Date : 20240809
Dossiers : T-85-22
T-2082-22
Référence : 2024 CF 1247
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 9 août 2024
En présence de monsieur le juge Régimbald
ENTRE :
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ONEX CORPORATION, ONEX CARESTREAM FINANCE LP et 1727655 ONTARIO INC.
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demanderesses
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et
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LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
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défendeur
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Table des matières
III. Les décisions du Ministre
A. La décision de l'ARC dans le dossier T-85-22
B. La décision de l'ARC dans le dossier T-2082-22
(1) Autres motifs de l'ARC se rapportant au paragraphe 220(2.1) de la LIR
(2) Autres motifs de l'ARC se rapportant au paragraphe 220(3) de la LIR
B. L’exercice du pouvoir discrétionnaire du Ministre en vertu du paragraphe 220(3)
(1) La décision de l'ARC sur l'exercice du pouvoir discrétionnaire du Ministre
(3) Les arguments du défendeur sur le caractère raisonnable de la décision de l'ARC
JUGEMENT ET MOTIFS
I. Aperçu
[1] Les demanderesses, Onex Corporation, Onex Carestream Finance LP et 1727655 Ontario Inc. [collectivement « Onex »
], demandent le contrôle judiciaire de deux décisions par lesquelles le ministre du Revenu national [Ministre] a refusé leurs demandes fondées sur les paragraphes 220(2.1) et 220(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e suppl) [LIR], afin qu'elles puissent bénéficier de certaines modifications au régime complexe du revenu étranger accumulé, tiré de biens [RÉATB] de la LIR.
[2] Avant 2014, Onex a mis en place des structures complexes afin de recevoir des dividendes en franchise d'impôt d'une société étrangère affiliée. En 2014, le législateur a adopté la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2014, LC 2014, c 39 [le projet de loi C‐43], qui modifiait le régime du RÉATB en ce qui a trait à certaines organisations commerciales mettant en cause des sociétés de personnes, comme celle établie par Onex [les modifications]. Le paragraphe 21(15) du projet de loi C‐43 fixait la date d'entrée en vigueur des nouvelles règles et prévoyait qu'elles s'appliquaient aux années d'imposition qui se terminent après le 12 juillet 2013, sauf si le contribuable fait le choix prévu au projet de loi C‐43 pour que les modifications soient réputées être entrées en vigueur le 1er janvier 2010 [le choix].
[3] Puisque Onex avait déjà établi une structure complexe qui, à son avis, lui permettait de réaliser l'objectif des modifications, elle a conclu qu'elle bénéficiait déjà des mesures mises en place par les modifications et que le choix était superflu dans sa situation. Au lieu d'exercer le choix de faire appliquer rétroactivement les modifications à l'année 2010 et de produire à nouveau ses états des revenus T5013 de 2012 et 2013 [les états T5013], Onex a simplement continué sa pratique antérieure.
[4] En juin 2020, l'Agence du revenu du Canada [ARC] a établi de nouvelles cotisations à l'égard des années d'imposition 2012 et 2013 d'Onex, entraînant l'ajout de 102 millions de dollars et de 92 millions de dollars respectivement à son revenu pour ces années. Les parties conviennent que, si Onex avait produit le choix en temps utile et que les modifications avaient été appliquées rétroactivement, l'ARC n'aurait pas établi de nouvelles cotisations pour les années d'imposition 2012 et 2013.
[5] Pour corriger la situation, Onex a demandé au Ministre, en vertu du paragraphe 220(2.1) de la LIR, de renoncer à l'obligation de produire le choix afin qu'Onex puisse bénéficier des modifications pour les années d'imposition 2012 et 2013. Subsidiairement, Onex a demandé la permission de produire de nouveaux états pour ces années en vertu du paragraphe 220(3) afin qu'elle puisse modifier ces états en plus de produire le choix requis par le projet de loi C-43.
[6] L'ARC, au nom du Ministre, a rejeté les demandes d'Onex. (Dans les présents motifs, toute mention de l'ARC inclut le Ministre, puisque l'ARC agissait en son nom.) L'ARC a conclu que le Ministre n'avait pas, en vertu du paragraphe 220(2.1) de la LIR, le pouvoir de renoncer au choix. L'ARC a également conclu que le Ministre n'avait pas, en vertu du paragraphe 220(3), le pouvoir d'autoriser Onex à produire de nouveaux états afin de proroger le délai pour exercer le choix prévu par le projet de loi C‐43, car Onex avait déjà produit les états T5013 pour les années 2012 et 2013. Enfin, l'ARC a conclu que même si le Ministre avait, en application du paragraphe 220(3), le pouvoir discrétionnaire d'accepter la production de nouveaux états T5013 pour 2012 et 2013, ainsi que le choix exigé, il n'aurait pas exercé son pouvoir discrétionnaire d'autoriser Onex à le faire.
[7] Pour les motifs qui suivent, les décisions de l'ARC sont déraisonnables. Même si l'ARC a appliqué les principes de l'interprétation des lois, elle a omis de tenir compte du contexte dans lequel les paragraphes 220(2.1) et 220(3) de la LIR avaient été adoptés, du fait que les paragraphes étaient de nature réparatrice, et du fait que les paragraphes avaient été adoptés au titre du « dossier Équité » établi par le législateur afin de conférer au Ministre un vaste pouvoir discrétionnaire de fournir des réparations en cas de préjudice excessif découlant de l'application de la LIR. L'ARC a également omis de tenir compte de l'article 12 de la Loi d'interprétation, LRC 1985, c I‐21, qui dispose que tout texte est censé apporter une solution de droit et s'interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet.
[8] Quant à la décision de l'ARC de refuser d'exercer le pouvoir discrétionnaire du Ministre, l'ARC n'a pas examiné et évalué les conséquences graves auxquelles Onex fait face dans les circonstances, notamment les arguments d'Onex selon lesquels ses structures faisaient qu'elle avait toujours raisonnablement eu l'intention de bénéficier du résultat de fond que le projet de loi C‐43 a accordé par la suite, même sans la production du choix, que ses états de 2012 et de 2013 avaient déjà été produits avant l'adoption des modifications et devaient donc être modifiés, que sa demande ne constituait pas une tentative de planification fiscale rétroactive, et qu'elle avait toujours respecté ses obligations fiscales.
II. Les faits
[9] Lors du calcul de son revenu pour les besoins de la LIR pour ses années d'imposition 2012 et 2013, Onex était assujettie au régime du RÉATB de la LIR. Afin de composer avec ces règles complexes, Onex a établi une structure qui lui permettait de recevoir des sommes sous forme de dividendes en franchise d'impôt, tout en lui permettant de déduire les intérêts versés à un prêteur pour financer ses investissements.
[10] En 2014, le législateur a adopté le projet de loi C‐43. Le projet de loi C‐43 modifiait le régime du RÉATB en ce qui a trait à certaines structures commerciales mettant en cause des sociétés de personnes, comme celles en cause en l'espèce. Le projet de loi C‐43 s'appliquait aux années d'imposition des sociétés étrangères affiliées d'un contribuable qui se terminent après le 12 juillet 2013. Le projet de loi C‐43 permettait également aux contribuables de choisir que les modifications entrent en vigueur le 1er janvier 2010.
[11] Pour exercer le choix en vertu de la disposition d'entrée en vigueur du projet de loi C‐43, le contribuable devait faire le choix par écrit pour toutes ses sociétés étrangères affiliées et présenter le choix au Ministre, accompagné des changements corrélatifs à ses états T5013 si ces états avaient déjà été produits.
[12] Les parties ne nient pas que, si Onex avait produit le choix envisagé par le projet de loi C‐43, l'ARC n'aurait pas établi de nouvelles cotisations à son égard pour les années d'imposition 2012 et 2013, et que si le Ministre avait autorisé Onex à présenter le choix, le différend fiscal entre les parties aurait été réglé.
[13] Toutefois, Onex a décidé de ne pas choisir que les modifications s'appliquent rétroactivement. À son avis, et après avoir consulté des fiscalistes, l'exercice du choix était superflu dans son cas, car ses structures réalisaient déjà l'avantage que le législateur cherchait à étendre aux autres contribuables au moyen du projet de loi C‐43. En outre, les états T5013 d'Onex pour les années d'imposition 2012 et 2013 avaient déjà été produits, et la production du choix aurait donc exigé qu'Onex modifie également ses états. Enfin, selon Onex, l'exercice du choix l'aurait placée dans la même situation fiscale que celle dans laquelle elle se trouvait déjà en raison des structures qu'elle avait établies, et qui, à son avis, étaient conformes à la LIR et aux directives écrites de l'ARC.
[14] En juin 2020, près de cinq ans après la date limite pour produire le choix en application du projet de loi C‐43, l'ARC a établi de nouvelles cotisations à l'égard d'Onex pour ses années d'imposition 2012 et 2013.
[15] Même si Onex croit toujours que son interprétation de la LIR est correcte et qu'elle n'a pas à invoquer les modifications, le 9 juillet 2020, Onex a demandé au Ministre de renoncer à l'obligation de produire le choix en application du paragraphe 220(2.1) de la LIR. En fait, si Onex avait produit le choix en temps utile, l'ARC n'aurait pas établi de nouvelles cotisations pour ses années d'imposition 2012 et 2013.
[16] Le 16 décembre 2021, l'ARC a refusé de renoncer à l'obligation de produire le choix en application du paragraphe 220(2.1) de la LIR.
[17] Le 1er mars 2022, Onex a demandé au Ministre d'exercer son pouvoir discrétionnaire en application du paragraphe 220(3) de la LIR afin de pouvoir produire à nouveau ses états T5013 pour les années d'imposition 2012 et 2013 avec des modifications corrélatives en raison du projet de loi C‐43, ce qui aurait aussi permis à Onex de produire le choix avec les états T5013 modifiés.
[18] Le 9 septembre 2022, l'ARC a refusé la demande d'Onex d'obtenir la permission de produire de nouveaux états avec le choix.
III. Les décisions du Ministre
A. La décision de l'ARC dans le dossier T-85-22
[19] L'ARC s'est fondée sur les principes de l'interprétation des lois pour interpréter le paragraphe 220(2.1) et elle a jugé qu'il n'accordait pas au Ministre le pouvoir discrétionnaire de renoncer à la production du choix. Selon l'ARC, le paragraphe 220(2.1) permet au Ministre de renoncer à la production d'un document « aux termes des dispositions de la [LIR] »
. Toutefois, puisque le choix en l'espèce découle du paragraphe 21(15) du projet de loi C‐43 et non de la LIR, le Ministre n'a pas le pouvoir discrétionnaire de renoncer à la production du choix. En outre, l'ARC a exprimé l'avis que l'obligation de production devait se trouver dans la LIR et non dans une « loi modificatrice »
comme le projet de loi C‐43.
[20] L'ARC a également exprimé l'avis que si le paragraphe 220(2.1) permettait de renoncer à un choix en l'espèce, il permettrait de renoncer à un choix qui n'est pas visé par le paragraphe 220(3.2) de la LIR et l'article 600 du Règlement de l'impôt sur le revenu, CRC, c 945 [Règlement]. Le paragraphe 220(3.2) de la LIR accorde au Ministre le pouvoir discrétionnaire de proroger le délai pour la production d'un choix ou pour modifier ou révoquer un choix visé par l'article 600 du Règlement. Cependant, le choix envisagé en l'espèce découle du projet de loi C‐43 et n'est pas visé par l'article 600 du Règlement. Par conséquent, la LIR ne permet pas de proroger le délai pour faire le choix prévu par le projet de loi C‐43.
[21] En appliquant la règle de l'exclusion implicite de l'interprétation des lois, l'ARC a jugé que le paragraphe 220(2.1) ne pouvait pas être interprété d'une manière qui irait à l'encontre de l'intention précise du législateur, qui permet la production d'un choix tardif dans certains cas précis (ceux visés par l'article 600 du Règlement), mais qui ne permet pas la production tardive du choix visé par le projet de loi C‐43 (en s’appuyant sur l'article de Ruth Sullivan, « Statutory Interpretation in a New Nutshell »
(2003) 82:1 R Dr Can 51 à la p 60). En fait, selon l'ARC, la renonciation à la production du choix annulerait l'intention du législateur de ne permettre la production tardive que dans certaines situations, dans lesquelles la pénalité envisagée au paragraphe 220(3.5) s'applique. Le fait d'accueillir la demande d'Onex contreviendrait donc à l'intention du législateur, car cela donnerait à Onex la même réparation que celle qui s'applique à la production tardive d'un choix, mais pour un choix qui n'est pas visé au paragraphe 220(3.2), et, de plus, sans la pénalité prévue au paragraphe 220(3.5). Ces conflits sont incompatibles avec le régime établi par l'article 220 de la LIR.
[22] Enfin, l'ARC s'est fondée sur l'arrêt Canada c Nassau Walnut Investments Inc, [1997] 2 CF 279 au para 31, 1996 CanLII 4097 (CAF) [Nassau], pour affirmer que le paragraphe 220(2.1) et la renonciation à la production d'un choix ne s'appliquent pas en l'espèce, car lorsqu'un choix doit être fait, « le contribuable doit décider de renoncer à une option en faveur d'une autre en évaluant les conséquences fiscales susceptibles de se produire »
(non souligné dans l'original), et qu'Onex n'avait rien « décidé »
en l'espèce.
B. La décision de l'ARC dans le dossier T-2082-22
[23] L'ARC a refusé la demande d'Onex en application du paragraphe 220(3) de proroger le délai pour « faire »
ses états T5013 de 2012 et de 2013 et pour produire le choix parce qu'Onex avait déjà produit ses états T5013 et que, par conséquent, aucune prorogation n'était requise pour « faire »
les états.
[24] Onex a affirmé que lorsque le Ministre exerce son pouvoir discrétionnaire en application du paragraphe 220(3) pour proroger le délai pour produire un état T5013 en application de l'alinéa 221(1)d) de la LIR et de l'article 229 du Règlement, il proroge automatiquement le délai de production du choix en vertu de la disposition sur l'entrée en vigueur. L'ARC a accepté cet argument, parce que dans l'arrêt Bonnybrook Park Industrial Development Co Ltd c Canada (Revenu national), 2018 CAF 136 [Bonnybrook], la Cour d'appel fédérale [CAF] a conclu que le paragraphe 220(3) était une mesure d'allégement générale et conférait au Ministre le pouvoir d'accorder un allégement des exigences de production strictes dans l'ensemble de la LIR, et que le paragraphe 220(3) accordait au Ministre le pouvoir discrétionnaire de proroger le délai pour la production d'une déclaration, y compris l'état des revenus d'une société de personnes, en vertu de la LIR. De plus, l'ARC a soutenu que, lorsque la date limite de production d'une déclaration comme un état T5013 était prorogée, [TRADUCTION] « la date d'échéance de production d'un formulaire ou d'un choix lié à la production de cette déclaration (au sens du paragraphe 248(1) de la LIR) serait également prorogée »
(non souligné dans l'original) (décision de l'ARC, Dossier des demanderesses, p 60).
[25] Cependant, l'ARC n'était pas d'accord que le paragraphe 220(3) accorde directement ou indirectement au Ministre le pouvoir discrétionnaire d'accepter la production tardive du choix en l'espèce en vertu de la disposition d'entrée en vigueur du projet de loi C‐43 pour les années 2012 et 2013, car la disposition d'entrée en vigueur du projet de loi C‐43 n'était pas « liée »
à la déclaration, puisque le projet de loi C‐43 n'obligeait pas que le choix soit produit avec la déclaration ou la déclaration modifiée (un simple avis écrit suffisait). La demande d'Onex n'était donc pas visée par le pouvoir discrétionnaire du Ministre en vertu du paragraphe 220(3). De plus, en l'espèce, l'ARC a exprimé l'avis que le choix n'était pas une déclaration, mais plutôt un choix que le contribuable doit déposer. Par conséquent, le paragraphe 220(3) ne s'applique pas en l'espèce.
[26] En appliquant la « règle moderne »
de l'interprétation des lois, l'ARC a conclu que le paragraphe 220(3) de la LIR ne s'appliquait pas et que le Ministre n'avait pas le pouvoir discrétionnaire de proroger le délai pour déposer le choix. Premièrement, selon le libellé du paragraphe 220(3), le Ministre peut en tout temps proroger le délai fixé pour faire une déclaration en vertu de la LIR. Sauf pour ce qui est de la question de savoir s'il y a une différence entre « faire »
ou « produire »
une déclaration, le libellé est clair. Le paragraphe 220(3) ne fait aucune mention d'un choix. Deuxièmement, le libellé de la disposition d'entrée en vigueur du projet de loi C‐43 est également clair et étaye cette conclusion. Il ne semble pas qu'on ait discuté de l'ajout du pouvoir discrétionnaire du Ministre de proroger le délai pour la production du choix prévu au projet de loi C‐43, et le choix n'est pas visé par l'article 600 du Règlement ou par une autre disposition autorisant la production tardive des choix. Le libellé et ses antécédents indiquent qu'on a délibérément exclu le choix au projet de loi C‐43 du pouvoir discrétionnaire du Ministre de proroger les délais de production en vertu de l'article 600 du Règlement. Troisièmement, la règle de l'exclusion implicite et la règle voulant qu'il faut donner un sens à chaque terme étayent la conclusion de l'ARC, car une disposition générale comme le paragraphe 220(3) ne peut l'emporter sur une disposition précise comme le paragraphe 220(3.2), qui donne au Ministre le pouvoir discrétionnaire de proroger le délai pour certains choix (en s’appuyant sur Canada (Ministre du revenu national) c ConocoPhillips Canada Resources Corp, 2017 CAF 243 aux para 48–49 [ConocoPhillips];Clover International Properties (L) Ltd c Canada (Procureur général), 2013 CF 676).
[27] Par conséquent, une interprétation qui confère au Ministre, en vertu du paragraphe 220(3), le pouvoir de proroger indirectement la date limite d'un choix qui n'est pas visé par le paragraphe 220(3.2) ne serait pas étayée par les règles modernes de l'interprétation des lois, car elle ne « s'harmoniserait »
pas avec le régime global de la LIR et annulerait les limites précises et détaillées établies par le législateur au sujet des choix au paragraphe 220(3.2). En effet, selon l'ARC, la liste de dispositions à l'article 600 du Règlement serait superflue si le paragraphe 220(3) conférait au Ministre le pouvoir d'accorder une prorogation indirecte de la date limite de production du choix qui n’est pas permise en vertu du paragraphe 220(3.2).
[28] En outre, une telle interprétation élargie du paragraphe 220(3) ferait aussi que le choix pourrait être produit tardivement sans pénalité, ce qui va à l'encontre de la pénalité prévue au paragraphe 220(3.5) après l'exercice du pouvoir discrétionnaire du Ministre de permettre la production tardive d'un choix en vertu du paragraphe 220(3.2).
IV. Les questions en litige
[29] Les questions en litige en l'espèce sont de savoir :
a)si les décisions du Ministre selon lesquelles il ne peut renoncer à la production du choix en vertu du paragraphe 220(2.1) de la LIR ni autoriser Onex à produire à nouveau ses états T5013 de 2012 et de 2013 en application du paragraphe 220(3) de la LIR afin de lui permettre de produire également le choix sont raisonnables; et
b)si le Ministre peut autoriser la nouvelle production des états T5013 de 2012 et de 2013 en vertu du paragraphe 220(3) de la LIR, s'il était raisonnable que l'ARC refuse de le faire.
V. La norme de contrôle
[30] Onex affirme que la norme de contrôle pour la première question en litige est la norme de la décision correcte. Cette question porte sur la portée et l'interprétation des paragraphes 220(2.1) et 220(3) de la LIR, ce qui, selon Onex, est une question de droit générale d'une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble. Ces paragraphes portent sur le pouvoir discrétionnaire du Ministre d'accorder des mesures d'allégement en cas de rigueur procédurale ou administrative excessive dans l'application des lois fiscales, qui est au cœur du principe fondamental de l'équité du régime fiscal. Pour cette raison, les incidences de cette question sont telles qu'il faut les trancher d'une manière uniforme et cohérente, et elle devrait donc faire l'objet d'une analyse selon la norme de la décision correcte (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 59– 60 [Vavilov]).
[31] Je ne suis pas de cet avis.
[32] Dans l'arrêt Vavilov, la Cour suprême du Canada [CSC] a conclu que l'on présume que la norme de contrôle pour toutes les décisions administratives est la norme déférente de la décision raisonnable (Vavilov au para 23). Les tribunaux ne dérogent à cette présomption que lorsqu'une indication claire de l'intention du législateur ou la primauté du droit commande l'application de la norme de la décision correcte (Vavilov aux para 10, 17, 69).
[33] En l'espèce, il n'y a pas d'indication claire du législateur de déroger à la norme de la décision raisonnable. Le législateur n'a pas prescrit de norme de contrôle différente ou de droit d'appel pour les décisions prises en application des paragraphes 220(2.1) et 220(3) de la LIR. De même, en l'espèce, il n'y a pas de « questions à l'égard desquelles la primauté du droit exige une cohérence et une réponse décisive et définitive s’impose »
(Vavilov au para 53).
[34] La primauté du droit commande l'application de la norme de contrôle de la décision correcte lorsqu'il s'agit de questions constitutionnelles, de questions de droit générales d'importance capitale pour le système juridique dans son ensemble, de questions sur les compétences respectives de décideurs administratifs et de questions qui surviennent lorsque les cours et les décideurs administratifs ont compétence concurrente en première instance sur une question de droit dans une loi (Vavilov au para 17; Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c Entertainment Software Association, 2022 CSC 30 au para 40).
[35] L’argument d'Onex voulant que la question en litige soit une question de droit d'importance capitale pour le système juridique dans son ensemble ne peut être retenue. Au paragraphe 59 de l'arrêt Vavilov, la CSC décrit les questions de droit générales d'importance capitale pour le système juridique dans son ensemble comme étant des questions « d'une importance fondamentale, de grande portée »,
et «
susceptibles d'avoir des répercussions juridiques significatives sur le système de justice dans son ensemble ou sur d'autres institutions gouvernementales »
. Les questions générales d'intérêt public plus large et les questions qui portent sur une question importante, mais sont générales ou abstraites, ne sont pas des questions de droit d'importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et ne sont pas assujetties à la norme de contrôle de la décision correcte. À la lumière des enseignements de la CSC, je ne suis pas convaincu que la question de l'interprétation des paragraphes 220(2.1) et 220(3) de la LIR soit une question de droit générale d'importance capitale pour le système juridique dans son ensemble. Il s'agit plutôt d'une question de droit plus étroite qui s'applique dans le domaine de la fiscalité et qui, bien qu'elle soit importante, n'a pas de répercussions « sur l'administration de la justice dans son ensemble »
(Vavilov au para 59; Mason c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CSC 21 au para 47 [Mason]).
[36] À la lumière de ce qui précède, la norme de contrôle qui s'applique à l'interprétation du pouvoir discrétionnaire du Ministre en vertu des paragraphes 220(2.1) et 220(3) de la LIR et au fond des décisions de l'ARC est celle de la décision raisonnable (Vavilov aux para 10, 25; Mason aux para 7, 39–44).
[37] Suivant cette norme, l'arrêt Mason, s'appuyant sur Vavilov, enseigne que la cour de révision doit d'abord examiner les motifs du décideur administratif afin d'évaluer la justification de sa décision. De plus, la CSC répète qu'il faut développer et renforcer « une culture de la justification »
(Mason aux para 8, 58–60, 63; Vavilov aux para 14, 81, 84, 86).
[38] Dans l'arrêt Mason, la CSC explique la façon dont une cour de révision doit mener le contrôle judiciaire d'une décision. Une décision peut être déraisonnable si la cour de révision relève une lacune fondamentale, soit par manque de logique interne du raisonnement, soit par manque de justification compte tenu des contraintes factuelles et juridiques qui ont une incidence sur la décision (Mason au para 64).
[39] La CSC a signalé une série de contraintes factuelles et juridiques que le décideur administratif doit examiner, selon le contexte, pour que la décision soit suffisamment justifiée au sens de l'arrêt Vavilov. Le fardeau de la justification varie, mais le décideur doit être conscient des éléments essentiels, doit être « sensible à la question qui lui était soumise »
et doit « s'attaquer de façon significative aux questions clés ou aux arguments principaux formulés par les parties »
(Mason aux para 74, 97; Vavilov au para 128). Le décideur doit examiner les arguments principaux et les éléments de preuve des parties et donner les motifs pour lesquels les arguments en question ont été accueillis ou rejetés et doit préciser les éléments de preuve qui ont été accueillis ou rejetés lors du processus décisionnel (Mason aux para 73–74; Vavilov aux para 126–128). De plus, l'exercice du pouvoir discrétionnaire peut être déraisonnable lorsque le décideur a « tenu compte de facteurs non pertinents, [...] omis de prendre en considération des facteurs pertinents ou [...] tiré une conclusion déraisonnable »
(Yatar c TD Assurance Meloche Monnex, 2024 CSC 8 au para 41).
[40] Plus précisément, le décideur doit s'assurer de tenir compte des principes de l'interprétation des lois, des règles légales, des règles de la common law et des règles du droit international pertinentes, des éléments de preuve et des arguments principaux des parties, des pratiques et des décisions antérieures du tribunal administratif, et des conséquences éventuelles et possiblement graves de la décision sur la partie en cause ou sur une classe générale de personnes, ainsi que les questions en litige en général. Le défaut de tenir compte de ces facteurs de manière appropriée, ou de fournir des motifs suffisants pour la décision, peut constituer un manquement grave qui mène la cour de révision à « perdre confiance
dans le résultat auquel est arrivé le décideur »
(Mason aux para 66, 69; Vavilov aux para 106, 122).
[41] Lorsque le décideur expose ses motifs, il ne suffit pas que la décision soit justifiable; elle doit être justifiée par des motifs qui établissent la transparence et l'intelligibilité du processus décisionnel (Mason aux para 59, 60; Vavilov aux para 81, 84, 86). La Cour doit examiner le raisonnement suivi et le résultat obtenu et décider si la décision est fondée sur une chaîne d'analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle qui peut être justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Mason aux para 8, 58–61; Vavilov aux para 12, 15, 24, 85, 86). La décision sera déraisonnable si elle manque de logique interne ou si la cour de révision n'est pas en mesure de suivre le raisonnement du décideur sans « buter sur une faille décisive dans sa logique globale »
(Mason au para 65, qui renvoie à Vavilov au para 102).
[42] Par contre, la cour de révision ne doit pas créer son propre critère pour ensuite s'en servir pour évaluer ce qu'a fait le décideur (Mason au para 62; Vavilov au para 83). Néanmoins, l'examen du caractère raisonnable n'est pas une « simple formalité »
; il s'agit d'un contrôle rigoureux (Mason aux para 8, 63; Vavilov aux para 12–13).
[43] Par conséquent, lorsqu'elle mène un contrôle judiciaire selon la norme de la décision raisonnable, la cour de révision doit évaluer les motifs de la décision « de façon globale et contextuelle
[...] en fonction de l'historique et du contexte de l'instance »
, de la preuve présentée, et des arguments principaux des parties (Mason au para 61; Vavilov aux para 91, 94, 97). Il n'appartient pas à la Cour d'apprécier à nouveau la preuve présentée au décideur, de remettre en question l'exercice de son pouvoir discrétionnaire ou d'interpréter le droit à sa manière. Ces rôles appartiennent au décideur. Tant que le décideur interprète le droit de manière raisonnable et que les motifs de sa décision soient justifiables, cohérents et intelligibles, la Cour doit faire preuve de déférence (Vavilov aux para 75, 83, 85, 86, 115–124).
[44] Peu importe la démarche adoptée par le décideur, la cour de révision a pour tâche de veiller à ce que la disposition légale soit interprétée conformément au « principe moderne »
de l'interprétation des lois, qui met l'accent sur le contexte global de la loi, en suivant le sens ordinaire et grammatical des termes choisis par le législateur qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, son objet, son contexte et l'intention du législateur (Mason aux para 67, 69, 70, 83; Vavilov aux para 110, 115–124; Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67 au para 42; Alexion Pharmaceuticals Inc c Canada (Procureur général), 2021 CAF 157 aux para 20, 36 [Alexion]; Le‐Vel Brands, LLC c Canada (Procureur général), 2023 CAF 66 au para 16; Rizzo & Rizzo Shoes Ltd (Re), [1998] 1 RCS 27 au para 21, 1998 CanLII 837 (CSC); Bell ExpressVu Limited Partnership c Rex, 2002 CSC 42 au para 26 [Bell ExpressVu]; Elmer A Driedger, Construction of Statutes, 2e éd, Toronto, Butterworths, 1983 à la p 87). Une « analyse axée sur les résultats »
et effectuée de manière expéditive est déraisonnable (Alexion au para 37, qui renvoie à Vavilov aux para 120–121; Entertainment Software Association c Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, 2020 CAF 100 au para 42).
[45] En l'espèce, il incombe à l'ARC, et non à la Cour fédérale, d'interpréter la portée du pouvoir discrétionnaire conféré au Ministre en vertu des paragraphes 220(2.1) et 220(3) de la LIR (Safe Food Matters Inc c Canada (Procureur général), 2022 CAF 19 au para 37). L'ARC n'est pas tenue d'interpréter la loi de la même façon que les tribunaux : la norme de perfection ne s'applique pas. L'ARC n'est pas non plus tenue de donner des motifs pour chaque argument, disposition légale ou détail soulevé par les parties (Mason aux para 61, 69–70; Vavilov aux para 119–120). De plus, la longueur des motifs n'est pas un indicateur décisif du caractère raisonnable de la décision (Vavilov aux para 92, 292–293; Catalyst Paper Corp c North Cowichan (District), 2012 CSC 2 aux para 16–19; Groupe Maison Candiac Inc c Canada (Procureur général), 2023 CF 1720 au para 63).
[46] Par contre, plus la décision a des incidences graves sur les droits et les intérêts d'une partie, plus les motifs doivent refléter ces enjeux et être suffisants pour les parties, et « le décideur [doit expliquer] pourquoi sa décision reflète le mieux l'intention du législateur »
(Mason au para 76; Vavilov aux para 133–134; Alexion au para 21). Par conséquent, une décision peut être déraisonnable pour le simple fait que le décideur, dans ses motifs, n'examine pas les conséquences particulièrement graves pour les personnes en cause (Mason aux para 69, 76; Vavilov aux para 134–135).
VI. Analyse
A. L'ARC n'a pas considéré une interprétation réparatrice des paragraphes 220(2.1) et 220(3) de la LIR
[47] Les dispositions importantes en l'espèce sont les paragraphes 220(2.1), 220(3), 220(3.2) et 220(3.5) de la LIR.
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[48] Dans ses décisions, l'ARC a prétendu appliquer les principes de l'interprétation des lois. Dans les deux décisions, l'ARC a exprimé l'avis que si l’on examine le paragraphe 220(2.1) et le paragraphe 220(3) en tenant compte du régime établi en vertu de l'article 220 de la LIR dans son ensemble, le Ministre n'avait pas le pouvoir discrétionnaire de renoncer à la production du choix en application du paragraphe 220(2.1), ni d'accepter une nouvelle déclaration en application du paragraphe 220(3) de la LIR. L'ARC a soutenu que la règle de l'exclusion implicite s'appliquait, et que l'existence d'un pouvoir discrétionnaire ministériel en l'espèce entrerait en conflit avec le paragraphe 220(3.2) de la LIR et l'article 600 du Règlement, qui établissent une liste restrictive des circonstances où l’on peut faire un choix tardif, avec la pénalité dans ces situations en vertu du paragraphe 220(3.5).
[49] Les motifs de l'ARC dans les deux décisions reflètent essentiellement cette analyse. Les motifs dans la présente section s'appliquent donc aux deux demandes. À mon avis, même si les décisions de l'ARC correspondent effectivement à une interprétation plausible, l'ARC n'a pas considéré une interprétation réparatrice du régime établi en vertu de l'article 220 de la LIR. Un examen attentif de la nature réparatrice du régime permet d’envisager une autre interprétation plausible. Pour les motifs qui suivent, l'ARC doit examiner à nouveau ses décisions et tenir compte de la nature réparatrice des paragraphes 220(2.1) et 220(3) de la LIR, et pourra ensuite décider si elle confirme ses décisions initiales.
[50] Pour établir le pouvoir discrétionnaire du Ministre en vertu des paragraphes 220(2.1) et 220(3), il faut faire appel à la règle moderne de l'interprétation des lois. Comme l'a noté la CAF dans ConocoPhillips :
[36] L'approche générale en matière d'interprétation des lois est bien établie et est énoncée aux paragraphes 39 et 40 de la décision de la Cour fédérale :
[39] En abordant la question de savoir si l'interprétation par le ministre de son pouvoir, en vertu du paragraphe 220(2.1) de la LIR, est raisonnable, je commence par faire remarquer qu'il est bien établi en droit que les lois doivent être lues selon la règle moderne de Driedger relativement à l'interprétation des lois, à savoir que :
... [TRADUCTION] il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.
Tel que cité dans l'ouvrage de Ruth Sullivan, Statutory Interpretation, 2e édition (Toronto : Irwin Law, 2007) à la page 41 [Sullivan]. Voir aussi Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 RCS 27, 154 D.L.R. (4e) 193, au par. 21.
[40] La LIR, comme toute autre loi fédérale, doit également être lue à la lumière de l'article 12 de la Loi d'interprétation, L.R.C., 1985, ch. I‐21, de telle sorte que le paragraphe 220(2.1) « s'interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet ». En outre, la Cour suprême a expressément indiqué dans l'arrêt Stubart Investments Ltd. c. Canada, [1984] 1 RCS 536, [1984] CTC 294, aux par. 57 à 61, que, dans les affaires fiscales, la règle moderne d'interprétation des lois devrait être suivie plutôt que l'approche habituelle stricte à l'égard de l'interprétation des lois (voir aussi : David G Duff et al, « La Loi de l'impôt sur le revenu et le droit privé au Canada », 5e éd. (Lexis Nexis : Markham, 2015) [Duff] aux par. 107, 116 et 117).
(ConocoPhillips au para 36)
[51] Dans l'arrêt Bonnybrook, au paragraphe 34, la CAF a étudié cette règle et a affirmé ce qui suit :
[34] La démarche d'interprétation législative qui convient est décrite dans l'arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601 :
[10] Il est depuis longtemps établi en matière d'interprétation des lois qu'« il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur » : voir 65302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 804, par. 50. L'interprétation d'une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s'harmonise avec la Loi dans son ensemble. Lorsque le libellé d'une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d'interprétation. Par contre, lorsque les mots utilisés peuvent avoir plus d'un sens raisonnable, leur sens ordinaire joue un rôle moins important. L'incidence relative du sens ordinaire, du contexte et de l'objet sur le processus d'interprétation peut varier, mais les tribunaux doivent, dans tous les cas, chercher à interpréter les dispositions d'une loi comme formant un tout harmonieux.
(Bonnybrook au para 34)
[52] Les principes de l'interprétation des lois ainsi que l'article 12 de la Loi d'interprétation exigent, dans la mesure du possible, que la préférence soit accordée à une interprétation réparatrice qui garantit le mieux l'atteinte de l'objet de la disposition légale (voir aussi Bell ExpressVu au para 26, qui cite Elmer A Driedger, Construction of Statutes, 2e éd, Toronto, Butterworths, 1983 à la p 87; Vavilov aux para 117–118; Mason aux para 69, 83). L'article 12 de la Loi d'interprétation dispose :
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[53] Comme l'a affirmé la CSC dans l'arrêt Vavilov, au paragraphe 121, l'ARC doit interpréter les paragraphes 220(2.1) et (3) de la LIR :
[...] d'une manière qui cadre avec le texte, le contexte et l'objet, compte tenu de sa compréhension particulière du régime législatif en cause. Toutefois, le décideur administratif ne peut adopter une interprétation qu'il sait de moindre qualité – mais plausible – simplement parce que cette interprétation paraît possible et opportune. Il incombe au décideur de véritablement s'efforcer de discerner le sens de la disposition et l'intention du législateur, et non d'échafauder une interprétation à partir du résultat souhaité.
(Vavilovau para 121)
[54] De plus, au paragraphe 76 de l'arrêt Mason, la CSC a affirmé que le décideur qui interprète une loi ou exerce un pouvoir discrétionnaire doit tenir compte des « conséquences graves »
pour la personne. Lorsqu'il traite « des conséquences particulièrement graves ou sévères [...] sur l'individu touché »
, le décideur doit expliquer « pourquoi sa décision reflète le mieux l'intention du législateur »
(Mason au para 76, s’appuyant sur Vavilov aux para 133–134).
[55] Dans ses décisions, l'ARC n'a ni traité de l'article 12 de la Loi d'interprétation, ni accordé à celui‐ci quelque poids, et n'a pas tenu compte de la nature réparatrice de l'article 220 de la LIR.
[56] Le législateur a adopté le régime de l'article 220 sous un « dossier Équité »
afin de « rendre le régime fiscal plus simple et plus équitable » et pour mettre en place des mesures « qui laisseront place au jugement dans l'évaluation de situations où des contribuables ne peuvent respecter nos échéances ou se conformer à nos règlements, à cause de difficultés personnelles ou pour des raisons indépendantes de leur volonté »
(Canada, Ministre du Revenu national, « dossier Équité »
, Communiqué du 24 mai 1991, Dossier des demanderesses, p 1801). La CAF a indiqué que le « dossier Équité »
existe afin « [d’]assouplir les exigences légales de production strictes »
de certaines dispositions de la LIR (Bonnybrook aux para 47, 54).
[57] Le législateur a adopté le paragraphe 220(2.1) au titre du « dossier Équité »
afin d'autoriser le Ministre à renoncer à l'obligation du contribuable de produire un formulaire prescrit, un reçu ou autre document. Le paragraphe 220(3) de la LIR a été adopté afin que le Ministre puisse proroger le délai pour faire une déclaration.
[58] Dans l'arrêt Bonnybrook, la CAF a examiné les deux dispositions. Dans ce cas, la question était de savoir si le Ministre pouvait accepter une demande de prorogation du délai pour la production d'une déclaration qui permettrait à Bonnybrook de recevoir un remboursement au titre de dividendes. En vertu du paragraphe 129(1) de la LIR, la déclaration de revenus devait être produite dans les trois ans après la fin de l'exercice fiscal, ce que Bonnybrook n'avait pas fait. Bonnybrook a cherché à surmonter cette difficulté en demandant au Ministre de lui accorder un allégement en application des paragraphes 220(2.1) et 220(3) de la LIR.
[59] Ce qui nous intéresse en l'espèce, c'est que Bonnybrook a demandé, en application du paragraphe 220(2.1), une renonciation à l'obligation de produire la déclaration dans les trois ans, comme le dispose le paragraphe 129(1) de la LIR. Bonnybrook a aussi demandé une prorogation du délai, en vertu du paragraphe 220(3), pour produire sa déclaration.
[60] Au départ, le Ministre a rejeté la demande parce que même si le délai pour produire la déclaration était prorogé, le remboursement prévu au paragraphe 129(1) ne pourrait toujours pas être versé, en raison de l'exigence précise de la LIR que le remboursement ne peut être versé que si la déclaration était produite dans le délai de trois ans. Autrement dit, le consentement du Ministre à la production tardive d'une déclaration ne proroge ni n'élimine une autre exigence précise de la LIR, dans ce cas‐ci la production de la déclaration dans un délai de trois ans. Procéder de la sorte, selon le Ministre (tout comme selon l'ARC en l'espèce), contreviendrait à une disposition précise affirmant le contraire, ce qui serait incompatible avec une interprétation harmonieuse des dispositions de la LIR. Le fait d'accorder une prorogation du délai en application du paragraphe 220(3), qui est une règle générale, entrerait en conflit avec l'exigence précise que la déclaration soit produite dans un délai de trois ans en application du paragraphe 129(1), qui est une disposition plus précise. Ce conflit déclenche donc la règle de l'exclusion implicite de l'interprétation des lois.
[61] Dans l'arrêt Bonnybrook, la CAF n'a pas souscrit à cet argument et a affirmé ce qui suit :
[40] Suivant la thèse de l'ARC, exposée plus haut, les dispositions d'allègement destinées aux contribuables ne sauraient s'appliquer à l'obligation de produire une déclaration de revenus, à laquelle est subordonné le remboursement au titre de dividendes. Or, c'est exactement l'objet des dispositions d'allègement, à savoir habiliter le ministre à assouplir des délais de production stricts.
[41] Il ne fait aucun doute que, suivant son libellé, son contexte et son objet, le paragraphe 129(1) prévoit la production d'une déclaration de revenus dans les trois ans. Toutefois, l'analyse ne se termine pas ici, puisqu'il est aussi nécessaire d'examiner le libellé, le contexte et l'objet de la disposition d'allègement destinée aux contribuables. Ainsi, le paragraphe 220(3) confère au ministre un vaste pouvoir discrétionnaire l'habilitant à déroger aux exigences de production strictes contenues dans d'autres dispositions.
[42] Le paragraphe 220(3) de la Loi permet au ministre de proroger le délai de production d'une « déclaration ». Il ne date pas d'hier, puisqu'il figurait déjà dans la Loi de l'Impôt de Guerre sur le Revenu, 1917, S.C. 1917, ch. 28. Compte tenu de la longue histoire et du libellé général de cette disposition, sa portée s'est sans doute étendue au fil des nouvelles exigences de production d'une « déclaration ».
[43] Par exemple, la disposition s'applique à tout type de « déclaration », dont les déclarations de renseignements, qui doivent être produites dans diverses circonstances. La Cour fédérale l'a aussi appliquée à l'exigence de production d'une déclaration de revenus par un non-résident, prévue au paragraphe 216(4) (Kutlu c. Canada, 1997 CanLII 5990 (C.F.))
[44] Dans son mémoire, la Couronne soutient que le pouvoir de renonciation prévu au paragraphe 220(2.1) ne s'applique pas au paragraphe 129(1), car la production d'une déclaration constitue une condition plutôt qu'une exigence. Elle a invoqué cet argument seulement à l'égard du paragraphe 220(2.1). Quoi qu'il en soit, il convient de noter que, dans la décision Kutlu, la prorogation a été accordée en application du paragraphe 220(3) dans le cas d'une exigence qui constituait essentiellement une condition.
[45] Il est aussi utile de mentionner que l'ARC a renoncé au respect de conditions auxquelles sont subordonnés certains avantages. En voici quelques exemples :
● L'ARC a renoncé à l'exigence de production énoncée au paragraphe 8(10), une condition pour la déduction concernant certaines dépenses d'emploi (Guide de l'ARC T4044, p. 5).
● L'ARC a aussi renoncé à l'exigence de production énoncée au paragraphe 63(1), à laquelle est subordonnée la déduction pour frais de garde d'enfants (Folio de l'impôt sur le revenu S1‐F1‐C2 de l'ARC, par. 1.47).
● Dans le passé, l'ARC a prorogé le délai de production des formulaires relatifs à la recherche et au développement prévu au paragraphe 37(11), qui sont exigés pour la déduction liée à la recherche et au développement. (Voir la décision Alex Parallel Computers Research Inc. c. Canada, 1998 CanLII 8794 (C.F.)) Une modification au paragraphe 220(2.2) a depuis interdit cette pratique.
[46] Suivant son libellé seulement, j'estime que le paragraphe 220(3) confère au ministre le pouvoir d'accorder à sa discrétion l'allègement que Bonnybrook demande.
[47] Cette interprétation cadre aussi avec le contexte et l'objet des dispositions d'allègement pour les contribuables, comme le paragraphe 220(3). De temps à autre, le législateur fédéral adopte des mesures pour assouplir les exigences légales de production strictes. Certaines dispositions d'allègement visent des exigences précises alors que d'autres sont générales. Il n'en existe pas un seul type. Parfois, l'allègement est accordé automatiquement, sous réserve du paiement d'une pénalité (p. ex., le paragraphe 85(7)), ou dans d'autres cas, il est assujetti à des conditions précises (p. ex., le paragraphe 166.1(7)).
[48] Les paragraphes 220(2.1) et 220(3) sont des mesures d'allègement générales qui confèrent au ministre le pouvoir d'assouplir les exigences de production prévues dans l'ensemble de la Loi. Or, la décision du ministre concernant le paragraphe 220(3) fait fi de la portée de cette disposition.
[...]
[54] On ignore pourquoi le législateur fédéral a adopté les modifications de 1994, mais leur dépôt suit une décision rendue par la Cour canadienne de l'impôt, qui ne mâche pas ses mots à l'égard du délai strict de trois ans pour la production de la déclaration de revenus auquel est subordonné le remboursement d'un trop‐payé (Chalifoux c. M.R.N., [1991] A.C.I. no 422) :
Cette abrogation du droit de propriété d'un contribuable, un des droits les plus fondamentaux d'une société démocratique, me paraît abusive de la part du législateur et devrait disparaître des statuts législatifs du moins dans sa rédaction actuelle.
[55] Selon l'avocat de l'intimé, il ressort des modifications de 1994 que, si le législateur fédéral avait eu l'intention d'habiliter le ministre à proroger le délai de trois ans prescrit dans la disposition sur le remboursement au titre de dividendes, il l'aurait indiqué expressément, comme il l'a fait pour le paragraphe 164(1.5).
[56] Je suis d'avis que l'avocat de l'intimé exagère en laissant entendre que le paragraphe 220(3) de la Loi ne s'applique pas aux remboursements au titre de dividendes compte tenu des modifications de 1994. Il faut donner effet à la disposition qui prescrit un allègement à l'intention des contribuables, comme le paragraphe 220(3), à moins que le législateur ait indiqué très clairement le contraire. Il n'a rien précisé de tel au paragraphe 129(1), même vu les paragraphes 152(4.2) et 164(1.5) de la Loi. S'il entendait que les mesures générales d'allègement prévues au paragraphe 220(3) ne s'appliquent pas au paragraphe 129(1), il lui aurait été facile de l'indiquer expressément.
[...]
[58] Je conviens que le délai de production prescrit au paragraphe 129(1) vise à assurer une certaine finalité. Or, à mon avis, il n'est pas censé être généreux ou l'emporter sur les dispositions générales d'allègement pour les contribuables. Si les délais que prévoit la Loi sont censés, de manière générale, être raisonnables et assurer une certaine finalité, le législateur reconnaît également que des délais stricts sont susceptibles parfois d'entraîner des iniquités.
(Bonnybrook aux para 40–48, 54–56, 58) (non souligné dans l'original)
[62] La CAF a donc exprimé l'avis que le paragraphe 220(2.1) et le paragraphe 220(3) étaient des exemples de mesures d'allégement d'application générale afin « [d’]assouplir les exigences légales de production strictes »
, « [d’]habiliter le ministre à assouplir des délais de production stricts »
, de conférer « au ministre un vaste pouvoir discrétionnaire l'habilitant à déroger aux exigences de production strictes contenues dans d'autres dispositions
»
et de conférer « au ministre le pouvoir d'assouplir les exigences de production prévues dans l'ensemble de la Loi ».
Il «
faut donner effet à la disposition qui prescrit un allégement à l'intention des contribuables [...] à moins que le législateur ait indiqué très clairement le contraire. [...] S'il entendait que les mesures générales d'allègement prévues au paragraphe 220(3) ne s'appliquent pas [...], il lui aurait été facile de l'indiquer expressément »
(Bonnybrook aux para 40, 41, 47, 48, 56; voir aussi Lanno c Canada (Agence des Douanes et du Revenu), 2005 CAF 153 au para 6; ConocoPhillips Canada Resources Corp c Canada (Revenu national), 2016 CF 98 au para 56).
[63] La conclusion de fond dans l'arrêt Bonnybrook est que le Ministre a la discrétion de proroger des exigences de production précises en vertu de la LIR, de sorte que l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire s'étend aux autres dates limites liées à la production, soit dans Bonnybrook aux dispositions limitant le droit à un remboursement (au para 55). Alors que la date limite pertinente dans l'arrêt Bonnybrook se rapporte à l'exigence au paragraphe 129(1) de produire une déclaration dans un délai de trois ans, la date limite en l'espèce est celle pour produire le choix selon la disposition d'entrée en vigueur du projet de loi C‐43.
[64] Les paragraphes 220(2.1) et 220(3) ont donc été adoptés afin de [TRADUCTION] « corriger une injustice »
(Ruth Sullivan, The Construction of Statutes, 7e éd, Toronto, LexisNexis, 2022 à la p 504) et, ainsi, [TRADUCTION] « on doit leur donner une interprétation large et libérale afin qu'ils puissent atteindre cet objectif réparateur »
(Elan Corp v Comiskey, 1990 CanLII 6979 (ONCA)). Selon Bonnybrook, une interprétation réparatrice du paragraphe 220(2.1) et du paragraphe 220(3) de la LIR, si elle existe, pourrait en faire des « mesures d'allégement générales »
afin « [d’]assouplir les exigences légales de production strictes »
, notamment en l'espèce pour permettre la production tardive des états T5013 d'Onex pour ses années d'imposition 2012 et 2013 en vertu du paragraphe 220(3) (ainsi que leur choix), ou pour renoncer entièrement à l'exigence de produire le choix (et, si le Ministre le souhaite, demander à Onex de fournir le document sur demande) en vertu du paragraphe 220(2.1).
[65] Le défendeur s'appuie sur ConocoPhillips et le principe de l'exclusion implicite de l'interprétation des lois voulant qu'une règle générale ne l'emporte pas sur une disposition précise (aux para 48–49). Je suis d'accord avec le principe et son application dans les situations appropriées. Dans ConocoPhillips, la CAF a affirmé que le paragraphe 220(2.1), une disposition générale, ne pouvait l'emporter sur une disposition plus précise fixant les règles dans le cas des avis d'opposition. Elle a conclu que le paragraphe 220(2.1) ne permettait pas qu'on renonce à la signification d'un avis d'opposition en raison de l'existence d’un régime complet établissant la démarche à suivre à cet égard, notamment en vertu des paragraphes 165(1), 166.1(1), 166.1(7), 166.2(1) et 166.2(5). Plus précisément, la renonciation demandée en vertu du paragraphe 220(2.1) conférerait au Ministre un pouvoir qui lui a été expressément « refusé »
par une disposition détaillée en vertu du paragraphe 166.1(7). Pour cette raison, et dans cette situation, la règle d'interprétation légale de l’« exclusion implicite »
voulant qu'une disposition générale ne puisse pas l'emporter sur une disposition précise pouvait s'appliquer (ConocoPhillips aux para 47–49; voir aussi Jennings-Clyde, Inc (Vivatas, Inc) v Canada (Attorney General), 2024 FC 1141 aux para 32–37).
[66] Ce n'est pas le cas en l'espèce. Une interprétation permettant l'application harmonieuse et complémentaire des paragraphes 220(2.1) et 220(3), ainsi que du paragraphe 220(3.2) et du régime de l'article 220 dans son ensemble, peut être plausible, comme nous le verrons plus bas. L'arrêt ConocoPhillips ne s'applique donc pas nécessairement aux faits de l'espèce et à l'application concurrente possible des paragraphes 220(2.1), 220(3), 220(3.2) et 220(3.5) de la LIR.
[67] En outre, dans l'arrêt Bonnybrook, au paragraphe 59, la CAF a établi une distinction avec l'arrêt ConocoPhillips et a affirmé que le régime prévu au paragraphe 129(1) était assez différent et que ConocoPhillips n'éclairait pas l'interprétation de cette disposition. À mon avis, le même commentaire s'applique à l'exigence de produire le choix en l'espèce. Contrairement à la situation dans ConocoPhillips, si le Ministre accordait une renonciation ou une prorogation du délai en l'espèce, il n'exercerait pas un pouvoir qui lui a été « refusé »
par la disposition d'entrée en vigueur du projet de loi C‐43, ou par les paragraphes 220(3.2) et 220(3.5) de la LIR (voir ConocoPhillips au para 47). La situation est plutôt semblable à celle dans l'arrêt Bonnybrook, où le fait que le Ministre accorde une renonciation ou une prorogation du délai pour produire une déclaration pourrait proroger la date limite de production du choix, comme l'exige la disposition d'entrée en vigueur du projet de loi C‐43, comme ce fut le cas pour le remboursement au titre de dividendes en application du paragraphe 129(1), bien que la déclaration n'eût pas été produite dans le délai de trois ans comme l'exige la règle précise à ce paragraphe de la LIR.
[68] Le défendeur a également invoqué la décision Banff Caribou Properties Ltd c Canada (Procureur général), 2023 CF 312 [Banff Caribou], à l'appui de la décision de l'ARC. Dans cette décision, Banff Caribou souhaitait produire des déclarations modifiées afin d'y joindre des lettres choisissant de traiter des biens en immobilisation amortissables comme faisant partie de catégories distinctes de bâtiments non résidentiels admissibles en vertu du paragraphe 1101(5b.1) du Règlement, ce qui lui permettrait de déduire l'amortissement à un taux plus avantageux. Notre Cour a rejeté la demande de contrôle judiciaire du refus du Ministre de permettre la production des déclarations modifiées au motif que Banff Caribou tentait de le faire pour que l'ARC accepte un choix produit tardivement, ce qui était contraire à la liste restrictive des circonstances prévues à l'article 600 du Règlement.
[69] Le défendeur s'appuie donc sur la décision Banff Caribou pour étayer l'interprétation de l'ARC selon laquelle les choix produits tardivement ne sont autorisés que dans les circonstances expressément établies dans la LIR et son Règlement, notamment le paragraphe 220(3.2) de la LIR et l'article 600 du Règlement.
[70] Même si la décision de notre cour dans Banff Caribou semble, au premier regard, convaincante, les faits étaient différents. Dans cette affaire, Banff Caribou ne souhaitait pas produire une déclaration modifiée, mais seulement le choix : « La seule modification que la demanderesse propose d'apporter à ses déclarations consiste à joindre des lettres de choix »
(Banff Caribou au para 21). Il n'était pas nécessaire de modifier les déclarations. Par conséquent, la seule question pour l'ARC dans cette affaire était de savoir si on pouvait produire le choix tardivement dans ces circonstances. La Cour a conclu que même si Banff Caribou avait présenté sa demande comme une modification à sa déclaration, en réalité elle ne cherchait qu'à produire tardivement un choix.
[71] L'ARC a examiné la demande pour décider si elle était autorisée à accepter un choix produit tardivement en l'absence d'une disposition de la LIR ou du Règlement qui l'autorise (Banff Caribou, au par. 26). Ce qui est encore plus important, c'est que la Cour a conclu que l'interprétation qu'avait faite le Ministre de sa compétence était raisonnable « compte tenu des observations qui lui ont été présentées »
(Banff Caribou au para 5).
[72] Il importe de noter que Banff Caribou n'avait pas demandé au Ministre d'exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 220(3) de la LIR et d'autoriser la production tardive d'une déclaration, comme on veut le faire en l'espèce, ni d'exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 220(2.1) afin de renoncer à l'exigence de produire le choix. Les conclusions de la cour dans la décision Banff Caribou, bien que convaincantes à la lumière des faits et des observations dans cette décision, ne correspondent pas entièrement aux faits en l'espèce, surtout compte tenu de la décision de la CAF dans Bonnybrook, qui porte précisément sur les deux dispositions en cause en l'espèce, soit les paragraphes 220(2.1) et 220(3) de la LIR.
[73] En l'espèce, Onex avait rempli ses déclarations pour les années d'imposition 2012 et 2013 selon son interprétation des dispositions applicables de la LIR et avait produit ses états T5013 avant l'adoption du projet de loi C‐43. Si Onex avait produit le choix visé par le projet de loi C‐43, elle aurait également dû modifier ses déclarations de revenus pour 2012 et 2013, car les renseignements qui s'y trouvaient n'étaient plus exacts. Par conséquent, et contrairement à Banff Caribou, la demande d'Onex de produire une déclaration de revenus modifiée n'est pas uniquement une demande indirecte que l'ARC accepte un choix produit tardivement qui ne peut par ailleurs être accepté en vertu de la LIR.
[74] Le fait qu'on doive faire un « choix »
n'écarte pas le pouvoir discrétionnaire du Ministre en vertu du paragraphe 220(2.1) et du paragraphe 220(3). Comme je l'explique ci‐dessous, le paragraphe 220(2.1) ne fait pas de distinction quant au type de « documents »
auxquels on peut renoncer, et le paragraphe 220(3) ne précise pas si d'autres prorogations sont disponibles lorsqu'on examine une demande de prorogation du délai de production d'une déclaration. Dans la décision Kutlu c Canada, 130 FTR 85, 1997 CanLII 5990 (CF) [Kutlu], la Cour a infirmé la décision du Ministre refusant une prorogation du délai de production d'une déclaration en vertu du paragraphe 220(3) de la LIR lorsque la production de la déclaration exigerait également qu'on fasse un « choix »
en vertu des paragraphes 216(1) et 216(4) de la LIR, alors qu'il était question de l'impôt sur le revenu net plutôt que sur le revenu brut (en effet, la Cour a employé le mot « choix »
pour décrire la question en litige : Kutlu à la p 3). Dans cette affaire, pour qu'on puisse bénéficier de l'application de cette disposition, la déclaration devait être produite dans les six mois suivant la fin de l'année d'imposition, comme l'exige le paragraphe 216(4), ce qui n'avait pas été fait. La Cour a conclu que le paragraphe 220(3) « existe principalement pour remédier aux injustices que pourrait causer ce régime »
(Kutlu à la p 9).
[75] Par conséquent, une interprétation réparatrice peut être plausible, comme je l'explique ci‐dessous, et les paragraphes 220(2.1) et 220(3) peuvent coexister, en l'espèce, avec le régime de l'article 220 de la LIR dans son ensemble. L'omission de l'ARC de tenir compte de cette autre interprétation plausible avant de l'exclure est déraisonnable. L'ARC a omis de tenir compte d'une interprétation réparatrice possible et de fournir des motifs expliquant pourquoi elle a choisi une interprétation plus restrictive.
(1) Autres motifs de l'ARC se rapportant au paragraphe 220(2.1) de la LIR
[76] En ce qui concerne le dossier T‐85‐22, l'ARC a fourni d'autres motifs qui ne s'appliquent pas au dossier T-2082-22.
[77] Premièrement, l'ARC a décidé que le Ministre n'avait pas le pouvoir discrétionnaire d'accepter la demande d'Onex parce que le choix n'était pas une exigence « aux termes d'une disposition de la présente loi »
, comme l'indique le paragraphe 220(2.1) de la LIR. En fait, on ne peut accorder de renonciation en vertu du paragraphe 220(2.1) qu'à l’égard de la production des documents « aux termes d'une disposition de la présente loi ou de son règlement d'application »
. Puisque l'exigence de produire un choix se trouve dans la disposition d'entrée en vigueur du projet de loi C‐43, on ne pouvait tout simplement pas renoncer à ce qu'Onex produise le choix visé par le projet de loi C‐43.
[78] L'ARC n'invoque aucune jurisprudence pour étayer sa conclusion. L'ARC conclut simplement que rien n'étaye l'affirmation voulant qu'une disposition d'une loi modificatrice, comme le projet de loi C‐43, fasse partie de la loi modifiée.
[79] Au paragraphe 73 de son mémoire des faits et du droit, Onex soutient que [TRADUCTION] « [p]uisque la disposition d'entrée en vigueur et la LIR sont des ‟lois adoptées par le législateur qui traitent du même objet, elles sont présumées être rédigées en tenant compte les unes des autres, afin de traiter du sujet d'une façon cohérente et uniforme” »
(s’appuyant sur Ruth Sullivan, The Construction of Statutes, 7e éd, Toronto, LexisNexis, 2022 à la p 407; voir aussi le paragraphe 42(3) de la Loi d'interprétation). Onex s'appuie aussi sur l'arrêt Bell ExpressVu, où la CSC a conclu qu'une loi adoptée en 1991 éclairait la portée et le sens d'une disposition adoptée dans une loi distincte en 1985, et où la majorité des juges de la CSC ont affirmé que les deux lois « doivent être considérées comme fonctionnant dans le cadre d'un seul régime réglementaire »
, et qu'il « faut tenir compte du rôle de chaque loi dans le régime général »
(Bell ExpressVu au para 46).
[80] Onex soutient donc, au paragraphe 74 de son mémoire des faits et du droit, [TRADUCTION] « [qu’]à la lumière du contexte des dispositions et afin de donner plein effet au paragraphe 220(2.1) tout en tenant compte du régime général, les termes ‟une disposition de la présente loi” doivent comprendre toutes les lois modificatrices qui font partie du régime légal de la LIR, y compris la disposition d'entrée en vigueur. Une telle interprétation fait échec à la position contraire erronée de l'ARC et est la seule interprétation possible qui ‟découle du sens ordinaire et grammatical des mots utilisés dans cette disposition [et] s'accorde bien avec [ses] objectifs” »
(en s'appuyant sur Bell ExpressVu au para 49).
[81] Le défendeur soutient que la disposition d'entrée en vigueur n'est pas intégrée à la LIR. Aux paragraphes 63 et 64 de son mémoire des faits et du droit, le défendeur soutient que selon la règle de l'incorporation, qui est codifiée au paragraphe 42(3) de la Loi d'interprétation, [TRADUCTION] « lorsqu'une loi est modifiée, la nouvelle loi qui est ajoutée fait partie intégrante de la loi modifiée et a le même effet que la loi modifiée, sauf pour ce qui est de la date d'entrée en vigueur »
(non souligné dans l'original) (en s'appuyant sur Ruth Sullivan, The Construction of Statutes, 7e éd, Toronto, LexisNexis, 2022 à la p 355). Selon le défendeur, cette règle n'a pas pour effet d'incorporer une disposition d'une loi modificatrice qui ne fait que fixer les dates d'entrée en vigueur à la loi qu'elle modifie. Par conséquent, le paragraphe 21(15) du projet de loi C‐43, qui porte sur le choix, et la date d'entrée en vigueur connexe n'ont jamais été ajoutés à la LIR et n'en font pas partie selon la règle de l'incorporation.
[82] En toute déférence, le fait de citer la professeure Sullivan pour affirmer que la [TRADUCTION] « date d'entrée en vigueur »
n'est pas incorporée à la loi modifiée n'est pas convaincant en l'espèce.
[83] Premièrement, les termes [TRADUCTION] « sauf pour ce qui est de la date d'entrée en vigueur »
ne se trouvent pas au paragraphe 42(3) de la Loi d'interprétation. En fait, le paragraphe 42(3) dispose :
|
|
[84] Deuxièmement, le principe auquel renvoie la professeure Sullivan, et la jurisprudence sur laquelle elle s’appuie, visent le principe qui protège les particuliers de l'application rétroactive ou rétrospective de la loi modificatrice. L'exclusion de la date d'entrée en vigueur de la loi modificatrice est donc une exception à la règle de l'incorporation, qui s'applique dans certains cas afin de protéger les particuliers de l'application rétroactive ou rétrospective d'un texte modificatif. En l'espèce, c'est le contribuable qui peut décider que la LIR s'applique avant la date à laquelle elle doit par ailleurs entrer en vigueur. La protection des particuliers dont traite la professeure Sullivan ne s’applique pas en l'espèce.
[85] Troisièmement, l'article 12 de la Loi d'interprétation pourrait aussi s’appliquer à cette question, ce qui fait penser qu'une interprétation réparatrice de la règle de l'incorporation au paragraphe 42(3) favorise que la disposition sur l'entrée en vigueur fasse partie de la LIR pour les besoins de l'espèce.
[86] Par conséquent, l'ARC n'a pas tenu compte convenablement du paragraphe 42(3) de la Loi d'interprétation et n'a pas expliqué pourquoi, en l'espèce, une interprétation réparatrice des termes « une disposition de la présente loi »
et conforme à l'article 12 et au paragraphe 43(2) de la Loi d'interprétation ne pouvait pas faire que la disposition sur l'entrée en vigueur du projet de loi C‐43 fasse partie de la LIR.
[87] En outre, on n’a porté à l'attention de la Cour aucune jurisprudence au sujet du sens du paragraphe 42(3) de la Loi d'interprétation qui lui donne une interprétation restrictive de sorte que les textes modificatifs fassent partie de la loi modifiée, sauf les dispositions d'entrée en vigueur. Bien qu'il n'y ait aucun doute que les règles contre la rétroactivité et la rétrospectivité et les règles applicables aux dispositions de coordination aient des rôles à jouer, il n'existe aucune raison de principe pour que les dispositions d'entrée en vigueur ne puissent jamais faire partie du texte modifié pour atteindre une interprétation réparatrice.
[88] L'ARC a également rejeté l'application du paragraphe 220(2.1) pour un deuxième motif. Elle a décidé, en s'appuyant sur Nassau, qu’une renonciation au choix n'est pas visée par le pouvoir discrétionnaire du Ministre en vertu du paragraphe 220(2.1) parce que le contribuable doit prendre une « décision »
, dans le sens que le contribuable doit renoncer à un choix en faveur d'un autre et, en l'espèce, Onex n'a jamais réellement fait de choix.
[89] Toutefois, en toute déférence, les termes exacts du paragraphe 220(2.1) ne limitent pas expressément le pouvoir discrétionnaire du Ministre à la renonciation de la production de « désignations »
, mais pas de « choix »
, et ne restreignent pas le pouvoir discrétionnaire du Ministre de sorte qu'il ne peut renoncer à la production que de documents qui ne nécessitent pas de « décision »
. Rien dans le texte du paragraphe 220(2.1) ne laisse supposer que s'il faut faire une « décision »
, les documents informant l'ARC de la « décision »
ne sont pas visés par les termes « un formulaire prescrit, un reçu ou autre document »
au paragraphe 220(2.1) de la LIR. En outre, il faut interpréter l'arrêt Nassau en tenant compte de son contexte, et rien ne laisse entendre que la décision de la CAF et la distinction entre une « désignation »
et un « choix »
devraient avoir une incidence sur le pouvoir discrétionnaire du Ministre de renoncer à la production d'un « formulaire prescrit, un reçu ou autre document »
au paragraphe 220(2.1) de la LIR. Le libellé du paragraphe 220(2.1), surtout les termes « autre document »
, est général et peut certainement comprendre tout type de document visé par la LIR, y compris un choix, même si le choix exige que le contribuable prenne une « décision »
. Une interprétation réparatrice du paragraphe 220(2.1) est plausible, laquelle pourrait inclure la production d'un choix en l'espèce, au moyen d'une lettre ou d'une autre façon, qui serait un « document »
pour l'application du paragraphe 220(2.1) et auquel le Ministre pourrait renoncer.
[90] Comme le soutient Onex aux paragraphes 68 et 69 de son mémoire des faits et du droit, avec raison selon moi, la distinction proposée impose une logique erronée selon laquelle on ne peut renoncer qu'à la production d'un « formulaire prescrit, un reçu ou autre document »
qui ne communique pas de « décision »
, alors que le régime fiscal est fondé sur le principe de l'autodéclaration et de l'autocotisation (R c McKinlay Transport Ltd, [1990] 1 RCS 627 à la p 648, 1990 CanLII 137 (CSC)), et alors que les contribuables sont continuellement tenus de prendre des « décisions »
relativement à leurs demandes et leurs cotisations fiscales. Si le législateur entendait que le paragraphe 220(2.1) ne s'applique pas aux choix ou aux documents exigeant une « décision »
, « il lui aurait été facile de l'indiquer expressément »
(Bonnybrook au para 56). Plutôt, tel que souligné par la Cour canadienne de l'impôt: « Le paragraphe 220(2.1) permet au ministre de renoncer au respect du délai imparti pour déposer pratiquement tout ce qui doit l'être »
(Petratos c La Reine, 2013 CCI 240 au para 19 [Petratos] (note de bas de page 3)).
[91] Par conséquent, le fait de rejeter la règle de l'incorporation, et le fait de conclure qu'on ne peut renoncer à la production en l'espèce parce qu'un choix exige une « décision
»
, font abstraction de l'article 12 et du paragraphe 42(3) de la Loi d'interprétation et de l'exigence d'interpréter les dispositions légales de manière réparatrice. L'exclusion de la disposition d'entrée en vigueur de la LIR, en l'espèce, serait une interprétation restrictive qui limiterait les pouvoirs du Ministre, au lieu de les élargir comme une interprétation réparatrice pourrait plausiblement l'exiger.
[92] Le défaut de l'ARC d'envisager d'autres interprétations plausibles, ce qui est un « aspect pertinent de son texte, de son contexte ou de son objet [de la LIR et de la
Loi d'interprétation
] »
, et le défaut de fournir des raisons pour lesquelles d'autres interprétations moins restrictives devaient être exclues parce que la « décision [de l'ARC] reflète le mieux l'intention du législateur »
(Mason au para 76; Vavilov au para 133), sont assez importants pour que la cour de révision perde confiance dans le résultat auquel l'ARC est arrivée (Vavilov au para 122).
(2) Autres motifs de l'ARC se rapportant au paragraphe 220(3) de la LIR
[93] En ce qui concerne le dossier T-2082-22, l'ARC a fourni d'autres motifs qui ne s'appliquent pas au dossier T-85-22.
[94] L'ARC a décidé que le choix en vertu de la disposition d'entrée en vigueur du projet de loi C‐43 n'était pas une « déclaration »
et n'était pas « lié »
à la production de la « déclaration »
, et qu'ainsi, le paragraphe 220(3) de la LIR ne s'appliquait pas.
[95] Le défendeur soutient, au paragraphe 82 de son mémoire des faits et du droit, que la position d'Onex voulant que la disposition d'entrée en vigueur [TRADUCTION] « n'aurait aucun sens en l'absence d'une déclaration de société de personnes »
n'est pas fondée. Le défendeur affirme que cette observation ne tient pas compte du fait qu'on peut faire le choix peu importe si la déclaration de société de personnes est produite à temps, en retard ou pas du tout.
[96] Onex soutient que la décision de l'ARC voulant que le paragraphe 220(3) ne pouvait pas s'appliquer au choix parce qu'il n'est pas nécessaire de le produire avec une déclaration est une approche indûment restrictive qui ne tient pas compte du contexte de la disposition d'entrée en vigueur et, de façon plus générale, des exigences de production de déclarations qui s'appliquent à une société de personnes et à ses associés. Onex affirme qu'il ne s'agit pas d'une coïncidence que le choix prévu au projet de loi C‐43 devait être produit au plus tard à la date de production de la déclaration de la société de personnes, car le choix touche directement la déclaration elle‐même. Par conséquent, Onex soutient que, même si la disposition d'entrée en vigueur peut ne pas être rattachée textuellement à la production de la déclaration de la société de personnes, elle l'est en pratique et en fait, car le choix a une incidence sur le contenu de la déclaration. L'ARC a donc commis une erreur en arrivant à une conclusion différente en raison d'une interprétation textuelle trop réductrice de la disposition d'entrée en vigueur qui ne tient pas compte du contexte.
[97] En l'espèce, les états T5013 d'Onex pour les années d'imposition 2012 et 2013 avaient déjà été produits avant l'adoption du projet de loi C‐43. Si Onex avait produit le choix, il aurait clairement eu une incidence sur les déclarations, et Onex soutient qu'elle devait donc les modifier. Puisqu'il faut modifier les déclarations, Onex devrait être autorisée à faire une production tardive de ses déclarations en vertu du paragraphe 220(3) de la LIR.
[98] Le défendeur soutient, au paragraphe 96 de son mémoire des faits et du droit, que [TRADUCTION] « l'ARC était consciente des obligations administratives et des obligations de conformité des demanderesses découlant de l'exercice d'un choix et a conclu qu'[Onex] aurait pu aviser l'ARC par lettre de tout changement corrélatif à ses états T5013 »
(non souligné dans l'original). Le défendeur semble s'appuyer sur la conclusion de l'ARC pour renforcer son argument que le choix n'était pas « lié »
à la déclaration : la lettre informant l'ARC du choix ne devait qu'indiquer les changements à l'état T5013, sans qu'on doive produire une nouvelle déclaration.
[99] En toute déférence, cette distinction privilégie la forme au détriment du fond. Même si l'ARC était disposée à accepter une lettre indiquant les changements aux états T5013 au lieu d'exiger une nouvelle production par souci d'efficacité administrative, la preuve indique qu'en fait, les changements aux états T5013 étaient nécessaires et que l'ARC s'y attendait dans les circonstances. Si Onex avait fait le choix en temps utile, elle aurait pu produire le choix avec les nouveaux états T5013 modifiés indiquant les changements, au lieu d'envoyer une simple lettre. Le fait demeure qu'au fond, les états T5013 auraient été modifiés d'une façon ou d'une autre.
[100] La décision de l'ARC voulant que le paragraphe 220(3) ne pouvait pas s'appliquer en l'espèce parce que le choix n'était pas une « déclaration »
et n'était pas « lié »
à la déclaration est donc déraisonnable, pour trois motifs principaux.
[101] Premièrement, selon les faits en l'espèce, et parce qu'Onex avait déjà produit ses états T5013, de nouvelles déclarations étaient nécessaires « avec »
la production du choix, ou du moins en même temps que la production du choix (que ce soit par lettre ou par la nouvelle production des états T5013).
[102] Deuxièmement, l'ARC a exprimé l'avis que le paragraphe 220(3) ne s'appliquait pas en l'espèce, parce que le choix n'est tout simplement pas une « déclaration »
au sens du paragraphe 220(3). Cependant, dans Bonnybrook, la CAF a mis l'ARC en garde contre une interprétation aussi restrictive du paragraphe 220(3). Dans son arrêt, la CAF a affirmé que « le paragraphe 220(3) confère au ministre un vaste pouvoir discrétionnaire l'habilitant à déroger aux exigences de production strictes contenues dans d'autres dispositions »
et que les « paragraphes 220(2.1) et 220(3) sont des mesures d'allègement générales qui confèrent au ministre le pouvoir d'assouplir les exigences de production prévues dans l'ensemble de la Loi »
(non souligné dans l'original) (Bonnybrook aux para 41, 48). Manifestement, la CAF était d'avis que l'application du paragraphe 220(3) ne se limitait pas aux « déclarations »
ou aux documents « liés »
aux « déclarations »
et s'étendait à des documents autres que des « déclarations »
qui devaient aussi être produits avec la déclaration ou en conséquence de celle‐ci en vertu d'autres dispositions de la LIR. La CAF a manifestement envisagé l'obligation de « produire »
des choix (ou un autre type de document) lorsqu'elle a interprété le paragraphe 220(3) comme conférant au Ministre le pouvoir discrétionnaire de proroger un délai pour « assouplir les exigences de production prévues dans l'ensemble de la Loi »
. En fin de compte, comme l'a affirmé la CAF dans l'arrêt Bonnybrook au paragraphe 56, le paragraphe 220(3) est une mesure générale qui devrait s'appliquer sauf s'il est tout à fait clair que le législateur l'entendait autrement, car il lui aurait été facile de l'indiquer expressément.
[103] Troisièmement, l'ARC en l'espèce, s'appuyant sur l'arrêt Bonnybrook, a souscrit à l'argument d'Onex que si elle pouvait proroger la date limite de production d'un état T5013, [TRADUCTION] « la date d'échéance de production (au sens du paragraphe 248(1)) d'un formulaire ou d'un choix qui est lié à la production de cette déclaration serait également prorogée »
(non souligné dans l'original) (décision de l'ARC, Dossier des demanderesses, à la p 60). L'ARC limitait ainsi sa compétence aux choix qui étaient « liés »
à une déclaration et, comme je l'ai exposé plus haut, niait que c'était le cas d'Onex. Toutefois, l'obligation supplémentaire que le choix soit « lié »
à la déclaration n'est pas prévue dans le libellé du paragraphe 220(3). En fait, cette restriction n'apparaît pas dans le libellé de la loi. L'interprétation restrictive de l'ARC omet donc de tenir compte de la nature réparatrice du paragraphe 220(3) et de l'interprétation large imposée par la CAF dans l'arrêt Bonnybrook, dans lequel la CAF ne limitait pas l'application du paragraphe 220(3) à des « déclarations »
et a plutôt conclu qu'il s'applique à d'autres obligations de production dans l'ensemble de la LIR (Bonnybrook aux para 41, 48). Étant donné que les choix sont un type de document qu'on doit « produire »
selon la LIR, il n'existe aucune raison de principe, selon la décision de la CAF dans Bonnybrook, pour exclure certains choix de l'application du paragraphe 220(3), mais pas d'autres, simplement parce qu'ils ne sont pas des « déclarations »
ou ne sont pas « liés »
à la « déclaration »
.
[104] Par conséquent, l'ARC n'a pas tenu compte des contraintes juridiques et factuelles de sa décision (Mason au para 66). L'interprétation restrictive de l'ARC n'était pas conforme au fait que les états T5013 devaient être modifiés (que ce soit par nouvelle production ou par lettre) et l'interprétation de l'ARC voulant que le paragraphe 220(3) comprenne la restriction que les renseignements présentés avec la déclaration doivent être « liés »
à la déclaration n'était pas conforme au paragraphe 220(3), qui ne mentionne aucunement cette exigence. Comme je l'ai énoncé, si le législateur souhaitait ce résultat, il lui aurait été facile de l'indiquer expressément (Bonnybrook au para 56). L'ARC n'a donc pas tenu compte d'une autre interprétation plausible qui aurait pu être conforme à la nature réparatrice du paragraphe 220(3) de la LIR.
[105] Comme je l'ai énoncé plus haut au sujet du paragraphe 220(2.1), il existe une autre interprétation réparatrice plausible du paragraphe 220(3); l'ARC devait en tenir compte et fournir des motifs expliquant pourquoi son interprétation plus restrictive « reflète le mieux l'intention du législateur »
(Mason au para 76; Vavilov au para 133). Comme l'a conclu la CAF relativement au paragraphe 220(3) dans l'arrêt Bonnybrook au paragraphe 48, qui s'applique aussi en l'espèce, « la décision du ministre concernant le paragraphe 220(3) fait fi de la portée de cette disposition »
. Le défaut de l'ARC est suffisamment important pour amener la cour de révision à perdre confiance dans le résultat auquel l'ARC est arrivée (Vavilov au para 122).
(3) Autre interprétation réparatrice plausible des paragraphes 220(2.1) et 220(3) que l'ARC pouvait adopter
[106] Comme je l'explique dans les motifs qui précèdent, l'ARC n'a pas examiné si, selon l'interprétation réparatrice des dispositions en cause, il existait une autre interprétation plausible qui aurait conféré au Ministre un pouvoir discrétionnaire en l'espèce, tout en étant harmonieuse avec le régime de l'article 220 dans son ensemble.
[107] Je suis conscient de la mise en garde du juge Stratas dans l'arrêt Bonnybrook, et je ne donnerai pas une interprétation complète du régime, puisque cette tâche incombe au Ministre (Bonnybrook au para 67).
[108] D'un point de vue général, l'ARC a appliqué les principes de l'interprétation des lois, et plus précisément la règle de l'exclusion implicite, et a conclu que l'existence du pouvoir discrétionnaire ministériel en l'espèce entrerait en conflit avec les paragraphes 220(3.2) et 220(3.5) de la LIR, lesquels établissent les circonstances dans lesquelles des choix peuvent être acceptés tardivement et exigent également l'imposition d'une pénalité.
[109] Pour reprendre les mots de l'ARC, la renonciation à l'exigence de production entrerait en conflit avec le paragraphe 220(3.2), qui limite la production tardive des choix à ceux indiqués à l'article 600 du Règlement. Selon l'ARC, il y aurait conflit parce que si le Ministre pouvait exercer un pouvoir discrétionnaire en l'espèce, Onex pourrait faire une production tardive sans subir la pénalité prévue au paragraphe 220(3.5). Les paragraphes 220(3.2) et 220(3.5) pourraient donc être redondants.
[110] De même, selon l'ARC, le paragraphe 220(3) permet aux contribuables de produire des déclarations tardives sans devoir payer de pénalité pour production tardive. En l'espèce, les déclarations avaient déjà été produites et le paragraphe 220(3) ne vise pas à assouplir les exigences de production du choix du contribuable. Selon l'ARC, encore une fois, ce pouvoir existe en vertu du paragraphe 220(3.2) de la LIR et une interprétation large des pouvoirs du Ministre peut rendre les paragraphes 220(3.2) et 220(3.5) redondants.
[111] En fait, le défendeur soutient que la règle de l'exclusion implicite de l'interprétation des lois indique que le législateur n'avait pas l'intention que le paragraphe 220(2.1) et le paragraphe 220(3) servent à renoncer à un choix ou à permettre la production tardive d'un choix qui n'était pas prévu à l'article 600 du Règlement, comme le choix du projet de loi C‐43. À son avis, le fait d'interpréter les paragraphes 220(2.1) et 220(3) comme autorisant un choix tardif qui n'est pas prévu à l'article 600 du Règlement signifierait qu'on peut le faire sans pénalité, ce qui est incompatible avec le régime de l'article 220.
[112] Je ne fournirai pas une interprétation complète du régime en vertu de l'article 220; cependant, selon une interprétation réparatrice, comme l'exige l'article 12 de la Loi d'interprétation, mais aussi selon les règles ordinaires de l'interprétation des lois, il est plausible que les « dispositions en matière d’équité »
permettent à un contribuable de profiter de différents pouvoirs discrétionnaires ministériels, selon le cas. Tel qu’avancé par Onex, les paragraphes 220(2.1) et 220(3) peuvent servir des objectifs distincts et différents, ce qui n’a pas été analysé par l’ARC.
[113] Tel qu'il est énoncé dans la décision Petratos, une interprétation large du paragraphe 220(2.1) « permet au ministre de renoncer au respect du délai imparti pour déposer pratiquement tout ce qui doit l'être »
(Petratos au para 19 (note de bas de page 3)). En outre, comme l'a conclu la CAF dans l'arrêt Bonnybrook, les paragraphes 220(2.1) et 220(3) sont des mesures d'allégement générales pour « assouplir les exigences légales de production strictes »
et « confèrent au ministre le pouvoir d'assouplir les exigences de production prévues dans l'ensemble de la Loi »
(aux para 47–48). Et dans l'arrêt Nassau, la CAF a conclu que « [b]ien que la Loi prévoie dans certains cas une forme d'allégement, il ne s'ensuit pas nécessairement que le législateur avait l'intention de ne pas accorder d'allégement dans des situations dont la Loi ne traite pas expressément »
(Nassau au para 33, voir aussi les para 32–36).
[114] Par conséquent, une interprétation réparatrice plausible peut conférer au Ministre le pouvoir discrétionnaire de traiter de questions d'équité, malgré le paragraphe 220(3.2) et le paragraphe 220(3.5), selon les faits de l'affaire.
[115] Selon une telle interprétation réparatrice, le Ministre peut examiner les faits de chaque affaire et, lorsque ces faits exigent que l'on décharge entièrement le contribuable des « exigences légales » de la LIR, le Ministre devrait pouvoir le faire. S'il ne faut pas produire de déclaration (et si le contribuable ne peut invoquer le paragraphe 220(3)), le Ministre peut renoncer à la production d'un document conformément au paragraphe 220(2.1). Lorsqu'il faut produire une déclaration, le Ministre peut accorder une réparation complète en vertu du paragraphe 220(3).
[116] Cette interprétation réparatrice peut ne pas entrer en conflit avec le paragraphe 220(3.2) et le paragraphe 220(3.5). Le paragraphe 220(3.2) peut servir un objectif différent et prévoit une réparation supplémentaire et différente pour les contribuables relativement à certains types précis de choix. Dans ces situations, et lorsqu'il se peut que les faits de l'affaire ne justifient pas que le Ministre accorde un allégement complet en vertu du paragraphe 220(2.1) ou du paragraphe 220(3), le Ministre peut néanmoins accepter la production tardive des choix précis à l'article 600 du Règlement, mais en échange de la pénalité applicable prévue au paragraphe 220(3.5).
[117] Autrement dit, différentes couches de « dispositions en matière d'équité »
se trouvent dans le « dossier Équité »
en vertu de l'article 220. Même si une interprétation réparatrice du régime pouvait donner au Ministre la liberté de renoncer à la production de documents, ou d'accepter la production tardive de déclarations, et de renoncer entièrement à la pénalité ou aux « exigences »
de la LIR, lorsque l'iniquité est moindre, le Ministre peut quand même accepter la production tardive des choix à l'article 600 du Règlement, mais en échange d’une pénalité, car les contribuables dans ces situations méritent moins l'exonération complète des « exigences »
de la LIR.
[118] Le paragraphe 220(3.2) offre donc une deuxième réparation possible pour certains choix qui n'existe pas pour d'autres types de documents. Pour les choix non prévus à l'article 600 du Règlement, seules les iniquités graves justifieront la réparation aux termes du paragraphe 220(2.1) ou du paragraphe 220(3), laquelle, si elle est accordée, sera complète. Pour les choix désignés à l'article 600 du Règlement, et lorsque les considérations d’équité sont moins convaincantes et que le Ministre refuse d’accorder les réparations prévues aux paragraphes 220(2.1) ou 220(3), les contribuables peuvent présenter leurs arguments au Ministre afin qu'il accepte la production tardive, mais avec l'application de la pénalité prévue au paragraphe 220(3.5). Ce redressement supplémentaire possible n'existe pas pour d'autres documents et se limite aux choix prévus à l'article 600 du Règlement.
[119] En outre, en s'appuyant sur la règle de l'exclusion implicite, l'ARC s'appuyait implicitement sur la présomption d'absence de tautologie, selon laquelle le législateur ne parle pas pour ne rien dire. Selon l'ARC, si le paragraphe 220(2.1) ou le paragraphe 220(3) conférait au Ministre un pouvoir discrétionnaire en l'espèce, cela entrerait en conflit avec les paragraphes 220(3.2) et (3.5) et les rendrait essentiellement dénués de sens ou redondants. L'interprétation harmonieuse de la LIR exige donc que l'ARC interprète les paragraphes 220(2.1) et 220(3) de manière restrictive. La présomption d'absence de tautologie est intéressante et l'interprétation de l'ARC à cet égard est plausible. Toutefois, la présomption d'absence de tautologie peut être réfutée lorsque, par exemple, le législateur prévoit qu'on pourrait mal interpréter la loi ou que son application pourrait présenter des problèmes. Dans ces circonstances, le législateur peut choisir d'inclure des répétitions, ou des dispositions superflues comme « il est entendu »,
afin de faciliter la lecture de la loi (Ruth Sullivan, The Construction of Statutes, 7e éd, Toronto, LexisNexis, 2022 aux p 211–226). Je note, par exemple, que même si le paragraphe 220(3.2) prévoit expressément la production tardive des choix prévus à l'article 600 du Règlement (et est donc une « disposition plus précise »
comme l'affirme l'ARC), les paragraphes 220(4.54) et 220(4.63), qui font partie du « dossier Équité »
à l'article 220 de la LIR, prévoient également d'autres prorogations de délais pour faire un choix dans des circonstances différentes (et seraient donc d'autres « dispositions plus précises »
sur les choix qui ne sont pas prévus à l'article 600 du Règlement).
[120] L'interprétation de la loi exige donc un examen de la règle de l'exclusion implicite et de la présomption d'absence de tautologie, mais aussi la prise en compte d'autres explications possibles qui peuvent justifier le recours aux mêmes mots ou concepts dans la loi, peut-être afin d'en faciliter l'application ou la compréhension. Une disposition plus « générale »
n'entre donc pas toujours en conflit avec une disposition plus précise, lorsqu'il peut y avoir une explication. Une interprétation réparatrice, mais aussi l'application simultanée de toutes les règles de l'interprétation des lois, peut expliquer pourquoi une apparente contradiction n'est pas réellement présente et mener à la conclusion que le législateur entendait un résultat différent permettant l'application concurrente des dispositions « générales »
et « plus précises »
, malgré un conflit apparent.
[121] Il ne revient pas à la Cour de décider laquelle des interprétations plausibles est la plus appropriée; cette tâche incombe au Ministre. Cependant, l'ARC n'a pas tenu compte de l'interprétation que je propose, qui est réparatrice et qui s'harmonise avec la LIR interprétée dans son ensemble. L'ARC est en mesure de décider si, selon les faits de l'espèce, cette interprétation proposée est plausible ou acceptable, ou même raisonnable. Le fait que l'ARC n'ait pas examiné une interprétation réparatrice qui pourrait être compatible et conciliable avec le régime prévu à l'article 220 dans son ensemble, et qu'elle n'ait pas expliqué pourquoi une interprétation plus restrictive « reflète le mieux l'intention du législateur »
(Mason au para 76) amène la Cour à perdre confiance dans le résultat auquel l'ARC est arrivée (Vavilov au para 122).
B. L’exercice du pouvoir discrétionnaire du Ministre en vertu du paragraphe 220(3)
(1) La décision de l'ARC sur l'exercice du pouvoir discrétionnaire du Ministre
[122] L'ARC a décidé que le Ministre n'avait pas le pouvoir discrétionnaire d'accepter la production d'un nouvel état T5013 en vertu du paragraphe 220(3). Toutefois, au cas où sa décision serait erronée, l'ARC a procédé à l'analyse de la demande d'Onex si le Ministre avait le pouvoir discrétionnaire d'accepter la nouvelle production. L'ARC a décidé que les arguments présentés par Onex ne justifient pas que le Ministre accorde la prorogation demandée.
[123] L'ARC a décidé qu'Onex avait choisi délibérément, après avoir consulté ses fiscalistes, de ne pas produire de choix. L'ARC est d'avis qu'Onex doit accepter les conséquences de sa propre interprétation de certains énoncés publics de l'ARC à l'appui de ses déclarations antérieures en 2012 et en 2013 et de l'absence d'un choix.
[124] L'ARC a également décidé que la production d'un choix par Onex n'aurait pas causé un fardeau indu. Selon l'ARC, la disposition d'entrée en vigueur du projet de loi C‐43 n'exige pas la production du choix avec une déclaration ou une déclaration modifiée ou d'un formulaire prescrit. Par conséquent, Onex pouvait simplement faire le choix dans une lettre, et décrire les changements corrélatifs des montants aux postes précis des états T5013 d'Onex. Si Onex avait déposé un choix, cela aurait donc entraîné un fardeau de conformité et un fardeau administratif minime.
[125] L'ARC a aussi rejeté l'argument d'Onex voulant qu'il n'était pas nécessaire qu'elle produise un choix, car le résultat visé des déclarations faites et d'un choix en vertu du projet de loi C‐43 était le même dans les deux cas. Autrement dit, l'ARC a rejeté l'argument d'Onex que le choix était redondant. Selon l'ARC, Onex se trompe. Étant donné que le choix n'avait pas été produit, le résultat dans les deux cas est bel et bien différent. Par conséquent, puisque Onex n'a pas produit le choix à temps, elle doit accepter les résultats fiscaux selon la législation pertinente pour ses années d'imposition 2012 et 2013.
[126] Enfin, l'ARC a affirmé qu'elle n'avait pas changé sa position ou son interprétation de la pratique administrative de longue date voulant que la déduction au titre de dividendes du paragraphe 113(1) devrait être égale au montant brut des dividendes reçus. L'ARC a rejeté l'argument d'Onex et a affirmé que les documents et les énoncés de l'ARC ne portaient pas expressément sur le paragraphe 91(5) de la LIR, qui était une disposition liée aux déductions en l'espèce, et qu'elle n'avait pas affirmé expressément qu'elle permettrait une déduction au titre de dividendes en vertu de l'article 113 égale au montant brut des dividendes reçus d'une société étrangère affiliée par l'entremise de la société de personnes. L'ARC a également décidé que si elle avait fait certains commentaires informellement lors d'une conférence en 2005, Onex n'aurait pas dû se fier à ces commentaires non officiels, puisque l'ARC n'a jamais fait de déclaration écrite définitive.
[127] Cependant, il est d'une importance cruciale que l'ARC n'a tiré aucune conclusion de fait concernant l'observation d'Onex qu'elle avait toujours compté profiter du choix, comme l'indique son organisation et sa conclusion voulant que la production d'un choix serait redondante, et qu'elle ne se livrait pas à une planification fiscale rétroactive lorsqu'elle a demandé une renonciation au titre du paragraphe 220(2.1) ou une prorogation du délai pour produire une nouvelle déclaration en vertu du paragraphe 220(3).
(2) Les arguments d'Onex sur le caractère déraisonnable de l'exercice du pouvoir discrétionnaire de l'ARC
[128] Onex affirme que la décision de l'ARC de lui refuser la permission de produire une nouvelle déclaration est déraisonnable à la lumière des contraintes juridiques et factuelles qui ont une incidence sur l'ARC (Vavilov au para 105). Onex prétend avoir suivi la [TRADUCTION] « pratique claire, non ambiguë et constante »
antérieure de l'ARC établie dans ses documents permettant à Onex de déduire le [TRADUCTION] « montant brut des dividendes inclus lors du calcul du revenu de l'associé »
et qu'elle avait donc une attente légitime que l'ARC plafonne la déduction au titre de dividendes de l'article 113 d'Onex au « montant brut »
. Onex soutient que la position de l'ARC va à l'encontre de sa pratique antérieure et que le changement de position de l'ARC enfreint son droit à l'équité procédurale parce qu'il contrevient à son attente légitime que l'ARC respecte sa pratique antérieure (mémoire des faits et du droit d'Onex aux paragraphes 95 à 97, Dossier des demanderesses, à la p 242).
[129] Onex affirme également que la position de l'ARC selon laquelle Onex n'avait pas à modifier ses déclarations de 2012 et de 2013 en déposant le choix prévu au projet de loi C‐43 n'est pas fondée. Onex soutient que la production du choix aurait aussi exigé la modification de ses déclarations, car l'information qui s'y trouve ne serait plus exacte si un choix avait été produit. Selon Onex, puisque son interprétation de la LIR lui accordait déjà l'avantage qu'elle aurait obtenu si un choix avait été fait, elle a décidé que le choix était redondant. De plus, la production d'un choix et de déclarations modifiées dans le seul but d'obtenir un résultat fiscal qu'elle avait déjà réalisé était un fardeau inutile.
[130] Onex soutient pour terminer que l'ARC a omis de tenir compte de nombreux facteurs pertinents à sa décision et semble ne pas leur avoir accordé de poids : a) la nouvelle cotisation proposée était injuste dans les circonstances, car Onex ne faisait pas de planification fiscale rétroactive et avait toujours l'intention de bénéficier de l'entière déduction au titre de dividendes de l'article 113; b) Onex a pris sa décision en s'appuyant sur les lignes directrices écrites trompeuses de l'ARC; c) Onex était en conformité avec ses obligations fiscales et avait des antécédents de conformité; d) Onex était raisonnable et diligente et a pris des mesures correctrices dès que possible; et e) Onex a coopéré entièrement en tout temps avec l'ARC.
(3) Les arguments du défendeur sur le caractère raisonnable de la décision de l'ARC
[131] Le défendeur soutient que l'ARC n'a pas omis d'accorder du poids à la présumée diligence et à la prudence des demanderesses dans leurs affaires fiscales. L'ARC a plutôt tenu compte du fait que les demanderesses avaient des fiscalistes avertis et qu'elles avaient choisi délibérément de ne pas produire le choix en application du projet de loi C‐43 en temps utile. L'ARC a également considéré que la production d'un choix en temps utile n'était ni redondante ni onéreuse et qu'il n'aurait pas entraîné de fardeau de conformité et de fardeau administratif inutiles. Enfin, l'ARC n'a pas induit Onex en erreur concernant l'interprétation des dispositions pertinentes de la LIR, et il n'y avait aucune raison convaincante pour laquelle Onex n'avait pas produit le choix en temps utile.
(4) Le Ministre n'a pas examiné des éléments pertinents dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire
[132] La décision de l'ARC que la production d'un choix n'aurait pas constitué un fardeau indu est raisonnable. Onex n'a pas déposé d'éléments de preuve démontrant à quel point la production des états T5013 modifiés aurait constitué un fardeau dans les circonstances. En outre, comme l'a soutenu le défendeur au paragraphe 96 de son mémoire des faits et du droit, Onex pouvait faire le choix par écrit et indiquer les changements corrélatifs à ses états T5013 dans cette lettre; rien n'indique que l'ARC n'aurait pas accepté cette lettre et aurait plutôt exigé qu'on produise de nouveaux états T5013 modifiés pour 2012 et 2013.
[133] Je ne souscris pas non plus à l'argument d'Onex concernant son attente légitime que l'ARC ne changerait pas de position concernant ses directives écrites. Premièrement, la règle des attentes légitimes ne crée pas de droits matériels (Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36 au para 97). Deuxièmement, pour ce qui est de l'argument d'Onex sur le fait qu'elle se soit fiée aux directives écrites de l'ARC, l'ARC a tenu compte de l'argument et l'a rejeté de façon raisonnable. À mon avis, les directives écrites ne sont pas suffisamment claires pour appuyer l'argument d'Onex. Les directives écrites ne portent pas sur les structures précises établies par Onex. À cet égard, et comme l'admet Onex, l'application des dispositions de la LIR à ses structures propres exigeait l'interprétation de dispositions complexes de la LIR. L'exigence d'examiner et d'interpréter les liens entre plusieurs dispositions complexes de la LIR et les structures complexes de personnes morales font nécessairement que des interprétations différentes s'appliqueront à des parties différentes. Par conséquent, l'interprétation de l'ARC et la façon dont elle a appliqué les dispositions de la LIR à Onex en l'espèce dans sa nouvelle cotisation proposée ne sont pas nécessairement un changement de position.
[134] Toutefois, à mon avis, en refusant d'exercer le pouvoir discrétionnaire du Ministre, l'ARC n'a pas tenu compte des conséquences complexes s'appliquant à Onex dans les circonstances, comme l'affirme Onex dans sa lettre du 1er mars 2022, et notamment du fait que la nouvelle cotisation créerait des injustices (voir l'affidavit de M. Copeland, pièce E, aux para 32, 33, 54, Dossier des demanderesses, aux p 120 et 124; Mason aux para 76, 104). Onex affirme qu'elle avait toujours eu l'intention de bénéficier du résultat fiscal final maintenant prévu par le projet de loi C‐43 et que sa demande ne constituait pas une tentative de planification fiscale rétroactive (question que l'ARC n'a pas tranchée). L'ARC a également omis de tenir compte du fait qu'Onex avait déjà produit les déclarations pour 2012 et 2013 et que, par conséquent, tout choix produit en application du projet de loi C‐43 exigerait la production de déclarations modifiées (par lettre ou par la production de nouvelles déclarations), même si les états T5013 d'Onex reflétaient déjà le résultat qu'Onex avait toujours eu l'intention d'obtenir (qui est aussi le résultat prévu par le projet de loi C‐43).
[135] Dans le dossier certifié du tribunal, l'ARC a inclus une politique concernant l'exercice du pouvoir discrétionnaire du Ministre en vertu du paragraphe 220(3) (Ébauche de politique sur le paragraphe 220(3), Dossier des demanderesses, à la p 180); la politique est donc pertinente à la présente demande de contrôle judiciaire et doit donc avoir été prise en compte. Il s'agit d'une politique large qui comprend l'examen de circonstances extraordinaires, d'erreurs commises par le contribuable suivant de l'information inexacte fournie par l'ARC, et [TRADUCTION] « [d’]autres circonstances »
(non souligné dans l'original). Selon la politique, en examinant si une prorogation doit être accordée en vertu du paragraphe 220(3), le Ministre devrait notamment examiner la diligence raisonnable du contribuable dans la conduite de ses affaires dans le régime d'autocotisation (le contribuable n'a pas fait preuve de négligence ou d'imprudence) et la question de savoir si le contribuable a agi rapidement ou dans un délai raisonnable pour corriger la situation.
[136] Dans ses observations à la Cour, Onex a soutenu que dans l'examen [TRADUCTION] « [d’]autres circonstances »
en application du paragraphe 220(3), le Ministre aurait dû examiner les « autres circonstances »
présentes dans d'autres lignes directrices, comme la circulaire d'information IC07‐1 qui s'applique aux « Dispositions d'allègement pour les contribuables »
(qui ne porte cependant pas sur le paragraphe 220(2.1) et le paragraphe 220(3)), et la circulaire d'information IC76‐19R3 portant sur le « Transfert de biens à une société en vertu de l'article 85 »
. Selon Onex, l'examen « [d’]autres circonstances »
visées par ces circulaires d'information peut aussi être approprié, selon le cas, lors des demandes présentées en vertu du paragraphe 220(2.1) et du paragraphe 220(3). Ces facteurs comprennent ceux notés plus haut pour le paragraphe 220(3) que l'ARC a pris en compte (Ébauche de politique sur le paragraphe 220(3), Dossier des demanderesses, à la p 180) et également les antécédents de conformité du contribuable, si le contribuable avait souhaité les conséquences fiscales ou si elles découlent d'information erronée fournie par l'ARC, et si l'objet du contribuable est d'effectuer une planification fiscale rétroactive ou s'il y a eu négligence quant au respect de la loi.
[137] À mon avis, toutes les « autres circonstances »
relevées étaient pertinentes lors de l'examen par le Ministre de la demande d'Onex et peuvent faire partie des « autres circonstances »
dont le Ministre peut tenir compte en application de la politique sur l'exercice du pouvoir discrétionnaire du Ministre prévu par le paragraphe 220(3). Comme l'a affirmé la CSC dans l'arrêt Mason au paragraphe 76, un décideur doit toujours tenir compte des incidences particulièrement graves ou sévères pour la personne visée et, dans ce cas, expliquer « pourquoi sa décision reflète le mieux l'intention du législateur »
(Mason au para 76, s'appuyant sur Vavilov aux para 133–135).
[138] En l'espèce, dans sa lettre au Ministre du 1er mars 2022 (affidavit de M. Copeland, pièce E, Dossier des demanderesses, aux p124–125), Onex a demandé que le Ministre tienne compte, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, du fait que la nouvelle cotisation proposée par l'ARC était injuste dans son cas, notamment parce qu'elle avait déclaré son revenu pour 2012 et 2013 de façon conforme à une interprétation raisonnable de la loi qu'elle croyait étayée par les publications de l'ARC et les déclarations publiques de l'ARC et du ministère des Finances, parce que la production d'un choix alors que le résultat fiscal final était le même imposerait un fardeau, parce que l'ARC s'est écartée d'une pratique de longue date, et parce que le résultat obtenu par Onex dans ses états T5013 reflète réellement les résultats appropriés et souhaités, comme le confirment les modifications en vertu du projet de loi C‐43. On ne conteste pas ce dernier facteur : l'ARC est d'accord que les modifications du projet de loi C‐43 entraînent exactement les mêmes résultats que ceux visés par Onex dans ses structures commerciales complexes.
[139] Autrement dit, selon une interprétation appropriée des arguments d'Onex dans leur ensemble, Onex a affirmé au Ministre qu'elle avait toujours eu l'intention d'avoir le même résultat que celui obtenu en vertu des modifications du projet de loi C‐43 (mais qu'elle obtenait déjà en raison de ses structures), que la situation avait causé des conséquences fiscales imprévues, qu'elle avait fait preuve de diligence raisonnable et avait agi rapidement pour corriger la situation lorsqu'elle en avait été avisée (en demandant l'exercice du pouvoir discrétionnaire du Ministre dans les deux décisions qui font l'objet des présentes demandes de contrôle judiciaire), et que la demande d'Onex n'est pas une tentative rétroactive de planification fiscale (élément aussi jugé pertinent dans la décision Banff Caribou au para 33; voir aussi Nassau aux para 32–35).
[140] L'ARC n'a pas tiré de conclusions de fait précises sur ces motifs, n'a pas examiné ou pondéré ces observations, dont certaines portaient précisément sur la politique de l'ARC qui semble avoir été prise en compte, ou qui pourraient faire partie des « autres circonstances »
, puisque ces facteurs apparaissaient dans d'autres circulaires et avaient été pris en compte par les tribunaux (Ébauche de politique sur le paragraphe 220(3), Dossier des demanderesses, à la p 180; voir aussi Banff Caribou au para 33; Nassau au para 35).
[141] L'ARC n'a pas expliqué pourquoi les « conséquences particulièrement graves »
en l'espèce reflétaient le mieux l'intention du législateur. En fait, bien que l'ARC se soit fondée sur le fait qu'Onex avait accès à des fiscalistes, elle n'a pas tenu compte de l'observation d'Onex selon laquelle elle avait consulté des fiscalistes pour s'assurer que les mesures qu'elle prenait étaient conformes à l'avantage tiré des modifications en vertu du projet de loi C-43, en produisant un choix ou en se fondant sur ses états T5013 déjà produits. Par conséquent, l'ARC a omis de tirer des conclusions de fait sur : a) l'allégation d'Onex qu'elle s'était toujours conduite d'une manière qui indiquait son intention d'accéder au résultat obtenu par le législateur lorsqu'il a adopté les modifications prévues au projet de loi C‐43; b) l'affirmation qu'Onex ne s'adonnait pas à une planification fiscale rétroactive; c) l'argument que les conséquences de la nouvelle cotisation proposée n'étaient pas prévues; et d) l'argument qu'Onex avait agi raisonnablement en tout temps.
[142] Si l'ARC a tenu compte des observations d'Onex sur ces questions, les motifs n'indiquent pas pourquoi elle n'y a pas accordé de poids lors de l'exercice du pouvoir discrétionnaire du Ministre. Si l'ARC avait tenu compte de tous les renseignements à sa disposition relativement aux antécédents de conformité fiscale d'Onex et si l'ARC avait tiré des conclusions de fait défavorables sur ces questions, ces conclusions auraient pu renforcer sa décision. Par contre, si l'ARC avait tiré des conclusions de fait en faveur d'Onex et avait tenu compte des autres facteurs, la décision finale aurait peut‐être été différente.
[143] Il est important de noter que l'ARC a probablement en main tous les antécédents fiscaux d'Onex. L'ARC peut être en mesure d'établir la raison pour laquelle Onex peut avoir décidé de ne pas faire le choix en temps utile, parce que cette conduite à l'époque était plus avantageuse pour d'autres motifs fiscaux. Une telle conclusion pourrait étayer le fait qu'Onex se livrait réellement à une planification fiscale rétroactive. Si c'était là l'hypothèse de l'ARC, elle aurait pu demander qu'Onex fasse d'autres observations sur cette question avant d'en arriver à ses conclusions, conformément au principe d’équité procédurale. Mais l'ARC ne l'a pas fait, ne semble pas avoir tiré de conclusions de fait sur cette question, et n'a pas tenu compte des observations d'Onex.
[144] L'ARC n'a donc pas convenablement tenu compte des observations des parties et n'a pas tenu compte des conséquences particulièrement graves pour Onex (Mason au para 76). Ces manquements relativement aux contraintes juridiques et factuelles portant sur la décision amènent la Cour à perdre confiance dans le résultat auquel l'ARC est arrivée (Mason au para 66; Vavilov au para 106).
VII. Conclusion
[145] L'ARC n'a pas tenu compte de la nature réparatrice du paragraphe 220(2.1) et du paragraphe 220(3) de la LIR qui font partie du « dossier Équité
»
établi en vertu de l'article 220 et n'a pas tenu compte de l'article 12 de la Loi d'interprétation, qui dispose : « T
out texte est censé apporter une solution de droit et s'interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet. »
[146] Même si l'interprétation de l'ARC est l'une des interprétations possibles conformément aux principes pertinents de l'interprétation des lois, y compris la règle de « l'exclusion implicite »
selon laquelle une disposition générale ne peut l'emporter sur une disposition plus précise, je ne suis pas convaincu que l'ARC aurait tiré la même conclusion si elle avait considéré de manière appropriée une autre interprétation plausible, notamment la nature réparatrice du « dossier Équité »
susmentionné. Pour cette raison, l'affaire est renvoyée à l'ARC pour nouvel examen.
[147] Pour ce qui est du paragraphe 220(3) et du refus du Ministre d'exercer son pouvoir discrétionnaire, l'ARC n'a pas tenu compte des « conséquences particulièrement graves »
d'un refus d'exercer son pouvoir discrétionnaire en faveur d'Onex et n'a pas expliqué pourquoi cette décision reflète le mieux l'intention du législateur. L'ARC a également omis d'établir si Onex avait toujours eu l'intention de bénéficier du résultat fiscal établi par le projet de loi C‐43 ou si la demande d'Onex est une tentative de planification fiscale rétroactive. L'ARC devait examiner et évaluer convenablement ces questions dans son processus décisionnel.
[148] La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision du Ministre est annulée. L'affaire est renvoyée au Ministre pour son nouvel examen conformément aux principes énoncés dans les présents motifs.
VIII. Dépens
[149] Les parties conviennent que les dépens devraient suivre l'issue de la cause et que si les demandes de contrôle judiciaire sont accueillies, des dépens de 8 330 $ devraient être adjugés aux demanderesses.
JUGEMENT dans les dossiers T-85-22 et T-2082-22
LA COUR ORDONNE :
1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.
2. La décision du Ministre est annulée et l'affaire est renvoyée pour nouvel examen.
3. Des dépens de 8 330 $ sont payables aux demanderesses.
« Guy Régimbald »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIERS :
|
T-85-22, T-2082-22
|
INTITULÉS :
|
ONEX CORPORATION ET AL. c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
|
LIEU DE L'AUDIENCE :
|
TORONTO (ONTARIO)
|
DATE DE L'AUDIENCE :
|
LE 27 MARS 2024
|
JUGEMENT ET MOTIFS :
|
LE JUGE RÉGIMBALD
|
DATE DES MOTIFS :
|
LE 9 AOÛT 2024
|
COMPARUTIONS :
Léon H. Moubayed
Élisabeth Robichaud
Luca Teolis
|
POUR LES DEMANDERESSES
|
Laurent Bartleman
Aleksandrs Zemdegs
Anna Kirk
|
POUR LE DÉFENDEUR
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Davies Ward Phillips & Vineberg S.E.N.C.R.L., s.r.l.
Avocats
Montréal (Québec)
|
POUR LES DEMANDERESSES
|
Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
|
POUR LE DÉFENDEUR
|