Date : 20240709
Dossier : IMM-10657-23
Référence : 2024 CF 1079
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 9 juillet 2024
En présence de madame la juge Fuhrer
ENTRE :
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ETHAN SAMUEL CHRISTIAN, REPRÉSENTÉ PAR SA TUTRICE À L’INSTANCE, RAJU VISHALA AVANTI
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I. Aperçu
[1] Le demandeur, Ethan Samuel Christian, est un citoyen de l’Inde âgé de 10 ans. Ses parents, également citoyens indiens, ont tous deux un statut valide au Canada. Sa mère, qui est également sa tutrice à l’instance, est au Canada avec un permis d’études. Elle suit une maîtrise en administration des affaires et travaille à temps partiel. Le père du demandeur a obtenu un permis de travail ouvert pour conjoint, mais a retardé son départ pour le Canada lorsque la demande de permis d’études de son fils a été rejetée.
[2] La raison principale du refus de la demande est que [traduction] « les actifs et la situation financière [du demandeur] sont insuffisants pour atteindre le but déclaré du voyage »
. Les notes consignées dans le Système mondial de gestion des cas [SMGC] ne révèlent rien qui permette de comprendre les raisons ayant motivé l’agent des visas à refuser le permis d’études. En dépit des arguments contraires présentés par le défendeur, ces notes soulignent plutôt l’illogisme de la décision et l’absence d’une analyse cohérente et rationnelle, qui est essentiellement déconnectée de la situation de ses parents. Veuillez consulter l’annexe A plus loin pour les dispositions législatives pertinentes.
[3] Je n’ai aucune hésitation à conclure que la décision est déraisonnable. En conséquence, la décision sera annulée et renvoyée à un autre agent des visas pour nouvelle décision.
II. Analyse
[4] Je conclus que le demandeur s’est acquitté de son fardeau de démontrer que le rejet de sa demande de permis d’étude est déraisonnable, dans la mesure où font défaut les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, aux para 99 à 101.
[5] Contrairement à ce qu’affirme le défendeur, il ne s’agit pas d’une affaire concernant un mineur qui désire venir étudier au Canada et qui sera accompagné de ses parents si sa demande est accueillie; l’affaire concerne, plutôt, un mineur qui souhaite vivre avec ses parents, qui ont un statut au Canada, et qui a l’intention de poursuivre son enseignement primaire et de recevoir les soins de ses parents pendant son séjour. Pour ce motif, je conclus que les arrêts suivants, sur lesquels le défendeur s’appuie, se distinguent des faits puisqu’ils concernent le premier scénario au lieu du second : Zibadel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 285; Farnia c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 511.
[6] Je suis d’avis que les motifs de l’agent ne répondent pas à la situation précise du demandeur : Patel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 77 au para 17. Même si elles reconnaissent que le demandeur est un mineur dont les parents ont un statut au Canada, les notes du SMGC montrent qu’il est question de l’installation du jeune enfant et de sa capacité à s’acquitter des frais de scolarité et à subvenir à ses besoins. En d’autres termes, l’enfant est traité comme s’il était un demandeur adulte, à l’instar de sa mère par exemple.
[7] La preuve au dossier indique, cependant, que l’enfant résidera avec sa mère dans l’appartement dont elle est déjà locataire et que ses dépenses seront minimes puisqu’il a l’intention de fréquenter l’école primaire. Quand bien même les frais de scolarité s’élèveraient à 200 dollars, comme le déclare le défendeur, mais non les notes du SMGC (bien que je note qu’il est fait mention de ce montant dans la demande de permis d’études du demandeur), il s’agit d’une somme modique.
[8] En outre, lors de l’audience, le défendeur a fait valoir que le demandeur ne s’est pas acquitté de son fardeau de démontrer, à la satisfaction de l’agent, avoir en sa possession les 10 000 dollars exigés pour subvenir à ses besoins, conformément aux directives écrites d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada [IRCC] intitulées « Permis d’études : Obtenez les documents requis » et qui ont été soumises en preuve en l’espèce.
[9] Si je comprends bien l’argument du défendeur, la situation financière du demandeur est liée à celle de ses parents, mais ni l’épargne de sa mère (d’environ 21 000 dollars) ni le revenu (d’environ 37 000 dollars) qu’elle tire de son travail à temps partiel ne sont affectés aux 10 000 dollars exigés pour subvenir aux besoins du demandeur ou aux 200 dollars de frais de scolarité. Aucun des arguments du défendeur n’apparaît cependant dans les notes du SMGC; par conséquent, il s’agit, selon moi, d’une tentative inacceptable pour motiver la décision après coup.
[10] La Cour conclut que, en substance, les motifs de l’agent au sujet des frais de scolarité et de subsistance sont contredits par la preuve, cette dernière ayant été passée sous silence et vraisemblablement omise par l’agent : Aghaalikhani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1080 au para 24.
[11] J’ai également de la difficulté à cerner la logique qui sous-tend la déclaration de l’agent selon laquelle il n’est [traduction] « pas convaincu que le demandeur se conformera aux modalités et aux conditions qui lui sont imposées en tant que résident temporaire »
. À première vue, cela semble suggérer que le demandeur pourrait ignorer les conditions d’un permis d’études et pourrait rester au Canada après le retour de ses parents en Inde.
[12] Toutefois, ses deux parents ont un statut au Canada. IRCC a déjà déterminé qu’ils sont en mesure de subvenir à leurs besoins, qu’ils quitteront le Canada à la fin de leur période de séjour autorisée et se conformeront aux modalités et aux conditions qui leur sont imposées en tant que résidents temporaires. À mon avis, supposer que le demandeur, en tant qu’enfant mineur à charge, n’accompagnera pas ses parents lors de leur départ relève de la conjecture.
[13] Comme notre Cour l’a précédemment conclu, « [une] conclusion selon laquelle on ne p[eut] pas faire confiance [au] demandeu[r] pour se conformer au droit canadien est une chose sérieuse »
qui requiert une justification intelligible et transparente : Cervjakova c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1052 au para 12.
III. Conclusion
[14] Pour les motifs énoncés ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision du 14 août 2023 par laquelle le demandeur s’est vu refuser sa demande de permis d’études est annulée, et la présente affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour nouvelle décision.
[15] Les parties n’ont proposé aucune question grave de portée générale aux fins de certification. Je conviens que la présente affaire n’en soulève aucune.
JUGEMENT dans le dossier IMM-10657-23
LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :
La demande de contrôle judiciaire du demandeur est accueillie.
La décision du 14 août 2023 par laquelle un agent des visas d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a rejeté la demande de permis d’études du demandeur est annulée.
La présente affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour nouvelle décision.
Il n’y a aucune question à certifier.
« Janet M. Fuhrer »
Juge
Annexe A : Dispositions pertinentes
Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227.
Immigration and Refugee Protection Regulations, SOR/2002-227.
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COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-10657-23
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INTITULÉ :
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ETHAN SAMUEL CHRISTIAN, REPRÉSENTÉ PAR SA TUTRICE À L’INSTANCE, RAJU VISHALA AVANTI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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vancouver (COLOMBIE-BRITANNIQUE)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 4 JUILLET 2024
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LA JUGE FUHRER
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DATE DES MOTIFS :
|
LE 9 JUILLET 2024
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COMPARUTIONS :
Manoj Goyal
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PoUr LE DEMANDEUR
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Coco Wiens-Paris
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PoUr LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Radiant Law Corporation
Vancouver (Colombie-Britannique)
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PoUr Le DEMANDEUR
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Procureur général du Canada
Vancouver (Colombie-Britannique)
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PoUr Le DÉFENDEUR
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