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Date : 20241122


Dossier : IMM-16357-23

Référence : 2024 CF 1879

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 22 novembre 2024

En présence de madame la juge Fuhrer

ENTRE :

MOHAMMADHOSSEIN AZVAR, AZIZ HOMAYONI et NEDA AZVAR

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Les demandeurs sont une famille de trois personnes (deux parents et leur fille) et sont citoyens de l’Iran. Ils se sont enfuis au Canada et ont demandé l’asile, alléguant qu’ils avaient été persécutés pour des motifs politiques par le Corps des gardiens de la révolution islamique [le CGRI] en raison des actes de l’un des fils des parents demandeurs (l’un des frères de leur fille demanderesse), accusé d’avoir violé les lois islamiques. Ce fils n’est pas partie à la présente demande de contrôle judiciaire, car il a obtenu, avec ses deux enfants, l’asile au Canada à la suite d’une procédure antérieure devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada [la CISR].

[2] Les demandeurs affirment également qu’ils courent un risque en raison de leur opposition à l’islam et au port obligatoire du hijab, du sexe des deux codemanderesses et du fait qu’ils ont participé à des manifestations contre le gouvernement iranien au Canada, ce qui a donné lieu à une demande d’asile sur place.

[3] La Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la CISR a rejeté leurs demandes d’asile pour des motifs liés à la crédibilité. La Section d’appel des réfugiés [la SAR] a par la suite établi que la SPR avait eu raison de conclure que les demandeurs n’avaient ni la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personnes à protéger. Dans sa décision de rejeter l’appel, la SAR a convenu avec la SPR que les demandeurs n’étaient généralement pas crédibles et que la preuve corroborante n’étayait pas leurs demandes d’asile.

[4] Les parties conviennent, et je suis d’accord, que l’issue de la présente affaire repose sur le caractère raisonnable de la décision de la SAR. En d’autres mots, la Cour doit déterminer si la décision de la SAR est intelligible, transparente et justifiée en fonction de la norme de contrôle qui est présumée s’appliquer : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] aux para 10, 25, 99. À mon avis, aucune des situations dans lesquelles cette présomption (Vavilov, au para 17) peut être réfutée n’est présente en l’espèce.

[5] À mon avis, les demandeurs ne se sont pas acquittés du fardeau qui leur incombait de démontrer que la décision de la SAR est déraisonnable (Vavilov, au para 100). Pour les motifs qui suivent, la présente demande sera rejetée.

II. La décision de la SAR n’est pas déraisonnable

[6] Je conclus que, dans l’ensemble, les observations formulées par les demandeurs traduisent leur désaccord avec les conclusions de la SAR et reviennent à demander à la Cour de procéder à une nouvelle appréciation de la preuve, ce qui n’est pas le rôle d’une cour de révision : Vavilov, précité, au para 125.

[7] Les demandeurs affirment que la SPR et la SAR n’ont pas tenu compte des photos d’eux participant à des manifestations au Canada contre le meurtre de Mahsa Amini. Abstraction faite du fait que la décision de la SPR n’est pas en cause dans le cadre de l’instance devant la Cour, je ne suis pas d’accord. La SAR a directement et, à mon avis, raisonnablement abordé la demande d’asile sur place des demandeurs aux paragraphes 100-102 de sa décision. Les demandeurs n’ont présenté aucun argument de fond démontrant en quoi la décision de la SAR est déraisonnable en ce qui a trait à la façon dont elle a traité cette question.

[8] Les demandeurs ne m’ont pas convaincue non plus que l’accueil de la demande d’asile de leur fils signifie qu’ils ont également un droit à l’accueil de leurs demandes. Il est bien établi en droit que chaque demande d’asile doit être examinée au vu de son bien-fondé. Le fait qu’« un demandeur a obtenu l’asile en raison d’une expérience semblable ne lie pas la Commission puisque celle‑ci doit apprécier chaque demande individuellement. En outre, des décisions antérieures, même celles concernant des membres de la famille, peuvent être erronées » : Uygur c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 752 au para 28.

[9] Les demandeurs soutiennent que la SAR est tenue de tenir compte de tous les motifs de demande d’asile, même ceux qui n’ont pas été explicitement soulevés, citant à cet égard la décision Viafara c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1526 au para 6. Les demandeurs n’ont toutefois pas fait part à la Cour des motifs qui, selon eux, n’ont pas été examinés par la SAR et auraient dû l’être.

[10] Les demandeurs soutiennent que la SAR a tiré des conclusions quant à la crédibilité en se fondant sur des incohérences ou des omissions mineures et, en outre, que la SPR et la SAR n’ont pas analysé ou apprécié de manière manifeste et détaillée le témoignage oral du demandeur principal (c’est-à-dire le témoignage de Mohammadhossein Azvar). Je ne suis pas de cet avis.

[11] Encore une fois, abstraction faite de la décision de la SPR, l’appréciation par la SAR du fait de se réclamer de nouveau de la protection de son pays de nationalité à laquelle les demandeurs attirent l’attention est un bon exemple à cet égard, selon moi. Je juge que la SAR explique de manière raisonnable que les témoignages changeants et incohérents de M. Azvar et de sa fille concernant leur retour en Iran à des moments différents minent leur crainte de persécution et sont liés aux allégations principales de risque émanant du CGRI. De plus, la SAR expose clairement le raisonnement qu’elle a suivi pour justifier sa conclusion d’invraisemblance à l’égard des sorties de l’Iran de M. Azvar et de sa fille en raison des passeports renouvelés.

[12] Je juge en outre que, contrairement à ce que soutiennent les demandeurs, la SAR a raisonnablement rejeté les éléments de preuve qu’ils avaient présentés après l’audience devant la SPR, à savoir des documents médicaux concernant des problèmes de santé. Plutôt que de se concentrer sur les raisons pour lesquelles l’explication de la SAR était déraisonnable, les demandeurs exhortent indûment la Cour à examiner la probité de la preuve (comme raison pour laquelle la fille demanderesse a tenté de fournir des réponses à ses parents pendant l’audience, malgré les avertissements répétés du commissaire), en demandant essentiellement à la Cour de réexaminer et d’admettre cette preuve.

[13] En ce qui concerne les arguments des demandeurs selon lesquels la SAR a accordé peu ou pas de poids à leurs autres éléments de preuve, je juge que leurs observations ne font pas que réitérer leur position selon laquelle la SAR s’est concentrée sur des incohérences ou des omissions mineures, mais qu’elles visent également à amener la Cour à apprécier de nouveau les éléments de preuve.

[14] À titre d’exemple, je ne suis pas convaincue que la SAR (en faisant de nouveau abstraction de la SPR) ait agi de manière déraisonnable lorsqu’elle a conclu que la crédibilité des demandeurs était compromise parce qu’ils avaient omis de mentionner dans leur formulaire Fondement de la demande d’asile les menaces qu’un autre de leurs fils, toujours en Iran, aurait reçues et qui l’auraient poussé à se cacher. À mon avis, il était raisonnablement loisible à la SAR de conclure que les allégations de menaces proférées à l’égard de leur fils par les agents de persécution allégués des demandeurs étaient sérieuses en ce qui a trait au risque prospectif auquel ils seraient exposés et, donc, que l’on s’attendrait raisonnablement à ce qu’il en soit fait mention dans le formulaire Fondement de la demande d’asile : Hiraj c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 838 au para 28.

[15] Quant aux allégations des demandeurs selon lesquelles ils sont persécutés en raison de leurs opinions politiques, parce qu’ils s’opposent à l’islam et au port obligatoire du hijab, je conclus que la SAR a raisonnablement relevé que ces arguments n’avaient pas été invoqués dans leur formulaire Fondement de la demande d’asile et qu’ils avaient été soulevés pour la première fois en appel devant la SAR, même s’ils auraient pu être présentés devant la SPR, et qu’ils sont fondés sur les propres affirmations des demandeurs au sujet de leurs opinions politiques.

[16] Comme la Cour l’a déjà jugé, lorsque les demandeurs d’asile iraniens ont soulevé pour la première fois la question du port obligatoire du hijab en appel devant la SAR, alors qu’ils auraient pu le faire devant la SPR, il est loisible à la SAR de refuser d’entendre ce nouveau motif : Vasli c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 77 au para 25.

[17] En outre, je ne suis pas convaincue que la conclusion de la SAR (au para 93 de la décision de la SAR) selon laquelle il y a insuffisance de la preuve corroborante relativement aux opinions politiques revendiquées par les demandeurs soit déraisonnable.

III. Conclusion

[18] Pour les motifs exposés ci-dessus, je conclus que la décision la SAR est justifiée, transparente et intelligible. Les demandeurs n’ont pas réussi à relever une quelconque lacune susceptible de contrôle dans le raisonnement de la SAR. Ils cherchent plutôt à faire valoir de nouveau les éléments centraux de leur appel devant la SAR, ce qui n’est pas approprié dans le cadre d’un contrôle judiciaire. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire des demandeurs sera rejetée.

[19] Les parties n’ont proposé aucune question grave de portée générale aux fins de certification. Je conclus que la présente affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-16357-23

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question aux fins de certification.

« Janet M. Fuhrer »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-16357-23

 

INTITULÉ :

MOHAMMADHOSSEIN AZVAR, AZIZ HOMAYONI et NEDA AZVAR c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE

LE 20 NOVEMBRE 2024

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE FUHRER

 

DATE DES MOTIFS :

LE 22 NOVEMBRE 2024

 

COMPARUTIONS :

John Yoon

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Matthew Siddall

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

EME Professional Corp.

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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