Le demandeur se définit comme étant musulman sunnite et bisexuel. Il a épousé une femme en Corée du Sud, mais ne lui a pas parlé de son orientation sexuelle. Pendant qu’il était marié, il avait des relations intimes avec des hommes et fréquentait des lieux accueillant les personnes homosexuelles en Corée du Sud.
[6] Un jour de décembre 2019, le demandeur se trouvait dans un bar d’hôtel à Séoul avec son petit ami. Lorsqu’ils se sont embrassés, un homme coréen les a confrontés et a commencé une bagarre. Des policiers sont arrivés sur les lieux et ont détenu le demandeur et son petit ami. Les policiers ont fait des commentaires désobligeants au sujet de leur orientation sexuelle et de leurs origines étrangères. Cependant, après avoir visionné les images de la caméra de sécurité qui montraient que le demandeur et son petit ami étaient les victimes de l’agression, les policiers les ont laissés partir sans porter d’accusations. Un policier a ensuite appelé l’épouse du demandeur et l’a informée de l’orientation sexuelle de ce dernier.
[7] À la suite de cette situation, l’épouse du demandeur a coupé les ponts avec lui et a quitté la Corée du Sud de manière définitive. De plus, son entreprise a commencé à péricliter et il s’est mis à consommer de l’alcool de manière excessive. Le demandeur a tenté de se réconcilier avec son épouse, sans succès. Le 14 février 2020, le demandeur est arrivé au Canada et a présenté une demande d’asile.
[8] La SPR a estimé que le demandeur disait la vérité au sujet de son orientation sexuelle et de ce qu’il avait vécu en Corée du Sud. Elle a cependant conclu qu’il n’avait pas démontré que la Corée du Sud ne serait pas en mesure de le protéger. Elle a fait observer que la discrimination était certainement présente dans ce pays, mais que la preuve ne démontrait ni l’incapacité ni l’absence de volonté des autorités sud‑coréennes de protéger les personnes ayant un profil comparable à celui du demandeur.
[9] Le demandeur n’était pas d’accord et a interjeté appel de la décision de la SPR auprès de la SAR. Il a soutenu que la SPR avait tort à propos de la protection offerte par la Corée du Sud et qu’elle n’avait pas dûment tenu compte de la preuve selon laquelle la discrimination à l’égard des personnes ayant un profil comparable au sien était répandue dans ce pays.
III. Décision de l’instance inférieure
[10] Le 2 janvier 2024, la SAR a rejeté l’appel du demandeur. Elle a procédé à un nouvel examen et a évalué si la SPR avait rendu la décision correcte compte tenu de l’ensemble de la preuve. La SAR a expliqué que la persécution, dans le contexte d’une demande d’asile, consistait en des violations répétées ou graves des droits de la personne. Elle a précisé que ces violations devaient être plus graves que des actes discriminatoires, car elles devaient menacer [traduction] « l’intégrité fondamentale et l’avenir »
de la personne. La SAR a également fait remarquer que des actes discriminatoires mineurs, pris globalement, pouvaient constituer de la persécution s’ils démontraient une violation répétée des droits fondamentaux de la personne.
[11] En ce qui concerne la protection de l’État, la SAR a mentionné qu’aucun pays n’était en mesure de protéger parfaitement ses citoyens, mais que, de façon générale, l’État devait être mesure d’offrir une protection adéquate dans la pratique. On présume généralement qu’un pays est en mesure de protéger ses citoyens. Pour prouver qu’un pays n’est pas en mesure de le faire, le demandeur doit présenter une preuve claire et convaincante. La SAR a fait observer que cette preuve, dans le cas de pays démocratiques comme la Corée du Sud, doit être encore plus abondante, car ces pays disposent généralement de moyens accrus et plus efficaces pour protéger leurs citoyens.
[12] La SAR a conclu que la SPR avait commis une erreur en ne tenant pas compte de l’ensemble de la preuve, surtout celle qui concerne le traitement réservé aux personnes LGBT en Corée du Sud. Néanmoins, après avoir effectué un examen indépendant et approfondi, la SAR a conclu que les personnes LGBT et les étrangers étaient victimes de discrimination, notamment en matière d’éducation, d’emploi et d’accès aux soins de santé, ainsi que dans les médias et sur le plan juridique, mais que ce traitement ne constituait pas de la persécution en droit.
[13] La SAR est parvenue à cette conclusion après avoir examiné plusieurs faits importants concernant la Corée du Sud. Premièrement, l’homosexualité n’est pas illégale et des lois existent pour protéger les personnes LGBT contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Deuxièmement, les tribunaux coréens commencent à reconnaître davantage les droits des personnes LGBT, et la police enquête sur les actes de violence commis à leur égard. Troisièmement, le pays autorise les festivals de la fierté et offre une protection policière dans le cadre de ces événements. Fait important, aucune grande organisation de défense des droits de la personne n’a constaté que les personnes ayant un profil comparable à celui du demandeur étaient exposées à de la persécution en Corée du Sud.
[14] En ce qui concerne la situation personnelle du demandeur, la SAR a convenu qu’il était exposé à de la discrimination, mais a conclu qu’il ne s’agissait pas de persécution. La SAR a tiré cette conclusion pour les raisons suivantes :
-
1)Le demandeur était relativement ouvert à propos de son orientation sexuelle en Corée du Sud depuis 1997;
-
2)Le demandeur fréquentait souvent des lieux destinés à une clientèle homosexuelle et situés [traduction]
« aux quatre coins de la Corée »
; -
3)Le demandeur avait accès aux services essentiels;
-
4)Lors de la situation de décembre 2019 où la police est intervenue, le demandeur a été victime de discrimination, mais elle l’a laissé partir après avoir visionné la preuve vidéo;
-
5)Les différentes situations vécues par le demandeur, bien que troublantes, ne démontrent pas une violation répétée de ses droits fondamentaux.
[15] La SAR a conclu que le demandeur n’avait pas démontré qu’il serait exposé à un risque sérieux de persécution en Corée du Sud en tant qu’homme musulman bisexuel né à l’étranger. Il n’avait pas non plus prouvé qu’il serait exposé à une menace à sa vie, au risque de traitements cruels ou au risque d’être soumis à la torture s’il y retournait.
IV. Question en litige
[16] Je dois examiner le caractère raisonnable de la décision de la SAR. La principale question à trancher est celle de savoir s’il était raisonnable pour la SAR de conclure que les situations vécues par le demandeur en Corée du Sud, prises individuellement et de manière cumulative, démontraient qu’il était victime de discrimination et non de persécution, et que la Corée du Sud était toujours en mesure de lui offrir une protection adéquate.
V. Norme de contrôle applicable
[17] Je suis d’accord avec les parties pour dire que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable énoncée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov].
VI. Cadre juridique
[18] Pour obtenir l’asile au titre de l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, une personne doit démontrer qu’elle craint avec raison d’être persécutée sur le fondement d’une crainte subjective et d’une preuve objective : Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689 [Ward]. Pour établir un risque de persécution, elle doit démontrer que ses droits fondamentaux sont violés de façon répétée ou systématique dans son pays de nationalité et que celui‑ci n’a pas assuré sa protection.
[19] Il ne suffit pas pour une personne de démontrer qu’elle est exposée à de la discrimination pour prouver l’existence d’un risque de persécution. Aux paragraphes 41 et 42 de l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Munderere, 2008 CAF 84 [Munderere], la Cour d’appel fédérale a fait observer qu’il faut examiner l’ensemble des actes de discrimination pour déterminer s’ils montrent une violation répétée des droits de la personne. Plus précisément, pour que ces actes de discrimination constituent de la persécution, leur effet cumulatif doit être suffisamment grave pour que la personne craigne avec raison pour sa sécurité et son bien‑être futur : Machedon c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1104 au para 55; Akcay c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 950 au para 23.
VII. Analyse
[20] Le demandeur affirme que la décision de la SAR est déraisonnable pour trois raisons principales. Premièrement, il affirme que la SAR n’a pas dûment pris en compte les conséquences systémiques des actes discriminatoires commis par la police et la manière dont ces conséquences influent sur la capacité de la Corée du Sud à le protéger. Deuxièmement, il affirme que la SAR a eu tort de chercher à obtenir la preuve que toutes les personnes ayant un profil comparable au sien étaient persécutées en Corée du Sud, de s’appuyer sur l’absence de preuve à cet égard et de minimiser ses expériences personnelles. Troisièmement, il affirme que la SAR n’a pas correctement examiné l’ensemble des actes discriminatoires qu’il avait subis pour déterminer leur effet cumulatif sur lui, et qu’elle a trop rapidement conclu qu’il ne s’agissait pas de persécution.
[21] J’ai examiné attentivement chacun de ces arguments. Je ne suis pas d’accord pour dire que ceux‑ci, pris ensemble ou séparément, démontrent que la SAR a commis les erreurs alléguées qui rendraient sa décision déraisonnable.
A. La situation avec la police – La SAR a conclu à juste titre que la protection de l’État est adéquate
[22] Je souscris à la façon dont la SAR a examiné la situation qui s’est produite en décembre 2019 et à la conclusion qu’elle a tirée quant à la capacité de la Corée du Sud de protéger ses citoyens. La SAR a adopté une approche équilibrée. Elle a convenu que la conduite de la police, qui avait arrêté à tort le demandeur et son partenaire au lieu de leur agresseur, avait formulé des commentaires discriminatoires à leur égard et avait informé à tort l’épouse du demandeur de l’orientation sexuelle de ce dernier, révélait de graves lacunes. Toutefois, il était raisonnable pour la SAR de conclure que cette situation, lorsqu’elle est examinée en lien avec les autres situations vécues par le demandeur, ne constitue pas la preuve [traduction] « claire et convaincante »
nécessaire pour démontrer que la Corée du Sud n’est pas en mesure de protéger ses citoyens.
[23] La SAR a insisté sur le fait que, au bout du compte, le système avait permis de protéger le demandeur. Bien que les policiers aient initialement fait preuve de discrimination à l’égard du demandeur, ils l’ont rapidement libéré après avoir constaté, grâce aux images de la caméra de sécurité, qu’il était la victime, et ils n’ont pas porté d’accusations contre lui. Comme l’a fait observer la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Ward, c’est ce qu’on entend lorsqu’on affirme que le système d’un pays donné n’est peut‑être pas parfait, mais qu’il fonctionne tout de même suffisamment bien pour protéger ses citoyens : les erreurs commises concernant la détention du demandeur ont été constatées et rapidement corrigées.
[24] La SAR a également examiné la situation générale en Corée du Sud en matière de protection des personnes LGBT. Elle a conclu que la police assurait une protection pendant les événements de la fierté, enquêtait sur la violence fondée sur l’orientation sexuelle et intervenait dans des cas de discrimination contre les minorités sexuelles. Fait important, la SAR a fait observer que le demandeur n’avait été détenu à tort par la police à aucune autre reprise lorsqu’il avait eu affaire à elle. Ainsi, selon la SAR, la situation problématique qui s’est produite en décembre 2019 était ponctuelle et ne découlait pas d’une habitude de la police de le harceler ou de harceler des personnes ayant un profil comparable au sien.
[25] Le demandeur renvoie au paragraphe 24 de la décision Molnar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1re inst), 2002 CF 1081, pour faire valoir que la Cour ne devrait examiner que les interventions de la police lorsqu’elle détermine si un pays est en mesure de protéger sa population. Ce n’est pas ce que dit le droit canadien.
[26] Dans un arrêt plus récent, à savoir Hinzman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 171, la Cour d’appel fédérale a fait observer que, lorsqu’il s’agit de pays démocratiques comme la Corée du Sud, un demandeur doit avoir épuisé tous les recours raisonnables qui s’offrent à lui pour obtenir la protection de l’État, et ne doit pas seulement solliciter la protection de la police.
B. Le risque personnel – La SAR a correctement examiné la preuve relative au demandeur et celle relative au groupe LGBT
[27] Le demandeur affirme que la SAR a commis une erreur en accordant trop d’importance à la question de savoir si des organisations de défense des droits de la personne avaient constaté que des personnes ayant un profil comparable au sien étaient persécutées en Corée du Sud, et en n’en accordant pas suffisamment à son expérience personnelle. Il renvoie à l’observation de la SAR selon laquelle [traduction] « aucune grande organisation de défense des droits de la personne n’a constaté que les personnes ayant un profil comparable au [sien] étaient généralement exposées à de la persécution en Corée du Sud »
. Selon le demandeur, cette observation indique que la SAR a trop cherché à obtenir la preuve que l’ensemble de son groupe était exposé à de la persécution au lieu d’examiner ce qui lui était réellement arrivé.
[28] Je ne souscris pas à l’avis du demandeur sur la décision de la SAR. Lorsque je lis les motifs de la SAR, je vois qu’elle a commencé par examiner l’expérience personnelle du demandeur et qu’elle a continué de s’y attarder. La SAR a examiné attentivement tout ce qu’il avait vécu : la situation avec la police en décembre 2019, ses problèmes au travail après que ses collègues eurent appris son orientation sexuelle et la façon dont les communautés coréenne et pakistano‑coréenne l’ont rejeté pour cette même raison. La SAR s’est appuyée sur l’expérience personnelle du demandeur pour examiner les risques auxquels il serait exposé.
[29] La SAR a mentionné que les organisations de défense des droits de la personne n’avaient pas constaté que les personnes ayant un profil comparable à celui du demandeur étaient persécutées en Corée du Sud, mais elle n’a pas fondé sa décision uniquement sur cette observation. En ce qui concerne le traitement des personnes LGBT en Corée du Sud, la SAR a également examiné les lois du pays, la façon dont les institutions interviennent en matière de discrimination et l’évolution de l’attitude de la société à l’égard des minorités sexuelles. C’est exactement ce que les décideurs administratifs doivent faire, c’est‑à‑dire examiner l’ensemble de la preuve à leur disposition concernant le risque personnel et le risque général. Le demandeur interprète l’observation de la SAR quant à l’absence de constatations de la part des grandes organisations de défense des droits de la personne en la sortant de son contexte général et la considère comme un facteur déterminant.
C. L’effet cumulatif des actes de discrimination – Il était raisonnable pour la SAR de conclure qu’il ne s’agissait pas de persécution
[30] Je ne suis pas d’accord avec le demandeur pour dire que la SAR n’a pas dûment tenu compte de l’effet cumulatif de tous les actes de discrimination qu’il avait subis lorsqu’elle a tiré sa conclusion. La principale question en l’espèce est de savoir si la SAR a correctement évalué l’effet cumulatif de l’ensemble de ces actes pour déterminer s’ils constituaient de la persécution.
[31] La SAR a appliqué le bon critère juridique. Elle a précisé que [traduction] « la persécution peut découler d’actes mineurs répétés »
. La SAR a donc effectué son analyse en partant du principe que chaque acte pris individuellement ne constituait pas nécessairement de la persécution, mais que l’ensemble des actes subis pouvaient équivaloir à de la persécution s’ils se produisaient assez souvent ou s’ils étaient suffisamment graves pour menacer l’intégrité fondamentale ou la sécurité d’une personne. Il s’agit de l’approche en matière d’évaluation exigée par les arrêts Ward et Munderere.
[32] La SAR a correctement appliqué ce critère. Elle a examiné toutes les situations vécues par le demandeur et a énuméré des actes particuliers de discrimination subis par ce dernier. Elle a explicitement tenu compte des changements favorables qui se produisent en Corée du Sud, comme l’entrée en vigueur de nouvelles protections juridiques pour les personnes LGBT, la protection policière lors d’événements consacrés à la communauté LGBT et le fait que les tribunaux commencent à reconnaître les droits des personnes LGBT. La SAR a également accordé une grande attention à la situation personnelle du demandeur. Elle a convenu qu’un problème en avait entraîné d’autres dans la vie du demandeur et a précisé, par exemple, que le fait que son épouse l’avait quitté avait eu une incidence sur son entreprise et que la discrimination qu’il avait subie dans une sphère de sa vie s’était étendue à d’autres.
[33] En fin de compte, il était raisonnable pour la SAR de conclure que l’expérience du demandeur, même lorsque l’ensemble des situations qu’il avait vécues était pris en compte, ne démontrait toujours pas le genre de violation systématique des droits fondamentaux de la personne qui constitue de la persécution en droit canadien. La SAR a expressément fait observer que le demandeur, malgré la discrimination dont il était victime en raison de son appartenance à la communauté LGBT, pouvait tout de même exercer bon nombre d’activités importantes en Corée du Sud. Il a continué à gérer son entreprise, a reçu des soins de santé et a fait des études, et il a pu vivre sa bisexualité en fréquentant des établissements destinés à une clientèle LGBT aux quatre coins du pays. Il en ressort que le demandeur a été confronté à de réelles difficultés personnelles, mais que celles‑ci ne menaçaient pas fondamentalement sa sécurité ni sa capacité à mener sa vie en préservant son intégrité fondamentale.
VIII. Conclusion
[34] La SAR a rendu une décision raisonnable. Dans ses motifs, elle a établi une distinction entre la discrimination et la persécution et a dûment examiné tant l’expérience personnelle du demandeur que l’efficacité des institutions sud‑coréennes en matière de protection des personnes LGBT. La SAR a correctement analysé les faits pertinents au moyen d’exemples précis sur la façon dont l’ensemble de la Corée du Sud offrait une protection accrue à la communauté LGBT ainsi que les principaux actes de discrimination subis par le demandeur dans le pays. Après avoir examiné la décision de la SAR, je juge qu’elle constitue une issue logique compte tenu de la preuve et du droit.
[35] Aucune question n’a été proposée aux fins de certification.
IX. Post-scriptum
[36] Je tiens à souligner la qualité de rédaction de la décision de la SAR par le commissaire Colin Anderson et l’emploi d’un langage clair. Le début de la décision est rédigé ainsi :
[traduction]
Je rejette votre appel. Dans les pages qui suivent, j’explique pourquoi je le rejette. J’ai tenté de rédiger ma décision dans un langage aussi clair que possible pour vous aider à la comprendre.
[37] M. Anderson a tenu parole : il a rendu une décision facile à comprendre, a résumé les procédures et les critères juridiques applicables sans renvoyer à des décisions judiciaires et s’est adressé à l’appelant, même si ce dernier était représenté par un conseil pendant l’appel. Cette approche louable favorise l’accès à la justice.
JUGEMENT dans le dossier IMM-1799-24
LA COUR rejette la demande de contrôle judiciaire. Aucune question n’est certifiée.
« Russel W. Zinn »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
IMM-1799-24 |
INTITULÉ : |
KASHIF BASHIR c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
LIEU DE L’AUDIENCE : |
TORONTO (ONTARIO) |
DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 5 DÉCEMBRE 2024 |
JUGEMENT ET MOTIFS : |
LE JUGE ZINN |
DATE DES MOTIFS : |
LE 3 JANVIER 2025 |
COMPARUTIONS :
Saim Hashmi |
POUR LE DEMANDEUR |
Kevin Spykerman |
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Anwari Law Avocats Toronto (Ontario) |
POUR LE DEMANDEUR |
Procureur général du Canada Toronto (Ontario) |
POUR LE DÉFENDEUR |