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Date: 20060120

Dossier: T-611-04

Référence: 2006 CF 55

ENTRE:

MICHEL VENNAT

Demandeur

- et -

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE HUGESSEN

[1]                La requête du Procureur général du Canada présentée en vertu de la règle 369 vise dans un premier temps à obtenir des directives de la Cour relativement à la règle 302 et dans un second temps, à expurger du dossier de nombreux paragraphes de l'affidavit de M. Michel Vennat ( « le demandeur » ), ainsi que plusieurs pièces alléguées au soutien de cet affidavit, et d'expurger du dossier l'affidavit de M. Denis Desautels, ancien Vérificateur général du Canada.

[2]                Pour ce qui a trait à la règle 302, il est exact que M. Vennat demande le contrôle judiciaire de deux décrets de la Gouverneure générale en Conseil. Le premier décret daté du 24 février 2004, numéro C.P. 2004-147 (le « Décret de suspension » ), a suspendu le demandeur, sans solde et pour une période indéterminée, de son poste de président de la Banque de développement du Canada ( « BDC » ). Le deuxième décret daté du 12 mars 2004, numéro C.P. 2004-225 (le « Décret de congédiement » ) a mis fin à la nomination du demandeur à titre de président de la BDC. Selon la règle 302, une demande de contrôle judiciaire ne peut porter que sur une seule ordonnance pour laquelle une réparation est demandée sauf ordonnance contraire de la Cour.

[3]                M. Vennat constate que les décrets constituent un continuum des décisions et que la jurisprudence établie que la règle 302 ne s'applique pas à une telle situation (Khadr c. Canada (Ministre des Affaires étrangères), [2004] A.C.F. no 1391; Truehope Nutritional Support Ltd. c. Canada (Procureur général), [2004] A.C.F. no 806 [ « Truehope » ]).

[4]                À mon avis, la Cour devra autoriser M. Vennat à contester les deux décrets dans le cadre d'une seule demande de contrôle judiciaire. D'après moi, il est évident que les décrets constituent un continuum des décisions. Les deux décrets étaient publiés par un seul organisme décideur, la Gouverneure générale en Conseil. Le Décret de suspension et le Décret de congédiement portent sur les mêmes faits, et M. Vennat recherche les mêmes mesures de redressement. Il est clair que les deux décrets englobent une seule situation, à savoir la conduite de M. Vennat dans le licenciement de M. François Beaudoin. En outre, dans ce cas, exiger que deux demandes de contrôle judiciaire distinctes soient présentées constituera une inutile perte de temps et de ressources. Bref, la Cour devra ordonner que cette demande de contrôle judiciaire porte sur les deux décrets de la Gouverneure générale en Conseil.

[5]                Quant au second volet de la requête, il est clair qu'il existe un litige sérieux entre les parties concernant la compétence de la Gouverneure générale en Conseil et concernant l'équité procédurale. En plus, en considérant la nature particulière de cette demande de contrôle judiciaire, il est prématuré d'expurger du dossier les paragraphes contenant des allégations de droit ou d'opinion. À mon avis, il sera préférable de laisser les affidavits et pièces en question à l'appréciation du juge chargé de trancher la demande de contrôle judiciaire sur le fond (Lominadze c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 115, paragraphe 23; Ordre des architectes de l'Ontario c. Assn. of Architectural Technologists of Ontario (C.A.), [2003] 1 C.F. 331 (C.F.A.)).

[6]                En fait, la jurisprudence suggère que cette Cour n'a pas le pouvoir de radier des affidavits dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire (Lominadze c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 115, paragraphe 23; Ye c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [2000] A.C.F. no 1461, paragraphe 6). Le jugement rendu dans l'affaire Pfizer Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), [2004] A.C.F. no 1833, 2004 CF 1526, offre un excellent sommaire de la jurisprudence concernant la radiation des affidavits au paragraphe 21:

En ce qui a trait à la conclusion du protonotaire selon laquelle il appert de la jurisprudence prépondérante que la décision de radier des affidavits dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire devrait être laissée au juge du fond, j'estime qu'il a bien interprété et appliqué le droit. J'invoque Lominadze c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (1998), 143 F.T.R. 310, Bande de Sawridge c. Canada, [2003] 3 C.F. D11, et Dupuis c. Canada (1998), 152 F.T.R. 82 (protonotaire). Le protonotaire n'a commis aucune erreur susceptible de révision à cet égard.

[7]                Cette règle s'accorde avec les motifs de David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc. (C.A.), [1998] 1 C.F. 588, qui indique au paragraphe 12 que « les requêtes en contrôle judiciaire doivent parvenir au stade de l'audition le plus rapidement possible » .

[8]                Bref, je crois qu'il serait injuste et inopportun de radier les affidavits à ce moment. Le juge qui entendra la demande de contrôle judiciaire pourra examiner la question de l'admissibilité des affidavits et des pièces en annexe. Il n'y a pas lieu d'accorder des frais à l'une ou à l'autre des parties.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que:

1.          En dépit des termes de la règle 302, le demandeur est autorisé à exercer le présent recours.



2.          Le juge qui entendra la demande de contrôle judiciaire statuera sur toute question concernant l'admissibilité de la preuve.

3.         Aucune ordonnance sur les frais.


« James K. Hugessen »

Juge

Ottawa (Ontario)

Signé le 20 janvier 2006


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-611-04

INTITULÉ :                                        MICHEL VENNAT c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

REQUÊTE PAR ÉCRIT SELON À LA RÈGLE 369         

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        LE JUGE HUGESSEN

DATE DES MOTIFS :                       Le 20 janvier 2006

PRÉTENTIONS ÉCRITES:

ME LOUIS P. BÉLANGER et

ME PATRICK GIRARD

POUR LES DEMANDEUR

ME MARTINE L. TREMBLAY et

ME ALEXANDRE BROSSEAU-WERY

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

STIKEMAN ELLIOTT

MONTRÉAL (QUÉBEC)

POUR LE DEMANDEUR

KLUGER KANDESTIN, s.e.n.c.r.l.

MONTRÉAL (QUÉBEC)

POUR LE DÉFENDEUR

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