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Date : 20051230

Dossier : T-432-05

Référence : 2005 CF 1743

Montréal (Québec), le 30 décembre 2005

EN PRÉSENCE DE ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

ENTRE :

IPL INC.

demanderesse

(défenderesse reconventionnelle)

et

HOFMANN PLASTICS CANADA INC.

défenderesse

(demanderesse reconventionnelle)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit en l'espèce dans le cadre d'une action en contrefaçon d'un brevet d'une requête de la demanderesse et défenderesse reconventionnelle (la demanderesse) en vertu de la règle 181 des Règles des Cours fédérales (les règles) afin que la défenderesse et demanderesse reconventionnelle (la défenderesse) fournisse des précisions supplémentaires à l'égard de quatre paragraphes de sa défense et demande reconventionnelle (la défense).

Règles de droit en matière de détails

[2]                Les normes que doivent respecter les plaidoiries en ce qui concerne les détails sont énoncées aux règles 174 et 181(2) des règles. En voici le texte :

     174. Tout acte de procédure contient un exposé concis des faits substantiels sur lesquels la partie se fonde; il ne comprend pas les moyens de preuve à l'appui de ces faits.

  

     174. Every pleading shall contain a concise statement of the material facts on which the party relies, but shall not include evidence by which those facts are to be proved.

     181.(2) La Cour peut, sur requête, ordonner à une partie de signifier et de déposer des précisions supplémentaires sur toute allégation figurant dans l'un de ses actes de procédure.

     181.(2) On motion, the Court may order a party to serve and file further and better particulars of any allegation in its pleading.   

[3]                Dans la décision Glaxo Canada Inc. c. Ministère de la Santénationale & du Bien-être social du Gouvernement du Canada et autres (1987), 15 C.P.R. (3d) 1 (C.F. 1ère inst.), à la page 10, le juge Rouleau fait la remarque suivante en ce qui concerne l'exigence applicable en matière de précisions :

Des plaidoiries adéquates définissent avec précision et clarté la question en litige entre les parties. Les deux parties ont droit à un avis juste de la preuve qu'elles doivent faire pour pouvoir produire des éléments de preuve pertinents aux questions révélées par les plaidoiries.

[4]                Cependant, toute demande de précisions paraît également faire l'objet de certaines restrictions. En un mot, avant de rendre une ordonnance en la matière, la Cour doit se demander si une partie dispose de renseignements suffisants pour comprendre la thèse de la partie adverse et préparer une réponse adéquate, qu'il s'agisse d'une défense ou d'une réponse. (Voir Astra Aktiebolag c. Inflazyme Pharmaceuticals Inc. (1995), 61 C.P.R. (3d) 178 (C.F. 1ère inst.), à la page 184.)

[5]                Dans la décision Embee Electronic Agencies Ltd. c. Agence Sherwood Agencies Inc. et al. (1979), 43 C.P.R. (2d) 285 (C.F. 1re inst.), à la page 287, le juge Marceau explique dans quelle mesure la partie défenderesse est en droit d'obtenir, à l'étape des plaidoiries, des détails quant à la preuve de la partie demanderesse. J'estime que les observations suivantes du juge Marceau peuvent s'appliquer, avec les adaptations nécessaires, à la demande de détails présentée par la demanderesse au sujet de la défense :

À ce stade préliminaire, un défendeur a le droit d'obtenir tous les détails qui lui permettront de mieux saisir la position du demandeur, de savoir sur quoi se fonde l'action contre lui et de comprendre les faits sur lesquels elle s'appuie, afin de pouvoir répondre intelligemment à la déclaration et énoncer correctement les moyens sur lesquels il appuie sa propre défense, mais il n'a pas le droit d'aller plus loin et d'en demander plus.

[Non souligné dans l'original.]

Analyse

[6]                La défenderesse souligne d'entrée de jeu que l'on doit se montrer sévère à l'égard de cette requête de la demanderesse puisque cette dernière n'a pas appuyé réellement sa requête d'un affidavit exposant avec précision les raisons pour lesquelles elle n'avait pas été en mesure de donner des instructions à son avocat en vue de sa réponse.

[7]                Bien que ce rappel de la défenderesse soit valable, il n'est pas nécessairement fatal dans tous les cas. Comme l'a indiqué la Cour dans l'arrêt Covington Fabrics Corp. c. Master Fabrics Ltd. (1993), 48 C.P.R. (3d) 521, à la page 522 :

The absence of a request and of an affidavit setting out with some particularity what particulars are required can be waived if the need for particulars is obvious from the file. That the party cannot plead without the particular might also be obvious from the file and that the party does not have the particulars might be assumed in a proper case.

(Voir également l'affaire Omark Industries Inc. c. Windsor Machine Co. Ltd. (1980), 56 C.P.R. (2d) 111, à la page 112, au bas de la page).

[8]                En l'espèce, j'estime que la nécessité d'obtenir certaines des précisions recherchées est évidente dans le dossier.

[9]                Quant au paragraphe 6 de la défense, la demanderesse reproche à la défenderesse de ne pas y dévoiler les faits substantiels sur lesquels elle se fonde pour nier contrefaçon du brevet en litige. En d'autres termes face au paragraphe 6 de la défense, la demanderesse veut savoir essentiellement quels éléments décrits au brevet ne sont pas intégrés aux produits de la défenderesse.

[10]            Le paragraphe 6 de la défense se lit comme suit :

6. Hofmann Plastics denies that any of the products made, distributed and sold by it in Canada infringe any of the claims of the '225 Patent. In particular, the Hofmann Plastics products do not have the essential elements of any of the claims of the '225 Patent, as set out in those claims and as described above.

[11]            Ce paragraphe 6 ne doit toutefois pas être lu isolément, et, à cet égard, ledit paragraphe se réfère indirectement au paragraphe 5 de la défense qui lui, je pense, identifie à ses alinéas (a) à (c), en l'absence d'affidavit de la demanderesse au contraire, suffisamment d'éléments pour permettre à la demanderesse de répondre intelligemment à la défense. Le paragraphe 5 de la défense se lit :

5. The '225 Patent claims a specific tamper-evident container and closure combination with specific essential elements including at least:

(a)         The claimed container must consist of a body having a bottom wall and side walls joined with rounded corners;

(b)         the claimed container must display a continuous peripheral flange including a horizontal portion projecting outwardly from the side walls and rounded corners, said flange being integrally connected to the side walls and rounded corners; and

(c)         there must be gap means in the connection of the continuous and integrally-connected flange at at least one corner of the claimed container to weaken and render breakable the corner connection.

[12]            Le paragraphe 6 de la défense n'aura alors pas à être précisé davantage.

[13]            L'autre attaque de la demanderesse porte sur le paragraphe 9 de la défense qui se lit :

9.         In addition, the 225 Patent is invalid for obviousness in light of the prior art references cited in the proceeding paragraph and the common general knowledge of persons skilled in the art.

[14]            Les pièces d'art antérieur auxquelles la défenderesse se réfère au paragraphe 9 de sa défense sont au nombre de cinq (5) et se trouvent listées, sans détails, au paragraphe 8 de la défense.

[15]            La défenderesse soutient dans ses représentations écrites à l'encontre de la présente requête que le nombre de pièces d'art antérieur est donc peu élevé et que les brevets en cause sont brefs et simples. Je ne suis toutefois pas prêt à éviter à la défenderesse d'avoir à préciser davantage ledit paragraphe 9. Je suis au contraire d'accord avec la demande de précisions de la demanderesse et je considère que la situation à sa face même doit une fois de plus être gouvernée par les propos suivants tirés de l'arrêt Machineries Tenco Ltée v. Weldco-Beales Manufacturing Ltd. (1996), 69 C.P.R. (3d) 78, pages 79-80; propos qui s'appliquent même si la défenderesse soutient que les brevets ici visés sont peu nombreux et simples dans tous leurs aspects :

Defendant's counsel also contended that the invention reflected in each of the patents relied on in paragraph 17 of the statement of defence is a simple one and, therefore, no further particularization was required to allow the Plaintiffs to plead intelligently. I was referred in that regard to the case of Parker et al. v. G. M. Gest Ltd. et al. (1951), 15 C.P.R. 76, inwhich Senior Master Marriott refused to order most of the particulars sought on the basis that the patent in suit was not of a sufficiently complicated nature to warrant particularization.

However, as Walsh J. ruled in Bror With, supra, I am not prepared here to conclude that the inventions relied upon by the Defendant in paragraph 17 of its statement of defence are "... so simple that the judgment in theParker case should be followed" (at 8). In addition, I am of the opinion that the situation at bar should be governed by the following comments of Jerome A.C.J. in the case of T.J. Smith & Nephew Ltd. et al. v. Deseret Canada Inc. et al. (1984), 78 C.P.R. (2d) 227, at 228:

The defendants contend that since the invention is not complex and since the number of patents is not great, the pleading is sufficient and that the plaintiffs are not placed under an unreasonable burden. I have recently canvassed the jurisprudence on the issue of sufficiency of pleadings in the cases of FMC Corp. et al. v. Canadian Pneumatic Tool Co. (Ltd.) et al.; B & J Mfg. Co. v. Canadian Pneumatic Tool Co. (Ltd.) et al. and for the reasons set out there, I must reject the defendants' contention.

[16]            En conséquence, dans les trente (30) jours de la date des présents motifs d'ordonnance et ordonnance, la défenderesse devra quant au paragraphe 9 de la défense préciser à la demanderesse :

Sur quels éléments de chacune des pièces d'art antérieur référées au paragraphe 8 Hofmann se base pour prétendre que le Brevet '225 est évident pour une personne versée dans l'art de l'invention décrite audit brevet.

[17]            La dernière attaque de la demanderesse porte sur les paragraphes 10 et 11 de la défense qui se lisent :

10.      The 225 Patent is also invalid for covetous claiming as the patentee has disclosed and described one closure and container combination having specific attributes, but has claimed so as to include closure and container combinations that are not disclosed or described anywhere in the specification of the 225 Patent.

11.      Further, to the extent that there is an invention disclosed in the 225 Patent, which is denied, the claims of the 225 Patent are broader than any invention actually made or disclosed and, therefore, are invalid.

[18]            Ces paragraphes de la défense font donc référence - sans les lister - à des éléments du brevet qui ne seraient pas listés au mémoire descriptif.

[19]            En ce qui concerne ces paragraphes, la défenderesse soutient qu'ils constituent des attaques techniques contre la validité du brevet qui sont fondées sur l'interprétation des revendications.

[20]            Je suis loin de partager le point de vue de la défenderesse.

[21]            En l'espèce, il faut prendre soin de considérer qu'au plan des actes de procédure, la défenderesse se trouve dans la situation d'une demanderesse lorsqu'il s'agit d'apprécier la suffisance de ses allégations. Comme le dit également le juge Addy dans l'arrêt Caterpillar Tractor Co. c. Babcock Allatt Ltd. (1982), 67 C.P.R. (2d) 135, à la page 137, les affirmations de la défenderesse :

... ne sont pas de simples dénégations d'éléments allégués par la demanderesse et que cette dernière doit prouver, mais, au contraire, [elles] constituent des affirmations d'éléments nouveaux qu'il incombe à la défenderesse de prouver. Celle-ci, en ce qui concerne ces affirmations, est dans la même situation que celle où se trouverait un demandeur qui voudrait faire déclarer nul un brevet.

(Voir également sur ce point l'affaire Bror With c. Ruko of Canada Ltd. (1976), 31 C.P.R. (2d) 3, à la page 5).

[22]            Dans l'affaire B & J Mfg. Co. c. Canadian Pneumatic Tool Co. (1984), 77 C.P.R. (2d) 257, la Cour s'est penchée sur une demande de précisions à l'égard d'une défense et demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon de brevet. Dans son examen de la demande, le juge en chef adjoint Jerome fait observer ce qui suit à la page 259 :

Les points litigieux restants soulèvent des questions que cette Cour a eu beaucoup de mal à résoudre dans le passé. Elles portent sur plusieurs défenses généralement soulevées dans les affaires de contrefaçon par voie de contestation de la validité du brevet litigieux :

1)     emploi antérieur;

2)     publication antérieure;

3)     sciences communes;

4)     manque de distinction;

5)     défaut de révéler en termes clairs les traits distinctifs de l'invention;

6)     le brevet revendique plus que l'invention; et

7)     l'invention est inopérante.

En plaidant les défenses, les défenderesses ont suivi la pratique habituelle d'employer, dans la mesure du possible, les termes mêmes de la loi ou de la jurisprudence, selon le cas. Franchement, le fait que les avocats aient constamment répugné à rattacher de façon plus directe ces défenses générales aux questions particulières litigieuses m'a rendu quelque peu perplexe, et, en principe et en bonne pratique, il semble bien établi qu'on devrait exiger qu'ils le fassent. Je fonde cette conclusion sur le raisonnement de quatre juges de cette Cour ...

[23]            Les quatre juges cités par le juge Jerome sont le juge Jackett dans l'affaire Leithiser et al. v. Pengo Hydra-Pull of Canada Ltd. (1974), 17 C.P.R. (2d) 110, aux pages 115 et 116, le juge Walsh dans l'affaire Bror With, précitée, le juge Marceau dans Mitten et al. c. P. H. Tech Inc. (1982), 63 C.P.R. (2d) 232, à la page 233, et le juge Mahoney dans l'affaire Omark Industries Inc., précitée, aux pages 113 et 114.

[24]            En conséquence, sur le fondement de ces observations générales, il est par la présente ordonné à la défenderesse dans les trente (30) jours de la date des présents motifs d'ordonnance et ordonnance de préciser à la demanderesse quant aux paragraphes 10 et 11 de la défense :

Quels éléments revendiqués au brevet '225 ne sont pas décrits au mémoire descriptif.

[25]            Par ailleurs, la demanderesse devra déposer et signifier sa réponse et défense à la demande reconventionnelle dans les vingt (20) jours de la réception des précisions supplémentaires ici ordonnées.

[26]            Le tout frais à suivre.

« Richard Morneau »

Protonotaire


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-432-05

INTITULÉ :                                        IPL INC. c. HOFMANN PLASTICS CANADA INC.

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                Le 5 décembre 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE :

                                                            Me RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

DATE DES MOTIFS :                       Le 30 décembre 2005

COMPARUTIONS:

Me Alain Y. Dussault

POUR LA DEMANDERESSE

(DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE)

Me Andy Radhakant

POUR LA DÉFENDERESSE

(DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

FASKEN MARTINEAU DuMOULIN

Montréal (Québec)

POUR LA DEMANDERESSE

(DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE)

HEENAN BLAIKIE LLP

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

(DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE

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