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Date : 20241023


Dossier : IMM-12890-22

Référence : 2024 CF 1677

Ottawa (Ontario), le 23 octobre 2024

En présence de l'honorable monsieur le juge Lafrenière

ENTRE :

JULIO CÉSAR RODRIGUEZ CORTES

ERNESTO RODRIGUEZ CORTES

DIANA BERNARDA RODRIGUEZ CORTES

partie demanderesse

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET L'IMMIGRATION

partie défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Les demandeurs, Julio César Rodriguez Cortes [demandeur principal], Diana Bernarda Rodriguez Cortes et Ernesto Rodriguez Cortes [demandeurs associés], sont frères et sœurs et des citoyens de la Colombie. Ils craignent la persécution aux mains du groupe paramilitaire Los Rastrojos en raison de leurs opinions politiques et de leur soutien au Dr Gustavo Petro, alors sénateur et candidat présidentiel.

[2] La Section de la protection des réfugiés [SPR] a rejeté la demande d’asile des demandeurs, estimant qu’ils n’avaient pas prouvé de manière crédible le bien-fondé de leurs allégations. La SPR a également conclu que le comportement du demandeur principal était incompatible avec la crainte qu’il allègue en ce qu’il serait retourné volontairement en Colombie en mai 2018, après son voyage aux États–Unis et ce, alors qu’il aurait reçu des menaces en janvier 2018, et sachant que son frère et sa sœur auraient également été menacés et battus en février et mars 2017 en raison de leur soutien au Dr Petro. De plus, la SPR a jugé que le délai d’attente de plusieurs mois des demandeurs associés pour entamer les démarches pour quitter la Colombie, alors même que l’un de leurs frères est déjà au Canada au moment où se produisent les éléments déclencheurs de leur crainte alléguée, est constitutif d’un comportement incompatible avec celle-ci.

[3] Suite à sa propre évaluation de l’ensemble du dossier, la Section d’appel des réfugiés [SAR] conclut, contrairement à la SPR, que les demandeurs ont démontré selon la prépondérance des probabilités avoir été menacés pour leur engagement politique envers le parti Colombia Humana. Bien que la SAR considère les demandeurs crédibles quant à leur engagement politique et les menaces reçues, la SAR estime que la crainte prospective n’est pas établie. Tout comme la SPR, la SAR est d’avis que le comportement subséquent des demandeurs était incompatible avec la crainte de persécution qu’ils allèguent et démontre une absence de crainte subjective et objective. La SAR tient compte notamment d’un changement de circonstances important, soit la prise de pouvoir du Dr Petro survenu après la décision de la SPR.

[4] Selon les demandeurs, en l’absence d’une conclusion généralement défavorable quant à la crédibilité, la conclusion de la SAR que les demandeurs n’ont pas de crainte subjective est déraisonnable. Je ne suis pas d’accord.

[5] L’évaluation d’une demande d’asile au titre des articles 96 ou 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c27 [LIPR] est un exercice prospectif. La question que soulève la revendication du statut de réfugié n’est pas celle de savoir si le revendicateur a déjà eu, dans le passé, des motifs de craindre la persécution, « mais bien celle de savoir s’il a aujourd’hui, au moment où l’on statue sur sa revendication, des motifs sérieux de craindre d’être persécuté dans l’avenir » (Mileva c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1991 CanLII 13529 (CAF), [1991] 3 CF 398 (CA) à la page 404; AB c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 450 au para 29).

[6] Les demandeurs réitèrent devant cette Cour les mêmes explications présentées à la SAR, mais non retenues, et soumettent qu’à leur avis leurs explications concernant leur comportement auraient dû être jugées satisfaisantes. Il appartenait pourtant à la SAR et non aux demandeurs d’apprécier la preuve. Bien que les demandeurs ne soient pas d’accord avec les conclusions de la SAR, ils ne démontrent pas pour autant que les conclusions tirées par la SAR sont déraisonnables.

[7] Au vu du dossier dont elle disposait, il était loisible pour la SAR de conclure que le fait que le demandeur principal soit retourné en Colombie, malgré les menaces subies, témoigne d’une absence de crainte subjective. La jurisprudence est constante à l’effet que le retour volontaire d’un revendicateur dans son pays d’origine est un comportement incompatible avec l’existence d’une crainte subjective (Munoz c. Canada [Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration], 2006 CF 1273 (CanLII) au para 20).

[8] Quant aux demandeurs associés, la SAR a analysé leurs différents comportements et a notamment relevé qu’ils ne se cachaient pas à Velez après l’agression en mars 2017. Puisque leur témoignage se contredisait à cet égard, la SAR avait raison de douter de la véritable raison de leur relocalisation à Velez. Il en va de même pour leurs explications quant au retard à quitter la Colombie que la SAR a jugé insatisfaisantes. Encore une fois, la Cour ne voit aucune erreur dans la conclusion de la SAR que la raison ultime ayant poussé les demandeurs associés à quitter la Colombie n’est pas reliée à leur implication politique.

[9] À mon avis, la SAR pouvait raisonnablement conclure que, compte tenu du passage du temps et du profil politique peu important des demandeurs en comparaison avec celui des personnes ciblées telles que décrites dans la preuve documentaire, les demandeurs n’avaient pas démontré une possibilité raisonnable de persécution ou un risque en vertu de l’article 96 ou l’article 97 de la LIPR advenant leur retour en Colombie.

[10] La conclusion de la SAR se fonde raisonnablement sur des éléments de preuve au dossier. Il ressort de la preuve que les personnes qui ont été persécutées durant la période électorale en raison de leur soutien à la gauche politique étaient des personnes influentes, grandement impliquées et occupaient des rôles de leader au sein du parti, soit des profils qui ne s’apparentent pas à celui du demandeur principal. De plus, depuis la prise de pouvoir du Dr Petro, la preuve ne permet pas d’établir que les membres de Colombia Humana seraient persécutés.

[11] La Cour est d’avis que la décision de la SAR est transparente, intelligible et justifiée par les faits et par le droit applicable. En conséquence, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[12] Le présent dossier ne soulève aucune question grave de portée générale qui mérite d’être certifiée.


JUGEMENT dans le dossier IMM-12890-22

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. L'intitulé de la cause est modifié pour que le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration soit désigné comme le défendeur approprié.

  3. Il n’y a aucune question d’importance générale à certifier.

 

« Roger R. Lafrenière »

 

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-12890-22

INTITULÉ :

JULIO CÉSAR RODRIGUEZ CORTES ET AL c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 21 août 2024

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE LAFRENIÈRE

DATE DES MOTIFS :

LE 23 octobre 2024

COMPARUTIONS :

Me Nancy Cristina Munos Ramirez

Pour LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Zoé Richard

Pour lA partie dÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Roa Services Juridiques

Montréal (Québec)

Pour LA PARTIE DEMANDERESSE

Procureure générale du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour lA partie dÉFENDERESSE

 

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