Date : 20241108
Dossier : T-141-23
Référence : 2024 CF 1797
Ottawa (Ontario), le 8 novembre 2024
En présence de l’honorable juge Roy
ENTRE :
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L’HONORABLE GÉRARD DUGRÉ
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demandeur |
et
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PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA |
défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
[1] Le Procureur général du Canada se présente devant la Cour pour faire radier la demande de contrôle judiciaire présentée par M. le juge Gérard Dugré, un juge de la Cour supérieure du Québec, dont la révocation comme juge de la Cour supérieure a été recommandée par Conseil canadien de la magistrature [Conseil] à la suite du processus administratif qui était alors en vigueur selon la Loi sur les juges, LRC 1985, c J-1. Il importe de noter dès à présent que ce processus a été considérablement changé par la Loi modifiant la Loi sur les juges, LC 2023, c 18 [Loi modifiant], prenant des allures toutes différentes. Ces changements sont au cœur de la requête en radiation de la demande de contrôle judiciaire qui, elle, a été déposée bien avant la sanction royale donnée à la Loi modifiant le 22 juin 2023.
[2] Le défendeur n’invoque pas une règle des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [règles], qui soit directement applicable. Il invoque plutôt la règle 221 – qui ne vaut que pour les actions – par analogie dans le cas d’une demande de contrôle judiciaire. Quoique de telles demandes ne soient pas encouragées puisque la demande de contrôle judiciaire devrait être instruite rapidement, on argumente qu’il s’agit ici d’un cas où la requête en radiation devrait être entendue et accordée parce que, entre autres, cela éviterait d’entendre la demande de contrôle judiciaire. Le demandeur a déjà utilisé un recours qui lui était disponible en vertu d’une disposition transitoire de la Loi modifiant et, prétend le défendeur requérant en l’espèce, cela empêchait le demandeur de se présenter maintenant devant notre Cour.
[3] Les moyens préliminaires s’attachant à la prétention que la demande de contrôle judiciaire est sans fondement devraient généralement être présentés et entendus en même temps que la demande elle-même. On peut aussi penser que si des appels sont à être entendus, il est préférable que ce soit fait ensemble. Mais la porte n’était pas fermée hermétiquement. Cela évite « le gaspillage de ressources et de temps »
disait la Cour d’appel fédérale dans son arrêt souvent cité de David Bull Laboratories (Canada) Inc. c Pharmacia Inc. (CA), [1995] 1 CF 588, à la p 597 [David Bull Laboratories]. En effet, la Cour d’appel ne déclarait pas la Cour comme n’ayant pas compétence pour rejeter sommairement une demande de contrôle judiciaire. C’est plutôt que ce devrait être réservé à des cas exceptionnels où « un avis de requête qui est manifestement irrégulier au point de n’avoir aucune chance d’être accueilli »
(p 600) ne devrait être pas être entendu.
[4] Le Procureur général devait donc s’employer à faire cette démonstration. Il s’agit à l’évidence d’une barre élevée qu’il doit franchir. Cela éviterait une audition d’un contrôle judiciaire prévue pour durer une semaine en décembre prochain, mais priverait le juge Dugré d’avoir accès au contrôle judiciaire des décisions qui l’affectent.
I. Le Contexte
[5] Le Conseil a été saisi de plaintes faites à l’égard du juge Dugré. Le processus en place voulait qu’un comité d’enquête soit constitué pour enquêter sur des allégations d’inconduite concernant un juge de nomination fédérale. Ce comité d’enquête constitué en l’espèce du juge en chef du Nouveau-Brunswick, de la juge en chef de la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest et d’une avocate de Montréal aura procédé à son enquête en 2021. Le comité d’enquête aura tenu des auditions pendant 38 jours au cours desquels plus de soixante personnes ont été entendues.
[6] Les sept plaintes faites à l’égard du demandeur portaient sur son comportement en salle d’audience, y inclus certains propos tenus, et son retard à rendre jugement. C’est ainsi qu’à sa demande, le comité d’enquête a écouté les enregistrements des audiences. Il y a en avait pour 46 heures d’écoute.
[7] Le comité d’enquête a rédigé un rapport comptant 687 paragraphes répartis sur 228 pages. Cela est sans compter les motifs des décisions sur les moyens préliminaires présentés par le juge Dugré qui comptent 225 paragraphes. Le rapport du comité d’enquête porte la date du 9 juin 2022.
[8] De là, le rapport du comité était envoyé au Conseil. C’est que le comité d’enquête avait conclu que les comportements reprochés étaient des manquements qui entachaient l’honneur et la dignité de la fonction occupée par le juge Dugré, ce qui ébranlait la confiance du public envers la magistrature. En plus, le comité d’enquête a conclu au manque de promptitude à rendre jugement de la part du juge démontrant ainsi une incapacité chronique depuis son assermentation.
[9] Le rapport du Conseil est tombé le 19 décembre 2022. Il s’agit du document qui fait l’objet de la demande de contrôle judiciaire pendante. Le Conseil recommande la révocation du juge Dugré en ces termes :
[99] Après avoir dûment délibéré, nous concluons que le manquement à l’honneur et à la dignité du juge Dugré nuit considérablement à l’administration de la justice. Dans son ensemble, la conduite du juge Dugré porte manifestement et totalement atteinte aux notions d’impartialité, d’intégrité et d’indépendance de la justice, si bien qu’elle ébranle suffisamment la confiance de la population à son égard pour le rendre incapable de s’acquitter des fonctions de sa charge. Pour ce motif, nous concluons qu’il est inapte à remplir ses fonctions judiciaires et nous recommandons sa révocation.
[10] Il n’est manifestement pas souhaitable à ce stade de tenter de traiter des arguments que le demandeur voudrait mettre de l’avant si sa demande de contrôle judiciaire devait suivre son cours. Toute la question en l’espèce est de déterminer en quoi consiste le recours que le demandeur a à l’égard de la recommandation de révocation faite par le Conseil. Qu’il suffise de noter à ce stade que le Procureur général affirme que la demande de contrôle judiciaire couvre essentiellement les mêmes sujets que la demande de permission d’appel devant la Cour suprême du Canada. C’est que le demandeur s’est prévalu d’une disposition transitoire à la Loi modifiant qui ouvrait la possibilité d’être entendu par la Cour suprême sur autorisation. Cette demande a été rejetée par la Cour suprême sans que l’affaire ne soit entendue au mérite devant un tribunal judiciaire. Ce rejet, comme on le verra, est au cœur de la présente requête en radiation.
[11] Le litige impliquant le juge Dugré a eu un certain parcours devant la Cour d’appel fédérale et notre Cour. Voici la liste des décisions rendues. Elles sont des décisions de notre Cour d’accorder des requêtes du Procureur général en radiation de demandes de contrôle judiciaire faites à répétition (et confirmées par la Cour d’appel) par le demandeur parce que les demandes de contrôle judiciaire lancées par le demandeur étaient prématurées, ou de refuser d’ordonner des sursis :
Dugré c Canada (Procureur Général), 2019 CF 1604;
Dugré c Canada (Procureur général), 2020 CF 602;
Dugré c Canada (Procureur général), 2020 CF 789;
Dugré c Conseil canadien de la magistrature, 2021 CF 448;
Dugré c Canada (Procureur général), 2022 CF 1506;
Dugré c Canada (Procureur général), 2021 CAF 8;
Dugré c Canada (Procureur général), 2021 CAF 40;
Dugré c Canada (Procureur général), 2021 CAF 139.
Des refus d’autorisation devant la Cour suprême du Canada ont été enregistrés quant aux appels décidés par la Cour d’appel fédérale aux arrêts répertoriés à 2021 CAF 8 et 2021 CAF 40. Il en est résulté que les contestations judiciaires que voulait présenter le juge Dugré ne sont pas rendues à notre Cour.
II. La demande d’autorisation à la Cour suprême du Canada
[12] La Loi modifiant prévoit dans sa toute dernière disposition, l’article 16, un recours pour le juge Dugré à la Cour suprême du Canada. Cette Loi modifiant, comme dit plus tôt, crée un tout nouveau régime pour examiner la conduite des juges de nomination fédérale.
[13] Avant la refonte de juin 2023, c’était la Partie II de la Loi sur les juges, intitulée « Conseil canadien de la magistrature », qui comprenait des articles touchant les « enquêtes sur les juges » (art 63 à 66). Cette Partie créait un processus administratif menant à contrôle judiciaire devant notre Cour. Depuis la refonte, une partie distincte de la Loi sur les juges a été créée en vertu de l’article 12 de la Loi modifiant. Cette nouvelle Partie IV est considérablement plus longue. Intitulée « Processus relatif à la conduite », ses sections 1 et 2 dédiées à la conduite des juges couvrent les articles 79 à 150. Comme c’était le cas en vertu de la Loi sur les juges, la Loi modifiant permet aussi l’examen d’une demande qui serait faite par le ministre de la Justice du Canada au sujet de la révocation du titulaire de poste nommé à titre inamovible. La nouvelle section 3 qui traite de cette possibilité n’a aucune incidence sur la question présentée à la Cour. La section 4 consiste en des dispositions générales qui ne s’appliquent pas non plus à notre cas.
[14] C’est l’article 16 de la Loi modifiant, que l’on trouve sous le titre « Dispositions transitoires », qui prévoit un recours sur autorisation à la Cour suprême du Canada. Cet article 16 se lit ainsi :
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[15] Le juge Dugré a, de fait, déposé une demande d’autorisation d’appel auprès de la Cour suprême du Canada, tel que prévu à l’article. La Cour suprême a décidé de ne pas autoriser l’appel le 29 février dernier (Honorable Gérard Dugré et Conseil canadien de la magistrature, no 40827).
[16] Mais la demande de contrôle judiciaire devant notre Cour restait pendante. Une fois la décision prise par la Cour suprême de refuser l’autorisation, le Procureur général du Canada cette fois recherche la radiation de cette dernière demande de contrôle judiciaire, alors même que les tentatives antérieures du juge Dugré d’amener devant notre Cour ses arguments avaient été jugés prématurés à la demande même du Procureur général. Essentiellement, il prétend que la Cour fédérale n’a pas compétence en application de l’article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7. Le juge Dugré argumente plutôt que l’article 16 ne veut que conférer un recours supplémentaire à qui a reçu un rapport du Conseil en vertu de l’ancien régime (l’article 65 d’alors). Ainsi, la demande de contrôle judiciaire présentée en janvier 2023 ne serait pas morte et enterrée.
III. La requête en radiation
[17] Le Conseil a reçu le rapport de son comité d’enquête en juin 2022. Le demandeur a cherché à l’attaquer, sans succès (2022 CF 1506). Il attaque maintenant la décision même du Conseil venue le 19 décembre 2022 qui recommande sa révocation. La réalité est toute simple. Le demandeur a cherché, à répétition, à venir devant la Cour fédérale pour contester des décisions passées en cours de processus. À chaque fois, la réponse donnée était que son recours était prématuré. La Cour d’appel fédérale, par la voix du juge en chef, lui avait même dit lors de son premier arrêt relatif aux deux premières décisions de notre Cour déclarant les recours prématurés qu’« [i]l va sans dire que ce rejet ne porte pas atteinte au droit de l’appelant, une fois le processus administratif complété, de s’attaquer par voie de contrôle judiciaire à toute décision rendue par le CCM en cours d’instance ou dans le cadre de son rapport »
(2021 CAF 18, au para 50). Si le Procureur général a gain de cause, il semble bien que le prononcé du juge en chef devrait rester lettre morte.
[18] Le mémoire afin d’obtenir l’autorisation de la Cour suprême de contester le rapport du Conseil est venu peu après la sanction royale de la Loi modifiant, le 21 juillet 2023. Le mémoire en réponse du Conseil était daté du 8 septembre. Le refus d’accorder la permission, comme dit plus tôt, est arrivé le 29 février dernier. Je n’ai trouvé aucune indication selon laquelle les parties auraient été au fait de la conjonction possible de l’article 16 de la Loi modifiant et de l’article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales invoqués maintenant par le Procureur général.
[19] Étant donné que le juge Dugré s’est prévalu de l’article 16 de la Loi modifiant, le Procureur général argumente maintenant que la Cour fédérale n’a pas compétence pour entendre une demande de contrôle judiciaire.
[20] La Loi modifiant prévoit des dispositions transitoires. Outre, l’article 16, le législateur a considéré qu’il fallait traiter des cas où des affaires étaient pendantes devant le Conseil. C’est le cas du juge Dugré. Ainsi, l’article 14 de la Loi modifiant déclare :
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[21] Le deuxième article des dispositions transitoires, l’article 15, traite du cas où une demande d’enquête avant la date d’entrée en vigueur de la Loi modifiant n’a pas encore donné lieu au début d’une enquête. Dans ce cas, ce sera la Loi modifiant qui devra s’appliquer. Il en sera de même si une plainte ou une accusation était visée en vertu de la Loi sur les juges avant l’entrée en vigueur de la Loi modifiant, mais qu’aucune enquête n’a été entreprise. C’est le nouveau régime qui devra être appliqué. On aura compris que le législateur désire que toute nouvelle affaire pour laquelle le processus administratif n’est pas enclenché devra procéder en vertu du nouveau régime, avec les recours qui y sont prévus. Essentiellement, pour qui est formellement avisé avant qu’une enquête ne soit entreprise, ce sera le nouveau régime qui lui sera appliqué. Pour qui a été traité alors que l’enquête était sous l’ancien régime muni d’un processus administratif, c’est celui-ci qui continuera de s’appliquer.
[22] La conjonction des articles 14, 15 et 16 de la Loi modifiant présente le portrait suivant. Seules les enquêtes commencées avant l’entrée en vigueur de la Loi modifiant continuent sous l’ancien régime de la Loi sur les juges. Là où les enquêtes en bonne et due forme n’auraient pas commencé avant cette date malgré que des plaintes ou accusations auraient déjà été logées, ou que des demandes d’enquête auraient été faites, le régime de la Loi sur les juges avant l’arrivée de la Loi modifiant ne trouvera plus application.
[23] En vertu du régime auquel le demandeur est soumis, celui de la loi antérieure où l’enquête avait commencé avant l’entrée en vigueur de la Loi modifiant, il n’y a d’autre recours que sur contrôle judiciaire devant la Cour fédérale. De fait, la demande de contrôle judiciaire du juge Dugré était pendante bien avant l’entrée en vigueur de la Loi modifiant. Comme dit plus tôt, de nombreuses tentatives avaient été faites par le juge Dugré pour saisir les Cours fédérales. On l’a vu, le juge Dugré a tenté à répétition de présenter devant notre Cour des demandes de contrôle judiciaire avant que le Conseil ne produise sa recommandation (en vertu de l’art 62, tel qu’il existait avant l’entrée en vigueur de la Loi modifiant). À cause de son caractère prématuré, aucune de ces demandes n’a pu être accueillie. Mais le caractère prématuré n’existe plus depuis que le Conseil a rendu sa décision de recommander la révocation du demandeur le 19 décembre 2022. Depuis, le demandeur a présenté sa demande de contrôle judiciaire devant notre Cour à l’intérieur du délai prévu à la Loi sur les Cours fédérales, en janvier 2023, bien avant l’entrée en vigueur de la Loi modifiant. En juillet 2023, il faisait sa demande d’autorisation en Cour suprême du Canada parce que l’article 16 de la Loi modifiant y donne ouverture.
[24] L’article 16 de la Loi modifiant, qui est déjà reproduit au paragraphe 14 des présents motifs, énonce que dans le cas où un rapport produit sous l’ancien régime contient une recommandation de révocation, comme dans notre cas (et il semble bien qu’il s’agisse du seul cas), le juge impliqué peut requérir l’autorisation d’appel du rapport devant la Cour suprême du Canada. Le demandeur s’est prévalu de l’article 16 et la Cour suprême a refusé l’autorisation d’appel. On peut bien voir que le demandeur faisait face à un dilemme. L’article 16 est rédigé en utilisant le verbe « peut », suggérant en cela une faculté selon la Loi d’interprétation, LRC 1985, c I-21, art 11, mais la jurisprudence des Cours fédérales veut qu’il faille faire valoir les recours disponibles avant de requérir contrôle judiciaire sous peine que la demande de contrôle judiciaire soit dite être prématurée. Il n’est pas interdit de penser, tel que je l’ai indiqué devant les parties, que le Procureur général aurait pu argumenter à nouveau prématurité devant notre Cour en l’absence d’une demande d’autorisation permise devant la Cour suprême du Canada en vertu de l’article 16. Maintenant qu’il a reçu une réponse négative à sa demande d’autorisation, le demandeur se fait opposer par le Procureur général les termes de la Loi sur les Cours fédérales. Cela ressemble à un dilemme cornélien.
[25] Le Procureur général cherche donc la radiation de la demande de contrôle judiciaire du rapport du
Conseil puisque la Cour suprême a refusé la demande d’autorisation d’appel. Le Procureur général lui oppose maintenant l’article 18.5. Notre Cour n’a pas compétence, selon le Procureur général, en raison du texte de l’article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales qui se lit ainsi :
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[26] Dans son avis de requête le Procureur général invoque ces deux articles (art 16 de la Loi modifiant et l’art 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales). Il s’en est tenu à cette courte équation, sans examiner le contexte plus général. Il fournit aussi les mémoires des parties devant la Cour suprême du Canada parce qu’il prétend qu’essentiellement les mêmes motifs soulevés devant la Cour suprême sont invoqués sur contrôle judiciaire devant notre Cour. Il n’est pas discuté plus avant de la différence entre le contrôle judiciaire du droit administratif et de la portée d’une demande d’autorisation d’appel d’un rapport. On aura compris que le Procureur général n’était pas partie à la tentative du juge Dugré de se pourvoir devant la Cour suprême du Canada.
IV. Les arguments du Procureur général
[27] En fait, l’argument du Procureur général est élégant de par sa simplicité et son ingéniosité. Il lit les deux articles et constate, dans un premier temps, que le juge Dugré s’est prévalu de l’article 16. De là, il va à l’article 18.5 et argue que dans la mesure où il existe un droit d’appel, y inclus à la Cour suprême du Canada, la décision « ne peut, dans la mesure où elle est susceptible d’un tel appel, faire l’objet de contrôle […] ni d’aucune autre intervention […] »
. Une demande de contrôle judiciaire est pour ainsi dire équivalente à une demande d’autorisation d’appel devant la Cour suprême d’une décision administrative comme le processus sous l’ancien régime a été vu. Référant au test requis pour accorder la requête en radiation, le Procureur général soutient qu’il est clair et évident que notre Cour est sans compétence pour statuer sur la demande de contrôle judiciaire.
[28] Selon le Procureur général, le droit d’appel devant la Cour suprême n’était pas limité à des questions particulières, comme par exemple des questions de droit ou même de compétence, qui feraient en sorte qu’on puisse laisser la porte ouverte par ailleurs à un contrôle judiciaire (Yatar c TD Assurance Meloche Monnex, 2024 CSC 8, au para 8; Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c Scott, 2018 CAF 148 [Scott], aux para 31, 48). Le droit d’appel était on ne peut plus large.
[29] En plus, il importe peu que l’appel soit assujetti à une autorisation comme dans notre cas (Pritchard Broadcasting Inc. c Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, 2012 CAF 127, aux para 5 à 7; Scott, précité, aux para 31, 48). Dans Turmel c Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, 2008 CAF 405, une affaire portant sur l’application de l’article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales, on pouvait lire que « [l]’existence d’un droit d’appel, qu’il soit ou non limité par l’exigence d’obtenir une autorisation, empêche de demander un contrôle judiciaire »
(au para 12).
[30] Ainsi, il serait dans l’intérêt de la justice, selon le Procureur général, que le recours qu’a tenté d’intenter le demandeur ne soit pas entendu au mérite en prononçant son irrecevabilité dès maintenant. En effet, le but de la réforme en profondeur du processus relatif à la conduite des juges se voulait manifestement de tenter de régler un problème systémique, et systématique, créé par l’addition de recours judiciaires alors même qu’une enquête avait été menée par un panel de juges et que le Conseil canadien de la magistrature avait examiné le rapport d’enquête et avait rendu sa propre recommandation au ministre de la Justice. Le nouveau processus coupe court aux recours après la recommandation du Conseil en ne prévoyant qu’un appel à la Cour suprême du Canada dans le cas du juge Dugré. Il semble bien que le Procureur général croit que l’accès au recours existant sous l’ancien régime ne soit plus disponible, malgré le texte de l’article 14 de la Loi modifiant. Il dit bien que l’existence de l’appel est confirmée par la demande d’autorisation faite par le demandeur, mais cela semble impliquer que, ce faisant, le demandeur aurait perdu son accès au contrôle judiciaire (prétentions écrites du défendeur, aux para 42-43) existant pourtant sous l’ancien régime et pour lequel une requête en contrôle judiciaire est pendante depuis bien avant l’entrée en vigueur de l’article 16.
[31] Ce qui était laissé en suspens était la question de savoir si le demandeur avait réellement le choix de se pouvoir en Cour suprême puisque ce recours étant ouvert, une demande de contrôle judiciaire aurait pu être « prématurée ». L’avocat du Procureur général n’a pas nié cette possibilité lorsque questionné par la Cour. S’il en est ainsi, le demandeur n’avait pas vraiment le choix de faire une requête à la Cour suprême. À tout le moins, il s’agirait-là d’une façon inusitée d’empêcher l’accès aux tribunaux de droit commun alors même qu’on aurait pu penser que la disposition transitoire (art 14 de la Loi modifiant) semble plutôt protéger l’utilisation complète de la Loi sur les juges telle qu’elle existait avant la Loi modifiant. De fait, comme le prétend le demandeur, l’effet que veut donner à l’article 16 le Procureur général est rétrospectif, sinon rétroactif, en insistant sur une conjonction des articles 16 et 18.5 pour faire disparaître un recours dûment engagé. Le demandeur voit mal comment cela pourrait avoir été l’intention du législateur.
[32] Ainsi, ce ne serait pas tant que le recours de l’article 16 était simplement rendu disponible. Selon cette lecture du nouveau régime, le législateur aurait décidé de retirer le recours au contrôle judiciaire par l’addition de l’article 16 de la Loi modifiant, essentiellement pour le seul cas du juge Dugré. C’aurait été l’intention du législateur de retirer la possibilité du contrôle judiciaire au juge Dugré par l’ajout de l’article 16 associé à l’existence préalable de l’article 18.5, mais sans le dire expressément. Je reproduis le paragraphe 56 des prétentions écrites du défendeur qui me semblent ne laisser aucun doute sur l’interprétation favorisée :
56. Pour conclure, il ne fait aucun doute que permettre au demandeur de poursuivre sa demande de contrôle judiciaire serait contraire non seulement à la lettre mais aussi à l’objet de l’article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales et de l’art. 16 de la Loi modifiant la Loi sur les juges. Effectivement, la poursuite de la présente instance contrecarrerait l’intention claire du Parlement que la supervision judiciaire du processus d’enquête prévu à la Loi sur les juges soit dorénavant confiée exclusivement à la Cour suprême du Canada, afin de mettre un terme à la multiplicité de procédures judiciaires découlant des enquêtes du Conseil et ainsi favoriser la confiance du public dans le système judiciaire et la magistrature.
De fait, à l’audience l’avocat a plaidé que « l’omniscience » présumée du législateur fait en sorte que la connaissance de l’article 18.5 et de son effet interdisent à la Cour fédérale d’effectuer le contrôle judiciaire. Cette omniscience devrait comporter la connaissance présumée du recours en contrôle judiciaire pendant. Cela, dit le Procureur général, est clair et évident. Ainsi, il doit être clair et évident que le législateur voulait que, par l’ajout de l’article 16, le législateur, entendait priver un justiciable d’un recours de droit administratif pendant, alors même qu’une autre disposition, l’article 14 de la Loi modifiant, semble maintenir le régime administratif en place au cas du juge Dugré. Il en résulterait un effet rétroactif à l’article 16.
V. Les arguments du demandeur
[33] Ultimement, le demandeur argue que le législateur ne voulait par l’article 16 de la Loi modifiant que permettre un recours supplémentaire à ceux réservés en vertu de l’article 14, quitte à ce que la Cour suprême refuse l’autorisation d’appel étant donné que les cours inférieures n’auraient pas encore opiné. Le travail de défrichage des cours inférieures n’avait pas été fait en vertu du régime en place dans le cas du juge Dugré. Une hésitation à accorder une autorisation est certes possible. Cela n’aurait pas l’effet de proscrire un recours en Cour fédérale, d’autant qu’une autre disposition transitoire de la Loi modifiant (l’art 14 reproduit au paragraphe 21 des présents motifs) prévoit que la version de la Loi sur les juges antérieure aux modifications continue de s’appliquer aux enquêtes en cours avant l’entrée en vigueur du nouveau régime enchâssé dans la Loi modifiant. Le même législateur omniscient savait bien que le recours sous l’ancien régime est d’abord et avant tout devant la Cour fédérale. Il n’y a de toute manière qu’une seule telle cause restante.
[34] Sous la Loi sur les juges telle qu’elle continue de s’appliquer au juge Dugré en vertu de l’article 14 de la Loi modifiant, il existe le contrôle judiciaire (Girouard c Canada (Procureure générale), 2018 CF 865, [2019] 1 RCF 404, conf par Canada (Conseil de la magistrature) c Girouard, 2019 CAF 148, [2019] 3 RCF 503, permission d’appel à la Cour suprême du Canada refusée, #117826). Pour le demandeur, il ne doute pas que le but de la Loi modifiant était la diminution des coûts et des délais. Mais ce ne pouvait être au prix d’éliminer sans le dire l’accès à la justice des tribunaux judiciaires avant le temps. Qu’on veuille réduire les coûts et les délais pour l’avenir, soit. Mais la Loi modifiant maintient les recours pour le cas du juge Dugré.
[35] Le régime reformé compte cinq paliers : 1. agent de contrôle; 2. examinateur; 3. comité d’examen; 4. comité d’audience; 5. comité d’appel. Se réclamant du nouveau paragraphe 146(2) de la Loi modifiant, le demandeur suggère que le Parlement cherche à dissuader les contrôles judiciaires, réduisant coûts et délais, en décrétant qu’honoraires et dépenses encourus par un juge pour un recours en contrôle judiciaire d’une décision rendue au titre des sections 1 et 2 ne sont pas remboursables. La possibilité même de tels contrôles judiciaires, du fait que le recours à la Cour suprême après le palier du comité d’appel semble être ce qui est prévu à la nouvelle Loi (art 137), n’est pas discutée par le Procureur général. Les choses ne sont pas si simples que ce que le Procureur général cherche à argumenter.
[36] Le demandeur insiste sur l’importance du contrôle judiciaire parce que, dit-il, le recours est le garant de la primauté du droit. Il cite la décision dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, [2019] 4 RCS 653, au para 24, pour justifier la proposition qu’un tribunal administratif ne saurait se soustraire à tout examen judiciaire. Comme je l’ai souligné à l’audience, il est douteux que cette jurisprudence soit vraiment utile si un recours judiciaire est disponible. Bien sûr un droit d’appel circonscrit pourrait laisser place à un contrôle judiciaire.
[37] Le demandeur suggère, mieux qu’il ne démontre, que si la Cour fédérale n’a pas compétence, comme le propose le Procureur général, il faudrait alors que les Cours supérieures provinciales prennent la relève. On peut penser que des problèmes épineux se poseraient étant donné, entre autres, la compétence exclusive de la Cour fédérale dans les cas où un « office fédéral » continuerait d’être impliqué.
[38] Il est plaidé que l’article 14 de la Loi modifiant rend l’argument du Procureur général invalide. En effet, on doit interpréter l’article 14 comme préservant tout ce qui touche l’enquête commencée sous le régime de l’ancienne Loi, ce qui devrait inclure les recours à être présentés. Comme indiqué plus haut, le demandeur argue que ce que le Procureur général avance a une portée rétroactive de la disposition transitoire qu’est l’article 16 de la Loi modifiant. Celle-ci est considérable. Non seulement le contrôle judiciaire serait abrogé, mais il le serait rétroactivement à l’égard d’un recours judiciaire déjà engagé. Ni la Loi elle-même, ni même les débats parlementaires, ne sauraient justifier une interprétation aussi draconienne à l’égard du dernier juge de nomination fédérale à qui les dispositions transitoires peuvent s’appliquer.
[39] Il faudrait donc donner une interprétation restrictive à l’article 16 et y voir là un recours supplémentaire offert au dernier juge visé par l’ancien régime, ce qui ne contreviendrait pas à l’article 18.5 et serait davantage conforme à l’article 14 de la Loi modifiant.
[40] Le demandeur se plaint en plus que le recours à la Cour suprême, parce que la permission d’en appeler n’est accordée que très rarement, devient une clause privative de facto à l’égard du tribunal administratif. Il n’existerait plus de contrôle réel de la légalité par un tribunal judiciaire. Sous l’ancien régime le justiciable était en droit d’organiser ses affaires en vue d’une contestation judiciaire comme il l’a d’ailleurs fait. Il en va, selon le demandeur, du principe d’indépendance de la magistrature. Au pis-aller, cela constituerait un transfert de compétence de la Cour fédérale aux cours supérieures, alors même que les décisions émanent d’un office fédéral. Croit-on vraiment que c’est ce que le législateur désirait accomplir avec son article 16 et malgré l’article 14?
[41] Est mis en exergue des dispositions de la Loi modifiant qu’il peut être difficile de concilier avec la lecture faite par le Procureur général de l’article 16. Ainsi, le nouvel article 158 constitue une clause privative dans certaines circonstances seulement. Il se lit comme suit :
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[42] De même, le demandeur soulève expressément le paragraphe 146(2), que je reproduis aussi, et qui reconnaît la possibilité que le contrôle judiciaire soit utilisé : si un juge sous enquête décidait de s’en prévaloir, il devrait le faire sans que les honoraires ou dépenses afférentes lui soient remboursés.
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À l’évidence, suggère le demandeur, le contrôle judiciaire n’est pas interdit. Pourtant la lecture faite par le Procureur général cherche à prétendre le contraire.
[43] Le demandeur rappelle que le paragraphe 65.1(3) de la Loi sur les juges relatif au calcul de la pension reconnaît spécifiquement l’existence d’un recours en contrôle judiciaire au sujet de la loi après recommandation de révocation faite par le Conseil. Je reproduis ce paragraphe :
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Ce recours serait préservé en vertu de l’article 14 de la Loi modifiant. Cela, argue le demandeur, établit que le droit d’appel en vertu de l’article 16 ne peut qu’avoir un caractère additionnel plutôt que substitutif. La Cour suprême avait la discrétion de mettre fin au débat, dit le demandeur. Elle ne l’a pas fait, ce qu’elle était évidemment autorisée à faire. Mais cela ne devrait pas constituer un empêchement d’avoir accès aux tribunaux judiciaires.
[44] À cet égard, le demandeur reprend les critiques qui ont été faites devant les instances parlementaires au sujet du Projet de loi C-9, devenu la Loi modifiant, au sujet du recours à la Cour suprême du Canada maintenant prévu non seulement à la mesure transitoire de l’article 16, mais aussi au nouvel article 137. Des intervenants s’étaient présentés pour se plaindre qu’un recours devant le plus haut tribunal est inadéquat. Dit de façon prosaïque, la plus haute Cour a autre à faire que de recevoir un appel de cette nature qui serait, selon des intervenants, étranger à son rôle institutionnel. De toute évidence, ces critiques n’ont pas été retenues.
[45] Peut-être plus pertinent au débat sur la présente requête en radiation est l’argument, tiré de Harelkin c Université de Regina, [1979] 2 RCS 561, selon lequel avant d’éliminer le contrôle judiciaire, encore faut-il que le régime qui lui est substitué soit efficace. Je reproduis ce passage tiré de Harelkin, et cité au texte par le demandeur, qui décrit bien l’argument mis de l’avant :
Pour évaluer si le droit d’appel de l’appelant au comité du sénat constituait une autre recours approprié et même un meilleur recours que de s’adresser aux cours par voie de brefs de prérogative, il aurait fallu tenir compte de plusieurs facteurs dont la procédure d’appel, la composition du comité du sénat, ses pouvoirs et la façon dont ils seraient probablement exercés par un organisme qui ne constitue pas une véritable cour d’appel et qui n’est pas tenu d’agir comme s’il en était une, ni n’est susceptible de le faire […] (p 588)
[Je souligne.]
La décision sur le recours étant purement discrétionnaire, cela rendrait le remède inapproprié et inefficace. En l’espèce, il est soumis que le demandeur ne pouvait pas ne pas avoir recours à l’article 16 de la Loi modifiant sans se voir opposer par le Procureur général qu’il ne s’était pas prévalu du recours disponible avant de se tourner vers le contrôle judiciaire comme dernière mesure que la loi autorise.
[46] L’existence de l’article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales est bien sûr une difficulté rencontrée par le juge Dugré. Ainsi, il interprète cet article pour exclure le contrôle judiciaire que dans le cas où le droit d’appel constitue un recours approprié et efficace. L’existence d’un droit d’appel est une chose : l’en est une autre que celui-ci puisse être approprié et efficace. De fait, l’article 18.5 devrait recevoir une interprétation « restrictive » pour éviter qu’elle ait pour effet de restreindre l’accès au contrôle judiciaire d’une décision administrative, au détriment d’un justiciable.
[47] Le demandeur se réclame de l’arrêt Canada (Revenu national) c JP Morgan Asset Management (Canada) Inc., 2013 CAF 250, [2014] 2 RCF 557 [JP Morgan], où on peut lire au paragraphe 99 :
[99] Tout compte fait, il doit toujours y avoir un for devant lequel l’on puisse faire valoir ses droits lorsqu’il le faut. Pour reprendre les mots de la juge McLachlin (maintenant juge en chef) : « Si l’on veut éviter que la primauté du droit ne soit réduite à un ensemble incohérent, appliqué au gré de la fantaisie, il faut qu’il y ait une entité à laquelle les parties à un conflit puissent s’en remettre lorsque les lois et les régimes établis par celles‑ci ne prévoient aucun recours » : Fraternité des préposés à l’entretien des voies – Fédération du réseau Canadien Pacifique c. Canadien Pacifique Ltée, [1996] 2 R.C.S. 495, aux pages 501 et 502.
[48] Il serait tout aussi possible que la Cour suprême ait refusé la permission d’en appeler parce qu’il y aurait préférence que les tribunaux inférieurs examinent les questions soulevées avant d’en arriver au plus haut tribunal, que la proposition du Procureur général voulant que le recours judiciaire entrepris soit sans fondement. Le nouveau régime prescrit par la Loi modifiant est complètement différent de l’ancien régime et les deux ne doivent pas être confondus.
[49] En conclusion, on s’en remet au test pour une requête en radiation dans le contexte d’une affaire impliquant l’application de l’article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales; le vice doit être fondamental et manifeste. Selon JP Morgan, cela ne traduit pas la nécessité que cet article 18.5 constitue un obstacle. Le demandeur cite à cet effet le paragraphe 91 :
[91] Conformément à la jurisprudence David Bull, précitée, et à l’existence obligatoire d’un vice fondamental et manifeste, un avis de demande de contrôle judiciaire ne doit pas être introduit sur la base de cette opposition, sauf si la question est claire. Si, après avoir établi la nature véritable de la demande, la Cour n’est pas sûre si l’article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales joue pour faire obstacle au recours en contrôle judiciaire ou, selon le cas :
● si un recours est possible ailleurs, maintenant ou plus tard;
● si le recours est approprié et efficace;
● si les circonstances invoquées sont d’une nature inhabituelle ou exceptionnelle reconnue par la jurisprudence ou présentent des caractéristiques analogues;
la Cour ne peut radier l’avis de demande de contrôle judiciaire.
Si la Cour n’est pas sûre de l’effet de l’article 18.5, elle doit refuser de radier la requête en cassation. Le demandeur argue même que la lecture des articles 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales et des articles 14 et 16 de la Loi modifiant « permet de conclure de façon claire et évidente à la recevabilité du présent recours en contrôle judiciaire et à ses chances de succès »
(mémoire des faits et du droit du demandeur, au para 90).
VI. Analyse
[50] En matière de contrôle judiciaire, la requête en radiation est soumise à un test strict depuis l’arrêt David Bull Laboratories en raison même de la nature du recours. Personne ne doute de nos jours qu’une requête en radiation puisse être appropriée même si la règle 221 ne saurait s’appliquer stricto sensu aux demandes de contrôle judiciaire. Le juge Strayer disait au nom de la Cour d’appel fédérale que la Cour sur radiation bénéficie d’une discrétion de refuser la radiation dans les cas appropriés dans la mesure bien sûr où elle applique le bon principe de droit ou ne commet pas une grave erreur dans l’appréciation des faits.
[51] Or, la Cour d’appel situe la barre plutôt haut afin d’accorder la radiation d’une demande de contrôle judiciaire. On lit à la page 600 ce paragraphe :
Pour ces motifs, nous sommes convaincus que le juge de première instance a eu raison de refuser de prononcer une ordonnance de radiation sous le régime de la Règle 419 ou de la règle des lacunes, comme il l’aurait fait dans le cadre d’une action. Nous n’affirmons pas que la Cour n’a aucune compétence, soit de façon inhérente, soit par analogie avec d’autres règles en vertu de la Règle 5, pour rejeter sommairement un avis de requête qui est manifestement irrégulier au point de n’avoir aucune chance d’être accueilli. Ces cas doivent demeurer très exceptionnels et ne peuvent inclure des situations comme celle dont nous sommes saisis, où la seule question en litige porte simplement sur la pertinence des allégations de l’avis de requête.
[Je souligne.]
Encore tout récemment, le juge en chef de Montigny reprenait au texte («
is so clearly improper as to be bereft of any possibility of success »
) le test applicable sur demande de contrôle judiciaire pour qui recherche la radiation de la demande (Southern Railway of British Columbia Limited v Vancouver Fraser Port Authority, 2024 FCA 175). À l’évidence, le test continue de prévaloir devant les Cours fédérales. On requiert qu’il soit manifeste que la demande de contrôle judiciaire est irrégulière au point de n’avoir aucune possibilité de succès.
[52] Avons-nous ici ce genre de cas? À mon avis l’absence de possibilité de succès de la part du demandeur n’a pas été établie par le défendeur requérant en l’espèce.
[53] L’arrêt JP Morgan, vient renforcer ma conviction que le Procureur général n’a pas satisfait le fardeau d’absence de chance de succès du recours entamé six mois avant l’entrée en vigueur de la Loi modifiant. Il n’y a pas à mon sens une requête en contrôle judiciaire si manifestation irrégulière qu’elle n’a aucune chance de succès du seul fait que le demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler à la Cour suprême du Canada, comme le permet l’article 16 de la Loi modifiant.
[54] Aux dires mêmes du juge d’appel Stratas dans JP Morgan, ce qui est requis est que la Cour soit « en présence d’une demande d’une efficacité assez radicale [en anglais, le juge Stratas parle de «
show stopper » ou de «
knock out punch »], un vice fondamental et manifeste qui se classe parmi les moyens exceptionnels qui infirmeraient à la base la capacité à instruire la demande »
(para 47). Il explique au paragraphe suivant les raisons pour une règle aussi rigoureuse :
[48] Il existe deux justifications d’un critère aussi rigoureux. Premièrement, la compétence de la Cour fédérale pour radier un avis de demande n’est pas tirée des Règles, mais plutôt de la compétence absolue qu’ont les cours de justice pour restreindre le mauvais usage ou l’abus des procédures judiciaires : David Bull, précité, à la page 600; Canada (Revenu national) c. Compagnie d’assurance vie RBC, 2013 CAF 50. Deuxièmement, les demandes de contrôle judiciaire doivent être introduites rapidement et être instruites « à bref délai » et « selon une procédure sommaire » : Loi sur les Cours fédérales, précitée, au paragraphe 18.1(2) et à l’article 18.4. Une requête totalement injustifiée — de celles qui soulèvent des questions de fond qui doivent être avancées à l’audience — fait obstacle à cet objectif.
[55] La Cour d’appel dans JP Morgan traite de l’application de l’article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales. On déclare ceci au paragraphe 91 de la décision que je reproduis à nouveau malgré qu’on le trouve déjà au paragraphe 49 des présents motifs, mais cette fois avec mon soulignement :
[91] Conformément à la jurisprudence David Bull, précitée, et à l’existence obligatoire d’un vice fondamental et manifeste, un avis de demande de contrôle judiciaire ne doit pas être introduit sur la base de cette opposition, sauf si la question est claire. Si, après avoir établi la nature véritable de la demande, la Cour n’est pas sûre si l’article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales joue pour faire obstacle au recours en contrôle judiciaire ou, selon le cas :
● si un recours est possible ailleurs, maintenant ou plus tard;
● si le recours est approprié et efficace;
● si les circonstances invoquées sont d’une nature inhabituelle ou exceptionnelle reconnue par la jurisprudence ou présentent des caractéristiques analogues;
la Cour ne peut radier l’avis de demande de contrôle judiciaire.
[Je souligne.]
[56] C’est à qui demande la radiation de démontrer le vice fondamental et manifeste. Faute de cela, le recours judiciaire suit son cours. La démonstration que fait le Procureur général dans le seul but d’éviter l’audition de la demande de contrôle judiciaire ne considère pas l’existence d’une disposition transitoire, l’article 14 de la Loi modifiant, dont le but est manifestement de faire en sorte que la Loi sur les juges, telle qu’elle existait avant la date d’entrée en vigueur de la Loi modifiant, s’applique au seul justiciable à qui cette loi peut encore s’appliquer : le juge Dugré. En vertu de ce régime, rien n’indique à cet article 14 que les recours par ailleurs permis pour ces enquêtes qui ont débuté avant l’entrée en vigueur de la Loi modifiant ont cessé d’exister. À mon sens, ce serait plutôt étonnant. Dans les faits, le recours devant la Cour était déjà en place lors de l’entrée en vigueur de la Loi modifiant. L’article 14 ne fait que déclarer que le régime sous l’ancienne loi continue de s’appliquer au seul juge encore couvert par ce régime qui croyait avoir accès au contrôle judiciaire, comme le lui avait d’ailleurs confirmé le juge en chef de la Cour d’appel fédérale après avoir appliqué la doctrine de la prématurité dans le premier arrêt à cet égard : Dugré c Canada (Procureur général), 2021 CAF 8 :
[50] Je propose donc que l’on mette fin aux appels de façon sommaire. Il va sans dire que ce rejet ne porte pas atteinte au droit de l’appelant, une fois le processus administratif complété, de s’attaquer par voie de contrôle judiciaire à toute décision rendue par le CCM en cours d’instance ou dans le cadre de son rapport.
[57] On peut même dire, dans une certaine mesure, que l’équité favorise le demandeur à qui a été refusé l’accès aux tribunaux judiciaires et qui, en fin de compte, perdrait cette possibilité par l’opération d’une disposition transitoire qui ressemble à une faculté conférée. Et ce, malgré que le législateur ait prévu spécifiquement que l’ancien régime s’applique à lui.
[58] Plus d’une fois, la Cour suprême du Canada a rappelé que son refus d’accorder une permission d’en appeler ne révèle en aucune manière une acceptation du jugement dont appel est demandé. L’une des expressions éloquentes de ce principe se trouve à l’arrêt Banque canadienne de l'Ouest c Alberta, 2007 CSC 22, [2007] 2 RCS 3, où on peut lire au paragraphe 88 :
88 Dans le présent pourvoi, les appelantes ont également axé leur argumentation sur l’obligation d’obtenir un permis provincial. Toutefois, si, comme nous le concluons, la promotion d’assurance n’est pas vitale ou essentielle à l’activité bancaire, rien ne justifie que les banques soient protégées contre les conséquences du non‑respect de l’Insurance Act provinciale. Si une banque fait des fausses déclarations quant au montant des primes d’assurance, communique à tort des renseignements confidentiels à des tiers ou se livre à des pratiques commerciales que l’Assemblée législative de l’Alberta considère déloyales, rien ne saurait justifier qu’elle échappe à la discipline réglementaire à laquelle tous les autres promoteurs d’assurance de la province sont assujettis. Évidemment, si le ministre en venait à imposer aux banques un traitement discriminatoire, ces dernières pourraient recourir au contrôle judiciaire de la manière habituelle. (Puisque les appelantes ont beaucoup insisté sur la décision prise par la Cour de refuser l’autorisation de pourvoi à l’encontre de l’arrêt Optima, nous soulignons en passant que ce refus ne saurait être interprété comme un acquiescement au jugement dont on veut faire appel, pas plus que l’octroi de l’autorisation ne peut être considéré comme un signe de désapprobation de ce jugement. Dans le cadre du processus d’autorisation, la Cour n’entend pas et ne tranche pas l’affaire sur le fond. La mention « autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée » figure dans les recueils de jurisprudence pour des raisons de commodité.)
[Je souligne.]
Refuser une permission alors même que l’article 14 pourrait donner accès aux tribunaux de droit commun, amenant possiblement l’affaire jusqu’au plus haut tribunal après avoir été élaguée par les cours inférieures, est une possibilité évoquée par le demandeur qui ne peut être ignorée. Il me semble que non seulement l’équité favorise en quelque sorte que la radiation soit rejetée, mais la prudence suggère aussi l’accès aux tribunaux de droit commun, dans le cas où c’est un processus administratif qui est en place, étant donné l’article 14 qui maintient l’ancien régime.
[59] Cela est bien différent du nouveau régime aux allures nettement judiciaires. L’article 137 de la Loi modifiant prévoit un appel de la décision du comité d’appel sur autorisation à la Cour suprême. La Loi modifiant donne aux instances qui entendront à l’avenir les affaires impliquant des juges de nomination fédérale des allures d’un tribunal, comparativement au système qui ne perdure que dans le cas du demandeur, système qui procède du droit administratif. Ainsi, le comité d’appel duquel la décision peut faire l’objet d’un recours sous l’article 137 est composé de la façon suivante, selon l’article 130 de la Loi modifiant, et possède les pouvoirs décrits à l’article 131 :
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[60] Je reproduis aussi l’article 137 :
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[61] Ainsi, c’est dans le cadre d’un processus encadré avec différentes instances que l’affaire peut aller devant la Cour suprême du Canada après avoir été entendue par ce qui ressemble fort à une cour d’appel. Les articles 133 et 134 nous fournissent des indices supplémentaires d’un processus encadré et formalisé dans la Loi modifiant :
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[62] Malgré une structure ressemblant à cette des tribunaux, y inclus un comité d’appel, la Loi modifiant me semble équivoque quant aux possibilité de contrôle judiciaire puisque la porte ne semble pas fermée, ou à tout le moins fermée hermétiquement. En effet, dans l’article de la Loi modifiant constituant ce que l’on a appelé une « appropriation statutaire », on prévoit ce qui peut faire l’objet de sommes à être prélevées sur le Trésor. Le paragraphe 2 de l’article 146 est la disposition qui permet que les honoraires et dépenses de l’avocat mandaté par le juge soient défrayés uniquement pour les procédures en vertu de la Loi modifiant, mais pas pour un contrôle judiciaire intenté par le juge :
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Cela donne à penser, dit le demandeur, que la possibilité d’intenter un contrôle judiciaire ne serait pas proscrite par la Loi modifiant. On ne sait cependant pas dans quelles circonstances cela pourrait être possible. Qu’est ce qui est entendu par cette disposition est un mystère qui n’a pas été éclairé par une lumière quelconque. Pourtant, on parle bien de contrôles judiciaires.
[63] Pour que l’on puisse conclure à vice fondamental et manifeste suffisant pour radier une demande de contrôle judicaire aussi exceptionnelle que celle du demandeur, le Procureur général se devait de fournir une explication plus globale qui aurait permis de comprendre comment les différents éléments se conjuguent. Il est certes possible que ce puisse être fait. Mais c’est au Procureur général d’en faire la démonstration.
[64] Il en est de même de la question de savoir comment les articles 14 et 16 de la Loi modifiant peuvent donner ouverture à l’effet rétroactif qu’on doit noter non seulement sur l’effet de l’article 16, mais aussi sur un recours judiciaire, la demande de contrôle judiciaire devant la Cour depuis janvier 2023. On aurait pu croire que l’intention législative claire aurait pu être requise pour qu’une mesure si drastique soit instaurée. Ce n’est pas le cas en l’espèce. Et qu’en est-il des articles de la Loi modifiant qui semblent reconnaître la possibilité de contrôles judiciaires? L’autorisation d’appel à la Cour suprême de l’article 137 du nouveau régime s’inscrit dans un cadre fort différent que la faculté créée par l’article 16 de la Loi modifiant. Le législateur voulait-il un effet si draconien que ce semble réclamer le Procureur général? La clarté fait défaut à mon avis.
[65] L’effet de tous ces questionnements me semble être que le Procureur général ne s’est pas déchargé de son fardeau de démontrer le vice fondamental et manifeste que requiert la Cour d’appel dans JP Morgan et David Bull Laboratories. La Cour ne cherche pas à répondre à ces interrogatoires : ce serait complétement inapproprié sans des arguments complets dans un contexte factuel qui informe le débat. Ce que cela illustre par ailleurs est l’insuffisance de l’argument, élégant de par sa simplicité et son ingéniosité, si on ne fait pas entrer dans la danse les autres aspects de deux régimes qui, en fin de compte, ont assez peu en commun.
VII.
Conclusion
[66] À la connaissance de la Cour – et les parties n’ont offert aucune indication au contraire – la situation qui se présente est non seulement extraordinaire, mais elle est aussi exceptionnelle. Alors qu’un litige aura cheminé à l’intérieur d’un régime dont une composante essentielle était la possibilité d’un contrôle judiciaire devant les Cours fédérales, une disposition transitoire au sein de la Loi modifiant concède que le demandeur (il est le dernier justiciable à être visé par cette mesure transitoire) voit l’ancien régime s’appliquer à lui.
[67] À n’en pas douter, le demandeur aura voulu se réclamer des recours qui s’offraient à lui pour contester des décisions prises à son égard. La preuve en est évidente de par les contestations qu’il a entreprises qui se sont soldées par un refus d’être entendu après que le Procureur général eut invoqué le caractère prématuré de ces contestations. Le juge en chef de la Cour d’appel avait même insisté que le demandeur pourrait faire valoir ses arguments une fois le processus administratif complété.
[68] L’ajout en toute de fin de parcours dans la Loi modifiant d’un autre disposition transitoire, l’article 16, est vu par le Procureur général comme étant un empêchement dirimant d’avoir accès à la Cour fédérale à la suite du processus administratif enclenché.
[69] La possibilité de faire une demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême du Canada sous le nouveau régime de la Loi modifiant procède d’un processus complètement différent de celui auquel est soumis le demandeur sous l’ancien régime. En effet, on peut voir que le processus sous l’ancien régime était typiquement administratif, avec recours par voie de contrôle judiciaire, alors que le nouveau régime est structuré d’une manière bien différente, avec un comité d’appel dont la constitution ressemble fort à une cour d’appel et dont les pouvoirs sont les mêmes que ceux d’une cour d’appel. C’est de cette décision dont le justiciable pourra appeler sur autorisation de la Cour suprême à l’avenir. L’appel en vertu de l’article 16 de la Loi modifiant est d’un tout autre acabit.
[70] Il y a lieu de considérer quel est l’effet de l’article 14, et sa relation avec l’article 16. L’effet rétroactif, ou rétrospectif, de l’interprétation plaidée par le Procureur général devait être expliquée, d’autant que cet effet se fait sentir sur un recours judiciaire lancé plusieurs mois avant l’entrée en vigueur de l’article 16. Le vice doit être manifeste. En l’absence d’une démonstration beaucoup plus complète, la Cour se saurait accepter qu’il existe le vice fondamental et manifeste à ce stade. De fait, d’autres aspects inexpliqués posent problème.
[71] Ainsi, à l’examen du nouveau régime existent des zones d’ombre qui ne sont pas résolues. Le demandeur a noté que la Loi modifiant ne semble pas exclure totalement le contrôle judiciaire; c’est plutôt que le législateur déclare que l’état ne paiera pas pour de telles tentatives. Pourtant, on trouve une clause privative à l’article 158 de la Loi modifiant.
[72] Enfin, le demandeur a de toute évidence organisé ses affaires en gardant le regard fixé sur le recours en contrôle judiciaire de ce qui est sous l’ancien régime un processus administratif, remplacé par un processus différent sous la Loi modifiant. Le Procureur général a candidement concédé, et c’est tout en son honneur, que si le demandeur avait choisi de ne pas se prévaloir de l’article 16, il eut été possible de faire l’argument que le contrôle judiciaire était prématuré. Le demandeur serait donc forcé de faire cette tentative avant de se voir opposer que le contrôle judiciaire ne lui est pas accessible. À mon sens, il y a une mesure d’équité en l’espèce qui peut difficilement être totalement ignorée.
[73] Face à ces incongruités auxquelles le demandeur n’a pas répondu, le test de David Bull Laboratories (« rejeter sommairement un avis de requête qui est manifestement irrégulier au point de n’avoir aucune chance de succès »
ou «
so clearly improper as to be bereft of any possibility of success »
) n’est pas atteint. Dans JP Morgan, on dit que ce test implique un « show stopper », un « knock out punch ». Il faut une certitude avant de radier une demande de contrôle judiciaire que l’article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales constitue un obstacle au recours au contrôle judiciaire. Cette certitude n’a pas été établie.
[74] Il s’agit là du fardeau auquel le Procureur général ne s’est pas déchargé. C’est à qui demande la radiation pure et simple qu’incombe, l’obligation de faire une démonstration du vice manifeste. Pour réussir, il fallait en l’espèce embrasser davantage que ce qui a été invoqué. Avec égards, la démonstration est selon moi courte. Cela nuit à la nécessité que le vice soit manifeste et fondamental. L’incertitude devrait à mon sens favoriser le demandeur. La prudence s’impose en cherchant à favoriser une valeur importante : l’accès à la justice. La requête en radiation doit donc être rejetée.
[75] Il n’y aura aucuns dépens accordés.
JUGEMENT au dossier T-141-23
LA COUR STATUE ce qui suit :
La requête en radiation de la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Sans dépens.
« Yvan Roy »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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T-141-23 |
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INTITULÉ :
|
L’HONORABLE GÉRARD DUGRÉ c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA |
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LIEU DE L’AUDIENCE : |
ottawa (ontario) |
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DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 18 juillet 2024 |
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JUGEMENT ET MOTIFS : |
LE JUGE Roy |
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DATE DES MOTIFS : |
LE 8 novembre 2024
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COMPARUTIONS :
Me Magali Fournier, Ad. E. Me Camille Vignaud Me Paul Daly |
Pour le demandeur |
Me Bernard Letarte Me Pascale Guay Me Sara Gauthier Me Benjamin Chartrand |
Pour le défendeur |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Fournier Avocats inc.
Westmount (Québec)
Paul Daly Law PC
Ottawa (Ontario)
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Pour le demandeur |
Procureur général du Canada Montréal (Québec) |
Pour le défendeur |