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Date : 20060105

Dossier : IMM-20-06

Référence : 2006 CF 14

Ottawa (Ontario), le 5 janvier 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLAIS

ENTRE :

JARADA Alaa

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

ET

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeurs

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une requête visant à obtenir un sursis de l'exécution d'un ordre de déportation communiqué au demandeur le 30 décembre 2005.

[2]                 Le demandeur a été convoqué à l'aéroport le 18 décembre 2005 pour son renvoi. Il ne s'est pas présenté et un mandat d'arrestation a été émis contre le demandeur deux jours plus tard, soit le 20 décembre 2005.

[3]                 Le 22 décembre 2005, le demandeur a été arrêté et il est détenu depuis cette date. Le demandeur a déposé un certificat médical attestant qu'il a été hospitalisé le 18 décembre 2005, ce qui explique pourquoi il ne s'est pas présenté.

[4]                 Quoiqu'il en soit, il est sorti de l'hôpital deux jours plus tard, avant qu'il soit arrêté.

[5]                 Le 23 décembre 2005, le demandeur a vu sa détention révisée par un commissaire ainsi que le 30 décembre 2005, soit sept jours plus tard.

[6]                 Le 30 décembre 2005, le demandeur a été avisé que son départ était maintenant prévu pour le 6 janvier 2006.

[7]                 Cet avis qui lui a été donné le 30 décembre 2005, à l'effet qu'il serait déporté le 6 janvier 2006, est l'objet d'une demande de contrôle judiciaire et est la demande sous-jacente à cette demande de sursis.

[8]                 Pour réussir, le demandeur doit démontrer qu'il existe une question sérieuse à débattre et à cet effet, la partie défenderesse a soumis qu'il n'y avait aucune ordonnance ou décision administrative qui était l'objet d'une contestation judiciaire puisque aucune preuve n'a été déposée à l'effet que le demandeur contestait la demande du 30 décembre ou encore qu'une demande, verbale ou écrite, avait été adressée à l'agent de renvoi pour lui demander de différer sa décision.

[9]                 Le demandeur a, d'entrée de jeu, déposé une objection à l'effet que la demande de sursis devait être rejetée puisqu'il n'existait aucune demande sous-jacente.

[10]            À cet effet, le demandeur se réfère à la décision Dung Tran c. M.C.I., 2005 CF 394, rendue par mon collègue le juge de Montigny. Ce dernier est arrivé à la conclusion qu'une mesure de renvoi ou l'établissement d'une date de renvoi n'était pas une décision susceptible de contrôle judiciaire. Dans le dossier Tran cependant, le demandeur avait présenté deux demandes sous-jacentes et la seconde demande contestait la décision ERAR, ce qui n'est pas le cas dans le présent dossier, puisque la décision ERAR n'a jamais été contestée.

[11]            Quant à la date de renvoi, le juge de Montigny soutient dans son jugement au paragraphe 2 :

La demande d'autorisation sous-jacente a également pour objet de contester l'ordre de se présenter en vue d'être renvoyé le 22 mars 2005. Or, comme il ne s'agit pas d'une décision ou d'une ordonnance, cet ordre n'est pas visé au paragraphe 18.1(2) de la Loi sur la Cour fédérale et ne peut donc pas faire l'objet d'un contrôle judiciaire. Il semble que le demandeur n'ait jamais demandé à l'agent chargé de son expulsion ou à l'agent d'escorte qui lui a signifié l'ordre de se présenter de repousser son renvoi. En conséquence, la présente requête qui vise à obtenir un sursis de l'exécution de la mesure de renvoi sera traitée comme si la demande de contrôle judiciaire sous-jacente avait seulement pour objet de contester la décision relative à l'ERAR.

[12]            Évidemment, dans le cas qui nous occupe, puisque la seule demande sous-jacente à la demande de requête en sursis présentée par le demandeur vise une mesure de renvoi, la partie défenderesse suggère que la demande de sursis doit être rejetée vu l'absence d'une demande sous-jacente.

[13]            Je suis d'accord avec les prétentions de la partie défenderesse puisque rien dans la preuve ne démontre que des démarches ont été entreprises, soit verbalement ou encore par écrit, pour inciter l'agent de renvoi à accorder un sursis administratif ou à repousser la date de départ.

[14]            Bien que les pouvoirs de la Cour fédérale soient étendus en matière de contrôle judiciaire, il faut aussi réaliser que les décisions doivent se prendre dans un contexte pratique.

[15]            Si à chaque fois qu'un agent d'un ministère, que ce soit de la Citoyenneté et de l'Immigration ou encore de quelque organisme gouvernemental que ce soit, émette une directive d'un caractère purement administratif et que chacune de ces directives administratives deviennent l'objet d'un recours en contrôle judiciaire, c'est l'administration entière des entités fédérales qui pourrait être compromise rendant son efficacité tout à fait nulle.

[16]            Loin de conclure que les décisions administratives fédérales échappent au pouvoir de contrôle judiciaire de la Cour fédérale, mon commentaire qui est également un appui à la décision du juge de Montigny rendue dans Tran, supra, vise simplement à préciser que pour être l'objet de révision établi par le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, il doit s'agir d'une décision ou d'une ordonnance.

[17]            Bien que la conclusion à laquelle j'en arrive sur le point précédent de décider immédiatement que cette requête en vue d'obtenir un sursis doit être rejetée à sa face même, j'ai quand même examiné, en prenant pour acquis pour fins d'analyse que l'avis de renvoi était une décision ou une ordonnance au sens de l'article 18.1(2) de la Loi, s'il existait une question sérieuse.

[18]            À mon avis, le demandeur n'a pas réussi à me convaincre qu'il pouvait exister une question sérieuse à débattre si la Cour devait réviser l'ordre de renvoi émis le 30 décembre 2005. En effet, le demandeur a échoué dans sa tentative de demande de statut de réfugié, à la fois devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et à la fois devant la Cour fédérale. Quant à sa demande ERAR, elle a également été rejetée et aucune demande de contrôle judiciaire n'a été déposée. Il faut se rappeler que le demandeur n'a pas été trouvé crédible.

[19]            Le demandeur a repris essentiellement une analyse des dossiers qui ont déjà été débattus devant la Commission du statut de réfugié tout comme devant la Cour fédérale et malheureusement, ces questions ont déjà été examinées; il ne revient pas à la Cour sur une demande de sursis, de réouvrir un processus de révision des décisions déjà rendues.

[20]            Quant à la décision prise par l'agent de renvoi le 30 décembre 2005, le mémoire du demandeur ne reproche rien de spécifique à l'agent de renvoi. D'ailleurs, aucune demande de différer sa décision ne lui a été faite. Le fait que le demandeur a déposé, quelques jours avant, une demande de résidence permanente pour des motifs humanitaires, n'est pas non plus suffisant puisque cette dernière a été déposée le lendemain de son arrestation, soit cinq jours après la date prévue pour son renvoi. Il s'agit d'une demande déposée à la dernière minute et ne peut être jugée comme ayant été déposée en temps opportun, considérant que le demandeur est déjà au Canada depuis plus de trois ans.

[21]            Il n'y a donc aucune question sérieuse à débattre.

[22]            Quant au préjudice irréparable, le demandeur reprend essentiellement les arguments soulevés devant la Commission de l'immigration, devant la Cour fédérale et devant l'agent ERAR, lesquelles allégations ont déjà toutes été rejetées. Le fait de soulever que les autorités syriennes doivent être avisées quelques jours à l'avance de l'arrivée du demandeur, est davantage lié au fait que le demandeur est expulsé du Canada et que deux agents l'accompagneront au moment de son expulsion.

[23]            Les mandats d'arrêt qui ont été déposés et dont la valeur probante a été mise en doute lors d'auditions précédentes, semblent liés à des infractions administratives commises par le demandeur à l'occasion de son travail lorsqu'il était en Syrie et il n'y a pas de preuve à l'effet que le demandeur sera détenu, incarcéré ou même torturé lors de son retour en Syrie. Au contraire, les allégations de risques ont été rejetées dans toutes les instances.

[24]            Le demandeur ne m'a donc pas convaincu qu'il existait un préjudice irréparable s'il était retourné dans son pays d'origine.

[25]            Quant à la balance des inconvénients, elle favorise nettement le ministre qui a l'obligation en vertu de l'article 48 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés d'exécuter une mesure de renvoi dès que les circonstances le permettent.

[26]            Quand au dépôt tardif d'une preuve à caractère médical, la Cour a autorisé le dépôt de ce document, mais il semble que le demandeur a reçu son congé de l'hôpital en dedans de 48 heures et que le rapport précise qu'une médication, dans les circonstances, est appropriée. Bien que la lecture de ce rapport médical soit préoccupante, il n'y a pas de recommandation précise de la part du médecin, à l'effet que le processus de déportation doive être interrompu ou annulé. Il n'y a pas de preuve non plus au dossier à l'effet que son pays d'origine, la Syrie, ne serait pas en mesure de lui accorder les soins appropriés suivant son état.

[27]            En conséquence, la demande de sursis ne peut être accueillie.

ORDONNANCE

            LA COUR ORDONNE QUE :

            La demande de sursis soit rejetée.

« Pierre Blais »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        IMM-20-06

INTITULÉ :                                        JARADA Alaa c. Ministre de la sécurité publique et de la protection civile et le Ministre de la citoyenneté et de l'immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Ottawa, Ontario

DATE DE L'AUDIENCE :               Entendu par appel conférence le 5 janvier 2006

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE: LE JUGE BLAIS

DATE DES MOTIFS :                      5 janvier 2006

COMPARUTIONS:

Me Anthony Karkar

POUR LE DEMANDEUR

Me Alexandre Tavadian

POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Me Anthony Karkar

Montréal (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LES DÉFENDEURS

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