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Date : 20241106


Dossier : T-225-23

Référence : 2024 CF 1765

[TRADUCTION FRANÇAISE RÉVISÉE PAR L’AUTRICE]

Ottawa (Ontario), le 6 novembre 2024

En présence de madame la juge Tsimberis

ENTRE :

AUBERGE & SPA LE NORDIK INC. ET NORDIK IMMOBILIERS – WINNIPEG INC.

demanderesses

et

THERME DEVELOPMENT (CY) LTD

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La Cour est saisie d’une demande présentée par Auberge & Spa Le Nordik Inc. et Nordik Immobiliers – Winnipeg Inc. [collectivement, Nordik ou les demanderesses], au titre des articles 57 et 58 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13 [la LMC], en vue de faire radier du registre des marques de commerce certains services visés par les enregistrements suivants, dont la défenderesse, Therme Development (CY) Ltd [TD], est propriétaire : LMC1110500 pour la marque de commerce THERME [la marque THERME]; LMC1110501 pour THERME GROUP [la marque THERME GROUP]; LMC1110502 pour le logo THERME TÊTE DE FEMME [la marque THERME TÊTE DE FEMME]; et LMC1110061 pour le logo THERME FEMME [la marque THERME FEMME], [collectivement, les marques de commerce THERME et les enregistrements THERME]. Les enregistrements THERME figurent à l’annexe A des présentes. Le tableau ci‑dessous présente les marques de commerce THERME ainsi que les dates de production et d’enregistrement associées aux enregistrements THERME de TD.

Enregistrements THERME

No d’enregistrement

Dates pertinentes

THERME

LMC1110500

Production : 2018‑03‑16

Enregist

rement : 2021‑09‑29

THERME GROUP

LMC1110501

Production : 2018‑03‑16

Enregistrement : 2021‑09‑29

LMC1110061

Production : 2018‑03‑16

Enregistrement : 2021‑09‑22

LMC1110502

Production : 2018‑03‑16

Enregistrement : 2021‑09‑29

[2] TD (et/ou des sociétés reliées) est un promoteur de centres de villégiature et participe actuellement à la revitalisation de Ontario Place à Toronto pour en faire une destination du bien-être. Les enregistrements THERME en cause couvrent les marques de commerce THERME adoptées par TD pour être utilisées en association avec les divers services et produits qui seront offerts à Ontario Place. TD a annoncé son complexe THERME CANADA à Ontario Place, ce dont Nordik a pris connaissance et s’y oppose.

[3] Nordik demande à la Cour de rendre une ordonnance radiant uniquement les services enregistrés suivants, reproduits et soulignés ci-dessous [collectivement, les services contestés] des enregistrements THERME de TD :

35 (1) Gestion des affaires et gestion hôtelière;

37 (2) Aménagement et construction de centres de spa santé, de centres de santé et de bien‑être qui offrent des services de spa santé pour la santé et le bien‑être du corps et de l’esprit, de bains thermaux, d’hôtels et d’espaces récréatifs, en l’occurrence de spas, de bains de natation, de parcs aquatiques, de glissoires d’eau, de jardins aménagés, d’aires de jeu pour enfants, de terrains pour les sports de balles et d’aires de mise à l’eau pour véhicules nautiques;

39 (3) Exploitation d’aires de mise à l’eau pour véhicules nautiques;

41 (4) Exploitation d’espaces récréatifs, en l’occurrence bains de natation, de parcs aquatiques, de glissoires d’eau, de jardins aménagés, d’aires de jeu pour enfants et de terrains pour les sports de balles; exploitation de bains de natation, de parcs aquatiques, de glissoires d’eau, de jardins aménagés, d’aires de jeu pour enfants et de terrains pour les sports de balles;

42 (5) Aménagement de centres de spa santé, de centres de santé et de bien‑être qui offrent des services de spa santé pour la santé et le bien‑être du corps et de l’esprit, de bains thermaux, d’hôtels et d’espaces récréatifs, en l’occurrence de spas, de piscines, de parcs aquatiques, de glissoires d’eau, de jardins aménagés, d’aires de jeu pour enfants, de terrains pour les sports de balles et d’aires de mise à l’eau pour véhicules nautiques;

43 (6) Services de restaurant, services de comptoir de plats à emporter et services de casse‑croûte, nommément services de bar et de café; services d’hôtel; exploitation d’hôtels;

44 (7) Centres de spa santé incorporant des bains thermaux, des piscines, des glissoires d’eau, des saunas, des bains turc[s], des installations de piscine d’eau minérale et de spa, services de soins de santé et de beauté offerts par des spas santé, des saunas, des salons de beauté, des sanatoriums, des salons de coiffure et des salons de massage, services de traitement médical offerts par un spa santé, services de massage, d’hydrothérapie et de luminothérapie ainsi que services cosmétiques de bronzage, et services d’évaluation du rendement dans le domaine de la bonne condition physique; exploitation de centres de santé et de bien‑être qui offrent des services de spa santé pour la santé et le bien‑être du corps et de l’esprit; exploitation de centres de spa santé, de bains thermaux et d’espaces récréatifs, en l’occurrence de spas.

[4] Nordik est propriétaire des enregistrements suivants : LMC897305 pour la marque de commerce THERMËA [la marque THERMËA]; et LMC897306 pour THERMËA & Dessin [la marque THERMËA & Dessin] [collectivement, les marques de commerce THERMËA et les enregistrements THERMËA]. Les marques de commerce THERMËA sont enregistrées en liaison avec les services suivants : « (1) Exploitation d’une boutique offrant des robes de chambre et sandales; (2) Services de resto‑bar; (3) Exploitation d’un spa et centre de bien‑être offrant des services de saunas, bains thérapeutiques, bains à remous et bains froids, bains de vapeur, bain flottant, massages relaxants et thérapeutiques; soins corporel pour visage, corps et pieds »; et les produits suivants : « (1) Chandelles; (2) Bouteilles d’eau; (3) Robes de chambre; sandales. » Les enregistrements THERMËA figurent à l’annexe B des présentes. Le tableau ci‑dessous présente les dates de production et d’enregistrement associées aux enregistrements THERMËA de Nordik :

Enregistrements THERMËA

No d’enregistrement

Dates pertinentes

THERMËA

LMC897305

Production : 2013‑05‑30

Enregistrement : 2015‑02‑24

LMC897306

Production : 2013‑05‑30

Enregistrement : 2015‑02‑24

[5] Nordik allègue que les enregistrements THERME sont invalides en partie - dans la mesure où ils ont enregistrés en association avec les services contestés. Selon elle, les enregistrements THERME sont invalides aux termes du paragraphe 18(1) de la LMC pour les motifs suivants : (i) les marques de commerce THERME donnent une description claire ou donnent une description fausse et trompeuse, en langue française, de la nature des services contestés; (ii) elles sont constituées du nom, dans une langue, de certains des services contestés; (iii) elles créent de la confusion avec les marques de commerce THERMËA visées par les enregistrements THERMËA de Nordik et antérieurement employées au Canada par celle‑ci; et (iv) elles ne sont pas distinctives.

[6] Pour les motifs exposés ci‑après, j’accueillerai en partie la demande de Nordik.

II. Les questions en litige

[7] Les questions en litige sont les suivantes :

  • 1)La première question : Quels sont les fardeaux juridiques et de preuve applicables?

  • 2)La seconde question : Les enregistrements THERME de la défenderesse sont‑ils invalides en ce qui concerne les services contestés pour les motifs suivants :

  1. Les marques de commerce THERME donnent une description claire ou donnent une description fausse et trompeuse, en langue française, de la nature des services contestés en liaison avec lesquels elles sont employées, ou en liaison avec lesquels on projette de les employer, de sorte qu’elles n’étaient pas enregistrables à la date de leur enregistrement en septembre 2021, aux termes des alinéas 12(1)b) et 18(1)a) de la LMC?

  2. Les marques de commerce THERME sont-elles constituées du nom, en langue française, de certains des services contestés, de sorte qu’elles n’étaient pas enregistrables à la date de leur enregistrement en septembre 2021, aux termes des alinéas 12(1)c) et 18(1)a) de la LMC?

  3. Les marques de commerce THERME créent de la confusion avec les marques de commerce THERMËA visées par les enregistrements THERMËA de Nordik, de sorte qu’elles n’étaient pas enregistrables à la date de leur enregistrement en septembre 2021, aux termes des alinéas 12(1)d) et 18(1)a) de la LMC?

  4. TD n’était pas la personne ayant droit d’obtenir les enregistrements THERME parce que, à la date de production des demandes d’enregistrement, soit le 16 mars 2018, les marques de commerce THERME créaient de la confusion avec les marques de commerce THERMËA de Nordik que Spa Winnipeg avait antérieurement employées comme marques de commerce et noms commerciaux en vertu de la licence d’emploi que lui avait octroyée Nordik, aux termes des alinéas 16(1)a), 16(1)c) et 18(1)d) de la LMC?

  5. Les marques de commerce THERME n’étaient pas distinctives à la date où ont été entamées les présentes procédures de radiation, soit le 1er février 2023, aux termes de l’article 2 et de l’alinéa 18(1)b) de la LMC?

[8] Avant d’analyser ces questions, j’examinerai la preuve au dossier, en commençant par la preuve déposée par Nordik, suivi de celle déposée par TD.

III. La preuve

A. La preuve déposée par Nordik

(1) L’affidavit d’Alexandre Cantin, chef de l’exploitation, souscrit le 20 mars 2023

[9] Alexandre Cantin [M. Cantin] travaille pour Auberge & Spa Le Nordik Inc. depuis le 12 décembre 2016 et en est le chef de l’exploitation depuis octobre 2021. Il a joint à son affidavit des copies papier des enregistrements THERMËA, tirés de la base de données sur les marques de commerce, qui montrent que les marques de commerce THERMËA ont été enregistrées le 24 février 2015, ainsi que de l’immatriculation des demanderesses Auberge & Spa Le Nordik Inc. [Le Nordik], constituée en société en 2002, et Nordik Immobiliers – Winnipeg Inc. [Spa Winnipeg], constituée en société en 2013.

[10] M. Cantin a déclaré qu’au début de 2015, Le Nordik, par l’entremise de sa société sœur, Spa Winnipeg, avait ouvert un spa et centre de bien‑être à Winnipeg qui était exploité sous le nom de THERMËA [THERMËA Winnipeg] et offrait des produits et services, notamment des services de spa (bains thermaux, saunas, massothérapie, soins corporels), de restauration et d’hébergement, en liaison avec les marques de commerce THERMËA. Il a déclaré que Le Nordik, par l’entremise de sa société sœur, Thermëa Spa Village Whitby Inc. [Spa Whitby], avait ouvert un autre spa et centre de bien‑être à Whitby, près de Toronto, dont l’ouverture avait été reportée au 6 octobre 2022 en raison de la pandémie de COVID‑19. Il a joint à son affidavit des captures d’écran contemporaines des sites Web www.thermea.ca et www.thermea.com, sur lesquelles apparaît la marque THERMËA, ainsi que des copies papier de versions archivées du site Web www.thermea.ca obtenues à l’aide de l’outil Wayback Machine. La première, datée du 16 janvier 2015, montre la marque THERMËA et des onglets intitulés [traduction] « L’expérience – Bains, traitements et restaurant », « Boutique en ligne – Produits essentiels et cadeaux » et « Réservation – Massages, traitements et activités ». À l’appui de sa déclaration selon laquelle Spa Winnipeg offre des services d’hébergement en partenariat avec des hôtels de Winnipeg depuis le 13 mai 2019, il a joint à son affidavit une copie papier de la version archivée provenant de l’outils Wayback Machine datée du 13 mai 2019 du site Web www.thermea.ca, sur laquelle figurent la marque THERMËA et un nouvel onglet intitulé [traduction] « Hébergement ». Il a affirmé, et montré à l’aide de photos et des sites Web mentionnés ci‑dessus, que des produits dérivés, tels que des bouteilles, des sandales et des peignoirs, sont vendus à la boutique de Spa Winnipeg.

[11] M. Cantin a déclaré que Spa Winnipeg et Spa Whitby employaient les marques de commerce THERMËA en vertu des licences d’emploi que leur avait octroyées Le Nordik. Il a joint à son affidavit les licences en question et a affirmé avoir assuré le contrôle de leur emploi des marques de commerce THERMËA.

[12] M. Cantin a fourni des éléments de preuve faisant état d’activités de publicité et de promotion, notamment sur les comptes Instagram et Facebook de Spa Winnipeg et de Spa Whitby, lesquels montrent l’emploi et la promotion des marques de commerce THERMËA ainsi que le nombre d’abonnés. Il a décrit et fourni des publicités qui ont été affichées, à partir de 2016, dans des kiosques et des vitrines THERMËA situées dans des centres commerciaux locaux, sur des panneaux publicitaires et dans les réseaux de transport en commun. Ces publicités visaient à faire la promotion des marques de commerce THERMËA et à commercialiser les services THERMËA offerts d’abord par Spa Winnipeg, puis par Spa Whitby.

[13] Plutôt que de présenter le chiffre d’affaires des centres THERMËA Spa Winnipeg et Spa Whitby, M. Cantin a fourni le nombre de visiteurs annuel (d’octobre à septembre) pour les années 2018 à 2023. Il a expliqué qu’il y avait eu moins de visiteurs au cours des années 2020 à 2022 en raison de la pandémie de COVID‑19 et des fermetures obligatoires. Ces données sont reproduites ci‑dessous :

Année

THERMËA Spa Winnipeg

THERMËA Spa Whitby

2018

100 486

Non applicable

2019

102 682

Non applicable

2020

68 710

Non applicable

2021

30 938

Non applicable

2022

87 536

Non applicable

2023

(octobre 2022-février 2023)

47 330

30 150

[14] M. Cantin a affirmé qu’à la mi‑avril 2022, il avait découvert une vidéo promotionnelle sur le site Web de TD, www.thermecanada.com. Dans cette vidéo, on entendait la façon dont la marque THERME était prononcée, à savoir « THERMA », ce qui, selon lui, s’apparentait à la prononciation du mot THERMËA. Il a joint à son affidavit des fichiers vidéo et audio des publicités diffusées sur le site Web de TD.

[15] Enfin, M. Cantin a joint à son affidavit des copies papier des définitions du mot « thermes » tirées de trois dictionnaires français en ligne. Ces définitions sont reproduites ci‑dessous :

Larousse

Nom masculin pluriel

(latin thermae, du grec thermos, chaud)

  1. Établissement de bains caractéristique de la civilisation impériale romaine.

  2. Nom de certains établissements où l’on fait une cure thermale : Les thermes de Luchon.

Le Robert

Nom masculin pluriel

  1. Établissement de bains publics de l’Antiquité.

  2. Établissement thermal.

Le Nouvel Observateur – La conjugaison

thermes est employé comme nom masculin pluriel

  1. dans l’Antiquité, bains publics

  2. établissement thermal

[16] La défenderesse n’a pas contre‑interrogé M. Cantin sur son affidavit. Selon elle, le témoignage de M. Cantin fournit des renseignements sur les modestes activités qu’exercent les demanderesses depuis 2015 en liaison avec les marques de commerce THERMËA. Elle a également fait valoir que le tableau du nombre de visiteurs annuel montrait uniquement les données à compter de 2018 (alors que l’emploi allégué remonte à 2015), et que la preuve ne précisait ni le type de visiteur (nouveau ou récurrent) ni les services (p. ex., spa ou restaurant) qu’ils avaient utilisés. S’agissant des définitions du mot « thermes » jointes à l’affidavit, TD a soutenu que ce mot était un terme obscur, archaïque, désuet ou spécialisé de la langue française et qu’il n’était ni connu ou ni couramment utilisé par le consommateur Canadien ordinaire. Partant, il importait peu que la marque THERME de TD soit considérée comme l’équivalent phonétique du mot « thermes » figurant dans les dictionnaires.

B. La preuve déposée par TD

(1) L’affidavit de Jane Buckingham, recherchiste en marques de commerce, souscrit le 4 mai 2023

[17] Jane Buckingham [Mme Buckingham] est une recherchiste en marques de commerce au service du cabinet d’avocats retenu par la défenderesse. Elle a effectué une recherche dans la base de données sur les marques de commerce canadiennes afin d’y relever les demandes et enregistrements actifs de marques de commerce précédées du préfixe « THERM‑ ». Elle a décrit ses paramètres de recherche et joint à son affidavit les résultats obtenus. Selon ces résultats, (i) 83 demandes ou enregistrements actifs comprenant le préfixe « THERM- » visent des produits ou services de santé, de bien‑être, de spa, de conditionnement physique, de piscine ou en lien avec l’eau (pièce A), et (ii) 660 enregistrements actifs incorporant le préfixe « THERM- » visent des produits ou services de tout genre (pièce B). Elle a également joint à son affidavit l’historique complet du dossier associé à chacun des enregistrements THERME.

[18] Les demanderesses n’ont pas contre‑interrogé Mme Buckingham. Selon elles, (i) son affidavit ne fournit aucune preuve d’emploi au Canada des marques incorporant le préfixe « THERM- » relevées lors de sa recherche dans la base de données, et (ii) la grande majorité des résultats ne sont pas pertinents en ce qui concerne les services de spa et de bien‑être dont il est question en l’espèce; seuls trois enregistrements de marques de commerce de tiers sont peut‑être pertinents.

(2) L’affidavit de Jessica San Agustin, enquêteuse privée, souscrit le 4 mai 2023

[19] Jessica San Agustin [Mme San Agustin] est l’enquêteuse privée engagée par les avocats de la défenderesse pour parcourir divers sites Web, prendre des captures d’écran des pages Web consultées et enquêter sur l’offre de produits et services sur le marché canadien. Dans son affidavit, elle a fourni la liste des sites Web consultés ainsi que ses observations, selon lesquelles les Canadiens ont accès à plus de 50 sites Web et entreprises qui emploient des noms commerciaux ou des marques comprenant le préfixe « THERM- » en liaison avec des produits et services qui, selon TD, appartiennent à des domaines connexes à ceux des demanderesses.

[20] Les demanderesses n’ont pas contre‑interrogé Mme San Agustin. Leur position à l’égard de son témoignage est semblable à celle qu’elles ont fait valoir au sujet de celui de Mme Buckingham.

(3) L’affidavit du Dre Shana Poplack souscrit le 4 mai 2023 – Témoignage d’experte, linguiste et sociolinguiste

[21] Docteure Shana Poplack [Dre Poplack], professeure et titulaire de la chaire de recherche du Canada en linguistique à l’Université d’Ottawa, a souscrit son affidavit le 4 mai 2023. En 1982, elle a fondé le laboratoire de sociolinguistique de l’Université d’Ottawa, qui héberge 21 grandes bases de données audio et textuelles dans diverses langues. L’un de ses principaux axes de recherche est la structure (socio) linguistique du français et de l’anglais. Elle s’exprime souvent, lors de conférences ou dans des articles, sur un éventail de sujets liés à la linguistique et aux langues. Elle a affirmé qu’une grande partie de son travail avait porté sur l’histoire, la structure et le développement de la langue française au Canada comme ailleurs. Dre Poplack détient une maîtrise et un doctorat en linguistique d’universités américaines – les deux programmes portaient notamment sur la langue française – et elle a étudié à la Sorbonne et vécu à Paris pendant sept ans. Elle a déclaré qu’elle parlait couramment le français et qu’elle donnait des cours et des conférences, et publiait des articles en français depuis de nombreuses années, comme le montre son curriculum vitae (pièce B). La Commission des oppositions des marques de commerce [la Commission] a déjà reconnu Dre Poplack comme experte en linguistique et en sociolinguistique dans la décision Coors Global Properties, Inc. c Drummong Brewing Company Ltd., 2011 COMC 44.

[22] En l’espèce, selon l’affidavit de Dre Poplack, son mandat consistait [traduction] « à formuler une opinion d’expert, à titre de sociolinguiste, sur le degré de ressemblance entre les marques de commerce THERME et THERMËA sous l’angle de leur présentation, de leur son et des idées qu’elles suggèrent ».

[23] En particulier, Dre Poplack a émis l’opinion qui suit :

[traduction]
J’ai également consulté certains écrits juridiques que m’avait fournis ou proposés les avocats, notamment l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Masterpiece Inc. c Alavida Lifestyles Inc., 2011 CSC 27. Mes recherches linguistiques et mes analyses de ces marques m’amène à opiner qu’il y a peu de ressemblance entre les marques de commerce THERME et THERMËA quant à leur présentation, leur son ou les idées qu’elles suggèrent. Pour les raisons exposées en détail ci‑dessous, je suis d’avis que les deux marques sont uniques, quoique de manière différente, grâce à ce que l’on pourrait simplement appeler leur caractère « étrangère ». En effet, s’agissant de leur présentation, aucune des deux marques ne peut facilement être reconnue comme étant un mot français ou anglais, ni ne rappelle particulièrement l’autre, et ce, même si elles ont en commun leurs cinq premières lettres. Certes, une analyse étymologique montre que la suite de séquence « THERM » dans les marques renvoie à certains éléments de sens communs aux deux marques, mais, à mon avis, ces connaissances étymologiques ne sont pas facilement accessibles au Canadien moyen, qu’il soit anglophone ou francophone. Les marques diffèrent également l’une de l’autre par leur prononciation, tant en français qu’en anglais.

[24] Voici un extrait de certaines des conclusions tirées par Dre Poplack sur le degré de ressemblance entre les marques :

[traduction]
a) L’aspect frappant ou unique des marques de commerce : Si l’on examine la marque THERMËA dans son ensemble, sa caractéristique la plus frappante est sa terminaison inhabituelle en « ËA », en particulier, le « Ë » en raison du tréma au‑dessus du « E ». Quant à la marque THERME, l’ajout du « E » muet après « ERM » est inhabituel; cette caractéristique rend THERME frappant en soi. Ce qui distingue particulièrement THERME est toutefois l’absence de la terminaison frappante en « ËA » de THERMËA. Pour ces raisons et d’autres encore, exposées ci‑dessous, je suis d’avis qu’il est très probable que le Canadien moyen (francophone ou anglophone) considère les deux marques comme des mots inventés, mais diffèrents.

b) La diérèse, le tréma et l’image de marque « branding »: Le signe diacritique constitué de deux points horizontaux – au‑dessus du « E » (le « Ë ») dans THERMËA peut être interprété comme indiquant une diérèse – c’est‑à‑dire la prononciation en deux syllabes distinctes de deux voyelles contiguës – et/ou un tréma - c’est‑à‑dire une modification du timbre ou de la prononciation d’une voyelle. Les signes diacritiques peuvent jouer un rôle important dans l’image de marque. Le « Ë » dans THERMËA constitue un élément proéminent et frappant de cette marque de commerce qui a une incidence notable sur la présentation et le son de la marque, ainsi que sur les idées qu’elle suggère. L’absence de ce signe diacritique dans la marque THERME est un élément distinctif majeur entre les deux.

c) L’emploi courant de l’affixe « ‑therm‑ » dans la création de mots et de marques : La suite de lettre « THERM » qu’ont en commun les deux marques est couramment utilisée, en français et en anglais, comme préfixe, suffixe ou infixe (par exemple, thermal, thermomètre, thermostat, thermodynamique, thermique, isotherme, géothermie, hypothermie). Cet affixe apparaît aussi dans de nombreux autres noms commerciaux et marques liés à divers produits ou services. J’ai également reçu les résultats d’une recherche dans la base de données sur les marques de commerce canadiennes, et, selon ces résultats, il existe un grand nombre de marques canadiennes contenant l’affixe « ‑THERM- ». La fréquence même de l'élément THERM dans une si grande variété de demandes étaye précisément mon point de vue selon lequel les consommateurs se fondent sur d’autres éléments des marques ou des mots pour les distinguer, au lieu de se fier uniquement, ou même principalement, à la séquence commune THERM.

d) La présentation : La présentation de THERMËA est nettement différente de celle de THERME. Toute similitude visuelle entre THERMËA et THERME découlant de leurs cinq premières lettres est largement éclipsée par les différences entre les deux marques qui tiennent à leurs caractéristiques frappantes, à la signification visuelle de la diarèse et du tréma dans THERMËA ainsi qu’à sa combinaison « ËA ».

IV. Analyse

A. La question préliminaire : l’affidavit de Dre Poplack est inadmissible en preuve

[25] Comme toute preuve d’expert, l’affidavit de la sociolinguiste Dre Poplack doit, pour que notre Cour la juge admissible, satisfaire au critère à quatre volets énoncé par la Cour suprême du Canada et reproduit ci‑dessous :

  1. la pertinence;

  2. la nécessité d’aider le juge des faits (en ce sens que la preuve d’expert fournit des renseignements qui dépassent l’expérience et la connaissance d’un juge);

  3. l’absence de toute règle d’exclusion;

  4. la qualification suffisante de l’expert.

(Masterpiece Inc. c Alavida Lifestyles Inc., 2011 CSC 27 [Masterpiece] au para 75, citant R c Mohan, 1994 CanLII 80 (CSC), [1994] 2 RSC 9 [Mohan] à la p 20).

[26] Les demanderesses ont prétendu que l’affidavit de Dre Poplack était inadmissible en preuve et que la Cour ne devait y accorder aucun poids. Leur position reposait principalement sur l’argument selon lequel le test en matière de confusion est un critère juridique que doit appliquer le juge des faits – et non l’expert – du point de vue du consommateur moyen. Elles ont fait valoir que le rôle de la preuve d’expert dans les affaires portant sur des marques de commerce était limité, en particulier dans les cas où le consommateur moyen n’était pas sophistiqué et où les services en question n’étaient pas associés à un marché spécialisé. À l’appui de leur prétention, elles ont invoqué la décision Cathay Pacific Airways Limited c Air Miles International Trading BV, 2016 CF 1125 [Cathay Pacific] :

[80] Le dernier affidavit à examiner est le seul nouvel affidavit qui ait été déposé par Air Miles, celui de M. John K. Chambers, professeur de linguistique de l’Université de Toronto. Air Miles présente l’affidavit de M. Chambers comme une preuve d’expert concernant le degré de ressemblance, le cas échéant, entre les marques AIR MILES et ASIA MILES dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[81] Cathay Pacific soutient que l’affidavit de M. Chambers est inadmissible ou [qu’]aucun poids ne [devrait] lui [être] accordé, faisant principalement valoir qu’il ne fournit aucun renseignement pertinent qui ne dépasse pas la connaissance de la Cour, ce qui serait contraire à l’objet d’une preuve d’expert selon l’arrêt Masterpiece.

[82] Je souscris à la thèse de Cathay Pacific sur cette question. Dans l’arrêt Masterpiece, aux paragraphes 75 à 77, le juge Rothstein a expliqué les exigences à satisfaire, tirées de l’arrêt R. c. Mohan, [1994] 2 RCS 9, pour présenter une preuve d’expert dans les affaires portant sur des marques de commerce et a souligné en particulier l’exigence de « nécessité », de sorte qu’un expert ne doit être autorisé à témoigner que si son témoignage contient des renseignements qui, selon toute vraisemblance, dépassent l’expérience et la connaissance d’un juge. En examinant le témoignage d’expert en cause dans l’arrêt Masterpiece, le juge Rothstein a conclu au paragraphe 80 que, dans un cas où le consommateur ordinaire, par les yeux de qui il convient d’examiner la question de la confusion, n’est pas censé posséder des compétences ou des connaissances particulières et où il existe une ressemblance entre les marques, il n’est généralement pas nécessaire de soumettre une preuve d’expert qui ne fournit qu’une simple appréciation de cette ressemblance. Au paragraphe 88, la Cour fait une distinction entre l’affaire dont elle est saisie et une situation où les biens sont vendus dans un marché spécialisé composé de consommateurs avertis exerçant un commerce particulier. En présence d’un marché spécialisé, il peut s’avérer essentiel de faire la preuve du degré de connaissance ou caractère averti particulier des consommateurs afin de déterminer dans quels cas la confusion est susceptible de se produire.

[83] En l’espèce, il n’est pas question de marques de commerce ni de services employés dans des marchés spécialisés. En gardant à l’esprit que le test en matière de confusion prévu par la Loi est une question de première impression que laisse dans l’esprit d’un consommateur ordinaire, j’estime qu’il n’est pas nécessaire de recevoir l’opinion d’un expert linguiste concernant le degré de ressemblance entre les marques, et je conclus par conséquent que l’affidavit de M. Chambers est inadmissible.

(Cathay Pacific, aux para 80‑83, non souligné dans l’original, caractère gras ajouté.)

[27] Je suis d’accord avec les demanderesses pour sensiblement les mêmes raisons que celles énoncées par le juge Southcott dans la décision Cathay Pacific et reproduites ci‑dessus. En effet, le mandat de Dre Poplack était identique à celui de l’expert dans l’affaire Cathay Pacific. Rien n’indique que le consommateur moyen des services contestés est « censé posséder des compétences ou des connaissances particulières », et les services contestés ne sont pas offerts dans un marché spécialisé composé de consommateurs avertis exerçant un commerce particulier. Dre Poplack a proposé une habile analyse linguistique des marques de commerce en litige, mais a oublié que ce n’est pas son opinion qui permet d’évaluer le degré de ressemblance, mais plutôt celui du « consommateur ordinaire, par les yeux de qui il convient d’examiner la question de la confusion » (Cathay Pacific, au para 82, citant Masterpiece, au para 80). À titre d’exemple, Dre Poplack considère la lettre « Ë » (avec le tréma) dans la marque THERMËA comme un caractère différent de la lettre « E » (sans tréma) positionnée de manière similaire dans la marque THERME, sans tenir compte du fait que le consommateur ordinaire aura constaté le second « E » commun aux deux marques des parties. Du point de vue visuel, l’entièreté de la marque verbale THERME de TD se retrouve dans la marque verbale THERMËA de Nordik. Les six (et non cinq) premières lettres de chacune des marques (T‑H‑E‑R‑M‑E) sont identiques; les seules différences entre elles sont le tréma (deux points de taille normale) placé au‑dessus du second « E » et la lettre « A ». Je ne peux pas accepter que le « consommateur ordinaire, par les yeux de qui il convient d’examiner la question de la confusion, » ne verra pas le second « E » comme étant la même entre les marques simplement parce qu’elle porte un accent étranger ou deux points au-dessus d’elle.

[28] La Cour suprême du Canada s’est ainsi exprimée au paragraphe 80 de l’arrêt Masterpiece :

[80] Le premier problème que posait une bonne partie du témoignage d’expert est le fait qu’il ne répondait pas à la deuxième exigence énoncée dans Mohan, c’est‑à‑dire la nécessité. Dans un cas comme celui qui nous occupe, où le « consommateur ordinaire » n’est pas censé posséder des compétences ou des connaissances particulières et où il existe une ressemblance entre les marques, il n’est généralement pas nécessaire de soumettre une preuve d’expert qui ne fournit qu’une simple appréciation de cette ressemblance. Par surcroît, une telle preuve sera carrément inutile si l’expert se livre à une analyse qui éloigne le tribunal de la question hypothétique qui est au cœur de l’analyse, à savoir s’il est probable que les marques créent de la confusion.

(Non souligné dans l’original, caractère gras ajouté.)

[29] Dans l’examen de la nécessité de la preuve d’expert, il est impératif de s’assurer que « l’expert ne doit être autorisé à témoigner que si son témoignage contient des renseignements “qui, selon toute vraisemblance, dépassent l’expérience et la connaissance d’un juge” » (Masterpiece au para 75, citant Mohan, au para 23). Selon la définition qu’en donne Dre Poplack, son mandat équivalait à usurper le rôle de la Cour, à qui il revient de trancher l’une des principales questions soulevées en l’espèce, à savoir celle du degré de ressemblance entre les marques de commerce des parties. La Cour suprême a souligné en ces termes l’importance de cette préoccupation dans l’arrêt Mohan :

Il y a également la crainte inhérente à l’application de ce critère que les experts ne puissent usurper les fonctions du juge des faits. Une conception trop libérale pourrait réduire le procès à un simple concours d’experts, dont le juge des faits se ferait l’arbitre en décidant quel expert accepter.

(Mohan, à la p 24, non souligné dans l’original, caractère gras ajouté.)

[30] La défenderesse a soutenu que la Cour suprême n’avait énoncé aucune règle générale dans l’arrêt Masterpiece selon laquelle la preuve d’expert (d’un linguiste ou autre expert) était inadmissible dans toutes les affaires portant sur la probabilité de confusion entre des marques de commerce ni selon laquelle une telle preuve d’expert ne répondrait jamais à la norme d’admissibilité. À cet égard, elle a renvoyé à l’ouvrage de Harold G. Fox, Fox on Canadian Law of Trade‑marks and Unfair Competition, 4e éd (feuilles mobiles), Toronto, Thomson Reuters, 2021 [Fox on Trade‑marks] au § 8.35 :

[traduction]
Si la Cour a critiqué, dans ce contexte, le recours à une preuve d’expert sur la sémantique et la morphologie (entre autres), il ne fait toutefois aucun doute qu’une telle preuve pourrait satisfaire à la norme d’admissibilité si les marques en cause sont des termes inventés et/ou si les produits ou services offerts sont de nature hautement spécialisée […].

(Non souligné dans l’original, caractère gras ajouté.)

[31] La défenderesse a également fait valoir que l’affidavit de Dre Poplack répondait aux critères de nécessité et de pertinence, étant donné que son témoignage portait sur la signification ainsi que l’effet visuel et phonétique de la marque inventée de chacune des parties, dont notamment la terminaison inhabituelle en « -ËA » de la marque THERMËA des demanderesses et l’emploi du tréma sur la lettre « Ë ». La défenderesse a ajouté que l’affidavit de Dre Poplack informait et aidait la Cour à comprendre la réaction du consommateur exposé à ces marques.

[32] Je ne suis pas d’accord. Premièrement, Dre Poplack n’a fourni aucune preuve d’expert par sondage sur les réactions ou les impressions des consommateurs visés à l’égard des marques de l’une ou l’autre des parties. Une telle preuve d’expert en sondage fournirait un aperçu de l’impression ou de la réaction du consommateur ordinaire des services contestés à l’égard de ces marques, ce qui aiderait la Cour à évaluer la probabilité de confusion entre les marques ou à juger si les marques de la défenderesse donnent une description claire ou donnent une description fausse et trompeuse. Deuxièmement, Dre Poplack n’a pas été retenue à titre d’experte sur la signification des marques, mais plutôt pour analyser le degré de ressemblance entre les marques, y compris la distinction introduite par l’emploi d’un tréma dans l’une d’elles. Troisièmement, Dre Poplack s’est appuyée sur des documents de stratégie de marketing et d’image de marque de tiers, comme Labatt (le soda à la vodka Nütrl) et Ultima (le yogourt iÖGO), qui utilisent le tréma dans leurs marques, ainsi que sur ses propres interprétations de ces documents. La Cour prend acte que Dre Poplack n’avait pas été présenté et qu’elle n’est pas qualifiée en tant qu’experte en marketing. La Cour fait également observer que, contrairement à Labatt et à Ultima, rien n’indique que les demanderesses emploient le tréma icône de marque dans son utilisation ou sa marketing des marques de commerce THERMËA.

[33] Dans ses représentations orales, la défenderesse a également soutenu que la preuve de Dre Poplack était nécessaire à l’analyse de la question de savoir si les marques de commerce THERME donnent une description claire ou donnent une description fausse et trompeuse. Encore une fois, je ne suis pas d’accord. Il s’agit là d’un nouvel argument, puisque le mandat de Dre Poplack, défini plus haut, ainsi que le paragraphe 16 du mémoire des faits et du droit de la défenderesse indiquent clairement que [traduction] « l’affidavit de la professeure Poplack est utile, car il fournit à la Cour un témoignage sur le degré de ressemblance entre les marques des parties, conformément aux principes énoncés dans l’arrêt Masterpiece. À la différence des cas où les marques en litige sont composées de mots ordinaires tirés du dictionnaire, il est peu probable que les renseignements donnés par Dre Poplack s’inscrivent dans l’expérience et la connaissance de la Cour ». Contrairement à ce que la défenderesse avance dans ses observations formulées ultérieurement, elle a déclaré qu’elle avait présenté le témoignage de Dre Poplack expressément parce que celle‑ci n’avait pas traité de la signification des mots ordinaires tirés du dictionnaire. Partant, il est quelque peu difficile de comprendre comment son témoignage pourrait aider la Cour à examiner la question de savoir si les marques de la défenderesse donnent une description claire ou donnent une description fausse et trompeuse.

[34] Malgré l’argument selon lequel le tréma n’est pas un signe diacritique connu dans la langue anglaise moderne, le mandat de Dre Poplack ne consistait pas à renseigner la Cour sur la prononciation du tréma, ce qui aurait pu s’avérer utile. Son mandat et, par conséquent, l’ensemble de son analyse et de son témoignage ne renseignent pas la Cour; ils constituent plutôt une tentative concertée de se substituer à la Cour en tant que juge des faits pour tirer les conclusions sur les allégations de confusion dans l’esprit du consommateur ordinaire et sur la question de savoir si les marques de la défenderesse donnent une description claire ou donnent une description fausse et trompeuse.

[35] Outre le fait que le mandat de Dre Poplack et le témoignage qui en a découlé posent problème, il convient de mentionner que son expertise s’étend pas au droit des marques de commerce, ce qui ressort de son analyse des marques en cause, où elle a distingué et analysé chaque partie des marques en cause séparément. À titre d’exemple sont reproduits ci‑dessous, à gauche, un extrait du résumé de l’opinion de Dre Poplack et, à droite, l’extrait de l’arrêt Masterpiece selon lequel elle ne pouvait adopter une telle démarche :

d) La présentation : La présentation de THERMËA est nettement différente de celle de THERME. Toute similarité visuelle attribuable aux cinq premières lettres qui leur sont communes est largement éclipsée par les différences entre les deux marques qui tiennent à leurs caractéristiques frappantes, à la signification visuelle du tréma dans THERMËA ainsi qu’à la combinaison « ËA ».

[83] Dans l’analyse d’une marque de commerce, ni l’expert, ni le tribunal ne doit considérer chaque partie de celle‑ci séparément des autres éléments. Il convient plutôt d’examiner la marque telle que le consommateur la voit, à savoir comme un tout, et sur la base d’une première impression. Dans Ultravite Laboratories Ltd. c. Whitehall Laboratories Ltd., [1965] R.C.S. 734, le juge Spence, qui devait décider si les mots « DANDRESS » et « RESDAN », en liaison avec l’élimination des pellicules, créaient de la confusion, a exprimé succinctement sa pensée aux p. 737 et 738 : [traduction] « [L]e critère qu’il convient d’appliquer est celui de la personne ordinaire à la recherche d’un produit et non pas celui de la personne versée dans l’art du sens des mots. »

(Masterpiece, au para 83, non souligné dans l’original, caractère gras ajouté.)

[36] Dre Poplack n’est pas la seule à avoir commis cette erreur. Dans des affaires similaires portées à l’attention de la Cour par les demanderesses, les experts linguistiques ont eu du mal à trouver l’équilibre et ainsi présenter une analyse linguistique utile et des conclusions d’expert tout en respectant les principes qui sous‑tendent le droit des marques de commerce. L’une de ces affaires était Pierre Fabre Médicament c Smithkline Beecham Corp, 2004 CF 811, dont voici un extrait :

[29] Le degré de ressemblance doit s’analyser au niveau de l’apparence, du son et des idées. La production d’expertises en linguistique est admissible pour faire la preuve de ressemblance (Coca‑Cola Ltd. c. Brasseries Kronenbourg, une société anonyme (1994), 55 C.P.R. (3d) 544).

[30] Cependant, puisqu’il s’agit d’une question d’impression générale, la comparaison doit se faire globalement; il ne s’agit pas de décortiquer les marques. C’est donc avec prudence que la Cour doit tenir compte des expertises de linguistes puisque leur rôle est précisément de décortiquer les mots syllabe par syllabe, lettre par lettre.

(Non souligné dans l’original, caractère gras ajouté.)

[37] Cette même difficulté s’est manifestée dans l’affaire Mövenpick Holding AG c Exxon Mobil Corporation, 2011 CF 1397 [Mövenpick], autre exemple du défi que représente la distinction entre la preuve linguistique utile qui renseigne la Cour et la preuve d’expert qui ne reflète pas le point de vue du consommateur moyen :

[23] Les deux parties ont produit des affidavits préparés par des linguistes, lesquels ont été contre‑interrogés. Leur témoignage concerne à la fois les aspects relatifs à la description claire et à la confusion dans la présente affaire. À mon avis, ils n’ajoutent pas grand‑chose au débat et n’auraient pas convaincu la registraire de changer d’idée. En l’espèce, il s’agit d’évaluer le sens des mots « marché express » dans la langue française, tel que perçu à la première impression par un utilisateur ordinaire des services; les témoignages d’experts qui consistent principalement à fournir une analyse des règles de grammaire, de la sémantique et des construits linguistiques concernant l’interprétation de ces mots ne sont pas nécessaires ni particulièrement utiles.

(Mövenpick, au para 23, non souligné dans l’original, caractère gras ajouté.)

[38] Non seulement l’affidavit de Dre Poplack ne satisfait pas à la deuxième exigence du critère énoncé dans l’arrêt Mohan, mais il ne respecte pas non plus l’alinéa 52.2(1)b) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 : « indiquer ses titres de compétence et les domaines d’expertise sur lesquels il entend être reconnu comme expert ». Certes, l’affidavit contient clairement le témoignage d’une personne formée dans le domaine de la linguistique, mais il ne fournit aucune explication de ce qu’est précisément un « sociolinguiste », des domaines d’expertise sur lesquels un sociolinguiste entend être reconnu comme expert, des données qu’un sociolinguiste est qualifié pour recueillir ou analyser, des conclusions qu’un sociolinguiste peut tirer de ces analyses et de la manière dont elles sont tirées, ni de ce qui rend un sociolinguiste qualifié pour présenter ses conclusions sur l’analyse linguistique de marques de commerce comme reflétant les impressions probables du consommateur ordinaire des services offerts par les parties. Ces renseignements auraient été nécessaires pour convaincre la Cour que le témoignage de Dre Poplack correspondait bel et bien à une preuve d’expert, si ce témoignage était nécessaire en premier lieu.

[39] Par conséquent, l’affidavit de Dre Poplack est inadmissible en preuve parce qu’il ne satisfait pas à l’exigence fondamentale de la nécessité d’aider la Cour dans l’analyse relative à la confusion.

B. Le fardeau de la preuve incombe aux demanderesses

[40] Les demanderesses ont invoqué différents motifs d’invalidité, énoncés aux alinéas 18(1)a), b) et d) de la LMC, à l’appui de leur prétention selon laquelle chacun des enregistrements THERME est invalide en partie, uniquement en ce qui concerne les services contestés. En début d’analyse, il convient d’énoncer certains principes juridiques applicables au fardeau de la preuve.

[41] L’article 19 de la LMC crée une faible présomption de validité à l’égard des marques déposées, et toute incertitude doit être tranchée en faveur de la validité des enregistrements (Travel Leaders Group, LLC c 2042923 Ontario Inc., 2023 CF 319 [Travel Leaders] au para 129, citant Bedessee Imports Ltd c GlaxoSmithKline Consumer Healthcare (UK) IP Limited, 2019 CF 206 [Bedessee] au para 13). Le juge Binnie s’est ainsi exprimé au paragraphe 5 de l’arrêt Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23 [Veuve Clicquot] : « Selon l’art. 19 de la Loi, l’enregistrement des marques des intimées est présumé valide et leur donne le droit de les employer […] ». Je conviens avec la défenderesse que l’examen des allégations d’invalidité formulées par les demanderesses a pour point de départ la présomption selon laquelle les enregistrements THERME sont valides jusqu’à preuve du contraire (Travel Leaders, au para 60). Cependant, la présomption statutaire de validité est plutôt faible, et la présomption augmente peu le fardeau qui incombe déjà à la partie qui attaque la validité de l’enregistrement (Emall.ca Inc. c Cheaptickets and Travel Inc., 2008 CAF 50 aux para 11, 12; Glaxo Group Limited c Apotex Inc., 2010 CAF 313 au para 5).

[42] Comme la partie qui allègue l’invalidité des marques enregistrées, les demanderesses doivent produire une preuve convaincante démontrant, selon la prépondérance des probabilités, que les enregistrements THERME sont invalides (Travel Leaders, au para 61, citant Techno‑Pieux Inc. c Techno Piles Inc., 2022 CF 721 au para 172, citant Bedessee Imports Ltd c GlaxoSmithKline Consumer Healthcare (UK) IP Limited, 2020 CAF 94 au para 18). Je suis également d’accord avec la défenderesse que tout doute doit être tranché en faveur de leur validité et de leur maintien dans le registre des marques de commerce.

C. Les marques de commerce THERME donnent‑elles une description claire ou donnent‑elles une description fausse et trompeuse, en langue française, de la nature des services contestés en liaison avec lesquels elles sont employées, ou en liaison avec lesquels on projette de les employer, de sorte qu’elles n’étaient pas enregistrables à la date de leur enregistrement en septembre 2021, aux termes des alinéas 12(1)b) et 18(1)a) de la LMC?

[43] Voici le libellé de l’alinéa 12(1)b) de la LMC :

12 (1) Sous réserve du paragraphe (2), la marque de commerce est enregistrable sauf dans l’un ou l’autre des cas suivants :

[…]

b) qu’elle soit sous forme graphique, écrite ou sonore, elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, en langue française ou anglaise, de la nature ou de la qualité des produits ou services en liaison avec lesquels elle est employée, ou en liaison avec lesquels on projette de l’employer, ou des conditions de leur production, ou des personnes qui les produisent, ou de leur lieu d’origine;

(Non souligné dans l’original, caractère gras ajouté.)

[44] À l’alinéa 12(1)b), le mot « claire » dans l’expression « description claire » signifie « facile à comprendre, suffisante ou simple » (plutôt que « rigoureusement exacte »), et le caractère descriptif doit être examiné en fonction des produits et/ou services en liaison avec lesquels la marque de commerce est employée, ou en liaison avec lesquels on projette de l’employer. Le mot « nature » s’entend d’une caractéristique, d’une particularité ou d’un trait inhérent aux produits et/ou services (Drackett Co of Canada Ltd v American Home Products Corp, [1968] 2 Ex.C.R. 89 aux para 21, 22; Ottawa Athletic Club Inc. c Athletic Club Group Inc., 2014 CF 672 [Ottawa Athletic Club] aux para 28, 60).

[45] Comme mentionné dans l’ouvrage Fox on Trade‑marks, au § 5.25 intitulé « Section 12(1)b) Descriptive, Misdescriptive, and Geographical Words and Symbols – Statutory Provisions » [traduction Les mots et symboles constituant une description claire ou une description fausse, ou se rapportant à un lieu géographique selon l’alinéa 12(1)b) – Dispositions législatives], l’alinéa 12(1)b) de la LMC vise un double objectif :

[traduction]
Cet alinéa vise notamment à empêcher l’enregistrement de mots donnant une description claire, afin que personne ne puisse s’approprier de tels mots et ainsi désavantager indûment la concurrence légitime par rapport à des mots communs à tous. Si le mot monopolisé était les termes descriptifs des produits ou services, alors personne n’aurait le droit de décrire ces produits ou services par leur nom dans le dictionnaire.

Le refus d’enregistrement de marques donnant une description fausse et trompeuse a pour but d’éviter que le public ne soit induit en erreur. La notion de tromperie est donc essentielle. Une marque faussement descriptive est enregistrable, mais une marque qui donne une description fausse et trompeuse ne l’est pas. Pour être considérée comme donnant une description fausse et trompeuse, la marque doit d’abord être jugée comme descriptive.

(1) Les marques de commerce THERME donnent-elles une description claire?

a) La marque THERME

[46] Les demanderesses ont démontré, selon la prépondérance des probabilités, que la marque THERME donne une description claire, en langue française, de la nature des services contestés qui sont directement liés aux bains thermaux et en liaison avec lesquels la défenderesse projette de l’employer, et qu’elle n’était donc pas enregistrable à la date de son enregistrement en septembre 2021. J’expliquerai d’abord mon raisonnement, et je traiterai ensuite des arguments avancés par la défenderesse.

[47] Tout d’abord, il est irréfutable qu’il existe des définitions du mot français « THERMES » dans les dictionnaires de langue française. Les définitions françaises reproduites plus haut font référence à des « bains thermaux » et au « nom de certains établissements où l’ont fait une cure thermale ». S’il est vrai que ces dictionnaires de langue française donnent également une définition plus historique du mot « THERMES », je ne peux toutefois souscrire à l’argument de la défenderesse selon lequel ce mot « THERMES » est [traduction] « un terme obscur, archaïque, antique ou spécialisé de la langue française plutôt qu’un terme utilisé par le consommateur Canadien ordinaire dans le langage courant ». Je ne peux faire abstraction des définitions du mot « THERMES » au sens de « bains thermaux » et de « nom de certains établissements de cures ou de soins thermaux » qui figurent dans les dictionnaires de langue française cités plus haut, notamment le Larousse et Le Robert, qui sont des dictionnaires bien connus et couramment utilisés par les Canadiens francophones et Canadiens bilingues. La défenderesse n’a fourni aucun motif raisonnable de mettre en doute ces dictionnaires de la langue française qui répertorient le mot « THERMES » comme étant un mot français portant les sens courants mentionnés plus haut.

[48] Ensuite, si le mot « THERMES » en français est un nom invariable, masculin pluriel, et le mot « THERME » sans « s » final ne correspond à aucun mot de la langue française, je dois toutefois convenir avec les demanderesses que la forme sonore de « THERME » est exactement pareille à celle de « THERMES », étant donné que le « s » final est muet. Cette conclusion concorde avec ce qu’a énoncé la Cour d’appel fédérale de l’arrêt Shell Canada Limitée c PT Sari Incofood Corporation, 2008 CAF 279 [Shell], au paragraphe 31 reproduit ci‑dessous :

[31] À cet égard, l’alinéa 12(1)b) de la Loi prévoit qu’une marque de commerce n’est pas enregistrable si elle donne une description claire « sous forme […] écrite ou sonore ». J’estime, en accord avec Shell, que même si la marque de commerce en cause n’est pas constituée de deux mots distincts, « java » et « café », mais d’un seul mot inventé, JAVACAFE, cette distinction disparaît lorsqu’on prononce la marque de commerce en français. Aussi, pour l’examen du caractère descriptif suivant l’alinéa 12(1)b), la marque de commerce consiste‑t‑elle en deux mots, « JAVA » et « CAFE ». À nouveau, aucun sondage n’est nécessaire pour démontrer ce point, puisque la marque projetée n’est susceptible d’aucune autre prononciation dans la langue française.

(Shell, au para 31, non souligné dans l’original, caractère gras ajouté.)

[49] Dans le même ordre d’idées, je suis d’accord avec Nordik pour dire que même si la graphie de la marque THERME n’est pas identique à celle du mot « THERMES », cette distinction entre les différentes orthographes disparaît lorsqu’on les prononce en français, puisque le « s » final est muet. Ainsi, en langue française, la forme sonore de la marque THERME est exactement la même que celle du mot « THERMES »; elle donne donc une description claire sous forme sonore de la nature de certains des services contestés, soit ceux qui sont spécifiquement liés aux « bains thermaux » et au « nom de certains établissements de cures ou de soins thermaux ». Cette conclusion assure l’atteinte de l’objectif visé par l’alinéa 12(1)b) qui, comme je l’ai mentionné plus haut, est d’empêcher une personne ou un commerçant de s’approprier des mots de la langue française et d’ainsi désavantager indûment la concurrence légitime par rapport à des mots qui sont et doivent demeurer communs à tous.

[50] Consciente des termes « clairement descriptifs » de la disposition, j'ai reproduis ci‑dessous les services contestés qui sont spécifiquement liés aux « bains thermaux » et qui, lorsqu’ils sont employés ou en liaison avec lesquels on projette de les employer avec la marque THERME, donne une description claire et tombe ainsi sous le coup de l’alinéa 12(1)b) de la LMC:

Aménagement de centres de spa santé, de centres de santé et de bien‑être qui offrent des bains thermaux, bains de natation (classe 42)

Centres de spa santé incorporant des bains thermaux, des piscines, des bains turcs, des installations de piscine d’eau minérale et de spa, des services d’hydrothérapie; exploitation de bains thermaux (classe 44)

[51] Cette liste de services contestés est plus courte que celle qu’a dressée Nordik au paragraphe 28 de son mémoire des faits et du droit en vue de demander à la Cour de les faire radier. Dans la liste de Nordik figuraient notamment les « centres de spa santé incorporant […] des glissoires d’eau, des saunas, [les] services de soins de santé et de beauté offerts par des spas santé, des saunas, des salons de beauté, des sanatoriums, […] des salons de massage, [les] services de traitement médical offerts par un spa santé » et les « centres de spa santé, [les] centres de santé et de bien‑être qui offrent des services de spa santé pour la santé et le bien‑être du corps et de l’esprit ». Ces spécifications de services peuvent couvrir les centres de spa santé et les centres de bien‑être qui n’ont aucun rapport avec des bains thermaux. S’agissant de ces autres services contestés soulignés, les demanderesses ne se sont pas acquittées de leur fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la forme sonore de la marque THERME donne une description claire de leur nature.

[52] J’examinerai deux des arguments de la défenderesse. Je reproduis ci‑dessous le premier argument, formulé au paragraphe 27 de son mémoire des faits et du droit :

[traduction]
27. Au paragraphe 27 de leur mémoire, les demanderesses allèguent que la prononciation française du mot « therme » est identique à celle de « thermes ». Pourtant, au paragraphe 50 de leur mémoire des faits et du droit, où il est question de la ressemblance entre les marques de commerce des parties dans le contexte de l’analyse relative à la confusion, elles affirment que « selon la preuve factuelle non contredite, la marque THERME se prononce “THER-MA” ». De toute évidence, une telle prononciation (THERMA-MA) ne sonne pas comme le mot français « thermes ». Il va de soi que les demanderesses ne peuvent pas jouer sur les deux tableaux : elles ne peuvent prétendre que « THERME » se prononce d’une telle façon pour les besoins de leur allégation au titre de l’alinéa 12(1)b) et d’une autre pour ceux de l’analyse relative à la confusion. Si les demanderesses soutiennent que « THERME » se prononce « THERM-MA », alors leur argument, selon lequel THERME est l’équivalent phonétique de « thermes » et qu’il donne donc une description claire, est voué à l’échec.

[53] Je ne suis pas d’accord. Les demanderesses ont le droit de faire valoir, d’une part, au titre de l’alinéa 12(1)d) de la LMC, que les marques de commerce créeront de la confusion chez le consommateur Canadien moyen anglophone et, d’autre part, au titre de l’alinéa 12(1)b) de la LMC, qu’elles donnent une description claire du point de vue du consommateur Canadien moyen francophone. Les demanderesses s’appuient sur la prononciation de la marque THERME que l’on entend dans les publicités en langue anglaise de la défenderesse, à savoir « THER-MA », ce qui diffère de la façon dont un Canadien francophone la prononcerait. Dans le contexte de l’alinéa 12(1)b), la Cour doit se pencher sur la prononciation de la marque THERME en langue française par le consommateur Canadien ordinaire francophone. En effet, comme le « h » est muet en français et que le « s » dans « THERMES » l’est aussi, et en l’absence de preuve contraire à cet égard, je juge que, selon la prépondérance des probabilités, le consommateur Canadien ordinaire francophone prononcerait le mot THERME (inventé ou non) exactement de la même manière qu’il prononcerait le mot « THERMES », dont la prononciation est « TE-RME ».

[54] S’agissant du deuxième argument de la défenderesse, elle a fait valoir que même si « THERME » était considéré comme l’équivalent phonétique du mot « thermes » qui figure dans des dictionnaires accessibles au Canada, ce mot demeurait un terme obscur et archaïque de la langue française qui était peu susceptible d’être reconnu par le Canadien moyen francophone et qui n’était pas couramment utilisé par le consommateur Canadien ordinaire pour décrire l’un ou l’autre des services contestés, comme l’a confirmé Dre Poplack dans son affidavit. La défenderesse a soutenu que c’était le sens du mot dans la langue courante qui était déterminant (et non le fait que le mot figure dans les dictionnaires). La défenderesse a ajouté que les Canadiens francophones utilisaient plutôt divers termes descriptifs, dont « spa » – qui est le plus courant –, « bains thérapeutiques », « établissement de cure » et « centre de bien‑être [ou de conditionnement physique] ».

[55] Le deuxième argument de TD est erroné. En réalité, le fait qu’un mot (et, par conséquent, son équivalent apparent) figure dans des dictionnaires français, comme le montre le dossier en l’espèce, revêt une grande importance (voir, par exemple, Home Juice Company et al. c Orange Maison Limitée, [1970] RCS 942 [Home Juice Company] aux pp 944, 945). Appelée à examiner des arguments similaires, la Cour suprême du Canada s’est ainsi exprimée :

Devant nous comme en Cour de l’Échiquier, les appelantes, à l’appui de leur prétention sur la signification d’ORANGE MAISON, ont invoqué tout spécialement deux dictionnaires publiés en France en 1959 : Le Petit Larousse et le Robert. Dans l’un comme dans l’autre on donne comme sens du mot « maison » employé adjectivement celui de « qui a été fait à la maison » et aussi « de bonne qualité ».

L’intimée rétorque que l’on ne trouve pas cette signification dans les dictionnaires publiés au Canada savoir, celui de Bélisle et le Larousse Canadien Complet publiés tous deux en 1954. À mon avis, ce dernier argument est mal fondé. La preuve positive fournie par les lexicographes qui relèvent un certain sens n’est aucunement détruite par le fait que d’autres ne le rapportent pas. Un ouvrage de ce genre n’est jamais absolument complet et la preuve négative est toujours en elle‑même moins forte que la preuve positive.

L’intimée a soutenu qu’il ne fallait pas tenir compte du sens courant en France mais uniquement de celui qui est courant au Canada et qu’en l’absence de toute preuve, par dictionnaires ou autrement, que le sens dont il s’agit était courant au Canada à la date de l’enregistrement, il fallait ne tenir aucun compte d’une signification nouvelle ayant cours en France seulement. Cette prétention aurait des conséquences graves si elle était accueillie. Il en découlerait qu’un commerçant astucieux pourrait monopoliser une expression française nouvelle en l’enregistrant comme marque de commerce dès qu’elle commence à avoir cours en France ou dans un autre pays francophone et avant qu’on puisse démontrer qu’elle a commencé à avoir cours au Canada.

À mon avis, le texte de l’article 12 ne permet pas une telle distinction. Il parle d’une description « en langue anglaise ou française ». Chacune de ces deux langues est internationale. Quand on en parle en langage courant on les considère dans leur totalité et non pas sous l’aspect particulier du seul vocabulaire ayant cours au pays, vocabulaire qui est d’ailleurs extrêmement difficile à définir surtout à une époque où les moyens de communication ne connaissent plus de frontières.

(Home Juice Company, aux pp 944, 945, non souligné dans l’original, caractère gras ajouté.)

[56] De même, en l’espèce, le libellé de l’article 12 ne permet pas une distinction entre le mot qui donne une description d’un produit ou service selon sa définition actuelle dans les dictionnaires et le langage courant, et celui qui donne une description d’un produit ou service selon l’ensemble de ses définitions. En fait, l’article 12 de la LMC interdit l’enregistrement de toute marque de commerce qui « donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, en langue française ou anglaise, de la nature ou de la qualité des produits ou services en liaison avec lesquels elle est employée, ou en liaison avec lesquels on projette de l’employer ». D’après le libellé de la LMC et comme l’a souligné la Cour suprême dans l’arrêt Home Juice Company cité plus haut, la question de savoir si le mot « thermes » est courant ou connu d’un petit ou grand nombre de Canadiens francophones est moins pertinente une fois qu’il a été établi, comme l’ont fait les demanderesses, que le mot fait partie de la langue française. Le fait que divers termes descriptifs existent et sont utilisés par les Canadiens francophones, notamment « spa », « bains thérapeutiques », « établissement de cure » et « centre de bien‑être [ou de conditionnement physique] », ne change rien au fait que le mot « THERMES », tel qu’il est écrit, et la marque THERME, tel qu’elle est prononcée en français, signifient et sont clairement descriptifs des bains thermaux ou un établissement de cures ou de soins thermaux.

[57] Par ses observations, TD demande à la Cour de procéder à une analyse minutieuse et critique du mot THERME et de le comparer à l’étymologie du mot français « THERMES ». À cet égard, les propos suivants, tenus par le juge Martineau dans la décision Ron Matusalem & Matusa of Florida Inc. c Havana Club Holding Inc.., SA, 2010 CF 786 [Havana Club], sont utiles :

[16] Lorsqu’il s’agit d’établir si la marque donne une description fausse ou non, le décideur n’a pas à procéder à une analyse minutieuse et critique des mots employés pour déterminer s’ils ont dans l’abstrait des sens divers. Le décideur doit plutôt recourir au sens commun pour discerner l’impression immédiate globale dégagée par l’emploi de la marque en liaison avec les marchandises. En bref, le sens des mots employés comme marque de commerce n’est pas nécessairement leur sens étymologique.

(Havana Club, au para 16.)

[58] Contrairement à ce que prétend TD, il serait contraire au sens commun de ne pas tenir compte de la perception qu’aura le consommateur Canadien moyen francophone en entendant la forme sonore de THERME en liaison avec les services proposés. En tant que Canadienne d’expression française et anglaise qui a vécu la majeure partie de sa vie dans la province de Québec et qui savait que le mot français « THERMES » signifie « bains thermaux » ou « établissement de bains thermaux », je juge qu’il serait contraire au sens commun de mettre de côté les définitions existantes dans les dictionnaires qui confirment ma compréhension du mot « THERMES » en langue française, et ce, en raison de l’opinion d’une experte, aussi éminente puisse‑t‑elle être. Il ne serait pas non plus logique que je fasse abstraction de la preuve de l’état du registre produite par TD qui révèlent trois enregistrements de marques de commerce comprenant le mot français « THERMES » en liaison avec des services liés aux bains thermaux et aux spas, à savoir :

(1) THERMES MARINS SAINT MALO & DESSIN, LMC731511, enregistrée en liaison avec, entre autres, spas, centres de thalassothérapie, centres de remise en forme, centres de bien‑être offrant des soins esthétiques, des services de massage, d’aromathérapie, de bains de vapeur;

(2) THERMES MARINS DE MONACO, LMC700469, enregistrée en liaison avec, entre autres, activités sportives et culturelles, nommément : organisation de conférences, services de restauration (alimentation); et

(3) THERMES MARINS MONTE‑CARLO, LMC631932, enregistrée en liaison avec, entre autres, soins d’hygiène et de beauté; massages, hydrothérapie, traitement par les algues, cure de remise en forme et de revitalisation du corps par thalassothérapie et balnéothérapie, organisation de cures de thalassothérapie, de balnéothérapie, d’hydrothérapie et de physiothérapie; conseils et expertises en thalassothérapie, hydrothérapie marine, y compris balnéothérapie.

[59] Il est intéressant de noter que dans le cas du dernier enregistrement, le propriétaire inscrit s’est désisté du droit à l’usage exclusif des mots THERMES MARINS en liaison avec « club de santé (mise en forme physique, culture physique). Soins d’hygiène et de beauté; massages, thérapie thermal, traitement par les algues, cure de remise en forme et de revitalisation du corps par thalassothérapie et balnéothérapie, organisation de cures de thalassothérapie, de balnéothérapie, d’hydrothérapie et de physiothérapie; conseils et expertises en thalassothérapie, hydrothérapie marine, y compris balnéothérapie » en dehors de la marque de commerce. Ces désistements ont été utilisés dans le passé par les requérants pour éviter qu’un examinateur s’oppose à l’enregistrement de leur marque de commerce ou pour surmonter une objection d’un examinateur au motif qu’un mot de leur marque de commerce déposée était clairement descriptive, qu’il donne une description fausse et trompeuse ou qu’il est communément employé dans le secteur d’activité en question.

[60] À ce titre, je suis d’avis que la forme sonore de la marque THERME donne une description claire, en langue française, de la nature des services contestés directement liés aux bains thermaux (énumérés au paragraphe 50 des présentes) et qu’elle n’était donc pas enregistrable à la date de son enregistrement en septembre 2021.

b) La marque THERME GROUP

[61] Je me penche à présent sur les autres marques THERME en cause. Dans mon analyse au titre de l’alinéa 12(1)b) de la LMC, je dois garder à l’esprit que la marque de commerce en cause ne doit pas être décomposée en ses éléments constitutifs ni analysée minutieusement; elle doit être considérée dans son ensemble selon l’impression immédiate (Wool Bureau of Canada Ltd. c Registrar of Trade Marks (1978), 40 CPR (2d) 25 (CF 1re inst) at 27-28; Promotions Atlantiques Inc. c Registraire des marques de commerce, (1984), 2 CPR (3d) 183 (CF 1re inst) [Promotions Atlantiques] 186).

[62] Certes, la Cour a retenu l’argument des demanderesses selon lequel la forme sonore de la marque THERME correspond à un mot de la langue française, mais lorsque THERME se combine à GROUP et que la marque THERME GROUP est considérée dans son ensemble, elle ne donne aucune description claire et non ambiguë des services liés aux bains thermaux. Je suis d’accord avec la défenderesse que la marque THERME GROUP doit être considérée dans son ensemble et que le consommateur Canadien francophone ordinaire n’attribuerait pas clairement la signification de l’expression complète THERME GROUP aux bains thermaux. Compte tenu du test juridique applicable et de l’ajout du mot GROUP, les demanderesses ne se sont pas acquittées de leur fardeau de démontrer que la forme sonore de la marque THERME GROUP donne une description claire, en langue française, de la nature de l’un ou l’autre des services contestés en liaison avec lesquels elle est employée, ou en liaison avec lesquels la défenderesse projette de les employer, et qu’elle n’était donc pas enregistrable à la date de son enregistrement en septembre 2021.

c) Les marques composées THERME

[63] Comme j’ai réglé la question de savoir si les marques nominales donnent une description claire, je me pencherai, dans cette partie, sur les marques composées, qui comportent à la fois un mot et un dessin. La forme sonore d’une marque composée peut donner une description claire et ainsi ne pas être enregistrable aux termes de l’alinéa 12(1)b) de la LMC si l’élément nominal constitue la caractéristique dominante de la marque composée (Best Canadian Motor Inns Ltd c Best Western International Inc., 2004 CF 135 [Best Canadian Motor Inns] au para 36; Ottawa Athletic Club, au para 29; Fox on Trade‑marks, au § 5.34). Je tiens d’abord à souligner, comme d’autres l’ont fait avant moi, la difficulté inhérente que pose la notion de la forme sonore, visée à l’alinéa 12(1)b), dans le cas d’une marque composée.

[64] Les dessins des marques THERME TÊTE DE FEMME et THERME FEMME comprennent respectivement la représentation du visage d’une femme dans une forme triangulaire et celle d’une femme dans un coquillage. Ces marques composées doivent être considérées dans leur ensemble. Partant, la question est de savoir si l’élément nominal (en l’espèce, THERME) constitue l’élément dominant ou l’élément le plus marquant de la forme sonore de la marque de commerce. Dans la décision Best Canadian Motor Inns, la Cour a conclu que les mots « Best Canadian Motor Inns » constituaient la caractéristique dominante de la marque reproduite ci‑dessous et que, comme ces mots donnaient une description claire de la nature ou de la qualité des services de la demanderesse, la marque dans son ensemble, sous sa forme sonore, n’était pas enregistrable selon l’alinéa 12(1)b) de la LMC :

Best Canadian Motor Inns Trademark

[65] J’ai déjà expliqué ce point au paragraphe 185 de la décision Promotion In Motion, Inc. c Hershey Chocolate & Confectionery LLC, 2024 CF 556 :

[…] Effectivement, il est de jurisprudence constante que, lorsque les mots constituent l’élément dominant d’une marque figurative, les mots eux‑mêmes sont considérés comme étant la caractéristique la plus importante de la marque, en tenant compte de la façon dont les mots seraient prononcés par les consommateurs (Worldwide Diamond Trademarks Limited c Association canadienne des bijoutiers, 2010 CAF 326 au para 2; Best Canadian Motor Inns Ltd c Best Western International Inc (CF), 2004 CF 135 au para 36).

(Non souligné dans l’original, caractère gras ajouté.)

[66] La défenderesse a fait valoir les arguments suivants au sujet des marques composées THERME :

[traduction]
48. Concernant les enregistrements des marques composées THERME, les dessins de ces marques de commerce comprennent la représentation d’une femme, que certains pourraient considérer comme étant la déesse Vénus, de la mythologie romaine. Lorsqu’il est question d’une marque de commerce comportant à la fois un mot et un dessin, la marque composée, dans son ensemble, peut être enregistrable même si les éléments nominaux (pris isolément) peuvent être jugés non enregistrables aux termes de l’alinéa 12(1)b) de la LMC. La question est de savoir si les éléments nominaux constituent l’élément dominant de la marque de commerce. La Cour doit examiner l’effet visuel créé par les éléments nominaux et figuratifs. Si les éléments figuratifs stimulent l’intérêt visuel de telle sorte que l’on peut dire que le dessin constitue la caractéristique dominante de la marque de commerce ou qu’il est au moins aussi important que les éléments nominaux, la marque sera enregistrable (Best Canadian Motor Inns Ltd c Best Western International Inc, 2004 CF 135, cahier de la jurisprudence et de la doctrine de la défenderesse, onglet 16; Fox on Canadian Law of Trade‑marks, au § 5.34, cahier de la jurisprudence et de la doctrine de la défenderesse, onglet 5; voir également Manuel d’examen des marques de commerce, section 4.4.10, cahier de la jurisprudence et de la doctrine de la défenderesse, onglet 17).

49. La Cour doit évaluer si, à partir de sa première impression, le consommateur ordinaire considérera les éléments nominaux comme étant la caractéristique la plus marquante ou proéminente de la marque de commerce prise dans son ensemble. Pour ce faire, elle doit examiner la marque de commerce dans son ensemble et comparer l’effet visuel des éléments nominatifs à celui des éléments figuratifs. Les facteurs pertinents sont notamment la taille relative, le positionnement et le style des éléments nominaux par rapport à la taille relative, au positionnement et au caractère distinctif inhérent des éléments figuratifs. Autrement dit, les éléments figuratifs de la marque ont‑ils un caractère distinctif qui porterait la Cour à croire que les consommateurs distingueront la marque par ses éléments figuratifs plutôt qu’uniquement par ses éléments nominaux? (Voir, par exemple, 130872 Ontario Inc o/a Factory Direct Medical, HPU Rehab and HPU Medical Wholesale et Canadian Home Medical Group Inc, 2023 COMC 121 au para 22, cahier de la jurisprudence et de la doctrine de la défenderesse, onglet 18.)

50. Si les éléments figuratifs ne sont aucunement distinctifs (par exemple, de simples lettres ornées ou stylisées, des dessins élémentaires, de simples formes géométriques ou de simples bordures autour des éléments nominaux), ils ne susciteront pas un intérêt sur le plan visuel de nature à éliminer la prédominance visuelle des mots (voir, par exemple, Ottawa Athletic Club Inc c Athletic Club Group Inc, 2014 CF 672 au para 186, cahier de la jurisprudence et de la doctrine de la défenderesse, onglet 19). En pareil cas, si les éléments nominaux pris isolément ne sont pas enregistrables, la marque composée dans son ensemble ne le sera pas non plus. Cependant, si les éléments figuratifs stimulent l’intérêt visuel de telle sorte qu’ils constituent la caractéristique dominante de la marque de commerce ou qu’ils sont au moins aussi proéminent que les éléments nominaux, la marque sera enregistrable.

[67] La défenderesse a articulé ses arguments autour de l’effet et de l’intérêt visuels des éléments figuratifs et de l’interprétation de décisions rendues par notre Cour que donne le Bureau des marques de commerce à la section 4.4.10, « Critère “sous sa forme sonore” appliqué aux marques composées », du Manuel d’examen des marques de commerce, pour faire valoir que les éléments nominaux ne constituent pas l’élément ou la caractéristique dominante des marques composées en cause. Une grande partie de ces arguments sont axés sur les éléments visuels de la marque THERME TÊTE DE FEMME ou de la marque THERME FEMME, ce qui aurait été convaincant si les demanderesses avaient soutenu que la forme graphique ou écrite des marques de commerce THERME donnait une description claire. Ce n’est toutefois pas l’argument des demanderesses, qui se concentrent uniquement sur le fait que la forme sonore des marques de commerce THERME donne une description claire, et qui s’appuient sur le libellé de la forme sonore à l’alinéa 12(1)b) de la LMC.

[68] Si les observations écrites de la défenderesse ne vont pas exactement dans cette direction, je comprends néanmoins, dans le contexte de mon analyse de la forme sonore au titre de l’alinéa 12(1)b) de la LMC, que, selon elle, étant donné que les éléments figuratifs constituent les caractéristiques dominantes de ses marques composées, le consommateur qui les verrait dans leur ensemble serait tellement frappé par les éléments figuratifs qu’il ne les évoquerait pas sur le plan sonore en se fondant uniquement sur l’élément nominal, de telle sorte qu’elles ne peuvent donner une description claire. À l’instar des marques en cause dans les affaires Best Canadian Motor Inns et Ottawa Athletic Club, je vois difficilement comment les marques THERME TÊTE DE FEMME et THERME FEMME pourraient être prononcées autrement qu’en se fondant sur l’élément nominal, soit « THERME », que je juge prédominant. Je tire cette conclusion en raison de son proéminence et son positionnement centrale dans les marques composées, ainsi que son accessibilité au son plus facile par rapport aux éléments figuratifs. Je souscris à l’argument des demanderesses selon lequel le Canadien francophone ordinaire qui rencontre ces marques n’exprimera pas en mots (ne vocalisera pas) les éléments figuratifs lorsqu’ils les rencontrent en liaison avec les services contestés. Il semble déraisonnable de croire qu’à la vue des marques dans leur ensemble, un tel consommateur vocalisera ou décrira les éléments figuratifs (p. ex., « femme sur une coquille THERME » ou « THERME tête de femme dans un triangle »). Il prononcera plutôt le mot « THERME », qui est écrit en caractères clairs, mis bien en évidence et facile à prononcer. Certes, les éléments figuratifs contribuent à l’effet visuel des marques composées, mais je juge qu’ils n’ont que peu ou pas d’influence sur la façon dont le Canadien francophone ordinaire prononcera ces marques composées en liaison avec les services contestés. L’employé qui répond au téléphone pour prendre une réservation ou qui accueille des clients prononcera les deux marques composées par le mot « THERME ». Lorsque des amis se donnent rendez‑vous et conviennent de se rencontrer à l’établissement de la défenderesse, ils prononceront les marques composées comme « THERME ». Par conséquent, la forme sonore des marques composées est essentiellement identique à celle de la marque nominale THERME.

[69] La Commission a examiné une question similaire dans la décision Canadian Tire Corporation, Limited c Exxon Mobil Corporation, 2009 CanLII 90878 (CA COMC) [Canadian Tire]. Dans cette décision, la Commission a jugé que la portion nominale TOUCHLESS CAR WASH de la marque composée visée par la demande d’enregistrement, reproduite ci‑dessous, constituait la caractéristique dominante de la marque, et ce, malgré le dessin de tigre d’Exxon Mobil qui est attrayant sur le plan visuel. La Commission a conclu que la portion nominale serait employée pour évoquer la marque composée sur le plan sonore et « qu’au plan de l’impression immédiate, le consommateur moyen comprendrait aisément » que le concept de base du service offert était clairement décrit par l’élément nominal de la marque composée (reproduite ci‑dessous) enregistrée en liaison avec ce service (Canadian Tire, au para 10, cité dans Ottawa Athletic Club, au para 29). Cette conclusion est particulièrement intéressante étant donné que l’élément figuratif du tigre d’Exxon Mobil qui entre dans la composition de la marque composée visée par la demande d’enregistrement était déjà employé par Exxon Mobil et connu comme indicateur de source :

[70] Je suis d’avis que, sur une impression immédiate de l’une ou l’autre des marques composées en cause vues dans leur ensemble, le consommateur Canadien francophone ordinaire les évoquera sur le plan sonore comme le mot français « THERMES » et comprendra facilement que le service offert par la défenderesse (entre autres, des bains thermaux) est clairement décrit par la forme sonore des marques THERME TÊTE DE FEMME et THERME FEMME, dérivée de leur élément dominant « THERME ». Dans cette optique, malgré leurs éléments figuratifs attrayants sur le plan visuel, je juge que la forme sonore des marques THERME TÊTE DE FEMME et THERME FEMME donnent une description tout aussi claire de la nature des services énumérés plus haut en lien avec la marque THERME, et qu’elles n’étaient donc pas enregistrables à la date de leur enregistrement en septembre 2021, aux termes de l’alinéa 12(1)b) de la LMC.

(2) Les marques de commerce THERME donnent-elles une description fausse et trompeuse?

[71] Pour être considérée comme donnant une description fausse et trompeuse au sens de l’alinéa 12(1)b) de la LMC, une marque de commerce doit d’abord être jugée comme étant descriptive (Fox on Trade‑marks, au § 5.25). Compte tenu de mes conclusions sur les marques THERME GROUP, THERME TÊTE DE FEMME et THERME FEMME dans la section précédente, la seule marque de commerce qui sera analysée dans cette section est l’enregistrement THERME.

[72] Je reprends l’exposé de l’état du droit présenté par la défenderesse aux paragraphes 41 et 42 de son mémoire des faits et du droit. Le critère applicable pour décider si une marque de commerce donne une description fausse et trompeuse consiste à déterminer si le public canadien en général sera induit en erreur et croira que les produits ou services associés à la marque de commerce sont d’une certaine nature ou possèdent une qualité particulière alors que ce n’est pas le cas (Promotions Atlantiques, au para 18). Le refus d’enregistrement de marques donnant une description fausse et trompeuse a pour but d’éviter que le public ne soit induit en erreur. Même si une marque donne une description fausse, si le consommateur ordinaire n’est pas susceptible d’être trompé sur les qualités ou caractéristiques réelles des produits ou services, la marque ne peut être jugée comme donnant une description fausse et trompeuse au titre de l’alinéa 12(1)b) (Fox on Trade-marks, au para § 5.25).

[73] Encore une fois, le test est contextuel et nécessite un examen de la probabilité d’induire en erreur (la tromperie) dans le contexte des produits ou services en question. Il ressort clairement de la jurisprudence que le décideur doit recourir au bon sens dans son analyse au titre de l’alinéa 12(1)b) de la LMC (Havana Club, aux para 15, 16; Neptune SA c Canada (Procureur Général), 2003 CFPI 715 at para 11). Par ailleurs, le décideur ne doit pas procéder en partant du principe que les clients éventuels ou les membres du public en général sont complètement dénués d’intelligence ou de mémoire, ou qu’ils sont totalement inconscients ou mal informés au sujet de ce qui se passe autour d’eux (Kruger Products LP c Cascades Canada ULC, 2015 COMC 124, citant Michelin & Cie c Astro Tire & Rubber Co of Canada Ltd., [1982] 69 CPR (2d) 260 (CF 1re inst) au para 100).

[74] Selon les demanderesses, la marque THERME donne une description fausse et trompeuse, en langue française, de la nature ou de la qualité du reste des services contestés, soit ceux pour lesquels elles n’ont pas soutenu que la marque donnait une description claire, à savoir : « gestion hôtelière, hôtels, services de restaurant, services de comptoir de plats à emporter et services de casse‑croûte, nommément services de bar et de café; services d’hôtel; exploitation d’hôtels; centres de spa santé incorporant des salons de coiffure, des services d’hydrothérapie, de luminothérapie ainsi que services cosmétiques de bronzage, et services d’évaluation du rendement dans le domaine de la bonne condition physique. » À titre d’exemple, les demanderesses ont fait valoir que le consommateur moyen qui se présente à un restaurant ou à un hôtel THERME croira sans doute, à tort, qu’il se trouve dans un établissement où il peut recevoir des soins thermaux et qu’il aura donc été induit en erreur. À cet égard, elles ont cité la décision Promotions Atlantiques, citée dans Verger du Minot Inc c Clos Saint‑Denis Inc, 2014 CF 997 [Verger du Minot] :

Selon moi, le critère que l’on doit appliquer pour déterminer si une marque de commerce dans son entier constitue une description fausse et trompeuse consiste à savoir si le public canadien serait induit en erreur sur l’origine du produit associée à la marque de commerce et croirait que ce produit provient de l’endroit désigné par le nom géographique utilisé.

(Verger du Minot, au para 63, citant Promotions Atlantiques.)

[75] Je ne peux pas être d’accord avec les demanderesses sur l’exemple du restaurant ou de l’hôtel donné par les demanderesses, car elles ne m’ont pas convaincue que le consommateur moyen francophone s’attendra à ce qu’un restaurant ou un hôtel portant le nom THERME offre des soins thermaux, étant donné la dissimilitude des services en question. Sur ce point, je suis d’accord avec la défenderesse pour dire que, selon le bon sens, il est difficile de conclure que le consommateur canadien moyen francophone qui voit la marque THERME employée en liaison avec un restaurant ou un hôtel sera induit en erreur et croira que cet établissement offre ou devrait offrir des services de « bains thermaux ».

[76] Cela étant dit, le consommateur moyen francophone qui connaît la signification de la forme sonore de la marque THERME et se présente dans un spa santé ou un centre de santé et de bien‑être THERME croira sans doute, à tort, qu’il se trouve dans un établissement qui offre des soins thermaux, dont des bains thermaux, et il aura été induit en erreur si l’établissement n’offre pas ces services. Le lien étroit entre la signification de la forme sonore de la marque THERME – station thermale ou établissement offrant des soins thermaux – et les services de centre de santé et de bien‑être ou de spa santé visés par la demande d’enregistrement de la marque THERME fait en sorte qu’il est probable que le consommateur moyen soit induit en erreur. En l’espèce, il est raisonnable de conclure que la marque THERME décrit quelque chose qui ne correspond pas aux services offerts (Verger du Minot, au para 74). Dans la décision Verger du Minot, cette Cour a confirmé la décision par laquelle la Commission avait conclu que la marque de commerce CRÉMANT DE GLACE, employée en liaison avec du cidre de glace, donnait une description fausse et trompeuse, étant donné que, selon les dictionnaires, le mot « crémant » renvoie à un type de vin (par définition, produit à partir de raisins) et non à une boisson alcoolisée issue de pommes :

[74] À la lumière des définitions introduites en preuve, j’estime donc qu’il était raisonnable que la Commission retienne le sens courant des mots composant la Marque, soit un vin effervescent à mousse légère fait à partir de fruits gelés. Le mot « crémant » et l’expression « de glace » ont chacun un sens courant, et l’expression « crémant de glace », envisagée dans sa globalité, a elle aussi un sens commun. Il ressort clairement de la décision que la Commission n’a pas disséqué la Marque et qu’elle a examiné le mot « crémant » lorsque suivi de l’expression « de glace » dans le contexte des marchandises, soit des cidres de glace. La Commission a donc tiré une conclusion qui est raisonnable et qui s’appuie sur la preuve lorsqu’elle a exprimé « que le consommateur moyen risque davantage de croire que le mot “crémant”, lorsque suivi de l’expression consacrée “de glace”, s’entend dans son sens courant, que de ne pas avoir cette impression ». Ainsi, il était raisonnable de conclure que la Marque décrit quelque chose qu’elle n’est pas.

(Non souligné dans l’original, caractère gras ajouté.)

[77] Partant, je suis d’accord avec les demanderesses que la marque THERME donne une description fausse et trompeuse, en langue française, de la nature des services contestés supplémentaires suivants visés par l’enregistrement THERME :

« centres de spa santé, centres de santé et de bien‑être qui offrent des services de spa santé pour la santé et le bien‑être du corps et de l’esprit, espaces récréatifs, en l’occurrence de spas » (classe 37);

« Aménagement de centres de spa santé, de centres de santé et de bien‑être qui offrent des services de spa santé pour la santé et le bien‑être du corps et de l’esprit, espaces récréatifs, en l’occurrence de spas » (classe 42);

« Centres de spa santé incorporant des saunas, services de soins de santé et de beauté offerts par des spas santé, des saunas, des salons de beauté, des salons de coiffure et des salons de massage, services de traitement médical offerts par un spa santé, services de massage, d’hydrothérapie; exploitation de centres de santé et de bien‑être qui offrent des services de spa santé pour la santé et le bien‑être du corps et de l’esprit; exploitation de centres de spa santé, et d’espaces récréatifs, en l’occurrence de spas » (classe 44).

D. Les marques de commerce THERME sont‑elles constituées du nom, en langue française, de l’un ou l’autre des services contestés, de sorte qu’elles n’étaient pas enregistrables à la date de leur enregistrement en septembre 2021, aux termes des alinéas 12(1)c) et 18(1)a) de la LMC?

[78] L’alinéa 12(1)c) de la LMC est ainsi libellé :

12 (1) Sous réserve du paragraphe (2), la marque de commerce est enregistrable sauf dans l’un ou l’autre des cas suivants :

[…]

c) elle est constituée du nom, dans une langue, de l’un des produits ou de l’un des services à l’égard desquels elle est employée, ou à l’égard desquels on projette de l’employer;

[79] Pour contrevenir à l’alinéa 12(1)c) de la LMC, les marques de commerce THERME, considérée dans leur ensemble, doivent clairement être le nom des services en cause selon l’impression immédiate et première du consommateur ordinaire de ces services (ITV Technologies Inc c WIC Television Ltd., 2003 CF 1056 [ITV Technologies] au para 81; Unitel Communications Inc c Bell Canada (1995), 61 CPR (3d) 12 (CF 1re inst) au para 137). Pour savoir si une marque est constituée du nom de l’un des services à l’égard desquels elle est employée, ou à l’égard desquels on projette de l’employer, la Cour peut se reporter à des dictionnaires ou à d’autres ouvrages de référence pour connaître les significations possibles de la marque (ITV Technologies, au para 84; Brûlerie des Monts Inc c 3002462 Canada Inc. (1997), 75 CPR (3d) 445 (CF 1re inst). Les demanderesses n’ont présenté aucune preuve tirée d’un dictionnaire ou autre ouvrage de référence dans quelque langue que ce soit, y compris la langue française, montrant que la marque THERME est un mot connu.

[80] Une marque de commerce qui est une erreur d’orthographe ou une variante d’un mot correspondant au nom de l’un des produits ou services ne contrevient pas à l’alinéa 12(1)c) de la LMC (voir, par exemple, Horn Abbot Ltd. c Thurston Hayes Developments Ltd. 1997 CanLII 5459 (FC), (1997) 77 CPR (3d) 10 (CF 1re inst) 11). Les demanderesses ont fait valoir que THERME pouvait être perçue ou comprise comme étant le singulier du mot français « thermes ». Il n'y a pas d'autre preuve de cela que le point de vue de l'avocat des demanderesses. Je conviens avec la défenderesse que le paragraphe 87 de la décision 8073902 Canada Inc c Vardy, 2019 CF 743 met en lumière la différence entre les tests applicables aux alinéas 12(1)c) et 12(1)b) :

[87] Notre Cour a souligné dans la décision ITV Technologies Inc c WIC Television Ltd, 2003 CF 1056, au paragraphe 81, [2003] ACF no 1335 (QL), conf. par 2005 CAF 96 (ITV Technologies), que le critère applicable à l’alinéa 12(1)c) est plus étroit que celui qui concerne l’usage de termes descriptifs, visé à l’alinéa 12(1)b). La Cour a conclu que, pour être visée par l’alinéa 12(1)c), « [l]a marque, considérée dans son ensemble, doit être manifestement le nom des marchandises ou services du déposant selon l’impression immédiate ou première du consommateur ordinaire de ces marchandises ou services » (ITV Technologies, au paragraphe 81).

[81] En l’absence de preuve montrant que, selon sa première impression, le consommateur ordinaire considérera que THERME (écrit sans « s ») est le nom de l’un des services contestés, l’enregistrement THERME ne contrevient pas l’alinéa 12(1)c) de la LMC.

[82] La même conclusion doit être tirée relativement aux marques THERME GROUP, THERME TÊTE DE FEMME et THERME FEMME, étant donné que chacune de ces marques, « considérée dans son ensemble, doit être manifestement le nom des marchandises ou services du déposant selon l’impression immédiate ou première du consommateur ordinaire de ces marchandises ou services » et qu’elles ne le sont pas.

E. Les marques de commerce THERME créent‑elles de la confusion avec les marques de commerce THERMËA de Nordik visées par les enregistrements THERMËA, de sorte qu’elles n’étaient pas enregistrables à la date de leur enregistrement en septembre 2021, aux termes des alinéas 12(1)d) et 18(1)a) de la LMC?

[83] J’évaluerai la probabilité de confusion entre les marques de commerce THERME, visées par les enregistrements THERME, et la marque enregistrée THERMËA, puisque le moyen le plus solide invoqué par Nordik est celui du degré de ressemblance entre l’enregistrement THERMËA et les enregistrements THERME. De plus, j’examinerai la probabilité de confusion uniquement du point de vue du consommateur canadien moyen anglophone, étant donné que ce n’est que sous cet angle que Nordik a avancé l’argument de la probabilité de confusion dans ses observations, et que cet angle est suffisant pour les besoins de l’analyse de la confusion au titre de l’alinéa 12(1)d) de la LMC.

[84] Le test en matière de confusion est énoncé au paragraphe 6(2) de la LMC, lequel dispose que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice. Pour procéder à une telle évaluation, le décideur doit tenir compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce pertinentes, notamment celles énumérées au paragraphe 6(5) de la LMC, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[85] Cette liste n’est pas exhaustive et un poids différent sera accordé à différents facteurs selon le contexte (Veuve Clicquot; Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, [2006] 1 RCS 772 au para 54). Je me reporte également au paragraphe 49 de l’arrêt Masterpiece, dans lequel la Cour suprême a précisé que le facteur énoncé à l’alinéa 6(5)e), soit le degré de ressemblance entre les marques, a souvent le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion.

[86] Le test applicable à l’évaluation de la probabilité de confusion consiste à déterminer si, à partir de sa première impression, le consommateur ordinaire plutôt pressé qui voit les marques de commerce THERME de la défenderesse en liaison avec les services contestés, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de la marque THERMËA des demanderesses et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques, sera susceptible d’être confus quant à la source des services. Autrement dit, le consommateur ordinaire croira‑t‑il que les services associés aux marques de commerce THERME de la défenderesse ont été autorisés, fabriqués ou vendus par les demanderesses (Masterpiece, aux para 39‑41; Reynolds Presto Products Inc. c P.R.S. Mediterranean Ltd., 2013 CAF 119 [Reynolds] au para 20; voir aussi Veuve Clicquot, aux para 18‑21)?

[87] Comme l’a fait remarquer la Cour suprême dans l’arrêt Masterpiece, dans la plupart des cas, le degré de ressemblance entre les marques de commerce en cause est le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion. Pour reprendre les termes employés par la Cour suprême, « si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire. En effet, ces autres facteurs ne deviennent importants que si les marques sont jugées identiques ou très similaires. En conséquence, certains prétendent que, dans la plupart des cas, l’étude de la ressemblance devrait constituer le point de départ de l’analyse relative à la confusion » (Masterpiece, au para 49).

a) Le degré de ressemblance – alinéa 6(5)e)

[88] Le degré de ressemblance entre les marques doit s’analyser en tenant compte de leur présentation, de leur son et des idées qu’elles suggèrent. Il est préférable de se demander d’abord si l’un des aspects de chacune des marques est « particulièrement frappant ou unique » (Masterpiece, au para 64).

(i) Entre THERMËA et THERME

[89] Nordik a soutenu qu’il existait un degré de ressemblance extrêmement élevé entre la présentation des marques THERMËA et THERME, puisque les six lettres qui composent THERME se retrouvent dans sa marque THERMËA, à laquelle s’ajoute un tréma (deux points au‑dessus du second « E » commun aux deux marques – « Ë ») ainsi qu’un « A ». En revanche, TD a fait valoir que le « ËA » constituait l’élément frappant de la marque THERMËA de Nordik et que, comme il était clairement absent de sa marque THERME, ceci différencie sa présentation de celui de la marque THERMËA.

[90] Je ne peux souscrire à l’argument de TD selon lequel le « ËA » est l’élément frappant de la marque THERMËA de Nordik, car la Cour ne doit pas « considérer chaque partie de [la marque] séparément des autres éléments »; il convient plutôt d’examiner les marques de commerce dans leur ensemble, telle que le consommateur visé les voit sur la base d’une première impression (Masterpiece, au para 83). TD semble demander à la Cour de décortiquer la marque THERMËA afin d’établir une distinction avec sa marque THERME. Cependant, comme l’a expliqué la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Park Avenue Furniture Corp. v Wickes/Simmons Bedding Ltd., 1991 CanLII 11769 (CAF) [Park Avenue], les marques doivent être considérées dans leur ensemble pour le test de confusion :

Je suis d’accord avec l’appelante pour dire que les marques doivent être examinées dans leur ensemble. Sur ce point précis, voici ce que déclare H.G. Fox :

[traduction] Pour appliquer ces critères, le premier principe à invoquer est celui selon lequel les marques doivent être examinées dans leur ensemble et non en tant qu’éléments distincts. Il faut analyser l’idée qu’évoque chaque marque, c’est‑à‑dire l’impression nette qu’elle laisse globalement dans l’esprit. C’est la marque en son entier qu’il faut examiner pour en arriver ensuite à une décision sur la question de savoir si cette marque est susceptible de créer de la confusion avec une marque déjà enregistrée [...] Le véritable critère est celui de savoir si l’ensemble de la marque dont on projette l’enregistrement risque de causer une erreur, de tromper ou de créer de la confusion dans l’esprit des personnes habituées à la marque de commerce existante. C’est la combinaison des marques dans leur ensemble qu’il faut examiner, et c’est leur effet ou idée générale qu’il faut comparer.

(Park Avenue, au para 27, citant Harold G. Fox, The Canadian Law of Trade Marks and Unfair Competition, 3e éd, Toronto, Carswell, 1972 aux pp 167‑169).

[91] S’agissant de la présentation, l’argument de TD, selon lequel la simple distinction d’un accent (étranger à la langue anglaise) et de la lettre « A » suffisent à établir une distinction importante entre les marques, semble absurde. L’ajout du tréma sur le « E » de THERMËA n’est guère suffisant pour écarter les faits incontestables que les deux marques ont en commun le second « E » et que le mot THERMËA semble contenir et contient effectivement le mot THERME tout entier auquel se sont simplement greffés un tréma et une lettre supplémentaire à la fin. Selon moi, il s’agit de différences visuelles mineures qui n’enlèvent rien au degré relativement élevé de ressemblance visuelle entre les marques de commerce.

[92] À l’instar de ses observations sur la présentation, TD a tenté d’établir une distinction entre les marques fondées sur le son final de chaque mot, en se concentrant sur la syllabe qui diffère de l’une à l’autre, au lieu d’examiner les marques dans leur ensemble. Elle a soutenu que le son et la prononciation des marques étaient très différents en raison du nombre de syllabes, de la division en syllabes et de l’accentuation des mots. Elle a ajouté qu’en langue anglaise, la marque THERME serait probablement prononcée en une seule syllabe (« THERM ») plutôt qu’en deux (« THER‑MA » ou « THERM‑MA »), comme la prononciation entendue dans ses publicités en langue anglaise figurant au dossier. L’ensemble des enregistrements audio et vidéo de publicités en langue anglaise de TD, déposé comme pièce M jointe à l’affidavit de M. Cantin, montre clairement que TD a employé sa marque THERME en utilisant la prononciation « THER‑MA » ou « THERM-MA ». Dans les enregistrements en langue anglaise diffusés par TD, on entend clairement « THERMA GROUP » et « THERMA GROUP CANADA ONTARIO PLACE », et non « THERME». La forme sonore de la marque utilisée dans les publicités est clairement « THERMA », et non « THERME ». Partant, Nordik a fait valoir, et j’en conviens, que les consommateurs entendraient la prononciation de la marque THERME de TD dans les publicités et apprendraient qu’elle se prononce en deux syllabes comme « THER‑MA » ou « THERM‑MA », et non comme « THERM » en une seule syllabe. À titre de comparaison, la prononciation en langue anglaise, de THERMËA est probablement « THERM‑MAY‑A » ou « THER‑MAY‑A » ou possiblement « THERM‑MEE‑A ». Compte tenu de la différence sonore entraînée par le tréma et la syllabe supplémentaire (« MAY »), les formes sonores en langue anglaise, des mots THERME et THERMËA présentent un degré de ressemblance relativement élevé.

[93] Quant aux idées que suggèrent les marques, ni THERME ni THERMËA ne sont définis dans les dictionnaires de langue anglaise, et aucune signification claire ne s’en dégage. Je suis d’accord avec les demanderesses pour dire qu’en anglais, les marques THERME et THERMËA sont susceptibles d’évoquer une idée similaire associée au préfixe qu’elles ont en commun, « THERM- », qui signifie « chaleur ». Lorsque la marque THERME est employée en liaison avec des centres de spa et des services comme des soins thermaux, le consommateur Canadien ordinaire anglophone qui fréquente des centres de spa et utilise de tels services pensera probablement, en voyant ou en entendant la marque THERME, qu’elle évoque l’idée des différences de température associées à l’alternance de traitements chauds et froids. Lorsque ce sens de « chaleur » est mis dans le contexte de services de spa comme des soins et des bains thermaux, THERME suggère l’idée de différentes températures, d’un traitement où l’on recommande d’alterner entre des soins en eaux chaudes et froides sous différentes formes (bains, sources, douches, piscines, systèmes de cascades). THERMËA semble véhiculer un sens similaire, mais avec une touche légèrement « étrangère » (scandinave ou nord‑européenne). Les affidavits déposés par TD et par Nordik soutiennent tous cette conclusion; l’ensemble de la preuve a affirmé que, de façon générale, les anglophones déduiraient la signification des marques du préfixe « THERM- ».

[94] Selon TD, toute ressemblance superficielle associée à la portion « THERM » des deux marques n’est d’aucune pertinence pour l’analyse de la ressemblance en raison de l’usage courant du préfixe « THERM- » dans des marques de commerce, comme le montre la preuve de l’état du registre et de l’état du marché au dossier.

[95] Certes, je conviens que la preuve de l’état du registre et de l’état du marché est un facteur à prendre en considération, mais je lui accorde peu de poids pour des raisons que j’expliquerai dans la section portant sur les circonstances de l’espèce, à la fin de l’analyse relative à la confusion. À ce stade‑ci, je me contenterai de dire qu’une très petite partie de la preuve de l’état du registre et de l’état du marché porte sur des services, et qu’une partie encore plus infime porte sur les services pertinents en l’espèce. De plus, il n’y a pas de preuve qui indique que ces quelques marques associées à des services sont effectivement employées au Canada ni, le cas échéant, dans quelle mesure elles le sont au Canada.

[96] Le degré de ressemblance entre les marques THERMËA et THERME joue en faveur de Nordik.

(i) Entre THERMËA et THERME GROUP

[97] Considérée dans son ensemble, l’élément frappant de la marque THERME GROUP de TD, est THERME, non seulement parce qu’il s’agit de la première portion de la marque – qui, en règle générale, est celle qui sert le plus à établir le caractère distinctif (Conde Nast Publications Inc c Union des éditions modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 at (CF 1re inst) 188), mais aussi parce que THERME n’a pas de signification en anglais. Par comparaison, la deuxième portion, GROUP, a une signification en anglais et possède donc un caractère distinctif moins fort que THERME. Le mot GROUP [« groupe » en français] s’entend d’un ensemble ou regroupement de personnes ou de choses. Ce mot est fréquemment utilisé en ce sens pour désigner une personne morale. En l’occurrence, l’idée que suggère la marque THERME GROUP est celle d’une personne morale ou d’un groupe d’entreprises THERME qui sont plus d’une. Il est probable que le consommateur ordinaire en déduira que la personne morale se nomme THERME et qu’il existe un GROUPE d’entreprises THERME (p. ex., différents établissements THERME). Comme THERME est la portion la plus frappante des marques THERME et THERME GROUP, je constate que l’ajout du mot GROUP au mot THERME n’a aucune incidence importante sur mon analyse du degré de ressemblance entre la marque THERMËA et les marques THERME et THERME GROUP. En effet, à supposer, sans trancher la question à ce stade‑ci, que le consommateur moyen soit susceptible de confondre les marques THERMËA et THERME pour désigner l’origine des services qui leur sont associés, il serait logique de conclure que ce même consommateur moyen serait susceptible de confondre les marques THERMËA et THERME GROUP et de croire que la personne morale nommée THERME GROUP est probablement, et d’une manière qui porte à confusion, la personne morale THERMËA.

[98] Compte tenu de l’ensemble de mon analyse de la ressemblance entre la marque THERMËA et les marques THERME et THERME GROUP, je conclus que les marques THERMËA et THERME présentent un fort degré de ressemblance. Comme je suis d’avis que l’ajout du mot GROUP au mot THERME n’a aucune incidence importante sur mon analyse de la ressemblance entre ces marques, je conclus aussi que les marques THERMËA et THERME GROUP présentent également un fort degré de ressemblance. Ce facteur joue en faveur de Nordik.

(ii) Entre THERMËA et les marques composées THERME

[99] Nordik n’a présenté aucune soumission portant spécifiquement sur le degré de ressemblance entre sa marque THERMËA et les marques THERME TÊTE DE FEMME et THERME FEMME de TD.

[100] Le degré de ressemblance entre la marque THERMËA et les marques THERME TÊTE DE FEMME et THERME FEMME doit être analysé sous l’angle de leur présentation, de leur son et des idées qu’elles suggèrent (article 6(5)e) de la LMC). J’ai déjà conclu, plus haut, que l’élément dominant et évident des marques THERME TÊTE DE FEMME et THERME FEMME, à savoir le mot « THERME », serait employé pour les évoquer sur le plan sonore étant donné que THERME est dominant est facilement accessible. Du point de vue du consommateur ordinaire anglophone, les marques THERME TÊTE DE FEMME et THERME FEMME se prononceraient « THER‑MA » ou « THERM‑MA », ce qui s’apparente à la prononciation en anglais de la marque THERMËA, soit « THER‑MAY‑A ». Partant, sous l’angle du son, il existe un degré de ressemblance relativement élevé entre la marque THERMËA et les marques THERME TÊTE DE FEMME et THERME FEMME.

[101] Cela étant dit, outre le libellé de l’alinéa 6(5)e) de la LMC, je tiens à faire remarquer l’instruction de la Cour d’appel fédérale selon laquelle, dans l’examen du degré de ressemblance entre les marques, ce sont les marques composées dans leur ensemble qui sont examinées en fonction de leur présentation, de leur son ou des idées qu’elles suggèrent (Dion Neckwear Ltd. c Christian Dior SA, 2002 CAF 29 au para 9, citant United States Polo Assn. c Polo Ralph Lauren Corp., 2000 CanLII 16099 (CAF), au para 18).

[102] Là où ma présente analyse diverge de mon analyse précédente du degré de ressemblance entre la marque THERMËA et la marque THERME, c’est dans la présentation des marques THERME TÊTE DE FEMME et THERME FEMME et les idées qu’elles suggèrent.

[103] Comme je l’ai mentionné plus haut, l’idée qu’évoque la marque THERMËA en liaison avec la station thermale et les services connexes est celle de la chaleur et des différences de température associées à l’alternance de traitements chauds et froids, avec une touche « étrangère » ou scandinave. En revanche, lorsque l’on examine les marques THERME TÊTE DE FEMME et THERME FEMME dans leur ensemble, les idées qu’elles suggèrent sont quelque peu différentes compte tenu du dessin propre à chacune des marques composées.

[104] La marque THERME FEMME, qui est composée du mot « THERME » et du dessin d’une femme aux allures de Vénus se tenant debout dans un grand coquillage, avec un paysage en arrière‑plan, n’évoque pas les mêmes idées que la marque THERMËA. Prise dans son ensemble, la marque THERME FEMME, constituée de son élément nominal « THERME » qui évoque la notion mentionnée plus haut de chaleur associée aux services offerts dans les stations thermales, et de son élément figuratif du portrait à l’européenne d’une femme ou d’une déesse nue dans un paysage marin, évoque l’image plus ornée et raffinée d’une station thermale d’Europe méridionale. Cette image suggère un sentiment de relaxation sophistiquée lorsqu’elle est employée en liaison avec des bains thermaux ou des spas. Si cette idée ressemble quelque peu à l’idée que suggère la marque THERMËA, en raison du préfixe « THERM- » qu’ont en commun les marques, la marque THERME FEMME évoque toutefois une impression nettement différente. Elle fait penser à une expérience plus élégante et sereine, alors que la marque THERMËA évoque une ambiance scandinave plus rustique et sauvage. Par conséquent, les idées que suggèrent ces marques présentent un degré minimal de ressemblance.

[105] La marque THERME TÊTE DE FEMME est plus abstraite. Cette marque comprend, elle aussi, l’élément nominal « THERME » et comporte un dessin stylisé d’un triangle dans lequel figure la tête d’une femme, qui semble être la même que celle ressemblant à Vénus de la marque THERME FEMME. Le dessin abstrait de la marque THERME TÊTE DE FEMME rend l’interprétation de l’idée que suggère la marque dans son ensemble très subjective et complexe. À la rigueur, on pourrait dire que l’élément figuratif de la tête de femme contenue dans le triangle évoque l’idée de confinement, et que l’expression légèrement satisfaite de la femme ressemblant à Vénus laisse transparaître un sentiment réservé de satisfaction, comme si elle imitait le portrait de Mona Lisa. Par l’union de cette idée à celle que suggère à lui seul l’élément nominal « THERME », défini plus haut, la marque dans son ensemble semble évoquer l’idée de la sérénité que procure l’isolement associé aux bains thermaux ou aux spas. Bien qu’il soit difficile, voire impossible, de définir avec précision l’idée fort subjective qu’évoque cette marque, je suis satisfaite que, quelle qu’elle soit, l’idée complexe que suggère la marque THERME TÊTE DE FEMME dans son ensemble ne présente qu’un faible degré de ressemblance avec celle que suggère la marque THERMËA.

[106] S’agissant du degré de ressemblance dans la présentation visuelle des marques, comme j’ai évalué séparément le degré de ressemblance dans le son, je me contenterai de dire que les éléments figuratifs des marques THERME TÊTE DE FEMME et THERME FEMME sont certainement attrayants sur le plan visuel, détaillés, complexes et distinctifs, et qu’ils attireraient le regard du consommateur. Dans leur ensemble, les marques THERME TÊTE DE FEMME et THERME FEMME présentent, malgré tout, un certain degré de ressemblance dans la présentation avec la marque THERMËA, en raison de l’élément nominal « THERME » qu’elles ont en commun. Ce degré de ressemblance visuelle est cependant atténué (et non réduit à zéro) par les dessins complexes des marques composées qui distinguent nettement leur présentation de celle de la marque THERMËA.

[107] Après avoir évalué le degré de ressemblance entre la marque THERMËA et les marques THERME TÊTE DE FEMME et THERME FEMME dans leur présentation, leur son et les idées qu’elles suggèrent, je conclus que, dans l’ensemble, le degré de ressemblance joue en faveur de TD.

b) Le caractère distinctif inhérent – alinéa 6(5)a)

(i) Entre THERMËA et THERME

[108] Du point de vue du consommateur Canadien anglophone, la marque THERME est un mot inventé, ce qui lui confère un certain caractère distinctif inhérent. La marque THERMËA est, elle aussi, un mot inventé, mais elle possède un caractère distinctif inhérent légèrement plus fort du point de vue du consommateur anglophone en raison du tréma, étranger à la langue anglaise, et de la lettre « A » qui ajoute à la fois une distinction sonore et une touche « étrangère » ou scandinave que la marque THERME n’a pas.

[109] En tirant ces conclusions sur le caractère distinctif inhérent des marques THERME et THERMËA, j’ai tenu compte de la preuve de l’état du registre et de l’état du marché produite par TD. Comme je l’expliquerai plus en détail dans la section portant sur les circonstances de l’espèce, à la fin de l’analyse relative à la confusion, le registre des marques de commerce montre que moins de cinq marques de commerce enregistrées comportant le préfixe « THERM- » sont employées en liaison avec des services de spa et de bien‑être et des services connexes de restauration. Ce nombre extrêmement faible de marques enregistrées ne démontre pas l’absence de caractère distinctif inhérent aux marques formées du préfixe « THERM- » comme les marques respectives des parties dans ce secteur de services (Micro Focus (IP) Limited c Information Builders Inc, 2014 CF 632 au para 7).

[110] Dans l’ensemble, je conclus que ce facteur joue en faveur de Nordik.

(ii) Entre THERMËA et THERME GROUP

[111] Pour les mêmes motifs que ceux exposés plus haut relativement à la marque THERME, je juge que la marque THERME GROUP possède un certain caractère distinctif inhérent. Dans l’ensemble, je conclus que ce facteur joue en faveur de Nordik.

(iii) Entre THERMËA et les marques composées THERME

[112] Compte tenu des éléments figuratifs détaillés, complexes et attrayants sur le plan visuel des marques THERME TÊTE DE FEMME et THERME FEMME, je note que ces marques composées possèdent un caractère distinctif inhérent plus fort, que je qualifie de modéré. Dans l’ensemble, je conclus que ce facteur joue en faveur de TD.

c) La mesure dans laquelle les marques sont connues (ou ont acquis un caractère distinctif) – alinéa 6(5)a) – et la période pendant laquelle elles ont été en usage – alinéa 6(5)b)

[113] Certes, en date des présentes, les marques de commerce THERME sont enregistrées depuis environ trois ans, mais la défenderesse a produit très peu d’éléments de preuve étayant l’emploi de la marque THERME en liaison avec les services proposés et elle n’a produit aucune preuve de l’emploi des marques THERME GROUP, THERME TÊTE DE FEMME ni THERME FEMME. Compte tenu de l’état d’avancement de la Place de l’Ontario, où l’entreprise THERME de TD s’établira, et de la preuve limitée montrant l’emploi de la marque THERME dans les publicités de TD, je suis d’avis qu’en septembre 2021, cette marque était devenue, tout au plus, légèrement connue.

[114] En revanche, le dossier me permet de conclure qu’en septembre 2021, la marque THERMËA était connue dans une région du Canada (Winnipeg) en liaison avec les services de spa, notamment des services de restauration, visés par l’enregistrement. Le juge Lemieux s’est ainsi exprimé dans la décision Kamsut, Inc c Jaymei Enterprises Inc, 2009 CF 627 :

[65] Il est bien établi en droit des marques de commerce que, afin d’avoir un caractère distinctif, il n’est pas nécessaire que la marque distingue les marchandises dans l’ensemble du Canada. La marque conservera son caractère distinctif tant et aussi longtemps que les personnes qui demeurent dans une région donnée du Canada reconnaissent la marque comme étant associée au propriétaire des marchandises. De plus, il n’est pas nécessaire que le propriétaire de la marque de commerce démontre qu’il est le seul utilisateur de la marque pour démontrer le caractère distinctif (voir ITV Technologies, Inc. c. WIC Television Ltd., [2003] A.C.F. no 1335, 29 C.P.R. (4th) 182, aux paragraphes 98 et 99 et Alibi Roadhouse Inc. c. Grandma Lee’s International Holdings Ltd., [1997] A.C.F. no 1329) à l’appui de la thèse selon laquelle un enregistrement de marque de commerce peut être maintenu si la marque de commerce a un caractère distinctif. De plus, Bojangles’ International, LLC c. Bojangles Café Ltd., 2006 CF 657 consacre le principe selon lequel une autre marque doit être très connue au Canada pour que le caractère distinctif d’une marque de commerce soit nié.

[115] Le témoignage de M. Cantin selon lequel Spa Winnipeg était ouvert en 2015 étaye l’emploi, depuis au moins 2015, des marques de commerce THERMËA en liaison avec les services visés par l’enregistrement. M. Cantin a fourni des annonces et du matériel publicitaire ayant été utilisés au fil des ans ainsi que les ventes annuelles depuis 2018, exprimées sous forme du nombre de visiteurs ayant fréquenté Spa Winnipeg et ayant utilisé leur centre de spa et les services connexes associés à la marque THERMËA. Si ces éléments de preuve sont limités, ils attestent néanmoins du caractère distinctif acquis de la marque de commerce. La marque THERME de TD n’est pas une marque « très connue au Canada pour que le caractère distinctif de la marque de commerce [THERMËA] soit nié ». Ce facteur joue en faveur de Nordik.

d) Le genre de services et la nature du commerce – alinéa 6(5)c) et alinéa 6(5)d)

[116] L’enregistrement THERMËA de Nordik vise « [l’]exploitation d’un spa et centre de bien‑être offrant des services de saunas, bains thérapeutiques, bains à remous et bains froids, bains de vapeur, bain flottant, massages relaxants et thérapeutiques; soins corporel[s] pour visage, corps et pieds; services de resto‑bar; exploitation d’une boutique offrant des robes de chambre et sandales » [les services visés par l’enregistrement THERMËA]. La preuve présentée par Nordik démontre l’emploi continu de la marque et du nom commercial THERMËA depuis le 16 janvier 2015 à Spa Winnipeg et à son centre de bien‑être en liaison avec l’ensemble des services visés par l’enregistrement THERMËA. Le genre des services visés par l’enregistrement THERMËA est virtuellement identique ou suffisamment lié à celui de la grande majorité des services contestés visés par les enregistrements THERME, à l’exception des services contestés suivants : gestion hôtelière, aménagement et construction d’hôtels, aménagement d’hôtels, services d’hôtel, exploitation d’hôtels, centres de spa santé incorporant des glissoires d’eau, services de luminothérapie et services cosmétiques de bronzage, et services d’évaluation du rendement dans le domaine de la bonne condition physique. Les voies de commercialisation associées à ces services sont également virtuellement identiques ou très similaires, à savoir des centres de spa, qui cherchent à attirer et attirent les mêmes consommateurs ou des consommateurs similaires, de telle sorte que leurs services et leurs centres se concurrencent directement. Ce facteur joue en faveur de Nordik.

e) Les circonstances de l’espèce – l’état du registre et l’état du marché

[117] La preuve de l’état du registre est une circonstance de l’espèce à prendre en compte dans l’analyse relative à la confusion lorsqu’il peut être démontré que la présence d’un élément commun dans les marques inciterait les consommateurs à porter davantage attention à d’autres caractéristiques des marques et à les différencier à partir de ces autres caractéristiques. Les éléments de preuve extraits de l’état du registre sont pertinents dans la mesure où ils permettent de tirer des inférences concernant l’état du marché (McDowell c Laverana GmbH & Co KG, 2017 CF 327 [McDowell] au para 42). Il est possible d’en tirer de telles inférences dans deux situations : 1) il existe un grand nombre d’enregistrements pertinents; et 2) la preuve indique que les marques pertinentes de tiers sont couramment employées sur le marché (Kellogg Salada Canada Inc. c Canada (Registraire des marques de commerce) (C.A.), 1992 CanLII 14792 (CAF), [1992] 3 CF 442 [Kellogg]; McDowell, aux para 41‑46). Les marques de commerce pertinentes tirées de la preuve de l’état du registre comprennent (i) celles qui sont enregistrées; (ii) celles qui sont associées à des produits et services semblables à ceux des marques en cause; et (iii) celles dans lesquelles figure l’élément commun en tant qu’élément important (Sobeys West Inc c Schwan’s IP, LLC, 2015 COMC 197).

[118] TD a fait valoir que les tribunaux canadiens reconnaissaient que les consommateurs n’étaient pas dénués de mémoire et que le fait pour deux marques de partager un élément suggestif, comme le préfixe « THERM- », ne constituait pas un facteur déterminant pour la question de la probabilité de confusion. TD a ajouté que, compte tenu de la nature suggestive du préfixe « THERM- » et du fait que diverses marques formées de ce préfixe coexistaient dans le même domaine d’emploi que celui des demanderesses, les marques ainsi formées (comme les marques de commerce THERMËA de Nordik) ne méritaient pas une protection particulièrement étendue, et que les consommateurs étaient en mesure de faire la distinction entre ces marques sans risque de confusion. Elle a soutenu que, selon la jurisprudence constante, même des différences relativement mineures entre les marques composées de tels éléments suffisaient pour prévenir tout risque de confusion sur le marché canadien. À cet égard, elle a invoqué le passage suivant de l’arrêt de la Cour suprême General Motors Corporation v Bellows, 1949 CanLII 47 (SCC), [1949] SCR 678 (CSC) à la page 691 :

[traduction]
La conclusion est bien simple en fin de compte : lorsqu’un commerçant utilise des mots communs pour en faire son nom commercial, un certain risque de confusion est inévitable. Mais ce risque doit être couru, sauf si le premier utilisateur est autorisé injustement à monopoliser ces mots.

[119] TD a soutenu qu’une certaine confusion entre les marques était inévitable et qu’elle ne pouvait donner lieu à une action entre les parties, en raison de l’usage courant du préfixe « THERM- » dans des marques. TD a invoqué le paragraphe 188 de la décision Walt Disney Productions v Triple Five Corp, 1994 CanLII 5264 (CBRA) [Walt Disney Productions] :

[traduction]
188 Même lorsque les services sont identiques, si le nom commercial est descriptif plutôt que distinctif, il y aura inévitablement une certaine confusion acceptable : Young, à la p 43; Office Cleaning Services, Ltd v Westminster Window and General Cleaners, Ltd, (1946), 63 RPC 39 (Chambre des lords R‑U) [Office Cleaning Services]. À la page 43 de l’arrêt Office Cleaning Services, lord Simonds s’est ainsi exprimé :

« Dès lors que deux commerçants utilisent des termes descriptifs dans leur nom commercial, il est possible que cela entraîne de la confusion chez certaines personnes, et ce, quels que soient les mots qui les distinguent… La conclusion est bien simple en fin de compte : lorsqu’un commerçant utilise des mots communs pour en faire son nom commercial, le risque de confusion est inévitable. Mais le risque est acceptable sauf si le premier utilisateur est autorisé injustement à s’approprier ces mots pour lui seul. Le tribunal acceptera des différences peu importantes comme étant suffisantes pour éviter toute confusion. On peut raisonnablement s’attendre à ce que le public fasse preuve d’un plus grand discernement lorsque le nom commercial est constitué, en tout ou en partie, de mots qui donnent une description des articles en vente ou des services offerts. [Non souligné dans l’original.]

(Walt Disney Productions, au para 188.)

[120] Je souscris au principe énoncé dans la décision Walt Disney Productions selon lequel une certaine confusion est inévitable lorsque la marque est descriptive plutôt que distinctive. TD n’a cependant pas convaincu la Cour que ce principe était sa planche de salut dans la présente affaire. J’examinerai d’abord la preuve de l’état du registre que TD a produite pour montrer l’usage courant du préfixe « THERM- » dans des marques, avant de passer à sa preuve de l’état du marché.

[121] Comme je l’ai mentionné plus haut, Mme Buckingham a fourni, dans son affidavit, les résultats de sa recherche des demandes et enregistrements actifs de marques de commerce précédées du préfixe « THERM- » associées à des produits de santé, de bien‑être, de spa, de conditionnement physique, de piscine ou en lien avec l’eau, ou à des services; sa recherche ne se limitait pas à des types de services définis. Mme Buckingham a ainsi relevé 83 demandes et enregistrements actifs, mais, de ce nombre, 19 sont des demandes et seulement 64, des enregistrements. Parmi ces 64 enregistrements, deux sont au nom de Nordik et quatre, au nom de TD. Après avoir examiné les résultats correspondant aux 58 enregistrements de tiers, je constate qu’un grand nombre d’entre eux (43) ne sont pas particulièrement pertinents, car ils visent l’emploi d’une marque uniquement en liaison avec des produits, et non avec le moindre service, alors que la présente instance porte essentiellement sur l’emploi de marques en liaison avec des services. Douze (12) autres enregistrements de tiers visent l’emploi d’une marque en liaison avec des services qui n’ont aucun rapport avec les services contestés, par exemple : services de chirurgie esthétique (THERMIVA); offre d’un site Web d’information dans le domaine de la prévention et du traitement des affections des jambes (THERMAWEDGE); prestation de services dans le domaine de la santé, produits de santé naturels (THERMO DRIVE); services de points de vente et d’expositions dans le domaine des soins de spa corporels et activités auxiliaires thermales dans l’eau (THERMALTHÉRAPIE); activités sportives et culturelles, production de films, de spectacles de danse, de défilés de mode, services de restauration (THERMES MARINS DE MONACO); programme de physiothérapie (THERMAKINETICS); services de perte de poids sous supervision professionnelle (THERMODIET); services photographiques, services de diagnostic médical et industriel à l’aide d’un appareil montrant la distribution thermique d’un objet ou d’une personne (THERMOVISION).

[122] En réalité, seuls trois enregistrements de tiers, définis ci‑dessous, sont liés aux services contestés; les deux premiers sont directement liés aux services contestés, et le troisième n’y est que périphériquement lié :

Services de spa, centres de thalassothérapie, centres de bien‑être, services de massage, centres de bien‑être offrant des soins esthétiques, etc. (THERMES MARINS SAINT MALO & DESSIN);

Traitement par les algues, cure de remise en forme et de revitalisation du corps par thalassothérapie et balnéothérapie, organisation de cures de thalassothérapie, de balnéothérapie, d’hydrothérapie et de physiothérapie, etc. (THERMES MARINS MONTE‑CARLO);

Construction […] de sources thermales, […] d’installations de sauna, […] de centres de massage et de thérapie; Gestion d’installations pour bains de vapeur, saunas et pièces pour thérapie thermique, […] planification de la construction de piscines, d’installations thermiques, d’installations de sauna, etc. (THERMARIVM & Dessin).

[123] Ces trois enregistrements de tiers sont bien en deçà du seuil suffisant pour tirer une inférence concernant l’état du marché, ce qui est probablement la raison pour laquelle TD a également déposé une preuve distincte relative à l’état du marché.

[124] De façon similaire, Mme San Agustin a fourni, dans son affidavit, les résultats des recherches qu’elle avait effectuées sur divers sites Web ainsi que ses observations, selon lesquelles des produits et services étaient offerts sur le marché canadien en liaison avec des marques et des noms commerciaux formés du préfixe « THERM- ». Elle a relevé plus de 50 sites Web, mais seules deux entreprises offraient des services, alors que les autres vendaient des produits. Selon les résultats de sa recherche, l’une de ces deux entreprises fait affaire sous le nom de THERMAWEDGE et offre des services d’information dans le domaine de la prévention et du traitement des affections des jambes, soit des services qui n’ont rien à voir avec les services contestés. L’autre entreprise, dénommée THERMARIVM, est située à Tokyo, au Japon, et propose des services de planification, de conception, de construction et d’autres services de consultation en lien avec des hôtels, des spas et des stations thermales, soit des services ayant un certain rapport avec les services contestés, mais rien n’indique toutefois que l’entreprise offre ses services au Canada.

[125] Lors de l’audience, la Cour a demandé à TD de lui préciser si certaines des marques relevées par Mme Buckingham lors de sa recherche dans la base de données sur les marques de commerce canadiennes apparaissaient également dans les résultats de la recherche Web sur l’état du marché, effectuée par Mme San Agustin. TD a fourni un tableau de concordance contenant les renseignements demandés pour 48 des 83 demandes et enregistrements de marques de commerce énumérés dans l’affidavit de Mme Buckingham. Dans ce tableau, la seule marque enregistrée en liaison avec des services est la marque THERMARIVM & Dessin dont j’ai traité plus haut, qui est associée à un site Web japonais sur lequel les activités commerciales sont définies comme étant, entre autres, [traduction] « planification et consultation en lien avec des hôtels, des spas et des stations thermales » d’une entreprise située au Japon; rien n’indique que l’entreprise exerce aucune activité au Canada.

[126] Nordik a renvoyé au paragraphe 8 de l’arrêt Molson Cos c John Labatt Ltd., [1994] ACF no 1792 [Molson Cos], où la Cour d’appel fédérale a énoncé le principe suivant :

[traduction] Lorsqu’il s’agit d’examiner la possibilité de confusion entre deux marques de commerce, c’est un principe généralement reconnu que, si les deux marques en question comportent un élément commun qui figure également dans plusieurs autres marques utilisées sur le même marché, cette utilisation courante sur le marché tend à inciter les acheteurs à porter davantage leur attention sur les autres éléments ou éléments non communs, des différentes marques et à faire ainsi la distinction entre elles.

[127] S’appuyant sur l’expression « utilisation courante sur le marché » employée dans l’arrêt Molson Cos, Nordik a souligné que deux conditions devaient être remplies pour que le principe mentionné plus haut s’applique, à savoir : les marques de tiers comportant un élément commun doivent être (i) couramment ou fréquemment employées, et (ii) dans le même marché pertinent. Nordik a fait valoir que la preuve de l’état du registre et de l’état du marché produite par TD dans la présente instance ne remplissait pas ces deux conditions. Elle a invoqué le passage suivant tiré de la décision Ports International Limited v Dunlop Limited, 1992 CanLII 7031 (CA COMC), rendue par la Commission :

[traduction]
La requérante a également cherché à s’appuyer sur la preuve de l’état du registre dans l’affidavit de M. McPhail, pour établir que les marques comprenant le mot « PORT » sont courantes dans l’industrie du vêtement. Cela étant dit, les enregistrements joints à l’affidavit de M. McPhail sont insuffisants pour permettre de tirer des inférences significatives quant à l’emploi possiblement répandu des marques formées du mot « PORT » dans l’industrie du vêtement. Certaines marques n’incluent pas le mot « PORT » comme élément significatif de la marque, et certains enregistrements ne visent pas des vêtements. L’affidavit de M. McPhail fait état, tout au plus, de cinq ou six marques pertinentes. L’existence d’une demi‑douzaine d’enregistrements de marques formées du mot « PORT » en liaison avec des vêtements appartenant à des tierces parties sans la moindre preuve de leur emploi est loin de suffire pour me permettre de déduire qu’elles ont été employées activement. Je ne peux inférer d’une telle preuve qu’il est courant dans cette industrie d’adopter des marques comprenant le mot « PORT » de sorte qu’il y a une réduction du risque de confusion entre les deux marques en cause : voir Coca‑Cola Co of Canada Ltd v Pepsi‑Cola Co of Canada Ltd, 1942 CanLII 344 (CJCP du R‑U), [1942] JCJ no 2 (QL) au para 10; Molson Cos v Oland Breweries Ltd, [1988] TMOB no 124, 20 CPR (3d) 270 (QL) au para 11.

(Non souligné dans l’original, caractère gras ajouté.)

[128] Compte tenu de l’analyse qui précède concernant la preuve de l’état du registre et de l’état du marché, je suis d’accord avec Nordik que l’existence d’uniquement deux enregistrements de marques de tiers formées du préfixe « THERM- » en liaison avec des services de spa et de bien‑être sans la moindre preuve de leur emploi est loin de suffire pour me permettre de déduire qu’elles ont été employées activement. La preuve présentée par les affiants de TD, selon laquelle d’autres marques comprennent le préfixe « THERM- » montre que celui‑ci est d’usage courant en liaison avec certains produits, n’est pas suffisante. La présente affaire se distingue clairement de celles qu’a invoquées TD dans le but de faire la preuve de cet usage courant. Par exemple, dans l’arrêt Kellogg, la preuve montrait qu’à la date de production de la demande, il y avait « au moins quarante‑sept enregistrements de marques de commerce et quarante‑trois noms commerciaux » utilisant le même préfixe en liaison avec les mêmes produits (Kellogg, au para 6).

[129] Compte tenu de ce qui précède et de l’absence de preuve de l’état du marché corroborant l’usage courant du préfixe « THERM- » sur le marché pertinent, je suis d’avis que la preuve de l’état du registre n’est pas une circonstance de l’espèce utile à la cause de TD. Au contraire, la preuve de l’état du registre et de l’état du marché figurant au dossier semble montrer que la seule marque formée de « THERM- » (et de « THERME‑ ») qui est employée au Canada en liaison avec des services de spa et de bien‑être est la marque de commerce THERMËA de Nordik. Ce facteur joue en faveur de Nordik.

f) Conclusion sur l’analyse relative à la confusion

[130] Nordik s’est acquittée de son fardeau de démontrer le risque de confusion entre sa marque THERMËA et les marques THERME et THERME GROUP de TD dans le cas des services contestés soulignés et en caractères gras ci‑dessous, lesquels sont soit directement visés par les enregistrements THERMËA de Nordik, soit suffisamment liés à ceux‑ci :

35 (1) Gestion des affaires et gestion hôtelière;

37 (2) Aménagement et construction de centres de spa santé, de centres de santé et de bien‑être qui offrent des services de spa santé pour la santé et le bien‑être du corps et de l’esprit, de bains thermaux, d’hôtels et d’espaces récréatifs, en l’occurrence de spas, de bains de natation, de parcs aquatiques, de glissoires d’eau, de jardins aménagés, d’aires de jeu pour enfants, de terrains pour les sports de balles et d’aires de mise à l’eau pour véhicules nautiques;

39 (3) Exploitation d’aires de mise à l’eau pour véhicules nautiques;

41 (4) Exploitation d’espaces récréatifs, en l’occurrence de bains de natation, de parcs aquatiques, de glissoires d’eau, de jardins aménagés, d’aires de jeu pour enfants et de terrains pour les sports de balles; exploitation de bains de natation, de parcs aquatiques, de glissoires d’eau, de jardins aménagés, d’aires de jeu pour enfants et de terrains pour les sports de balles;

42 (5) Aménagement de centres de spa santé, de centres de santé et de bien‑être qui offrent des services de spa santé pour la santé et le bien‑être du corps et de l’esprit, de bains thermaux, d’hôtels et d’espaces récréatifs, en l’occurrence de spas, de bains de natation, de parcs aquatiques, de glissoires d’eau, de jardins aménagés, d’aires de jeu pour enfants, de terrains pour les sports de balles et d’aires de mise à l’eau pour véhicules nautiques;

43 (6) Services de restaurant, services de comptoir de plats à emporter et services de casse‑croûte, nommément services de bar et de café; services d’hôtel; exploitation d’hôtels;

44 (7) Centres de spa santé incorporant des bains thermaux, des piscines, des glissoires d’eau, des saunas, des bains turc[s], des installations de piscine d’eau minérale et de spa, services de soins de santé et de beauté offerts par des spas santé, des saunas, des salons de beauté, des sanatoriums, des salons de coiffure et des salons de massage, services de traitement médical offerts par un spa santé, services de massage, d’hydrothérapie et de luminothérapie ainsi que services cosmétiques de bronzage, et services d’évaluation du rendement dans le domaine de la bonne condition physique; exploitation de centres de santé et de bien‑être qui offrent des services de spa santé pour la santé et le bien‑être du corps et de l’esprit; exploitation de centres de spa santé, de bains thermaux et d’espaces récréatifs, en l’occurrence de spas.

[131] Je suis d’avis que, du point de vue du consommateur Canadien moyen anglophone, les marques THERME et THERME GROUP de TD sont susceptibles de créer de la confusion en liaison avec les services contestés soulignés et en caractères gras plus haut, et que ce consommateur ordinaire croirait probablement que ces services contestés, lorsqu’ils sont associés à la marque THERME ou THERME GROUP de TD, sont autorisés, licenciés ou offerts par Nordik, le propriétaire de la marque THERMËA.

[132] Par contre, Nordik ne s’est pas acquittée de son fardeau de démontrer le risque de confusion entre sa marque THERMËA et les marques THERME TÊTE DE FEMME et THERME FEMME de TD, étant donné que le caractère distinctif et la présentation des marques composées considérées dans leur ensemble (ce qui comprend les éléments figuratifs) ainsi que les idées qu’elles suggèrent l’emporte sur toute ressemblance sonore avec la marque THERMËA. Les facteurs qui jouent en faveur de TD, soit le degré de ressemblance et le caractère distinctif inhérent, ont fait pencher la balance en faveur d’une conclusion selon laquelle il n’existe aucun risque de confusion entre la marque THERMËA de Nordik et les marques THERME TÊTE DE FEMME et THERME FEMME de TD. La présomption de validité à l’égard des enregistrements de TD pour les marques THERME TÊTE DE FEMME et THERME FEMME doit prévaloir, et toute incertitude doit être tranchée en faveur de la validité des enregistrements.

F. TD n’est‑elle pas la personne ayant droit d’obtenir les enregistrements THERME parce que, à la date de production des demandes d’enregistrement, soit le 16 mars 2018, les marques de commerce THERME créaient de la confusion avec les marques de commerce THERMËA de Nordik que Spa Winnipeg avait antérieurement employées comme marques de commerce et noms commerciaux en vertu de la licence d’emploi que lui avait octroyée Nordik, aux termes des alinéas 16(1)a), 16(1)c) et 18(1)d) de la LMC?

[133] Les alinéas 16(1)a) et c) de la LMC disposent qu’un requérant a droit d’obtenir l’enregistrement d’une marque de commerce à moins que celle‑ci ne crée de la confusion avec une marque de commerce ou un nom commercial antérieurement employé ou révélé au Canada. Dans la présente procédure de radiation, la date pertinente pour l’examen de la question du droit à l’enregistrement est le 16 mars 2018, puisqu’il s’agit de la première des deux dates mentionnées au paragraphe 16(1), à savoir la date de production des demandes de TD pour les marques de commerce THERME.

[134] La preuve présentée par Nordik démontre l’emploi continu de la marque et du nom commercial THERMËA depuis le 16 janvier 2015 à Spa Winnipeg et à son centre de bien‑être en liaison avec l’ensemble des services visés par l’enregistrement, à savoir : exploitation d’un spa et centre de bien‑être offrant des services de saunas, bains thérapeutiques, bains à remous et bains froids, bains de vapeur, bain flottant, massages relaxants et thérapeutiques; soins corporels pour visage, corps et pieds; services de resto‑bar; exploitation d’une boutique offrant des robes de chambre et sandales. Les observations présentées par Nordik au sujet de ce motif d’invalidité se limitaient à un paragraphe et renvoyaient à des arguments semblables à ceux qu’elle avait fait valoir en lien avec son allégation d’invalidité au titre de l’alinéa 12(1)d), mentionnés plus haut.

[135] TD a soutenu que la Cour devrait accorder moins de poids à la mesure dans laquelle les marques sont devenues connues et à la période pendant laquelle elles ont été en usage – facteurs qui, à l’issue de l’analyse relative à la confusion au titre du paragraphe 16(1), jouent en faveur de Nordik – étant donné que la date pertinente du 16 mars 2018 n’était pas si éloignée de la date d’ouverture de Spa Winnipeg en 2015. Je suis d’accord qu’à la date pertinente du 16 mars 2018, les marques THERMËA de Nordik étaient moins connues au Canada qu’elles ne l’étaient trois ans plus tard, en septembre 2021. Cela étant dit, compte tenu de mes conclusions énoncées plus haut, selon lesquelles les marques de commerce THERME n’étaient que peu ou pas employées par TD à cette époque, ces facteurs, bien qu’ils jouent avec moins de force en faveur de Nordik, lui sont néanmoins favorables. Même si les arguments invoqués par Nordik au titre des alinéas 16(1)a) et c) sont légèrement plus faibles, je me prononce en faveur de Nordik pour des motifs semblables à ceux exposés plus haut en lien avec l’alinéa 12(1)d).

[136] S’agissant des alinéas 16(1)a) et c), une différence possible tient au fait que la gestion hôtelière, les services d’hôtel, l’exploitation d’hôtels, qui font partie des services contestés que Nordik cherche à faire radier des enregistrements THERME, ne sont pas des services visés par les enregistrements des marques de commerce THERMËA. J’ai examiné la preuve tirée de l’outil Wayback Machine corroborant la déclaration de M. Cantin selon laquelle Spa Winnipeg offrait des services d’hébergement en partenariat avec des hôtels de Winnipeg, mais comme elle ne remonte qu’au 13 mai 2019, soit après la date pertinente pour l’analyse au titre du paragraphe 16(1), elle n’est d’aucune aide à Nordik. En l’espèce, la date sur laquelle est fondée l’analyse relative à la confusion ne change rien à mes conclusions.

[137] À mon avis, l’analyse de la question de la probabilité de confusion pour le motif d’invalidité fondé sur l’alinéa 16(1)a) est essentiellement identique à celle pour le motif fondé sur l’alinéa 12(1)d). En d’autres termes, la date matérielle antérieur pour le motif fondé sur l’alinéa 16(1)a) ne change pas de manière importante l’analyse. Par conséquent, je me prononce en faveur de Nordik à l’égard du motif d’invalidité fondé sur l’alinéa 16(1)a) pour des raisons semblables à celles exposées plus haut dans le contexte du motif d’invalidité fondé sur l’alinéa 12(1)d), et ma conclusion s’applique aux mêmes services contestés que ceux définis dans ce même contexte.

G. Les marques de commerce THERME n’étaient‑elles pas distinctives à la date où ont été entamées les présentes procédures de radiation, soit le 1er février 2023, aux termes de l’article 2 et de l’alinéa 18(1)b) de la LMC?

[138] Nordik a soutenu que les marques de commerce THERME n’étaient pas distinctives soit parce qu’elles donnent une description claire, soit parce qu’elles créent de la confusion avec sa marque THERMËA. Selon moi, l’analyse de la question de l’absence de caractère distinctif pour le motif d’invalidité fondé sur l’article 2 et l’alinéa 18(1)b) de la LMC est essentiellement identique à celle pour les motifs fondés sur les alinéas 12(1)a) (donne une description claire) et 12(1)d) (crée de la confusion); je ne la reprendrai pas ici. Compte tenu de la somme des similitudes de ces analyses, je conclus, eu égard à l’article 2 et à l’alinéa 18(1)b) de la LMC, que les marques de commerce THERME ne sont pas distinctives en liaison avec les services contestés mis en relief plus haut, étant donné qu’elles donnent soit une description claire, soit qu’elles créent de la confusion avec la marque THERMËA de Nordik.

V. Les dépens

[139] Nordik a fait valoir que, comme la présente instance n’avait posé aucune difficulté particulière, les dépens devraient être taxés selon les valeurs médianes de la colonne III du tableau du Tarif B des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, alors que TD a soutenu qu’ils devraient être taxés selon les valeurs médianes à supérieures de la colonne IV.

[140] Étant donné que Nordik a gain de cause sur la plupart des points soulevés dans la présente instance, elle a droit aux dépens taxés selon les valeurs médianes de la colonne III du tableau du Tarif B.

VI. Conclusion

[141] En conclusion, la Cour exclut la preuve d’expert de Dre Poplack, puisqu’elle ne satisfait pas aux conditions d’admissibilité. Nordik a réussi à démontrer que la forme sonore des marques THERME, THERME TÊTE DE FEMME et THERME FEMME donne une description claire des services contestés mis en relief plus haut et que ces marques sont donc invalides en ce qui les concerne les services contestés susmentionnés. La Cour conclu également qu’il existe un risque de confusion entre les marques THERME et THERME GROUP de TD et la marque THERMËA de Nordik, ce qui, en soi, rend ces deux marques de TD invalides en ce qui concerne les services contestés susmentionnés. Cependant, la Cour juge qu’il n’existe aucun risque de confusion entre les marques THERME FEMME et THERME TÊTE DE FEMME de TD et la marque THERMËA de Nordik, compte tenu de leur caractère distinctif inhérent et du fait qu’elles ressemblent moins à la marque THERMËA sous l’angle de leur présentation et des idées qu’elles suggèrent. Par ailleurs, en raison de l’emploi antérieur par Nordik de la marque THERMËA, Nordik a droit à la protection que lui confèrent les alinéas 16(1)a) et 16(1)c) de la LMC. Par conséquent, la Cour conclut que TD n’avait pas le droit d’enregistrer les marques de commerce THERME en liaison avec les services contestés mis en relief plus haut. Enfin, la Cour conclut que les marques de commerce THERME ne sont pas distinctives en liaison avec les services contestés mis en relief plus haut et qu’elles sont donc invalides aux termes de l’article 2 et de l’alinéa 18(1)b) de la LMC.


JUGEMENT dans le dossier T‑225‑23

LA COUR STATUE :

  1. La demande est accueillie en partie;

  2. Les enregistrements de marques de commerce au nom de Therme Development (CY) Ltd., à savoir les enregistrements Nos. LMC1110500 et LMC1110501, tous deux datés du 29 septembre 2021, pour les marques THERME et THERME GROUP respectivement, sont déclarés invalides en partie, en ce qui concerne certains services enregistrés visés au point 3 ci‑dessous, en vertu des alinéas 18(1)a), 18(1)b) et/ou 18(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13 [la LMC];

  3. Le registraire des marques de commerce est ordonné de modifier l’état déclaratif des services pour les enregistrements Nos. LMC1110500 et LMC1110501, tous deux datés du 29 septembre 2021, pour les marques THERME et THERME GROUP respectivement, de sorte à supprimer les services soulignés et en caractère gras ci‑dessous :

35 (1) Gestion des affaires et gestion hôtelière;

37 (2) Aménagement et construction de centres de spa santé, de centres de santé et de bien‑être qui offrent des services de spa santé pour la santé et le bien‑être du corps et de l’esprit, de bains thermaux, d’hôtels et d’espaces récréatifs, en l’occurrence de spas, de bains de natation, de parcs aquatiques, de glissoires d’eau, de jardins aménagés, d’aires de jeu pour enfants, de terrains pour les sports de balles et d’aires de mise à l’eau pour véhicules nautiques;

39 (3) Exploitation d’aires de mise à l’eau pour véhicules nautiques;

41 (4) Exploitation d’espaces récréatifs, en l’occurrence de bains de natation, de parcs aquatiques, de glissoires d’eau, de jardins aménagés, d’aires de jeu pour enfants et de terrains pour les sports de balles; exploitation de bains de natation, de parcs aquatiques, de glissoires d’eau, de jardins aménagés, d’aires de jeu pour enfants et de terrains pour les sports de balles;

42 (5) Aménagement de centres de spa santé, de centres de santé et de bien‑être qui offrent des services de spa santé pour la santé et le bien‑être du corps et de l’esprit, de bains thermaux, d’hôtels et d’espaces récréatifs, en l’occurrence de spas, de bains de natation, de parcs aquatiques, de glissoires d’eau, de jardins aménagés, d’aires de jeu pour enfants, de terrains pour les sports de balles et d’aires de mise à l’eau pour véhicules nautiques;

43 (6) Services de restaurant, services de comptoir de plats à emporter et services de casse‑croûte, nommément services de bar et de café; services d’hôtel; exploitation d’hôtels;

44 (7) Centres de spa santé incorporant des bains thermaux, des piscines, des glissoires d’eau, des saunas, des bains turc[s], des installations de piscine d’eau minérale et de spa, services de soins de santé et de beauté offerts par des spas santé, des saunas, des salons de beauté, des sanatoriums, des salons de coiffure et des salons de massage, services de traitement médical offerts par un spa santé, services de massage, d’hydrothérapie et de luminothérapie ainsi que services cosmétiques de bronzage, et services d’évaluation du rendement dans le domaine de la bonne condition physique; exploitation de centres de santé et de bien‑être qui offrent des services de spa santé pour la santé et le bien‑être du corps et de l’esprit; exploitation de centres de spa santé, de bains thermaux et d’espaces récréatifs, en l’occurrence de spas;

  1. Les enregistrements de marques de commerce au nom de Therme Development (CY) Ltd., à savoir les enregistrements Nos.LMC1110061 et LMC1110502, datés du 22 septembre 2021 et du 29 septembre 2021 respectivement, pour les marques THERME FEMME et THERME TÊTE DE FEMME respectivement, sont déclarés invalides en partie, en ce qui concerne certains services enregistrés visés au point 5 ci‑dessous, en vertu des alinéas 18(1)a) et 18(1)b) de la LMC;

  2. Le registraire des marques de commerce est ordonné de modifier l’état déclaratif des services pour les enregistrements Nos. LMC1110061 et LMC1110502, datés du 22 septembre 2021 et du 29 septembre 2021 respectivement, pour les marques THERME FEMME et THERME TÊTE DE FEMME respectivement, de sorte à supprimer les services soulignés et en caractère gras ci‑dessous :

35 (1) Gestion des affaires et gestion hôtelière;

37 (2) Aménagement et construction de centres de spa santé, de centres de santé et de bien‑être qui offrent des services de spa santé pour la santé et le bien‑être du corps et de l’esprit, de bains thermaux, d’hôtels et d’espaces récréatifs, en l’occurrence de spas, de bains de natation, de parcs aquatiques, de glissoires d’eau, de jardins aménagés, d’aires de jeu pour enfants, de terrains pour les sports de balles et d’aires de mise à l’eau pour véhicules nautiques;

39 (3) Exploitation d’aires de mise à l’eau pour véhicules nautiques;

41 (4) Exploitation d’espaces récréatifs, en l’occurrence de bains de natation, de parcs aquatiques, de glissoires d’eau, de jardins aménagés, d’aires de jeu pour enfants et de terrains pour les sports de balles; exploitation de bains de natation, de parcs aquatiques, de glissoires d’eau, de jardins aménagés, d’aires de jeu pour enfants et de terrains pour les sports de balles;

42 (5) Aménagement de centres de spa santé, de centres de santé et de bien‑être qui offrent des services de spa santé pour la santé et le bien‑être du corps et de l’esprit, de bains thermaux, d’hôtels et d’espaces récréatifs, en l’occurrence de spas, de bains de natation, de parcs aquatiques, de glissoires d’eau, de jardins aménagés, d’aires de jeu pour enfants, de terrains pour les sports de balles et d’aires de mise à l’eau pour véhicules nautiques;

43 (6) Services de restaurant, services de comptoir de plats à emporter et services de casse‑croûte, nommément services de bar et de café; services d’hôtel; exploitation d’hôtels;

44 (7) Centres de spa santé incorporant des bains thermaux, des piscines, des glissoires d’eau, des saunas, des bains turc[s], des installations de piscine d’eau minérale et de spa, services de soins de santé et de beauté offerts par des spas santé, des saunas, des salons de beauté, des sanatoriums, des salons de coiffure et des salons de massage, services de traitement médical offerts par un spa santé, services de massage, d’hydrothérapie et de luminothérapie ainsi que services cosmétiques de bronzage, et services d’évaluation du rendement dans le domaine de la bonne condition physique; exploitation de centres de santé et de bien‑être qui offrent des services de spa santé pour la santé et le bien‑être du corps et de l’esprit; exploitation de centres de spa santé, de bains thermaux et d’espaces récréatifs, en l’occurrence de spas;

  1. Les demanderesses ont droit aux dépens taxés selon les valeurs médianes de la colonne III du tableau du Tarif B.

« Ekaterina Tsimberis »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑225‑23

 

INTITULÉ:

AUBERGE & SPA LE NORDIK INC ET NORDIK IMMOBILIERS – WINNIPEG INC c THERME DEVELOPMENT (CY) LTD

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 JANVIER 2024

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE TSIMBERIS

 

DATE DU JUGEMENT
ET DES MOTIFS :

6 novembre 2024

 

COMPARUTIONS :

PASCAL LAUZON

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Melissa Binns

James Green

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

BCF S.E.N.C.R.L.

MONTRÉAL (QUÉBEC)

POUR LES DEMANDERESSES

 

GOWLING WLG (CANADA) S.E.N.C.R.L., S.R.L.

HAMILTON (ONTARIO)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 


ANNEXE « A » – LES ENREGISTREMENTS THERME

 

[traduction]

 

Enregistrements THERME

No d’enregistrement

Produits/Services

THERME

LMC1110500

Produits:

3 (1) Cosmétiques.

5 (2) Compléments alimentaires pour la santé et le bien-être en général, et pour favoriser une récupération musculaire plus rapide après l’exercice; Produits de santé, à savoir des suppléments nutritionnels, botaniques et à base de plantes pour la santé et le bien-être en général, et pour favoriser une récupération musculaire plus rapide après l’exercice; Produits de santé, à savoir l’eau thermale.

32 (3) Les produits de santé, à savoir les eaux de source, minérales, vitaminées et aromatisées, et leurs combinaisons, les boissons et jus de fruits et de légumes et leurs combinaisons, les boissons pour sportifs, les boissons énergisantes, les boissons rafraîchissantes sans alcool.

Services:

35 (1) Gestion des affaires et gestion hôtelière; vente au détail de cosmétiques, de suppléments alimentaires et de produits de santé.

37 (2) Aménagement et construction de centres de spa santé, de centres de santé et de bien‑être qui offrent des services de spa santé pour la santé et le bien‑être du corps et de l’esprit, de bains thermaux, d’hôtels et d’espaces récréatifs, en l’occurrence de spas, de bains de natation, de parcs aquatiques, de glissoires d’eau, de jardins aménagés, d’aires de jeu pour enfants, de terrains pour les sports de balles et d’aires de mise à l’eau pour véhicules nautiques.

39 (3) Exploitation d’aires de mise à l’eau pour véhicules nautiques.

 

 

41 (4) Exploitation d’espaces récréatifs, en l’occurrence de bains de natation, de parcs aquatiques, de glissoires d’eau, de jardins aménagés, d’aires de jeu pour enfants et de terrains pour les sports de balles; exploitation de bains de natation, de parcs aquatiques, de glissoires d’eau, de jardins aménagés, d’aires de jeu pour enfants et de terrains pour les sports de balles.

42 (5) Aménagement de centres de spa santé, de centres de santé et de bien-être qui offrent des services de spa santé pour la santé et le bien-être du corps et de l’esprit, de bains thermaux, d’hôtels et d’espaces récréatifs, en l’occurrence de spas, bains de natation, de parcs aquatiques, de glissoires d’eau, de jardins aménagés, d’aires de jeu pour enfants, de terrains pour les sports de balles et d’aires de mise à l’eau pour véhicules nautiques.

43 (6) Services de restaurant, services de comptoir de plats à emporter et services de casse-croute, nommément services de bar et de café; Services d’hôtel; Exploitation d’hôtels.

44 (7) Centres de spa santé incorporant des bains thermaux, des piscines, des glissoires d’eau, des saunas, des bains turc[s], des installations de piscine d’eau minérale et de spa, services de soins de santé et de beauté offerts par des spas santé, des saunas, des salons de beauté, des sanatoriums, des salons de coiffure et des salons de massage, services de traitement médical offerts par un spa santé, services de massage, d’hydrothérapie et de luminothérapie ainsi que services cosmétiques de bronzage, et services d’évaluation du rendement dans le domaine de la bonne condition physique; Exploitation de centres de santé et de bien‑être qui offrent des services de spa santé pour la santé et le bien‑être du corps et de l’esprit; Exploitation de centres de spa santé, de bains thermaux et d’espaces récréatifs, en l’occurrence de spas.

 

THERME GROUP

LMC1110501

 

Produits:

3 (1) Cosmétiques.

5 (2) Compléments alimentaires pour la santé et le bien-être en général, et pour favoriser une récupération musculaire plus rapide après l’exercice ; Produits de santé, à savoir des suppléments nutritionnels, botaniques et à base de plantes pour la santé et le bien-être en général, et pour favoriser une récupération musculaire plus rapide après l’exercice; Produits de santé, à savoir l’eau thermale.

32 (3) Les produits de santé, à savoir les eaux de source, minérales, vitaminées et aromatisées, et leurs combinaisons, les boissons et jus de fruits et de légumes et leurs combinaisons, les boissons pour sportifs, les boissons énergisantes, les boissons rafraîchissantes sans alcool.

Services:

35 (1) Gestion des affaires et gestion hôtelière; vente au détail de cosmétiques, de suppléments alimentaires et de produits de santé.

37 (2) Aménagement et construction de centres de spa santé, de centres de santé et de bien‑être qui offrent des services de spa santé pour la santé et le bien‑être du corps et de l’esprit, de bains thermaux, d’hôtels et d’espaces récréatifs, en l’occurrence de spas, de bains de natation, de parcs aquatiques, de glissoires d’eau, de jardins aménagés, d’aires de jeu pour enfants, de terrains pour les sports de balles et d’aires de mise à l’eau pour véhicules nautiques.

39 (3) Exploitation d’aires de mise à l’eau pour véhicules nautiques.

41 (4) Exploitation d’espaces récréatifs, en l’occurrence de bains de natation, de parcs aquatiques, de glissoires d’eau, de jardins aménagés, d’aires de jeu pour enfants et de terrains pour les sports de balles; exploitation de bains de natation, de parcs aquatiques, de glissoires d’eau, de jardins aménagés, d’aires de jeu pour enfants et de terrains pour les sports de balles.

42 (5) Aménagement de centres de spa santé, de centres de santé et de bien-être qui offrent des services de spa santé pour la santé et le bien-être du corps et de l’esprit, de bains thermaux, d’hôtels et d’espaces récréatifs, en l’occurrence de spas, de bains de natation, de parcs aquatiques, de glissoires d’eau, de jardins aménagés, d’aires de jeu pour enfants, de terrains pour les sports de balles et d’aires de mise à l’eau pour véhicules nautiques.

43 (6) Services de restaurant, services de comptoir de plats à emporter et services de casse-croute, nommément services de bar et de café; Services d’hôtel; Exploitation d’hôtels.

44 (7) Centres de spa santé incorporant des bains thermaux, des piscines, des glissoires d’eau, des saunas, des bains turc[s], des installations de piscine d’eau minérale et de spa, services de soins de santé et de beauté offerts par des spas santé, des saunas, des salons de beauté, des sanatoriums, des salons de coiffure et des salons de massage, services de traitement médical offerts par un spa santé, services de massage, d’hydrothérapie et de luminothérapie ainsi que services cosmétiques de bronzage, et services d’évaluation du rendement dans le domaine de la bonne condition physique; Exploitation de centres de santé et de bien‑être qui offrent des services de spa santé pour la santé et le bien‑être du corps et de l’esprit; Exploitation de centres de spa santé, de bains thermaux et d’espaces récréatifs, en l’occurrence de spas.

 

LMC1110061

 

Produits:

3 (1) Cosmétiques.

5 (2) Compléments alimentaires pour la santé et le bien-être en général, et pour favoriser une récupération musculaire plus rapide après l’exercice ; Produits de santé, à savoir des suppléments nutritionnels, botaniques et à base de plantes pour la santé et le bien-être en général, et pour favoriser une récupération musculaire plus rapide après l’exercice; Produits de santé, à savoir l’eau thermale.

32 (3) Les produits de santé, à savoir les eaux de source, minérales, vitaminées et aromatisées, et leurs combinaisons, les boissons et jus de fruits et de légumes et leurs combinaisons, les boissons pour sportifs, les boissons énergisantes, les boissons rafraîchissantes sans alcool.

Services:

35 (1) Gestion des affaires et gestion hôtelière; vente au détail de cosmétiques, de suppléments alimentaires et de produits de santé.

37 (2) Aménagement et construction de centres de spa santé, de centres de santé et de bien‑être qui offrent des services de spa santé pour la santé et le bien‑être du corps et de l’esprit, de bains thermaux, d’hôtels et d’espaces récréatifs, en l’occurrence de spas, de bains de natation, de parcs aquatiques, de glissoires d’eau, de jardins aménagés, d’aires de jeu pour enfants, de terrains pour les sports de balles et d’aires de mise à l’eau pour véhicules nautiques.

39 (3) Exploitation d’aires de mise à l’eau pour véhicules nautiques.

41 (4) Exploitation d’espaces récréatifs, en l’occurrence de bains de natation, de parcs aquatiques, de glissoires d’eau, de jardins aménagés, d’aires de jeu pour enfants et de terrains pour les sports de balles; exploitation de bains de natation, de parcs aquatiques, de glissoires d’eau, de jardins aménagés, d’aires de jeu pour enfants et de terrains pour les sports de balles.

42 (5) Aménagement de centres de spa santé, de centres de santé et de bien-être qui offrent des services de spa santé pour la santé et le bien-être du corps et de l’esprit, de bains thermaux, d’hôtels et d’espaces récréatifs, en l’occurrence de spas, de bains de natation, de parcs aquatiques, de glissoires d’eau, de jardins aménagés, d’aires de jeu pour enfants, de terrains pour les sports de balles et d’aires de mise à l’eau pour véhicules nautiques.

43 (6) Services de restaurant, services de comptoir de plats à emporter et services de casse-croute, nommément services de bar et de café; Services d’hôtel; Exploitation d’hôtels.

44 (7) Centres de spa santé incorporant des bains thermaux, des piscines, des glissoires d’eau, des saunas, des bains turc[s], des installations de piscine d’eau minérale et de spa, services de soins de santé et de beauté offerts par des spas santé, des saunas, des salons de beauté, des sanatoriums, des salons de coiffure et des salons de massage, services de traitement médical offerts par un spa santé, services de massage, d’hydrothérapie et de luminothérapie ainsi que services cosmétiques de bronzage, et services d’évaluation du rendement dans le domaine de la bonne condition physique; Exploitation de centres de santé et de bien‑être qui offrent des services de spa santé pour la santé et le bien‑être du corps et de l’esprit; Exploitation de centres de spa santé, de bains thermaux et d’espaces récréatifs, en l’occurrence de spas.

LMC1110502

 

Produits:

3 (1) Cosmétiques.

5 (2) Compléments alimentaires pour la santé et le bien-être en général, et pour favoriser une récupération musculaire plus rapide après l’exercice; Produits de santé, à savoir des suppléments nutritionnels, botaniques et à base de plantes pour la santé et le bien-être en général, et pour favoriser une récupération musculaire plus rapide après l’exercice; Produits de santé, à savoir l’eau thermale.

32 (3) Les produits de santé, à savoir les eaux de source, minérales, vitaminées et aromatisées, et leurs combinaisons, les boissons et jus de fruits et de légumes et leurs combinaisons, les boissons pour sportifs, les boissons énergisantes, les boissons rafraîchissantes sans alcool.

Services:

35 (1) Gestion des affaires et gestion hôtelière; vente au détail de cosmétiques, de suppléments alimentaires et de produits de santé.

37 (2) Aménagement et construction de centres de spa santé, de centres de santé et de bien‑être qui offrent des services de spa santé pour la santé et le bien‑être du corps et de l’esprit, de bains thermaux, d’hôtels et d’espaces récréatifs, en l’occurrence de spas, de bains de natation, de parcs aquatiques, de glissoires d’eau, de jardins aménagés, d’aires de jeu pour enfants, de terrains pour les sports de balles et d’aires de mise à l’eau pour véhicules nautiques.

39 (3) Exploitation d’aires de mise à l’eau pour véhicules nautiques.

41 (4) Exploitation d’espaces récréatifs, en l’occurrence de bains de natation, de parcs aquatiques, de glissoires d’eau, de jardins aménagés, d’aires de jeu pour enfants et de terrains pour les sports de balles; exploitation de bains de natation, de parcs aquatiques, de glissoires d’eau, de jardins aménagés, d’aires de jeu pour enfants et de terrains pour les sports de balles.

42 (5) Aménagement de centres de spa santé, de centres de santé et de bien-être qui offrent des services de spa santé pour la santé et le bien-être du corps et de l’esprit, de bains thermaux, d’hôtels et d’espaces récréatifs, en l’occurrence de spas, de bains de natation, de parcs aquatiques, de glissoires d’eau, de jardins aménagés, d’aires de jeu pour enfants, de terrains pour les sports de balles et d’aires de mise à l’eau pour véhicules nautiques.

43 (6) Services de restaurant, services de comptoir de plats à emporter et services de casse-croute, nommément services de bar et de café; Services d’hôtel; Exploitation d’hôtels.

44 (7) Centres de spa santé incorporant des bains thermaux, des piscines, des glissoires d’eau, des saunas, des bains turc[s], des installations de piscine d’eau minérale et de spa, services de soins de santé et de beauté offerts par des spas santé, des saunas, des salons de beauté, des sanatoriums, des salons de coiffure et des salons de massage, services de traitement médical offerts par un spa santé, services de massage, d’hydrothérapie et de luminothérapie ainsi que services cosmétiques de bronzage, et services d’évaluation du rendement dans le domaine de la bonne condition physique; Exploitation de centres de santé et de bien‑être qui offrent des services de spa santé pour la santé et le bien‑être du corps et de l’esprit; Exploitation de centres de spa santé, de bains thermaux et d’espaces récréatifs, en l’occurrence de spas.

 


ANNEXE « B » – LES ENREGISTREMENTS THERMËA

 

Enregistrements THERMËA

No d’enregistrement

Produits/Services

THERMËA

LMC897305

Produits:

4 (1) Chandelles;

21 (2) Bouteilles d'eau;

25 (3) Robes de chambre; sandales.

Services:

35 (1) Exploitation d'une boutique offrant des robes de chambre et sandales;

43 (2) Services de resto-bar;

44 (3) Exploitation d'un spa et centre de bien-être offrant des services de saunas, bains thérapeutiques, bains à remous et bains froids, bains de vapeur, bain flottant, massages relaxants et thérapeutiques; soins corporel pour visage, corps et pieds.

THERMËA & DESSIN

LMC897306

Produits:

(1) Bouteilles d'eau; robes de chambre; sandales; chandelles.

Services:

(1) Exploitation d'un spa et centre de bien-être offrant des services de saunas, bains thérapeutiques, bains à remous et bains froids, bains de vapeur, bain flottant, massages relaxants et thérapeutiques; soins corporel pour visage, corps et pieds; services de resto-bar; exploitation d'une boutique offrant des robes de chambre et sandales.

 

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