Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20240607


Dossier : T‑126‑19

Référence : 2024 CF 871

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 7 juin 2024

En présence de monsieur le juge McHaffie

ENTRE :

TEKNA PLASMA SYSTEMS INC.

demanderesse /
défenderesse reconventionnelle

et

AP&C ADVANCED POWDERS & COATINGS INC.

défenderesse /
demanderesse reconventionnelle

JUGEMENT ET MOTIFS


TABLE DES MATIÈRES

 

I. Aperçu 4

II. Introduction 9

A. Les brevets en litige 9

B. Les parties et l’action 12

C. Les témoins ordinaires 14

D. Les témoins experts 16

III. Les questions communes aux brevets 502 et 236 25

A. Les principes d’interprétation des brevets 25

B. La personne versée dans l’art 29

C. Les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art 30

(1) Les principes 30

(2) La preuve relative aux connaissances générales courantes 33

(3) Les connaissances générales courantes 37

D. La divulgation des brevets 502 et 236 51

(1) La structure de la divulgation 52

(2) Description des divers modes de réalisation 53

(3) Les expériences 57

IV. Brevet canadien 3 003 502 61

A. L’interprétation des revendications 61

(1) Introduction et revendication 1 61

(2) Les termes définis 64

(3) Autres termes 71

(4) Couche de surface 94

(5) Revendication indépendante 60 141

(6) Revendications dépendantes 142

B. La validité 148

(1) L’ambiguïté 149

(2) L’insuffisance 170

(3) Les autres motifs d’invalidité invoqués 171

C. La contrefaçon 172

(1) Les principes 172

(2) Les revendications invoquées et les points d’accord 173

(3) Les revendications invoquées du brevet 502 ne sont pas contrefaites. 175

D. Conclusion 211

V. Brevet canadien 3 051 236 212

A. L’interprétation des revendications 212

(1) Introduction 212

(2) Revendications 1 à 4 214

(3) Les autres revendications 232

B. La validité 246

(1) L’ambiguïté 246

(2) L’insuffisance 262

(3) Les autres motifs d’invalidité avancés 262

C. La contrefaçon 272

(1) Les revendications invoquées et les points d’accord 272

(2) Les revendications invoquées ne sont pas contrefaites. 276

D. Conclusion 279

VI. Conclusion 279

VII. Dispositif et dépens 280

 


L’étendue de la protection découlant du brevet doit être non seulement équitable, mais aussi raisonnablement prévisible. Après tout, un brevet est un document public établi en application d’un pouvoir légal, et sa contrefaçon peut avoir de graves répercussions financières. La portée de l’interdiction qui y est faite doit être claire, de façon que les citoyens sachent quelles avenues leur demeurent ouvertes.

Free World Trust c Électro Santé Inc, 2000 CSC 66 au para 41.

I. Aperçu

[1] La Loi sur les brevets, LRC 1985, c P‑4, exige que les revendications d’un brevet définissent « distinctement et en des termes explicites » l’objet de l’invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif. Les revendications de brevet jouent un rôle essentiel d’information du public. On peut faire respecter le monopole conféré par les revendications au moyen de diverses mesures de réparation pécuniaire ou autre, de sorte qu’il importe que le public sache ce qui est interdit et, par conséquent, ce qu’il peut et ne peut pas faire sans contrefaire le brevet.

[2] Certes, les revendications doivent définir l’objet de l’invention de façon distincte et explicite, mais il n’est pas requis qu’elles soient parfaites ou qu’elles constituent un modèle de clarté. Elles sont destinées à être lues par une personne versée dans l’art qui essaie de les interpréter en fonction de l’objet et de leur donner un sens équitable pour l’inventeur et le public. Un manque de clarté ou des formulations potentiellement contradictoires ne sont pas à eux seuls fatals. C’est pourquoi il est rare que la Cour conclue que les revendications d’un brevet ne peuvent pas faire l’objet d’une interprétation utile.

[3] La présente affaire traite de ces principes importants dans le contexte de deux brevets portant sur la production de poudres de métal réactif. Ces poudres, composées de minuscules particules de métal réactif comme le titane ou ses alliages, sont particulièrement utiles dans la fabrication additive, aussi parfois appelée [traduction] « impression 3D », dans laquelle des objets tridimensionnels sont fabriqués par empilement, assemblage ou solidification de couches de matière successives.

[4] AP&C, Advanced Powders & Coating Inc, et Tekna Plasma Systems Inc fabriquent toutes deux des poudres de métal qui sont notamment utilisées dans la fabrication additive. AP&C détient les brevets en cause, le brevet canadien 3 003 502 [le brevet 502] et le brevet canadien 3 051 236 [le brevet 236]. AP&C allègue que la production, par Tekna, de poudres d’alliage de titane contrefait les brevets. De son côté, Tekna allègue que les brevets sont invalides et que, dans tous les cas, elle ne les contrefait pas.

[5] Le brevet 502 et le brevet 236 sont étroitement liés. Ils partagent les mêmes inventeurs et une divulgation identique, mais leurs revendications sont différentes. Le concept de la couche d’appauvrissement à la surface des particules de poudre de métal réactif est au cœur des revendications de chaque brevet. Chacune des revendications des deux brevets comprend, comme élément essentiel, la formation d’une couche d’appauvrissement ou un système configuré pour contrôler la formation d’une couche d’appauvrissement. La signification du terme couche d’appauvrissement et la capacité de déterminer si une particule de poudre présente une couche d’appauvrissement sont donc au cœur des brevets et des différends à l’origine de la présente action.

[6] En général, le terme couche d’appauvrissement n’est pas utilisé dans le domaine de la fabrication de poudre. Comme l’a si bien dit l’avocat d’AP&C, il ne s’agit pas d’un terme technique, mais d’un [traduction] « terme du brevet », créé par les inventeurs. Son sens doit donc être dégagé des brevets eux‑mêmes, lus et interprétés par le lecteur versé dans l’art à la lumière de ses connaissances générales courantes et en conformité avec les divers principes qui régissent l’interprétation des brevets.

[7] Après avoir examiné chaque brevet dans son ensemble, de même que la preuve qui m’a présentée, laquelle comprend les rapports et les témoignages des experts de chaque partie, et les arguments avancés de part et d’autre, je conclus qu’à l’exception de quelques revendications du brevet 236, il est impossible pour le lecteur versé dans l’art de savoir ou de déterminer si une particule de poudre possède une couche d’appauvrissement au sens des revendications des brevets. Ni les revendications ni la divulgation des brevets ne lui permettent de savoir ou de déterminer si une particule possède une couche d’appauvrissement et, par conséquent, si un procédé ou un système donné correspond ou non aux revendications. Pour reprendre les mots du juge Binnie, cité plus haut, le public ne sait tout simplement pas à la lecture des brevets « quelles avenues [lui] demeurent ouvertes ».

[8] Par conséquent, bien que la Cour ne soit généralement pas encline à juger une revendication de brevet ambiguë, je conclus que toutes les revendications du brevet 502 et la plupart des revendications du brevet 236 sont invalides pour cause d’ambiguïté.

[9] Ainsi, je rejette l’interprétation proposée par AP&C qui affirme que, pour déterminer si une particule donnée présente une couche d’appauvrissement, il faut comparer le profil de concentration en oxygène de la particule à celui d’une particule fabriquée sans gaz additif, un autre élément des revendications du brevet 502 et de la plupart des revendications du brevet 236. AP&C soutient que cette approche a été exposée par les inventeurs dans la divulgation des brevets et qu’elle offre une méthode objective d’évaluer si une particule présente une couche d’appauvrissement.

[10] Je ne suis pas d’accord. La divulgation des brevets n’enseigne pas au lecteur qu’il doit procéder à la comparaison que propose AP&C, et les revendications qui exigent une comparaison différente dans le cas du brevet 502, n’enseignent aucune méthode d’évaluation, ou bien enseignent une méthode complètement différente dans le cas du brevet 236. En fait, AP&C cherche à inclure par interprétation sa méthode comparative dans la divulgation avant de l’inclure par interprétation dans les revendications. Une telle méthode d’interprétation des brevets n’est ni valable ni justifiable. Il est à noter que la méthode que propose AP&C n’est pas une méthode qui, selon l’interprétation initiale de son propre expert, peut être comprise à la lecture des revendications.

[11] Quelques‑unes des revendications du brevet 236 décrivent explicitement une couche d’appauvrissement et indiquent dans quels cas une particule de poudre en possède une ou non. Ces revendications ne sont pas ambiguës, et, concernant celles‑ci, je rejette les arguments de Tekna relatifs à l’inutilité et à la portée excessive. Ces revendications sont valides.

[12] AP&C n’affirme pas que Tekna contrefait une revendication valide du brevet 236. La question de la validité est donc déterminante en l’espèce. En raison de l’ambiguïté des revendications, il est également difficile d’évaluer la question subsidiaire de la contrefaçon, car le problème est qu’il est impossible de savoir si un procédé ou un système est visé par les revendications. Néanmoins, la preuve d’AP&C relative à la contrefaçon est lacunaire. AP&C ne fait pas la démonstration que les poudres de Tekna ont une couche d'appauvrissement en les comparant aux poudres visées par les brevets. Elle ne les compare pas non plus aux échantillons de ses poudres qui sont mentionnés dans les brevets, ni même à des échantillons d’autres poudres de Tekna. AP&C cherche plutôt à prouver la présence d’une couche d’appauvrissement sur certaines poudres de Tekna en réalisant une comparaison avec d’autres échantillons de ses produits, qu’elle prétend utiliser comme témoins positifs et témoins négatifs.

[13] Cette approche est incompatible avec le principe selon lequel, pour évaluer s’il y a contrefaçon, il faut évaluer le produit, la méthode, le procédé ou le système contesté par rapport, non pas au produit du titulaire du brevet, mais aux revendications du brevet. En effet, AP&C semble incapable de démontrer que ses brevets et leurs revendications ont été contrefaits sans procéder à une comparaison distincte avec son propre produit, ce qui met tout simplement en évidence l’ambiguïté des revendications. Je ne suis pas convaincu non plus que l’hypothèse fondamentale qui sous‑tend la preuve de contrefaçon d’AP&C, à savoir que les échantillons qu’elle a utilisés comme témoins positifs ont une couche d’appauvrissement contrairement aux témoins négatifs, soit justifiée ou étayée par la preuve ou par un renvoi aux brevets.

[14] Pour ces motifs et pour les motifs plus détaillés qui sont exposés plus loin, je conclus que le brevet 502 est invalide et que Teckna ne l’a pas contrefait. La plupart des revendications du brevet 236 sont également invalides et aucune des revendications de ce brevet n’est contrefaite.

[15] L’action en déclaration d’invalidité et de non‑contrefaçon du brevet 502 intentée par Tekna est donc accueillie. La demande reconventionnelle intentée par AP&C afin qu’il soit déclaré que Tekna contrefait les brevets 502 et 236 est rejetée. La [traduction] « demande reconventionnelle [introduite par Tekna] en réponse à la demande reconventionnelle » déposée par AP&C à l’égard du brevet 236 est en partie accueillie. Si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur les dépens, elles pourront présenter des observations conformément au calendrier établi à la fin des présents motifs.

[16] Je conclus cet aperçu en félicitant les avocats pour le déroulement du procès. Leur collaboration en ce qui a trait aux questions de logistique et de calendrier a été admirable, notamment lorsque des difficultés imprévues survenues au cours des essais scientifiques préalables au procès ont occasionné un ajournement. Les deux parties ont veillé à ce que l’affaire présentée devant la Cour soit raisonnablement simplifiée en mettant l’accent sur le fond, et ce, en dépit du fait qu’un grand nombre de questions sont demeurées en litige. La Cour remercie les deux équipes d’avocats, qui ont chacune fait preuve d’excellence. Enfin, j’exprime mes regrets et présente mes excuses aux parties pour le délai entre la fin du procès et le prononcé du présent jugement.

II. Introduction

A. Les brevets en litige

[17] Les brevets 502 et 236 font partie d’une famille de brevets : le brevet 236 résulte d’une demande divisionnaire fondée sur une autre demande divisionnaire qui résultait de la division de la demande relative au brevet 502. De ce fait, les deux brevets ont la même date de dépôt (le 27 octobre 2016), la même date de publication (le 4 mai 2017) et la même date de priorité fondée sur une demande de brevet déposée aux États‑Unis (le 29 octobre 2015). Les divulgations sont également les mêmes, à l’exception des numéros de paragraphe : la présence inexpliquée d’un paragraphe vide au début du brevet 502 a causé un décalage, de sorte qu’un paragraphe d’un numéro donné dans le brevet 236 porte le numéro suivant dans le brevet 502.

[18] Ce qui distingue les deux brevets repose sur certains procédés et systèmes revendiqués dans leurs revendications respectives. Toutefois, les deux brevets ont été délivrés à des dates différentes : le brevet 502 le 8 janvier 2019, et le brevet 236 le 22 septembre 2020.

[19] Comme nous l’expliquons beaucoup plus en détail plus loin, la plupart des revendications des brevets 502 et 236 concernent des procédés de fabrication de poudres de métal par atomisation au gaz. Lors de l’atomisation au gaz, une source de métal comme un fil est fondue et soumise à un flux de gaz à haute vitesse qui sépare le métal fondu en gouttelettes liquides, qui refroidissent et se solidifient ensuite sous forme de particules de poudre solides. Certaines revendications du brevet 502 ont trait à un procédé de fabrication par sphéroïdisation. Dans la sphéroïdisation, un procédé semblable de chauffage, de fusion et de refroidissement est utilisé pour améliorer la sphéricité des poudres créées par d’autres méthodes, par exemple le broyage. AP&C n’affirme pas que ces revendications relatives à la sphéroïdisation ont été l’objet d’une contrefaçon, bien qu’elles soient visées par les arguments relatifs à l’invalidité soulevés par Tekna. Certaines revendications du brevet 236 concernent des systèmes d’atomisation plutôt que des procédés.

[20] Lorsque des poudres de métal sont produites par atomisation au gaz ou par sphéroïdisation, la taille des particules de poudre qui en résultent varie de moins de 1 μm à plus de 100 μm. Les particules de différentes tailles sont généralement séparées, par tamisage ou par d’autres méthodes, en sous‑groupes ayant une distribution granulométrique différente, un processus appelé classification. Les poudres ayant une distribution granulométrique différente ont des avantages selon l’application industrielle visée. La distribution granulométrique dépend de l’application souhaitée, mais les parties affirment généralement que les poudres dites [traduction] « fines » ont une distribution granulométrique d’environ 5 μm à 25 μm; et les poudres dites [traduction] « moyennes », une distribution granulométrique d’environ 20 μm à 53 μm.

[21] Les procédés et les systèmes revendiqués dans les deux brevets sont censés améliorer la [traduction] « coulabilité » des poudres résultantes. Comme le mot l’indique, la coulabilité d’une poudre est une mesure de sa capacité à s’écouler, c’est‑à‑dire à se comporter comme un fluide. La coulabilité est un attribut important des poudres de métal utilisées dans des applications industrielles, dont la fabrication additive.

[22] En général, les procédés d’atomisation ou de sphéroïdisation revendiqués dans le brevet 502 font intervenir un mélange de gaz dans lequel un gaz additif est présent, lequel forme une couche de surface constituée de deux couches sur les particules de poudre de métal : une première couche ou couche d'appauvrissement, constituée d’atomes du métal et d’atomes ou de molécules du gaz additif, et une deuxième couche, qui est une couche d’oxyde natif. Il est revendiqué que la première couche ou couche d’appauvrissement est plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif, et qu’une distribution granulométrique donnée de la poudre résultante présente une coulabilité donnée.

[23] De même, les revendications du brevet 236 portent sur des procédés ou des systèmes d’atomisation entraînant la formation d’une couche d’appauvrissement, bien que les revendications varient selon qu’elles mentionnent un gaz additif, des paramètres prédéterminés de coulabilité ou une couche d’oxyde natif.

B. Les parties et l’action

[24] Tekna est établie à Sherbrooke, au Québec. Elle a été créée en 1990 pour commercialiser la technologie de torche à plasma mise au point par des professeurs de l’Université de Sherbrooke. Une torche à plasma est un dispositif qui utilise l’énergie pour chauffer les gaz à une température très élevée à laquelle la plupart des atomes du gaz s’ionisent, et les électrons se séparent du noyau. Ce gaz ionisé est appelé plasma. Le plasma a des propriétés différentes de celles de la matière dans les états solide, liquide et gazeux. Il est donc parfois désigné comme étant le [traduction] « quatrième état de la matière ».

[25] À l’origine, Tekna se concentrait sur la mise au point et la fabrication de systèmes et de composants plasma, dont les torches à plasma. Ces systèmes ont été conçus pour être utilisés dans diverses applications, notamment la synthèse de nanopoudres (avec des particules de l’ordre de 50 à 100 nm) et la sphéroïdisation. En 2009, Tekna s’est davantage concentrée sur la production et la commercialisation de poudres de métal, et a ouvert des installations de production à Sherbrooke et en France. Tekna a été acquise en 2013 par une société d’investissement norvégienne, Arendals Fossekompani. Après cette acquisition, Tekna a cherché à accroître sa présence sur le marché des poudres d’alliage de titane destinées à l’industrie de la fabrication additive, qui était en croissance. Elle a lancé un projet de recherche et de développement connu sous le nom de Tekna Atomization Process [TAP] (procédé d’atomisation de Tekna) à la fin de 2013 et a commencé à atomiser des fils d’alliage de titane en 2014. Tekna possède actuellement cinq réacteurs d’atomisation au plasma au Canada qui produisent des poudres de métal.

[26] AP&C et ses sociétés affiliées fabriquent et vendent des poudres de métal obtenues par atomisation au plasma depuis 2005, surtout des poudres de titane et d’alliage de titane. Son installation de production à Boisbriand, au Québec, est en exploitation depuis, et elle en a ouvert une deuxième à Saint‑Eustache en 2017. Dans les deux installations combinées, AP&C exploite 15 réacteurs de production de poudre ainsi qu’un réacteur de recherche et de développement. En 2014, AP&C a été acquise par Arcam AB, une société publique suédoise, qui a ensuite été elle‑même acquise par une division de General Electric.

[27] Tekna et AP&C sont des concurrentes sur le marché des poudres de métal produites par atomisation au plasma. Peu après la délivrance du brevet 502, au début de 2019, Tekna a introduit la présente action en déclaration d’invalidité et de non‑contrefaçon de brevet au titre de l’article 60 de la Loi sur les brevets. AP&C a présenté une demande reconventionnelle dans laquelle elle alléguait que le brevet 502 était contrefait. Plus tard, lorsque le brevet 236 a été délivré, les actes de procédure ont été modifiés par l’ajout d’allégations de contrefaçon et d’invalidité de ce brevet. Deux autres brevets d’AP&C étaient également en litige dans la présente action, mais les parties ont résolu les différends qu’elles avaient à leur sujet. Les parties ont également résolu leurs différends à l’égard de trois brevets de Tekna qui faisaient l’objet d’une autre instance (dossier de la Cour no T‑1769‑19), laquelle devait être instruite en même temps que la présente instance, mais a été abandonnée. Par conséquent, seuls les brevets 502 et 236 sont maintenant en litige.

[28] La présente action a été scindée avec le consentement des parties. Le premier volet, relatif à la responsabilité, a porté sur l’interprétation, la contrefaçon et la validité des brevets 502 et 236 ainsi que sur le recours à l’exception relative à l’utilisation antérieure visée à l’article 56 de la Loi sur les brevets et sur le droit d’AP&C à certaines réparations, le cas échéant.

C. Les témoins ordinaires

[29] Au procès, la Cour a entendu le témoignage de quatre témoins de Tekna : Richard Dolbec, Ph. D., directeur des technologies nouvelles et gestion de la propriété intellectuelle; Éric Bouchard, directeur des produits – systèmes plasma, et conseiller principal; Jean‑François Carrier, gestionnaire de la gamme de produits – produits en poudre de Tekna; et Patrick Lemay, ancien vice‑président du capital humain et transformation organisationnelle. Ces témoins ont parlé de l’histoire de Tekna, de ses activités, du projet TAP et des systèmes et procédés de fabrication par atomisation, y compris des changements qui ont été apportés au fil du temps pour améliorer ces procédés, et notamment pour respecter les spécifications des clients en matière de concentration en oxygène et les exigences de coulabilité, ainsi que pour régler les problèmes techniques découlant des changements apportés aux systèmes.

[30] La Cour a également entendu le témoignage de M. Frédéric Larouche, Ph. D., dirigeant principal de la technologie d’AP&C et l’un des inventeurs des brevets 502 et 236. M. Larouche a décrit les activités d’AP&C et ses procédés de fabrication par atomisation, les changements apportés au fil du temps pour améliorer ces procédés, et en particulier les diverses étapes et mises au point qui ont mené aux demandes de brevet d’AP&C.

[31] Les éléments factuels des témoignages offerts par les témoins ordinaires n’ont guère suscité de controverse importante. En général, cette preuve n’était pas cruciale pour trancher les questions déterminantes en l’espèce, à savoir l’interprétation, la validité et la contrefaçon des brevets 502 et 236. En particulier, Tekna a officiellement admis que, dans certains cas au moins, ses procédés comportaient tous les éléments des revendications d’AP&C, sauf ceux liés à la couche d’appauvrissement. Les dépositions des témoins ordinaires de Tekna n’ont donc pas été nécessaires pour établir ces éléments des revendications, mais elles ont fourni des renseignements contextuels sur les procédés de Tekna et leur élaboration. Elles étaient en rapport avec l’argument fondé sur le paragraphe 56(1) de la Loi sur les brevets, selon lequel Tekna ne contrefaisait pas les brevets d’AP&C parce que les procédés qu’elle utilisait après la date de revendication des brevets étaient les mêmes qu’avant cette date. Toutefois, en raison de mes conclusions sur d’autres questions, il est inutile d’examiner l’argument de Tekna fondé sur le paragraphe 56(1).

[32] Dans son témoignage, M. Larouche a fourni des renseignements sur le contexte général de l’industrie et la genèse de l’invention revendiquée, et il a exposé certains éléments de l’analyse que présente AP &C sur la question de la contrefaçon, comme je l’explique ci‑après. Son témoignage aurait également pu être pertinent pour l’examen de certaines questions de validité, mais soit ces questions n’ont pas été soulevées par Tekna, soit elles ne sont pas déterminantes compte tenu de mes conclusions sur d’autres questions. M. Larouche étant l’un des inventeurs, son témoignage concernant l’invention ou ses intentions n’est pas pertinent pour l’interprétation des brevets : Free World Trust, aux para 61‑66; Bombardier Produits Récréatifs Inc c Arctic Cat, Inc, 2018 CAF 172 aux para 22, 23, 51 [Bombardier (CAF)].

D. Les témoins experts

[33] Le brevet s’adresse à une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’invention, alors c’est du point de vue de cette personne que la Cour doit le lire, le comprendre et l’évaluer : Loi sur les brevets, art 27(3), 28,3; Whirlpool Corp c Camco Inc, 2000 CSC 67 aux para 53, 54; Free World Trust, aux para 31e), 44. Ce destinataire fictif est une personne ou une équipe qui possède les connaissances générales moyennes qu’ont les gens de ce domaine d’activité précis et qui, pour cette raison, est souvent appelée la personne versée dans l’art ou le lecteur versé dans l’art : Whirlpool, aux para 70, 71, citant Consolboard Inc c MacMillan Bloedel (Sask) Ltd, 1981 CanLII 15 (CSC), [1981] 1 RCS 504 à la p 523.

[34] Avant l’instruction, l’art de la fabrication de poudres métalliques était largement inconnu de la Cour. Les parties ont fait témoigner cinq experts qui ont aidé la Cour en lui fournissant leur expertise dans les domaines d’activité pertinents. Collectivement, ils ont aidé la Cour à s’acquitter, de façon éclairée, de sa tâche consistant à définir la personne versée dans l’art et à déterminer la façon de lire et de comprendre les brevets : Whirlpool, au para 57.

[35] Tekna a appelé deux témoins experts. John Barnes est le principal expert de Tekna concernant l’interprétation, la validité et la contrefaçon des brevets 502 et 236. M. Barnes détient une maîtrise ès sciences en génie métallurgique de l’Université Purdue, et il travaille dans la fabrication additive et la production de poudres de métal depuis plus de 25 ans. Il a travaillé pour des fabricants et des organismes gouvernementaux dans les domaines de la technologie des métaux, de la production de poudres de métal et de la fabrication additive; a contribué à élaborer des normes techniques en fabrication additive pour des organismes internationaux de normalisation; et a fait de la consultation et donné de la formation dans ces domaines. Il est l’inventeur désigné d’un certain nombre de brevets dans le domaine de la technologie des métaux, et il donne des conférences et rédige souvent des publications dans le domaine, notamment sur les alliages de titane et les poudres de métal. M. Barnes est actuellement professeur adjoint en génie des matériaux à l’Université Carnegie Mellon et au Royal Melbourne Institute of Technology University.

[36] M. Barnes a été reconnu comme expert, sans opposition de la part d’AP&C, pour livrer un témoignage en tant qu’ingénieur des matériaux et des procédés ayant une spécialisation en production, en transformation et en caractérisation de poudres de métal et en fabrication. M. Barnes a rédigé trois rapports : un rapport initial sur l’interprétation, la validité et la contrefaçon daté du 15 octobre 2021 [le premier rapport de M. Barnes]; un rapport en réponse sur des questions d’interprétation daté du 12 février 2022 [le deuxième rapport de M. Barnes]; un rapport en réplique daté du 8 septembre 2022 sur les rapports d’experts d’AP&C concernant la non‑contrefaçon [le troisième rapport de M. Barnes].

[37] Jeffrey Shallenberger a témoigné au sujet d’une technique d’analyse précise mentionnée dans les brevets 502 et 236, à savoir un type de spectrométrie de masse d’ions secondaires (SIMS) désignée « spectrométrie de masse d’ions secondaires à temps de vol » [ToF‑SIMS ou TOF‑SIMS]. M. Shallenberger est titulaire d’une maîtrise ès sciences en sciences et en génie des matériaux de l’université d’État de Pennsylvanie et possède plus de 30 ans d’expérience en caractérisation des matériaux, en particulier en analyse des surfaces et des interfaces. Dans le cadre de diverses fonctions au sein d’établissements privés et universitaires, M. Shallenberger a participé à des mises à l’essai de matériaux et à des analyses de surface à l’aide d’une grande variété de techniques d’analyse, et a publié fréquemment dans ces domaines. Il est actuellement directeur associé du laboratoire de caractérisation des matériaux au Millennium Science Complex de l’université d’État de Pennsylvanie.

[38] M. Shallenberger a été reconnu comme expert, sans opposition de la part d’AP&C, pour livrer un témoignage en tant que scientifique des matériaux ayant une spécialisation en caractérisation des matériaux, notamment en analyse de surface et d’interface et en techniques d’analyse, par exemple la SIMS, la spectroscopie photoélectronique à rayons X [XPS] et la spectroscopie Auger. M. Shallenberger a préparé deux rapports : un premier rapport sur les principes scientifiques et les lacunes de la ToF‑SIMS, daté du 15 octobre 2021 [premier rapport de M. Shallenberger]; et un rapport en réplique aux experts d’AP&C sur les problèmes et les analyses par ToF‑SIMS d’échantillons de poudre de métal, daté du 12 septembre 2022 [deuxième rapport de M. Shallenberger].

[39] AP&C a appelé trois experts. Javad Mostaghimi a traité de l’interprétation, de la validité et de la contrefaçon des brevets 502 et 236. M. Mostaghimi a obtenu un doctorat en génie mécanique de l’université du Minnesota en 1982. Après un stage postdoctoral et un bref séjour professionnel dans l’industrie, M. Mostaghimi a occupé divers postes universitaires, tout en gravissant les échelons, notamment le poste de professeur émérite en génie du plasma à l’université de Toronto. Il est actuellement professeur au département de génie mécanique et industriel de l’université de Toronto, où il est également directeur du centre des technologies avancées de revêtement. Les principaux domaines de recherche de M. Mostaghimi concernent le plasma thermique, dont les revêtements par atomisation, les torches à plasma et le transfert de chaleur. Il a publié de nombreux articles universitaires et d’actes de colloque et a rédigé ou corédigé des publications dans ce domaine, en plus d’être l’inventeur désigné dans plusieurs demandes de brevet.

[40] M. Mostaghimi a été reconnu comme expert, sans opposition de la part de Tekna, pour livrer un témoignage sur les plasmas thermiques, dont la conception de torches à plasma, la modélisation mathématique des plasmas, les transferts de chaleur et les flux gazeux des plasmas produits par ces torches, ainsi que sur la préparation de matériaux de pointe, dont des poudres métalliques, la physique et la chimie des métaux et des gaz utilisés dans ces procédés, la formation et la solidification des gouttelettes en fusion, et la caractérisation physique et chimique des poudres métalliques. M. Mostaghimi a rédigé un rapport initial sur l’interprétation des brevets 502 et 236 daté du 18 octobre 2021 [le premier rapport de M. Mostaghimi] et un deuxième rapport, daté du 10 juin 2022, en réponse au premier rapport de M. Barnes sur l’interprétation, la validité et la contrefaçon [le deuxième rapport de M. Mostaghimi].

[41] Joseph A. Gardella a témoigné en réponse au témoignage de M. Shallenberger concernant la spectrométrie de masse des ions secondaires à temps de vol et certaines questions de validité et de contrefaçon. M. Gardella, Ph. D., est professeur émérite de chimie à l’Université d’État de New York à Buffalo, où il a joint le corps professoral de la faculté peu après avoir obtenu son doctorat en chimie analytique de l’Université de Pittsburgh en 1981. Les recherches de M. Gardella portent généralement sur la chimie des surfaces et la chimie analytique, notamment la structure moléculaire et macromoléculaire à la surface et à l’interface, en particulier les surfaces biologiques. Ses recherches portent sur diverses méthodes d’analyse des caractéristiques de surface, dont la SIMS et la ToF‑SIMS. Il a publié de nombreux articles universitaires et actes de colloque, notamment dans le domaine de la ToF‑SIMS, et a rédigé ou corédigé des chapitres de livres sur l’analyse des surfaces.

[42] M. Gardella a été reconnu comme expert en science des matériaux, sans opposition de la part de Tekna, pour livrer un témoignage sur les méthodes de caractérisation des matériaux et l’analyse de surface, dont des méthodes d’analyse comme la microscopie électronique à transmission, la diffraction des électrons, l’analyse de la spectroscopie X à dispersion d’énergie et la SIMS. M. Gardella a préparé deux rapports, datés du 10 juin 2022 et du 3 octobre 2022, en réponse aux rapports de M. Shallenberger et de M. Barnes concernant la ToF‑SIMS et les résultats obtenus par cette méthode d’analyse [premier rapport de M. Gardella et deuxième rapport de M. Gardella].

[43] Michael J. Cima a témoigné sur des questions de thermochimie et sur les résultats des analyses d’échantillons des poudres métalliques des parties. M. Cima est un professeur en génie titulaire de la chaire David H. Koch et il enseigne en génie et en science des matériaux au Massachusetts Institute of Technology. M. Cima s’est joint à la faculté du MIT après avoir obtenu son doctorat en génie chimique à l’Université de Californie à Berkley en 1986. Ses recherches actuelles portent sur des technologies avancées de formation pour des macrodispositifs et des microdispositifs complexes, dont des dispositifs médicaux utilisés pour administrer des médicaments et poser des diagnostics. Il a rédigé ou corédigé de nombreux articles scientifiques et a souvent donné des conférences sur la science des matériaux, notamment sur les technologies de formation de la poudre comme l’impression 3D. M. Cima est le co‑inventeur désigné dans plus de 90 brevets, notamment un brevet relatif au procédé d’impression 3D du MIT comptant parmi les premières technologies de fabrication de forme libre solide dont l’utilisation s’est répandue.

[44] M. Cima a été reconnu comme expert, sans opposition de la part de Tekna, pour livrer un témoignage sur la science des matériaux, dont la physique et la chimie des métaux et des gaz, les méthodes de caractérisation des matériaux et d’analyse de surface, dont les méthodes analytiques telles que la microscopie électronique à transmission, la diffraction des électrons, l’analyse à dispersion d’énergie, la spectroscopie de masse des ions secondaires et les procédés de fabrication de matériaux, dont les poudres métalliques. Dans son premier rapport daté du 9 juin 2022, M. Cima a répondu à M. Barnes sur la question de la thermochimie et a traité des analyses d’échantillons de poudre métallique de Tekna et d’AP&C [le premier rapport de M. Cima]. Il a également préparé un rapport, daté du 3 octobre 2022, en réponse au troisième rapport de M. Barnes et au deuxième rapport de M. Shallenberger [le deuxième rapport de M. Cima].

[45] Ces rapports d’experts ont été déposés sur consentement et sont considérés comme ayant été lus par les parties. Comme je l’ai dit, les témoins ont été reconnus comme experts sans opposition, mais la question de leurs compétences relatives et du poids que la Cour devrait accorder à leurs opinions a donné matière à débat.

[46] J’examine la teneur de la preuve des experts sur les questions pertinentes plus en détail ci‑après. Toutefois, j’ai quelques observations initiales à formuler sur les experts et la preuve qu’ils ont présentée.

[47] AP&C soutient qu’il existe un [traduction] « fossé très important » entre le degré d’expertise de ses experts et celui des experts de Tekna. Il ne fait aucun doute que M. Mostaghimi, M. Gardella et M. Cima sont des universitaires distingués qui possèdent des compétences impressionnantes en tant qu’expert dans leur domaine. M. Barnes et M. Shallenberger, qui possèdent une maîtrise et une vaste expérience de l’industrie dans leur domaine respectif, ont également des antécédents impressionnants, mais n’ont pas, et ne prétendent pas avoir, l’expertise universitaire des experts d’AP&C.

[48] Les diplômes universitaires peuvent être pertinents et même importants dans l’évaluation des témoignages d’expert contradictoires, dans certains cas. Dans d’autres cas, ce sont les connaissances et l’expérience pratiques qui joueront un rôle particulièrement important. D’une façon ou d’une autre, comme AP&C le reconnaît, l’évaluation des témoignages d’expert ne se résume pas simplement à une bataille de compétences. La Cour doit évaluer le témoignage donné par l’expert, sa cohérence interne, sa cohérence avec les autres éléments de preuve et le brevet en cause, et la mesure dans laquelle il repose sur les qualifications et les compétences spécialisées de l’expert. Cela peut souvent mettre les experts dans une position difficile, car ces éminents scientifiques sont appelés à se prononcer sur des questions qui situent à la jonction de connaissances scientifiques, du document juridique qu’est le brevet et de principes juridiques relatifs au droit des brevets, qui peuvent chacun être complexes.

[49] Dans la présente affaire, les deux principales questions scientifiques sur lesquelles les points de vue des experts ont divergé concernaient a) la mesure dans laquelle la technique d’analyse par ToF‑SIMS peut produire des [traduction] « distorsions » dans un profil de concentration, la mesure dans laquelle ces distorsions peuvent être réduites et, par conséquent, la pertinence de procéder par ToF‑SIMS pour analyser le profil chimique de la surface des poudres métalliques; b) l’application de certains principes de thermochimie en ce qui concerne les conditions de fabrication des poudres métalliques par atomisation à plasma, dont les taux de refroidissement, la formation cristalline et la diffusion. Sur la première question, ce sont M. Shallenberger et M. Gardella qui ont exprimé des divergences d’opinions, et sur la deuxième, ce sont M. Barnes, M. Cima et, dans une moindre mesure, M. Mostaghimi. Compte tenu de mes conclusions sur d’autres questions, je conclus qu’il ne m’est pas nécessaire de résoudre ces divergences d’opinions. Les éléments scientifiques liés à l’analyse par ToF‑SIMS et à la thermochimie dans la production de poudre qui sont pertinents pour trancher les questions d’interprétation, de validité et de contrefaçon que j’examine ci‑après ont suscité peu de controverse.

[50] Les experts en l’espèce se sont montrés utiles et ont semblé désireux d’aider la Cour en faisant part de leurs connaissances et en exprimant leurs opinions sur les questions relevant de leur expertise le plus impartialement possible. À mon avis, il y a lieu de souligner d’emblée que j’ai constaté que, sur certaines questions, M. Mostaghimi s’est éloigné de ses domaines d’expertise, notamment dans l’analyse des profils d’oxygène par ToF‑SIMS, et que son témoignage comportait des incohérences ou des explications obscures. Je les mentionne plus en détail ci‑après dans l’examen des questions auxquelles elles se rapportent. De même, M. Barnes possède une vaste expérience et une grande expertise en fabrication additive, mais il s’est parfois avancé sur des sujets à l’égard desquels son expertise est moindre, dont les limites de la spectrométrie de masse des ions secondaires à temps de vol en tant que technique d’analyse. Néanmoins, en général, il a témoigné de façon cohérente et directe.

[51] Cela dit, les témoignages des experts ne comportent aucune lacune qui en justifierait le rejet en bloc. Tous les experts possédaient plus de connaissances et d’expertise que la Cour sur les questions scientifiques et industrielles pertinentes, et ils ont aidé la Cour à comprendre comment la personne versée dans l’art lirait et interpréterait les brevets. J’ai adopté certaines opinions de chacun des experts, en particulier sur les questions d’interprétation, mais j’en ai également rejeté certaines. J’ai retenu les éléments utiles des témoignages qu’ils ont donnés sur les questions de science et d’interprétation, et j’ai écarté ou rejeté les éléments qui semblaient moins utiles, incohérents ou forcés. L’aide des experts m’a permis de parvenir à mes propres conclusions sur les questions juridiques pertinentes d’interprétation, de validité et de contrefaçon.

III. Les questions communes aux brevets 502 et 236

A. Les principes d’interprétation des brevets

[52] Un brevet contient une divulgation dans laquelle l’invention et son fonctionnement sont décrits, et une ou plusieurs revendications définissant l’objet de l’invention dont l’inventeur revendique la propriété exclusive : Loi sur les brevets, art 27(3) et (4). La protection assurée par un brevet se fonde sur la notion d’un marché conclu entre l’inventeur et le public : l’inventeur accepte de divulguer son invention au public en échange du droit exclusif de l’exploiter pendant un certain laps de temps : Free World Trust, au para 13.

[53] Étant donné que les revendications définissent le monopole protégé par le brevet, leur interprétation détermine la portée de ce monopole. Comme la Cour d’appel fédérale l’a récemment rappelé, interpréter un brevet revient à interpréter un règlement : Biogen Canada Inc c Pharmascience Inc, 2022 CAF 143 au para 72, citant Whirlpool, au para 49e); Loi d’interprétation, LRC (1985), c I‑21), art 2(1) (« texte », « règlement »). Comme l’interprétation réglementaire, l’interprétation des revendications s’effectue conformément à une série de principes et de règles visant à rendre la démarche rigoureuse, prévisible et équitable : Free World Trust, au para 31.

[54] Selon la jurisprudence relative à ces principes, les revendications d’un brevet doivent être interprétées :

  • a)du point de vue qui aurait été celui de la personne versée dans l’art, à la lumière de ses connaissances générales courantes, à la date de publication : Tearlab Corporation c I‑MED Pharma Inc, 2019 CAF 179 au para 32 [Tearlab]; Free World Trust, aux para 31e), 51, 53;

  • b)en respectant la teneur des revendications, dans le contexte général du brevet, dont sa divulgation et les autres revendications, mais sans utiliser la divulgation pour élargir ou restreindre le monopole tel qu’il est exposé dans les revendications : Biogen, aux para 71‑73; Tetra Tech EBA Inc c Georgetown Rail Equipment Company, 2019 CAF 203 au para 86; Tearlab, aux para 31, 33; Whirlpool, aux para 49e) et f), 52, 54; Free World Trust, aux para 31a) et b). Viiv Healthcare Company c Gilead Sciences Canada, Inc, 2021 CAF 122 aux para 57 à 60;

  • c)de façon éclairée et en fonction de l’objet, selon le sens que l’inventeur est présumé avoir voulu leur donner et d’une manière qui est favorable à l’accomplissement de l’objectif de l’inventeur, avec un esprit désireux de comprendre, et non pas avec un esprit désireux de ne pas comprendre : Tearlab, au para 31; Free World Trust, aux para 31c), 44, 51; Whirlpool, au para 49c);

  • d)d’une manière neutre, ni indulgente ni dure, qui procure un résultat raisonnable et équitable à la fois pour le titulaire du brevet et pour le public, et qui vise à mettre à effet une interprétation qui accorde à l’inventeur l’exclusivité de ce qu’il a inventé de bonne foi, pourvu que le libellé des revendications justifie raisonnablement une telle interprétation : Whirlpool, au para 49g), citant Consolboard, aux p 520, 521; ABB Technology AG c Hyundai Heavy Industries Co, Ltd, 2015 CAF 181 aux para 37, 42‑45;

  • e)de façon éclairée dans le but de déterminer les éléments essentiels de l’objet revendiqué : Biogen, au para 74; Free World Trust, aux para 31e), 51‑60;

  • f)avant l’examen des questions de contrefaçon et de validité, d’une seule façon à toutes les fins, sans égard à la question de savoir si l’interprétation aura un effet sur ces questions, mais la Cour peut à juste titre se concentrer sur les points de désaccord déterminants et n’a pas à interpréter les éléments qui ne sont pas en litige, en particulier ceux des revendications dépendantes : Whirlpool, aux para 43, 49a) et b); Tearlab, au para 34; Seedlings Life Science Ventures, LLC c Pfizer Canada ULC, 2021 CAF 154 au para 22 [Seedlings (CAF)]; Cobalt Pharmaceuticals Company c Bayer Inc, 2015 CAF 116 au para 83; Swist c MEG Energy Corp, 2022 CAF 118 aux para 21‑23, 30, 31;

  • g)en reconnaissant que l’inventeur est en mesure de définir les termes employés dans les revendications : Biogen, au para 73; Whirlpool, aux para 52, 54; Kramer c Lawn Furniture Inc, [1974] ACF no 100 (CFPI) au para 16;

  • h)en tenant compte des présomptions réfutables que (i) les différentes revendications et les différents éléments des celles‑ci ne sont pas redondants et ont un sens distinct et utile (la présomption de différenciation des revendications); (ii) les termes ont le même sens à chaque occurrence dans une revendication et dans l’ensemble des revendications d’un brevet (la présomption de cohérence des revendications); (iii) à l’inverse, les termes différents ont des sens différents : Whirlpool, au para 79. Ratiopharm Inc c Canada (Santé), 2007 CAF 83 au para 33; Seedlings (CAF) aux para 20, 21, 32; Tetra Tech, aux para 113‑115; Nova Chemicals Corp c Dow Chemical Co, 2016 CAF 216 au para 82; Seedlings Life Science Ventures, LLC c Pfizer Canada ULC, 2020 CF 1 au para 75 [Seedlings (CF)], conf par Seedlings (CAF); Wenzel Downhole Tools Ltd c National‑Oilwell Canada Ltd, 2012 CAF 333 aux para 16,17, 52‑54; Donald H. MacOdrum, Fox on the Canadian Law of Patents, 5e éd. (Thomson Reuters, Toronto, 2022), au § 8:30.

[55] Dans la présente affaire, le caractère essentiel des éléments des revendications n’a pas fait l’objet de contestation. De fait, les experts et les parties ont reconnu que tous les éléments sont essentiels : Corlac Inc c Weatherford Canada Inc, 2011 CAF 228 au para 26; premier rapport de M. Barnes, au para 23(g)(iii) (note 2); premier rapport de M. Mostaghimi, aux para 64, 113; deuxième rapport de M. Barnes, aux para 20, 34. Les questions d’interprétation portaient plutôt sur des termes des revendications reconnus comme essentiels.

[56] Pour des raisons que je précise ci‑après, dans l’examen de ces termes, les experts et les parties ont fréquemment fait référence à la divulgation des brevets 502 et 236. Comme je l’indique plus haut, la Cour suprême a confirmé dans l’arrêt Whirlpool que les termes d’une revendication doivent être interprétés dans le contexte de l’ensemble du mémoire descriptif : Whirlpool, au para 49f). Pour comprendre les revendications, il faut donc les lire « en se servant du reste du mémoire descriptif pour interpréter les mots » : Whirlpool, au para 54.

[57] La Cour d’appel fédérale a récemment cité l’arrêt Whirlpool sur ce point lorsqu’elle a rappelé que « la description d’un brevet (également qualifiée de divulgation) doit être prise en compte dans l’interprétation des revendications » et que « l’ensemble de la divulgation doit être examinée, même pour des mots qui sembleraient à première vue simples et sans ambiguïté à la seule lecture des revendications » : Biogen, aux para 71‑73.

[58] Néanmoins, la jurisprudence établit clairement que les mots utilisés dans une revendication doivent être lus dans le contexte de l’ensemble du brevet, mais qu’il ne s’ensuit pas que les restrictions contenues dans la divulgation peuvent être incluses par interprétation dans une revendication, ou déduites de celle‑ci, pour élargir ou réduire la portée de la revendication telle qu’elle est écrite et interprétée dans son contexte : Whirlpool, au para 52. Une distinction s’impose donc entre une interprétation des revendications, telles qu’elles sont écrites, faite à la lumière du brevet dans son ensemble, ce qui est approprié et nécessaire, et l’inclusion par interprétation d’éléments de la divulgation dans la revendication, ce qui est inapproprié.

[59] Enfin, je fais observer que l’interprétation d’un brevet se fonde sur le brevet lui‑même, et non pas sur une preuve extrinsèque de l’intention de l’inventeur : Free World Trust, aux para 61‑67; Whirlpool, au para 49f). L’article 53.1 de la Loi sur les brevets permet maintenant de faire référence à l’historique de toute procédure relative à un brevet, à certaines fins, mais aucune des parties ne s’est fondée sur cet article, et celui‑ci ne permet pas de prendre en compte d’autres éléments de preuve relatifs à l’intention de l’inventeur : Bauer Hockey Ltd c Sport Maska Inc (CCM Hockey), 2021 CAF 166 aux para 33‑39. Par conséquent, comme je le mentionne plus haut, le témoignage que M. Larouche a donné quant à l’histoire de l’invention et aux problèmes que les inventeurs tentaient de résoudre peut être pertinent pour l’examen de certaines questions de validité, mais pas pour l’interprétation des revendications.

B. La personne versée dans l’art

[60] Il n’y avait pas de différences significatives dans les descriptions que les parties et les experts ont faites de la personne versée dans l’art, et tous ont convenu que la description était la même pour les deux brevets. Les parties conviennent que les brevets sont destinés à un chercheur ou à un ingénieur des matériaux ayant de l’expérience dans le domaine de la production de poudres de métal, dans l’équipement utilisé dans cette production, ainsi que dans l’analyse et l’utilisation de ces poudres. Cette personne aurait un diplôme d’études supérieures et au moins quelques années d’expérience de travail dans le domaine, selon son niveau d’études : premier rapport de M. Barnes, aux para 47, 49‑50, 52‑56; premier rapport de M. Mostaghimi, aux para 25‑26, 105‑106; premier rapport de M. Gardella, au para 148.

[61] M. Cima a suggéré que la personne versée dans l’art serait un groupe de personnes comprenant une personne versée dans la fabrication de poudres de métal et une personne versée dans l’analyse de ces poudres : premier rapport de M. Cima, au para 78 (note 36). Qu’elle soit définie comme une seule personne ou comme un groupe, les parties et les experts sont d’accord pour dire que la personne versée dans l'art à qui s’adressent les brevets 502 et 236 est compétente dans la production de poudres de métal et l’analyse de ces poudres. M. Barnes estime que le personne versée dans l'art n’effectuerait pas elle‑même l’analyse des poudres, mais il a reconnu qu’elle comprendrait les techniques d’analyse existantes permettant de caractériser la surface des particules de la poudre de métal : premier rapport de M. Barnes, aux para 56, 650.

C. Les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art

(1) Les principes

[62] La personne versée dans l’art interprète le brevet à la lumière des connaissances générales courantes qu’elle possède dans l’art dont relève le brevet : Free World Trust, aux para 31e), 44, 51; Whirlpool, aux para 53, 74; Cobalt, au para 14. Les connaissances générales courantes sont donc pertinentes pour l’interprétation téléologique des revendications ainsi que pour certaines parties de l’analyse de la question de l’anticipation et de l’évidence : Biogen, au para 61; Apotex Inc c Sanofi‑Synthelabo Canada Inc, 2008 CSC 61 aux para 37(2), 67(1)b); Mylan Pharmaceuticals ULC c Eli Lilly Canada Inc, 2016 CAF 119 au para 25 [Mylan‑tadalafil].

[63] La nature des connaissances générales courantes est l’objet de plusieurs principes établis dans la jurisprudence, lesquels peuvent être résumés de la façon suivante :

  • a)Les connaissances générales courantes s’entendent des connaissances que possède généralement une personne versée dans l’art en cause au moment considéré, soit la date de publication aux fins de l’interprétation ou la date de revendication (c’est‑à‑dire la date de priorité, le cas échéant, sinon la date de dépôt) pour les questions d’invalidité : Whirlpool, au para 55; Mylan‑tadalafil, au para 31; Loi sur les brevets, art 28.1, 28.2, 28.3;

  • b)La personne versée dans l’art est « raisonnablement diligent[e] lorsqu’il s’agit de tenir à jour sa connaissance des progrès réalisés dans le domaine dont relève le brevet », alors les connaissances générales courantes évoluent et augmentent de façon continue : Whirlpool, au para 74. Les connaissances générales courantes comprennent donc ce que la personne versée dans l’art « peut raisonnablement savoir et être en mesure de découvrir ». Gemak Trust c Jempak Corporation, 2022 CAF 141 au para 93, conf 2020 CF 644 au para 97 [Gemak]; Tetra Tech, au para 28;

  • c)Toutefois, ce que la personne versée dans l’art peut « être en mesure de découvrir » ne comprend pas tout l’art antérieur ni tout ce qu’une recherche raisonnablement diligente lui aurait permis d’apprendre : Gemak, aux para 94‑100. Au contraire, une connaissance ne fait partie des connaissances générales courantes que si elle est « connue de manière générale et acceptée sans hésitation par ceux versés dans l’art particulier; en d’autres mots, lorsqu’elle fait partie du lot courant des connaissances se rapportant à l’art » : Gemak, au para 96, citant, entre autres, British Acoustic Films LD v Nettelfold Productions (1936), 53 RPC 221 à la p 250; Mylan‑tadalafil, au para 24;

  • d)Les connaissances générales courantes sont donc un « sous‑ensemble » de l’état de la technique : Corporation de soins de la santé Hospira c Kennedy Trust for Rheumatology Research, 2020 CAF 30 au para 84;

  • e)Les connaissances générales courantes peuvent comprendre les renseignements contextuels figurant dans le brevet lui‑même : Valeant Canada LP/Valeant Canada SEC c Generic Partners Canada Inc, 2019 CF 253 au para 47. Toutefois, elles ne se limitent pas à ces renseignements.

[64] Bien que les connaissances générales courantes puissent, dans certains cas, varier en fonction des dates pertinentes, en l’espèce, nul ne conteste que les connaissances générales courantes du lecteur versé dans l’art seraient les mêmes à la date de priorité des brevets 502 et 236 (le 29 octobre 2015) et à leur date de publication (le 4 mai 2017) : premier rapport de M. Barnes, au para 59.

(2) La preuve relative aux connaissances générales courantes

[65] M. Barnes avait notamment pour mandat de définir les connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art : premier rapport de M. Barnes, au para 20a)(ii). Dans son premier rapport, il a fourni des renseignements détaillés qui, à son avis, auraient été généralement connus de la personne versée dans l'art à ces dates. Ces connaissances portaient sur i) les fondements de la thermodynamique et du transfert de chaleur, ii) les métaux et les poudres de métal, iii) l’utilisation de poudres de métal et iv) la production de poudres de métal : premier rapport de M. Barnes, aux para 58‑279.

[66] Quant à lui, M. Mostaghimi n’a pas initialement eu le mandat de définir les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art : premier rapport de M. Mostaghimi, aux para 18, 19. Bien qu’il ait été informé que la personne versée dans l’art possède les connaissances générales courantes et qu’elle tient à jour sa connaissance des progrès réalisés de façon raisonnablement diligente, on ne lui a pas demandé de décrire ou de définir les connaissances générales courantes avant d’interpréter les brevets : premier rapport de M. Mostaghimi, aux para 18 (note 1), 27; transcription, jour 11, à la p 92. Dans son deuxième rapport, M. Mostaghimi a affirmé qu’il souscrivait largement à l’analyse des connaissances générales courantes effectuée par M. Barnes, bien qu’il y ait apporté quelques précisions mineures : deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 135, 136; transcription, jour 11, aux p 93‑96. Il a également fait quelques observations supplémentaires sur ce que comprendraient les connaissances générales courantes : deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 55, 77.

[67] AP&C critique néanmoins l’analyse de M. Barnes sur ce point, laquelle repose sur sa conception légalement inexacte, révélée en contre‑interrogatoire, selon laquelle le contenu de tous les documents trouvables fait partie des connaissances générales courantes : transcription, jour 5, aux p 72‑74; premier rapport de M. Barnes, aux para 23(f), 30(b) et (d). Elle affirme que cette méprise de M. Barnes sur la portée juridique des connaissances générales courantes [traduction] « remet en question tous les éléments de son opinion qui dépendent de la compréhension de ce concept juridique » : conclusions finales d’AP&C, au para 142. Elle critique également le fait que les 80 premiers paragraphes sur les 220 que compte la description des connaissances générales courantes de M. Barnes ne comprennent aucun extrait de publication : conclusions finales d’AP&C, aux para 135‑138; transcription, jour 5, aux p 79‑81.

[68] Ces arguments sont peu convaincants, étant donné que M. Mostaghimi approuve la description des connaissances générales courantes faite par M. Barnes et qu’aucune preuve d’expert ne contredit cette description. AP&C tente d’affaiblir les opinions de M. Barnes en général sans relever la moindre connaissance en particulier mentionnée par M. Barnes qui ne ferait pas partie des connaissances générales courantes. Elle n’a pas non plus démontré que la mention par M. Barnes de documents représentatifs des connaissances générales courantes, documents dont le contenu ne ferait peut‑être pas lui‑même partie des connaissances générales courantes, avait teinté ses opinions de telle sorte qu’un poids moindre devrait leur être accordé. En outre, la critique d’AP&C concernant l’absence d’extrait de publication dans l’examen des connaissances générales courantes fait par M. Barnes est plutôt hypocrite, car M. Mostaghimi n’a quant à lui pas du tout traité des connaissances générales courantes avant de procéder à l’interprétation des revendications. Comme AP&C n’a fourni aucune preuve substantielle relative aux connaissances générales courantes et qu’elle a présenté une preuve d’expert approuvant la description donnée par M. Barnes des connaissances générales courantes, elle est mal placée pour critiquer la façon dont M. Barnes a présenté son examen et ainsi tenter d’affaiblir son témoignage.

[69] À la lumière du témoignage de M. Barnes et en l’absence de preuve contradictoire, je conclus que les éléments exposés aux paragraphes [73] à [102] ci‑dessous faisaient partie des connaissances courantes du lecteur versé dans l’art relativement aux brevets 502 et 236 à chacune des dates pertinentes. Dans le présent résumé, je n’ai pas tenté de mentionner tous les renseignements que M. Barnes avait fournis dans son examen des connaissances générales courantes.

[70] Ni M. Shallenberger ni M. Gardella n’ont été expressément mandatés pour décrire les connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art. On a demandé à M. Shallenberger de parler de ce qui était [traduction] « généralement connu dans le domaine » de la technique d’analyse par ToF‑SIMS en date du 29 octobre 2015, tandis qu’on a demandé à M. Gardella de répondre à M. Shallenberger et de donner son point de vue sur [traduction] « l’état de la technique » de la ToF‑SIMS à la même date : premier rapport de M. Shallenberger, aux para 17, 86; premier rapport de M. Gardella, aux para 27‑34, 47, 138.

[71] Les opinions de M. Shallenberger et de M. Gardella n’ont pas été expressément présentées comme décrivant les connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art, mais je conclus que la personne versée dans l'art à qui s’adressent les brevets 502 et 236 aurait eu certaines connaissances générales, à tout le moins, sur la technique d’analyse par ToF‑SIMS. Je tire cette conclusion parce que i) la divulgation des brevets 502 et 236 fait mention de l’analyse par ToF‑SIMS et semble supposer que le lecteur a une certaine connaissance de la technique; ii) la SIMS est largement utilisée depuis au moins les années 1970, et les instruments de ToF‑SIMS sont apparus à la fin des années 1980 : premier rapport de M. Shallenberger, au para 20; premier rapport de M. Gardella, au para 53; iii) M. Mostaghimi et M. Barnes ont convenu que la personne versée dans l'art aurait une compréhension générale des techniques existantes d’analyse des poudres de métal : premier rapport de M. Barnes, au para 56; premier rapport de M. Mostaghimi, au para 26; iv) M. Gardella a affirmé que la personne versée dans l'art serait en mesure de faire fonctionner un appareil de ToF‑SIMS et d’obtenir un profil de profondeur par ToF‑SIMS : premier rapport de M. Gardella, au para 155; v) bien qu’il y ait eu désaccord sur la question de savoir s’il s’agissait d’une technique adéquate et fiable, M. Barnes a convenu qu’en 2015, la ToF‑SIMS était une technique d’analyse existante pouvant servir à la caractérisation de la surface des particules de poudre de métal : transcription, jour 5, aux p 93, 94.

[72] M. Shallenberger a décrit les notions scientifiques fondamentales sous‑jacentes à la ToF‑SIMS et les données obtenues : premier rapport de M. Shallenberger, aux para 19–61. M. Gardella était généralement d’accord avec l’analyse de M. Shallenberger sur les notions scientifiques fondamentales et les données obtenues par ToF‑SIMS, sous réserve de certains ajouts, nuances et clarifications : premier rapport de M. Gardella, aux para 55–109. Dans les paragraphes [103] à [107] ci‑dessous, je présente des renseignements sur cette technique d’analyse par ToF‑SIMS, tirés du témoignage de M. Shallenberger et de M. Gardella, qui, selon moi, auraient été généralement connus de la personne versée dans l’art aux dates pertinentes.

(3) Les connaissances générales courantes

(a) Les poudres de métal et leurs applications industrielles

[73] Les poudres constituées de petites particules de métal ont un certain nombre d’applications industrielles connues, dont le moulage par injection, la compression isostatique et les revêtements appliqués par atomisation. L’une de ces applications industrielles est la fabrication additive. Bien que les brevets 502 et 236 ne ciblent pas spécifiquement la fabrication additive (par rapport à d’autres applications), les parties ont porté leur attention sur cette application puisqu’il s’agit du principal marché de leurs poudres de métal.

[74] Comme il a été mentionné précédemment, la fabrication additive consiste à fabriquer des objets tridimensionnels en superposant ou en solidifiant plusieurs couches de matière. La fabrication additive peut faire appel à plusieurs techniques différentes et à plusieurs matériaux de départ différents, dont des polymères et des métaux sous forme de fil et de poudre. Étant donné l’objet des brevets 502 et 236, l’analyse qui suit porte sur la fabrication additive au moyen de métaux, en particulier de poudres de métal. Les techniques qui font appel à un métal dans la fabrication additive comprennent le dépôt de matière sous énergie concentrée (Directed Energy Deposition ou DED) et la fusion sur lit de poudre (Powder Bed Fusion ou PBF).

[75] Les techniques de DED utilisent un fil métallique passant à travers un dispositif d’alimentation ou de la poudre projetée par une buse pour déposer la matière au bon endroit selon le modèle informatique de l’objet. À mesure qu’elle se dépose, la matière est fondue par une source de chaleur, par exemple un laser ou un faisceau d’électrons. Dans les techniques de PBF, une mince couche continue de poudre est projetée dans une enceinte désignée « lit de poudre ». Une source de chaleur comme un laser ou un faisceau d’électrons sert ensuite à fusionner les particules de poudre nécessaires à la formation d’une couche. L’indice du lit de poudre s’abaisse à mesure que chaque couche est terminée, et une nouvelle poudre est projetée dans le lit pour créer la couche suivante.

[76] Les technologies de fabrication additive de métaux sont utilisées à la fois pour fabriquer des prototypes (« prototypage rapide ») et pour fabriquer des pièces, des composants ou des outils de production (« fabrication numérique directe »). Ces technologies sont utilisées dans diverses industries, notamment dans les domaines de l’aérospatiale, de l’automobile, de la médecine et de la fabrication industrielle. La création d’objets 3D peut nécessiter plusieurs milliers de couches, et un seul défaut dans une couche peut entraîner la défaillance de l’objet fabriqué. Le procédé de fabrication est donc sensible à la qualité et aux caractéristiques de la poudre de métal utilisée.

[77] Accessoirement, le terme « impression 3D » est souvent utilisé comme un synonyme de « fabrication additive », bien qu’il s’agisse techniquement d’un type de fabrication additive. Les brevets 502 et 236 portent sur des poudres de métal fines, utiles en impression 3D. La distinction entre les termes « fabrication additive » et « impression 3D » est sans conséquence aux fins des présentes.

(b) Propriétés des poudres de métal

[78] Les poudres de métal auront des propriétés différentes selon les paramètres, par exemple la forme et la taille des particules et leur composition (le métal ou l’alliage métallique qui les constitue). Les poudres sont des solides, mais comme elles sont composées de petites particules, elles se comportent généralement comme un liquide lorsqu’on les secoue ou les incline. Comme il est décrit dans les brevets 502 et 236, on sait que la coulabilité d’une poudre dépend de divers facteurs, notamment la forme des particules, la distribution granulométrique, la texture de la surface, le degré d’humidité, la présence de satellites [particules très petites (1 à 10 μm) à la surface d’une particule] et la présence d’électricité statique.

[79] En ce qui concerne la forme des particules, la sphéricité, c’est‑à‑dire la mesure dans laquelle elles sont sphériques, est un élément important. Plus les particules d’une poudre sont sphériques, plus la poudre s’écoulera facilement. Les poudres constituées de grosses particules s’écoulent généralement mieux que les poudres fines, tandis que l’humidité élevée et la présence de satellites vont généralement inhiber leur écoulement. Il relève des connaissances générales de la personne versée dans l’art que les propriétés des poudres et les conditions du milieu peuvent être maîtrisées pour modifier la coulabilité de la poudre.

[80] La coulabilité d’une poudre se mesure à l’aide d’un débitmètre. La coulabilité est généralement la durée en secondes qu’un poids standard de poudre prend pour s’écouler d’un entonnoir normalisé : plus la poudre s’écoule rapidement par l’entonnoir, plus la coulabilité en secondes est faible. Les deux mesures standard de coulabilité se déterminent à l’aide d’un débitmètre de « Hall » ou d’un débitmètre de « Carney ». La coulabilité de Hall, définie par la norme internationale ASTM B213, mesure généralement la durée que met 50 g de poudre pour s’écouler d’un débitmètre de Hall. La coulabilité de Carney est définie par une norme différente, la norme ASTM B964, et est généralement utilisée lorsque la norme ASTM B213 ne donne pas une valeur de coulabilité significative, par exemple lorsque la poudre ne s’écoule pas facilement de l’ouverture de 2,5 mm de diamètre du débitmètre de Hall.

[81] Des facteurs comme l’humidité et la température peuvent avoir une incidence sur la coulabilité d’une poudre, mais les normes ne précisent pas les conditions du milieu dans lesquelles le protocole de mesure de la coulabilité est mis en œuvre. On savait donc que les mesures de coulabilité sont très variables, car des échantillons de poudre identiques peuvent présenter une coulabilité différente en fonction des facteurs du milieu et d’une manipulation ou d’une manutention préalables de la poudre. Comme la coulabilité est également corrélée à la distribution granulométrique, les mesures de coulabilité sont exprimées pour une distribution granulométrique donnée.

[82] Bien que les poudres puissent s’écouler différemment dans différents contextes, les mesures de coulabilité de Hall et de Carney étaient généralement considérées comme des approximations permettant d’évaluer la pertinence d’une poudre de métal dans un procédé de fabrication additive. La coulabilité était donc une mesure importante pour les procédés de production de poudre et a servi à évaluer la pertinence d’une poudre dans un procédé de fabrication donné.

[83] Différentes techniques de fabrication additive font appel à des poudres de métal dont la composition, la distribution granulométrique et la coulabilité varient. En DED, on utilise généralement des poudres dont la distribution granulométrique varie entre 50 μm et 150 μm, tandis qu’en PBF, on fait généralement appel à des poudres plus fines dont la distribution granulométrique varie entre 20 μm et 100 μm. Étant donné que la PBF par laser est un marché plus important et fait appel à des poudres plus fines que la PBF par faisceau d’électrons, les poudres de métal utilisées dans les techniques de PBF varient généralement entre 15 μm et 60 μm.

[84] Les propriétés d’une poudre de métal dépendent aussi du métal ou de l’alliage de métal dont elle est constituée, ce qui peut influer sur les changements chimiques au sein des particules, les interactions entre particules, ainsi que sur leur utilisation. Encore une fois, compte tenu de l’orientation des activités de chacune des parties et de la demande du marché pour les poudres de métal utilisées en fabrication additive, une grande partie de la preuve portait sur les poudres fabriquées avec un alliage de titane. Plus précisément, aux dates pertinentes, l’alliage le plus couramment utilisé pour la production de poudres de métal contenait 90 % en poids [% en poids] de titane, 6 % en poids d’aluminium et 4 % en poids de vanadium. Cet alliage est généralement appelé Ti‑6Al‑4V, ou simplement « Ti 6‑4 ».

[85] Les différents alliages de titane font partie de différentes catégories (grades) selon leur composition chimique et le seuil de quantité d’éléments traces qu’ils contiennent, comme l’oxygène et le fer dans l’alliage. L’alliage Ti‑6Al‑4V ayant une concentration maximale en oxygène de 0,20 % en poids est appelé titane de grade 5. Le titane de grade 23 présente le même pourcentage d’aluminium et de vanadium, mais la quantité d’oxygène est limitée à 0,13 % en poids.

[86] Les spécifications des poudres de métal sont énoncées dans des normes publiées, comme la norme AMS 4998 pour la poudre d’alliage de titane Ti‑6Al‑4V. Ces normes établissent les exigences relatives à la composition chimique de la poudre, dont les concentrations minimale et maximale des éléments chimiques, ainsi que les propriétés de la poudre, comme la distribution granulométrique et la masse volumique.

[87] L’oxygène peut être présent dans un alliage de métal sous la forme d’un élément interstitiel (molécules d’O2 présentes dans la structure en treillis du métal) ou sous la forme d’oxydes. La plupart des métaux peuvent former des oxydes métalliques lorsqu’ils sont exposés à l’oxygène. Le degré d’oxydation des métaux dépend notamment de la réactivité du métal ainsi que des conditions du milieu. Le titane réagit avec l’oxygène pour former du dioxyde de titane TiO2, tandis que l’aluminium forme de l’oxyde d’aluminium Al2O3. Cette oxydation se produit à la surface d’un morceau de métal et forme une couche d’oxyde qui empêche l’oxydation ultérieure du métal sous la surface. Comme le métal devient [traduction] « passif » et moins sensible à une oxydation ultérieure, la couche d’oxyde de surface est aussi considérée comme une couche de passivation.

[88] La réaction d’oxydation est exothermique, c’est‑à‑dire qu’elle libère de la chaleur. Étant donné que les particules de poudre de métal réactif ont une surface relativement grande où l’oxydation peut se produire, une réaction d’oxydation non contrôlée peut rendre les poudres de métal réactif inflammables, voire même explosives, si la poudre est suffisamment fine et dispersée dans l’air. Par conséquent, les poudres de titane et d’aluminium ont généralement subi une passivation par une réaction d’oxydation contrôlée où l’on expose la poudre à l’oxygène ou à l’air, pour garantir une manipulation sécuritaire de la poudre. Cette étape de passivation entraîne la formation d’une « couche d’oxyde natif » à la surface des particules.

[89] L’épaisseur de cette couche d’oxyde dépend de paramètres tels que la taille et la température de la particule, le type de métal et sa réactivité et la concentration d’oxygène autour de la particule. Les poudres de titane ont généralement une couche d’oxyde natif pouvant atteindre 10 nm. Il s’agit d’une couche relativement mince pour les particules poudres de métal de la taille de celles utilisées en fabrication additive : sur une particule de 50 μm, une couche d’oxyde natif de 10 nm constituerait environ 0,02 % du diamètre de la particule. Comme nous l’expliquons plus loin, la valeur attribuée à l’épaisseur de la couche d’oxyde natif dépend notamment de la façon dont l’épaisseur est mesurée.

(c) Production de poudres de métal

[90] Les poudres de métal peuvent être produites par plusieurs méthodes, dont la production mécanique et l’atomisation. Le broyage mécanique des poudres consiste à briser physiquement les métaux pour créer des particules petites, et le broyeur utilisé dépend de la taille de particules recherchée. Comme les particules de ces poudres ont généralement une faible sphéricité, elles sont parfois soumises ultérieurement à un procédé de sphéroïdisation, au cours duquel une source de poudre de métal est rapidement chauffée et fondue, habituellement après le passage dans un gaz plasma à haute énergie, et est ensuite refroidie.

[91] Les méthodes d’atomisation utilisées dans la production de poudres comprennent le séchage par atomisation, au cours duquel un flux liquide, par exemple une suspension épaisse, est pulvérisé dans une enceinte de séchage où un gaz chaud, comme l’air, sèche la matière et forme des particules solides. Ces méthodes comprennent également l’atomisation à l’eau, au gaz et au plasma. Lors de l’atomisation à l’eau, le métal fondu contenu dans un récipient appelé « panier de coulée » est libéré par une buse, puis entre en contact avec plusieurs jets d’eau à haute pression qui divisent le flux de métal en gouttelettes liquides, qui refroidissent ensuite pour donner des particules solides. Comme certains métaux peuvent réagir avec l’eau, l’atomisation à l’eau sert généralement à produire des poudres avec des métaux non réactifs comme l’acier ou le cuivre. Comme l’atomisation à l’eau donne des particules de poudre de forme irrégulière et non sphérique, on n’y fait pas habituellement appel pour fabriquer des poudres destinées à la fabrication additive.

[92] Dans l’atomisation au gaz, qui existe depuis les années 1920, un gaz à haute vitesse est utilisé comme fluide atomisant pour pulvériser le métal fondu en particules. Divers gaz et concentrations de gaz, tant inertes que non inertes, sont utilisés dans l’atomisation au gaz, selon le résultat souhaité. Les particules refroidissent dans une enceinte contenant du gaz ou de l’air, appelée réacteur, et tombent dans le fond d’une chambre de collecte pour y être recueillies. Comme elles refroidissent et se solidifient plus lentement que dans l’atomisation à l’eau, les particules peuvent devenir plus sphériques avant de se solidifier, ce qui donne des poudres ayant une bonne sphéricité. L’atomisation au gaz produit des particules de poudre ayant une large distribution granulométrique, mais le rendement des particules inférieures à 150 μm était généralement faible.

[93] Pour éviter la contamination potentielle associée au maintien d’une source de métal fondu dans le panier de coulée, on peut utiliser une barre de métal comme matière première, laquelle est chauffée par une bobine d’induction avant d’être exposée au gaz atomisant. La barre est pivotée et passe dans une bobine d’induction, puis elle fond en une mince pellicule de métal qui s’écoule ensuite vers la buse d’atomisation. Ce procédé, connu sous le nom d’atomisation EIGA (Electrode Induction‑melting Gas Atomization), a été mis au point pour la production de poudres de métal réactif comme celles à base de titane.

[94] Lors de l’atomisation au plasma, une torche plasma dirige à grande vitesse un gaz plasma à très haute température vers la source de métal. Le plasma fait donc fondre le métal et disperse le liquide résultant en gouttelettes. Encore une fois, les gouttelettes refroidissent dans un réacteur avant de tomber dans le fond d’une enceinte de collecte pour y être recueillies. Étant donné que le plasma fait fondre le métal, on peut se servir d’un fil ou d’une tige métallique comme matière première, et économiser de l’énergie en préchauffant la source de métal avant l’atomisation. L’atomisation au plasma produit des poudres aux particules très sphériques, dont la taille peut atteindre 200 μm, et son rendement en particules inférieures à 150 μm est plus élevé qu’avec l’atomisation à l’eau ou au gaz. L’atomisation au plasma nécessite également moins de gaz que l’atomisation au gaz.

[95] Aux dates pertinentes, l’atomisation au plasma était une méthode de production de poudres de métal largement acceptée, notamment de poudres de métal réactif comme celles à base d’alliage de titane. L’atomisation au gaz était toutefois encore la méthode la plus courante, car elle permettait de produire des quantités plus grandes de poudre de métal.

[96] Tant dans l’atomisation au gaz que dans l’atomisation au plasma, des gaz non réactifs (inertes) comme l’argon ou l’hélium ont généralement été utilisés, bien qu’on se soit aussi servi de gaz réactifs à des fins précises, par exemple dans le cas des poudres de métal réactif ayant subi une passivation, pour obtenir certaines réactions de surface, et fabriquer des poudres ayant des particules ou des couches de surface d’oxydes, de nitrures, de carbures ou d’autres produits de réaction métal‑gaz. Je souligne que, dans ce contexte, le terme« inerte » désigne les gaz qui ne réagissent pas avec les métaux réactifs aux températures d’atomisation, c’est‑à‑dire les gaz rares. Les gaz comme l’azote peuvent être considérés comme « inertes » dans certains contextes en raison de leur faible réactivité, mais ils peuvent réagir avec des métaux réactifs comme l’aluminium et le titane, en particulier à haute température.

(d) Chimie, thermochimie et thermodynamique

[97] La plupart des renseignements que les experts ont présentés en lien avec des principes de thermodynamique et de thermochimie ne sont pas pertinents pour les questions déterminantes. Par conséquent, je n’ai pas l’intention de présenter un résumé complet de cette preuve. Toutefois, certains principes de base en chimie sont utiles pour comprendre les brevets et les différends qui opposent les parties quant à l’interprétation, à la validité et à la contrefaçon. Certains de ces principes ont été présentés précédemment dans l’analyse sur les propriétés et la production des poudres de métal.

[98] Les éléments chimiques présentent un degré d’électronégativité, c’est‑à‑dire la capacité à attirer les électrons, qui varie. À l’exception des gaz rares, les éléments qui se trouvent à droite et en haut du tableau périodique sont généralement plus électronégatifs que ceux qui se trouvent à gauche et en bas du tableau. Le fluor, l’oxygène, l’azote et le chlore sont les éléments les plus électronégatifs.

[99] L’électronégativité a une incidence sur la réactivité d’un élément, et constitue une mesure de la facilité avec laquelle il se combine avec d’autres éléments pour former des molécules. La réactivité n’est pas déterminée uniquement par l’électronégativité, car les éléments non métalliques plus électronégatifs, comme les halogènes, sont généralement plus réactifs en raison de leur tendance à acquérir des électrons, tandis que les métaux moins électronégatifs sont généralement plus réactifs en raison de leur tendance à perdre des électrons. La stabilité relative des réactifs chimiques et du produit de la réaction aura également des effets sur la réactivité. La réactivité des métaux et des non‑métaux qui fait en sorte qu’ils forment des composés comme les oxydes de métal ou les nitrures de métal augmente généralement avec une augmentation de la température.

[100] Lorsqu’ils sont solides, les métaux forment une structure cristalline dans laquelle les atomes prennent diverses configurations géométriques. Certains métaux, comme le titane, peuvent former différents types de structures cristallines, selon la température, la vitesse de refroidissement et la présence d’impuretés.

[101] La diffusion est le déplacement passif d’atomes ou de molécules d’une région de concentration élevée vers une région de concentration plus faible. La vitesse de diffusion dépendra de divers facteurs, dont la taille des molécules, la température et, surtout, l’état de la matière. La diffusion se produit plus rapidement dans un gaz que dans un liquide, et plus rapidement dans un liquide que dans un solide. Par exemple, l’oxygène se diffuse beaucoup plus rapidement dans le titane liquide (en fusion) que dans le titane solide. Cependant, la diffusion se produit néanmoins à l’intérieur de la structure maillée des métaux solides, à une vitesse élevée et à des températures élevées, même sous le point de fusion.

[102] La stœchiométrie est une mesure de la quantité ou de la proportion de réactifs et de produits dans une réaction chimique. Un composé « stœchiométrique » a des atomes combinés dans des proportions exactes de nombres entiers, le dioxyde de titane TiO2 ou l’eau H2O en sont des exemples. Un composé « non stœchiométrique » ne contient pas d’atomes combinés dans des proportions exactes de nombres entiers, par exemple l’oxyde de fer non stœchiométrique Fe0,95 O. Les oxydes métalliques, dont le dioxyde de titane, sont souvent non stœchiométriques, car la proportion d’atomes de métal et d’atomes d’oxygène présents s’écarte des proportions stœchiométriques idéales.

(e) Spectrométrie de masse d’ions secondaires à temps de vol

[103] La spectrométrie de masse d’ions secondaires ou SIMS est une technique qui permet de détecter des éléments chimiques à la surface ou sous la surface d’un solide. Elle consiste à bombarder une zone à la surface du solide au moyen d’un faisceau d’énergie composé « d’ions primaires », qui agissent comme des projectiles frappant la surface du solide. Plusieurs ions primaires peuvent être utilisés, chacun ayant des propriétés et des effets variables sur l’analyse. La collision entre les ions primaires et les atomes de la matière déclenche une cascade de collisions d’atomes, ce qui entraîne une éjection d’atomes du solide, une réaction désignée « pulvérisation ». Certains des atomes éjectés s’ionisent. Ces « ions secondaires » sont identifiés dans un spectromètre de masse, qui fournit des renseignements sur la composition du solide.

[104] La spectrométrie de masse d’ions secondaires à temps de vol ou Tof‑SIMS est un type d’analyse SIMS effectuée à l’aide d’un instrument qui utilise un spectromètre de masse à temps de vol. Dans un spectromètre de masse à ToF, les ions secondaires du solide à l’étude sont accélérés à la même énergie cinétique que dans un champ électrique. Comme les ions légers se déplaceront plus vite que les ions lourds, il leur faudra moins de temps pour atteindre le détecteur. Les ions secondaires sont ensuite identifiés en fonction de leur masse.

[105] La vitesse à laquelle la matière est retirée de la surface du solide par le bombardement d’ions primaires est appelée « vitesse de pulvérisation », et est habituellement mesurée en nanomètres par seconde ou minute. La vitesse de pulvérisation dépend de la nature, de l’énergie et de l’angle d’incidence du faisceau d’ions primaires, ainsi que des propriétés du solide analysé. Ces facteurs peuvent également avoir une incidence sur le rendement d’ions secondaires provenant du solide, c’est‑à‑dire sur le nombre d’ions secondaires (positifs ou négatifs) produits par les ions primaires.

[106] Les principales données fournies par la ToF‑SIMS sont le nombre total d’ions secondaires issus de la matière, que l’on désigne aussi par « intensité des ions secondaires ». Ces données brutes ne donnent pas de mesure directe de la quantité ou de la concentration d’un élément dans la matière, puisque le rendement en ions secondaires peut dépendre de divers facteurs, notamment de la composition et des propriétés du solide à l’étude. Toutefois, les données brutes peuvent être converties en données quantitatives lorsque des étalons sont disponibles, ce qui permet d’établir une corrélation entre les données brutes et la quantité ou la concentration réelle de l’élément dans la matière analysée.

[107] Une pulvérisation continue de la matière d’un échantillon par le faisceau d’ions primaires exposera les couches atomiques plus profondes. L’analyse des ions secondaires issus de la pulvérisation et provenant de ces couches profondes donne un profil de profondeur du matériau. Ce profil est généralement présenté sous la forme d’un graphique de l’intensité ou nombre total des ions secondaires (sur l’axe des Y) en fonction du temps de pulvérisation (sur l’axe des X). Si on a accès à des étalons pertinents qui permettent d’établir une corrélation, on peut alors quantifier les données sur les ions secondaires et présenter le profil de profondeur sous forme de graphique du nombre total d’ions secondaires. Le temps de pulvérisation peut également être converti en profondeur mesurée à l’aide d’étalons calibrés ou d’un instrument appelé profilomètre.

[108] Si les paramètres de pulvérisation sont les mêmes pour tous les échantillons analysés, il est possible de comparer les courbes d’intensité des ions des différents échantillons. Comme M. Shallenberger l’a mentionné : [traduction] « Par exemple, en supposant que les paramètres de pulvérisation sont identiques, si la courbe de l’oxygène de l’échantillon A présente une intensité en ions secondaires supérieure à celle de la courbe de l’oxygène de l’échantillon B, cela signifie qu’il y a plus d’oxygène dans l’échantillon A que dans l’échantillon B (mais il est impossible d’évaluer la quantité d’oxygène de plus) » [notes de bas de page omises] : premier rapport de M. Shallenberger, au para 58. M. Gardella est du même avis : premier rapport de M. Gardella, au para 106.

D. La divulgation des brevets 502 et 236

[109] Les revendications d’un brevet définissent le monopole accordé au titulaire du brevet, et la divulgation du brevet doit être prise en compte dans l’interprétation de ces revendications : Biogen, au para 71. Comme je le mentionne plus haut, le recours à la divulgation dans l’interprétation des revendications est soumis à certaines restrictions, mais les revendications doivent à tout le moins être interprétées dans le contexte de l’ensemble du mémoire descriptif : Whirlpool, au para 49f).

[110] Comme les brevets 502 et 236 ont la même divulgation, je vais examiner cette divulgation avant de passer à l’examen des revendications de chacun des brevets. Les éléments de la divulgation qui, selon les parties, sont pertinents pour l’interprétation des revendications seront examinés plus en détail ci‑après.

(1) La structure de la divulgation

[111] La divulgation des brevets 502 et 236 compte 193 paragraphes répartis sur 35 pages. Ils sont numérotés de 1 à 193 dans le brevet 236 et de 2 à 194 dans le brevet 502, puisque le brevet 502 commence par un paragraphe vide. J’adopterai la convention des parties consistant à indiquer le numéro de paragraphe du brevet 502 lorsqu’il sera question d’un paragraphe de la divulgation.

[112] Le brevet commence par une description du [traduction] « champ de la divulgation », c’est‑à‑dire la production de poudres sphéroïdes, comme les poudres de métal réactif, et en particulier de poudres de métal réactif ayant une meilleure coulabilité : brevet 502, au para 2. Un [traduction] « contexte de la divulgation » de trois paragraphes suit. On y décrit les caractéristiques souhaitées des poudres de métal réactif de grande qualité et leur utilisation connue dans diverses applications industrielles (para 3), on y discute du problème des poudres de faible coulabilité, qui peuvent former des agglomérats indésirables pour plusieurs raisons (para 4), et on y indique que les poudres de métal ayant une meilleure coulabilité sont donc souhaitables (para 5).

[113] La prochaine section de la divulgation est intitulée [traduction] « Résumé ». Elle commence par l’énoncé selon lequel [traduction] « un dispositif, un système ou une méthode qui améliorerait au moins en partie la coulabilité faible de la poudre de métal réactif causée par la sensibilité à l’électricité statique » serait hautement souhaitable : brevet 502, au para 6. Les 18 paragraphes suivants présentent ensuite des aspects de l’invention, sous la forme de ce qui semble être des revendications de brevet introduites par les mots [traduction] « selon un aspect », « selon un autre aspect », ou « selon un autre exemple », mais aucun d’entre eux ne correspond aux revendications du brevet 502 ou du brevet 236. Excepté la brève mention du paragraphe 8 par AP&C, aucune partie ni aucun expert n’a affirmé qu’un élément d’importance pouvait être tiré de ces paragraphes.

[114] Dans les deux derniers paragraphes du résumé, on répète que les procédés divulgués permettent de produire des poudres de métal réactif ayant une grande coulabilité, on fait remarquer que le procédé n’ajoute pas de particules étrangères à la poudre puisqu’il s’agit seulement d’un [traduction] « traitement de surface », et on affirme que les technologies décrites aident à réduire la sensibilité de la poudre à l’électricité statique, ce qui améliore la coulabilité : brevet 502, aux para 25 et 26.

[115] Après une brève introduction des schémas, le reste de la divulgation est présenté sous la rubrique générale [traduction] « Description des divers modes de réalisation ».

(2) Description des divers modes de réalisation

[116] Cette section de la divulgation comprend des définitions expresses de termes employés dans les revendications ainsi que des définitions de quelques termes qui n’y sont pas employés : le brevet 502, aux para 36‑44, 133. Elle comprend également un grand nombre de paragraphes où, après les mots [traduction] « par exemple », sont énumérées les restrictions assortissant les revendications : le brevet 502, aux para 46‑124. Là encore, aucune partie ni aucun expert n’a affirmé que la personne versée dans l’art ou la Cour pourrait tirer des renseignements particulièrement utiles ou instructifs de ces paragraphes.

[117] Plus important encore, cette section de la divulgation comprend l’examen approfondi de l’invention, dont un examen des schémas, un examen non contraignant des théories scientifiques sur lesquelles repose l’invention et un examen des résultats de deux expériences, nommées [traduction] « expérience 1 » et « expérience 2 ».

[118] Les inventeurs décrivent un procédé de production de poudres sphéroïdes par atomisation, dans lequel la source de métal chauffée est exposée à un gaz additif ainsi qu’à un fluide atomisant : brevet 502, aux para 125‑149. Les inventeurs font remarquer que les poudres formées avec l’ajout d’un gaz additif présentaient une coulabilité considérablement plus élevée que celles formées sans gaz additif, notamment après le tamisage, le mélange des poudres dans l’eau et le séchage : brevet 502, aux para 150‑154.

[119] Les inventeurs font mention de connaissances générales courantes selon lesquelles le titane forme une couche d’oxyde natif de surface lorsqu’il est exposé à l’air, couche qui agit comme une couche de passivation et qui réduit la réactivité : brevet 502, au para 155. Ils citent un article scientifique pour affirmer que cette couche est généralement d’environ 3 à 5 nm et qu’elle est composée essentiellement d’oxydes de titane : brevet 502, au para 155, citant S. Axelsson, « Surface Characterization of Titanium Powders with X‑ray Photoelectron Spectroscopy », travaux réalisés dans le cadre de l’obtention du diplôme no 103/2012 au département des matériaux et des technologies de fabrication de l’université de technologie Chalmers (2012) [Axelsson 2012]; premier rapport de M. Barnes, pièce JB‑8.

[120] Sans vouloir être liés par la théorie, les inventeurs affirment que le gaz additif réagit avec les particules de poudre de métal au moment où celles‑ci sont formées, de sorte que :

[traduction] …une première couche, constituée d’un composé issu de la réaction du métal chauffé avec le gaz additif qui s’épuise à travers l’épaisseur, se forme à la surface externe des particules de métal réactif. Cette couche est plus épaisse et plus profonde à la surface et se trouve sous la couche de l’oxyde natif. Par exemple, le composé de la couche d’appauvrissement issu de la réaction entre le métal chauffé et le gaz additif est l’oxyde, le nitrure, le carbure ou l’halogénure de métal. Comme les atomes du gaz additif s’épuisent à travers l’épaisseur de la couche de surface, des composés non stœchiométriques sont formés avec le métal. Ce composé fait en sorte que la première couche présente une charge nettement positive.

[Non souligné dans l’original; brevet 502, au para 156.]

[121] Les inventeurs font remarquer que cette « première couche » ne peut se former qu’à haute température, car les molécules ou atomes électronégatifs doivent avoir suffisamment d’énergie pour diffuser beaucoup plus dans la couche de surface que dans la couche d’oxyde natif : brevet 502, au para 157. La couche d’oxyde natif se forme à la surface des particules et a une charge nettement négative attribuable au groupe hydroxyle formé à la surface : brevet 502, aux para 155, 158. Les inventeurs se reportent aux figures 2 et 3 pour illustrer cela et comparer une particule produite avec et sans gaz additif :

FIG. 2

FIG. 3 (extrait)

[Description : Un schéma désigné 100 illustre deux cercles concentriques créant un espace étroit entre les deux. L’espace entre les cercles est rempli d’une série de petits signes moins. Le cercle extérieur porte le chiffre 116. Deux flèches indiquent la mesure de l’espace entre les cercles, soit environ 5 nm. Le chiffre 108 apparaît au centre du cercle. ]

[Description : Un schéma désigné 140 illustre trois cercles concentriques. L’espace étroit entre le cercle externe et le cercle du milieu porte le chiffre 164 et est rempli d’une série de petits signes moins. L’espace légèrement plus grand entre le cercle du milieu et le cercle interne porte le chiffre 148 et est rempli d’une série de petits signes plus. L’espace entre le cercle interne et le cercle externe est indiqué par deux flèches et désigné par la lettre delta en minuscule. Le chiffre 156 apparaît au centre du cercle. ]

[122] La divulgation indique que la figure 2 montre une particule qui n’a pas été chauffée avec le gaz additif et illustre une couche d’oxyde natif à la surface ayant une charge généralement négative, ce qui donne à la particule une charge nette non nulle : brevet 502, au para 160. La figure 3 illustre une particule formée à l’aide des méthodes d’atomisation ayant recours à un gaz additif divulguées. Une première couche (la couche interne désignée 148) se forme sur la surface externe et résulte de la réaction entre le métal chauffé et les atomes ou les molécules électronégatifs qui s’épuisent à travers l’épaisseur. Une deuxième couche (la couche externe désignée 164) est une couche d’oxyde natif. Les deux couches ont une charge combinée qui est essentiellement neutre, ce qui fait que la particule globale a une charge nette pour ainsi dire nulle : brevet 502, au para 161

[123] La figure 3 montre également des graphiques illustrant le profil de concentration d’oxygène sous le schéma de la particule :

FIG. 3 (extrait)

[Description : Deux graphiques linéaires avec les axes des X et des Y apparaissent côte à côte dans des encadrés. L’axe des X de chaque graphique indique la profondeur (nm) et comporte 13 graduations le long de l’axe qui ne sont pas identifiées, à l’exception d’un X sous la troisième graduation. L’axe des Y de chaque graphique est identifié par O (%) et n’est pas subdivisé. Le graphique de gauche est intitulé « Profil de concentration de la couche d'oxyde natif » et montre une courbe commençant près du haut de l'axe des Y et plongeant pour atteindre l'axe des X à la 3e graduation, qui est marquée d’un X. Le graphique de droite est intitulé « couche d'appauvrissement » et montre une courbe commençant au même endroit de l'axe des Y que le graphique de gauche, mais la courbe descend plus lentement et en s'étire vers la droite pour toucher l'axe des X à l'extrême droite, près de la 13e graduation.]

(3) Les expériences

[124] La divulgation porte sur deux expériences. Dans l’expérience 1, quatre lots de poudre ont été produits par atomisation au plasma, et la composition du mélange gazeux utilisé pour l’atomisation variait. Dans les essais 1 et 2, on n’a utilisé que de l’argon de grande pureté dans le gaz atomisant; dans l’essai 3, 80 ppm d’air ont été ajoutés à l’argon; dans l’essai 4, 50 ppm d’oxygène ont été ajoutés à l’argon. Les poudres ont ensuite été tamisées, mélangées, agitées dans l’eau et séchées : brevet 502, aux para 169‑177.

[125] Les inventeurs présentent les résultats de ToF‑SIMS des échantillons des essais 1 à 4 et les analysent. Compte tenu de leur importance pour l’argumentation des parties, je reproduis ci‑dessous la figure 5 des brevets 502 et 236, ainsi que les deux paragraphes de la divulgation qui traitent de la figure :

[traduction]

[00178] La figure 5 est un graphique illustrant le profil d’oxygène de différents échantillons analysés par ToF‑SIMS que l’on compare entre eux. La signature ToF‑SIMS de la poudre est obtenue pour les essais 1 à 4. La présence d’une couche d’appauvrissement peut être associée aux poudres de coulabilité élevée, comme on peut le voir dans le tableau 1.

[00179] La signature ToF‑SIMS d’une poudre fine qui a été traitée est clairement illustrée à la figure 5. Une queue dans la courbe de la concentration d’oxygène indique que ce dernier pénètre plus profondément dans la couche de surface. Il est essentiel d’obtenir une couche d’appauvrissement ayant une certaine profondeur (profondeur critique) si on souhaite améliorer la coulabilité. Les résultats de ToF‑SIMS semblent indiquer que la couche d’appauvrissement a une profondeur de l’ordre de 100 nm. La profondeur peut être estimée en étalonnant la vitesse de pulvérisation du faisceau d’ions obtenu sur une grande partie du Ti‑6A1‑4V à l’aide d’un profilomètre. La vitesse de pulvérisation dépend de l’intensité du faisceau d’ions et du type de matériau. L’étalonnage est effectué avant les mesures et l’énergie du faisceau d’ions est très stable.

[Description : Un graphique linéaire est présenté avec les axes des X et des Y. L’axe des X porte le titre « Profondeur (nm) » et comporte des graduations d’axe allant de 0 à 80 avec une incrémentation de 10. L’axe des Y porte le titre « Normalisé par rapport à la valeur de référence » et comporte des graduations allant de 0,1 à 1 avec une incrémentation de 0,1. Quatre lignes pointillées différentes sont tracées sur le graphique. Une légende les identifie comme étant, de haut en bas, Essai 4, Essai 3, Essai 1 et Essai 2.]

[126] Comme il est expliqué au paragraphe 178, la figure 5 montre une comparaison du profil d’oxygène de différents échantillons, obtenu par analyse par ToF‑SIMS, avec une concentration d’oxygène normalisée sur l’axe des Y et la profondeur à la surface de la particule sur l’axe des X.

[127] Sur l’axe des Y identifié [traduction] « Normalisé par rapport à la valeur de référence », les mesures de concentration ont été normalisées ou mises à l’échelle par rapport à la plus grande mesure observée dans chaque essai, laquelle se fait attribuer la valeur de 1 ou de 100 %. Cela explique pourquoi chaque courbe atteint la valeur maximale de 1. Chaque courbe représente donc la concentration d’oxygène en pourcentage ou une proportion de la concentration d’oxygène la plus élevée mesurée : premier rapport de M. Mostaghimi, au para 43; transcription, jour 12, aux p 3‑4; jour 15, aux p 155‑156.

[128] Je remarque que le premier rapport de M. Mostaghimi fait mention de mesures normalisées par rapport à la valeur la plus élevée mesurée et observée [traduction] « parmi les quatre essais » : premier rapport de M. Mostaghimi, au para 43 (n. 9). Selon moi, cela ne signifie pas que la mesure la plus élevée de concentration parmi les quatre essais était la seule valeur ayant servi à la normalisation des quatre courbes. Par ailleurs, à l’opposé de tous les autres profils ToF‑SIMS présentés durant le procès, cela signifierait que les quatre particules avaient exactement la même concentration maximale mesurée, puisque les quatre courbes culminent à la même valeur, qui est 1. Aucun expert ou partie n’a laissé entendre que c’était le cas ou que c’était probablement le cas. Les données sous‑jacentes montrent également que ce n’était pas l’approche adoptée : pièce 128.

[129] Dans la figure 5, l’axe des X représente la profondeur à partir de la surface de la particule, mesurée en nanomètres. Comme il a été expliqué plus haut au paragraphe [107], les données obtenues par analyse par Tof‑SIMS peuvent être corrélées à des profondeurs données par rapport à une surface, plutôt que simplement à un temps de pulvérisation, à l’aide d’un étalon calibré ou d’un profilomètre. Conformément à ce qui précède, le paragraphe 179 mentionne que la profondeur peut être estimée en étalonnant la vitesse de pulvérisation du faisceau d’ions obtenue sur une grande partie du Ti‑6A1‑4V à l’aide d’un profilomètre.

[130] Le paragraphe 178 énonce que la présence d’une couche d’appauvrissement peut être associée aux poudres à coulabilité élevée, [traduction] « comme on peut le voir dans le tableau 1 ». Ce tableau fournit, pour chacun des quatre lots analysés, la concentration de gaz additif, la coulabilité de l'échantillon mesuré à l’aide d’un débitmètre Hall, la masse volumique apparente et une évaluation visuelle dans l’enceinte de collecte après l’atomisation. Des données supplémentaires sont fournies dans les tableaux 2 et 3. Plus particulièrement, le tableau 2 présente la composition chimique des poudres des quatre lots à l’étude, notamment la concentration d’oxygène, d’azote, d’aluminium, de vanadium et de titane.

[131] Toujours au sujet de l’expérience 1, les inventeurs fournissent des renseignements fondés sur l’analyse des données statistiques concernant la quantité d’azote et d’oxygène ajoutée aux poudres par injection d’air (essai 3) et d’oxygène (essai 4) : brevet 502, aux para 180‑181. Ils font aussi mention de photographies (figures 6 et 7) montrant des lots de poudre formés avec et sans gaz additif : brevet 502, aux para 184‑185. À l’évaluation visuelle, le lot fabriqué sans gaz additif (figure 6) présente une mauvaise compaction attribuable à l’agglomération. Les parties ont utilisé des termes comme [traduction] « léger » et « mousseux » pour décrire la poudre de la photographie. Le lot fabriqué avec gaz additif (figure 7) est bien compacté à l’évaluation visuelle.

[132] L’expérience 2 comprenait un traitement thermique ultérieur des poudres de métal produites sans gaz additif. On s’attendait à ce que ce traitement épaississe la couche d’oxyde natif, mais on a observé qu’il n’entraînait pas de résultat semblable, plus précisément d’amélioration de la coulabilité semblable à celle obtenue avec un procédé d’atomisation recourant à un gaz additif. Les inventeurs avancent que le chauffage ultérieur ne fait qu’épaissir la couche d’oxyde natif et ne confère pas [traduction] « une couche d’appauvrissement constituée d’oxyde ou de nitrure suffisamment épaisse à la particule » : brevet 502, aux para 188‑192.

[133] Après avoir examiné la divulgation commune aux brevets, je passe maintenant à l’analyse de chacun d’eux, y compris à l’interprétation de leurs revendications, ainsi qu’à l’examen de la validité et de la contrefaçon de celles‑ci.

IV. Brevet canadien 3 003 502

A. L’interprétation des revendications

(1) Introduction et revendication 1

[134] Le brevet 502 comporte 87 revendications, dont deux revendications indépendantes : la revendication 1, qui porte sur un [traduction] « procédé de fabrication par atomisation de poudre de métal réactif », et la revendication 60, qui porte sur un [traduction] « procédé de fabrication par sphéroïdisation de poudres de métal réactif ». Les revendications 2 à 59 dépendent directement ou indirectement de la revendication indépendante 1. Les revendications 61 à 67 dépendent directement ou indirectement de la revendication indépendante 60. Les revendications 68 à 87 dépendent directement ou indirectement de la revendication indépendante 1 ou 60.

[135] La plupart des arguments des parties ont porté sur la revendication 1, qui est rédigée comme suit. Les sous‑paragraphes ont été identifiés par une lettre pour faciliter la consultation, et les termes examinés plus loin ont été soulignés :

[traduction]

1. Un procédé de fabrication par atomisation de poudre de métal réactif comprenant :

a) l’atomisation d’une source de métal réactif chauffée pour produire une poudre de métal réactif brute;

b) l’exposition de ladite source de métal réactif chauffée à un mélange d’atomisation contenant au moins un gaz atomisant et au moins un gaz additif présent à une concentration inférieure à 1 000 ppm dans ledit mélange d’atomisation durant l’atomisation de ladite source de métal réactif chauffée;

c) la formation, à l’aide d’au moins un gaz additif, d’une couche de surface sur ladite poudre de métal réactif brute, ladite poudre de métal réactif brute munie de ladite couche de surface, contient moins de 1 000 ppm d’au moins un élément d’au moins un gaz additif,

d) où ladite couche de surface comprend une première couche et une deuxième couche, ladite première couche contient des atomes de ladite source de métal réactif chauffée et des atomes ou des molécules d’au moins un gaz additif, ladite la première couche étant une couche d’appauvrissement plus profonde et plus épaisse que ladite deuxième couche, ladite deuxième couche étant une couche d’oxyde natif,

e) et où une distribution granulométrique d’environ 10 à 53 μm de ladite poudre de métal réactif brute munie de ladite couche de surface présente une coulabilité inférieure à 40 s, mesurée selon la norme ASTM B213.

[136] Dans une large mesure, la revendication 1 fait état d’un procédé de fabrication de poudre de métal réactif par atomisation d’une source de métal réactif chauffée en présence d’un mélange atomisant qui comprend un gaz atomisant et une petite quantité d’un gaz additif. Le gaz additif forme une couche de surface qui présente un certain nombre de caractéristiques, notamment deux couches, soit une première couche appelée couche d’appauvrissement et une deuxième couche qui est une couche d’oxyde natif. Une proportion de la poudre résultante ayant une distribution granulométrique précise présente les caractéristiques de coulabilité prédéterminée.

[137] Comme il a été mentionné précédemment, les parties conviennent que chaque élément mentionné dans la revendication 1 est essentiel. Ainsi, le procédé de fabrication par atomisation doit, en particulier, 1) comporter le recours à un gaz additif; 2) former, avec le gaz additif, une poudre dont la couche de surface comprend une couche d’appauvrissement et une couche d’oxyde natif; et 3) former une poudre ayant une coulabilité prédéterminée. Il est important de noter dès le départ que ces éléments doivent tous exister et qu’il s’agit d’exigences indépendantes, bien que connexes. Autrement dit, la présence d’un gaz additif ou le recours à un gaz additif ne signifie pas automatiquement que la poudre résultante présente une couche de surface munie d’une couche d’appauvrissement et d’une couche d’oxyde natif, ni qu’elle présente la coulabilité prédéterminée. Pas plus que le recours à un gaz additif et la poudre résultante ayant la coulabilité prédéterminée signifient que la poudre présente nécessairement une couche de surface constituée d’une couche d’appauvrissement et d’une couche d’oxyde natif. Sinon, un ou plusieurs des éléments centraux seraient complètement redondants et auraient pu être exclus de la revendication. Aucune partie n’a soutenu que c’était le cas : transcription, jour 15, aux p 77‑82.

[138] Le principal problème d’interprétation entre les parties — et le point déterminant des questions relatives à la contrefaçon et à la validité — concerne l’élément que j’ai appelé l’élément 1d), soit la couche de surface, et en particulier la première couche qui est ladite couche d’appauvrissement. Cet élément apparaît également dans un libellé identique dans l’autre revendication indépendante, soit la revendication 60. Il s’agit donc d’un élément essentiel de chaque revendication du brevet 502.

[139] La première couche ou couche d'appauvrissement est le principal sujet de discorde, mais les parties ne s’entendent pas non plus sur certains autres termes de la revendication 1, qu’elles soulignent surtout pour affaiblir la preuve des experts de la partie adverse. Afin de mettre en contexte le terme contesté qu’est la première couche ou couche d'appauvrissement, je parlerai d’abord des autres termes de la revendication qui ne sont pas ou moins contestés.

(2) Les termes définis

[140] Les parties et les experts conviennent que la personne versée dans l’art interpréterait les termes de la revendication conformément aux définitions fournies par les inventeurs, qui peuvent être leur propre lexicographe : Biogen, au para 73; Cobalt, au para 16. Deux des termes employés dans la revendication 1 (poudre de métal réactif et poudre de métal réactif brute) sont expressément définis dans la divulgation du brevet 502, et un troisième (distribution granulométrique d’environ 10 μm à 53 μm) s’apparente à un terme défini.

(a) Poudre de métal réactif

[141] Les inventeurs du brevet 502 définissent le terme poudre de métal réactif comme une [traduction] « poudre de métal qui ne peut pas être préparée efficacement par le procédé classique d’atomisation au gaz dans lequel [a] une buse à couplage direct est utilisée ». Par exemple, cette poudre de métal réactif peut être une poudre composée d’au moins un élément parmi le titane, les alliages de titane, le zirconium, les alliages de zirconium, le magnésium, les alliages de magnésium, l’aluminium et les alliages d’aluminium » : brevet 502, au para 43.

[142] Selon cette définition et l’utilisation du terme [traduction] « réactif », le procédé de la revendication 1 consiste clairement à produire une poudre constituée de métaux réactifs, comme le titane ou ses alliages, plutôt que de métaux non réactifs : premier rapport de M. Barnes, aux para 285‑291; premier rapport de M. Mostaghimi, aux para 34 (n. 8), 68‑69; transcription, jour 11, aux p 62‑65. La poudre est faite de ce métal réactif (la poudre de métal réactif) et est fabriquée avec une source de ce métal réactif (la source de métal réactif).

[143] M. Mostaghimi a déclaré que la personne versée dans l'art comprendrait que la poudre de métal est [traduction] « réactive » parce que les atomes ou les molécules du gaz additif sont [traduction] « incorporés » dans la couche de surface des particules de poudre de métal : premier rapport de M. Mostaghimi, au para 69. Je suis d’accord avec M. Barnes pour dire que cette description est inhabituelle, d’autant plus que M. Mostaghimi semble utiliser le mot [traduction] « incorporer » pour faire référence à l’introduction d’atomes ou de molécules par réaction chimique ou par d’autres méthodes telles que la diffusion : premier rapport de M. Mostaghimi, aux para 54 (n. 10, 11), 74, 77, 82; deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 76‑78, 82‑83; transcription, jour 11, aux p 13‑15; deuxième rapport de M. Barnes, aux para 23‑26.

[144] En fin de compte, il semble que M. Mostaghimi convienne qu’une poudre de métal réactif est une poudre constituée d’un métal chimiquement réactif : transcription, jour 11, aux p 63‑65. Toutefois, lorsque M. Mostaghimi laisse entendre que la poudre de métal réactif pourrait comprendre un métal qui n’est pas chimiquement réactif, je ne suis pas d’accord. La personne versée dans l'art comprendrait bien que le terme métal réactif désigne les métaux chimiquement réactifs, et que ce terme est utilisé pour distinguer ces métaux de ceux qui ont une faible réactivité. En effet, les parties ont convenu que la réactivité est une mesure de la facilité avec laquelle un élément se combine à d’autres éléments pour former des composés (c.‑à‑d. à réagir chimiquement) et que les métaux comme le titane et l’aluminium qui présentent cette réactivité sont désignés [traduction] « métaux réactifs » : exposé conjoint des faits, pièce 35, aux para 3‑4. Une interprétation de poudre de métal réactif qui n’intègre pas la notion de réactivité chimique serait également incompatible avec le fait que la revendication 1 exige la formation d’une couche d’oxyde natif, dont il est question plus loin.

[145] M. Barnes a également fait remarquer que ce que les inventeurs entendaient par poudres de métal réactif, c’est‑à‑dire des poudres de métal qui [traduction] « ne peuvent pas être préparées efficacement par le procédé classique d’atomisation au gaz », n’est pas clair, puisque la plupart des poudres de métal réactif étaient et continuent d’être produites par atomisation au gaz et en particulier par atomisation EIGA : premier rapport de M. Barnes, au para 290; transcription, jour 10, aux p 61‑62; voir aussi transcription, jour 11, aux p 61‑62. M. Mostaghimi a tenté d’apporter une explication en mettant l’accent sur le mot « efficacement », qui, selon lui, est lié aux variations de la distribution granulométrique et aux déchets qui en découlent : transcription, jour 11, à la p 62. Étant donné que le brevet 502 ne prétend pas traiter de la réduction des déchets causée par la distribution granulométrique, l’explication de M. Mostaghimi fournit peu d’éclairage sur la question. Toutefois, un tel manque de clarté dans cet aspect de la définition des inventeurs n’a aucune incidence sur les questions contestées dans la présente instance.

(b) Poudre de métal réactif brute

[146] La divulgation définit le terme poudre de métal réactif brute comme étant [traduction] « une poudre de métal réactif obtenue directement par atomisation sans aucune étape ultérieure de traitement, comme des techniques de tamisage ou de catégorisation » : brevet 502, au para 44; premier rapport de M. Mostaghimi, au para 72.

[147] M. Barnes était d’avis qu’une personne versée dans l'art comprendrait que poudre de métal réactif brute renvoie à une poudre de métal réactif qui n’a pas encore subi de passivation par une exposition à l’air ou à un autre gaz réactif : premier rapport de M. Barnes, au para 303. M. Mostaghimi n’était pas d’accord, et a affirmé que cette interprétation est incompatible avec le reste de la revendication, qui indique que la poudre de métal réactif brute est le produit du procédé revendiqué et est munie d’une couche d’oxyde natif, qui est le résultat de la passivation : premier rapport de M. Mostaghimi, aux para 69‑73.

[148] À mon avis, l’interprétation de M. Barnes est conforme à la définition fournie par les inventeurs et à l’interprétation que donnerait la personne versée dans l'art au terme utilisé dans la revendication 1. Fait important, l’élément 1a) fait référence à la poudre de métal réactif brute, mais l’élément 1c) renvoie à la formation d’une couche de surface sur les particules de poudre de métal réactif brute, et les éléments 1c) et d) utilisent ensuite le terme poudre de métal réactif brute munie de ladite couche de surface. Comme M. Barnes le fait remarquer, la personne versée dans l'art comprendrait que la poudre de métal réactif brute munie de ladite couche de surface est la poudre de métal réactif brute qui a subi par la suite une passivation : premier rapport de M. Barnes, aux para 323‑327; deuxième rapport de M. Barnes, au para 22; voir également le brevet 502, au para 126. C’est cette poudre de métal réactif brute munie de ladite couche de surface qui est le produit du procédé revendiqué, plutôt que simplement la poudre de métal réactif brute.

[149] Les experts conviennent en fin de compte que le procédé donne lieu à des particules de poudre de métal réactif munies d’une couche de surface qui comprend une couche de passivation (la couche d’oxyde natif), et que les paramètres pertinents des éléments 1c), d) et e) se rapportent aux particules de poudre munies de la couche de surface.

[150] M. Barnes a également soutenu qu’il y avait une certaine incohérence entre le libellé de la revendication et la définition de l’inventeur selon laquelle la poudre de métal réactif brute est une poudre obtenue [traduction] « sans aucune étape ultérieure de traitement, comme des techniques de tamisage ou de catégorisation ». L’élément 1e) précise la coulabilité associée à une distribution granulométrique donnée de la poudre produite. Étant donné que l’atomisation au gaz ou au plasma ne produit pas de poudres de métal ayant une distribution granulométrique précise, la mesure de la coulabilité de la fraction de 10 μm à 53 μm exige nécessairement que la poudre soit tamisée ou autrement classée, contrairement à la définition de poudre de métal réactif brute de la divulgation : premier rapport de M. Barnes, aux para 305‑306, 364. Encore une fois, cependant, la mesure de la coulabilité ne concerne pas seulement la poudre de métal réactif brute, mais aussi la poudre de métal réactif brute munie de ladite couche de surface. Cela pourrait expliquer l’incohérence apparente, car la présence d’une couche de surface à elle seule ne signifie pas qu’il y a eu tamisage ou catégorisation. Quoi qu’il en soit, rien ne change cette incohérence, si elle en est une, car les experts conviennent que la mesure de la coulabilité de l’élément 1e) serait effectuée sur la fraction indiquée de la poudre produite par le procédé d’atomisation, c’est‑à‑dire après la catégorisation, comme il est indiqué ci‑dessous.

(c) distribution granulométrique d’environ 10 à 53 μm

[151] Les inventeurs affirment que l’expression [traduction] « poudre de métal ayant une distribution granulométrique de X‑Y μm » signifie que la poudre a moins de 5 % en poids de particules de taille supérieure à Y μm, mesurée selon la norme ASTM B214, et moins de 6 % en poids de particules de taille inférieure à X μm, mesurée conformément à la norme ASTM B822 : brevet 502, au para 40. Conformément à cette définition, la divulgation indique en outre que [traduction] « poudre de métal ayant une granulométrie de 15 à 45 μm » signifie que la poudre présente moins de 5 % en poids de particules supérieures à 45 μm en taille, mesurée selon la norme ASTM B214, et moins de 6 % en poids de particules inférieures à 15 μm en taille, mesurée conformément à la norme ASTM B822 : brevet 502, au para 41.

[152] Le libellé de la revendication 1 est légèrement différent; il fait référence à une [traduction] distribution granulométrique d’environ 10 à 53 μm. M. Barnes, en se référant aux définitions ci‑dessus, estime que la personne versée dans l'art considérerait que l’expression distribution granulométrique d’environ tient compte des variations statistiques mentionnées dans les définitions précitées, et qu’elle n’attribuerait aucun sens particulier au mot environ, puisque la définition tient déjà compte des incertitudes statistiques : premier rapport de M. Barnes, aux para 360–363.

[153] M. Mostaghimi, dont la première interprétation était simplement une répétition du libellé de la revendication, a contesté la proposition selon laquelle la personne versée dans l'art ferait abstraction du mot environ et a affirmé qu’elle lui donnerait son sens habituel, qui est [traduction] « approximativement ou autour de » : premier rapport de M. Mostaghimi, au para 83; deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 101‑104. Toutefois, il n’a pas fourni plus de précisions et n’a pas expliqué pourquoi la personne versée dans l'art, en lisant la définition des inventeurs de la distribution granulométrique, n’aurait pas cette compréhension du terme de la revendication 1 qui se rapporte à la distribution granulométrique.

[154] Encore une fois, ce désaccord n’est pas déterminant, mais je souscris à l’interprétation de M. Barnes, malgré la légère variation du libellé de la revendication par rapport aux termes définis. Les inventeurs ont établi dans une définition un intervalle précis de variation statistique lorsqu’ils mentionnent la distribution granulométrique. À mon avis, la personne versée dans l'art comprendrait, en lisant les termes distribution granulométrique d’environ 10 à 53 μm, que le terme environ renvoie à l’intervalle de variation statistique défini par les inventeurs et l’intègre de façon inhérente. La personne versée dans l'art comprendrait que la catégorisation des particules de poudre dans le but d’obtenir la distribution granulométrique désirée donnerait certaines particules plus petites que le minimum et d’autres, plus grandes que le maximum, mais qu’il serait souhaitable que la vaste majorité des particules soit dans une plage de distribution donnée. Cela concorde avec l’adoption de la définition donnée par les inventeurs, quoique le libellé soit légèrement différent.

[155] Comme il a été mentionné précédemment, et comme M. Barnes le fait remarquer sans que M. Mostaghimi ne soit en désaccord, puisqu’il était impossible, aux dates pertinentes, de restreindre la taille des particules par le procédé d’atomisation, la personne versée dans l'art comprendrait que le terme « distribution granulométrique » renvoie à un sous‑ensemble ou à une proportion de la poudre produite qui a été tamisée ou catégorisée : premier rapport de M. Barnes, au para 364; deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 101‑104.

(3) Autres termes

(a) procédé de fabrication par atomisation ou atomisation

[156] Il ne fait aucun doute que la personne versée dans l'art comprendrait ces termes comme faisant référence à un procédé de fabrication de poudres de métal réactif par atomisation d’une source de métal réactif chauffée, par exemple un fil, une tige ou du métal fondu, tel que décrit plus haut : premier rapport de M. Barnes, au para 297; premier rapport de M. Mostaghimi, au para 71. Cependant, M. Barnes et M. Mostaghimi ne s’entendaient pas sur la question de savoir si la personne versée dans l'art comprendrait que ces termes comprennent l’atomisation à l’eau. M. Barnes était d’avis que la personne versée dans l'art comprendrait que ces termes se limitent à l’atomisation au gaz ou au plasma, puisque l’atomisation à l’eau ne peut pas être utilisée avec les métaux réactifs : premier rapport de M. Barnes, aux para 292‑294. M. Mostaghimi n’était pas d’accord, car la revendication ne limite pas expressément l’atomisation à l’atomisation au gaz ou au plasma : deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 66‑67.

[157] Je conviens avec Tekna que l’interprétation de M. Mostaghimi est trop littérale, plutôt que d’être contextuelle et téléologique. Il est important de noter que, même si l’élément 1a) ne renvoie qu’à l’atomisation, l’élément 1b) traite précisément du recours à un gaz atomisant. Cette précision indique à la personne versée dans l'art que le fluide utilisé pour le procédé d’atomisation est un gaz plutôt qu’un liquide comme l’eau : premier rapport de M. Barnes, au para 311. Cela concorderait également avec les connaissances de la personne versée dans l'art sur le risque de réaction entre l’eau et un métal réactif, et à sa connaissance que l’atomisation à l’eau ne produit pas de particules sphériques, contrairement à l’objectif énoncé du brevet : transcription, jour 11, aux p 67‑70; brevet 502, aux para 2, 3, 131, 138. La personne versée dans l’art qui ferait une lecture contextuelle et téléologique de la revendication 1comprendrait que le procédé de fabrication par atomisation qui y est revendiqué est un procédé d’atomisation au gaz ou au plasma, et que l’étape de l’atomisation dans l’élément 1a) renvoie de la même façon à une atomisation au gaz ou au plasma.

(b) exposition de ladite source de métal réactif chauffée à un mélange d’atomisation contenant au moins un gaz atomisant et au moins un gaz additif

[158] Comme il est indiqué à l’élément 1b), le procédé d’atomisation revendiqué consiste en une exposition de la source de métal réactif chauffée à un mélange d’atomisation contenant au moins un gaz atomisant et au moins un gaz additif. Je suis d’accord avec M. Barnes pour dire que la personne versée dans l'art comprendrait que le mélange d’atomisation est une combinaison de gaz servant à atomiser la source de métal pour former la poudre de métal : premier rapport de M. Barnes, aux para 308‑310.

[159] M. Mostaghimi n'était pas tout à fait d'accord, car selon son interprétation, le gaz atomisant serait le gaz ou le plasma qui chauffe et entre en contact avec la source de métal, ce qui fait fondre ce dernier ou forme des gouttelettes, tandis que le gaz additif serait considéré comme la source du composant ajouté qui forme une partie de la couche externe sur les particules de poudre (c.‑à‑d., la couche de surface, voir plus loin) : premier rapport de M. Mostaghimi, au para 74. Deux aspects de cette description doivent être clarifiés. Tout d’abord, la déclaration selon laquelle le gaz atomisant chaufferait la source de métal et entrerait en contact avec tiendrait pour l’atomisation au plasma, mais le témoignage de M. Barnes sur les connaissances courantes de la personne versée dans l'art montre clairement que l’atomisation au gaz peut faire intervenir une source de métal fondue au préalable, et que le gaz atomisant dans ce procédé peut ou non être chauffé : premier rapport de M. Barnes, aux para 238, 312; deuxième rapport de M. Barnes, au para 28. Dans son rapport, M. Mostaghimi reconnaît qu’il est possible que la source de métal réactif chauffée comprenne du métal fondu : premier rapport de M. Mostaghimi, aux para 71, 74.

[160] Deuxièmement, je ne peux pas utiliser la description de M. Mostaghimi pour suggérer que seul le gaz atomisant et non le gaz additif joue un rôle dans l’atomisation. Bien qu'il ne s'agisse pas d'un point de controverse entre les parties, le procédé de la revendication 1 consiste à exposer la source de métal réactif au mélange d'atomisation— et non au gaz atomisant seul ou au gaz atomisant et au gaz additif séparément, et ce, durant l'atomisation de la source de métal. Les gaz constituant le mélange d'atomisation doivent donc être mélangés au moment où ils entrent en contact avec la source de métal ou avant, au cours du procédé d'atomisation. La divulgation du brevet 502 traite de chacune de ces deux possibilités dans l’exemple du mélange du gaz atomisant et du gaz additif avant la mise en contact avec la source de métal (également revendiqué dans la revendication 44) et l’injection du gaz additif « avec » le gaz atomisant pour former le mélange d’atomisation : brevet 502, aux para 140, 162‑164. De même, en analysant les expériences, les inventeurs font remarquer que, dans les essais 3 et 4, le métal a été exposé au mélange d’atomisation [traduction] « pendant le procédé d’atomisation » : brevet 502, aux para 172, 173. Par conséquent, le gaz atomisant et le gaz additif jouent tous deux un rôle dans l’atomisation.

[161] Cela dit, au moins un gaz atomisant contenu dans le mélange d’atomisation est le gaz prédominant du mélange, puisqu’au moins un gaz additif est présent à une concentration inférieure à 1 000 parties par million [ppm], ou inférieure à 0,1 % du mélange d’atomisation. Le gaz atomisant est donc principalement responsable de l’atomisation de la source de métal, mais ultimement, tous les gaz du mélange d’atomisation participent à l’atomisation : premier rapport de M. Barnes, aux para 308, 310‑311, 319.

[162] Les experts étaient en désaccord marqué quant à la nature du gaz additif, et en particulier sur la question de savoir s’il doit s’agir d’un gaz réactif ou d’un gaz inerte.

[163] M. Barnes fait remarquer que le terme gaz additif en lui‑même n’avait pas de signification précise pour la personne versée dans l'art aux dates pertinentes : premier rapport de M. Barnes, au para 313; transcription, jour 5, à la p 133. M. Mostaghimi ne s’est pas opposé à ce point, et AP&C n’a pas prétendu le contraire. M. Barnes s’est ensuite penché sur la divulgation du brevet 502, qui contient le libellé suivant, que M. Barnes considère comme une définition de gaz additif :

[traduction]

[00132] Le gaz additif peut être n’importe quel gaz contenant un atome ou une molécule électronégatifs. Le gaz additif pourrait être un composé fluoré, chloré, iodé, bromé, à base d’hydrogène, à base d’azote et à base de carbone.

[00133] Le gaz additif pourrait être un gaz contenant de l’oxygène. L’expression « gaz contenant de l’oxygène » utilisée dans le présent document désigne un gaz qui contient au moins un atome d’oxygène. Par exemple, ce gaz pourrait être O2, CO2, CO, NO2, l’air, la vapeur d’eau, l’ozone, etc.

[Non souligné dans l’original].

[164] M. Barnes a conclu de ce passage que le terme gaz additif s’entend d’un gaz non inerte capable de subir une réaction chimique avec la poudre de métal réactif brute : premier rapport de M. Barnes, au para 315. Cette description serait conforme, selon M. Barnes, aux connaissances de la personne versée dans l'art selon lesquelles les gaz non inertes comme l’oxygène et l’azote pouvaient être utilisés dans les procédés d’atomisation pour produire des oxydes métalliques ou des nitrures métalliques : premier rapport de M. Barnes, au para 316.

[165] M. Mostaghimi, par contre, soutient que le gaz additif ne se restreint pas à un gaz qui réagit avec la poudre de métal réactif : deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 18(c), 74‑79; transcription, jour 11, aux p 13‑14, 72‑75. M. Mostaghimi n’a pas expressément abordé la question de l’inertie ou de la réactivité du gaz additif dans son premier rapport, et a simplement soutenu que le terme serait interprété comme étant un gaz qui est la source du [traduction] « composant ajouté […] qui est intégré à la source de métal pour former une partie de la couche externe sur les particules produites » [non souligné dans l’original] : premier rapport de M. Mostaghimi, au para 74. Cependant, il n’était pas d’accord avec l’interprétation de M. Barnes dans son deuxième rapport, et estimait que ni la revendication ni le passage précité de la divulgation n’excluent les gaz inertes : deuxième rapport de M. Mostaghimi, au para 75.

[166] À mon avis, la réponse à cette question découle d’une interprétation téléologique de la revendication 1. La personne versée dans l'art saurait que le gaz additif est défini comme un composant différent du mélange d’atomisation, provenant du gaz atomisant, et ayant un but différent. La revendication elle‑même indique clairement que le gaz atomisant est principalement responsable de l’atomisation, tandis que le gaz additif forme la couche de surface. La personne versée dans l'art comprendrait que les inventeurs avaient comme intention de faire jouer un rôle différent à chacun des deux gaz, qui sont différents et qui présentent différentes propriétés. S’il n’y avait aucune restriction quant à la nature du gaz additif, il pourrait simplement s’agir d’un autre gaz atomisant, et les inventeurs auraient simplement mentionné deux gaz atomisants, puisqu’il n’y aurait aucune différence de fonction ou de but entre eux.

[167] Cela est d’autant plus vrai que la revendication 1 prévoit qu’il peut y avoir [traduction] « au moins un » gaz atomisant. Par exemple, la personne versée dans l'art saurait que l’argon et l’hélium, des gaz inertes, peuvent chacun être utilisés comme gaz atomisant. Elle reconnaîtrait que les inventeurs n’auraient pas pu avoir l’intention qu’un mélange, par exemple, principalement composé d’argon et d’une petite quantité d’hélium, soit décrit dans la revendication 1 comme étant « au moins un » gaz atomisant ou comme le gaz atomisant plus un gaz additif. Par ailleurs, la personne versée dans l'art n’aurait eu aucune idée, que ce soit à partir de ses connaissances générales courantes ou du brevet 502, de la raison ou de la façon dont la petite quantité d’hélium présente dans le mélange atomisant pourrait modifier les propriétés de la poudre de métal réactif.

[168] La personne versée dans l'art qui examinerait la revendication 1 dans le contexte de la divulgation dans son ensemble s’attendrait à ce que le gaz atomisant et le gaz additif aient des fins et des propriétés différentes et validées. Le gaz atomisant n’est pas analysé en détail, mais il est décrit comme étant un type de fluide atomisant et peut, par exemple, être un gaz inerte : brevet 502, aux para 126‑127, 140, 170‑171. La personne versée dans l’art reconnaîtrait que cette description est conforme à sa compréhension générale des procédés d’atomisation au gaz, comme il est mentionné plus haut. Dans le brevet, on parle souvent du gaz additif comme étant ce qui permet de physiquement différencier les particules fabriquées conformément au procédé du brevet de celles qui ne le sont pas : brevet 502, aux para 29‑30, 33‑34, 131‑150, 154‑156, 160‑164, 184‑186.

[169] C’est dans ce contexte que la personne versée dans l'art lirait le paragraphe 132, reproduit ci‑dessus. Elle comprendrait que la déclaration des inventeurs selon laquelle le [traduction] « gaz additif peut être n’importe quel gaz contenant un atome ou une molécule électronégatifs » [non souligné dans l’original] serait une description restrictive du gaz additif, et non un simple exemple. Cela est particulièrement vrai lorsque le terme « peut être » est mis en opposition avec « pourrait être » dans la deuxième phrase du paragraphe 132 et dans les deux phrases du paragraphe 133, selon lesquelles les gaz contenant un atome ou une molécule électronégatifs pourraient être utilisés comme gaz additif.

[170] La personne versée dans l'art remarquerait que chaque exemple fourni dans la divulgation concernant le gaz additif est celui d’un gaz ayant un ion électronégatif. Les inventeurs ne laissent jamais entendre qu’un gaz inerte est un gaz additif, et de fait, une telle suggestion irait à l’encontre de leur analyse générale et des théories sur le procédé. Les revendications du brevet ne se limitent pas, bien entendu, aux modes de réalisation à privilégier ou aux exemples énoncés dans la divulgation : Bombardier (CAF), au para 54; Seedlings (CF), au para 58. Néanmoins, le libellé et les exemples utilisés dans la divulgation sont pertinents, surtout lorsque les inventeurs emploient un terme fonctionnel dans la revendication qui n’a pas de signification dans le contexte de la technique (c.‑à‑d gaz additif, plutôt que simplement gaz). Le choix d’un inventeur d’énoncer certains exemples plutôt que d’autres peut aider la personne versée dans l'art à comprendre la signification d’un terme utilisé dans la revendication : voir Schering‑Plough Canada Inc c Pharmascience Inc, 2009 CF 1128 aux para 161‑168.

[171] La personne versée dans l’art remarquerait aussi que les inventeurs ont inclus une série de revendications dépendantes qui limitent l’identité du gaz additif, mais il n’y a aucune revendication dépendante qui restreint le gaz additif à un gaz contenant un ion ou une molécule électronégatifs. Les revendications dépendantes limitent plutôt le gaz additif à certains gaz contenant un ion ou une molécule électronégatifs : brevet 502, revendications 68‑75; voir aussi les para 105‑112. Cela s’oppose au gaz atomisant, pour lequel il existe une revendication dépendante qui restreint le gaz atomisant à un gaz inerte : brevet 502, revendication 43; voir aussi les para 126‑127.

[172] Je conclus que la personne versée dans l'art comprendrait que le gaz additif est un gaz ayant un atome ou une molécule électronégatifs. Selon moi, il ne s’agit pas de considérer cette restriction de la divulgation comme faisant partie des revendications. J’estime plutôt que la personne versée dans l’art interpréterait le terme gaz additif dans les revendications de façon téléologique, dans le contexte du brevet dans son ensemble.

[173] Quoi qu’il en soit, et indépendamment de ce qui précède, la revendication 1 est encore plus précise que le libellé du paragraphe 132 en ce qui concerne l’identité du gaz additif. Selon la revendication 1, le procédé consiste en la « formation, à l’aide d’au moins un gaz additif, d’une couche de surface sur ladite poudre de métal réactif brute » [non souligné dans l’original]. Comme nous le verrons plus loin et comme les parties l’ont reconnu, la couche de surface comprend à la fois une première couche ou couche d’appauvrissement et une deuxième couche ou couche d’oxyde natif. La revendication 1 dit donc expressément que la couche d’oxyde natif est formée à l’aide d’au moins un gaz additif, puisqu’elle fait partie de la couche de surface.

[174] De toute évidence, pour former une couche d’oxyde, l’oxygène doit être présent : transcription, jour 11, aux p 11, 80; premier rapport de M. Barnes, aux para 355‑356; deuxième rapport de M. Mostaghimi, au para 90. Par conséquent, pour que la couche d’oxyde natif se forme à l’aide du gaz additif, au moins un gaz additif doit contenir de l’oxygène : premier rapport de M. Barnes, aux para 326, 356‑357. Autrement dit, la personne versée dans l'art saurait que si le gaz additif n’était qu’un gaz inerte comme l’hélium ou l’argon, comme l’a soutenu M. Mostaghimi, ou même restreint à un gaz réactif qui n’est pas l’oxygène comme l’azote, il ne serait pas chimiquement possible de former, à l’aide de ce gaz additif, une couche de surface comprenant une couche d’oxyde natif. L’interprétation de M. Mostaghimi selon laquelle le gaz additif pourrait être un gaz inerte est donc non seulement une interprétation non téléologique, mais une interprétation qui est en contradiction directe avec le reste de la revendication 1.

[175] Je souligne que le paragraphe 132 de la divulgation mentionne que le gaz additif peut être un halogène comme le fluor ou le chlore, ou un composé à base d’azote, tandis que les revendications dépendantes 70 à 75 comprennent des restrictions concernant au moins un gaz additif, qui doit être un gaz qui ne contient pas d’oxygène. Toutefois, je ne considère pas que l’interprétation ci‑dessus est incompatible avec le paragraphe 132 ou avec ces revendications dépendantes. En particulier, la revendication 1 indique clairement que plus d’un gaz additif peut être présent; donc, d’autres gaz peuvent être présents à condition que de l’oxygène soit également présent pour former la couche d’oxyde natif : premier rapport de M. Barnes, au para 357. Quoi qu’il en soit, même s’il y avait une incohérence, le libellé de la revendication 1 indique clairement que la couche d’oxyde natif doit être formée à l’aide d’au moins un gaz additif, donc, au moins un gaz additif doit nécessairement contenir de l’oxygène.

[176] Je reconnais que cette interprétation rend largement redondante la revendication 68, qui précise qu’[traduction] « au moins un gaz additif est un gaz contenant de l’oxygène ». En règle générale, une telle redondance doit être évitée : Whirlpool, au para 79. Halford c Seed Hawk Inc, 2004 CF 88 aux para 91‑94 [Halford (CF)], inf en partie pour d’autres motifs par 2006 CAF 275; Eli Lilly Canada Inc c Apotex Inc, 2020 CF 814 aux para 111‑113; Apotex Inc c Lundbeck Canada Inc, 2010 CAF 320 aux para 109‑110 [Apotex‑escitalopram]; Ratiopharm, au para 33.

[177] Toutefois, le principe de différenciation des revendications est une présomption réfutable qui doit céder le pas devant le libellé clair de la revendication : Halford (CF), au para 94; Apotex‑escitalopram, au para 110. Dans le cas présent, si au moins un gaz additif ne contenait pas d’oxygène, il serait incapable de former une couche de surface comprenant une couche d’oxyde natif, ce qui entraînerait une incohérence dans la revendication 1. À mon avis, cette incohérence interne est suffisante pour réfuter la présomption de différenciation des revendications à l’égard de ce terme. Par ailleurs, je fais observer qu’il est clair que le brevet 502 compte d’autres revendications redondantes, par exemple les revendications 40 et 42, qui sont examinées ci‑après, aux paragraphes [308] et [311].

[178] Une autre question se pose, celle de l’intention, concernant le terme « gaz additif » employé dans le contexte de la revendication 1, à savoir si le gaz additif doit être ajouté délibérément ou intentionnellement pour respecter le procédé de la revendication 1. Dans la divulgation, les inventeurs ont reconnu que dans les procédés d’atomisation existants, certains gaz additifs, comme l’air ou l’oxygène, peuvent être intrinsèquement présents au cours de l’atomisation en raison d’une contamination, de l’introduction d’impuretés ou d’une fuite : brevet 502, au para 137. Les inventeurs affirment que, dans les réalisations décrites, le gaz additif qui entre en contact avec la source de métal est [traduction] « délibérément fourni en plus de tout gaz additif qui pourrait être introduit de façon intrinsèque pendant le procédé d’atomisation » : brevet 502, au para 138. AP&C soutient que la revendication 1, soit par le terme gaz additif ou par l’utilisation du mot exposition, fait référence à l’ajout intentionnel (délibéré) et contrôlé de gaz : transcription, jour 15, aux p 45‑46, 91‑92, 97‑98; conclusions finales d'AP&C, aux para 91‑92, 361, 368‑378.

[179] Je n’ai pas à trancher ces questions, car elles n’ont aucun rapport avec celles que j’ai jugées déterminantes. En particulier, elles se rapportent principalement à la question de l’argument de Tekna fondé sur le paragraphe 56(1), et j’ai conclu que je n’avais pas à la trancher.

(c) ladite poudre de métal réactif brute munie de ladite couche de surface contient moins de 1 000 ppm d’au moins un élément d’au moins un gaz additif

[180] Les experts ont convenu que la personne versée dans l'art comprendrait que ce terme de l’élément 1c) établit la concentration maximale d’un élément du gaz additif dans la poudre résultante : premier rapport de Barnes, au para 328; premier rapport de Mostaghimi, au para 78. Cependant, les opinions divergent sur deux aspects de cet énoncé, chacune ayant trait au calcul de la concentration limite de 1 000 ppm.

[181] Le premier aspect concerne la portion de la particule qui est assujettie à la concentration limite. D’emblée, M. Mostaghimi était d’avis que la concentration limite de 1 000 ppm était une exigence précise visant la couche de surface, et non la particule entière : premier rapport de M. Mostaghimi, au para 78. Pour arriver à cette conclusion, M. Mostaghimi n’a reproduit que le libellé [traduction] « ladite couche de surface, contient moins de 1 000 ppm… » de l’élément 1c), et a omis le libellé du début, soit [traduction] « ladite poudre de métal réactif brute munie de… ». Dans son témoignage de vive voix, M. Mostaghimi a tout de suite reconnu que M. Barnes avait raison d’interpréter la revendication comme signifiant que la poudre de métal dans son ensemble, c’est‑à‑dire la particule de poudre de métal munie de la couche de surface, doit contenir moins de 1 000 ppm : transcription, jour 11, aux p 11, 12; premier rapport de M. Barnes, au para 330; deuxième rapport de M. Barnes, au para 29. En effet, M. Mostaghimi semble avoir adopté cette approche dans son analyse de la contrefaçon : deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 498‑500. Finalement, AP&C n’a pas contesté cette interprétation dans ses observations finales.

[182] Je conviens que l’interprétation de M. Barnes est la seule qui concorde avec le libellé de la revendication 1. La revendication restreint la composition de « ladite poudre de métal réactif brute munie de ladite couche de surface » [non souligné dans l’original]. Ce libellé renvoie clairement à l’entièreté de la particule de poudre et non uniquement à sa couche de surface. De plus, lorsque les inventeurs voulaient préciser des restrictions quant à la composition de la couche de surface elle‑même, ils l’ont fait au moyen d’un libellé différent. Dans les revendications 50 à 54 du brevet 502, les inventeurs invoquent des procédés de revendications antérieures où « ladite couche de surface contient moins d’environ [X] ppm d’au moins un élément d’au moins un gaz additif » [non souligné dans l’original].

[183] Le deuxième aspect, qui est plus contesté, concerne la question de savoir si la concentration limite de 1 000 ppm vise les atomes ou les molécules présents dans la source de métal d’origine ou seulement ceux qui ont été ajoutés aux particules de poudre par le gaz atomisant. Comme il a été mentionné ci‑dessus au paragraphe [85], les sources de métal réactif contiennent généralement d’autres éléments traces comme l’oxygène, dont les quantités sont dictées par le grade du métal. Tekna soutient que le seuil de 1 000 ppm de l’élément 1(c) de la revendication se rapporte à la quantité totale de l’élément dans la particule, et concerne aussi la quantité qui était présente dans la source de métal d’origine. AP&C soutient qu’il ne s’agit que d’un seuil visant la quantité de l’élément qui [traduction] « provient » du gaz atomisant du procédé d’atomisation.

[184] La thèse de Tekna concorde avec l’avis de M. Barnes concernant la façon dont la personne versée dans l'art comprendrait la phrase : premier rapport de M. Barnes, aux para 331‑334. Les rapports de M. Mostaghimi ne traitaient pas clairement de cette question d’interprétation. Dans son premier rapport, M. Mostaghimi a déclaré que l’élément de la revendication signifie que la couche de surface [traduction] « doit incorporer moins de 1 000 [ppm] d’au moins un composant d’un gaz additif » [non souligné dans l’original] : premier rapport de M. Mostaghimi, au para 78. Il n’est pas évident qu’en remplaçant le verbe « contenir » par le verbe « incorporer », M. Mostaghimi entendait donner à la phrase une interprétation qui restreint le calcul à la quantité supplémentaire de l’élément qui provient du gaz additif. Si c’est le cas, aucune explication ne justifie la conclusion. Par ailleurs, M. Mostaghimi, dans son deuxième rapport, n’est pas en désaccord avec l’opinion de M. Barnes selon laquelle la mesure comprend la quantité totale de l’élément dans la particule : premier rapport de M. Mostaghimi, au para 78; deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 80‑81.

[185] Lors du contre‑interrogatoire de M. Barnes, cependant, AP&C a laissé entendre que les 1 000 ppm étaient uniquement une mesure de l’élément ajouté par le gaz atomisant, et que cette quantité était calculée en déduisant de la quantité totale dans la particule de la quantité présente dans la source de métal d’origine : transcription, jour 5, aux p 133‑137. M. Barnes n’a pas accepté cette interprétation.

[186] Lors de son témoignage principal, M. Mostaghimi a abordé la question du seuil de 1 000 ppm, mais seulement en ce qui concerne le premier aspect, à savoir s’il s’applique à l’ensemble de la particule ou seulement à la couche de surface : transcription, jour 11, aux p 11‑12. En contre‑interrogatoire, cependant, M. Mostaghimi, a affirmé que le seuil de 1 000 ppm se rapportait à la quantité dans la poudre provenant du gaz atomisant, et excluait la quantité présente dans la source de métal : transcription, jour 11, aux p 80‑82.

[187] Si on se penche sur le libellé de la revendication, la question que soulèvent ces interprétations opposées est essentiellement de savoir si le deuxième « d’ » dans l'expression [traduction] « moins de 1 000 ppm d'au moins un élément d’au moins un gaz additif » signifie que l'on mesure la quantité d'élément qui provient spécifiquement du gaz additif, ou s’il s’agit simplement de la quantité de l’élément qui serait l’un de ceux présents dans le gaz additif, et que cette quantité est par la suite mesurée dans sa totalité. Pour les motifs qui suivent, je conclus que la personne versée dans l'art interpréterait la phrase de la manière proposée par M. Barnes et Tekna.

[188] Premièrement, l’interprétation proposée par AP&C est incompatible avec le fait que la mesure est celle de la [traduction] « poudre de métal réactif brute munie de ladite couche de surface » [non souligné dans l’original], c’est‑à‑dire la particule entière, comme nous l’avons vu plus haut. La revendication 1 fait mention de la formation de la couche de surface sur les particules de poudre de métal à l’aide du gaz additif. Elle ne mentionne pas les éléments ajoutés par le gaz additif, qui sont situés plus profondément que dans la couche de surface de la particule. M. Mostaghimi a lui‑même affirmé que l’ajout d’élément se limite à la couche de surface : transcription, jour 11, aux p 81‑82. Cela étant, la mesure de la concentration de l’élément dans la particule entière ne serait d’aucune utilité si l’objectif était de ne mesurer que la quantité de l’élément ajouté par le gaz additif.

[189] Deuxièmement, lorsque les inventeurs ont voulu faire référence uniquement à la quantité d’un élément ajouté par le gaz additif, ils l’ont fait dans un libellé clair, comme on peut l’observer dans les revendications 55 à 59. Chacune de ces revendications ajoute une restriction selon laquelle la [traduction] « couche de surface […] présente un contenu supplémentaire constitué de l’élément électronégatif provenant d’au moins un gaz additif à une concentration inférieure à environ [X] ppm » [non souligné dans l’original] (voir aussi les para 98 à 103 de la divulgation). La concentration limite dans ces revendications est clairement restreinte a) à la couche de surface seulement; et b) au contenu supplémentaire ou ajouté uniquement : premier rapport de M. Barnes, aux para 404‑408; premier rapport de M. Mostaghimi, au para 98. Le fait que les inventeurs aient utilisé ce libellé dans les revendications 55 à 59, mais aient choisi de ne pas l’utiliser dans la revendication 1 donne à penser qu’ils n’avaient pas l’intention de restreindre la mesure de la revendication 1 au [traduction] « contenu supplémentaire » ajouté par le gaz additif : Seedlings (CAF), aux para 20‑21.

[190] Les revendications présentent donc trois types de mesure de la concentration dans la poudre [traduction] « d’au moins un élément d’au moins un gaz additif ». La revendication 1 exige que la [traduction] « poudre de métal réactif brute munie de ladite couche de surface contien[ne] moins de 1000 ppm ». Les revendications 50 à 54 exigent que la [traduction] « couche de surface contien[ne] moins d’environ [X] ppm ». Les revendications 55 à 59 exigent que la [traduction] « couche de surface présente un contenu supplémentaire constitué d’un élément électronégati d’au moins un gaz additif de moins d’environ [X] ppm ». Le libellé autre utilisé par les inventeurs indique que différentes mesures étaient prévues : la revendication 1 fait référence à la quantité totale dans la particule entière; les revendications 50 à 54 ajoutent une restriction quant à la mesure de la concentration totale dans la couche de surface; et les revendications 55 à 59 ajoutent une restriction concernant la mesure du contenu supplémentaire ou ajoutée dans la couche de surface, et exigent que le contenu soit un élément électronégatif.

[191] Troisièmement, le témoignage de M. Mostaghimi sur cette question d’interprétation est considérablement affaibli par le fait qu’il a été présenté pour la première fois en contre‑interrogatoire. Même lorsqu’il a été mandaté pour répondre aux opinions de M. Barnes sur l’interprétation à donner des revendications, qui indiquaient clairement que la personne versée dans l'art comprendrait que la mesure renvoie à la quantité totale dans la particule, M. Mostaghimi n’a pas répondu en disant que la personne versée dans l'art considérerait que la mesure est restreinte uniquement à la quantité de l’élément ajoutée par le gaz additif. En effet, il semble que, lorsqu’il a examiné la question de la contrefaçon dans son premier rapport, M. Mostaghimi ait évalué cet élément de la revendication en fonction des mesures de la quantité totale de l’élément dans les poudres de Tekna : deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 498‑500. Comme il l’a admis en contre‑interrogatoire, il n’a effectué aucun calcul de la quantité ajoutée par le gaz avant de conclure que la concentration limite de 1 000 ppm était respectée : transcription, jour 11, aux p 88‑90. L’interprétation qu’il donne est en outre affaiblie par le fait qu’AP&C semble la faire valoir au procès en réponse à la question soulevée au sujet de la concentration d’oxygène dans l’un des échantillons de Tekna : conclusions finales d’AP&C, au para 345, transcription, jour 11, aux p 81, 87‑90.

[192] De plus, M. Mostaghimi n’a pas expliqué pourquoi il a conclu que la personne versée dans l'art comprendrait que le terme ne s’applique qu’à la quantité de l’élément ajoutée par le gaz additif, indépendamment de la généralité selon laquelle l’ajout est le [traduction] « concept fondamental » sur lequel reposent les deux brevets : transcription, jour 11, à la p 81. Plus particulièrement, il n’a pas expliqué scientifiquement pourquoi il est important pour les propriétés ou le comportement d’une poudre que les atomes ou les molécules d’un élément, ou la concentration résultant de cet élément, proviennent de la source de métal d’origine ou du gaz additif. Bien que l’endroit de l’élément dans la particule de poudre puisse avoir de l’importance, rien n’indique que la source de l’élément puisse avoir de l’importance lors de la mesure du contenu de la particule entière. Inversement, selon le témoignage non contesté de M. Barnes, la personne versée dans l'art comprendrait qu’un élément présent dans le gaz additif pourrait déjà être présent dans la source de métal et devrait être pris en compte : premier rapport de M. Barnes, aux para 329‑331.

[193] La personne versée dans l'art serait très au fait de l’importance des restrictions imposées à la quantité totale des éléments traces dans les poudres de métal et d’alliages de métal, ainsi que de leur incidence sur les propriétés et les spécifications de ces poudres. Comme je l’ai expliqué ci‑dessus au paragraphe [86], la personne versée dans l'art comprendrait que des normes internationales définissent les seuils relatifs aux éléments chimiques dans les poudres de métal, y compris celles relatives à l’oxygène. La personne versée dans l'art reconnaîtrait donc le but et la valeur de la mesure de la concentration totale d’un élément dans une poudre de métal fabriquée.

[194] Cela est conforme aux paragraphes 141 à 148 du brevet 502. Dans ces paragraphes, les inventeurs traitent de la régulation de la quantité de gaz additif en fonction des propriétés finales souhaitées : brevet 502, au para 141. Ils soulignent, à titre d’exemple, que la quantité de gaz additif peut être régulée de sorte que la quantité de gaz [traduction] « contenue dans la poudre de métal réactif soit maintenue à l’intérieur de certaines limites » [non souligné dans l’original] : brevet 502, au para 142. Ils font également remarquer que les seuils relatifs à la composition chimique d’une poudre peuvent être prescrits par diverses normes internationales, comme la norme AMS 4998 (norme pour la poudre d’alliage de titane Ti‑6Al‑4V), si bien que la quantité de gaz additif est régulée en fonction de sa composition [traduction] « et de la ou les limites prescrites par la norme pour un ou plusieurs atomes ou molécules constituant le gaz additif » : brevet 502, au para 143. Les inventeurs fournissent ensuite une série d’exemples de seuils relatifs à la quantité de gaz [traduction] « dans la poudre de métal réactif formée », allant de 120 à 1 800 ppm : brevet 502, aux para 144‑149. La personne versée dans l'art comprendrait que ces normes établissent des spécifications s’appliquant à la composition chimique des poudres de métal dans l’entièreté des particules, de sorte que ce dont il est question dans ces paragraphes est la quantité totale de l’élément dans la poudre, y compris la quantité ajoutée par le gaz additif et celle qui se trouvait à l’origine dans le métal.

[195] AP&C soutient que la formulation de ces paragraphes peut être comparée à celle de la revendication 1, puisque les paragraphes 144 à 147 portent sur la quantité d’éléments [traduction] « à l’intérieur » de la poudre et présentent des concentrations limites en ppm différentes de celle de 1 000 ppm de la revendication 1. Je ne suis pas du même avis. Je souligne que certains des exemples donnés dans ces paragraphes présentent le même seuil de 1 000 ppm que celui de la revendication 1 : brevet 502, aux para 145, 148. Plus précisément, les paragraphes dans leur ensemble montrent que les inventeurs sont préoccupés par la concentration finale des éléments provenant du gaz additif dans la poudre finale. Dans la revendication, on n’a pas utilisé [traduction] « à l’intérieur », mais on y lit le mot « contient », tandis que dans les revendications 55 à 59 figure l’expression claire [traduction] « contenu supplémentaire ». Dans le contexte de la divulgation et de l’ensemble des revendications, je conclus que les paragraphes 144 à 148, le cas échéant, appuient l’interprétation de M. Barnes.

[196] AP&C cite également l’analyse des résultats d’expérience présentés au tableau 2 et aux paragraphes 180 et 181 de la divulgation. Comme nous l’avons vu plus haut, l’expérience 1 portait sur la production de poudres de métal dans le cadre de quatre essais différents, numérotés de 1 à 4. M. Barnes a convenu que la personne versée dans l’art comprendrait que l’essai 4 a été mené avec un ajout intentionnel de gaz additif pour expressément illustrer l’invention : premier rapport de M. Barnes, aux para 800‑801; transcription, jour 6, aux p 136 et 137. Le tableau 2 indique que la composition chimique totale de l’oxygène dans la poudre de l’essai 4 est de 0,112 % en poids, ou 1 120 ppm, ce qui est supérieur à la limite de 1 000 ppm de la revendication 1. AP&C soutient que le fait d’interpréter les revendications du brevet de manière à exclure un exemple ne démontre pas une [traduction] « volonté de comprendre ».

[197] Je suis d’accord pour dire que les exemples fournis dans la divulgation d’un brevet, qui visent à expliquer et à illustrer l’invention de l’inventeur, sont pertinents pour l’interprétation des revendications et font partie intégrante de ce qu’une personne versée dans l’art lirait et comprendrait en se livrant à cet exercice. D’ailleurs, dans la décision Seedlings (CF), le juge Grammond a affirmé qu’une interprétation qui exclut une réalisation privilégiée est « suspecte » : Seedlings (CF), au para 58, citant Bristol‑Myers Squibb Canada Co c Teva Canada Limited, 2016 CF 580 au para 335 [BMS‑atazanavir (CF)], conf pour d’autres motifs par 2017 CAF 76. Néanmoins, la Cour d’appel a confirmé l’interprétation que le juge Grammond a donnée du terme « vers l’arrière » en dépit des arguments selon lesquels elle n’était pas compatible avec un dessin de la réalisation privilégiée : Seedlings (CAF), aux para 18‑23, conf Seedlings (CF), aux para 80‑83.

[198] Il convient également de souligner que dans la décision BMS‑atazanavir (CF), citée par le juge Grammond, la Cour a ultimement rejeté l’argument de Teva selon lequel la revendication devait être interprétée comme incluant l’un des exemples de réalisation de l’invention décrits dans le brevet : BMS‑atazanavir (CF), aux para 308, 335, 372. La juge Mactavish a fait observer que Teva n’avait pas cité d’experts canadiens à l’appui de son affirmation selon laquelle il était peu probable qu’une interprétation d’une revendication qui exclut une réalisation privilégiée soit correcte, et elle a conclu que l’exemple fourni dans cette affaire n’était pas suffisant pour l’emporter sur le texte même de la revendication : BMS‑atazanavir (CF), au para 372.

[199] Bien que je convienne que l’argument fondé sur le tableau 2 appuie dans une certaine mesure l’interprétation d’AP&C, je conclus que le tableau 2 n’amène pas la personne versée dans l’art à examiner l’ensemble du brevet 502 et à comprendre que la restriction de 1 000 ppm de la revendication 1 ne s’applique qu’à [traduction] l’« ajout » provenant du gaz additif, par opposition à la quantité totale dans la poudre. Fait à noter, le tableau 2 ne présente pas le calcul proposé par AP&C ou ne permet pas qu’il soit implicitement effectué par la personne versée dans l’art. La divulgation ne donne pas la quantité d’oxygène ou d’azote présente dans la source de métal d’origine utilisée dans l’expérience 1, et ne soustrait pas cette quantité de la proportion de 0,112 % en poids de l’échantillon de l’essai 4 pour obtenir l’ajout en ce qui concerne ce lot d’essai : transcription, jour 15, à la p 89.

[200] Comme l’indique AP&C, les inventeurs renvoient à des analyses de données statistiques de nombreux lots, qui montrent la quantité d’oxygène et d’azote que l’injection de gaz additif ajoute aux poudres dans les essais 3 et 4 : brevet 502, aux para 180‑181. Toutefois, les inventeurs n’établissent pas de lien entre ce résultat et les données présentées dans le tableau 2. Ils le formulent aussi dans un libellé qui est plus compatible avec le terme [traduction] « contenu supplémentaire » employé dans les revendications 55 à 59 qu’avec le terme [traduction] « contient » de la revendication 1, et ils fournissent des valeurs de gaz ajouté entre 50 et 200 ppm, qui ne correspondent pas vraiment à la concentration limite de 1 000 ppm de la revendication 1. Enfin, il est utile de mentionner qu’aucun des experts, y compris M. Mostaghimi, n’a dit que selon lui, la personne versée dans l’art comprendrait, à partir du tableau 2 ou des paragraphes 180 et 181 du brevet 502, que cet élément de la revendication 1 se limiterait à l’ajout du gaz additif : premier rapport de M. Mostaghimi, au para 47; transcription, jour 5, aux p 133‑137.

[201] En fin de compte, l’accent doit être mis sur la teneur des revendications interprétées à la lumière des connaissances de la personne versée dans l’art : Free World Trust, au para 31. Bien que la divulgation, y compris les exemples, soit pertinente pour comprendre le brevet dans son ensemble et les revendications en particulier, il faut veiller à ce qu’elle soit utilisée uniquement pour comprendre et interpréter les revendications, et non pas pour changer les mots employés dans une revendication ou imposer des restrictions qui n’y figurent pas. Si l’inventeur s’est mal exprimé, avec pour résultat que les mots, équitablement interprétés, créent « une restriction inutile ou complexe », par exemple s’ils excluent des revendications un exemple donné dans la divulgation, il « ne peut s’en prendre qu’à lui‑même », selon la formule mémorable du juge Binnie : Free World Trust, au para 51.

[202] Je conclus donc que, selon l’interprétation de la personne versée dans l’art, la restriction selon laquelle la poudre de métal réactif brute munie de ladite couche de surface, contient moins de 1 000 ppm d’au moins un élément d’au moins un gaz additif signifierait que la poudre dans son ensemble contient moins de 1 000 ppm de l’élément provenant du gaz additif, et pas que la proportion de l’élément qui a été ajoutée par le gaz additif.

(d) une distribution granulométrique d’environ 10 à 53 μm de ladite poudre de métal réactif brute munie de ladite couche de surface présente une coulabilité inférieure à 40 s, mesurée selon la norme ASTM B213.

[203] Les experts ont convenu que la personne versée dans l’art comprendrait que l’élément 1e) de la revendication est un sous‑ensemble des particules de poudre fabriquées, répondant à une distribution granulométrique donnée, qui aurait une coulabilité inférieure à 40 secondes, lorsqu’elle est mesurée au moyen d’un débitmètre de Hall conformément à la norme ASTM B213 : premier rapport de M. Barnes, aux para 364‑365; premier rapport de M. Mostaghimi, au para 83.

(4) Couche de surface

[204] Comme il a été mentionné plus haut, l’interprétation de l’élément 1d) de la revendication portant sur la couche de surface était le principal point de désaccord entre les parties. Dans cet élément de la revendication, c’est avant tout la signification du terme couche d’appauvrissement qui a suscité la controverse, mais il y a aussi eu un certain désaccord à propos des termes première couche et deuxième couche et, comme on le verra, à propos du terme couche lui‑même.

(a) première couche et deuxième couche

[205] Il est essentiel dans la revendication 1 que la couche de surface formée à l’aide du gaz additif soit constituée d’au moins deux couches, soit une première couche et une deuxième couche : premier rapport de M. Barnes, aux para 324, 336‑337; premier rapport de M. Mostaghimi, au para 79. Comme l’a déclaré M. Mostaghimi, [traduction] « la couche de surface est définie comme étant constituée de deux couches » : transcription, jour 11, aux p 79, 86, 102, 105.

[206] Selon M. Barnes, la personne versée dans l’art comprendrait que les termes première et deuxième renvoient à la première couche formée avant la deuxième couche : premier rapport de M. Barnes, au para 350. Il a fait remarquer que la divulgation décrit la formation de la première couche, puis de la deuxième couche, qui est « de plus formée » : brevet 502, aux para 158, 161. M. Mostaghimi n’était pas d’accord, et selon lui, les termes « première » et « deuxième » n’imposent pas d’exigence quant au moment de la formation des deux couches, tandis que le mot [traduction] « de plus » serait interprété comme synonyme de « aussi » ou « également » : deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 98‑100. Néanmoins, M. Mostaghimi était d’avis que, sur le plan de la thermochimie, la première couche serait formée en premier : transcription, jour 11, à la p 119; voir aussi le premier rapport de M. Cima, au para 78, et la transcription du jour 13, à la p 29.

[207] Je suis d’accord avec AP&C pour dire que la personne versée dans l’art comprendrait que les adjectifs « première » et « deuxième » de la revendication 1 permettent simplement de distinguer les deux couches, plutôt que d’imposer une restriction quant à l’ordre dans lequel elles sont formées.

[208] Suivant le contexte, les mots « premier » et « deuxième » employés dans une revendication de brevet peuvent indiquer un ordre temporel ou séquentiel, ou distinguer des éléments des revendications conformément aux conventions de rédaction d’un brevet : Guest Tek Interactive Entertainment Ltd c Nomadix, Inc, 2021 CF 276 aux para 95‑101 et les décisions qui y sont citées. La personne versée dans l’art, bien au fait de ces conventions, examinerait les termes à la lumière du contexte de la revendication et du brevet dans son ensemble pour en déterminer le sens.

[209] Ni les revendications du brevet 502 ni l’analyse présentée dans la divulgation n’indiquent que le moment de la formation des couches est pertinent. Au contraire, les inventeurs désignent également les couches par les termes [traduction] « couche 1 » et « couche 2 » : brevet 502, aux para 161, 162, 164, 191. M. Barnes a en toute impartialité examiné la divulgation pour déterminer le sens des termes première et deuxième, mais le simple emploi de l’expression [traduction] « de plus formée » sans aucune analyse approfondie du moment de la formation des couches en dit peu sur le sens de ces termes.

[210] Dans ce contexte, la personne versée dans l’art et bien au fait des conventions de rédaction d’un brevet comprendrait que les termes première et deuxième sont employés dans la revendication 1 pour établir une distinction entre les deux couches plutôt qu’une exigence relative à l’ordre dans lequel elles se forment. En contre‑interrogatoire, M. Barnes a reconnu que cette interprétation était plausible, et Tekna n’a pas insisté sur l’interprétation de M. Barnes dans ses observations finales : transcription, jour 5, aux p 128‑131.

(b) deuxième couche ou couche d’oxyde natif

[211] En ce qui concerne la nature des deux couches, et je commence par la moins controversée, l’élément 1d) indique que la deuxième couche est une couche d’oxyde natif. Une personne versée dans l’art comprendrait qu’une couche d’oxyde natif est une couche composée d’atomes d’oxygène et de métal sous forme d’oxyde de métal, comme le dioxyde de titane TiO2 ou l’oxyde d’aluminium Al2O3 : premier rapport de M. Barnes, aux para 355‑359; premier rapport de M. Mostaghimi, au para 82. M. Barnes a fait observer que le terme natif s’entend d’un oxyde formé à partir du métal dans la poudre plutôt que d’être appliqué séparément, tandis que M. Mostaghimi a compris qu’il s’agit d’une couche semblable aux couches d’oxyde qui se trouvent normalement ou naturellement sur les particules de poudre de métal : premier rapport de M. Barnes, au para 355; premier rapport de M. Mostaghimi, au para 82. La différence entre ces deux compréhensions, s’il y en a une, est sans importance.

[212] Les termes couche d’oxyde et couche d’oxyde natif ne sont ni nouveaux ni exclusifs au brevet 502 : transcription, jour 11, à la p 121. La preuve montre que ces termes sont utilisés dans des articles scientifiques et des brevets pour décrire une couche d’oxyde métallique formée à la surface de poudres de métal réactif : premier rapport de M. Barnes, pièce JB‑8 (aux p iii, 1, 8‑10); JB‑17 (à la p 64), JB‑19 (aux p 5‑7, 45‑48, 54, 77), JB‑20 (aux para 8‑9), JB‑24 (à la col 3), JB‑27 (aux col 5, 9‑10), JB‑29 (aux p 14, 30), JB‑36 (aux p 5, 58‑59, 64‑65). Comme il a été mentionné, les inventeurs affirment que [traduction] « [i]l est bien connu que le titane forme une couche d’oxyde natif de surface » composée essentiellement d’oxydes de titane et généralement d’une épaisseur de 3 à 5 nm, et citent le document Axelsson 2012 : brevet 502, au para 155; Axelsson 2012, premier rapport de M. Barnes, pièce JB‑8.

[213] J’ouvre ici une parenthèse pour souligner que le document Axelsson 2012 utilise deux méthodes de calcul pour déterminer l’épaisseur de la couche d’oxyde sur une particule de poudre de titane. La première méthode détermine la profondeur à laquelle la concentration en oxygène diminue de la moitié de sa valeur maximale. Dans la deuxième méthode, on recourt à une équation complexe (tirée d’un article de 1989), basée sur le rapport de surface entre les concentrations maximales de titane et d’oxyde issues des données XPS : Axelsson 2012, premier rapport de M. Barnes, pièce JB‑8, aux p 27, 36, 53; voir aussi le premier rapport de M. Barnes, au para 879. L’épaisseur de 3 à 5 nm mentionnée par les inventeurs semble provenir de la deuxième méthode, puisque celle‑ci est associée à une plage de 34,6 à 45,9 Å, ou 3,46 à 4,59 nm, tandis que la première méthode est associée à des mesures d’épaisseur presque doubles, soit entre 61,2 et 117,3 Å, ou de 6,12 à 11,73 nm : premier rapport de M. Barnes, pièce JB‑8, à la p 37.

[214] Comme il est mentionné au paragraphe [87] ci‑dessus, la personne versée dans l’art comprendrait que ces oxydes métalliques de surface sont non réactifs, ce qui crée une coquille protectrice autour d’une particule. M. Barnes était d’avis que la personne versée dans l’art comprendrait donc que la couche d’oxyde natif de la revendication 1 est une [traduction] « couche de passivation » : premier rapport de M. Barnes, au para 359; transcription, jour 5, à la p 23. M. Mostaghimi est d’accord : deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 71–73. Le fait que M. Barnes décrive la couche d’oxyde natif comme étant une [traduction] « couche de passivation » concorde également avec l’observation des inventeurs selon laquelle [traduction] « l’oxyde natif agit comme une couche de passivation et réduit la réactivité » : brevet 502, au para 155.

[215] Les experts qui se sont penchés directement sur la question de l’interprétation ont convenu que la personne versée dans l’art comprendrait que la couche d’oxyde natif est une couche de passivation, mais les témoignages divergeaient au sujet de la thermochimie de cette couche, notamment la vitesse et la manière dont elle serait formée et la mesure dans laquelle elle pourrait interférer avec la pénétration d’atomes ou de molécules dans la particule : premier rapport de M. Barnes, aux para 773‑790; premier rapport de M. Mostaghimi, aux para 39‑89. Il n’est pas nécessaire que je tire une conclusion sur ce différend à valeur scientifique étant donné mes conclusions sur d’autres questions.

(c) première couche ou couche d’appauvrissement

[216] L’élément 1d) indique que la première couche contient des atomes de la source de métal réactif chauffée et des atomes ou des molécules d’au moins un gaz additif, et que la première couche est une couche d’appauvrissement plus profonde et plus épaisse que la deuxième couche.

[217] Contrairement au terme couche d’oxyde natif, le terme couche d’appauvrissement n’aurait pas un sens connu pour la personne versée dans l’art selon ses connaissances courantes dans le domaine : premier rapport de M. Barnes, au para 341; deuxième rapport de M. Barnes, au para 31; premier rapport de M. Mostaghimi, au para 81; transcription, jour 11, à la p 118. La personne versée dans l’art le considérerait donc comme un terme créé par les inventeurs aux fins du brevet. Comme il a été mentionné au début, il ne s’agit pas d’un terme technique, mais d’un « terme du brevet » : transcription, jour 15, à la p 3.

[218] Dans les arguments et la preuve qu’ils ont présentés concernant l’interprétation de cet élément des revendications, les parties et leurs experts ont fait référence à des passages de la divulgation et ils ont reconnu que la personne versée dans l’art ne comprendrait pas tout à fait le terme couche d’appauvrissement et les restrictions relatives à la première couche uniquement à partir du libellé de la revendication. Les arguments avancés par les parties et l’interprétation que les experts donnent à ce terme font ressortir l’importance d’examiner et d’interpréter le libellé d’une revendication à la lumière de la divulgation, sans « emprunt[er] tel ou tel élément à d’autres parties du mémoire descriptif » pour élargir ou réduire la portée de la revendication sous prétexte d’en interpréter les termes : Whirlpool, au para 52, citant Metalliflex Limited v Rodi & Wienenberger Aktiengesellschaft, 1960 CanLII 83 (SCC), [1961] SCR 117 à la p 122. Il en ressort également qu’il est important que l’inventeur respecte les exigences de la Loi sur les brevets, à savoir : décrire d’une façon exacte et complète l’invention et son application ou exploitation; exposer clairement les diverses phases d’un procédé dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l’art de l’utiliser; et fournir des revendications définissant distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif : Loi sur les brevets, art 27(3), (4).

[219] Le libellé de la revendication, la divulgation du brevet, la preuve des experts et les observations des parties soulèvent les questions connexes suivantes en ce qui concerne la signification de la première couche et couche d’appauvrissement :

  • (i)Que signifie appauvrissement, le cas échéant?

  • (ii)Les atomes du gaz additif doivent‑ils être présents dans la première couche sous la forme d’un produit de réaction, par exemple un oxyde de métal, ou doivent‑ils être présents à la suite d’une diffusion?

  • (iii)Qu’exige la restriction selon laquelle la première couche doit être une couche d’appauvrissement plus profonde et plus épaisse que la deuxième couche ou couche d’oxyde natif, en particulier en ce qui concerne l’endroit, la taille, la mesurabilité et la nature de la couche d’appauvrissement?

[220] Je vais répondre à ces trois questions dans l’ordre.

(i) appauvrissement

[221] Dans son premier rapport, M. Mostaghimi a conclu, sans faire référence à la divulgation du brevet ou aux connaissances courantes, que la personne versée dans l’art comprendrait que le terme couche d’appauvrissement est simplement un terme que les inventeurs attribuent à la première couche, sans introduire d’autres exigences : premier rapport de M. Mostaghimi, au para 81; transcription, jour 11, aux p 10‑11. Il a réaffirmé ce point de vue en contre‑interrogatoire, laissant entendre que les inventeurs auraient pu tout aussi bien appeler cette couche [traduction] « couche de Rembrandt » puisqu’il ne s’agit que d’un nom : transcription, jour 11, aux p 12, 119‑120, 122, 126‑127.

[222] Suivant une approche plus conforme aux principes de l’interprétation des brevets, M. Barnes a conclu que la personne versée dans l’art, en voyant le terme couche d’appauvrissement, aurait consulté la divulgation du brevet 502 pour essayer de mieux le comprendre : premier rapport de M. Barnes, aux para 338‑350, citant les para 135, 156‑158 et 161 du brevet 502. M. Barnes a conclu que le terme appauvrissement serait compris comme signifiant que la quantité ou la concentration de l’élément provenant du gaz additif s’épuise dans la première couche à mesure que l’on pénètre vers le centre de la particule : premier rapport de M. Barnes, aux para 344‑345.

[223] À mon avis, l’interprétation de M. Barnes est cohérente avec la façon dont la personne versée dans l’art comprendrait l’utilisation par les inventeurs du mot appauvrissement dans le terme couche d’appauvrissement. Comme le soutient Tekna, l’interprétation de M. Mostaghimi rendrait le mot appauvrissement dénué de sens, car, ainsi, on ne tiendrait pas compte du choix des inventeurs d’utiliser le terme couche d’appauvrissement pour décrire la première couche. Pour la personne versée dans l’art, le mot appauvrissement en soi peut avoir plusieurs significations, mais cette personne, à l’examen des revendications dans le contexte du brevet dans son ensemble, verrait que les inventeurs mentionnent à plusieurs reprises l’existence d’atomes ou de molécules qui [traduction] « s’épuisent à travers l’épaisseur » de la couche et comprendrait que l’emploi de couche d’appauvrissement par les inventeurs dans la revendication 1 aurait ce sens : brevet 502, aux para 156, 161. En effet, l’affirmation de M. Mostaghimi selon laquelle la couche d’appauvrissement est [traduction] « juste un nom » semble incompatible avec le fait qu’il reconnaît que la personne versée dans l’art comprendrait que les atomes du gaz additif [traduction] « s’épuisent » à travers l’épaisseur de la couche de surface et le lien entre ce phénomène et le terme couche d’appauvrissement : deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 349, 356.

[224] Je conclus que la personne versée dans l’art comprendrait que les inventeurs ont choisi le terme couche d’appauvrissement pour décrire un appauvrissement (épuisement) ou une réduction de la concentration des atomes provenant du gaz additif dans l’épaisseur de la couche. Toutefois, comme les parties le reconnaissent, cet appauvrissement n’est pas la seule caractéristique de la première couche.

(ii) contient des atomes de ladite source de métal réactif chauffée et des atomes ou des molécules d’au moins un gaz additif

[225] Les parties conviennent que la première couche doit contenir des atomes de la source de métal réactif et des atomes ou des molécules du gaz additif. Toutefois, elles ne s’entendent pas sur la question de savoir si la personne versée dans l’art comprendrait que les atomes du gaz additif doivent être présents dans la première couche a) sous la forme d’un produit de réaction, comme un oxyde de métal, plutôt que sous leur forme d’origine, par exemple l’oxygène élémentaire (O2); et b) à la suite de la diffusion à partir de la surface de la particule.

[226] M. Barnes a conclu que la personne versée dans l’art interpréterait le libellé contient des atomes de ladite source de métal réactif chauffée et des atomes ou des molécules d’au moins un gaz additif comme voulant dire que la première couche est le résultat d’une réaction chimique entre la source de métal réactif et le gaz additif : premier rapport de M. Barnes, aux para 338‑340. En d’autres termes, les atomes de la source de métal réactif [traduction] « accompagnent » les atomes ou les molécules du gaz additif au sens où ils constituent ensemble un composé qui est le produit de réaction, un oxyde de métal par exemple. Il a également conclu que la formation de la couche d’appauvrissement impliquerait la diffusion de ce produit de réaction ou oxyde à l’intérieur de la particule de poudre : premier rapport de M. Barnes, aux para 341‑343. M. Barnes a tiré ces conclusions en se fondant sur le libellé de la revendication, sur l’analyse contenue aux paragraphes 135, 156 et 157 de la divulgation et sur la connaissance qu’aurait la personne versée dans l’art des facteurs ayant une incidence sur la diffusion.

[227] La première interprétation de M. Mostaghimi, — encore une fois donnée brièvement, sans explication ni prise en compte de la divulgation ou des connaissances générales courantes — était simplement la suivante : la première couche doit comprendre des atomes provenant de la source de métal réactif « et » un composant provenant du gaz additif : premier rapport de M. Mostaghimi, au para 80. Dans son deuxième rapport, M. Mostaghimi a rejeté l’interprétation de M. Barnes, et affirmé que la personne versée dans l’art comprendrait que la revendication 1 exige seulement que les atomes ou les molécules du gaz additif de la première couche soient [traduction] « ajoutés ou combinés aux » atomes de la source de métal réactif, et ne présente aucune restriction quant à la façon dont ils ont été ajoutés ou combinés, ni de restriction plus précise quant à la nécessité d’une réaction chimique : deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 76‑79.

[228] M. Mostaghimi a aussi réfuté la thèse voulant que la personne versée dans l’art comprendrait que la revendication 1 exige la diffusion de l’élément dans la couche d’appauvrissement. Bien qu’il ait convenu que la diffusion pourrait jouer un rôle, il a estimé que, puisque la revendication 1 ne parlait pas de diffusion et ne précisait pas le mécanisme de formation de la couche d’appauvrissement, elle englobait les procédés qui forment une couche d’appauvrissement par n’importe quel mécanisme, par exemple l’oscillation et les courants de convection du procédé d’atomisation : deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 82‑84, 241‑244; transcription, jour 11, aux p 15, 23‑26. En réponse à une question sur la validité, M. Cima a fait référence à la diffusion de l’oxygène dans les particules pour créer la couche d’appauvrissement, sans analyser la question de l’oscillation ou des courants de convection : premier rapport de M. Cima, aux para 27‑28, 53‑56, 81‑88.

[229] Dans ses observations finales, Tekna a approuvé l’interprétation de M. Barnes : conclusions finales de Tekna, aux para 64, 65; transcription, jour 14, aux p 59‑63.

[230] AP&C a fait valoir dans sa plaidoirie finale que la couche d’appauvrissement serait considérée comme [traduction] « une zone de diffusion d’oxygène sous une couche d’oxyde natif » : conclusions finales d’AP&C, aux para 6, 386, transcription, jour 15, aux p 57‑58, 70. Cette définition — soulevée pour la première fois au cours de la plaidoirie finale — laisse entendre que l’oxygène pénètre dans la couche d’appauvrissement par diffusion, contrairement à l’opinion de M. Mostaghimi. Parallèlement, AP&C a également parlé de ses théories sur l’oscillation et la convection, et a finalement soutenu que les principes d’interprétation des revendications ne permettaient pas à la Cour d’interpréter la revendication 1 comme se limitant à la diffusion : transcription, jour 15, aux p 55‑56; 63‑64; 66‑67; deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 82‑84. Comme AP&C soutient que le mécanisme ne se limite pas à la diffusion, la couche d’appauvrissement est essentiellement définie comme une simple [traduction] « zone d’oxygène sous une couche d’oxyde natif ».

[231] De même, AP&C a fait valoir que le fait de considérer la revendication 1 comme exigeant que la couche d’appauvrissement soit formée à l’aide du produit de réaction du gaz additif, un oxyde par exemple, serait une interprétation fautive d’une restriction de la divulgation que l’on intégrerait à la revendication : transcription, jour 15, à la p 67. L’« oxygène » de la définition du terme [traduction] « zone [de diffusion] d’oxygène sous une couche d’oxyde natif » proposée par AP&C ne se limite donc pas à celui présent sous la forme d’un produit de la réaction avec le métal : conclusions finales d’AP&C, aux para 105‑107.

[232] Je conviens avec M. Barnes que l’examen de la divulgation donnerait à la personne versée dans l’art un certain nombre d’indications que les inventeurs savaient que a) les atomes ou les molécules du gaz additif étaient présents dans la couche d’appauvrissement sous forme d’un produit de réaction chimique, et que b) la diffusion était le mécanisme par lequel ces atomes ou molécules pénètrent dans la couche d’appauvrissement.

[233] Le paragraphe 135 du brevet 502 énonce que la [traduction] « réaction » entre les particules métalliques et le gaz additif peut avoir lieu « tant que les particules de métal sont suffisamment chaudes pour permettre aux atomes ou aux molécules électronégatifs de diffuser plusieurs dizaines de nanomètres dans la couche de surface ». La personne versée dans l’art connaîtrait la relation entre la température et la réactivité ainsi que la diffusion : premier rapport de M. Barnes, aux para 107‑110, 153‑161.

[234] Le paragraphe 156 décrit de la même façon la première couche, à savoir qu’elle contient le produit de réaction, en faisant référence à une [traduction] « première couche formée d’un composé issu de la réaction entre le métal chauffé avec le gaz additif » et en donnant des exemples précis d’oxyde, de nitrure, de carbure et d’halogénure de métal. Le même paragraphe fait mention de l’appauvrissement des atomes à travers l’épaisseur de la couche de surface et formant un « composé non stœchiométrique » — que la personne versée dans l’art reconnaîtrait comme étant souvent présent dans les compositions d’oxydes de métal tels que l’oxyde de titane —, qui fait en sorte que la première couche présente une charge nettement positive : premier rapport de M. Barnes, aux para 97‑95; premier rapport de M. Cima, au para 72, pièce P, à la p 3688; deuxième rapport de M. Cima, au para 31; transcription, jour 13, à la p 20. Le paragraphe 157 rappelle ensuite que la première couche n’est formée qu’à haute température parce que les atomes ou molécules électronégatifs [traduction] « doivent avoir suffisamment d’énergie pour diffuser beaucoup plus dans la couche de surface que dans une couche d’oxyde natif ». Aucun autre mécanisme que la diffusion n’est proposé par les inventeurs pour expliquer la présence d’atomes du gaz additif dans la couche d’appauvrissement.

[235] Dans le même ordre d’idées, l’analyse par les inventeurs du schéma de la figure 3, qui illustre la couche d’oxyde natif électronégative par‑dessus la couche d’appauvrissement électropositive, indique que la première couche est formée sur la surface externe de la particule et [traduction] « résulte de la réaction entre le métal chauffé et les atomes ou les molécules électronégatifs qui s’épuisent à travers l’épaisseur » : brevet 502, au para 161.

[236] Les inventeurs définissent aussi la zone thermique d’un atomiseur comme une zone [traduction] « où la poudre est suffisamment chaude pour réagir avec les atomes électronégatifs du gaz additif afin de produire une couche d’appauvrissement », et mentionnent la nécessité d’une [traduction] « couche d’appauvrissement constituée d’oxyde ou de nitrure suffisamment profonde sur la particule » : brevet 502, aux para 38‑39, 134, 191‑192.

[237] Parallèlement, la personne versée dans l’art constaterait également l’insistance des inventeurs à ne pas être [traduction] « liés par la théorie » sur la question des atomes électronégatifs provenant du gaz additif ou de la charge considérablement positive créée dans la couche d’appauvrissement par la présence d’un composé non stœchiométrique : brevet 502, aux para 156, 192. La plupart des mentions relatives à la création de composés qui précèdent s’inscrivent dans le contexte de l’analyse de cette théorie par les inventeurs. La personne versée dans l’art tiendrait également compte des observations des inventeurs sur les normes s’appliquant à la composition chimique des alliages et la nécessité de réguler la quantité totale de gaz additif pour respecter les limites de ces normes : brevet 502, aux para 142‑148, 183, voir les para [86] et [193] à [194] ci‑dessus. La preuve indique que les seuils de ces normes se rapportent à la quantité totale d’un élément, sans préciser la forme (p. ex. oxyde ou oxygène élémentaire) : premier rapport de M. Barnes, aux para 189‑190, 477‑479, pièce JB‑8, à la p 21; deuxième rapport de M. Shallenberger, pièce JS‑7. Les inventeurs ont également analysé les poudres produites, de manière à montrer i) la composition chimique des particules, et ii) le profil d’oxygène de la surface au moyen de techniques indiquant la quantité totale d’oxygène, plutôt que la quantité d’un oxyde spécifiquement : brevet 502, aux para 178‑179, tableau 2, figure 5.

[238] En fin de compte, l’accent doit demeurer sur le respect du libellé des revendications, lues et interprétées dans le contexte du brevet dans son ensemble. Dans la revendication 1, les inventeurs ont choisi d’imposer un certain nombre de restrictions précises à la première couche : elle fait partie de la couche de surface formée à l’aide du gaz additif; elle contient des atomes de ladite source de métal réactif chauffée avec des atomes ou des molécules d’au moins un gaz additif; et il s’agit d’une couche d’appauvrissement plus profonde et plus épaisse que la deuxième couche ou couche d’oxyde natif. Toutefois, ils n’ont pas inclus d’autres aspects de la couche d’appauvrissement dont il a été question dans la divulgation, dont sa formation par la diffusion d’un produit de réaction dans la couche.

[239] Dans la revendication 1 elle‑même, les inventeurs ne font pas mention d’une réaction entre la source de métal réactif et le gaz additif pour former la première couche, pas plus qu’ils ne parlent d’un [traduction] « composé » issu du métal chauffé avec le gaz additif, et ils n’utilisent pas l’expression [traduction] « couche d’appauvrissement constituée d’oxyde ou de nitrure » utilisée dans la divulgation. Après avoir interprété la revendication en contexte, je conclus que la personne versée dans l’art ne comprendrait pas que la mention de la première couche comme contenant des atomes de ladite source de métal réactif chauffée et d’atomes ou de molécules d’au moins un gaz additif, implique que les atomes du gaz additif soient présents dans la première couche sous forme d’un produit de réaction.

[240] De même, le libellé de la revendication 1 ne mentionne pas de mécanisme par lequel les atomes ou les molécules du gaz additif s’ajoutent dans la première couche. Il indique simplement que la première couche, qui fait partie de la couche de surface, est formée à l’aide du gaz additif. Il ne serait pas raisonnable d’interpréter ce libellé ou le terme couche d’appauvrissement de façon à inclure comme élément essentiel que les atomes du gaz additif pénètrent dans la couche d’appauvrissement par le mécanisme de la diffusion. Le cas échéant, on intégrerait des restrictions dans la revendication en fonction de l’analyse contenue dans la divulgation. Autrement dit, le libellé de la revendication exige que la couche d’appauvrissement contienne des atomes de la source de métal réactif et des atomes du gaz additif, mais ne mentionne aucune restriction quant au mécanisme qui explique la présence de ces atomes.

[241] D’après moi, étant donné la primauté de la teneur de la revendication faisant l’objet d’une interprétation, une personne versée dans l’art qui interpréterait la revendication 1 de manière téléologique et à la lumière de l’ensemble du brevet et des connaissances générales courantes conclurait que la revendication ne contient pas de restriction ou d’exigence selon laquelle les atomes du gaz additif sont présents dans la couche d’appauvrissement sous forme d’un produit de réaction ou – malgré la thèse d’AP&C que la couche appauvrissement est une « zone de diffusion » – que la diffusion est le mécanisme par lequel ils sont présents dans la couche : Free World Trust, au para 40. Autrement dit, les inventeurs peuvent avoir compris ou émis l’hypothèse que le gaz additif est présent dans la couche d’appauvrissement a) sous forme d’un composé de réaction, et b) à la suite de la diffusion, mais ils n’en ont pas fait une exigence ou n’ont pas restreint leurs revendications pour que l’on arrive à cette compréhension.

[242] Toutefois, à l’inverse, la revendication 1 ne restreint pas les atomes ou les molécules d’au moins un gaz additif de la couche d’appauvrissement à des atomes ou des molécules non réactifs (p. ex. oxygène élémentaire plutôt que sous forme d’oxyde de métal). Par conséquent, je ne souscris pas à définition que donne AP&C de [traduction] « zone [de diffusion] d’oxygène sous une couche d’oxyde natif », qui laisse entendre que la personne versée dans l’art comprendrait que l’oxygène de la couche d’appauvrissement est nécessairement sous forme d’élément.

(iii) plus profonde et plus épaisse

[243] La dernière exigence de la couche d’appauvrissement figurant dans la revendication 1 est qu’elle doit être plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif. La preuve et les observations des parties à ce sujet, qui chevauchaient leurs observations sur la couche d’appauvrissement en général, soulèvent plusieurs questions d’interprétation connexes.

plus profonde et plus épaisse : une ou deux exigences?

[244] La première question est de savoir si les termes plus profonde et plus épaisse imposent des exigences distinctes ou s’ils sont essentiellement synonymes. Les parties ont finalement convenu que les deux termes imposent deux exigences distinctes, mais il vaut la peine d’examiner la preuve et les thèses différentes adoptées par les experts sur la question, car elles soulèvent d’importantes questions au sujet des explications données dans le brevet.

[245] M. Barnes a conclu que la personne versée dans l’art comprendrait que les termes plus profonde et plus épaisse imposent des exigences distinctes en ce qui concerne la couche d’appauvrissement, que plus profonde signifie plus près du centre de la particule, et que plus épaisse signifie que la couche présente une plus grande épaisseur dans la perspective du rayon d’une particule généralement sphérique : premier rapport de M. Barnes, aux para 351‑352.

[246] Cependant, M. Mostaghimi a interprété le terme comme signifiant que la première couche [traduction] « doit avoir une profondeur (ou une épaisseur) supérieure à celle de la deuxième couche » [non souligné dans l’original] : premier rapport de M. Mostaghimi, au para 81. Il a soutenu, en parlant des graphiques de la figure 3 reproduits au paragraphe [123] plus haut, que la première couche et la deuxième couche prennent naissance à la surface de la particule : transcription, jour 11, aux p 5, 6‑16; pièce M (pour identification), à la p 17, citant le para 37 du premier rapport de M. Mostaghimi. Selon cette perspective, plus profonde et plus épaisse ont essentiellement la même signification, puisqu’une couche d’appauvrissement qui commence à la surface externe de la particule (où commence également la couche d’oxyde natif) et qui pénètre plus profondément dans la particule que la couche d’oxyde natif est nécessairement plus épaisse que la couche d’oxyde natif.

[247] AP&C a fait part de cette proposition à M. Barnes, en présentant un diagramme dans lequel les deux graphiques de la figure 3 étaient superposés, et a laissé entendre qu’il pourrait y avoir une superposition des deux couches, chacune ayant une profondeur qui commence à l’axe des y : transcription, jour 5, aux p 142‑145, pièce B (pour identification). Le graphique de la « couche d’appauvrissement » de la figure 3 peut certainement être interprété comme illustrant une couche d’appauvrissement qui commence à la surface externe de la particule, puisqu’il montre la concentration d’oxygène de départ de la couche d’appauvrissement sur l’axe des y, qui correspond vraisemblablement à une profondeur de 0 nm. Cela concorderait avec la mesure δ indiquée dans les schémas de la figure 3 et de la figure 4, définie dans la divulgation comme la « profondeur de la couche d’appauvrissement », qui commence à la surface externe de la particule, comme il est montré : brevet 502, au para 165, figures 3 et 4.

[248] Toutefois, la personne versée dans l’art reconnaîtrait que les deux graphiques de la figure 3 ne peuvent tout simplement pas être superposés ou coexister au sein de la même particule, ce qui signifie que la même particule présentait deux concentrations moyennes d’oxygène très différentes à la même profondeur (p. ex. la profondeur de X nm), ce qui est évidemment impossible. L’explication de M. Mostaghimi selon laquelle le graphique [traduction] « Profil de concentration de la couche d’oxyde natif » illustre seulement la concentration d’oxyde, tandis que le graphique [traduction] « Couche d’appauvrissement » indique la concentration totale d’oxygène n’est pas convaincante pour plusieurs raisons : transcription, jour 11, aux p 18‑22. Premièrement, les graphiques portent le même titre : chaque axe des Y représente simplement « O (%) » plutôt que l’oxygène sous une forme précise. Deuxièmement, la figure 3 ne peut être interprétée indépendamment de l’analyse qu’en ont faite les inventeurs. Cette analyse précise que la figure 3 illustre une première couche qui résulte de la [traduction] « réaction du métal chauffé avec des atomes électronégatifs » [non souligné dans l’original], qui dépend de la vitesse de réaction, ce qui indique que la couche d’appauvrissement, comme le montre la figure 3, contient un produit de réaction (p. ex. un oxyde de métal) qui constitue aussi la couche d’oxyde natif : brevet 502, aux para 161 et 164. L’analyse de la figure 3 par les inventeurs s’accorde aussi avec la théorie selon laquelle la première couche présente une charge considérablement positive, comme l’illustre le schéma de la figure 3, et renvoie à l’analyse des inventeurs selon laquelle ce phénomène est attribuable à la présence non stœchiométrique de l’oxyde de métal : brevet 502, aux para 156, 161, 163‑164.

[249] Par ailleurs, les graphiques de la figure 3 ne peuvent pas être interprétés comme montrant une couche d’appauvrissement qui commence à la surface externe, mais le schéma de la figure 3 illustre que la couche d’oxyde natif (identifiée par le chiffre 164) est distincte de la couche d’appauvrissement (identifiée par le chiffre 148) — dans la mesure où la charge nette est différente — et commence à partir de l’intérieur de la couche d’oxyde natif : brevet 502, aux para 159, 161; premier rapport de M. Mostaghimi, au para 37. En raison de cette incohérence, même à l’intérieur de la figure 3, la personne versée dans l’art serait perplexe quant à l’intention des inventeurs. Il n’est pas surprenant que M. Barnes ait eu l’impression, en examinant la figure 3 dans son ensemble, que [traduction] « ce n’était pas évident et très clair » : transcription, jour 5, aux p 143‑144. Même après avoir examiné la preuve d’expert et les arguments des parties, la Cour ne sait pas vraiment comment les schémas de la figure 3 sont censés se rattacher aux graphiques de la figure 3.

[250] Cela dit, le schéma de la figure 3, qui montre la couche d’appauvrissement sous la couche d’oxyde natif (c.‑à‑d. à partir de l’endroit où se termine la couche d’oxyde natif) est cohérent avec l’analyse du paragraphe 156 de la divulgation, où les inventeurs affirment que la première couche est [traduction] « plus épaisse et plus profonde dans la surface et est située sous la couche d’oxyde natif » [non souligné dans l’original]. Comme il a été mentionné, les inventeurs se reportent ensuite à cette analyse lorsqu’ils décrivent la figure 3 : brevet 502, au para 161

[251] Je souligne que le témoignage de M. Mostaghimi sur ce point comporte une certaine incohérence interne. Dans son témoignage de vive voix, M. Mostaghimi a clairement dit qu’à son avis la couche d’appauvrissement et la couche d’oxyde natif commençaient toutes deux à la surface externe de la particule : transcription, jour 11, aux p 5‑6, 16. Cela signifie que la couche d’oxyde natif est nécessairement superposée entièrement sur la couche d’appauvrissement, car elle occuperait la même région physique de la particule que la partie externe à la couche d’appauvrissement. Toutefois, en réponse au témoignage de M. Barnes sur l’interprétation, qui comprenait la thèse de M. Barnes selon laquelle la couche d’appauvrissement commence là où la couche d’oxyde natif se termine, M. Mostaghimi n’a pas affirmé qu’elles commencent toutes deux à la surface externe. Il a plutôt affirmé que la personne versée dans l’art comprendrait que [traduction] « les deux couches qui composent la couche de surface peuvent se superposer l’une sur l’autre » [non souligné dans l’original] : deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 85‑90.

[252] Dans ses observations finales, AP&C a elle‑même rejeté l’affirmation de M. Mostaghimi selon laquelle la couche d’appauvrissement et la couche d’oxyde natif commencent à la surface externe de la particule, et a reconnu que la personne versée dans l’art comprendrait que chaque mot de la revendication 1 a une signification, et que la couche d’appauvrissement commence sous la couche d’oxyde natif : transcription, jour 15, aux p 58‑60, 73‑74. Par conséquent, les parties conviennent toutes deux que la couche d’appauvrissement est distincte et se situe à l’intérieur de la couche d’oxyde natif, ne commence pas à la surface externe et est plus épaisse que la couche d’oxyde natif : transcription, jour 15, aux p 60, 69.

[253] Je suis d’accord. Dans la revendication, plus profonde et plus épaisse sont des critères distincts, qui sont présumés avoir chacun une signification. La personne versée dans l’art reconnaîtrait que les inventeurs désignent généralement la profondeur et l’épaisseur comme des paramètres différents dans la divulgation, et que, suivant le principe de la prépondérance de la divulgation, la couche d’appauvrissement est une couche distincte qui commence à l’intérieur de la couche d’oxyde natif, malgré le manque de clarté décrit plus haut : brevet 502, aux para 156, 161‑162, 164–165, 179, 189, 191. Cette interprétation concorde également avec la revendication dépendante 45, qui exige que la première couche ait une charge considérablement positive, que la deuxième couche ait une charge considérablement négative et que les deux couches aient une charge combinée qui est essentiellement nulle. Cette revendication dépendante n’aurait aucun sens si la première couche et la deuxième couche commençaient toutes deux à la surface externe de la particule.

plus profonde et plus épaisse : établissement des comparaisons

[254] La prochaine question d’interprétation, et la plus importante, découle de l’exigence selon laquelle la couche d’appauvrissement doit être plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif, et concerne la façon dont les comparaisons évoquées par les termes comparatifs plus profonde et plus épaisse doivent être effectuées.

[255] Comme les parties en conviennent, la couche d’appauvrissement doit se trouver sous la couche d’oxyde natif, et est donc plus profonde que cette dernière. L’exigence selon laquelle elle doit également être intrinsèquement plus épaisse signifie que la couche d’appauvrissement a une épaisseur supérieure à celle de la couche d’oxyde natif : premier rapport de M. Barnes, au para 352; deuxième rapport de M. Mostaghimi, au para 97; transcription, jour 15, aux p 69‑70. Mais quelle est la profondeur ou l’épaisseur de la couche par rapport à celle de la deuxième couche aux fins d’une mesure? Cette question oblige à se demander si les deux couches seraient considérées comme ayant des extrémités qui servent de limites pour permettre la mesure et, le cas échéant, où sont ces limites ou, dans la négative, comment la comparaison de la profondeur et de l’épaisseur doit être effectuée.

[256] M. Barnes était d’avis que la personne versée dans l’art comprendrait que le terme couche désigne une région ayant des limites définissables, qui permet de distinguer la couche d’appauvrissement de la couche d’oxyde natif et du reste de la particule : premier rapport de M. Barnes, aux para 346‑347. Il a illustré son propos avec le diagramme suivant, illustrant les couches, les limites et les épaisseurs de chaque couche (t1 pour l’épaisseur de la première couche, t2 pour l’épaisseur de la deuxième couche) :

[Description : Deux couches concentriques circulaires sont présentées, avec un grand espace blanc à l’intérieur. Un cercle extérieur mince est en bleu clair, identifié comme étant la « deuxième couche (couche d’oxyde natif) », et comporte une couche circulaire bleu foncé plus épaisse immédiatement à l’intérieur d’elle, identifiée « première couche (couche d’appauvrissement) ». La limite entre la couche bleu pâle externe et la couche bleu foncé interne est désignée [traduction] « première limite ». La limite entre la couche bleu foncé interne et l’espace blanc central est identifiée comme étant la [traduction] « deuxième limite ». Une ligne rouge traverse la largeur de la couche bleu foncé, et est identifiée t1. Une ligne orange traverse la largeur de la couche bleu pâle, et est identifiée t2.]

[257] Malgré la suggestion contraire de M. Mostaghimi, la présentation de ce schéma de M. Barnes, qui partage des similitudes évidentes avec le schéma de la figure 3 du brevet 502, ne m’apparaît pas laisser entendre que la personne versée dans l’art comprendrait que les deux couches sont [traduction] « parfaitement circulaires et uniformes, sans superposition ni contiguïté » : deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 85‑90; transcription, jour 11, aux p 15‑16, 128. Comme l’indique l’analyse de M. Barnes sur les connaissances générales courantes, la personne versée dans l’art devrait savoir que, bien que la sphéricité soit un attribut souhaitable et que l’atomisation au plasma puisse produire des particules hautement sphériques, les poudres « sphériques » ne sont pas parfaitement sphériques : premier rapport de M. Barnes, aux para 162, 182(c), 224, 243, 251, 253. De même, on ne s’attend pas à ce que la couche de surface d’une particule soit parfaitement sphérique. Je considère qu’à l’instar de la figure 3, le diagramme de M. Barnes est un schéma explicatif qui illustre la compréhension de la personne versée dans l’art, plutôt qu’une tentative de décrire exactement ce qui se passe dans une particule de poudre dans le monde réel.

[258] La question la plus importante, cependant, est de savoir si les couches décrites et revendiquées dans la revendication 1 ont une certaine forme de limite définissable permettant de mesurer la profondeur ou l’épaisseur. AP&C conteste l’affirmation de M. Barnes selon laquelle la personne versée dans l’art comprendrait que les couches ont des limites définissables. Elle attire l’attention sur la preuve de M. Mostaghimi, selon laquelle les scientifiques savent que les « couches » peuvent avoir des limites floues, et donne comme exemple la couche atmosphérique ou la théorie des couches limites en mécanique des fluides : transcription, jour 11, aux p 15‑17, 127‑128;

[traduction]

Je veux dire, ces couches, vous savez approximativement où elles commencent et où elles se terminent. Et c’est vrai dans tous les domaines des sciences et du génie. Je veux dire que, nous considérons que la couche atmosphérique est de 300 kilomètres, mais vous pourriez dire que c’est 320 ou 280 kilomètres, parce que ce n’est pas une valeur précise dans ces cas particuliers. Vous faites une approximation la plus juste possible, et selon ce dont vous avez convenu, vous pouvez dire que c’est le seuil de la couche, essentiellement, et que cela ne changera pas beaucoup si vous modifiez le seuil de 1 %, 2 % ou plus.

[...]

Voyez‑vous, quand il est question de science et de théorie, essentiellement, les couches ne sont pas « zéro ou un », vous comprenez? Je peux vous donner un exemple très connu en mécanique des fluides, qui est celui de la théorie des couches limites. Supposons qu’un flux se déplace sur une surface. Lorsqu’il touche la surface, il s’arrête sous l’effet de la viscosité. Et puis il passe à la vitesse indiquée ici. Il traverse donc une couche.

En théorie, cela est infini, mais en pratique, nous disons que si la vitesse est à 99 % de la vitesse du courant libre, cela représente l’épaisseur de la couche limite. C’est là que se déroulent toutes les activités de transfert de mouvement d’énergie.

[Non souligné dans l’original; voir également le deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 87‑90.]

[259] Je remarque que dans les exemples donnés par M. Mostaghimi — la couche atmosphérique et la théorie des couches limites — les couches ont une limite (c.‑à‑d. qu’elles ne sont pas sans limite), même si cette limite n’est pas définie par une ligne claire ou un marqueur précis. De plus, les exemples de M. Mostaghimi décrivent chacun une forme de consensus sur la façon de déterminer la limite, ce consensus variant en fonction de la nature de la couche. En ce qui concerne la couche atmosphérique, il affirme que [traduction] « vous faites une approximation la plus juste possible jusqu’à un certain degré, et selon ce dont vous avez convenu, vous pouvez dire qu’il s’agit du seuil pour la couche ». En ce qui concerne la théorie des couches limites, il affirme que [traduction] « nous disons […] si la vitesse est à 99 % de la vitesse du courant libre, cela représente l’épaisseur de la couche limite ». Par conséquent, du point de vue scientifique, même si l’on reconnaît que les limites d’une couche peuvent être imprécises, on déploie néanmoins des efforts pour définir ou estimer la limite par des moyens concrets.

[260] Un autre exemple est celui de la mesure de la couche d’oxyde natif. Comme il est mentionné au paragraphe [213], le document Axelsson 2012 cité dans le brevet fait appel à deux méthodes de calcul établies pour mesurer la profondeur de la couche d’oxyde natif de surface et explique ces méthodes au lecteur. Les inventeurs renvoient à l’une de ces mesures pour décrire l’épaisseur typique d’une couche d’oxyde natif de surface, et aucune partie ou aucun expert n’a contesté cette estimation : brevet 502, au para 155.

[261] J’accepte qu’une couche, selon la compréhension de la personne versée dans l’art, soit une région dont les limites sont quelque peu imprécises. Une particule de poudre n’est pas une barre Nanaimo, avec des limites claires et visibles entre la couche de chocolat, la couche de crème et la base faite de noix de coco ou de biscuit Graham. Je suis également d’accord avec AP&C pour dire que la comparaison dans la revendication 1 exige seulement que les couches soient mesurables dans la mesure où il est possible de déterminer si la couche d’appauvrissement est distincte, plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif, plutôt que d’avoir nécessairement une épaisseur précise que l’on peut mesurer avec précision : transcription, jour 15, aux p 69‑70, 73‑74.

[262] Cependant, la personne versée dans l’art qui examinerait la revendication 1 et considérerait une particule de poudre munie d’une couche de surface constituée d’une première couche ou couche d’appauvrissement et d’une deuxième couche ou couche d’oxyde natif comprendrait qu’il existe nécessairement un moyen a) de distinguer les deux couches, car il est crucial dans la revendication qu’il y ait non pas une, mais deux couches; et b) de comparer leur profondeur et leur épaisseur pour déterminer si la première couche est plus profonde et plus épaisse que la deuxième. AP&C a reconnu que c’était le cas : transcription, jour 15, aux p 69‑70, 73‑74. À cet égard, la définition d’AP&C d’une couche d’appauvrissement comme étant une [traduction] « zone [de diffusion] d’oxygène sous une couche d’oxyde natif » tient compte de sa profondeur dans une certaine mesure (elle se trouve « sous » la couche d’oxyde natif), mais pas de son épaisseur.

[263] Comme il a été mentionné au début, les parties conviennent que le terme couche d’appauvrissement n’est pas un terme connu dans le domaine, et qu’il a été créé par les inventeurs. Il n’existe donc aucune norme reconnue dans la technique ni consensus scientifique quant à la façon de déterminer l’épaisseur d’une couche d’appauvrissement, de distinguer une couche d’oxyde natif d’une couche d’appauvrissement ou de comparer la profondeur et l’épaisseur de ces couches. Les experts n’ont pas non plus affirmé que les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art comprennent la connaissance d’une méthode normalisée permettant de déterminer l’épaisseur des couches d’une particule de poudre. Il s’agit donc de déterminer comment, en lisant le brevet 502, la personne versée dans l’art comprendrait les deux couches à distinguer et comparerait leur profondeur et leur épaisseur.

[264] Dans le passage de son témoignage reproduit plus haut, M. Mostaghimi laisse entendre que la personne versée dans l’art [traduction] « saurait approximativement où [les couches] commencent et où elles se terminent », une déclaration sur laquelle AP&C s’est appuyée dans sa plaidoirie finale : conclusions finales d’AP&C, au para 109. Cependant, M. Mostaghimi a clairement indiqué immédiatement après cette déclaration que, selon lui, la couche d’appauvrissement commence à la surface externe de la particule, une interprétation qu’AP&C a elle‑même rejetée : transcription, jour 11, aux p 15‑16. Il n’a pas précisé dans son témoignage de vive voix où serait approximativement la fin de la couche d’appauvrissement (ce que M. Barnes appelle la [traduction] « deuxième limite »).

[265] Dans son deuxième rapport, M. Mostaghimi traite de l’endroit où se situerait la deuxième limite, selon la personne versée dans l’art. Il envisage trois scénarios : i) une particule dans laquelle la concentration de gaz additif atteint zéro; ii) une particule dans laquelle la concentration de gaz additif n’atteint pas zéro, et l’élément ajouté est également présent dans la particule et provient de la source de métal d’origine (c.‑à‑d., l’élément peut provenir du gaz additif ou de la source de métal réactive); et iii) une particule dans laquelle la concentration de gaz additif n’atteint pas zéro, et l’élément ajouté présent dans la particule ne provient pas de la source de métal d’origine (c.‑à‑d., l’élément ne peut provenir que du gaz additif) : deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 91‑97. Il indique que la personne versée dans l’art comprendrait qu’il existe différentes façons de déterminer la fin de la couche d’appauvrissement dans chacun de ces trois scénarios.

[266] Dans le premier, il convient avec M. Barnes que la couche d’appauvrissement se terminerait au marqueur correspondant à une concentration de zéro : deuxième rapport de M. Mostaghimi, au para 93; premier rapport de M. Barnes, au para 349. Dans le second, il soutient que la personne versée dans l’art comprendrait que la limite est le marqueur correspondant à un taux de diminution de l’élément ajouté qui est véritablement nul (c.‑à‑d. où la dérivée première de la concentration en fonction de la courbe de profondeur est véritablement nulle) : deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 94‑95. Dans le troisième, il soutient que la personne versée dans l’art conclurait que la deuxième limite se poursuit jusqu’au centre de la particule, mais qu’une telle particule ne serait pas visée par les revendications, car la couche d’appauvrissement cesserait d’être une couche de surface étant donné qu’elle parcourt toute la particule : deuxième rapport de M. Mostaghimi, au para 96.

[267] M. Mostaghimi n’a pas expliqué pourquoi la personne versée dans l’art qui interpréterait le brevet comprendrait que la limite interne de la couche d’appauvrissement est définie de cette façon, particulièrement dans le cas des deuxième et troisième scénarios. Il n’a mentionné aucun aspect des connaissances générales courantes ou du brevet qui pourrait mener la personne versée dans l’art à cette conclusion.

[268] Curieusement, et fait révélateur, il n’a pas non plus utilisé cette interprétation pour évaluer si les particules de poudre fabriquées par AP&C et Tekna présentaient une couche d’appauvrissement plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif : deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 465‑489, 497. Ces particules entreraient dans la deuxième catégorie établie par M. Mostaghimi, puisque le gaz additif mesuré (oxygène) était déjà présent dans la source d’alliage de titane. Selon le témoignage de M. Mostaghimi, la personne versée dans l’art comprendrait que la couche d’appauvrissement de ces particules se finit là où le taux de diminution de l’oxygène est [traduction] « véritablement nul ». Cependant, M. Mostaghimi n’a pas évalué où se trouvait ce marqueur sur l’une ou l’autre des particules, ni si l’une ou l’ensemble des particules avait une couche d’appauvrissement mesurée d’après cette norme qui était plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif. Il a plutôt effectué une analyse comparative des profils obtenus par ToF‑SIMS, une approche dont il sera question plus loin. Je souligne également que le témoignage de M. Mostaghimi se rapportant au troisième scénario confirme qu’il reconnaît que la couche d’appauvrissement doit avoir une certaine limite interne, sinon elle cesse de faire partie d’une couche de surface.

[269] Il convient de souligner que l’avis de M. Mostaghimi à ce sujet contredit directement celui de M. Cima, sur lequel AP&C prétend également s’appuyer. Dans ses observations finales, AP&C affirme que [traduction] « de même, M. Cima ne semblait pas avoir de difficulté à connaître les limites de la couche d’appauvrissement lorsque la Cour l’a interrogé » : conclusions finales d’AP&C, au para 111. AP&C fait référence aux réponses de M. Cima aux questions de la Cour qui demandait des précisions sur sa déclaration selon laquelle la couche d’appauvrissement observée dans les expériences menées sur les particules de poudre d’AP&C et de Tekna était de [traduction] « plusieurs dizaines de nanomètres d’épaisseur » : premier rapport de M. Cima, au para 135; transcription confidentielle, jour 13, aux p 15‑16, 33‑35. Selon M. Cima, cette estimation se rapporte au début de la couche qui commence à [traduction] « l’interface sous l’oxyde, qui a environ une épaisseur de six nanomètres », une estimation qu’il a basée sur une variation de la pente de la courbe de l’oxygène dans le profil ToF‑SIMS, et qui se termine au marqueur qui correspond à environ 23 % de la concentration maximale (une valeur apparemment calculée avec e‑1), qu’il a décrite comme étant une convention permettant de déterminer la « distance de diffusion » : transcription confidentielle, jour 13, à la p 34.

[270] La preuve offerte par M. Cima à cet égard était surprenante. En aucun cas dans ses rapports ou dans son témoignage principal de vive voix ou en contre‑interrogatoire, M. Cima n’a semblé indiquer que la fin de la couche d’oxyde natif et le début de la couche d’appauvrissement pouvaient être déterminés en fonction d’une variation observable de la pente dans les profils ToF‑SIMS, que ce soit dans le brevet 502 ou dans les résultats d’expérience des parties, et que la fin de la couche appauvrissement était à 23 % de la concentration maximale. La Cour, sans l’expertise de M. Cima, n’est pas en mesure de constater la variation de pente à environ 6 nm dont parle M. Cima, que ce soit dans les profils ToF‑SIMS du brevet 502 ou dans ceux présentés dans les résultats d’expérience des parties. Dans son témoignage, M. Cima n’a relevé aucun de ces deux marqueurs dans les quatre profils ToF‑SIMS de la figure 5 du brevet 502, ni dans aucun des divers profils présentés en preuve de façon à permettre à la Cour de comprendre ce qu’il voulait dire. Il n’a pas non plus comparé la couche d’appauvrissement résultante avec la couche d’oxyde natif. À l’instar de celle de M. Mostaghimi, l’analyse de M. Cima visant à déterminer si les particules de poudre des parties ont une couche d’appauvrissement n’a pas fait appel à cette évaluation : premier rapport de M. Cima, aux para 115‑131. Comme il fallait s’y attendre, AP&C s’est peu appuyée sur l’une ou l’autre de ces suggestions dans sa plaidoirie finale. Pourtant, elle a tout de même affirmé que M. Cima ne semblait pas avoir de difficulté à connaître les limites de la couche d’appauvrissement : transcription, jour 15, aux p 160‑162.

[271] Ainsi, même si AP&C affirme que M. Mostaghimi et M. Cima estiment tous deux que la personne versée dans l’art connaîtrait les limites de la couche d’appauvrissement, les deux ont avancé des opinions complètement différentes sur le début et la fin de la couche. M. Mostaghimi est d’avis que la personne versée dans l’art comprendrait que la couche commence à la surface externe de la particule et se termine en fonction de l’un des différents marqueurs, selon la nature du gaz additif et de la particule, notamment là où le taux de diminution est véritablement nul. Selon M. Cima, la couche commence sous la couche d’oxyde natif au marqueur déterminé par une variation de la pente qu’il a observée dans les profils ToF‑SIMS, et se termine au marqueur correspondant à 23 % de la concentration maximale.

[272] Je rejette l’affirmation selon laquelle la personne versée dans l’art connaîtrait l’épaisseur de la couche d’appauvrissement comme l’entendent le témoignage de M. Mostaghimi et celui de M. Cima, décrits plus haut. J’ai rejeté la thèse de M. Mostaghimi ci‑dessus, selon laquelle la couche d’appauvrissement commencerait à la surface externe de la particule, comme l’affirme AP&C. Je rejette également son affirmation selon laquelle la personne versée dans l’art comprendrait que la couche se termine environ à l’un des trois marqueurs, selon la nature du gaz additif et la source de métal réactif et, en particulier, dans le deuxième scénario, elle se terminerait là où le taux de diminution de l’oxygène est véritablement nul. Il n’y a aucun enseignement ou autre indication dans le brevet 502 selon lequel les inventeurs devaient adopter diverses approches pour évaluer la couche d’appauvrissement, ni aucune analyse sur le taux de diminution comme moyen d’évaluer si la couche d’appauvrissement est plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif. M. Mostaghimi n’a pas expliqué pourquoi, compte tenu de ses connaissances générales courantes, la personne versée dans l’art adopterait cette approche. Il n’a pas non plus expliqué comment la personne versée dans l’art comprendrait ou utiliserait cette approche pour différencier les particules qui, selon les inventeurs, ont une couche d’appauvrissement (essais 1 et 2) ou pas (essais 2 et 3). Il n’a pas non plus adopté lui‑même l’approche.

[273] Le témoignage de M. Cima ne portait pas directement sur la façon dont la personne versée dans l’art comprendrait le brevet 502, mais sur la façon dont lui, M. Cima, avait estimé l’épaisseur de la couche d’appauvrissement. M. Cima n’a pas déclaré que la personne versée dans l’art comprendrait que la couche d’appauvrissement commence à l’endroit d’une variation identifiable de la pente d’une courbe ToF‑SIMS et se termine au marqueur correspondant à 23 % de la concentration maximale d’oxygène, ni n’a expliqué pourquoi elle comprendrait cela à la lecture du brevet 502 et compte tenu de ses connaissances générales courantes. Quoi qu’il en soit, ses affirmations, soulevées pour la première fois en réponse à des questions d’éclaircissement, ne sont pas appuyées par quoi que ce soit dans le reste de la preuve ou dans le brevet 502. Elles ne semblent certainement pas être fondées sur les profils ToF‑SIMS présentés dans le brevet 502, où une seule des quatre courbes atteint jusqu’à 23 % de la concentration maximale (c.‑à‑d. 0,23 sur l’axe des y). Les rapports produits par M. Cima ne disent pas si l’un ou l’autre de ces marqueurs se trouvent sur une courbe donnée, et M. Cima n’a pas expliqué comment la personne versée dans l’art comprendrait ou utiliserait cette approche pour distinguer les particules qui, selon les inventeurs, ont une couche d’appauvrissement de celles qui n’en ont pas.

[274] En fin de compte, bien qu’AP&C ait fait mention des témoignages de M. Mostaghimi et de M. Cima sur ces marqueurs, son principal argument est que le brevet 502 lui‑même fournit un moyen de déterminer que la couche d’appauvrissement est plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif, à savoir en comparant les profils de concentration d’oxygène ou signatures ToF‑SIMS des particules qui ont été traitées avec un gaz additif et celles qui ne l’ont pas été : conclusions finales d’AP&C, aux para 7, 112; transcription, jour 15, aux p 3, 38, 57‑59, 70‑76, 79, 83‑85, 181. En particulier, AP&C soutient qu’une particule de poudre a une couche d’appauvrissement si sa signature ToF‑SIMS en valeurs normalisées présente une « queue » — pour utiliser le terme du paragraphe 179 — qui se trouve au‑dessus de celle d’une particule préparée sans gaz additif : transcription, jour 15, aux p 58, 74‑75, 83‑85. La définition d’AP&C de couche d’appauvrissement en tant que [traduction] « zone [de diffusion] d’oxygène sous une couche d’oxyde natif » doit être lue en gardant à l’esprit cet aspect de la couche d’appauvrissement : transcription, jour 15, à la p 58.

[275] Plusieurs arguments d’AP&C élèvent le profil d’analyse par TOF‑SIMS au rang de définition. Par exemple, AP&C soutient que le brevet 502 (et le brevet 236) [traduction] « décrit la « couche d’appauvrissement » par renvoi à une signature ToF‑SIMS […] » et que les inventeurs ont exercé leur capacité d’agir comme lexicographe lorsqu’ils ont fourni [traduction] « des indications précises sur le sens de couche d’appauvrissement » : conclusions finales d’AP&C, aux para 7‑112; conclusions finales d’AP&C, aux p 4, 83‑84. De même, AP&C a fait valoir que l’objectif de la figure 5 [traduction] « est de nous informer de ce qu’est le brevet […] qui est une signature qui se définit elle‑même par la différence entre une poudre traitée et une poudre non traitée » [non souligné dans l’original] : transcription, jour 15, à la p 76, voir aussi la p 74.

[276] Par ailleurs, dans ses observations finales, AP&C a soutenu que la présence d’une couche d’appauvrissement est un [traduction] « état de la matière » plutôt qu’un objet défini par son profil TOF‑SIMS, c’est‑à‑dire qu’une couche d’appauvrissement existe ou non, et que l’analyse par ToF‑SIMS n’est qu’une des nombreuses façons possibles de vérifier si un état de la matière est présent ou non : transcription, jour 15, aux p 135‑137.

[277] Je répète ici les paragraphes 178 et 179 et la figure 5 pour faciliter la consultation, en soulignant et en clarifiant les observations de M. Mostaghimi sur la figure 5 :

[traduction]

[00178] La figure 5 est un graphique illustrant le profil d’oxygène de différents échantillons analysés par ToF‑SIMS que l’on compare entre eux. La signature ToF‑SIMS de la poudre est obtenue pour les essais 1 à 4. La présence d’une couche d’appauvrissement peut être associée aux poudres à coulabilité élevée, comme on peut le voir dans le tableau 1.

[00179] La signature ToF‑SIMS d’une poudre fine qui a été traitée est clairement illustrée à la figure 5. Une queue dans la courbe de la concentration d’oxygène indique que ce dernier pénètre plus profondément dans la couche de surface. Il est essentiel d’obtenir une couche d’appauvrissement ayant une certaine profondeur (profondeur critique) si on souhaite améliorer la coulabilité. Les résultats de ToF‑SIMS semblent indiquer que la couche d’appauvrissement a une profondeur de l’ordre de 100 nm. La profondeur peut être estimée en étalonnant la vitesse de pulvérisation du faisceau d’ions obtenu sur une grande partie du Ti‑6A1‑4V à l’aide d’un profilomètre. La vitesse de pulvérisation dépend de l’intensité du faisceau d’ions et du type de matériau. L’étalonnage est effectué avant les mesures et l’énergie du faisceau d’ions est très stable.

[Non souligné dans l’original.]

[Description : Un graphique linéaire est présenté avec les axes des X et des Y. L’axe des X porte le titre « Profondeur (nm) » et comporte des graduations d’axe allant de 0 à 80 avec une incrémentation de 10. L’axe des Y porte le titre « Normalisé par rapport à la valeur de référence » et comporte des graduations allant de 0,1 à 1 avec une incrémentation de 0,1. Quatre lignes pointillées différentes sont tracées sur le graphique. Elles sont identifiées comme étant, de haut en bas, Essai 4 (50 ppm d’oxygène), Essai 3 (80 ppm d’air), Essai 1 (sans gaz additif) et Essai 2 (sans gaz additif). Une légende permet également d’identifier les lignes par les points utilisés.]

[278] Comme on le constate à la figure 5, les deux courbes de concentration d’oxygène normalisées des particules de poudre produites avec gaz additif (essais 3 et 4) croisent celles des particules de poudre produites sans gaz additif (essais 1 et 2) à environ 5 à 10 nm, et restent au‑dessus d’elles jusqu’à la fin, soit à environ 70 ou 80 nm. Comme le reconnaîtrait la personne versée dans l’art, ce que la figure 5 montre est donc que la concentration d’oxygène (par rapport à la concentration maximale dans la particule) au‑delà de 10 nm environ est la plus haute dans l’essai 4 (traité), généralement plus basse dans l’essai 3 (traité), bien que les courbes se croisent deux fois à 20 nm et 30 nm, plus basse encore dans l’essai 1 (non traité), et plus basse dans l’essai 2 (non traité).

[279] Je souligne incidemment que le profil ToF‑SIMS de l’essai 4 a une forme générale différente de celle des autres essais. Il présente un pic initial près de la surface, suivi d’une baisse de la concentration d’oxygène, puis d’un maximum de cette concentration à environ 13 nm. Cette concentration maximale d’oxygène survient à une profondeur considérablement plus grande que les maximums des autres courbes et à une plus grande profondeur que celle associée à la couche d’oxyde natif, où on prévoit la concentration maximale d’oxygène. Aucun des experts n’a fait de commentaires à ce sujet dans leurs rapports. La Cour a demandé à M. Mostaghimi s’il pouvait expliquer la différence de courbe, mais il en a été incapable et a affirmé que son [traduction] « expertise ne touche pas à la ToF‑SIMS » : transcription, jour 12, aux p 1‑3. Il s’agit d’une déclaration plutôt surprenante, car M. Mostaghimi a été reconnu comme expert dans la [traduction] « caractérisation physique et chimique des poudres métalliques » et qu’il a présenté des éléments de preuve substantiels lorsqu’il a examiné et interprété des profils ToF‑SIMS : transcription, jour 10, à la p 99; deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 460‑489. Dans ses observations finales, l’avocat de Tekna a soutenu que, même s’il n’y avait pas de preuve d’expert sur le sujet, la meilleure explication ou hypothèse était qu’il existait une sorte d’anomalie liée au carbone à la surface de la particule qui faisait en sorte que la concentration maximale d’oxygène avait été atteinte plus tard et mesurée : transcription, jour 15, aux p 165‑166.

[280] Au paragraphe 178, les inventeurs affirment que la présence d’une couche d’appauvrissement peut être associée à une coulabilité élevée des poudres, et dirigent le lecteur vers le tableau 1. Le tableau 1 indique que les poudres des essais 1 et 2 n’ont pas une bonne coulabilité, au contraire de celles des essais 3 et 4. Il est donc évident que les inventeurs souhaitaient faire comprendre que les poudres des essais 3 et 4 ont une couche d’appauvrissement, à l’opposé de celles des essais 1 et 2. Toutefois, ni le paragraphe 178 ni le paragraphe 179 ne mentionnent de comparaison entre la profondeur et l’épaisseur de la couche d’appauvrissement et celles de la couche d’oxyde natif, et n’expliquent pas comment faire cette comparaison.

[281] Se fondant sur ces passages, AP&C fait valoir que la personne versée dans l’art comprendrait qu’une particule de poudre a une couche d’appauvrissement plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif, conformément à la revendication 1, si son profil ToF‑SIMS de concentration d’oxygène, et en particulier la « queue » de la courbe, est au‑dessus de celui d’une particule de poudre préparée sans gaz additif.

[282] Je ne peux pas accepter la thèse et l’interprétation d’AP&C pour les motifs qui suivent.

[283] Je tiens d’abord à mentionner qu’il y a une certaine incohérence dans la thèse d’AP&C en ce qui concerne l’importance de ne pas incorporer des éléments de la divulgation dans la revendication. Comme il a été mentionné précédemment, AP&C insiste sur le fait qu’il serait erroné d’introduire dans la revendication 1 les énoncés de la divulgation selon lesquels la couche d’appauvrissement est constituée du produit de réaction entre la source de métal réactif et le gaz additif, et que celui‑ci atteint la couche d’appauvrissement par un mécanisme de diffusion : conclusions finales d’AP&C, aux para 105, 107, transcription, jour 15, aux p 64, 66‑67. Pourtant, elle affirme que les énoncés des paragraphes 178 et 179 et la figure 5, que les inventeurs décrivent expressément comme un simple [traduction] « exemple », doivent être interprétés non seulement comme une définition efficace de la couche d’appauvrissement, mais aussi comme un moyen de vérifier si une couche d’appauvrissement est présente.

[284] De plus, il semble que selon AP&C, ce ne sont pas tous les énoncés des paragraphes 178 et 179 qu’il faut interpréter comme se rapportant à la couche d’appauvrissement. Notamment, les inventeurs affirment au paragraphe 179 que [traduction] « [l]es résultats de TOF‑SIMS semblent indiquer que la couche d’appauvrissement a une profondeur de l’ordre de 100 nm », et ils expliquent comment la profondeur peut être estimée par étalonnage de la vitesse de pulvérisation du faisceau d’ions. AP&C ne prétend pas que la personne versée dans l’art comprendrait que la couche d’appauvrissement de la revendication 1 a une profondeur [traduction] « de l’ordre de 100 nm ». Au contraire, elle supprime cette partie du paragraphe 179 de sa déclaration selon laquelle les inventeurs ont fourni [traduction] « des indications précises sur le sens de couche d’appauvrissement » : conclusions finales d’AP&C, aux para 112, 434. AP&C ne fournit aucune explication quant à la raison pour laquelle certains énoncés du paragraphe 179 sont importants au point de définir le terme couche d’appauvrissement, tandis que d’autres énoncés du même paragraphe doivent être écartés comme étant non pertinents pour définir ce terme. Cette approche souligne le problème que pose le fait [traduction] « d’emprunter tel ou tel élément » à la divulgation.

[285] J’ajoute que, bien qu’il soit mentionné aux paragraphes 178 et 179 que la figure 5 montre une comparaison entre les profils ToF‑SIMS de différents échantillons, il n’est pas mentionné que le moyen de déterminer si une particule a ou non une couche d’appauvrissement serait d’effectuer une comparaison entre le profil ToF‑SIMS d’une poudre sujet et le profil d’une poudre fabriquée sans gaz additif. Par conséquent, AP&C ne cherche pas simplement à interpréter les revendications à la lumière des énoncés de la divulgation. Elle cherche à introduire des énoncés dans la divulgation puis à les incorporer dans la revendication.

[286] Plus important encore, cependant, je considère que l’importance qu’AP&C accorde aux paragraphes 178 et 179 et à la figure 5 de la divulgation est incompatible avec le libellé de la revendication 1. La comparaison qui, selon AP&C, est imposée par ces parties de la divulgation, est une comparaison entre un échantillon de poudre fabriquée à l’aide d’un gaz additif et une poudre fabriquée sans gaz additif : conclusions finales d’AP&C, au para 7, 386; transcription, jour 15, aux p 37‑38, 50, 72‑73, 75‑76, 79, 83‑86, 179‑180, 182. Cependant, la revendication 1 ne fait aucune comparaison de ce genre. Au contraire, la revendication 1 définit expressément la couche d’appauvrissement en établissant une comparaison non pas avec une poudre fabriquée sans gaz additif, mais avec la couche d’oxyde natif de la même particule de poudre, c’est‑à‑dire avec une poudre fabriquée à l’aide d’un gaz additif. La revendication 1 exige que la couche d’appauvrissement de la particule de poudre soit plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif de la particule.

[287] De plus, la comparaison qui, selon AP&C, est nécessaire, doit être faite entre les profils de concentration d’oxygène de ces poudres, comme le montre une signature ToF‑SIMS. En d’autres termes, AP&C soutient que ce qui définit la présence d’une couche d’appauvrissement, c’est d’avoir une plus grande quantité d’oxygène dans la particule que dans les particules d’une poudre fabriquée sans gaz additif : voir transcription, jour 1, à la p 96; jour 15, aux p 76, 84‑85; deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 471, 477; premier rapport de M. Gardella, aux para 152, 178‑198.

[288] Encore une fois, la revendication 1 ne fait aucune comparaison de ce genre. La revendication 1 fait mention de la profondeur et de l’épaisseur de la couche d’appauvrissement. Elle renvoie également, par l’utilisation du mot appauvrissement, à la concentration décroissante sur la profondeur de la couche. Toutefois, elle ne fait pas mention de la quantité d’oxygène de la couche d’appauvrissement ni de la quantité absolue, ni par rapport à la concentration maximale mesurée dans la particule ni par rapport à d’autres particules. Même aux paragraphes 178 et 179, les inventeurs se concentrent sur la profondeur de la couche d’appauvrissement (et même sur l’existence d’une [traduction] « profondeur critique ») et non sur la quantité relative d’oxygène dans la couche d’appauvrissement.

[289] Ainsi, l’interprétation que donne AP&C vise à intégrer dans la revendication 1 l’exigence d’effectuer une comparaison entièrement différente de celle qui y est énoncée, en fonction d’une inférence qu’elle tire d’un passage de la divulgation. En termes simples, la revendication 1 dit que [traduction] « la première couche [est] une couche d’appauvrissement plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif ». AP&C demande à la Cour de l’interpréter comme suit : [traduction] « la première couche est une couche d’appauvrissement contenant une plus grande quantité d’oxygène dans la région située sous la couche d’oxyde natif que celle d’une particule qui a été produite sans gaz additif ». Adopter une telle interprétation suppose d’aller bien au‑delà de l’interprétation des termes couche d’appauvrissement ou couche plus profonde et plus épaisse dans le contexte du brevet dans son ensemble et revient à reformuler de façon erronée la revendication en fonction d’aspects de la divulgation qui ne sont pas revendiqués.

[290] Qui plus est, même l’expert d’AP&C, lorsqu’on lui a demandé pour la première fois d’interpréter les revendications du brevet 502, n’a pas dit que la personne versée dans l’art comprendrait que la revendication 1 signifie qu’une comparaison doit être faite entre les courbes ToF‑SIMS ou profils de concentration d’oxygène d’une particule d’intérêt et celles d’une particule fabriquée sans gaz additif pour déterminer si la première a une couche d’appauvrissement : premier rapport de M. Mostaghimi, au para 125. M. Mostaghimi a parlé de la figure 5 dans son examen de la divulgation. Il a mentionné qu’elle montre que les poudres non traitées ont des concentrations d’oxygène inférieures au‑delà d’une profondeur d’environ 10 nm. Cependant, il n’est pas revenu du tout à la figure 5 lorsqu’il a interprété la revendication 1 ou toute autre revendication : premier rapport de M. Mostaghimi, aux para 43‑44. Il a simplement déclaré que la couche d’appauvrissement [traduction] « doit avoir une profondeur (ou une épaisseur) supérieure à celle de la deuxième couche » : premier rapport de M. Mostaghimi, au para 81.

[291] Ce n’est qu’en répondant à l’opinion de M. Barnes sur les questions de validité et de contrefaçon que M. Mostaghimi a laissé entendre que la personne versée dans l’art utiliserait les directives de la figure 5 pour savoir comment faire appel à la ToF‑SIMS afin de pouvoir déterminer si les particules d’un échantillon ont une couche d’appauvrissement : deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 57, 265‑271, 356, 465‑491, 497. L’interprétation des revendications précède l’examen des questions de contrefaçon et de validité : Whirlpool, au para 43; Seedlings (CAF), au para 22. Donner à une revendication, lors de l’examen de la question de la contrefaçon une interprétation différente de celle donnée au départ affaiblit considérablement la deuxième interprétation.

[292] AP&C soutient que MM. Cima et Gardella ont tiré la même conclusion dans leurs rapports, et qu’ils ont également utilisé une comparaison des profils ToF‑SIMS pour évaluer s’il y avait eu contrefaçon : transcription, jour 15, aux p 115‑116, 121. Chacun d’eux traite, de façon brève et partielle, de la question du terme couche d’appauvrissement dans leurs rapports : premier rapport de M. Cima, aux para 109, 115‑116; premier rapport de M. Gardella, aux para 141‑145, 150‑158. Toutefois, ni l’un ni l’autre n’avait le mandat d’interpréter les revendications des brevets, et aucun d’eux n’a expliqué dans son rapport comment il interpréterait ou définirait le terme couche d’appauvrissement ou tout autre terme des revendications : premier rapport de M. Cima, aux para 17‑24; premier rapport de M. Gardella, aux para 27‑30.

[293] M. Cima n’a pas expliqué pourquoi ou comment il était arrivé à la conclusion que la personne versée dans l’art interpréterait le terme couche d’appauvrissement utilisé dans la revendication 1 comme renvoyant à une analyse comparative du profil d’oxygène avec une autre particule qui reposerait sur un profil ToF‑SIMS ou toute autre méthode d’analyse. Il n’a pas fait référence à la figure 5 du brevet 502 ni aux paragraphes 178 et 179. Il a simplement déclaré que [traduction] « d’après les enseignements des brevets 502 et 236 », il s’attendait à ce que le profil ToF‑SIMS montre que certains échantillons traités à l’oxygène d’AP&C devraient avoir une couche d’appauvrissement contrairement à d’autres échantillons AP&C : premier rapport de M. Cima, au para 115. Je ne peux pas conclure que cette déclaration témoigne d’une analyse réfléchie de la façon dont la personne versée dans l’art interpréterait le terme couche d’appauvrissement figurant dans la revendication 1, ou de la raison pour laquelle cette personne en viendrait à cette interprétation. En d’autres termes, dans la mesure où M. Cima a donné au terme couche d’appauvrissement une interprétation indépendante qui repose sur l’interprétation qu’il a faite de la revendication 1 à la lumière du brevet 502 dans son ensemble et des connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art, il n’a pas exposé de manière compréhensible cette interprétation ni expliqué pourquoi ou comment il était arrivé à cette interprétation.

[294] M. Gardella présente une analyse un peu plus détaillée de la personne versée dans l’art et de sa compréhension du recours à la ToF‑SIMS pour juger de la présence d’une couche d’appauvrissement : premier rapport de M. Gardella, aux para 141‑145, 150‑158, 175, 178‑196. Toutefois, cette analyse est expressément présentée comme une réponse à l’opinion de M. Barnes sur la question de la validité des brevets eu égard au caractère insuffisant de la divulgation et dans le contexte de l’examen de la contrefaçon. Le rapport de M. Gardella ne fait pas état d’efforts visant à interpréter le brevet indépendamment de ces questions de validité et de contrefaçon. Tout comme M. Cima dans son rapport, M. Gardella ne fait pas mention de l’exigence de la revendication 1 du brevet 502 selon laquelle la couche d’appauvrissement doit être plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif, ce qui indique que son examen ne visait pas à interpréter le libellé de la revendication. M. Gardella affirme de façon générale que, [traduction] « d’après la lecture des revendications » des brevets 502 et 236, il comprend que la présence d’une [traduction] « plus grande quantité d’oxygène […] à une plus grande profondeur sous la surface » [non souligné dans l’original] indique la présence d’une couche de surface composée d’une couche d’oxyde natif et d’une couche d’appauvrissement : premier rapport de M. Gardella, aux para 169, 175, 178‑196. Cette déclaration n’aide guère à expliquer pourquoi la personne versée dans l’art qui examinerait le libellé de la revendication 1 du brevet 502 dans le contexte du brevet dans son ensemble aboutirait à cette conclusion. Quoi qu’il en soit, comme il est mentionné plus haut, cette interprétation repose sur une comparaison qui ne figure pas dans la revendication 1.

[295] Comme le ferait remarquer la personne versée dans l’art, les inventeurs étaient clairement conscients de la possibilité de définir leur invention en fonction d’un essai ou d’une norme en particulier. L’élément 1e) nécessite une distribution granulométrique d’environ 10 à 53 μm des particules de poudre pour que la coulabilité, mesurée selon la norme ASTM B213, soit inférieure à 40 secondes. Si les inventeurs avaient eu l’intention de définir la couche d’appauvrissement en fonction de comparaisons entre des profils ToF‑SIMS, en particulier, ou en effectuant une [traduction] « comparaison de profils de concentration d’oxygène » avec une particule produite sans gaz additif, quelle que soit la méthode utilisée, ils l’auraient sans aucun doute fait. Ils auraient certainement pu le faire, et il n’appartient pas à AP&C d’introduire maintenant une telle méthode d’analyse ou une comparaison dans la revendication, alors que les inventeurs ne l’ont pas fait.

[296] J’ajoute que l’interprétation proposée par AP&C de la couche d’appauvrissement, qui fait intervenir une comparaison avec une autre particule de poudre, entre en conflit avec le fait qu’elle reconnaît l’existence d’une couche d’appauvrissement dans une particule comme étant un « état de la matière », c’est‑à‑dire qu’une particule de poudre présentera ou non une couche d’appauvrissement correspondant à la revendication 1, sous forme d’une matière physique. Si l’interprétation de la présence d’une couche d’appauvrissement dépend d’une comparaison avec une autre particule de poudre, la présence d’une couche d’appauvrissement ne dépend pas simplement des propriétés physiques de la particule de poudre examinée, mais des propriétés physiques d’une autre particule de poudre. M. Mostaghimi a été explicite à cet égard, et a reconnu qu’avec une seule poudre, il n’y avait aucun moyen de savoir s’il y a une couche d’appauvrissement, puisque [traduction] « vous devez toujours avoir un point de référence » : transcription, jour 11, aux p 141‑142.

[297] Songez à deux fabricants qui produisent des particules de poudre à l’aide de gaz additif dont les profils de concentration en oxygène sont essentiellement identiques. Si un fabricant dispose d’un équipement d’atomisation qui a plus de fuites d’air, utilise des paramètres de température différents ou une source de métal ayant une quantité d’oxygène différente, les particules qu’il produit sans gaz additif pourraient avoir des profils d’oxygène différents. Le résultat pourrait être, selon l’approche d’AP&C, que des deux particules de poudre identiques fabriquées à l’aide de gaz additif, l’une pourrait avoir une couche d’appauvrissement et l’autre pourrait ne pas avoir une, en fonction non pas des propriétés de la particule, mais des différentes normes de comparaison. Si deux particules ayant la même composition ont une couche d’appauvrissement ou non selon le profil d’une particule complètement différente, il ne s’agit pas d’une interprétation qui décrit un « état de la matière ».

[298] Je conclus que la personne versée dans l’art qui examinerait la revendication 1 du brevet 502 ne comprendrait pas que le terme couche d’appauvrissement se définit par l’existence d’un profil de concentration d’oxygène associé à une particule qui présente une plus grande quantité d’oxygène (dans l’absolu ou par rapport à une concentration maximale mesurée) qu’une particule qui n’est pas traitée avec un gaz additif, conformément à la figure 5 notamment.

[299] La personne versée dans l’art comprendrait que la couche d’appauvrissement est plus profonde que la couche d’oxyde natif, dans le sens qu’elle se situe en dessous d’elle, c’est‑à‑dire qu’elle est plus proche du centre de la particule et commence là où la couche d’oxyde natif se termine, et est plus épaisse que la couche d’oxyde natif dans le sens où elle présente une plus grande épaisseur si on la considère sous l’angle du rayon de la particule. La personne versée dans l’art conclurait qu’elle est en mesure de distinguer les deux couches et de comparer leur profondeur et leur épaisseur afin de déterminer si la première couche est plus profonde et plus épaisse que la deuxième couche.

[300] On en vient alors à la question suivante : comment la personne versée dans l’art interpréterait‑elle le terme couche d’appauvrissement de manière à savoir si une particule a une couche d’appauvrissement plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif? Autrement dit, comment la personne versée dans l’art pourrait‑elle faire la distinction entre une particule qui présente une couche d’appauvrissement décrite dans la revendication 1 et une particule qui n’en a pas?

[301] Après avoir examiné la divulgation et les revendications du brevet 502 et après avoir entendu et examiné la preuve des experts sur la question, je conclus que la personne versée dans l’art qui procéderait à une interprétation téléologique avec un esprit désireux de comprendre serait tout simplement incapable de répondre à ces questions. J’examinerai ces questions plus en détail ci‑après, dans l’examen des arguments avancés par Tekna à propos de l’ambiguïté.

[302] Avant de ce faire, je parlerai brièvement de l’interprétation des revendications restantes du brevet 502.

(5) Revendication indépendante 60

[303] La revendication 60 est semblable à la revendication 1, mais elle se rapporte à un procédé de fabrication par sphéroïdisation plutôt qu’à un procédé de fabrication par atomisation. Comme il en a été question plus haut, la sphéroïdisation fait appel à un procédé de chauffage, de fusion et de refroidissement qui améliore la sphéricité des poudres créées par d’autres méthodes, par exemple le broyage : premier rapport de M. Barnes, aux para 223, 410‑411; premier rapport de M. Mostaghimi, au para 85.

[304] Le procédé de la revendication 60 ne comprend pas l’étape d’atomisation qui se trouve à l’élément 1a). La revendication 60 fait également référence à un mélange gazeux de procédé de sphéroïdisation (plutôt qu’à un mélange d’atomisation), qui contient au moins un gaz de procédé de sphéroïdisation (plutôt qu’au moins un gaz atomisant) en plus du gaz additif. Le procédé consiste à exposer une source de poudre de métal réactif (plutôt qu’une source de métal réactif chauffée) au mélange gazeux du procédé de sphéroïdisation, tout en procédant à une sphéroïdisation (plutôt qu’en effectuant une atomisation) de la source, afin de produire une poudre de métal réactif brute. Le reste de la revendication 60 est identique à la revendication 1, y compris la description de la couche de surface et de la coulabilité.

[305] Les parties n’ont contesté aucun des termes de la revendication 60 autres que ceux qui ont été remis en cause dans la revendication 1, et n’ont pas soutenu que les termes devaient être interprétés différemment dans la revendication 60 par rapport à la revendication 1. Je conviens que les mêmes termes présents dans la revendication no 60 seraient interprétés de la même façon que dans la revendication no 1 : premier rapport de M. Barnes, au para 409; premier rapport de M. Mostaghimi, au para 84. Cela s’applique également aux termes qui, bien que différents, sont très semblables à ceux de la revendication 1. Ainsi, un mélange gazeux de procédé de sphéroïdisation serait considéré de la même façon qu’un mélange d’atomisation, bien que le mélange soit utilisé dans un procédé différent. De même, le gaz du procédé de sphéroïdisation serait le gaz utilisé pour la sphéroïdisation plutôt que pour l’atomisation, mais serait autrement considéré de la même façon que le gaz d’atomisation.

(6) Revendications dépendantes

[306] Les parties n’ont pas non plus contesté l’interprétation des revendications dépendantes. Un bref résumé des restrictions imposées par les revendications dépendantes suffira, avec quelques observations sur l’interaction entre ces restrictions et les éléments des revendications indépendantes.

[307] Les revendications 2 à 39 dépendent chacune directement de la revendication 1, et chacune ajoute une restriction différente en ce qui concerne la coulabilité d’une distribution granulométrique donnée : premier rapport de M. Barnes, au para 366; premier rapport de M. Mostaghimi, au para 86. Par exemple, la revendication 2 revendique le procédé de la revendication 1, dans lequel la poudre de métal réactif brute munie de la couche de surface présente une distribution granulométrique d’environ 10 à 45 μm et une coulabilité inférieure à 40 secondes, alors que la revendication 7 exige une distribution granulométrique d’environ 45 à 75 μm pour avoir une coulabilité inférieure à 28 secondes, chacune étant mesurée conformément à la norme ASTM B213. Les restrictions de ces revendications s’ajoutent à celles de la revendication 1, de sorte qu’une poudre doit avoir une coulabilité inférieure à 40 secondes qui s’applique à la fois à une distribution granulométrique de 10 à 53 μm et à une distribution granulométrique de 10 à 45 μm pour satisfaire aux exigences de la revendication 2. Les revendications 9 à 12 ajoutent des restrictions moins contraignantes en ce qui concerne la distribution granulométrique des particules de 10 à 53 μm dont il est question dans la revendication 1 (coulabilité inférieure à 36, 32, 30 ou 28 secondes, respectivement).

[308] La revendication 40 revendique le procédé de l’une ou l’autre des revendications 1 à 39, où la source de métal réactif chauffée est exposée au gaz additif dans la zone d’atomisation d’un atomiseur. Les inventeurs définissent le terme zone d’atomisation (sans doute synonyme de zone atomisante) comme étant une zone dans laquelle la matière est atomisée en gouttelettes de matière : brevet 502, au para 38; premier rapport de M. Barnes, aux para 368‑370; premier rapport de M. Mostaghimi, aux para 87‑88. Or, le procédé de la revendication 1 comprend déjà l’atomisation d’une source de métal réactif chauffée. La revendication 1 ne renvoie pas à une zone d’atomisation, mais il est clair, d’après le brevet et la preuve d’expert, que le procédé de la revendication 1 — l’atomisation au gaz — ne peut se produire sans que l’appareil ne dispose d’une zone dans laquelle la matière est atomisée en gouttelettes, c’est‑à‑dire une zone d’atomisation : premier rapport de M. Barnes, au para 368; premier rapport de M. Mostaghimi, au para 88. De plus, la revendication 1 exige que le gaz additif fasse partie du mélange d’atomisation, accompagné du gaz d’atomisation, et que le mélange entre en contact avec la source de métal réactif chauffée durant l’atomisation. Dans la revendication 1, le gaz additif entre donc nécessairement en contact avec la source de métal réactif dans la zone d’atomisation d’un atomiseur. Je considère donc que la revendication 40 est redondante par rapport à la revendication 1, malgré la présomption de non‑redondance.

[309] La revendication 41 revendique le procédé de l’une ou l’autre des revendications 1 à 39, dans laquelle la source de métal réactif chauffée est exposée au gaz additif dans la zone d’atomisation d’un atomiseur. Comme nous l’avons vu plus haut, les inventeurs définissent la zone thermique d’un atomiseur comme une zone [traduction] « où la poudre est suffisamment chaude pour réagir avec les atomes électronégatifs du gaz additif afin de produire une couche d’appauvrissement » : brevet 502, au para 39; premier rapport de M. Barnes, aux para 373‑374. La revendication 41 exige donc que le procédé fasse appel à une zone thermique d’un atomiseur répondant à cette définition, et à un gaz additif (constituant du mélange d’atomisation) qui entre en contact avec la source de métal réactif dans cette zone.

[310] Fait à noter, l’existence d’une zone thermique d’un atomiseur semble exiger a) que le gaz additif ait des atomes électronégatifs; b) que la zone soit suffisamment chaude pour provoquer une réaction entre le gaz additif et le métal de la poudre; et c) que ce produit de réaction produise la couche d’appauvrissement. Par conséquent, bien que les restrictions de la revendication 41 semblent se rapporter au moment de l’exposition, l’inclusion d’une zone thermique d’atomiseur ajoute un certain nombre d’autres restrictions à celles de la revendication 1, y compris celle voulant que la couche d’appauvrissement soit formée non seulement d’atomes ou de molécules du gaz additif, mais aussi des atomes ou molécules du produit de la réaction avec la source métallique réactive. La zone thermique d’un atomiseur semble être liée à la zone d’atomisation ou la chevaucher, cette zone étant celle dans laquelle la matière est atomisée en gouttelettes, puisque les inventeurs décrivent la zone d’atomisation comme étant une [traduction] « zone de chaleur élevée dans l’atomiseur », ce qui laisse entendre au moins un certain chevauchement entre les zones : brevet 502, aux para 38, 134; premier rapport de M. Barnes, aux para 367‑379.

[311] La revendication 42 porte sur un procédé de l’une ou l’autre des revendications 1 à 39, où la source de métal réactif est exposée au gaz additif [traduction] « presque au même moment » qu’elle est exposée au gaz atomisant. Cependant, la revendication 1 prévoit déjà que le mélange d’atomisation (qui comprend à la fois le gaz atomisant et le gaz additif) entre en contact avec la source de métal réactif [traduction] « durant l’atomisation » de la source de métal réactif. Encore une fois, puisque le gaz additif et le gaz atomisant sont fournis par le mélange d’atomisation, qui entre en contact avec la source de métal réactif, les deux doivent nécessairement entrer en contact avec la source de métal réactif simultanément : premier rapport de M. Barnes, aux para 321‑322, 380‑382. Je considère donc que la revendication 42 est redondante par rapport à la revendication 1, malgré la présomption de non‑redondance.

[312] La revendication 43 porte sur un procédé de l’une ou l’autre des revendications 1 à 42, où le gaz atomisant est un gaz inerte, c’est‑à‑dire un gaz qui ne réagit pas chimiquement avec le métal réactif.

[313] La revendication 44 se rapporte au procédé de la revendication 43, dans lequel le gaz atomisant et au moins un gaz additif sont mélangés ensemble avant d’entrer en contact avec la source de métal réactif chauffée. Comme il a été mentionné au paragraphe [160], ce procédé exige que le gaz atomisant et le gaz additif qui composent le mélange d’atomisation, soient mélangés ensemble avant l’exposition, plutôt qu’au moment de l’exposition.

[314] La revendication 45 précise que la première couche a une charge considérablement positive, la deuxième couche, une charge considérablement négative, et la première couche et la deuxième couche, une charge combinée qui est essentiellement nulle. Cette revendication exige effectivement que la particule ait les caractéristiques de charge décrites comme participant d’une théorie non contraignante aux paragraphes 156 à 164 de la divulgation du brevet 502.

[315] Les revendications 46 à 49 ajoutent d’autres étapes qui consistent à tamiser la poudre après l’atomisation, à la séparer selon la distribution granulométrique (revendication 46), à agiter la poudre dans l’eau (revendications 47 et 48) et à mesurer la coulabilité de la poudre après qu’elle a été tamisée, agitée et séchée (revendication 49).

[316] Les revendications 50 à 54 ajoutent des restrictions au procédé de l’une ou l’autre des revendications 1 à 49 quant à la quantité, dans la couche de surface, d’au moins un élément d’au moins un gaz additif. Ces restrictions concernant le gaz additif dans la couche de surface (allant de 500 ppm dans la revendication 50 à 100 ppm dans la revendication 54) s’ajoutent à celles de la revendication 1 de 1 000 ppm de gaz additif dans l’ensemble de la particule.

[317] Les revendications 55 à 59 ajoutent des restrictions au procédé de l’une ou l’autre des revendications 1 à 49 quant à la quantité, dans la couche de surface, du contenu supplémentaire constitué de l’élément électronégatif d’au moins un gaz additif. En plus de préciser que l’élément provenant du gaz additif est électronégatif, ces restrictions (allant de 500 ppm dans la revendication 55 à 100 ppm dans la revendication 59) visent spécifiquement le contenu supplémentaire constitué de cet élément, plutôt que le contenu total, comme nous l’avons vu aux paragraphes [189] et [190] plus haut.

[318] Les revendications 61 à 67 ajoutent des restrictions au procédé de sphéroïdisation de la revendication 60 en ce qui concerne la coulabilité de la poudre, lesquelles sont équivalentes aux revendications dépendantes 2 à 8.

[319] Les revendications 68 à 75 ajoutent des restrictions aux procédés de l’une ou l’autre des revendications 1 à 67, ce qui permet de préciser l’identité d’au moins un gaz additif. Par exemple, la revendication 61 exige qu’au moins un gaz additif soit un gaz contenant de l’oxygène (voir l’analyse au paragraphe [176] ci‑dessus). Les revendications 70, 72, 73 et 74 exigent qu’au moins un gaz additif soit un gaz contenant un halogène, un gaz contenant de l’hydrogène, un gaz contenant du soufre et un gaz contenant de l’azote, respectivement.

[320] Les revendications 76 à 82 ajoutent des restrictions aux procédés de l’une ou l’autre des revendications 1 à 75, et permettent de préciser l’identité du métal présent dans la poudre de métal réactif brute, soit le titane, le zirconium, le magnésium, l’aluminium et leurs alliages.

[321] Les revendications 83 à 86 ajoutent des restrictions aux procédés de l’une ou l’autre des revendications 1 à 82, et prévoient le recours à une torche à plasma en général (revendication 83) ou à un type particulier de torche à plasma (revendications 84 à 86).

[322] Enfin, la revendication 87 définit un procédé de préparation d’un mélange de poudre de métal réactif comprenant le mélange d’une poudre de métal réactif obtenue par le procédé de l’une ou l’autre des revendications 1 à 86 combinée à celle obtenue par un procédé différent de celui décrit dans les revendications 1 à 86.

B. La validité

[323] Le paragraphe 43(2) de la Loi sur les brevets établit la présomption selon laquelle, une fois délivré, un brevet est valide. Il s’ensuit que la partie qui le conteste, en l’espèce Tekna, a le fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il est invalide : Whirlpool, au para 75.

[324] Bien que Tekna ait initialement soulevé un plus grand nombre de motifs d’invalidité, ses arguments portent sur trois motifs principaux : l’inutilité, la portée excessive, puis, conjointement, [traduction] « l’insuffisance et l’ambiguïté ». Pour les motifs qui suivent, je conclus que les arguments de Tekna sur la question de l’ambiguïté sont déterminants quant à la validité du brevet 502. Par conséquent, dans l’analyse qui suit, je me limiterai à ce point.

(1) L’ambiguïté

(a) Les principes

[325] Le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets exige que les revendications d’un brevet définissent « distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif ». Dans le cas contraire, le brevet pourrait être invalide pour cause d’ambiguïté : Pharmascience Inc c Bristol‑Myers Squibb Canada Co, 2022 CAF 142 aux para 60, 61 [Pharmascience‑apixaban].

[326] Comme l’a récemment rappelé la Cour d’appel fédérale, l’invalidité pour cause d’ambiguïté repose sur le fait que le brevet doit aviser comme il se doit le public quant aux activités revendiquées comme étant exclusives au breveté : Pharmascience‑apixaban, au para 61, citant Western Oilfield Equipment Rentals Ltd c M‑I LLC, 2021 CAF 24 au para 121 [Western Oilfield]. Dans l’arrêt Pharmascience‑apixaban, la Cour d’appel a tiré de la jurisprudence un certain nombre de principes qui régissent l’examen de la question de l’invalidité d’une revendication pour cause d’ambiguïté :

  • a)une revendication peut être jugée non valide pour cause d’ambiguïté si elle est rédigée d’une manière ambiguë ou obscure qui aurait pu être évitée;

  • b)une revendication ne sera vraisemblablement pas jugée invalide si la phrase en litige peut être interprétée à la lumière des règles grammaticales et du bon sens;

  • c)une revendication est ambiguë si elle peut être interprétée de plus d’une manière, de sorte qu’il serait impossible pour la personne versée dans l’art d’en connaître à l’avance la portée exacte;

  • d)une revendication n’est pas invalide du simple fait qu’elle n’est pas un modèle de concision et de clarté.

[327] Ces principes concordent étroitement avec l’approche générale en matière d’interprétation des revendications, qui exige d’interpréter les revendications de façon favorable à l’accomplissement de l’objectif de l’inventeur, avec un esprit désireux de comprendre, et non pas avec un esprit désireux de ne pas comprendre : Tearlab, au para 31; Free World Trust, aux para 44, 51; Whirlpool, au para 49c). En d’autres termes, la Cour est peu encline à conclure qu’une revendication est ambiguë : Pfizer Canada Inc c Canada (Ministre de la Santé), 2005 CF 1725 aux para 52‑53, citant Letourneau c Clearbrook Iron Works Ltd, 2005 CF 1229 aux para 37, 38.

[328] Cela dit, dans l’arrêt Pharmascience‑apixaban, la Cour d’appel a confirmé la source législative de l’invalidité pour cause d’ambiguïté et souligné l’importance du principe fondamental selon lequel un brevet doit aviser le public de ce qui est revendiqué et de ce qui ne l’est pas, c’est‑à‑dire des activités que vise la revendication et de celles qu’elle ne vise pas : Pharmascience‑apixaban, aux para 60, 61. Pour reprendre les mots du juge Binnie, cité au début des présents motifs, « [l]a portée de l’interdiction […] faite [dans le brevet] doit être claire, de façon que les citoyens sachent quelles avenues leur demeurent ouvertes » : Free World Trust, au para 41. Si les revendications, interprétées de manière téléologique dans le contexte du brevet dans son ensemble avec un esprit désireux de comprendre, ne permettent pas à la personne versée dans l’art de comprendre ce qu’elles visent et ne visent pas, le brevet ne remplit pas sa fonction d’avis public et devient un « brevet dont la portée est incertaine » et une [traduction] « nuisance publique » : Free World Trust, au para 42.

[329] Tekna fait référence à la jurisprudence des États‑Unis et du Royaume‑Uni en matière de brevet à l’appui de ces principes. Se fondant sur la jurisprudence américaine concernant l’imprécision, elle affirme qu’une revendication de brevet doit posséder un [traduction] « ancrage objectif » qui permet à la personne versée dans l’art de savoir si elle réalise l’invention brevetée : Halliburton Energy Services v M‑I LLC, 456 F.Supp.2d 811 à la p 820 (2006) (US Dist Ct, ED Texas) [Halliburton], conf par 514 F.3d 1244 (2008) (Cour d’appel américaine, cir. féd.). Bien que la décision Halliburton ait précédé l’arrêt de principe rendu par la Cour suprême des États‑Unis sur la question de l’imprécision, Nautilus, Inc v Biosig Instruments, 572 US 898 (2014), AP&C admet que la nécessité d’un [traduction] « ancrage objectif » à laquelle elle renvoie s’applique au droit canadien sur la question de l’ambiguïté : conclusions finales d’AP&C, aux para 394, 399.

[330] Dans le même ordre d’idées, Tekna cite la jurisprudence du Royaume‑Uni soulignant le besoin de certitude quant aux limites d’une revendication : Sandvik Intellectual Property AB v Kennametal UK Ltd, [2011] EWHC 331 (Pat) au para 164 [Sandvik]; Generics (UK) Ltd v Yeda Research and Development Co Ltd, [2013] EWCA Civ 925 au para 78.

[331] La jurisprudence étrangère dans le domaine de la propriété intellectuelle doit être traitée avec circonspection, car la législation canadienne joue un rôle central dans la définition de la portée de la protection de la propriété intellectuelle : Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c Bell Canada, 2012 CSC 36 au para 25; Apotex Inc c Eli Lilly and Company, 2018 CAF 217 au para 48. Toutefois, j’admets que les affirmations qui précèdent sont compatibles avec le droit canadien sur la question de l’ambiguïté. Assurément, l’affirmation de la Cour suprême des États‑Unis selon laquelle [traduction] « [u]n titulaire de brevet devrait savoir ce qui lui appartient, et le public devrait savoir ce qui ne lui appartient pas » est entièrement compatible avec l’observation du juge Binnie selon laquelle « [l]a portée de l’interdiction […] faite [dans le brevet] doit être claire, de façon que les citoyens sachent quelles avenues leur demeurent ouvertes » : Festo Corp v Shoketsu Kinzoku Kogyo Kabushiki Co, 535 US 722 (2002) à la p 731; Free World Trust, au para 41.

[332] En tout état de cause, que le droit canadien exige un [traduction] « ancrage objectif » ou non, la question ultime est celle de savoir s’il est « impossible pour la personne versée dans l’art [de] connaître à l’avance la portée exacte [des revendications » : Pharmascience‑apixaban, au para 61.

[333] Pour les motifs qui suivent, et bien que la Cour ne soit pas encline à juger une revendication invalide pour cause d’ambiguïté, je conclus qu’il est impossible pour la personne versée dans l’art de savoir si un procédé de production d’une poudre métallique est visé par les revendications du brevet 502. En particulier, compte tenu des renseignements présentés dans le brevet 502, la personne versée dans l’art ne pourrait pas déterminer si une particule de poudre métallique possède une couche d’appauvrissement plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif.

(b) Les revendications du brevet 502 sont ambiguës.

[334] Comme il a été expliqué précédemment, la revendication 1 du brevet 502 revendique un procédé qui consiste à former une couche de surface sur la particule de poudre de métal, qui comprend une première couche et une deuxième couche, où la première couche est une couche d’appauvrissement plus profonde et plus épaisse que la deuxième couche, qui est une couche d’oxyde natif. La revendication 60 contient la même exigence, mais je renverrai ci‑après à la revendication 1 par souci de commodité.

[335] J’ai conclu que la personne versée dans l’art comprendrait que la couche d’appauvrissement est une couche située à la surface de la particule qui a) contient des atomes provenant de la source de métal réactif et des atomes ou des molécules du gaz additif, pas nécessairement sous la forme d’un produit de réaction; b) doit être distincte de la couche d’oxyde natif de façon à permettre la comparaison avec cette dernière; c) est plus profonde que la couche d’oxyde natif, c’est‑à‑dire plus proche du centre de la particule, et commence là où la couche d’oxyde natif se termine; d) est plus épaisse que la couche d’oxyde natif, c’est‑à‑dire qu’elle présente une plus grande épaisseur si on la considère sous l’angle du rayon de la particule. Toutefois, le simple fait de pouvoir reformuler des aspects de la revendication à l’aide d’un autre libellé ne permet pas de résoudre la question de l’ambiguïté. La question est de savoir si la revendication définit distinctement l’objet de l’invention de manière à permettre à la personne versée dans l’art de savoir ce qui est visé et ce qui ne l’est pas.

[336] Tekna soutient que la personne versée dans l’art ne serait pas en mesure de déterminer le sens de couche d’appauvrissement, particulièrement en ce qui concerne sa limite interne, c’est‑à‑dire de distinguer une particule de poudre dont la couche d’appauvrissement est plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif d’une particule dont la couche d’appauvrissement ne l’est pas : conclusions finales de Tekna, aux para 222‑232; premier rapport de M. Barnes, aux para 346‑349, 876‑881. Après avoir examiné la divulgation et les revendications de brevet 502, ainsi que la preuve d’expert sur la question, je suis d’accord.

[337] Je tiens d’abord à répéter qu’AP&C et ses experts ont avancé plusieurs théories différentes sur la façon dont la personne versée dans l’art évaluerait si la couche d’appauvrissement est plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif et, en particulier, où commence et se termine la couche d’appauvrissement. Comme il en a été question aux paragraphes [264] à [274] ci‑dessus, M. Mostaghimi a déclaré que la personne versée dans l’art comprendrait que la couche d’appauvrissement commence à la surface externe de la particule et se termine à l’un des marqueurs, notamment le marqueur auquel le taux de diminution de l’élément ajouté est véritablement nul. M. Cima a apparemment pris une mesure commençant à la fin de la couche d’oxyde natif, en fonction d’une variation de la pente de la courbe obtenue par ToF‑SIMS, et se terminant au marqueur où la concentration d’oxygène est d’environ 23 % de la concentration maximale.

[338] J’ai expliqué plus haut pourquoi je rejette chacune de ces propositions, car elles ne sont étayées ni par les revendications, ni par la divulgation du brevet 502, ni par les connaissances générales courantes, ni même par les témoignages des experts et la méthode d’évaluation que ceux‑ci ont appliquée à la question de la contrefaçon. Bien que cet argument ne permette pas à lui seul de trancher la question de l’ambiguïté, le fait qu’AP&C et ses experts n’aient pas pu fournir d’explication cohérente de la façon dont on pourrait comparer l’épaisseur de la couche d’appauvrissement et celle de la couche d’oxyde natif tend à démontrer que la personne versée dans l’art serait incapable de comprendre les limites indiquées dans la revendication.

[339] Le principal argument d’AP&C est que le brevet 502 fournit à la personne versée dans l’art l’[traduction] « ancrage objectif » qui manque, selon Tekna, sous la forme des profils ToF‑SIMS décrits aux paragraphes 178 et 179 et à la figure 5 de la divulgation : conclusions finales d’AP&C, aux para 386‑401. AP&C établit un parallèle avec l’arrêt Pharmascience‑apixaban, dans lequel la Cour d’appel a confirmé la conclusion de la Cour selon laquelle l’élément de la revendication en cause, [traduction] « mesure par diffusion de la lumière laser », n’était pas ambigu parce que la personne versée dans l’art résoudrait les ambiguïtés qu’il pourrait comporter en se reportant à la divulgation et en constatant que cette dernière décrit le recours à la diffusion de la lumière laser par dispersion par voie humide : Pharmascience‑apixaban, aux para 62‑67, conf 2021 CF 1, aux para 150‑153; voir aussi Angelcare Canada c Munchkin, Inc, 2022 CF 507 aux para 475‑478. AP&C fait valoir que la personne versée dans l’art qui interpréterait le brevet 502 se reporterait également aux paragraphes 178 et 179 et à la figure 5 et suivrait les directives claires du brevet pour déterminer si la particule possède une couche d’appauvrissement : conclusions finales d’AP&C, au para 391.

[340] En particulier, AP&C soutient que la personne versée dans l’art ou tout contrefacteur potentiel, comprendrait en lisant le brevet 502, qu’elle pourrait fabriquer des poudres avec et sans gaz addictif, soumettrait ces poudres à une analyse par ToF‑SIMS, puis comparerait les profils des poudres pour déterminer si celles traitées avec un gaz additif présentent une couche d’appauvrissement [traduction] « qui est une zone de diffusion enrichie en oxygène plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif ayant généralement 6 +/‑ 2 nanomètres » : conclusions finales d’AP&C, au para 386. En particulier, comme il a été mentionné précédemment, AP&C soutient qu’une particule a une couche d’appauvrissement si la « queue » de la signature ToF‑SIMS se trouve au‑dessus de celle d’une particule préparée sans gaz additif : transcription, jour 15, aux p 58, 74, 83‑85. Elle laisse entendre que par ces renvois à la figure 5, le public a été informé des limites du droit exclusif d’AP&C : conclusions finales d’AP&C, au para 7.

[341] Je suis d’accord avec AP&C pour dire qu’une revendication ne peut pas être ambiguë si, en la lisant à la lumière de la divulgation, la personne versée dans l’art sait comment interpréter les termes qui y sont employés, et sait comment évaluer ou vérifier si un produit ou un procédé contesté est visé par la revendication.

[342] Cependant, j’ai expliqué aux paragraphes [283] à [298] pourquoi la personne versée dans l’art qui lirait les revendications à la lumière de la divulgation n’interpréterait pas la revendication 1 du brevet 502, et donc toutes les autres revendications, de la manière suggérée par AP&C. La comparaison que propose AP&C n’est tout simplement pas la comparaison décrite dans les revendications, c’est‑à‑dire une comparaison de l’épaisseur de la couche d’appauvrissement à celle de la couche d’oxyde natif dans la même particule, plutôt qu’une comparaison des profils de concentration d’oxygène entre différentes particules. Contrairement à la situation dans les affaires Pharmascience‑apixaban et Angelcare, ce que propose AP&C n’implique pas que la personne versée dans l’art doit se reporter au texte ou aux schémas de la divulgation pour résoudre une incertitude ou une ambiguïté quant à une méthode d’analyse ou à un élément de la revendication. Cela implique plutôt que la personne versée dans l’art doit réécrire entièrement la revendication pour effectuer une comparaison différente qui est incompatible avec celle de la revendication.

[343] La personne versée dans l’art qui examinerait la figure 5 ne serait pas en mesure de comprendre comment celle‑ci permet d’effectuer la comparaison décrite dans la revendication 1. En particulier, elle serait incapable de comprendre comment la figure 5 permet de distinguer les particules dont la couche d’appauvrissement est plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif et celles dont la couche d’appauvrissement ne l’est pas.

[344] La figure 5 ne révèle pas l’endroit où commence la couche d’appauvrissement des particules des quatre échantillons ni là où elle se termine. Les paragraphes 178 et 179 ne tentent pas non plus de définir où se termine la couche d’appauvrissement, que ce soit de façon qualitative ou quantitative, pour permettre à la personne versée dans l’art de comparer les profondeurs respectives de la couche d’appauvrissement des particules des quatre échantillons à l’étude. Le paragraphe 179 indique la présence d’une [traduction] « queue dans la courbe de la concentration d’oxygène indique que ce dernier pénètre plus profondément dans la couche de surface », et souligne l’importance d’obtenir cette couche d’appauvrissement avec une [traduction] « certaine profondeur », ce qui semble indiquer que la couche a une [traduction] « profondeur de l’ordre de 100 nm ». Toutefois, il ne fait aucune mention de la façon de mesurer cette [traduction] « certaine profondeur » de la queue ou la couche d’appauvrissement. De plus, la mention d’une [traduction] « profondeur de l’ordre de 100 nm » — qui, selon AP&C, n’est pas une exigence de la couche d’appauvrissement — est elle‑même difficile à concilier avec le graphique de la figure 5, car la profondeur n’est indiquée que jusqu’à 80 nm pour trois des courbes et jusqu’à 70 nm pour la quatrième. Il est à noter qu’aucune de ces observations ne fait référence à la quantité ou à la concentration d’oxygène dans la « queue », c’est‑à‑dire à quelle hauteur la courbe se situe dans un graphique de ToF‑SIMS. Il y est question de sa profondeur, c’est‑à‑dire jusqu’où vers la droite la courbe se prolonge.

[345] M. Cima, qui a affirmé que la fin de la couche d’oxyde natif et le début de la couche d’appauvrissement pouvaient être observés par des variations de pente dans les profils ToF‑SIMS des échantillons à l’étude dans l’analyse de la contrefaçon, n’a pas relevé de marqueur ou de zone de transition entre la couche d’oxyde natif et la couche d’appauvrissement dans l’une ou l’autre des courbes de la figure 5. Il n’a pas non plus indiqué où la couche d’appauvrissement serait considérée comme se terminant sur l’une ou l’autre des courbes. Je remarque qu’en appliquant l’approche de M. Cima, c’est‑à‑dire que la couche d’appauvrissement se termine à 23 % de la concentration maximale, seul l’essai 2 atteint cette concentration, et ce, à environ 50 nm. En supposant que la couche d’oxyde natif se situe dans la plage de 3 à 5 nm, voire jusqu’à 10 nm, les particules des quatre essais, y compris celles pour lesquelles les inventeurs n’indiquent aucune couche d’appauvrissement, auraient une couche d’appauvrissement plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif selon l’approche de M. Cima. Cette approche s’oppose à ce qui ressort clairement, à savoir que les particules des essais 1 et 2 n’ont pas de couche d’appauvrissement au sens de la revendication 1.

[346] Avant de conclure que le terme couche d’appauvrissement était ambigu, M. Barnes s’est demandé si la figure 5 permettait à la personne versée dans l’art de comprendre le terme : premier rapport de M. Barnes, aux para 877‑881. Cette approche est compatible avec les décisions Pharmascience‑apixaban et Angelcare. Soulignant l’absence de description dans le brevet 502 quant à la façon d’évaluer la profondeur de la couche d’appauvrissement, M. Barnes a appliqué deux méthodes différentes pour déterminer la limite interne de la couche d’appauvrissement, soit la profondeur à laquelle la concentration d’oxygène se stabilise, et la profondeur à laquelle la concentration d’oxygène est de 50 % de la concentration maximale. Il a fait remarquer qu’en utilisant l’une ou l’autre de ces méthodes, la figure 5 montre que les quatre échantillons ont une couche d’appauvrissement qui pénètre des dizaines de nanomètres dans la particule et est donc plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif : premier rapport de M. Barnes, aux para 814‑816, 880; transcription, jour 5, aux p 36 et 37.

[347] Bien que M. Mostaghimi et M. Gardella aient tous deux répondu au témoignage de M. Barnes sur ce point, ni l’un ni l’autre n’a présenté de fondement clair à partir duquel la personne versée dans l’art pourrait effectuer une comparaison entre la couche d’appauvrissement et la couche d’oxyde natif afin de déterminer que la première est plus profonde et plus épaisse que la dernière : deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 91‑97, 427‑432; premier rapport de M. Gardella, aux para 150‑153, 168‑170.

[348] Dans sa réponse à l’avis de M. Barnes sur la question de l’ambiguïté, M. Mostaghimi a adopté l’approche relative aux paramètres de la couche d’appauvrissement dont il a été question aux paragraphes [265] et [266]. Il a soutenu que la personne versée dans l’art pourrait déterminer la limite interne en mesurant la profondeur à laquelle le taux de variation de l’élément atteint zéro (c.‑à‑d. la [traduction] « valeur se stabilisant » de M. Barnes) ou à la concentration de 50 % : deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 60, 431. Cependant, cette affirmation semble indiquer que la personne versée dans l’art pourrait adopter l’une des deux approches, qui sont très différentes, pour déterminer la limite interne, ce qui contribue à renforcer les doutes sur la question de l’ambiguïté plutôt qu’à les atténuer. Elle ne réfute pas non plus l’affirmation de M. Barnes selon laquelle, pour l’une ou l’autre de ces deux approches, la figure 5 montre que les particules des quatre échantillons d’essai ont une couche d’appauvrissement plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif.

[349] Au contraire, M. Mostaghimi a semblé reconnaître que M. Barnes avait raison, et a affirmé qu’il ne viendrait pas à l’esprit de la personne versée dans l’art que les courbes de la figure 5 définissent l’étendue de la couche d’appauvrissement [traduction] « en elles‑mêmes » : deuxième rapport de M. Mostaghimi, au para 431.

[350] Dans sa réponse à l’opinion de M. Barnes, M. Gardella semble également souligner le manque de renseignements contenus dans la figure 5. Il fait remarquer que la personne versée dans l’art [traduction] « se rendrait compte que les brevets n’indiquent en rien la façon dont le profil de profondeur a été obtenu ». Il conclut qu’en l’absence de ces détails, la personne versée dans l’art comprendrait que les valeurs de profondeur indiquées sont une [traduction] « approximation » plutôt que des valeurs calculées avec précision : premier rapport de M. Gardella, au para 170; transcription, jour 10, aux p 32 et 33. C’est peut‑être le cas, mais ça ne répond pas à la préoccupation selon laquelle ni les revendications ni la divulgation du brevet n’aident la personne versée dans l’art à comprendre les paramètres de la couche d’appauvrissement de manière à pouvoir comparer sa profondeur et son épaisseur à celles de la couche d’oxyde natif. En effet, si M. Gardella a raison, la figure 5 fournit encore moins de renseignements sur l’épaisseur de la couche d’appauvrissement et ne permet pas de savoir si cette dernière est plus épaisse que la couche d’oxyde natif.

[351] M. Mostaghimi et M. Gardella ont également répondu aux observations de M. Barnes au sujet des courbes de la figure 5 en déclarant que la personne versée dans l’art comprendrait qu’il n’y a pas de couche d’appauvrissement dans les poudres des essais 1 et 2, non pas en raison de leur profil ToF‑SIMS, mais parce qu’elles n’ont pas été traitées avec un gaz additif : deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 61, 431; premier rapport de M. Gardella, au para 168; transcription, jour 10, aux p 31‑32. Il s’agit là d’une mauvaise interprétation du problème. La question n’est pas celle du recours à un gaz additif, comme l’exige l’élément 1b), mais plutôt celle de la formation d’une couche d’appauvrissement plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif, comme l’exige l’élément 1d).

[352] Comme il a été mentionné plus haut, il est clair, d’après le contexte du paragraphe 178 et du tableau 1 de la divulgation, que les inventeurs ont tenté de faire comprendre que les poudres des essais 3 et 4 ont une couche d’appauvrissement, tandis que celles des essais 1 et 2 n’en ont pas. La question est de savoir comment la personne versée dans l’art pourrait objectivement faire une distinction entre les particules dont la couche d’appauvrissement est plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif — une condition qui ne figure ni aux paragraphes 178, 179 ni à la figure 5, mais qui est essentielle aux revendications — et celles dont la couche d’appauvrissement ne l’est pas, alors que toute tentative de comparer l’épaisseur de la couche d’appauvrissement à celle de la couche d’oxyde natif semble porter sur les échantillons des quatre essais.

[353] Je reviens au fait qu’AP&C reconnaît que la présence d’une couche d’appauvrissement est un état de la matière, en ce sens qu’une particule donnée aura une couche d’appauvrissement plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif, ou n’en aura pas. Cela étant, la présence de cette couche d’appauvrissement ne peut pas simplement être déterminée en fonction d’autres parties du procédé de fabrication. Entre autres choses, cela rendrait redondant le recours à un gaz additif en présence d’une couche d’appauvrissement, bien que cet élément soit l’un des éléments essentiels distincts de la revendication 1. En effet, de façon générale, une grande partie des témoignages de MM. Mostaghimi, Gardella et Cima semble fondée sur l’hypothèse selon laquelle si un procédé d’atomisation comprend le recours à un gaz additif et donne lieu à une poudre ayant une bonne coulabilité, la particule résultante doit avoir une couche d’appauvrissement, conformément à la revendication 1.

[354] C’est M. Mostaghimi, dans son témoignage, qui a répondu le plus directement à ce point, car il a déclaré (en faisant référence au brevet 236, bien qu’il ait interprété le terme couche d’appauvrissement de la même façon pour les deux brevets) que [traduction] « si le gaz additif est présent, vous savez que vous avez une couche d’appauvrissement » : transcription, jour 11, aux para 131‑132; voir aussi la transcription confidentielle, jour 12, aux p 18‑19. Cette approche permet en fait de considérer l’élément essentiel 1d) hors du contexte des revendications et est incompatible avec le libellé des revendications choisi par les inventeurs. Elle est également incompatible avec d’autres aspects de la preuve de M. Mostaghimi, car ce dernier a également reconnu que le recours à un gaz additif pendant l’atomisation ne donne pas nécessairement une couche d’appauvrissement, que, de même, une bonne coulabilité n’est pas nécessairement la preuve de la présence d’une couche d’appauvrissement, et, voire même, que la présence d’une couche d’appauvrissement n’entraîne pas nécessairement une bonne coulabilité (elle [traduction] « améliore » seulement la coulabilité) : transcription confidentielle, jour 12, aux para 56–57, 60, 63–65, 68–71.

[355] De plus, ni M. Mostaghimi ni M. Gardella n’ont expliqué comment la personne versée dans l’art pourrait s’appuyer sur la figure 5 pour savoir ou tenter de savoir comment déterminer si la couche d’appauvrissement est plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif. Ils écartent plutôt le libellé de la revendication 1 pour soutenir qu’une personne versée dans l’art utiliserait la figure 5 pour comprendre si une particule de poudre a ou non une couche d’appauvrissement : voir, p. ex., le deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 57, 267, 270‑271, 424, 431‑432; premier rapport de M. Gardella, aux para 48, 170.

[356] En fin de compte, M. Mostaghimi et M. Gardella ont tous deux répondu aux déclarations de M. Barnes sur la question de l’ambiguïté au moyen du même argument principal avancé par AP&C, à savoir que la personne versée dans l’art comprendrait que, pour déterminer s’il y a une couche d’appauvrissement, il faut comparer le profil de concentration d’oxygène d’une particule fabriquée avec un gaz additif à celui d’une particule fabriquée sans gaz sans additif : deuxième rapport de M. Mostaghimi, au para 431; premier rapport de M. Gardella, aux para 168‑170; transcription, jour 10, aux p 26‑27, 32‑33. J’ai expliqué plus haut pourquoi je rejette cette affirmation, car elle est incompatible avec les revendications du brevet 502, qui prévoient une comparaison différente.

[357] Dans tous les cas, même si j’acceptais l’argument d’AP&C selon lequel la personne versée dans l’art comprendrait que la revendication 1 fait intervenir une comparaison entre le profil de concentration d’oxygène d’une particule et une autre fabriquée sans gaz additif, je conclurais encore que les revendications du brevet 502 sont ambiguës, car elles ne définissent pas la portée de la revendication d’une manière qui permettrait à la personne versée dans l’art de savoir si un procédé est visé ou pas par la revendication.

[358] Selon la thèse avancée par AP&C, la personne versée dans l’art comprendrait, d’après la figure 5 et les paragraphes 178 et 179 de la divulgation, qu’une particule a une couche d’appauvrissement au sens des revendications si la « queue » de la signature ToF‑SIMS se trouve au‑dessus de celle d’une particule préparée sans gaz additif. Cependant, il ressort clairement d’un examen de la figure 5 et de ces paragraphes que les inventeurs ne fournissent aucune raison justifiant de distinguer les courbes des essais 1 et 2 de celles des essais 3 et 4. En d’autres termes, ils ne fournissent aucun critère permettant de séparer les deux courbes du bas des deux courbes du haut de façon à distinguer les particules ayant une couche d’appauvrissement de celles qui n’en ont pas, c’est‑à‑dire celles qui ont cet élément essentiel des revendications de celles qui ne l’ont pas. En effet, selon la propre approche d’AP&C, la personne versée dans l’art qui fabriquerait une particule de l’essai 2 (préparée sans gaz additif) et qui la comparerait ensuite à la particule de l’essai 1 conclurait que la particule de l’essai 1 a une couche d’appauvrissement (indépendamment de la présence de tout autre élément essentiel), puisque la « queue » de sa signature ToF‑SIMS est au‑dessus de celle de la particule de l’essai 2. Pourtant, il découle clairement du brevet que les particules de l’essai 1 n’ont pas de couche d’appauvrissement.

[359] Comme je l’ai conclu plus haut aux paragraphes [197] à [201], il est tout à fait possible que la personne versée dans l’art en arrive à une interprétation d’une revendication de brevet qui soit incompatible avec des exemples ou des diagrammes de la divulgation, si le libellé de la revendication l’exige. Ainsi, si elle comprenait comment mesurer l’épaisseur de la couche d’appauvrissement d’après le brevet 502 ou ses connaissances générales courantes, la personne versée dans l’art pourrait conclure que les particules des poudres des quatre essais de l’expérience 1 et de la figure 5 ont une couche d’appauvrissement plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif, malgré l’indication contraire des inventeurs. Dans un tel cas, la revendication pourrait ne pas être ambiguë. Toutefois, cela ne peut pas être le cas en l’espèce, puisque a) AP&C soutient que l’expérience 1 et la figure 5 sont précisément les aspects du brevet 502 qui sont censés enseigner la différence entre une particule de poudre dont la couche d’appauvrissement est plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif et une autre dont la couche d’appauvrissement ne l’est pas; et b) la personne versée dans l’art ne comprendrait pas comment mesurer l’épaisseur de la couche d’appauvrissement, que ce soit à l’aide des revendications ou de la divulgation du brevet 502 ou de ses connaissances générales courantes.

[360] Il est révélateur, à mon avis, qu’en prétendant démontrer que les poudres de Tekna ont une couche d’appauvrissement, AP&C et ses experts n’ont pas tenté de comparer les profils ToF‑SIMS des particules de poudre de Tekna aux profils établis à la figure 5 du brevet 502. Au lieu de cela, comme nous l’expliquons plus loin, ils ont effectué des analyses ToF‑SIMS sur des poudres préparées par AP&C, c.‑à‑d. des poudres généralement inaccessibles au public et préparées dans certaines installations de fabrication d’AP&C, puis ils ont utilisé ces profils ToF‑SIMS comme base de comparaison avec les poudres de Tekna.

[361] L’examen visant à déterminer si un brevet est contrefait se fait en général en comparant le procédé ou le produit contesté aux revendications du brevet, et non en comparant le procédé ou le produit contesté au procédé ou au produit du titulaire du brevet : Evolution Technologies Inc c Human Care Canada Inc, 2019 CAF 209 aux para 21 et 23, citant Monsanto Canada Inc c Schmeiser, 2004 CSC 43 au para 30; Janssen‑Ortho Inc c Apotex Inc, 2010 CF 81 au para 28. Cela est conforme au rôle « d’information du public » que joue le brevet, qui doit indiquer aux membres du public quelles avenues leur demeurent ouvertes : Free World Trust, au para 41. L’incapacité apparente d’AP&C à effectuer une telle comparaison pour démontrer la contrefaçon sans présenter de données obtenues indépendamment du brevet à partir de ses propres produits en dit long sur la question de savoir si les revendications du brevet sont suffisamment claires pour permettre à la personne versée dans l’art de déterminer si la poudre préparée par un procédé de fabrication est visée par les revendications. Autrement dit, l’évaluation qu’a faite AP&C pour démontrer que les poudres de Tekna sont visées par la revendication est une évaluation qu’aucun membre du public examinant le brevet 502 sans accès aux poudres d’AP&C ne pouvait faire.

[362] L’analyse de la contrefaçon d’AP&C pointe aussi vers la même préoccupation soulevée plus haut au sujet de la différence entre les profils des essais 1 et 2. Selon AP&C, une particule a une couche d’appauvrissement au sens des revendications si sa courbe ToF‑SIMS est « au‑dessus » de celle d’une particule fabriquée sans gaz additif. Les analyses menées par AP&C sur deux particules différentes, dont chacune est considérée comme n’ayant pas de couche d’appauvrissement, montrent que la courbe de l’une d’elles est « au‑dessus » de celle de l’autre : deuxième rapport de M. Mostaghimi, au para 467; premier rapport de Gardella, au para 178. Pourtant, aucune explication n’a été donnée quant à la raison pour laquelle la personne versée dans l’art comprendrait que l’échantillon ayant la courbe ToF‑SIMS la plus haute n’a pas de couche d’appauvrissement, alors qu’un autre échantillon dont la courbe est légèrement plus haute (et à certains endroits chevauche l’autre courbe) dispose de cette couche. Cela est d’autant plus vrai qu’une courbe ToF‑SIMS qui présente une plus grande intensité en ions oxygène qu’une autre (c.‑à‑d. qui se trouve « au‑dessus ») signifie qu’elle contient plus d’oxygène, mais qu’il est [traduction] « impossible d’évaluer la quantité d’oxygène de plus » : premier rapport de M. Shallenberger, au para 58; premier rapport de M. Gardella, au para 106.

[363] La difficulté que pose l’approche d’AP&C pour juger de la présence d’une couche d’appauvrissement a été mise en évidence dans le contre‑interrogatoire de M. Mostaghimi mené par Tekna. Lorsqu’on lui a présenté un graphique avec la courbe ToF‑SIMS d’un cinquième essai effectué en même temps que les quatre essais décrits au brevet 502, M. Mostaghimi n’a pas pu clairement affirmer si la particule de la courbe avait une couche d’appauvrissement ou non, concédant d’abord qu’elle n’en avait pas, mais suggérant ensuite qu’elle pourrait en avoir une si l’on ne regardait que les 20 premiers nm. Il a finalement conclu que [traduction] « la profondeur de la couche d’appauvrissement est fondamentalement un sujet de débat » : transcription confidentielle, jour 12, aux p 1‑6.

[364] De même, lorsqu’on lui a présenté un ensemble de courbes ToF‑SIMS de diverses particules produites par AP&C et analysées au nom de cette dernière, M. Mostaghimi n’a pas été en mesure de dire clairement quelles particules avaient une couche d’appauvrissement, et quelles particules n’en avaient pas, sans connaître les conditions expérimentales dans lesquelles elles avaient été fabriquées : transcription confidentielle, jour 12, aux p 7‑16, 20‑23. D’ailleurs, les efforts déployés par M. Mostaghimi pour analyser les diverses courbes l’ont amené à proposer, entre autres choses, d’examiner différents points de profondeur dans les courbes pour tenir compte de certaines lacunes, plutôt que de mener la même évaluation globale qu’il a menée dans son analyse de la question de la contrefaçon : transcription confidentielle, jour 12, aux p 4‑5, 7‑8, 22‑23.

[365] Je ferai une dernière observation sur la question de l’ambiguïté. À première vue, le brevet 502 exige la formation d’une couche de surface composée d’une deuxième couche ou couche d’oxyde natif et d’une première couche ou couche d’appauvrissement, la couche d’appauvrissement étant plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif. Depuis au moins 2021, alors que des modifications ont apportées aux actes de procédure, Tekna allègue que le brevet 502 ne permet pas à la personne versée dans l’art de faire la distinction entre la couche d’appauvrissement et la couche d’oxyde natif : deuxième déclaration modifiée, au para 20. AP&C a répondu à cette allégation en niant que le libellé de la revendication du brevet 502 ne permet pas à la personne versée dans l’art de faire la distinction entre les couches : quatrième défense modifiée et demande reconventionnelle, au para 12. Pourtant, malgré le dépôt de nombreux rapports, aucun des experts n’a été en mesure de dire clairement comment la personne versée dans l’art distinguerait les couches afin de confirmer leur présence et de comparer leur profondeur et leur épaisseur. Je suis d’accord avec Tekna qui, dans ses observations finales, a souligné ce qui suit :

[traduction]

...après plus de 3 ans de litige, des analyses très complexes dans des laboratoires spécialisés et des universités, cinq experts en tout, des centaines de pages de rapports d’experts, et trois semaines consacrées à la preuve présentée au procès, personne n’a été en mesure de dire à la Cour (malgré que la Cour ait posé la question à quelques reprises) où la couche d’oxyde et la couche d’appauvrissement présumée se trouvent, eu égard aux résultats d’analyse, et quelle est l’épaisseur de ces deux couches.

[Soulignement omis; conclusions finales de Tekna, au para 231.]

[366] Je conclus que, malgré sa volonté de comprendre les revendications et la divulgation du brevet 502, la personne versée dans l’art ne serait simplement pas capable d’évaluer si une particule de poudre donnée présente une couche d’appauvrissement plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif. Le brevet lui‑même ne donne aucune indication des paramètres de cette couche, et les diverses propositions présentées par les experts et AP&C sont totalement incompatibles avec le libellé des revendications ou ne fournissent aucun moyen prévisible et valable de déterminer si l’élément essentiel de la revendication est respecté, ou les deux. En d’autres termes, il est « impossible pour la personne versée dans l’art [de] connaître à l’avance la portée exacte [des revendications] », qui ne définissent pas « distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif » : Pharmascience‑apixaban, au para 61; Loi sur les brevets, art 27(4).

[367] L’exigence d’une couche d’épuisement plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif est un élément essentiel des revendications indépendantes 1 et 60, et donc de toutes les revendications du brevet 502. Aucune des revendications dépendantes ne comprend de restrictions relatives à la couche d’épuisement qui pourraient influer sur la conclusion que la Cour doit tirer sur la question de l’ambiguïté que soulèvent les revendications indépendantes 1 et 60.

[368] Par conséquent, au vu de la preuve et des arguments présentés, je conclus que Tekna s’est acquittée du fardeau de démontrer que toutes les revendications du brevet 502 sont invalides pour cause d’ambiguïté.

(2) L’insuffisance

[369] Comme je le mentionne plus haut, Tekna a présenté ses arguments sur l’ambiguïté comme des arguments portant conjointement sur [traduction] « l’insuffisance et l’ambiguïté ». Une revendication de brevet sera invalide pour cause d’insuffisance si le mémoire descriptif n’enseigne pas à la personne versée dans l’art comment mettre en pratique toutes les réalisations de l’invention : Teva Canada Ltd c Pfizer Canada Inc, 2012 CSC 60 aux para 51, 52, 70,71; Seedlings (CAF), au para 68. Loi sur les brevets, art 27(3). Tekna soutient que, comme la personne versée dans l’art serait incapable, à la lecture du brevet 502, de déterminer si une poudre donnée possède une couche d’appauvrissement au sens de la revendication 1, elle ne pourrait pas mettre l’invention en pratique, ce qui fait que les revendications sont ambiguës et insuffisantes. La réponse d’AP&C aux arguments de Tekna sur l’insuffisance est semblable à sa réponse aux arguments de Tekna sur l’ambiguïté : elle affirme que les paragraphes 178 et 179 et la figure 5 de la divulgation enseignent comment déterminer s’il y a une couche d’appauvrissement.

[370] L’insuffisance et l’ambiguïté sont certainement liées, car elles se rapportent toutes deux à la question de savoir si le mémoire descriptif d’un brevet définit adéquatement l’invention et décrit la façon de la mettre en opération : Pioneer Hi‑Bred Ltd c Canada (Commissaire des brevets), 1989 CanLII 64 (CSC), [1989] RCS 1623 aux p 1637, 1638. En effet, au Royaume‑Uni, l’ambiguïté est considérée comme une forme d’insuffisance du brevet, tout comme la portée excessive : voir Sandvik, aux para 106‑124. L’insuffisance et d’autres motifs d’invalidité, comme la portée excessive, peuvent également se chevaucher : Western Oilfield, au para 130.

[371] Comme les arguments des parties sur l’ambiguïté et l’insuffisance se chevauchent largement, une conclusion supplémentaire selon laquelle les revendications du brevet 502 sont également invalides pour cause d’insuffisance serait peu utile. Toutefois, je fais observer que je suis d’accord pour dire qu’une personne versée dans l’art serait incapable de mettre en pratique le brevet 502, car elle serait incapable de dire si elle a produit une couche d’appauvrissement plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif. et donc incapable de dire comment on peut produire (ou éviter de produire) une telle couche.

(3) Les autres motifs d’invalidité invoqués

[372] Tekna a soulevé deux autres motifs d’invalidité principaux, soit l’inutilité et la portée excessive. Compte tenu de ma conclusion selon laquelle toutes les revendications du brevet 502 sont invalides pour cause d’ambiguïté, il ne m’est pas nécessaire d’examiner les autres arguments de Tekna sur l’invalidité du brevet 502.

C. La contrefaçon

(1) Les principes

[373] Il ne peut y avoir contrefaçon d’une revendication invalide : Seedlings (CAF), au para 74. Ma conclusion selon laquelle le brevet 502 est invalide est donc également déterminante quant à la question de la contrefaçon. Néanmoins, compte tenu de la demande en déclaration de non‑contrefaçon présentée par Tekna en vertu du paragraphe 60(2) de la Loi sur les brevets, de la demande reconventionnelle présentée par AP&C en vue d’obtenir une déclaration de contrefaçon, de la nature de la preuve et des arguments des parties sur la question, j’examinerai les positions des parties sur la question de la contrefaçon autant qu’il est possible de le faire lorsque les revendications sont ambiguës.

[374] Une revendication de brevet est contrefaite si le procédé, la méthode ou le produit contesté possède tous les éléments essentiels de la revendication interprétée de façon téléologique. À l’inverse, elle n’est pas contrefaite si un élément essentiel est omis : Free World Trust, aux para 31f), 68, 75; Western Oilfield, aux para 48, 49. L’évaluation de la question de la contrefaçon exige de comparer la chose fabriquée ou vendue par le défendeur avec les revendications interprétées : Monsanto, au para 30.

[375] En règle générale, le titulaire de brevet qui allègue qu’il y a contrefaçon a le fardeau de le démontrer : Monsanto, au para 29; Gold c Serratus Mountain Products Ltd, 2006 CAF 98 au para 10. En l’espèce, Tekna a intenté la présente action en déclaration de non‑contrefaçon du brevet 502 en vertu du paragraphe 60(2) de la Loi sur les brevets. Les parties ont convenu que, sur le plan technique du moins, Tekna a le fardeau de prouver qu’il n’y a pas contrefaçon pour obtenir cette déclaration. Néanmoins, il incombe à AP&C de prouver qu’il y a eu contrefaçon pour les besoins de la demande reconventionnelle en contrefaçon qu’elle a présentée et des autres mesures de réparation découlant de cette déclaration. En fin de compte, dans la présente affaire, la question de la contrefaçon ne repose pas sur le fardeau de la preuve.

(2) Les revendications invoquées et les points d’accord

[376] Les parties conviennent qu’aucune des revendications du brevet 502 n’est contrefaite par a) l’atomisation de poudres d’alliage d’aluminium (poudres AlSi 7 mg et AlSi 10 mg) de son système d’atomisation au plasma appelé TAP‑S4; b) les procédés de vaporisation utilisés pour fabriquer des nanopoudres; et c) les processus de sphéroïdation employés sans recours à un « additif » ou à un gaz de « passivation » de Tekna : exposé conjoint des faits, aux para 58, 147, 150‑151.

[377] AP&C convient en outre que les procédés d’atomisation utilisés par Tekna pour la fabrication de poudres de métal Ti‑6Al‑4V ne contrefont pas les revendications 45, 47‑67, 70‑73, 81 et 85‑86 du brevet 502, encore une fois en supposant que le procédé n’a pas changé depuis mai 2017 : exposé conjoint des faits, au para 148. Les admissions faites par AP&C à cet égard sont fondées sur le fait que les procédés de Tekna n’ont pas changé depuis novembre 2017 (pour l’atomisation) ou mai 2017 (pour la vaporisation et la sphéroïdisation), ce sur quoi la Cour n’avait aucune preuve. Pour cette raison, AP&C ne s’oppose pas à une déclaration de non‑contrefaçon concernant ces revendications.

[378] AP&C affirme que les deux revendications du brevet 502 dont la portée est la plus étroite sont contrefaites par Tekna, soit : a) la revendication 83 dans la mesure où elle dépend des revendications 79, 68, 44, 43, 41 et 1; b) la revendication 83 dans la mesure où elle dépend des revendications 79, 69, 44, 43, 41 et 1.

[379] AP&C allègue donc que la production de poudres de métal de Tekna constitue le procédé de fabrication de poudre de métal réactif par atomisation de la revendication 1, dans lequel le gaz atomisant est un gaz inerte (revendication 43); le gaz additif est un gaz contenant de l’oxygène (revendication 68) ou un gaz contenant de l’oxygène choisi à partir d’une liste de gaz qui comprend l’oxygène O2 et l’air (revendication 69); le gaz atomisant et le gaz additif sont mélangés ensemble avant d’être mis en contact avec la source de métal réactif (revendication 44), puis mis en contact avec une source de métal réactif dans la zone thermique d’un atomiseur (revendication 41); la poudre de métal réactif brute est un alliage de titane (revendication 79); et le procédé est effectué au moyen d’au moins une torche à plasma (revendication 83).

[380] AP&C fait également observer que, si ces revendications de portée étroite sont contrefaites, alors toutes les revendications de portée plus large sur lesquelles elles reposent seront forcément contrefaites. J’en déduis qu’elle allègue que les revendications d’une portée plus large sont également contrefaites, y compris, au bout du compte, la revendication 1.

[381] Tekna convient que le procédé d’atomisation qu’elle emploie pour produire des poudres Ti‑6Al‑4V comprend tous les éléments essentiels des revendications invoquées, à l’exception de la formation d’une couche de surface comprenant une couche d’appauvrissement, dans certains cas, mais pas nécessairement tous, lorsque son procédé est mis en œuvre : exposé conjoint des faits, aux para 153‑154.

(3) Les revendications invoquées du brevet 502 ne sont pas contrefaites.

(a) Introduction

[382] Comme je le mentionne plus haut, il ne peut y avoir contrefaçon d’une revendication invalide. Par conséquent, comme toutes ces revendications sont invalides, je conclus en premier lieu que Tekna ne contrefait aucune des revendications invoquées du brevet 502.

[383] Lorsqu’un brevet est jugé invalide pour cause d’antériorité ou d’évidence, la Cour peut néanmoins être en mesure de trancher indépendamment la question de savoir s’il y a eu contrefaçon en examinant si le procédé, la méthode ou le produit contesté est visé par les revendications telles qu’elles sont interprétées. Toutefois, lorsque les revendications d’un brevet sont nulles pour cause d’ambiguïté, elle ne peut le faire, car il est impossible de déterminer la portée des revendications et donc de décider si un procédé, une méthode ou un produit contesté est visé par les revendications.

[384] Comme je ne suis pas en mesure d’évaluer si le procédé de fabrication de poudres de métal Ti‑6Al‑4V par atomisation de Tekna est visé par les revendications du brevet 502, j’examinerai la question de la contrefaçon à la lumière de la preuve et déterminerai si celle‑ci permet de conclure à la contrefaçon eu égard aux diverses théories qui ont été présentées sur la signification de la couche d’appauvrissement.

(b) La preuve présentée par AP&C au sujet de la contrefaçon

[385] L’action en contrefaçon d’AP&C découle d’une analyse par ToF‑SIMS menée par une entreprise appelée Tascon USA Inc. sur des particules d’AP&C et des échantillons de poudre de Tekna. À la demande d’AP&C, Tascon a analysé la distribution de la profondeur de l’oxygène dans les particules de quatre lots de poudre différents d’AP&C et de six lots de poudre de Tekna et a produit un rapport daté du 21 mai 2022 [rapport de Tascon] : voir, p. ex., deuxième rapport de M. Mostaghimi, pièce D; exposé conjoint des faits, aux para 141, 143.

[386] En ce qui concerne chaque lot de poudre, Tascon a effectué deux mesures par ToF‑SIMS. Chaque mesure comprenait la sélection d’un certain nombre de [traduction] « zones d’intérêt » sur la surface de plusieurs particules de poudre. Le profil de profondeur de l’oxygène a été produit à l’aide des données moyennes des zones d’intérêt mesurées. Il en a résulté deux profils de profondeur ToF‑SIMS pour chaque lot de poudre : rapport de Tascon, aux p 2‑6.

[387] Comme pour les profils de la figure 5, les profils de Tascon sont présentés sur un graphique dont l’axe des Y montre les données sur la concentration d’oxygène normalisée par rapport à l’intensité maximale, de sorte que la valeur maximale de chaque profil est considérée comme ayant une valeur de 1. L’axe des X du graphique montre la profondeur de la particule, exprimée en [traduction] « unités arbitraires ». Ces unités arbitraires sont une fonction du temps de pulvérisation, et Tascon a suggéré qu’elles pourraient être considérées comme faisant partie d’une échelle de profondeur en nanomètres, [traduction] « avec une marge d’erreur d’un facteur de 2 à 5 », c’est‑à‑dire que la conversion d’une unité arbitraire pourrait varier entre 0,2 nm et 5 nm : rapport de Tascon, à la p 5; deuxième rapport de M. Shallenberger, au para 81; premier rapport de M. Gardella, au para 176. M. Cima a calculé une marge d’erreur différente, mais il n’a pas expliqué pourquoi il n’avait pas adopté la marge d’erreur de Tascon : premier rapport de M. Cima, aux para 134‑135; deuxième rapport de M. Cima, aux para 19‑21; transcription confidentielle, jour 13, aux p 21‑22; deuxième rapport de M. Shallenberger, aux para 82‑84.

[388] AP&C et Tekna ont attribué à chacune de leurs poudres un numéro de lot. Pour faciliter la consultation et limiter les problèmes de confidentialité, je désignerai les quatre échantillons d’AP&C par l’appellation AP&C a) à d), soit celle figurant au paragraphe 461 du deuxième rapport de M. Mostaghimi. Je désignerai également les six échantillons de Tekna par l’appellation Tekna a) à f), soit celle figurant au paragraphe 460 du deuxième rapport de M. Mostaghimi.

[389] Essentiellement, la méthode adoptée par AP&C pour démontrer la présence ou l’absence d’une couche d’appauvrissement dans les poudres de Tekna consistait à 1) utiliser les profils ToF‑SIMS de ses deux échantillons préparés avec un gaz additif [AP&C a) et c)] et de ses deux échantillons préparés sans gaz additif [AP&C b) et d)], comme [traduction] « témoins », étant entendu que les premiers avaient une couche d’appauvrissement (les [traduction] « témoins positifs »), alors que les derniers n’en avaient pas (les [traduction] « témoins négatifs »); et à 2) comparer les profils Tof‑SIMS des échantillons de Tekna à ceux des témoins d’AP&C pour évaluer si les échantillons de Tekna ont une couche d’appauvrissement : deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 465‑491, 497; premier rapport de M. Gardella, aux para 172, 178‑199; premier rapport de M. Cima, aux para 113‑135.

[390] M. Mostaghimi, M. Gardella, et M. Cima, qui ont adopté cette méthode, ont tous conclu que deux des six échantillons de Tekna présentaient la couche d’appauvrissement visée par les revendications du brevet 502 [Tekna a) et c)], au contraire des quatre autres échantillons [Tekna b), d), e) et f)] : deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 471‑488, 497; premier rapport de M. Gardella, aux para 184‑196; premier rapport de M. Cima, aux para 120‑130, 135.

[391] Par exemple, chacun des experts d’AP&C a reproduit les résultats ToF‑SIMS suivants du rapport de Tascon de l’échantillon a) de Tekna : deuxième rapport de M. Mostaghimi, au para 487; premier rapport de M. Gardella, au para 184; premier rapport de M. Cima, au para 121. Dans la figure suivante, j’ai remplacé les numéros de lot des échantillons des parties en utilisant l’identification ci‑dessus.

[Description : Deux graphiques linéaires sont présentés avec leur axe des X et des Y. Dans chaque graphique, l’axe des x comporte des unités arbitraires et des lignes de quadrillage numérotées allant de 5 à 30, par incréments de 5, et chaque incrément vaut 1. L’axe des y porte la mention « Normalisé à une valeur maximale » et comporte des lignes de quadrillage numérotées allant de 0,1 à 1, par incréments de 0,1, et chaque incrément vaut 0,02. Chaque graphique présente six courbes colorées, avec deux courbes dans chacune des trois couleurs. Une légende identifie les courbes par couleur : à gauche, bleu foncé pour AP&Ca), bleu clair pour AP&Cc) et vert pour Tekna a); à droite, rouge pour AP&Cb), rose pour AP&Cd) et vert pour Teknaa). Chaque graphique comporte également une ligne jaune horizontale à 0,3 unité sur l’axe des Y, qui rejoint les courbes.]

[392] Dans les graphiques ci‑dessus, les échantillons AP&C a) et c), qui ont été utilisés comme « témoins positifs », sont indiqués par les lignes bleu pâle et bleu foncé; les échantillons AP&C b) et d), qui ont été utilisés comme « témoins négatifs », sont indiqués par les lignes rouges et roses; et l’échantillon de Tekna a) est indiqué par les lignes vertes; ces courbes ont fait l’objet d’une analyse. Des graphiques similaires ont été présentés pour les autres échantillons de Tekna, et on a superposé chacun d’entre eux sur, respectivement, celui des échantillons AP&C a) et c) et celui des échantillons AP&C b) et d).

[393] L’analyse que M. Mostaghimi a faite des courbes ci‑dessus consistait à souligner que la courbe de distribution de profondeur de l’oxygène de l’échantillon a) de Tekna (lignes vertes) était [traduction] « nettement plus haute » que celle des témoins négatifs (lignes rouges et roses) et qu’elle était [traduction] « plus conforme » à celle des témoins positifs (lignes bleu pâle et foncé), ce qu’il a pris pour une indication de la présence d’une couche d’appauvrissement dans l’échantillon a) de Tekna : deuxième rapport de M. Mostaghimi, au para 488. L’analyse des autres experts allait dans le même sens : premier rapport de M. Gardella, aux para 182‑184; premier rapport de M. Cima, aux para 119‑121. Je souligne en passant que la ligne jaune apparaissant dans les graphiques à la valeur de 0,3 sur l’axe des Y a été ajoutée sur les graphiques par Tascon et n’a pas été utilisée par les experts.

(c) La preuve d’AP&C ne démontre pas qu’il y a eu contrefaçon

[394] Tekna critique le rapport de Tascon et l’analyse qu’en ont fait les experts d’AP&C. Elle soulève notamment des préoccupations quant au risque que l’analyse par ToF‑SIMS comporte des distorsions, y compris celles découlant de la couche d’oxyde, et au fait qu’il serait impossible de distinguer les particules qui ont une couche d’oxyde plus épaisse de celles qui ont une deuxième couche sous la couche d’oxyde : deuxième rapport de M. Shallenberger, aux para 8‑16, 55‑104.

[395] Je n’ai pas besoin de me pencher sur ces critiques ni sur la réponse formulée à cet égard par AP&C, car je suis tout à fait d’accord avec M. Barnes pour dire que la preuve d’AP&C repose entièrement sur une prémisse non établie, à savoir que les « témoins positifs » d’AP&C comportent une couche d’appauvrissement, en particulier une couche plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif, alors que ce n’est pas le cas des « témoins négatifs » : troisième rapport de M. Barnes, aux para 29‑37; transcription, jour 5, aux p 6 et 9.

[396] M. Mostaghimi, M. Gardella, M. Cima ont tous affirmé ou accepté que les échantillons AP&C a) et c) avaient une couche d’appauvrissement, tandis que les AP&C b) et d) n’en avaient pas : deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 465‑469; premier rapport de M. Gardella, au para 175; premier rapport de M. Cima, aux para 115‑117. Cependant, aucun des experts n’a comparé les courbes de concentration d’oxygène des témoins positifs ou des témoins négatifs à celles de la figure 5 pour déterminer si les quatre échantillons d’AP&C, ou certains d’entre eux ou aucun, possédaient une couche d’appauvrissement, au sens du brevet 502.

[397] M. Mostaghimi semble plutôt conclure que les échantillons a) et c) d’AP&C ont une couche d’appauvrissement parce qu’ils ont subi une atomisation en présence d’un gaz additif et ont montré une bonne coulabilité : deuxième rapport de M. Mostaghimi, au para 466. Cependant, comme il en a été question plus haut, la présence d’une couche d’appauvrissement ne peut pas être simplement présumée en fonction de la présence d’un gaz additif et de la coulabilité souhaitée : transcription, jour 15, aux p 80‑81. Si c’était le cas, l’exigence d’une couche d’appauvrissement serait redondante, car la revendication 1 revendiquerait toute poudre pour laquelle un gaz additif a été utilisé et qui montre la coulabilité souhaitée, et ces deux paramètres rendraient implicite la présence d’une couche d’appauvrissement.

[398] Comme l’indique le témoignage de M. Mostaghimi, divers facteurs influeront sur la formation d’une couche d’appauvrissement, notamment la température, la concentration de gaz additif et la vitesse d’alimentation du fil : deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 31, 33, 52, 55, 308‑309, 322; transcription confidentielle, jour 12, aux p 56‑57; transcription, jour 15, à la p 180. De nombreux facteurs peuvent avoir une incidence semblable sur la coulabilité : brevet 502, au para 45; premier rapport de M. Barnes, aux para 182‑183; transcription confidentielle, jour 12, aux p 68‑70; jour 13, à la p 30. Le simple fait de supposer qu’une particule qui a été traitée avec un gaz additif et qui a la coulabilité souhaitée a effectivement une couche d’appauvrissement, en particulier une couche plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif, est incompatible avec la revendication 1 et est, de fait, un raisonnement circulaire.

[399] Les hypothèses de M. Mostaghimi concernant les témoins négatifs AP&C b) et d) montrent aussi une logique circulaire. M. Mostaghimi a conclu que les témoins négatifs n’ont pas de couche d’appauvrissement parce qu’ils [traduction] « ne devraient pas en posséder » une : deuxième rapport de M. Mostaghimi, au para 467. Plutôt que d’évaluer cette prévision, il la traite simplement comme un fait et utilise ces échantillons comme témoins négatifs, et ce, malgré le fait que l’échantillon b) d’AP&C a en fait été traité avec un gaz additif (air, mais pas oxygène), tandis que l’échantillon d) d’AP&C a montré une bonne coulabilité et avait une distribution granulométrique beaucoup plus grande que les autres échantillons (et plus élevée que les paramètres de coulabilité de la revendication 1), ce qui peut avoir une incidence sur l’absorption d’oxygène : exposé conjoint des faits, aux para 143‑144; rapport de Tascon, à la p 2; transcription confidentielle, jour 12, aux p 39‑43.

[400] L’acceptation par M. Gardella de la présence ou de l’absence d’une couche d’appauvrissement dans les échantillons témoins n’était pas non plus étayée. M. Gardella a affirmé sans ambages que la différence dans les profils de profondeur de l’oxygène entre les échantillons traités à l’oxygène et les échantillons non traités [traduction] « révèle la présence de la couche d’appauvrissement qui est décrite dans les brevets » : premier rapport de M. Gardella, au para 175. Il n’a fait aucun contrôle ni tenté de comparer les témoins positifs ou les témoins négatifs aux renseignements contenus dans le brevet avant de conclure que les témoins positifs disposaient d’une couche d’appauvrissement, contrairement aux témoins négatifs.

[401] M. Cima a également tiré ses conclusions sur la présence ou l’absence d’une couche d’appauvrissement en fonction du traitement à l’oxygène et de la coulabilité des échantillons d’AP&C. Encore une fois, il semble s’être trompé au sujet de l’utilisation d’un gaz additif dans l’un des témoins négatifs et de la coulabilité de l’autre : premier rapport de Cima, au para 113; exposé conjoint des faits, aux para 143‑144. Néanmoins, il [traduction] « s’attendait » à ce que les témoins positifs aient une couche d’appauvrissement et que les témoins négatifs n’en aient pas, [traduction] « d’après les enseignements » des deux brevets : premier rapport de M. Cima, aux para 113‑114. Il a conclu que ses prévisions s’étaient avérées parce que le profil ToF‑SIMS de l’oxygène des échantillons a) et c) d’AP&C montrait [traduction] « des quantités d’oxygène relativement plus importantes à des profondeurs plus grandes » que le profil des échantillons b) et d) d’AP&C. Comme je l’ai expliqué plus haut, le brevet 502 ne définit pas ainsi la couche d’appauvrissement. À l’instar de MM. Mostaghimi et Gardella, M. Cima n’a comparé que les profils ToF‑SIMS des témoins positifs et négatifs les uns avec les autres, et ne les a pas comparés à ceux présentés dans le brevet.

[402] Fait à signaler, les profils ToF‑SIMS d’oxygène montrent également que l’échantillon a) d’AP&C contenait [traduction] « des quantités d’oxygène relativement plus importantes à des profondeurs plus grandes » que l’échantillon c) d’AP&C, et que l’échantillon b) d’AP&C contenait [traduction] « des quantités d’oxygène relativement plus importantes à des profondeurs plus grandes » que l’échantillon d) d’AP&C. M. Cima n’explique pas pourquoi le [traduction] « point de démarcation » entre la présence et l’absence d’une couche d’appauvrissement devrait être situé entre l’échantillon c) d’AP&C et l’échantillon b) d’AP&C, d’autant plus que ces courbes deviennent très rapprochées au‑delà de 15 unités arbitraires et se superposent même à environ 25 unités arbitraires : rapport de Tascon, à la p 17; premier rapport de M. Cima, au para 116‑117.

[403] Il vaut la peine de répéter que M. Gardella et M. Cima sont tous deux arrivés à des conclusions sur la présence ou l’absence d’une couche d’appauvrissement dans les échantillons d’AP&C — et dans les échantillons de Tekna — sans entreprendre l’exercice d’interprétation consistant à interpréter le terme comme le ferait la personne versée dans l’art à la lumière du brevet dans son ensemble et de ses connaissances générales courantes.

[404] En particulier, AP&C a eu accès à l’analyse par ToF‑SIMS d’origine effectuée sur les échantillons divulgués dans le brevet 502 (essais 1 à 4), mais aucune tentative n’a été faite pour comparer les profils ToF‑SIMS des échantillons a) à d) d’AP&C avec les résultats de l’analyse antérieure. Dans la mesure où la reproduction des paramètres d’analyse du brevet a posé problème, ce problème montre simplement qu’il est impossible de juger de la présence d’une couche d’appauvrissement sur la base de la divulgation du brevet : deuxième rapport de M. Mostaghimi, au para 431; premier rapport de M. Gardella, au par 170; transcription, jour 10, aux p 32‑33; voir l’analyse aux paragraphes [349][350] ci‑dessus. De plus, AP&C a continué d’avoir accès aux échantillons de poudre d’origine des essais 1 à 4, mais n’a pas utilisé ces échantillons comme témoins ni ne les a analysés pour démontrer la validité de leurs échantillons témoins : troisième rapport de M. Barnes, au para 44.

[405] Nous nous retrouvons donc avec l’hypothèse formulée par les experts d’AP&C, à savoir que les échantillons a) et c) d’AP&C ont une couche d’appauvrissement, alors que les échantillons b) et d) d’AP&C n’en ont pas. En formulant cette hypothèse, AP&C et ses experts visent en fait à assortir le terme couche d’appauvrissement de restrictions et de paramètres qui ne sont pas énoncés dans le brevet 502. Ils cherchent ensuite à comparer les poudres de Tekna non pas au brevet 502, comme l’exige l’analyse relative à la contrefaçon, mais aux paramètres ainsi créés ou substitués.

[406] À mon avis, rien dans les paragraphes 178, 179 ou à la figure 5 du brevet 502 ne permet au breveté d’utiliser ses propres produits comme substitut pour les besoins d’un examen visant à déterminer si les revendications du brevet ont été contrefaites. Comme Tekna l’a souligné, l’analyse réalisée par AP&C repose sur l’accès aux échantillons de cette dernière, auxquels le grand public n’aurait pas accès. En effet, la plupart des données sur ces échantillons sont demeurées confidentielles, même dans le contexte du présent procès.

[407] Aucune explication fondée sur des principes n’a été donnée par AP&C quant à la raison pour laquelle ces échantillons particuliers ont été utilisés comme témoins positifs et témoins négatifs, en particulier pour remplacer ceux du brevet 502. M. Larouche a déclaré que l’avocat (et non M. Mostaghimi) lui a demandé de fournir deux [traduction] «  poudres ordinaires possédant une bonne coulabilité » qui sont devenues les témoins positifs, et [traduction] « les deux poudres ayant subi le moins de traitement possible que nous avons », qui sont devenues les témoins négatifs : transcription confidentielle, jour 9, à la p 15. Comme je l’ai mentionné, et bien que M. Larouche ait parlé de [traduction] « poudres ayant subi le moins de traitement possible », l’un des témoins négatifs avait en fait été traité avec du gaz additif : exposé conjoint des faits, au para 144. Aucun des témoins positifs n’a été traité avec les mêmes paramètres que ceux indiqués dans l’expérience 1 du brevet 502, soit 80 ppm d’air pour l’essai 3 (bien que cela semble être une erreur) et 50 ppm d’oxygène pour l’essai 4 : exposé conjoint des faits, au para 143; pièces 144, 146; transcription confidentielle, jour 9, aux p 15‑18, 48‑50.

[408] M. Mostaghimi a déclaré que les mêmes facteurs qui dicteront si une couche d’appauvrissement sera formée, comme la température, la concentration de gaz additif et la vitesse d’alimentation des fils, influeront également sur la profondeur de la couche d’appauvrissement : deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 52, 55, 308‑309, 404‑406; transcription, jour 10, à la p 40. Selon cette théorie, la modification de ces paramètres de procédé aurait une incidence sur le profil de concentration d’oxygène de la particule résultante, de sorte que deux particules différentes pourraient chacune avoir une couche d’appauvrissement, mais que l’une aurait une concentration d’oxygène plus élevée.

[409] La comparaison effectuée par les experts d’AP&C en vue d’établir la contrefaçon a permis de déterminer si les particules de Tekna correspondaient davantage aux profils normalisés des témoins négatifs ou à ceux des témoins positifs. La « hauteur » relative de ces profils normalisés — qui, encore une fois, n’est pas un effet de la quantité totale d’oxygène dans la particule, mais seulement le rendement relatif en ions à différentes profondeurs par rapport au rendement maximal en ions — est donc importante pour l’analyse.

[410] À titre d’exemple, la courbe ToF‑SIMS de l’échantillon a) de Tekna (lignes vertes) pourrait être décrite comme se situant entre celles des témoins négatifs et celles des témoins positifs d’AP&C, et se rapproche, et parfois chevauche, le témoin positif, comme on l’a observé ci‑dessus : deuxième rapport de M. Mostaghimi, au para 487; troisième rapport de M. Barnes, au par 66. Cela a amené M. Mostaghimi à conclure que l’échantillon [traduction] « correspondait plus [aux courbes] des témoins positifs » et qu’il possédait donc une couche d’appauvrissement : deuxième rapport de M. Mostaghimi, au para 488. Pourtant, si AP&C avait utilisé un témoin positif ayant un profil de concentration d’oxygène plus élevé, ou si elle n’avait utilisé que ses échantillons a) (bleu foncé) et b) (rouge) comme témoins, l’échantillon a) de Tekna pourrait être considéré comme « plus conforme » au témoin négatif et donc comme n’ayant pas de couche d’appauvrissement. Dans cette optique, le choix inexpliqué par AP&C de deux échantillons en particulier comme témoins positifs et de deux autres comme témoins négatifs semble arbitraire, et son processus de comparaison, que M. Gardella considère comme [traduction] « n’ayant pas suffisamment de points de données pour établir une évaluation statistique adéquate », est complètement subjectif et imprévisible : premier rapport de M. Gardella, au para 182. À cet égard, je déplore encore une fois que M. Mostaghimi ait affirmé dans son témoignage qu’il [traduction] « n’ était pas un expert en ToF‑SIMS », alors qu’il avait fait une analyse approfondie des profils ToF‑SIMS et de ce qu’ils illustrent : transcription, jour 11, aux p 35, 139; jour 12, aux p 1‑3.

[411] L’importance des différents paramètres de production au regard des profils d’oxygène ainsi obtenus signifie aussi que la comparaison effectuée par les experts d’AP&C n’était même pas la comparaison que, selon AP&C, la personne versée dans l’art ferait pour évaluer si une particule de poudre présente une couche d’appauvrissement. AP&C affirme que la personne versée dans l’art comprendrait que la présence d’une couche d’appauvrissement peut être déterminée au moyen [traduction] « d’une expérience contrôlée où on fabrique un échantillon sans gaz additif et où on le compare à un échantillon fabriqué en présence de gaz additif » : transcription, jour 15, aux p 37‑38, 76, 82‑85, 179‑181. Cependant, les experts d’AP&C n’ont pas comparé les poudres fabriquées par Tekna avec et sans gaz additif, mais les poudres fabriquées par Tekna avec son équipement dans différentes conditions et avec différents lots de fils, et les poudres fabriquées par AP&C avec son équipement dans différentes conditions et avec différents lots de fils : exposé conjoint des faits, aux para 86, 88, 93, 98, 131, 142‑144. Les experts d’AP&C n’ont pas comparé les échantillons de poudres de Tekna à d’autres échantillons de poudres de Tekna, alors qu’ils auraient dû, selon AP&C, comparer des [traduction] « pommes avec des pommes ».

[412] Une comparaison réalisée uniquement entre des poudres de Tekna pouvait donner des résultats considérablement différents de ceux obtenus entre les poudres de Tekna et les poudres d’AP&C. Par exemple, l’échantillon f) de Tekna a été produit avec très peu d’oxygène et avait une mauvaise coulabilité. Les experts d’AP&C ont tous conclu à l’absence de couche d’appauvrissement : deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 483‑485; premier rapport de M. Gardella, aux para 193‑194; premier rapport de M. Cima, aux para 130‑131. Si cet échantillon avait été utilisé comme témoin « négatif » pour évaluer d’autres poudres, les échantillons b), d) et e) de Tekna auraient été chacun considérés comme ayant un profil ToF‑SIMS d’oxygène avec une « queue » plus haute. Selon la théorie d’AP&C, les particules de ces échantillons auraient donc une couche d’appauvrissement. Pourtant, les experts d’AP&C ont tous conclu que les particules des échantillons b), d) et e) de Tekna n’avaient pas de couche d’appauvrissement d’après la comparaison effectuée de ces échantillons avec des échantillons d’AP&C plutôt qu’avec des échantillons de Tekna. En effet, si l’échantillon f) de Tekna avait été utilisé comme référence, les échantillons b) et d) qu’AP&C a utilisés comme témoins « négatifs » seraient associés à une « queue » plus haute dans le profil ToF‑SIMS et, par conséquent, selon la théorie d’AP&C, les particules de ces échantillons présenteraient une couche d’appauvrissement.

[413] Comme dernier exemple, l’examen visant à déterminer si les particules de l’échantillon b) d’AP&C présentent ou non une couche d’appauvrissement, illustre une fois de plus le caractère arbitraire de l’analyse de la question de la contrefaçon réalisée par AP&C au moyen des échantillons que celle‑ci a choisis comme témoins positifs et témoins négatifs. L’échantillon b) d’AP&C a été fabriqué avec du gaz additif, à savoir une injection d’air : exposé conjoint des faits, au para 144. Selon l’approche d’AP&C, si l’on demandait à une personne versée dans l’art si les particules de l’échantillon b) d’AP&C présentent une couche d’appauvrissement, cette personne comparerait le profil ToF‑SIMS d’oxygène de cet échantillon à celui d’un échantillon fabriqué sans gaz additif, à savoir l’échantillon d) d’AP&C, pour voir si sa « queue » est plus haute. L’échantillon b) d’AP&C a clairement une « queue » plus haute que l’échantillon d) d’AP&C, car les lignes rouges du graphique de droite reproduit au paragraphe [391] sont au‑dessus des lignes roses, en particulier au‑delà de la profondeur associée à la couche d’oxyde natif. Cette observation, selon l’approche d’AP&C, amènerait la personne versée dans l’art à conclure que les particules de l’échantillon b) d’AP&C ont une couche d’appauvrissement. Cependant, tous les experts d’AP&C ont présumé que les particules de l’échantillon b) d’AP&C n’avaient pas de couche d’appauvrissement, et s’en sont servi comme de l’un des témoins négatifs.

[414] Il ressort de l’analyse qui précède que l’approche d’AP&C consistant à comparer les profils ToF‑SIMS et à conclure qu’une couche d’appauvrissement est présente si la « queue » du profil est plus haute, dépend entièrement du profil ToF‑SIMS utilisé comme référence aux fins de la comparaison. Or, le brevet 502 ne précise pas quel profil ToF‑SIMS doit être utilisé comme référence aux fins de comparaison. Il semble qu’AP&C ait été incapable d’utiliser les profils ToF‑SIMS des essais 1 et 2 de la figure 5 du brevet comme référence, puisqu’elle a plutôt utilisé d’autres poudres et ce, sans les analyser par rapport aux poudres de l’un ou l’autre des essais du brevet 502 pour confirmer son hypothèse selon laquelle les particules de deux de ses poudres de référence ont une couche d’appauvrissement alors que deux n’en ont pas.

[415] Je conclus que la prémisse fondamentale sur laquelle repose l’essentiel de l’analyse relative à la contrefaçon réalisée par AP&C et ses experts, à savoir que les particules des échantillons b) et d) d’AP&C n’ont pas de couche d’appauvrissement à la différence des particules des échantillons a) et c) d’AP&C, n’a pas été dûment établie au regard du brevet 502.

[416] Qui plus est, il importe de souligner qu’aucun des experts d’AP&C n’a démontré que la couche d’appauvrissement qui pourrait exister sur les particules des échantillons a) et c) de Tekna est plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif qu’il pourrait y avoir dans ces échantillons. L’analyse que M. Mostaghimi a réalisée sur le fondement du rapport de Tascon montre simplement que les échantillons a) et c) de Tekna ont une couche d’appauvrissement : deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 477‑488. Dans l’analyse relative à la contrefaçon qu’il a ensuite faite, il a simplement répété cette conclusion et le libellé de la revendication 1 et affirmé que, selon lui, les résultats d’analyse de ces deux échantillons « correspondent » aux éléments essentiels de la revendication 1 du brevet 502, notamment que la première couche est une couche d’appauvrissement plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif : deuxième rapport de M. Mostaghimi, au para 497. Toutefois, il n’explique pas pourquoi la présence d’une couche d’appauvrissement signifie nécessairement que la couche d’appauvrissement est plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif, compte tenu surtout de son propre témoignage sur les facteurs pouvant avoir une incidence sur la profondeur de la couche d’appauvrissement.

[417] Fait à noter, M. Mostaghimi n’a pas appliqué le critère que la personne versée dans l’art appliquerait, a‑t‑il dit, pour déterminer la profondeur de la couche d’appauvrissement, à savoir le marqueur auquel la dérivée première de la courbe de concentration par rapport à la courbe de profondeur est véritablement nulle, aux particules des poudres qui présentent une couche d’appauvrissement, ou à celles qui n’en ont pas : deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 60, 94‑95, 430. Par exemple, en examinant les courbes de l’échantillon a) de Tekna, qui sont tirées du rapport de Tascon et reproduites plus haut, il n’a pas tenté de déterminer où la dérivée première de l’une ou l’autre des courbes atteignait véritablement zéro. Il n’a pas non plus appliqué les autres critères qu’il croyait qu’une personne versée dans l’art pourrait appliquer, à savoir le marqueur auquel la concentration d’oxygène atteint 50 % de la valeur maximale : deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 60, 430. Il n’a pas non plus tenté de déterminer, soit à partir des courbes ToF‑SIMS de Tascon, soit autrement, où la couche d’oxyde natif se termine et où la couche d’appauvrissement commence afin de pouvoir comparer leurs profondeurs.

[418] De même, M. Gardella et M. Cima ont conclu que les échantillons a) et c) de Tekna avaient une couche d’appauvrissement, mais aucun d’eux ne dit dans son rapport que la couche d’appauvrissement de ces échantillons est plus profonde et plus épaisse que celle de la couche d’oxyde natif. Comme je l’ai mentionné aux paragraphes [292] à [294] ci‑dessus, ni M. Gardella ni M. Cima n’ont tenté d’interpréter les revendications du brevet 502. Chacun a fait une allusion générale à sa compréhension du brevet 502, mais aucun d’eux n’a examiné le terme plus profond et plus épais de la revendication 1. Et ni l’un ni l’autre n’a dit si les échantillons satisfaisaient ou non à cet élément essentiel ni pour quelle raison il arrivait à cette conclusion : premier rapport de M. Gardella, aux para 195‑196; premier rapport de M. Cima, aux para 109, 120, 124.

[419] M. Cima affirme que la couche d’appauvrissement des particules de ces poudres est [traduction] « de l’ordre de 25 UA [unités arbitraires] ». Après conversion, il arrive à la valeur de 15 à 25 nm, ce qu’il décrit comme étant « plusieurs dizaines de nanomètres d’épaisseur » : premier rapport de M. Cima, au para 135. Toutefois, son rapport n’explique pas pourquoi il a considéré que la couche d’appauvrissement des particules des échantillons a) et c) de Tekna était d’environ 25 unités arbitraires. Comme il a été mentionné plus haut aux paragraphes [269] à [273], M. Cima a déclaré pour la première fois en réponse à une demande de précision de la Cour que sa mesure de [traduction] « plusieurs dizaines de nanomètres » correspond à la couche d’appauvrissement qui commence à environ 6 nm selon la variation marquée de la pente dans la courbe de l’oxygène, et qui se termine à environ 23 % de la concentration maximale : transcription confidentielle, jour 13, aux p 33‑35. J’ai donné ci‑dessus les raisons pour lesquelles j’ai rejeté cet élément de preuve.

[420] Quoi qu’il en soit, aucune des courbes analysées par M. Cima ne franchit le seuil de 23 % de la concentration maximale (c.‑à‑d. 0,23 sur l’axe des Y [traduction] « normalisé par rapport à la valeur maximale ») à une valeur proche de 25 unités arbitraires en profondeur, et encore moins à 25 unités arbitraires sous le seuil marqué de 6 nm entre les couches. Par exemple, dans les courbes reproduites plus haut, on constate que l’échantillon a) (vert) de Tekna franchit le seuil de 23 % de la concentration maximale à environ 10 à 12 unités arbitraires. Le témoignage de M. Cima est donc difficile à comprendre et ne permet pas à la Cour de tirer des conclusions quant à savoir si les particules des échantillons a) et c) de Tekna ont une couche d’appauvrissement plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif. Fait intéressant, M. Cima n’applique pas non plus ses prétendus paramètres de la couche d’appauvrissement aux échantillons b), d), e) ou f) de Tekna, et conclut simplement que leurs particules n’ont pas de couche d’appauvrissement parce que leur courbe de profil d’oxygène se rapproche plus de celle du témoin négatif d’AP&C que de celle du témoin positif.

[421] Par ailleurs, il convient de souligner que la section des conclusions finales écrites d’AP&C portant sur la contrefaçon du brevet 502 (et, simultanément, du brevet 236) ne renvoie même pas aux particules des poudres de Tekna ayant une couche d’appauvrissement qui est plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif, ou ne laisse voir aucune tentative de comparaison de l’épaisseur de la couche d’appauvrissement à celle de la couche d’oxyde natif : conclusions finales d’AP&C, aux para 307‑352. Malgré le fait que le seul élément essentiel en litige aux fins d’établissement de la contrefaçon du brevet 502 était l’existence d’une couche appauvrissement plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif, AP&C a évité soigneusement toute tentative d’évaluer si l’analyse des poudres de Tekna indiquait l’épaisseur de la couche appauvrissement que cette dernière affirme être présente, ou si cette épaisseur était supérieure à celle de la couche d’oxyde natif.

[422] Par conséquent, je conclus que les éléments de preuve produits par AP&C sur le fondement du rapport de Tascon, des profils TOF‑SIMS qui y figurent et de l’analyse de ces profils par ses experts ne démontrent pas qu’il y a eu contrefaçon, même au regard des diverses théories contradictoires sur la portée de la revendication 1 qui ont été présentées. Au contraire, la preuve d’expert et les tentatives faites par AP&C en vue de démontrer la contrefaçon par une comparaison avec ses propres produits plutôt que par les paramètres énoncés dans le brevet 502 ne font que souligner l’impossibilité d’évaluer si, au regard des revendications et de la divulgation du brevet, une particule de poudre a la couche d’appauvrissement prévue par la revendication 1.

[423] Je conclus cette section par deux questions précises concernant la preuve d’AP&C et les arguments relatifs à la contrefaçon que celle‑ci a avancés. La première porte sur l’échantillon a) de Tekna. Les parties conviennent que la concentration d’oxygène dans cet échantillon de poudre est de 1 400 ppm : exposé conjoint des faits, au para 142. Cela ne correspond pas à l’exigence de l’élément 1c) selon laquelle la poudre de métal réactif brute munie de ladite couche de surface, contient moins de 1 000 ppm d’au moins un élément d’au moins un gaz additif. M. Mostaghimi a soutenu que [TRADUCTION] « l’ajout » d’oxygène dans la particule était inférieur à 1 000 ppm, mais la restriction de l’élément 1c) renvoie à la quantité totale du composant du gaz additif dans l’entièreté de la particule, et non uniquement dans « l’ajout », comme il a été mentionné plus haut aux paragraphes [180] à [202] : transcription, jour 11, aux p 88‑90. Par conséquent, cette particule ne répond pas à tous les éléments essentiels de la revendication 1, même si elle avait une couche d’appauvrissement plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif.

[424] La deuxième question a trait à l’argument de Tekna selon lequel AP&C n’a pas prouvé la contrefaçon de quelque revendication que ce soit puisqu’elle n’a pas démontré que l’oxygène présent sous la couche d’oxyde natif est sous la forme d’un composé de réaction, c’est‑à‑dire un oxyde. Cet argument est fondé sur l’opinion de M. Barnes selon laquelle la personne versée dans l’art comprendrait que la couche d’appauvrissement consiste en un produit de réaction du gaz additif avec la source de métal réactif. Comme je l’ai mentionné aux paragraphes [232] à [242], j’ai conclu que la personne versée dans l’art n’interpréterait pas la revendication 1 du brevet 502 comme exigeant que les atomes ou les molécules du gaz additif soient présents dans la couche d’appauvrissement sous forme d’un produit de réaction. L’argument de Tekna à cet égard est donc rejeté pour la plupart des revendications du brevet 502.

[425] Toutefois, la revendication dépendante 41 exige que la source de métal réactif soit exposée au gaz additif dans la zone thermique d’un atomiseur. Comme il est mentionné aux paragraphes [309] et [310], la définition que donnent les inventeurs du terme zone thermique d’un atomiseur intègre la réaction des atomes électronégatifs du gaz additif qui produit une couche d’appauvrissement. J’ai conclu que la personne versée dans l’art interpréterait donc la revendication 41 comme incluant, contrairement à la revendication 1, l’exigence selon laquelle la couche d’appauvrissement est formée à l’aide du produit de réaction du gaz additif avec la source de métal réactif. AP&C n’a pas démontré, ni tenté de démontrer, que l’oxygène sous la surface des particules des poudres de Tekna est présent sous la forme d’un produit de réaction, c’est‑à‑dire un oxyde métallique, et n’a donc pas démontré qu’il y a contrefaçon de la revendication 41 et des revendications qui en dépendent. Parallèlement, je souligne que la revendication la plus restreinte invoquée par AP&C est dépendante de la revendication 41, mais AP&C invoque également des revendications plus générales, dont des revendications qui ne dépendent pas de la revendication 41.

(d) L’extrapolation

[426] AP&C soutient que la Cour peut extrapoler à partir de la preuve relative aux échantillons a) et c) de Tekna qu’entre 40 et environ 80 % de la poudre produite par Tekna au cours de la période pertinente contrefait le brevet 502 : conclusions finales d’AP&C, aux para 346‑351; transcription, jour 15, aux p 185‑186.

[427] Il ne fait aucun doute qu’il peut être nécessaire et approprié pour la Cour d’extrapoler à partir d’échantillons représentatifs d’un produit contrefaisant afin de pouvoir tirer des conclusions générales sur la question de la contrefaçon fondées sur une analyse des échantillons : Bombardier Produits Récréatifs Inc c Arctic Cat Inc, 2017 CF 207 aux para 448‑469 [Bombardier (CF)], inf en partie pour d’autres motifs par Bombardier (CAF). Toutefois, comme le juge Roy l’a admis dans la décision Bombardier (CF), pour que la Cour puisse extrapoler à partir d’exemplaires, elle doit être convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que les exemplaires sont contrefaisants et représentatifs de l’ensemble plus large des produits visés : Bombardier (CF), aux para 448‑451, 466‑469.

[428] Dans la présente affaire, les seuls exemplaires examinés sont les échantillons a) et c) de Tekna. Comme je l’ai expliqué plus haut, je ne suis pas convaincu qu’AP&C a établi que ces échantillons contrefont les revendications invoquées du brevet 502. Toutefois, même si AP&C avait démontré que, selon l’approche relative à la couche d’appauvrissement, les échantillons a) et c) de Tekna contrefont le brevet 502, je ne suis pas convaincu qu’elle aurait démontré que ces échantillons sont suffisamment représentatifs pour que la même conclusion puisse s’appliquer à d’autres échantillons de Tekna.

[429] Dans son analyse relative à la contrefaçon, M. Mostaghimi a conclu que les particules des poudres des échantillons a) et c) de Tekna ont une couche d’appauvrissement, qu’elles ont été traitées avec un gaz additif et qu’elles présentent de meilleures caractéristiques d’écoulement. Comme je l’ai mentionné, M. Mostaghimi est d’avis, sans aucune autre analyse, que ces poudres répondent aux éléments essentiels de la revendication 1 relatifs à la couche de surface, notamment qu’elles ont une couche d’appauvrissement plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif : deuxième rapport de M. Mostaghimi, au para 497. Il ajoute qu’il [traduction] « s’attendait à ce que d’autres poudres fabriquées par atomisation par Tekna depuis mai 2017, qui sont traitées avec des gaz additifs et qui présentent de bonnes caractéristiques d’écoulement, présentent également ces éléments essentiels » : deuxième rapport de M. Mostaghimi, au para 497. L’extrapolation de M. Mostaghimi à d’autres produits de Tekna est donc fondée sur sa [traduction] « prévision » selon laquelle les poudres traitées avec un gaz additif qui répondent aux paramètres d’écoulement prédéterminés ont des particules qui doivent avoir une couche d’appauvrissement au sens du brevet : deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 497‑511; pièces M et N; transcription confidentielle, jour 11, aux p 14‑15.

[430] Pour les motifs exposés plus haut, j’estime que ce raisonnement est circulaire et vise à prouver l’existence de l’un des éléments essentiels de la revendication par la présence de deux autres éléments essentiels de la revendication. La preuve n’étaye pas cette inférence ou cette corrélation. Au contraire, comme M. Mostaghimi l’a reconnu, le recours à un gaz additif n’entraîne pas toujours la formation d’une couche d’appauvrissement, qui dépend d’autres paramètres : transcription, jour 11, aux p 131‑132; transcription confidentielle, jour 12, aux p 56‑57. Il a également reconnu que le fait de présenter une coulabilité prédéterminée n’indique pas la présence d’une couche d’appauvrissement, et vice versa : transcription confidentielle, jour 12, aux p 68‑71; deuxième rapport de M. Mostaghimi, au para 279. Néanmoins, il conclut que la présence d’un gaz additif et d’une bonne coulabilité signifie qu’il y a nécessairement une couche d’appauvrissement.

[431] Ainsi, même selon la preuve de M. Mostaghimi, une bonne coulabilité peut être le résultat de facteurs autres que la présence d’une couche d’appauvrissement. Or, M. Mostaghimi ne présente aucune analyse ni explication au soutien de son affirmation selon laquelle une bonne coulabilité des poudres fabriquées à l’aide d’un gaz additif doit être le résultat ou l’indication de la présence d’une couche d’appauvrissement. En particulier, compte tenu de la subjectivité de l’analyse sur laquelle il fonde sa conclusion que les particules des échantillons a) et c) de Tekna ont une couche d’appauvrissement, alors que celles des échantillons b) et d) de Tekna n’en ont pas, je ne suis pas convaincu que la preuve montre que les « prévisions » de M. Mostaghimi sont suffisantes pour considérer les échantillons comme représentatifs, ou pour conclure que toute autre poudre de Tekna qui satisfait à d’autres éléments essentiels satisfait également à celui de la présence d’une couche d’appauvrissement : troisième rapport de M. Barnes, aux para 75‑79; pièce 75.

[432] Je conviens également avec M. Barnes qu’il y a une certaine ironie, ou du moins une certaine incohérence, dans la tentative de M. Mostaghimi de faire une extrapolation à partir des deux échantillons de Tekna : troisième rapport de M. Barnes, aux para 80–81. En ce qui concerne la preuve de M. Barnes sur les échantillons analysés qui n’étaient pas ceux du brevet 502, M. Mostaghimi a fait remarquer qu’il y avait peu de renseignements sur la façon dont les échantillons avaient été fabriqués, conservés et manipulés, de sorte qu’il était [traduction] « difficile, voire impossible » de tirer des conclusions sur l’incidence de la couche d’appauvrissement sur la coulabilité de la poudre : deuxième rapport de M. Mostaghimi, au para 272‑278. Il a souligné en outre que la présence d’une couche d’appauvrissement ne permettait pas de savoir si une poudre présenterait une excellente coulabilité : deuxième rapport de M. Mostaghimi, au para 279. Pourtant, M. Mostaghimi était prêt à conclure qu’une poudre traitée avec du gaz additif (sans égard aux autres conditions de fabrication, de conservation ou de manutention) et dont la coulabilité est éprouvée présente une couche d’appauvrissement par définition. À mon avis, ni la preuve ni le brevet n’appuient une telle extrapolation.

[433] Je n’accepte pas non plus l’affirmation d’AP&C selon laquelle M. Barnes a concédé en contre‑interrogatoire qu’un certain pourcentage de la production de Tekna aurait une couche d’appauvrissement si les particules des échantillons a) et c) de Tekna en avaient une. Bien que M. Barnes ait accepté la question tautologique de l’avocat qui supposait la présence d’une couche d’appauvrissement, il n’a pas reconnu qu’une certaine quantité d’un gaz additif était nécessairement suffisante pour générer une couche d’appauvrissement, ou qu’un pourcentage précis de la production de Tekna aurait une couche d’appauvrissement comme on pourrait l’extrapoler à partir des échantillons a) et c) de Tekna : transcription confidentielle, jour 6, aux p 45‑50.

[434] Cela dit, je suis d’accord avec Tekna pour dire que, compte tenu de la scission de l’instance, la question de l’extrapolation serait pertinente principalement en ce qui concerne les dommages‑intérêts, qui relèvent du volet du procès relatif à la responsabilité. Toutefois, dans la mesure où les extrapolations présentées pourraient être pertinentes pour l’examen des questions relatives à la réparation dans le présent volet, la preuve ne permet pas d’extrapoler à partir des échantillons a) et c) de Tekna la présence d’une couche d’appauvrissement sur d’autres poudres de Tekna.

(e) La preuve de Tekna concernant la non‑contrefaçon

[435] M. Barnes a organisé l’analyse d’une série d’échantillons de poudre provenant de Tekna et d’AP&C à l’aide de la technique de la spectroscopie de rayons X à dispersion d’énergie (EDS) couplée à la microscopie électronique à transmission (TEM) : premier rapport de M. Barnes, aux para 649‑662. La technique TEM‑EDS consiste à découper une coupe transversale très mince (une lamelle) perpendiculairement par rapport à la surface de la particule par fraisage et à mesurer la concentration des éléments à différentes profondeurs de la lamelle : premier rapport de M. Barnes, aux para 663‑668, 711‑719. La lamelle est suffisamment mince (moins de 100 nm) pour être transparente aux électrons, ce qui permet à la TEM de visualiser et de mesurer la couche d’oxyde natif et de prendre des mesures de la concentration à diverses profondeurs à l’intérieur de la couche d’oxyde natif et sous cette dernière à l’aide de l’EDS.

[436] Les échantillons de poudre analysés par TEM‑EDS étaient les quatre poudres d’AP&C produites et analysées dans les essais 1 à 4 du brevet 502, et les huit poudres de Tekna, dont sept étaient des poudres d’alliage de titane (Ti‑6Al‑4V) [dont les échantillons a), d), e) et f) de Tekna], tandis qu’une était un alliage d’aluminium : premier rapport de M. Barnes, au para 674. Après un faux départ à l’Université Purdue, les analyses ont été menées au laboratoire CM2 de l’École Polytechnique de Montréal : premier rapport de M. Barnes, aux para 697‑698, 704‑720. Les lamelles proviennent de divers échantillons, la couche d’oxyde a été l’objet d’observations et de mesures, et les mesures de concentration ont été prises dans des [traduction] « zones » d’environ 5 nm de diamètre le long d’une ligne, à des profondeurs (dans la couche d’oxyde) de 0 nm, 5 nm, 10 nm, 20 nm, 50 nm, 100 nm et 1 000 nm (1 µm) : premier rapport de M. Barnes, aux para 715‑719; transcription, jour 6, à la p 48.

[437] M. Barnes a présenté les concentrations d’oxygène des poudres obtenues par TEM‑EDS sur des graphiques montrant le rapport de l’intensité en oxygène en fonction de la profondeur en nanomètres : premier rapport de M. Barnes, aux para 728, 802, 805. Selon son interprétation des données, la concentration d’oxygène de tous les échantillons atteint un maximum dans la couche d’oxyde à la surface (c.‑à‑d. sur l’axe des y à 0 nm), présente un [traduction] « déclin marqué » dans les 5 à 10 premiers nm, puis « se stabilise essentiellement » à environ 10 nm : premier rapport de M. Barnes, aux para 725‑730, 803, 806. M. Barnes a conclu que ces données ne correspondaient pas à une couche d’appauvrissement de dizaines de nanomètres pour l’un ou l’autre des échantillons, y compris l’un des quatre échantillons des essais 1 à 4 du brevet 502 (même si dans l’essai 3, on a observé une couche d’oxyde plus épaisse) : premier rapport de M. Barnes, aux para 729, 802‑806. Sur cette base, M. Barnes a conclu qu’aucune des poudres de Tekna analysées n’avait de particules avec une couche d’appauvrissement et qu’aucune d’entre elles ne contrefaisait donc une revendication du brevet 502 : premier rapport de M. Barnes, aux para 884‑885. M. Barnes a également fait remarquer que les profils TEM‑EDS d’oxygène des poudres de Tekna étaient semblables à ceux des essais 1 et 2 d’AP&C, qui ont été réalisés sans gaz additif : premier rapport de M. Barnes, au par 886.

[438] Les experts d’AP&C ont critiqué le recours à la TEM‑EDS et l’analyse des données résultantes de M. Barnes. M. Mostaghimi et M. Gardella ont fourni de brèves réponses, mais l’essentiel de ce qu’AP&C reprochait aux analyses TEM‑EDS figure dans le témoignage de M. Cima : deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 232‑234; premier rapport de M. Gardella, aux para 162‑164; premier rapport de M. Cima, aux para 29‑32, 90‑108.

[439] M. Cima présente trois grandes critiques à l’égard de l’analyse de M. Barnes. La première est simplement que M. Barnes a utilisé l’analyse TEM‑EDS plutôt que l’analyse par ToF‑SIMS du brevet 502 : premier rapport de M. Cima, au para 93. Par conséquent, j’accorde peu de poids à cette critique. Rien dans le brevet 502 n’indique que la ToF‑SIMS est la seule méthode d’analyse capable de détecter ou d’identifier une couche d’appauvrissement. Le brevet 502 indique plutôt, comme AP&C le soutient elle‑même, qu’une couche d’appauvrissement est quelque chose qui existe dans la composition chimique de la surface de la particule, c’est‑à‑dire que c’est un [traduction] « état de la matière ». Toute méthode d’analyse qui peut raisonnablement permettre d’identifier et de caractériser la composition de la surface d’une particule de poudre peut donc être utile pour détecter et identifier une couche d’appauvrissement, même si elle n’est pas mentionnée dans le brevet 502. AP&C elle‑même a reconnu que les résultats de la TEM‑EDS ne devraient pas être ignorés simplement parce que cette méthode d’analyse n’est pas mentionnée dans le brevet : transcription, jour 165, aux p 138‑139.

[440] En effet, une méthode permettant de distinguer la couche d’oxyde natif de la couche d’appauvrissement serait particulièrement utile pour déterminer si un procédé est visé par les revendications du brevet 502. Comme il a été mentionné précédemment, les résultats de l’analyse par ToF‑SIMS effectuée par AP&C et ses experts laissent croire que la ToF‑SIMS ne convient pas particulièrement bien à cette tâche, car aucun expert n’a été en mesure, ou même tenté, de distinguer la couche d’oxyde natif de la couche d’appauvrissement par analyse par ToF‑SIMS, sans tenir compte de la brève mention de M. Cima de la variation de pente : transcription confidentielle, jour 13, à la p 34, voir aussi jour 9, à la p 61. Par contre, la technique TEM‑EDS permet à la fois la visualisation de la couche d’oxyde natif, qui apparaît comme une couche plus sombre mesurable à la surface de la particule, et l’analyse de la concentration d’éléments dans et sous cette couche.

[441] Je souligne que M. Cima a également soutenu que M. Barnes avait justifié le recours à la TEM‑EDS plutôt qu’à la ToF‑SIMS par le fait que la ToF‑SIMS était difficile à mettre en œuvre : premier rapport de M. Cima, aux para 29, 93. Je conviens avec M. Barnes que cette critique est difficile à comprendre, car l’explication de M. Barnes sur le choix de la TEM‑EDS n’était pas fondée sur le fait que cette technique était plus facile à exécuter que la ToF‑SIMS. En effet, il a expressément souligné les difficultés pratiques associées à la TEM‑EDS, notamment la préparation [traduction] « fastidieuse et difficile » des lamelles : premier rapport de M. Barnes, aux para 655‑667; troisième rapport de M. Barnes, au para 147.

[442] La deuxième critique de M. Cima est que la TEM‑EDS ne donne pas une concentration moyenne d’oxygène en fonction de la profondeur. M. Cima fait remarquer que l’oxygène se diffusera différemment le long des limites des grains à l’intérieur des cristaux qui se forment dans une poudre de métal, de sorte que la quantité d’oxygène peut être différente à différents endroits d’une même profondeur de la surface. Comme la TEM‑EDS mesure la concentration à certains endroits le long d’une ligne dans une lamelle très mince, les données qu’elle génère proviennent d’une plus petite section de la particule qu’avec la ToF‑SIMS, car pour cette dernière, une région beaucoup plus grande de la particule est bombardée pour créer le profil de profondeur : premier rapport de M. Cima, aux para 30, 105‑108; transcription confidentielle, jour 13, aux p 1‑2.

[443] Je reconnais, comme l’a fait M. Barnes, que l’oxygène peut se diffuser à des vitesses différentes le long des limites du cristal dans une particule de poudre : troisième rapport de M. Barnes, au para 151. Cependant, M. Cima n’a pas expliqué de façon compréhensible en quoi la préoccupation générale au sujet de la taille de la zone mesurée par TEM‑EDS ou la préoccupation plus précise quant aux différentes vitesses de diffusion de l’oxygène expliqueraient les profils de profondeur de l’oxygène obtenus par TEM‑EDS. Comme M. Barnes l’a souligné, chacun des échantillons montre des concentrations d’oxygène mesurées relativement constantes, plutôt que les concentrations aberrantes auxquelles on pourrait s’attendre si une mesure donnée n’est pas représentative de la moyenne : premier rapport de M. Barnes, au para 728; troisième rapport de M. Barnes, au para 155. De plus, l’une des mesures de concentration était visiblement à la limite d’un cristal, mais ne montrait aucune variation matérielle par rapport aux autres mesures de la particule : premier rapport de M. Barnes, au para 728; troisième rapport de M. Barnes, au para 156. Dans son témoignage, M. Cima n’a pas été invité à répliquer aux observations formulées par M. Barnes en réponse à ses critiques.

[444] La troisième critique de M. Cima était que M. Barnes [traduction] « a fait preuve de négligence lorsqu’il ne s’est pas rendu compte » que les lamelles de l’alliage de titane réagissaient avec l’oxygène à la température ambiante pour créer une couche d’oxyde, et qu’il [traduction] « n’a pris aucune précaution pour prévenir une telle réaction » : premier rapport de M. Cima, aux para 32, 95‑97. Encore une fois, les termes employés dans cette critique sont difficiles à concilier avec ce que M. Barnes dit expressément dans son rapport sur le Ti‑6Al‑4V, qui est sujet à l’oxydation, et sur les mesures précises prises lors du fraisage des lamelles pour réduire au minimum toute oxydation potentielle de la surface qui pourrait survenir lors de la création d’une nouvelle surface pendant le procédé d’amincissement : premier rapport de M. Barnes, au para 717; troisième rapport de M. Barnes, au para 162‑164.

[445] De plus, comme M. Barnes le fait remarquer, M. Cima mentionne des publications qui font état de la réaction entre l’oxygène et les surfaces de titane propres à la température ambiante au cours des [traduction] « 200 premières minutes » d’exposition, et qui décrivent des expériences dans lesquelles des pellicules sont exposées à de l’oxygène pur pendant 24 heures, ce qui a donné une couche d’oxyde d’environ 2,6 nm : premier rapport de M. Cima, aux para 98‑99. M. Cima semble supposer, sans explication, qu’une couche d’oxyde d’épaisseur semblable apparaîtrait ou aurait pu apparaître à la surface des lamelles après une exposition à l’air (et non à l’oxygène) à la température ambiante à l’intérieur de quelques minutes : premier rapport de M. Cima, aux para 100‑103; transcription confidentielle, jour 13, à la p 7; troisième rapport de M. Barnes, aux para 166‑167.

[446] Dans tous les cas, M. Cima était d’avis que la couche d’oxyde ainsi obtenue aurait la même épaisseur pour toutes les lamelles, de sorte qu’elle apporterait à une lamelle plus mince une plus grande quantité relative d’oxygène, et à une lamelle plus épaisse, une plus faible quantité relative d’oxygène : premier rapport de M. Cima, aux para 100‑101; transcription confidentielle, jour 13, aux p 7‑8. Cette hypothèse peut expliquer le fait que les profils de concentration d’oxygène des échantillons présentaient des rapports d’intensité totale en oxygène variables (c.‑à‑d. des courbes de hauteurs variables sur l’échelle du rapport d’intensité en oxygène) : premier rapport de M. Barnes, au para 128; premier rapport de M. Cima, aux para 101‑104; transcription confidentielle, jour 13. Toutefois, elle n’explique pas l’absence dans ces profils de toute variation de la concentration d’oxygène qui pourrait être associée à une couche d’appauvrissement. En fait, la présence d’une couche supplémentaire d’oxyde aurait tendance à augmenter la concentration apparente d’oxygène dans la couche : troisième rapport de M. Barnes, au para 168. En effet, bien que M. Cima ait soulevé cette préoccupation pour souligner l’incertitude associée aux concentrations d’oxygène mesurées, il n’a pas expliqué comment son hypothèse pourrait entraîner une stabilisation des concentrations d’oxygène observées après 10 nm, ni comment elle pourrait vouloir dire qu’une couche d’appauvrissement (même selon sa compréhension) était présente, mais n’a pas été observée dans les résultats de TEM‑EDS.

[447] Lors du contre‑interrogatoire de M. Barnes et dans ses conclusions finales, AP&C a soulevé deux autres points contre l’analyse par TEM‑EDS qui ne sont pas mentionnés dans les rapports de ses experts. Le premier concerne le logiciel exclusif utilisé par l’École Polytechnique de Montréal pour [traduction] « déconvoluer » les pics d’EDS créés par l’oxygène, le titane et le vanadium lors des analyses, et les énergies signature de ces éléments utilisées dans la compilation du profil d’intensité en oxygène : transcription confidentielle, jour 6, aux p 4‑15; deuxième rapport de M. Barnes, pièces JB‑40, JB‑41. AP&C soutient qu’il existe des différences entre les énergies de signature déclarées pour les éléments et les chiffres qui figurent dans la feuille de calcul confidentielle fournie par l’École Polytechnique de Montréal dans son rapport : conclusions finales d’AP&C, aux para 286‑293. Après avoir examiné l’interrogatoire et le rapport sous‑jacent sur ces questions, je ne suis pas convaincu que le contre‑interrogatoire d’AP&C mine sensiblement les résultats d’analyse par TEM‑EDS ou [traduction] « remet en question l’ensemble des données de TEM‑EDS », comme AP&C l’affirme, pour les motifs suivants.

[448] Premièrement, même si AP&C a indiqué à M. Barnes que le site Web du National Institute of Standards and Technology (NIST) ne tenait pas à jour les valeurs théoriques d’énergie pour l’oxygène, les renseignements de l’École Polytechnique de Montréal indiquaient que les valeurs utilisées provenaient d’une base de données du logiciel DNSA‑II du NIST, et non du site Web du NIST : deuxième rapport de Barnes, pièce JB‑41, à la p 1. Je ne suis donc pas convaincu que la preuve démontre que l’École Polytechnique de Montréal a fait une déclaration erronée concernant la source de la valeur théorique de l’énergie du pic d’oxygène Kα.

[449] Deuxièmement, je ne suis pas non plus convaincu, d’après les questions posées à M. Barnes et les mentions à propos de la feuille de calcul de la pièce JB‑40 dans le deuxième rapport de M. Barnes, que l’École Polytechnique de Montréal [traduction] « a utilisé » un pic de signature d’oxygène incorrect ou qu’elle « a violé son propre principe d’utilisation des étalons », comme le suggère AP&C. Les cellules de la feuille de calcul sur lesquelles AP&C attire l’attention ont clairement des valeurs qui sont différentes les unes des autres et de la valeur de pic Kα de l’oxygène publiée de 0,524 9 eV. Cependant, rien n’indique qu’il s’agit de valeurs d’entrée par opposition à des valeurs mesurées, ou que la variation est due à une variation expérimentale prévue ou non : transcription confidentielle, jour 6, aux p 12‑13.

[450] Troisièmement, et dans le même ordre d’idées, ni M. Cima ni aucun autre expert n’a soulevé cette question dans un rapport qui permettrait un examen plus raisonné de la question que celui que M. Barnes a pu présenter en contre‑interrogatoire. Le deuxième rapport de M. Barnes, qui comprend les données en question, a été produit en février 2022, environ huit mois avant l’instruction. M. Cima a produit son premier rapport en juin 2022 et son deuxième rapport en octobre 2022. Ni l’un ni l’autre de ces rapports n’a suscité de réserves à propos des données présentées à l’annexe JB‑40. À l’instruction, M. Cima a dit qu’il [traduction] « en avait appris un peu plus sur l’approche par la suite » (sans qu’on sache de qui) et qu’il [traduction] « [était] désormais d’avis qu’il pourrait y avoir des problèmes » : transcription confidentielle, jour 13, à la p 32. Cependant, même à l’instruction, lorsque la question a été examinée avec M. Barnes, soit environ dix jours plus tôt, M. Cima a dit qu’il [traduction] « ne [savait] pas quelles en seraient les conséquences » et que cette question [traduction] « devrait certainement être examinée », sans plus : transcription confidentielle, jour 13, à la p 33.

[451] La Cour ne peut pas conclure de ce qui précède que les essais et les analyses de Polytechnique Montréal présentés dans les rapports de M. Barnes ne sont pas fiables, tant s’en faut. Entre autres, si M. Cima avait fait part de ses réserves plus tôt ou s’il avait tenté de tirer une conclusion sur leurs implications, M. Barnes aurait peut‑être été en position d’examiner la question plus en profondeur, d’évaluer les cellules en question et de consulter Polytechnique Montréal. En l’absence d’éléments probants dans un rapport d’expert, les questions hypothétiques posées à M. Barnes (comme celle selon laquelle [traduction] « si le pic de signature d’oxygène utilisé dans la pièce JB‑41 était […] erroné, cela remettrait en question les conclusions qui pourraient être tirées ») ne constituent pas un fondement probant permettant de rejeter les données de TEM‑EDS.

[452] La deuxième difficulté soulevée par les données de TEM‑EDS présentées par AP&C en contre‑interrogatoire et en plaidoirie, mais non par ses experts, concerne le choix des diverses profondeurs auxquelles la concentration d’oxygène a été mesurée : transcription, jour 6, aux p 53‑55; conclusions finales d’AP&C, aux para 294‑303. AP&C soutient que l’approche consistant à effectuer la première analyse à 0 nm et la seconde à 5 nm a entraîné une [traduction] « lacune » dans les données sur les premiers 2,5 nm à l’intérieur de la couche d’oxyde. AP&C soutient que les données de TEM‑EDS n’indiquent pas d’intensité en oxygène pour cette lacune, et que cela est [traduction] « troublant », puisque le brevet 502 (et le brevet 236) montre la plus grande concentration d’oxygène immédiatement sous la couche d’oxyde natif.

[453] Il semble que cet argument vise les opinions de M. Barnes sur la possibilité que l’oxygène diffuse dans la couche d’oxyde de la particule. Je n’ai pas eu besoin d’examiner cette question, qui porte principalement sur les arguments avancés par Tekna sur la question de l’utilité, compte tenu de mes autres conclusions. Même sur cette question, la pertinence de la région de 2,5 nm sous la couche d’oxyde natif est loin d’être claire. Aucun expert n’a laissé entendre que la concentration d’oxygène à cet endroit devrait être une valeur autre que quelque part sur le gradient de concentration entre les mesures environnantes.

[454] Quoi qu’il en soit, la Cour n’est pas en mesure de comprendre pourquoi cette zone [traduction] « lacunaire » est pertinente pour démontrer la présence d’une couche d’appauvrissement, en particulier une couche plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif. Le brevet ne suggère certainement pas que la couche d’appauvrissement serait présente dans l’espace situé entre 0 et 5 nm, ni même entre 5 et 10 nm. Aucun des experts, ni même AP&C, n’a laissé entendre que c’est là que la couche d’appauvrissement serait présente. Je souligne encore une fois que ni M. Cima, qui a examiné de près les analyses par TEM‑EDS, ni l’un ou l’autre des experts d’AP&C n’ont semblé s’être inquiétés d’une zone sans mesures entre 0 nm et 5 nm.

[455] En général, j’estime qu’aucune des critiques soulevées par M. Cima à l’égard des résultats de TEM‑EDS, ou celles soulevées AP&C sans preuve d’expert, soient convaincantes au point de miner la fiabilité de l’analyse par TEM‑EDS. Cette analyse semble montrer que toutes les particules testées ont une couche d’oxyde, mais que la concentration en oxygène de la particule diminue rapidement dans les premiers 5 à 10 nm de la particule, puis se stabilise généralement.

[456] Il est difficile de dire que les résultats de TEM‑EDS montrent clairement que les particules des poudres de Tekna n’ont pas de couche d’appauvrissement au sens des revendications du brevet 502 pour la simple raison que, comme il a été expliqué précédemment, la personne versée dans l’art serait incapable de comprendre ce que signifie le terme couche d’appauvrissement. Toutefois, je suis convaincu que les résultats d’analyse constituent un motif de plus pour conclure que la preuve n’établit pas que Tekna a contrefait les revendications du brevet 502.

D. Conclusion

[457] Pour les motifs qui précèdent, je conclus que le brevet 502 est invalide et qu’AP&C n’a pas démontré que Tekna a contrefait les revendications du brevet 502.


V. Brevet canadien 3 051 236

A. L’interprétation des revendications

(1) Introduction

[458] Le brevet 236 compte pas moins de 147 revendications, dont 11 revendications indépendantes, soit les revendications 1, 9, 21, 39, 57, 64, 66, 73, 90, 98 et 104. Les parties ont consacré peu de temps dans leur argumentation à la question de l’interprétation des revendications autres que la revendication 1 et elles ont en grande partie traité de l’interprétation de celle‑ci en même temps que de la revendication 1 du brevet 502.

[459] Bien que chaque brevet doive être interprété de façon indépendante, les parties ont chacune soutenu que, s’agissant des deux brevets, la divulgation, la personne versée dans l’art et les connaissances générales courantes sont les mêmes, de sorte que les mêmes termes des deux brevets devraient recevoir une même interprétation et, en particulier, que l’interprétation qu’elles proposent devrait s’appliquer aux revendications des deux brevets : transcription, jour 14, aux p 60‑63, et jour 15, à la p 41; voir aussi le premier rapport de M. Barnes, aux para 58‑60, 421, 422; premier rapport de M. Mostaghimi, aux para 105‑107.

[460] Comme je l’explique ci‑après, la personne versée dans l’art interpréterait la plupart des termes de la revendication 1 du brevet 236 et du brevet 502 de la même façon, mais, dans son interprétation du brevet 236, elle tiendrait compte du libellé particulier des revendications, de sorte qu’à certains égards, son interprétation des revendications du brevet 236 serait différente de celle des revendications du brevet 502.

[461] Comme je l’ai dit, exception faite des numéros de paragraphes, la divulgation du brevet 236 est identique à celle du brevet 502. Pour éviter toute confusion ou incohérence par rapport à l’analyse ci‑dessus, je fais référence ci‑dessous aux paragraphes de la divulgation du brevet 236 en utilisant les numéros de paragraphe du brevet 502, mais j’y ajoute un astérisque pour indiquer que les paragraphes du brevet 236 portent en réalité le numéro précédent. Par exemple, je renverrai aux numéros des deux paragraphes de la divulgation qui traitent de la figure 5, soit les paragraphes 178 et 179 du brevet 502, et les paragraphes 177 et 178 du brevet 236, de la façon suivante : « brevet 236, aux para 178‑179* ».

[462] Comme en ce qui concerne le brevet 502, les experts ont convenu que la personne versée dans l’art considérerait comme essentiel chacun des éléments exposés dans les revendications du brevet 236 : premier rapport de M. Barnes, au para 23g)(iii); premier rapport de M. Mostaghimi, au para 113.

[463] Enfin, je fais observer qu’une copie certifiée du brevet 236 constitue la pièce 2 dans la présente instance. Toutefois, il semble que la pièce 2 ne comprenne pas certaines corrections apportées aux revendications du brevet 236 en 2021. La version du brevet 236 figurant à l’annexe D du premier rapport de M. Mostaghimi semble être la bonne version, soit la version corrigée, et je l’ai utilisée pour les besoins de la présente décision.

(2) Revendications 1 à 4

[464] Le texte des revendications 1 à 4 du brevet 236 suit. Les éléments sont indiqués par des lettres pour faciliter la consultation et les termes examinés ci‑dessous sont soulignés :

[traduction]

1. Un procédé de fabrication par atomisation de poudre de métal réactif comprenant :

a) l’atomisation d’une source de métal réactif chauffée pour produire une poudre de métal réactif brute, où b) l’atomisation de la source de métal réactif chauffée consiste à exposer ladite source de métal réactif chauffée avec un mélange d’atomisation constitué d’un gaz atomisant et d’un gaz additif, où le gaz atomisant est à une température supérieure à celle de la source de métal réactif chauffée,

c) la formation, avec ledit gaz additif, d’une couche d’appauvrissement comprenant un composant du gaz additif sur les particules de la poudre de métal réactif brute, d) la poudre de métal réactif brute ayant une distribution granulométrique de 10 à 53 micromètres et une coulabilité inférieure à 40 s, mesurée selon la norme ASTM B213.

2. Le procédé de la revendication 1, où la couche d’appauvrissement a une profondeur inférieure à 100 nm.

3. Le procédé de la revendication 1 ou 2, comprend en outre :

La formation d’une couche d’oxyde natif découlant de l’exposition de la poudre de métal réactif brute à un gaz contenant de l’oxygène.

4. Le procédé de la revendication 1 ou 2, comprend en outre :

La formation d’une couche d’oxyde natif issue de l’exposition de la poudre de métal réactif brute à une atmosphère qui contient de l’oxygène.

[465] Le lecteur attentif remarquera un certain nombre de similitudes et de différences entre la revendication 1 du brevet 236 et la revendication 1 du brevet 502. Plus particulièrement, la revendication 1 du brevet 236, à l’instar de la revendication 1 du brevet 502, porte sur un procédé de fabrication de poudres de métal réactif par atomisation qui comprend a) l’atomisation d’une source de métal réactif chauffée pour produire une poudre de métal réactif brute, par b) l’exposition de la source avec un mélange d’atomisation composé d’un gaz atomisant et d’un gaz additif, pour c) former une couche d’appauvrissement sur la poudre de métal réactif brute, et d) la poudre de métal réactif brute ayant une distribution granulométrique et une coulabilité données. Fait intéressant, toutefois, la revendication 1 du brevet 236 ne mentionne pas que le procédé comprend la formation d’une couche d’oxyde natif, une restriction qui figure dans les revendications 3 et 4. Ces similitudes et ces différences entraînent des similitudes et des différences dans l’interprétation que ferait la personne versée de ces revendications.

(a) procédé de fabrication par atomisation; atomisation; métal réactif; poudre de métal réactif brute; mélange d’atomisation; gaz atomisant; gaz additif; coulabilité

[466] Je ne vois rien dans les revendications ou la divulgation du brevet 236 qui amènerait la personne versée dans l’art à interpréter les termes procédé de fabrication par atomisation, atomisation, source de métal réactif ou poudre de métal réactif brute différemment de ce qui est mentionné plus haut aux paragraphes [141] à [150] et [156] à [157] : premier rapport de M. Barnes, aux para 422, 427‑429; deuxième rapport de M. Mostaghimi, au para 105.

[467] De même, je conclus que la personne versée dans l’art interpréterait les termes mélange d’atomisation, gaz atomisant et gaz additif de la manière décrite aux paragraphes [158] à [177] ci‑haut relativement au brevet 502, à deux exceptions près : l’une liée à la température du gaz atomisant et l’autre liée à l’ajout du gaz additif.

[468] En ce qui concerne la première exception, comme il est mentionné au paragraphe [159] ci‑haut, la personne versée dans l’art reconnaîtrait que le gaz atomisant de la revendication 1 du brevet 502 peut ou non être chauffé. Toutefois, la revendication 1 du brevet 236 précise que le gaz atomisant présente une température supérieure à celle de la source de métal réactif chauffée, car il serait, par définition, chauffé. Il chaufferait donc et atomiserait la source de métal réactif : premier rapport de M. Barnes, aux para 434‑435.

[469] M. Barnes affirme que la personne versée dans l’art comprendrait que le gaz atomisant chauffé est nécessairement sous forme de plasma, ce qui exclurait l’atomisation au gaz : premier rapport de M. Barnes, au para 435. Cependant, la personne versée dans l’art reconnaîtrait que là où ils avaient l’intention de restreindre leur revendication exclusivement à l’atomisation au plasma, les inventeurs font explicitement référence à [traduction] « une source de plasma » : brevet 236, revendications 9, 73, 90‑95, 98, 104, 109, 120‑123, 144‑147. Comme il n’y a pas de mention de ce genre dans la revendication 1, je conclus que la personne versée dans l’art comprendrait que le gaz atomisant de la revendication 1 du brevet 236 doit avoir une température supérieure à celle de la source de métal réactif chauffée, mais qu’il n’est pas nécessaire qu’il soit sous forme de plasma.

[470] Pour ce qui est de la deuxième exception, j’ai conclu aux paragraphes [173] à [176] ci‑haut que le gaz additif de la revendication 1 du brevet 502 doit contenir de l’oxygène puisque le procédé de la revendication 1 consiste à former, à l’aide du gaz additif, une couche de surface qui contient une couche d’oxyde natif. La revendication 1 du brevet 236 n’exige pas que le gaz additif forme une couche d’oxyde natif. Le libellé de la revendication ne comprend donc pas les restrictions qui limitent le gaz additif à l’oxygène ou à un gaz contenant de l’oxygène. Les revendications 7 et 8 du brevet 236 ajoutent des restrictions selon lesquelles le gaz additif est de l’oxygène ou un gaz contenant de l’oxygène, respectivement. La présomption de non‑redondance des revendications, dont il est question au paragraphe [176], s’applique de sorte que le gaz additif de la revendication 1 du brevet 236 ne soit pas limité à un gaz contenant de l’oxygène. Contrairement à la revendication 1 du brevet 502, la revendication 1 du brevet 236 ne contient aucun terme clair qui permette de réfuter cette présomption.

[471] Je conclus néanmoins que, comme dans le cas du brevet 502, le gaz additif est un gaz qui contient un ion ou une molécule électronégatif (et non un gaz inerte), comme nous l’avons vu aux paragraphes [162] à [172] plus haut. Je souligne qu’à l’instar du brevet 502, le brevet 236 comporte de nombreuses revendications dépendantes qui restreignent le gaz additif à des gaz électronégatifs précis, mais aucune qui limite simplement le gaz additif à un gaz contenant un ion ou une molécule électronégatif : brevet 236, revendications 6‑8, 15‑17, 27‑38, 45‑49, 51‑53, 55, 59–60, 62–63, 68–69, 71–72, 76–82, 96–97, 107–108, 124–128, 134–140.

[472] Je tiens à signaler que je suis d’accord avec M. Barnes pour dire que, malgré l’utilisation de l’expression [traduction] « d’un gaz atomisant et d’un gaz additif » [non souligné dans l’original], la personne versée dans l’art qui examinerait la revendication 1 du brevet 236 à la lumière des revendications dépendantes, la revendication 119 par exemple, comprendrait que le gaz atomisant et le gaz additif pourraient contenir plus d’un gaz : premier rapport de M. Barnes, aux para 431‑432.

[473] Les paramètres de coulabilité énoncés dans la revendication 1 du brevet 236 sont les mêmes que ceux énoncés dans la revendication 1 du brevet 502, bien que la revendication 1 du brevet 236 n’utilise pas le mot [traduction] « environ » pour décrire la distribution granulométrique. Pour les motifs exprimés aux paragraphes [151] à [155] ci‑dessus, cet élément de la revendication 1 du brevet 236 serait interprété de la même façon que l’élément équivalent de la revendication 1, compte tenu de la définition énoncée dans la divulgation : brevet 236, aux para 39‑40*; premier rapport de M. Barnes, aux para 360‑364, 441.

(b) La couche d’appauvrissement

[474] Comme pour le brevet 502, c’est principalement au sujet du terme couche d’appauvrissement employé dans le brevet 236 que les parties ne s’entendent pas. En général, les parties n’ont pas fait la distinction entre les deux brevets dans leurs observations sur l’interprétation du terme. Leurs arguments à l’égard des deux brevets sont en grande partie les mêmes : conclusions finales de Tekna, aux para 58‑71; conclusions finales d’AP&C, aux para 108‑112.

[475] Une certaine partie de l’analyse du brevet 502 que j’ai faite ci‑dessus s’applique directement au brevet 236, car les brevets ont la même divulgation et les revendications ne comportent aucune différence qui conduirait la personne versée dans l’art à une interprétation différente. En particulier, les conclusions suivantes s’appliquent :

  • ·comme je le mentionne plus haut, au paragraphe [217], le terme couche d’appauvrissement ne ferait pas partie des connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art, qui y verrait un terme créé par les inventeurs pour les besoins du brevet;

  • ·pour les motifs exprimés aux paragraphes [222] à [224], la personne versée dans l’art qui interpréterait la revendication 1 du brevet 236 à la lumière de la divulgation comprendrait que le mot appauvrissement dans le terme couche d’appauvrissement signifie que la quantité ou la concentration du composant provenant du gaz additif diminue à l’intérieur de la couche lorsque l’on se déplace vers le centre de la particule : premier rapport de M. Barnes, aux para 344‑345, 440;

  • ·pour les motifs exprimés aux paragraphes [225] à [242], la personne versée dans l’art ne comprendrait pas que le composant du gaz additif est nécessairement présent dans la couche d’appauvrissement sous la forme d’un produit issu de la réaction entre le gaz additif et la source de métal réactif, ou qu’il est présent en raison de la diffusion.

[476] Il convient toutefois de noter que la revendication 1 du brevet 236 n’exige pas que la couche d’appauvrissement soit plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif. Ces termes ont joué un rôle important dans l’interprétation de l’élément couche d’appauvrissement du brevet 502, comme il en a été question aux paragraphes [243] à [299] ci‑dessus. Le terme « couche d’appauvrissement » utilisé dans la revendication 1 du brevet 236 doit être interprété dans le contexte des revendications et de la divulgation de ce brevet uniquement, sans importer les conditions ou les restrictions des revendications du brevet 502.

[477] Selon la revendication 1 du brevet 236, la couche d’appauvrissement est formée à l’aide d’un gaz additif, contient un composant du gaz additif et est située [traduction] « sur » les particules de la poudre de métal réactif brute. À part cela et l’utilisation du mot appauvrissement, la revendication 1 du brevet 236 ne contient aucune autre restriction ou indication sur la nature de la couche d’appauvrissement ou sur la façon de déterminer si une couche d’appauvrissement est présente. Comme M. Mostaghimi l’a reconnu en contre‑interrogatoire, la revendication 1 du brevet 236 fournit encore moins de renseignements sur la couche d’appauvrissement que la revendication 1 du brevet 502, et la personne versée dans l’art qui interpréterait la revendication 1 du brevet 236 uniquement n’aurait pas accès à suffisamment de renseignements pour comprendre le procédé : transcription, jour 11, aux p 123‑126.

[478] La personne versée dans l’art qui lirait le terme couche d’appauvrissement dans la revendication 1 du brevet 236 chercherait donc à le comprendre à la lumière du brevet dans son ensemble, notamment des autres revendications et de la divulgation. Font partie des éléments pertinents de la divulgation, tout comme de la divulgation du brevet 502 : le schéma et les graphiques de la figure 3, ainsi que l’analyse de la figure 3 au paragraphe 161*(voir les paragraphes [121] à [124] et [247] à [250] ci‑dessus); le schéma de la figure 4 et l’analyse de la figure et de [traduction] la « profondeur de la couche d’appauvrissement à δ » au paragraphe 165* (voir le paragraphe [247] ci‑dessus); et l’analyse des expériences 1 et 2, dont les profils ToF‑SIMS de l’expérience 1 illustrés à la figure 5 et analysés aux paragraphes 178 et 179* (voir les paragraphes [124] à [132] et [275] à [280] ci‑dessus). Je remarque que la divulgation indique clairement que les termes [traduction] « première couche » et [traduction] « couche 1 » y sont aussi employés pour parler de la couche d’appauvrissement, de sorte que la personne versée dans l’art comprendrait que le terme « première couche » dans la divulgation s’entend aussi de la couche d’appauvrissement de la revendication 1, même si celle‑ci n’utilise pas le terme « première couche » : brevet 236, aux para 156, 162, 191*.

[479] Comme nous l’avons vu plus haut, la personne versée dans l’art reconnaîtrait, à la lecture de ces éléments, que les inventeurs ont cherché à faire une distinction entre les particules qui avaient une couche d’appauvrissement et celles qui n’en avaient pas. Elle remarquerait également l’importance de la profondeur de la couche d’appauvrissement, étant donné que les inventeurs parlent d’une couche d’appauvrissement [traduction] « d’une certaine profondeur » : brevet 236, revendication 179*; voir aussi les para 135‑157*.

[480] Comment la personne versée dans l’art interpréterait‑elle alors le terme couche d’appauvrissement dans la revendication 1 du brevet 236 et, en particulier, comment utiliserait‑elle les enseignements du brevet 236, à la lumière de ses connaissances générales courantes, pour distinguer les particules de poudre ayant une couche d’appauvrissement de celles qui n’en ont pas? AP&C prétend qu’elle se reporterait à la figure 5 et aux paragraphes 178 et 179* de la divulgation et conclurait qu’une particule a une couche d’appauvrissement si son profil TOF‑SIMS présente une « queue » plus haute (c.‑à‑d. une concentration relative plus élevée de gaz additif à une plus grande profondeur) qu’une particule fabriquée sans gaz additif : conclusions finales d’AP&C, aux para 108‑112, transcription, jour 15, aux p 58‑74, 83‑85.

[481] Je rejette de nouveau cet argument, comme je l’ai fait à l’égard du brevet 502. Les motifs pour lesquels je le rejette sont semblables à ceux que j’expose aux paragraphes [283] à [299] ci‑haut, à quelques différences près.

[482] J’ai rejeté la thèse avancée par AP&C à l’égard du brevet 502 notamment parce que la comparaison proposée par AP&C est incompatible avec le libellé de la revendication 1, qui ne fait pas cette comparaison et fait plutôt une comparaison différente entre la profondeur et l’épaisseur de la couche d’appauvrissement de la particule par rapport à la couche d’oxyde natif de la même particule. La revendication 1 du brevet 236 ne fait état d’aucune comparaison à faire. On ne peut donc pas dire que la comparaison proposée par AP&C est différente de celle de la revendication 1 du brevet 236.

[483] Néanmoins, il reste que la comparaison proposée par AP&C ne figure pas dans la revendication 1 du brevet 236. La revendication 1 du brevet 236 n’enseigne pas à la personne versée dans l’art qu’une particule de poudre a une couche d’appauvrissement si elle a une « queue » plus haute que celle d’une particule fabriquée sans gaz additif.

[484] Les paragraphes 178 et 179* et la figure 5 de la divulgation n’aident pas non plus la personne versée dans l’art en lui disant de faire la comparaison, pour les motifs susmentionnés. Les inventeurs font bien ressortir les différences entre les profils d’oxygène des échantillons de poudres examinées, fabriquées sans gaz additif (essais 1 et 2) et ceux des échantillons fabriqués avec un gaz additif (essais 3 et 4). Toutefois, leur priorité demeure la profondeur de la couche d’appauvrissement et non la concentration relative d’oxygène par rapport à une particule de référence. J’ajoute que, bien que les paragraphes 178 et 179* indiquent que la figure 5 montre une comparaison des profils ToF‑SIMS de différents échantillons, ils ne précisent pas que la façon de savoir si une particule dispose ou non d’une couche d’appauvrissement est d’effectuer une comparaison entre le profil ToF‑SIMS d’une poudre sujet et d’une poudre fabriquée sans gaz additif. Par conséquent, une fois encore, AP&C ne cherche pas simplement à interpréter les revendications à la lumière des énoncés de la divulgation. Elle cherche à introduire des énoncés dans la divulgation puis à les incorporer dans la revendication.

[485] Je considère également qu’il vaut la peine de répéter que même l’expert d’AP&C, M. Mostaghimi, n’a pas fait référence aux paragraphes 178 et 179* ou à la figure 5 lorsqu’il a interprété le terme couche d’appauvrissement du brevet 236. En particulier, il n’a pas dit que la personne versée dans l’art comprendrait que la revendication 1 du brevet 236 signifie qu’une comparaison devrait être faite entre les courbes ToF‑SIMS ou les profils de concentration d’oxygène d’une particule d’intérêt et d’une particule fabriquée sans gaz additif pour déterminer si elle a une couche d’appauvrissement : premier rapport de M. Mostaghimi, au para 125. Il a plutôt utilisé cette comparaison pour la première fois dans son analyse relative à la contrefaçon, en incorporant par renvoi son analyse des essais du rapport de Tascon : deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 541‑542.

[486] En plus de remarquer l’importance de la profondeur de la couche d’appauvrissement dans la divulgation, la personne versée dans l’art qui examinerait le brevet 236 verrait que bon nombre des revendications indépendantes et dépendantes mettent également l’accent sur la profondeur de la couche d’appauvrissement, et fournissent une définition fonctionnelle de la profondeur ou établissent une profondeur minimale ou maximale : brevet 236, revendications 2, 10, 18‑20, 57‑61, 64, 66‑69, 84–89, 99‑103. Aucune de ces revendications ne semble indiquer qu’une comparaison doit être faite avec le profil de concentration d’oxygène d’une particule de référence. Autrement dit, même lorsque les inventeurs proposent une méthode précise pour juger de la présence d’une couche d’appauvrissement, ils le font d’une manière complètement différente de celle proposée par AP&C.

[487] Les restrictions dont sont assorties ces autres revendications quant à la profondeur précise de la couche d’appauvrissement, ou à la façon de la mesurer, ne doivent pas être interprétées comme faisant partie de la revendication 1. Toutefois, la revendication 1 devrait être interprétée d’une manière compatible avec les autres revendications. À mon avis, la personne versée dans l’art qui examinerait les revendications et le brevet dans son ensemble reconnaîtrait l’importance de déterminer la profondeur de la couche d’appauvrissement dans une particule de poudre, plutôt que d’effectuer une comparaison avec une autre particule de poudre fabriquée de manière différente.

[488] En effet, je considère que l’interprétation proposée par AP&C de la couche d’appauvrissement est directement incompatible avec d’autres revendications du brevet 236. Prenons, par exemple, les revendications 66 et 67 du brevet 236. Comme nous le verrons plus loin, la revendication 66, qui est indépendante, revendique un procédé qui porte sur la formation d’une couche d’appauvrissement [traduction] « qui persiste à une concentration normalisée d’au moins 50 % d’atomes du gaz additif, à une profondeur à laquelle » la poudre présente une coulabilité prédéterminée. La revendication dépendante 67 exige que la profondeur soit d’au moins 40 nm. Comme nous le verrons plus loin, ces revendications établissent un fondement précis et objectif qui permet de déterminer la profondeur de la couche d’appauvrissement, à savoir la profondeur à laquelle la concentration normalisée est supérieure à 50 % de la valeur maximale : premier rapport de M. Barnes, au para 503‑505; premier rapport de M. Mostaghimi, au para 144.

[489] Si, comme le soutient AP&C, la comparaison du profil de la concentration d’oxygène avec celui d’une particule fabriquée sans gaz additif est inhérente à la définition du terme couche d’appauvrissement, alors, pour tomber sous le coup de la revendication 67, une particule de poudre devrait avoir à la fois a) une concentration normalisée supérieure à 50 % à une profondeur d’au moins 40 nm, pour satisfaire aux exigences expresses des revendications 66 et 67; et b) une concentration normalisée supérieure à celle d’une autre particule fabriquée sans gaz additif, afin de satisfaire à l’exigence de présenter une couche d’appauvrissement. Ce n’est pas cohérent. Ce faisant, on supprimerait la valeur de la norme objective établie dans ces revendications et on considérerait une autre norme de comparaison dénuée de pertinence.

[490] La seule autre possibilité, si l’interprétation d’AP&C était adoptée, est que l’interprétation du terme couche d’appauvrissement applicable à la revendication 1 et à d’autres revendications du brevet 236 serait abandonnée à l’égard des revendications 66 et 67 ainsi que d’autres revendications à propos de mesures de la profondeur semblables. Ce serait incompatible avec le principe selon lequel les mêmes mots employés dans un brevet doivent en général recevoir la même interprétation, c’est‑à‑dire avec la présomption de cohérence des revendications : Nova Chemicals, au para 82. Aucun expert n’a affirmé que la personne versée dans l’art adopterait des interprétations différentes du terme couche d’appauvrissement d’une revendication du brevet 236 à l’autre.

[491] L’interprétation proposée par AP&C, selon laquelle la présence d’une couche d’appauvrissement dépend d’une comparaison avec une particule fabriquée sans gaz additif, est également incompatible avec les revendications du brevet 236 qui n’exigent pas le recours à un gaz additif. Comme nous le verrons plus loin, les revendications indépendantes 9 et 64 supposent le recours à un gaz atomisant, mais pas à un gaz additif, et pourtant chacune d’elles suppose la formation d’une couche d’appauvrissement comprenant un composant additif. La personne versée dans l’art comprendrait, à la lecture de ces revendications, que les inventeurs semblaient considérer qu’une couche d’appauvrissement pouvait être fabriquée sans recourir à un gaz additif. Dans ce contexte, il ne serait pas logique pour la personne versée dans l’art que la présence d’une couche d’appauvrissement puisse être déterminée en fonction d’une comparaison avec une particule fabriquée sans gaz additif, car cela laisserait entendre que le gaz additif est essentiel à la création d’une couche d’appauvrissement, contrairement aux revendications 9 et 64.

[492] Ainsi, non seulement les autres revendications du brevet 236 imposent des méthodes différentes d’évaluation de la présence d’une couche d’appauvrissement qui permettraient à la personne versée dans l’art de mieux comprendre l’importance de la profondeur, comme il est mentionné au paragraphe 179* de la divulgation, mais elles créent également une incongruité qui éloignerait la personne versée dans l’art de l’interprétation proposée par AP&C.

[493] Je conclus donc que la personne versée dans l’art qui examinerait la revendication 1 du brevet 236 comprendrait que le terme couche d’appauvrissement est défini par l’existence d’un profil de concentration d’oxygène (ou d’un autre gaz additif) d’une particule qui contient une plus grande quantité du gaz (dans l’absolu ou par rapport à une concentration maximale mesurée) qu’une particule qui n’est pas traitée avec un gaz additif, conformément à la figure 5 ou autrement. Elle considérerait plutôt la couche d’appauvrissement comme une couche sur la particule de poudre qui contient un composant du gaz additif en plus du métal de la source de métal réactif, à une concentration qui s’abaisse à mesure que l’on pénètre dans la couche.

[494] On en vient alors à la question suivante : comment la personne versée dans l’art saurait‑elle si une particule qu’elle a produite présente une couche d’appauvrissement de sorte qu’elle puisse déterminer si cette particule est visée par la revendication 1 du brevet 236 ou non? Autrement dit, comment une personne versée dans l’art pourrait‑elle faire la distinction entre une particule qui présente la couche d’appauvrissement décrite dans la revendication 1 et une particule qui ne l’a présente pas? J’examinerai ces questions plus loin lorsque j’évaluerai les arguments de Tekna concernant l’ambiguïté.

(c) profondeur de la couche d’appauvrissement

[495] La revendication 2 ajoute une restriction au procédé de la revendication 1, à savoir que la couche d’appauvrissement doit avoir une profondeur inférieure à 100 nm. Comme il a été mentionné plus haut, d’autres revendications dépendantes font aussi état de restrictions quant à la profondeur de la couche d’appauvrissement. Dans le cas de ces revendications, la personne versée dans l’art chercherait à comprendre comment déterminer ou mesurer la profondeur de la couche d’appauvrissement. Comme nous l’avons expliqué en détail plus haut à propos de l’exigence de la revendication 1 du brevet 502, selon laquelle la couche d’appauvrissement doit être plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif, rien dans les connaissances générales courantes n’aiderait la personne versée dans l’art à comprendre comment les inventeurs entendaient mesurer cette profondeur, et à l’issue de son examen de la divulgation du brevet 236, elle ne le comprendrait pas.

[496] La personne versée dans l’art verrait dans le brevet 236 des revendications qui énoncent une méthode précise de mesure de la profondeur de la couche d’appauvrissement. En particulier, les revendications 57 et 64 décrivent chacune la couche d’appauvrissement comme étant définie par une première profondeur ayant la concentration maximale du composant et une deuxième profondeur ayant une concentration appauvrie du composant égale à 50 % de la concentration maximale. Les experts conviennent que cette revendication serait comprise comme établissant efficacement les limites de la couche d’appauvrissement par le marqueur qu’est la concentration maximale du gaz additif (la première profondeur) et le marqueur auquel la concentration égale 50 % la concentration maximale du gaz additif (la deuxième profondeur) : premier rapport de M. Barnes, aux para 492‑495, 500; premier rapport de M. Mostaghimi, aux para 139, 141.

[497] De même, la revendication 66, mentionnée ci‑dessus, fait mention d’une couche d’appauvrissement [traduction] « qui persiste à une concentration normalisée d’au moins 50 % d’atomes du gaz additif » à une profondeur donnée. M. Barnes et M. Mostaghimi sont d’avis que la personne versée dans l’art considérerait cette valeur comme une limite interne de la couche d’appauvrissement, soit au marqueur qu’est une concentration d’atomes du gaz additif à 50 % de la concentration maximale : premier rapport de M. Barnes, aux para 504‑505; premier rapport de M. Mostaghimi, au para 144. Enfin, je souligne que M. Mostaghimi a interprété la revendication 66 comme si elle établissait aussi une limite externe de la couche d’appauvrissement, soit au marqueur de la concentration maximale, comme on l’a vu aux revendications 57 et 64. Je n’interprète pas la revendication 66 de cette façon puisqu’elle ne fait pas mention d’une première profondeur comme le font les revendications 57 et 64. Toutefois, cela importe peu, car les revendications qui dépendent de la revendication 66 et qui définissent la profondeur (revendications 67 à 69) renvoient clairement à la profondeur établie dans la revendication 66, c’est‑à‑dire la profondeur qui correspond à 50 % de la concentration maximale.

[498] La personne versée dans l’art qui lirait ces revendications, qui comprendrait l’importance de la profondeur quand on décrit la couche d’appauvrissement et qui chercherait à comprendre comment déterminer si une particule est visée par la revendication 2 lorsque celle‑ci présente une couche d’appauvrissement d’une profondeur inférieure à 100 nm, pourrait être tentée d’adopter l’approche de la valeur de [traduction] « 50 % de la concentration maximale » des revendications 57, 64 et 66. Toutefois, je conclus que la personne versée dans l’art comprendrait tout autant l’importance de ne pas tenir compte des restrictions d’une revendication qui se trouvent dans d’autres revendications et reconnaîtrait que les inventeurs ont choisi d’inclure la méthode de mesure de [traduction] « 50 % de la concentration maximale » dans certaines revendications seulement et non dans la revendication 2. Je souligne à cet égard qu’AP&C n’a pas fait valoir que la personne versée dans l’art tiendrait compte de l’approche de la valeur de [traduction] « 50 % de la concentration maximale » des revendications 57, 64 et 66 dans d’autres revendications du brevet 236. Au contraire, AP&C a fait valoir que les restrictions, y compris celles de la divulgation et d’autres revendications, ne devraient pas être considérées comme faisant partie des revendications qui ne les contiennent pas : transcription, jour 15, aux p 56‑57, 62‑66, 70‑73; conclusions finales d’AP&C, aux para 105‑106.

[499] La personne versée dans l’art conclurait donc que cette méthode de mesure n’est pas destinée à être utilisée dans la revendication 2 et ne devrait pas être importée des revendications 57, 64 ou 66 pour être intégrée dans la revendication 2 ou d’autres revendications qui précisent une profondeur de la couche d’appauvrissement, sans qu’il y ait mention de la façon dont on pourrait calculer cette profondeur. Cette conclusion serait renforcée par le fait que la personne versée dans l’art constaterait que les profils d’oxygène des essais 1 et 2 (dont les particules, selon les inventeurs, n’ont pas de couche d’appauvrissement) atteignent également 50 % de la concentration maximale à un point inférieur à 100 nm : premier rapport de M. Barnes, aux para 879‑880. Je remarque qu’il serait encore moins probable que la personne versée dans l’art importe des revendications 57, 64 ou 66 la méthode de mesure de la profondeur de la couche d’appauvrissement dans la revendication 1 ou dans d’autres revendications qui ne précisent pas la profondeur de la couche d’appauvrissement.

[500] La personne versée dans l’art ne pourrait donc pas compter sur les renseignement du brevet 236 ou sur ses propres connaissances générales courantes pour savoir comment déterminer la profondeur de la couche d’appauvrissement pour les besoins de la revendication 2.

(d) couche d’oxyde natif

[501] Les revendications 3 et 4 dépendent de la revendication 1 ou 2, et ajoutent la restriction selon laquelle le procédé comprend la formation d’une couche d’oxyde natif par exposition de la poudre de métal réactif brute à un gaz (revendication 3) ou à une atmosphère (revendication 4) contenant de l’oxygène.

[502] Comme il a été mentionné précédemment, le terme couche d’oxyde natif serait connu de la personne versée dans l’art et serait interprété de la même façon que dans le brevet 502. Je conviens avec les experts que cette restriction des revendications 3 et 4 du brevet 236 signalerait à la personne versée dans l’art que le procédé de la revendication 1 ne comprend pas nécessairement la formation d’une couche d’oxyde natif et pourrait donc inclure à la fois des poudres ayant subi une passivation ou non : premier rapport de M. Barnes, aux para 437‑438, 450; premier rapport de M. Mostaghimi, aux para 160‑161; deuxième rapport de M. Mostaghimi, au para 111. Je conviens également que les revendications 3 et 4 n’exigent pas que la couche d’oxyde natif soit formée à l’aide d’un gaz additif faisant partie du mélange d’atomisation, de sorte que l’étape de passivation peut se produire après l’atomisation : premier rapport de M. Barnes, aux para 449‑451; premier rapport de M. Mostaghimi, aux para 160‑161.

[503] La mention d’une couche d’oxyde natif dans les revendications 3 et 4 renforcerait également la compréhension de la personne versée dans l’art selon laquelle la couche d’appauvrissement est une couche sur la particule qui est de nature différente et distincte de la couche d’oxyde natif, comme il en a été question dans le contexte du brevet 502. Ce serait clair pour la personne versée dans l’art, dans tous les cas, d’après la divulgation du brevet 236, qui souligne la différence entre la couche d’appauvrissement décrite dans le brevet et une couche d’oxyde natif.

[504] Je remarque qu’il y a une différence dans l’interprétation qu’ont donnée les experts au mot atmosphère de la revendication 4. M. Barnes a compris qu’il s’agissait d’une combinaison de plus d’un gaz (p. ex., l’air), tandis que M. Mostaghimi a compris qu’il s’agissait d’un [traduction] « milieu environnant » : premier rapport de M. Barnes, au para 453; premier rapport de M. Mostaghimi, au para 115. Cette différence est sans conséquence, bien que l’interprétation de M. Mostaghimi semble correspondre davantage au contexte de la revendication.

(3) Les autres revendications

[505] Les parties ont consacré peu de temps dans leur argumentation à l’interprétation des autres revendications indépendantes du brevet 236 et de leurs revendications dépendantes. Il n’est pas nécessaire d’examiner toutes les revendications, mais, concernant les autres revendications, j’attire l’attention sur les éléments suivants.

(a) Revendication 9

[506] La revendication 9 est une revendication indépendante qui décrit un procédé d’atomisation dans lequel le gaz atomisant est fourni par une source de plasma. Comme il a été mentionné précédemment, la personne versée dans l’art reconnaîtrait que cette restriction limite la revendication à des procédés d’atomisation au plasma, à l’opposé de l’atomisation au gaz de la revendication 1 : premier rapport de M. Barnes, au para 461; premier rapport de M. Mostaghimi, au para 129.

[507] Fait à noter, la revendication 9 ne fait pas mention d’un mélange d’atomisation ni d’un gaz additif. Cependant, le procédé consiste à former une couche d’appauvrissement constituée d’un composant additif (et non d’un [traduction] « composant provenant du gaz additif »). Les deux experts ont souligné l’absence de la mention d’un gaz additif et de tout élément précisant la source du composant additif : premier rapport de M. Barnes, au para 463; premier rapport de M. Mostaghimi, au para 128. La revendication 14 dépend de la revendication 9 ou 10 et ajoute une restriction selon laquelle l’étape de formation de la couche d’appauvrissement constituée du composant additif consiste à former la couche d’appauvrissement à l’aide d’un gaz additif. Cela donne à penser que le composant additif de la revendication 9 peut être ajouté autrement qu’en utilisant un gaz additif, mais ni le brevet 236 ni les experts ne proposent d’autres méthodes.

[508] Lors du premier examen de la revendication 9, M. Mostaghimi a affirmé qu’on n’y trouvait [traduction] « aucune exigence » voulant qu’un gaz additif entre en contact avec la source de métal réactif chauffée lorsque ce dernier est atomisé : premier rapport de M. Mostaghimi, au para 128. Cependant, en contre‑interrogatoire, M. Mostaghimi a déclaré qu’il a supposé qu’il devait y avoir un gaz additif [traduction] « parce que s’il y a une couche d’appauvrissement, cela signifie qu’il y a un gaz additif » : transcription, jour 11, à la p 130. Outre le fait que cette déclaration va à l’encontre de son propre rapport, je ne partage pas l’avis de M. Mostaghimi. Contrairement à la revendication 1, la revendication 9 ne précise pas que la couche d’appauvrissement contient un composant du gaz additif. En effet, la seule différence entre la revendication 1 et la revendication 9 est que la revendication 9 ne fait pas mention d’un mélange d’atomisation constitué d’un gaz atomisant et d’un gaz additif, et ne précise pas que la couche d’appauvrissement est formée avec un composant provenant du gaz additif. Selon l’interprétation donnée par M. Mostaghimi en contre‑interrogatoire, à savoir que le terme composant additif à la revendication 9 suppose qu’un gaz additif est à la source du composant additif de la couche d’appauvrissement, la revendication 9 aurait exactement la même portée que la revendication 1. La présomption de non‑redondance des revendications, ainsi que l’utilisation apparemment délibérée des inventeurs d’un libellé différent, donnent à penser que cela est inexact.

(b) Revendications 18 à 20

[509] Les revendications 18, 19 et 20 dépendent de la revendication 1 ou 9 et ajoutent la restriction selon laquelle la couche d’appauvrissement a une profondeur d’au moins 20 nm, 30 nm ou 40 nm respectivement. Ces revendications soulèvent les mêmes questions concernant la mesure de la profondeur de la couche d’appauvrissement dont il a été question au sujet de la revendication 2 plus haut.

(c) Revendication 21

[510] La revendication 21 est une revendication indépendante qui porte sur un procédé d’atomisation semblable à celui de la revendication 1, mais qui a) ne précise pas que le gaz atomisant est à une température supérieure à la source de métal réactif chauffé; b) précise que la source de métal réactif est un alliage de titane ou de titane; c) ne précise pas la distribution de la granulométrie des particules dont la coulabilité est inférieure à 40 s; d) précise que le composant du gaz additif contenu dans la couche d’épuisement est au moins un élément parmi l’oxygène, le carbone, l’azote, l’hydrogène ou le chlore, avec un seuil de concentration maximale (en parties par million) de chacun dans la poudre [traduction] « selon la norme AMS 4998 ».

[511] M. Barnes a fait remarquer que, puisque la coulabilité est influencée par la granulométrie, la personne versée dans l’art comprendrait que la coulabilité est généralement mesurée pour une distribution granulométrique donnée, ce qui n’est pas indiqué dans la revendication 21 : premier rapport de M. Barnes, au para 475. Cette question se pose également dans plusieurs autres revendications indépendantes qui font mention de mesures de la coulabilité sans indiquer la granulométrie : brevet 236, revendications 39, 57, 64, 66; premier rapport de M. Barnes, au para 483, 491, 498, 500, 503, 506. M. Mostaghimi n’a pas commenté cet aspect de l’interprétation lors du premier examen de la revendication, mais a répondu à l’observation de M. Barnes en déclarant que la personne versée dans l’art comprendrait qu’une distribution granulométrique précise n’est pas un élément essentiel de cette revendication et que la mesure de la coulabilité [traduction] « pourrait être effectuée avec n’importe quelle distribution granulométrique (raisonnable) des particules », à l’exclusion des nanopoudres : deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 50‑51, 62, 396‑401.

[512] La norme B213 établit une méthode d’analyse pour évaluer l’écoulement des poudres de métal à l’aide d’un débitmètre Hall : pièce 67; premier rapport de M. Barnes, aux para 175‑178. La norme ne précise pas de distribution granulométrique particulière. Même si la personne versée dans l’art savait que la coulabilité est habituellement évaluée pour une distribution granulométrique donnée, elle comprendrait aussi que la méthode d’analyse B213 pourrait servir pour n’importe quel lot de poudre. À mon avis, la personne versée dans l’art qui lirait la revendication 21 comprendrait que la norme de coulabilité revendiquée [traduction] « inférieure à 40 s » s’applique à la poudre fabriquée par le procédé dans son ensemble, non à une granulométrie précise de la poudre, et non à [traduction] « toute distribution granulométrique raisonnable », comme l’a proposé M. Mostaghimi. Notamment, comme les revendications dépendantes précisent des seuils de coulabilité pour une distribution granulométrique donnée, la personne versée dans l’art comprendrait que la mesure de la coulabilité de la revendication 21 s’applique à l’ensemble de la poudre et non à un sous‑ensemble particulier de celle‑ci.

[513] M. Barnes a également fait remarquer que la mention dans la revendication 21 de la norme AMS 4998, qui est une norme pour les poudres d’alliage de titane Ti‑6Al‑4V, est difficile à concilier avec l’inclusion de poudres de titane en plus d’alliages de titane dans la revendication : premier rapport de M. Barnes, aux para 477‑479. En ce qui concerne ce dernier point, M. Mostaghimi a convenu que la revendication 21 était [traduction] « mal formulée » à cet égard, mais a conclu que la personne versée dans l’art interpréterait la revendication en se reportant à la norme AMS 4998 uniquement pour les poudres d’alliage de titane, et à aucune norme pour les poudres de titane : deuxième rapport de M. Mostaghimi, au para 117.

[514] La preuve indique que la norme AMS 4998 restreint la quantité de divers éléments qui peuvent apparaître dans différents grades de poudres Ti‑6Al‑4V : premier rapport de M. Barnes, aux para 143‑146, 189‑190. La preuve n’indique pas si la norme prévoit des méthodes d’analyse particulières pour déterminer la concentration de différents éléments de la poudre, ou si ces méthodes sont différentes de celles de la norme applicable aux poudres métalliques de titane, en supposant qu’il y en ait une. À mon avis, la personne versée dans l’art comprendrait que l’aspect important de l’exigence est le seuil en parties par million qui s’applique aux différents éléments, la référence à la norme AMS 4998 indiquant simplement d’où proviennent les seuils. Ainsi, la personne versée dans l’art comprendrait qu’une poudre de titane contenant moins de, par exemple, 1 800 ppm d’oxygène serait visée par cet élément de la revendication, même si la mention du seuil est [traduction] « selon la norme AMS 4998 ».

(d) Revendication 39

[515] La revendication 39 est une revendication indépendante visant un procédé d’atomisation qui est identique à celui de la revendication 21, sauf qu’au lieu du libellé [traduction] « la formation, avec ledit gaz additif, d’une couche d’appauvrissement comprenant un composant du gaz additif » (le libellé des revendications 1 et 21, ainsi que celui des revendications indépendantes 57 et 66), la revendication 39 contient le libellé [traduction] « la formation d’une couche d’appauvrissement sur la poudre de métal réactif brute comprenant un élément additif ». La revendication 39 comprend des restrictions sur l’identité de l’élément additif qui correspondent à celles de la revendication 21 sur le [traduction] « composant du gaz additif ».

[516] La revendication 39 ne précise pas que l’élément additif provient nécessairement du gaz additif : premier rapport de M. Barnes, au para 484; premier rapport de M. Mostaghimi, au para 135. M. Mostaghimi a indiqué que la personne versée dans l’art ne ferait pas de distinction entre le mot élément et le mot composant, mais je suis d’accord avec M. Barnes pour dire que, dans le contexte, la personne versée dans l’art donnerait au mot élément le sens d’élément chimique : premier rapport de M. Mostaghimi, au para 135; premier rapport de M. Barnes, aux para 485‑486.

[517] La seule différence entre la revendication 21 et la revendication 39 est l’absence dans la revendication 39 du libellé [traduction] « la formation, avec ledit gaz additif » de la revendication 21 et le renvoi dans la revendication 39 à un élément additif au lieu du [traduction] « composant provenant du gaz additif » de la revendication 21. Le principe de la différenciation des revendications laisse croire qu’il n’est pas nécessaire que l’élément additif provienne du gaz additif. Cette interprétation est appuyée par une comparaison entre les revendications dépendantes 47 et 48, les revendications 49 et 50, les revendications 51 et 52 et les revendications 53 et 54, chacune comportant des restrictions concernant le gaz additif et l’élément additif. Cependant, comme dans le cas de la revendication 9, ni le brevet 236 ni les experts ne proposent une autre méthode par laquelle l’élément additif pourrait être introduit dans la couche d’appauvrissement.

(e) Revendications 57 à 60

[518] Comme il a été mentionné précédemment, la revendication 57 est une revendication indépendante portant sur un procédé d’atomisation utilisant un mélange d’atomisation constitué d’un gaz atomisant et d’un gaz additif, au cours duquel une couche d’appauvrissement est formée à l’aide du gaz additif. La revendication 57 comprend le libellé suivant en ce qui concerne la couche d’appauvrissement, que je reproduis en soulignant les termes examinés ci‑dessous :

la formation, avec ledit gaz additif, d’une couche d’appauvrissement constituée d’un composant du gaz additif, la couche d’appauvrissement étant définie par une première profondeur ayant une concentration maximale du composant et une deuxième profondeur ayant une concentration appauvrie du composant égale à 50 pour cent de la concentration maximale, où la deuxième profondeur est telle que la poudre de métal réactif brute a une coulabilité inférieure à 40 s, mesurée conformément à la norme ASTM B213.

[519] Comme les experts en conviennent, cette revendication serait interprétée comme établissant les limites de la couche d’appauvrissement. La limite externe, appelée première profondeur, est le point le composant provenant du gaz additif a une concentration maximale. La limite interne, appelée deuxième profondeur, est le point où la concentration appauvrie du gaz additif est à 50 % de la concentration maximale : premier rapport de M. Barnes, aux para 492‑ 495, 500; premier rapport de M. Mostaghimi, aux para 139, 141. Ainsi, dans un profil ToF‑SIMS, la première profondeur serait à la concentration maximale, généralement normalisée à 1, tandis que la deuxième profondeur serait la valeur sur l’axe des X à laquelle la courbe croise 0,5 sur l’axe des Y, comme l’illustre la copie annotée suivante de la figure 5 du brevet 236 figurant au paragraphe 814 du premier rapport de M. Barnes :

[Description : Un graphique linéaire est présenté avec les axes des X et des Y. L’axe des X porte le titre « Profondeur (nm) » et comporte des graduations d’axe allant de 0 à 80 avec une incrémentation de 10. L’axe des Y porte le titre « Normalisé par rapport à la valeur de référence » et comporte des graduations allant de 0,1 à 1 avec une incrémentation de 0,1. Quatre lignes pointillées différentes sont tracées sur le graphique. Une légende les identifie comme étant, de haut en bas, Essai 4, Essai 3, Essai 1 et Essai 2. Une flèche rouge horizontale est tracée sur le graphique à la hauteur de 0,5 sur l’axe des Y, et la flèche pointe vers l’axe des Y.]

[520] La personne versée dans l’art saurait que, selon les définitions de la revendication 57, la figure 5 illustre, par exemple, que la surface de la poudre de l’essai 1 a une première profondeur d’environ 5 nm et une deuxième profondeur d’environ 26 nm, tandis que la surface de la poudre de l’essai 3 a une première profondeur d’environ 1 nm et une deuxième profondeur d’environ 63 nm. La figure 5 ne montre pas la deuxième profondeur de l’essai 2, car la courbe n’atteint pas un point à 50 % de la concentration maximale dans les données fournies.

[521] La revendication 57 indique que la deuxième profondeur des particules de poudre du procédé revendiqué [traduction] « est telle » que la poudre métallique réactive brute a une coulabilité inférieure à 40 s. Comme pour la revendication 21, la revendication 57 ne précise pas de distribution granulométrique pour l’essai de coulabilité. La mention à propos de la deuxième profondeur comme étant [traduction] « telle que » la poudre présente la coulabilité souhaitée semble vouloir dire que si une poudre présente la coulabilité souhaitée, alors la deuxième profondeur de la surface des particules de poudre, en supposant qu’elle en ait une, répond à cet élément de la revendication, la durée de l’écoulement revendiquée étant [traduction] « attribuable à l’épaisseur de la couche d’appauvrissement », pour reprendre les termes de M. Mostaghimi : premier rapport de M. Barnes, au para 496; premier rapport de M. Mostaghimi, au para 140.

[522] Les revendications 58 à 60 dépendent de la revendication 57 et ajoutent des restrictions à la deuxième profondeur de 40 nm (revendications 58 et 59) ou de 60 nm (revendication 60). Les revendications 59 et 60 ajoutent également la restriction selon laquelle le composant du gaz additif est l’oxygène.

[523] Je souligne que ni la revendication 57 ni aucune revendication qui en dépend n’imposent de restriction à la première profondeur, de sorte que celle‑ci semble servir simplement de point pour définir la concentration maximale du composant provenant du gaz additif.

(f) Revendications 64 à 65

[524] La revendication 64 est semblable à la revendication 57, mais ne mentionne pas l’utilisation d’un gaz additif. Comme dans la revendication 9, elle vise plutôt l’atomisation qui se réalise à l’aide d’un gaz atomisant, et la couche d’appauvrissement constituée d’un composant additif. L’élément de la revendication 57 reproduit ci‑dessus apparaît avec le même libellé à la revendication 64, mais le terme composant additif est utilisé au lieu de composant provenant du gaz additif ou composant.

[525] Comme dans la revendication 9, la revendication ne précise pas la source du composant additif : premier rapport de M. Barnes, aux para 500‑501; premier rapport de M. Mostaghimi, au para 142. Toutefois, la personne versée dans l’art interpréterait la revendication 64 dans le contexte de la revendication 65, qui ajoute la restriction selon laquelle [traduction] « le composant additif de la couche d’appauvrissement provenant du gaz atomisant est l’oxygène ». En particulier, la revendication 65 n’est pas libellée de façon à ajouter une restriction selon laquelle le composant additif de la couche d’appauvrissement provient du gaz atomisant. La restriction est plutôt que le composant additif de la couche d’appauvrissement provenant du gaz atomisant est l’oxygène. Je suis donc d’accord avec M. Mostaghimi pour dire que la personne versée dans l’art comprendrait que la revendication 64 signifie que le composant additif de la couche d’appauvrissement provient du gaz atomisant : deuxième rapport de M. Mostaghimi, au para 123.

[526] Toutefois, je ne suis pas d’accord avec lui lorsqu’il affirme que cela signifie que le gaz atomisant [traduction] « peut être un mélange constitué d’un gaz atomisant et d’un gaz additif » : deuxième rapport de M. Mostaghimi, au para 123. Le brevet 236 établit une distinction claire entre un gaz atomisant et un mélange d’atomisation, ce dernier comprenant à la fois un gaz atomisant et un gaz additif. Si le gaz atomisant lui‑même pouvait simplement être un mélange constitué d’un gaz atomisant et d’un gaz additif, alors le terme mélange d’atomisation, et de fait, le terme gaz additif, seraient redondants. Par ailleurs, comme je l’ai mentionné plus haut, la personne versée dans l’art comprendrait que le gaz atomisant pourrait comprendre plus d’un gaz. Je remarque qu’un mélange de deux gaz utilisé pour atomiser le métal fondu fait exactement la même chose dans le monde réel, qu’on l’appelle gaz atomisant ou mélange d’atomisation constitué d’un gaz atomisant et d’un gaz additif.

(g) Revendications 66 à 69

[527] Comme je l’ai mentionné précédemment, la revendication 66 adopte également la valeur de [traduction] « 50 % de la concentration maximale » pour la profondeur de la couche d’appauvrissement, bien que dans cette revendication, le libellé ne mentionne pas les termes première profondeur et deuxième profondeur figurant dans les revendications 57 et 64 :

[traduction]

la formation, avec ledit gaz additif, d’une couche d’appauvrissement constituée d’un composant provenant du gaz additif, la couche d’appauvrissement persistant à une valeur normalisée de concentration d’au moins 50 % d’atomes du gaz additif à une profondeur à laquelle ladite poudre de métal réactif brute présente une coulabilité inférieure à 40 s, mesurée conformément à la norme ASTM B213.

[528] M. Barnes et M. Mostaghimi étaient d’avis que la couche d’appauvrissement de la revendication 66 devrait exister (persister) tant que la valeur normalisée de la concentration des atomes du gaz additif demeure supérieure à 50 % à une profondeur donnée : premier rapport de M. Barnes, aux para 504–505; premier rapport de M. Mostaghimi, au par 144. À l’instar des revendications 57 et 64, la revendication 66 porte sur la concentration de 50 % qui persiste à une profondeur [traduction] « à laquelle » la poudre présente une coulabilité inférieure à 40 secondes : premier rapport de M. Barnes, au para 506.

[529] Les revendications dépendantes 67 à 69 ajoutent la restriction selon laquelle la profondeur est d’au moins 40 nm (revendications 67 et 68) ou d’au moins 60 nm (revendication 69).

(h) Revendications 73 à 89

[530] La revendication 73 est une revendication indépendante portant sur un procédé de fabrication par atomisation qui consiste à [traduction] « réguler » une quantité de gaz additif qui entre en contact avec la source de métal réactif chauffée pendant l’atomisation, afin de régler la profondeur de la couche d’appauvrissement. Comme M. Barnes l’a souligné, la revendication ne précise pas comment réguler la quantité de gaz additif dans le but de contrôler la profondeur de la couche d’appauvrissement : premier rapport de M. Barnes, au para 513.

[531] Les revendications 74 à 76 dépendent de la revendication 73 et ajoutent des restrictions sur le contrôle de la profondeur de la couche d’appauvrissement, en faisant intervenir une régulation des conditions thermiques de la poudre de métal réactif brute (revendication 74); ou en régulant la quantité de gaz additif de façon à ce que la poudre de métal réactif brute demeure dans les limites prescrites concernant la quantité maximale d’atomes du gaz additif dans la poudre (revendications 75 et 76), et la revendication 76 porte sur les spécifications relatives à l’oxygène dans la poudre de titane ou d’alliage de titane. Les revendications 77 à 79, qui dépendent de l’une ou l’autre des revendications 73 à 76, ajoutent des restrictions quant à l’identité du gaz additif ou du composant de la couche d’appauvrissement provenant du gaz additif.

[532] Les revendications 79 à 82 dépendent de la revendication 76 et ajoutent des restrictions aux spécifications relatives à d’autres éléments, selon la norme AMS 4998, lesquelles sont semblables à celles de la revendication 21.

[533] La revendication 83 dépend également de la revendication 76, et ajoute une restriction sur la régulation de la quantité de gaz additif [traduction] « de telle sorte que » la poudre de métal réactif brute présente une coulabilité inférieure à 40 s. Ni la revendication 73 indépendante ni les autres revendications qui en dépendent ne comprennent la restriction sur la coulabilité : premier rapport de M. Barnes, au para 509.

[534] La revendication 84 dépend de l’une ou l’autre des revendications 73 à 82 et consiste à réguler la quantité de gaz additif pour contrôler la profondeur de la couche d’appauvrissement afin qu’elle soit inférieure à une valeur prédéterminée. Les revendications 85 et 86 définissent la valeur prédéterminée comme étant de 100 nm et de 80 nm respectivement, tandis que les revendications 87 à 89 ajoutent des restrictions à la profondeur minimale de la couche d’appauvrissement, soit 20 nm, 30 nm et 40 nm respectivement.

[535] Aucune des revendications 73 à 89 ne précise comment déterminer la profondeur de la couche d’appauvrissement, que ce soit par la méthode [traduction] « 50 % de la concentration maximale » ou par une autre méthode.

(i) Revendications 90 à 98

[536] Les revendications indépendantes 90 et 98 visent des systèmes d’atomisation plutôt que des procédés. Les systèmes revendiqués comprennent divers composants, notamment une source de plasma pour atomiser la source de métal avec un mélange d’atomisation constitué d’un gaz atomisant et d’un gaz additif, le système étant configuré pour réguler le gaz atomisant dans le but de contrôler la formation d’une couche d’appauvrissement qui comprend un composant du gaz additif. Les deux revendications diffèrent en ce sens que la revendication 98 ajoute une exigence selon laquelle le système doit être configuré pour contrôler la coulabilité de la poudre.

(j) Revendication 104

[537] La revendication 104 est la dernière revendication indépendante du brevet 236. Elle prévoit un procédé d’atomisation dans lequel une source de métal réactif chauffée est exposée à un gaz atomisant provenant d’une source de plasma et à un gaz additif dans la zone d’atomisation, pour former une couche d’appauvrissement constituée d’un composant du gaz additif.

(k) Autres revendications dépendantes

[538] Les autres revendications dépendantes du brevet 236 ajoutent des restrictions qui ressemblent à celles dont il est question plus haut et/ou ne présentent pas de problèmes d’interprétation, notamment des restrictions concernant le gaz additif ou le composant du gaz additif dans la couche d’appauvrissement provenant du gaz additif, la profondeur de la couche d’appauvrissement, la quantité totale du composant provenant du gaz additif dans la poudre, les paramètres de coulabilité, la source de plasma et la source de métal réactif chauffée.

B. La validité

(1) L’ambiguïté

(a) Revendications de procédé : revendications 1 à 89 et 104 à 140

[539] Chacune des revendications de procédé du brevet 236 exige, comme élément essentiel, que le procédé consiste à former une couche d’appauvrissement. Dans chaque cas, pour savoir ce que vise la revendication, c’est‑à‑dire pour « en connaître à l’avance la portée exacte », la personne versée dans l’art doit être en mesure de comprendre ce qu’est une couche d’appauvrissement et d’évaluer si un procédé donné forme ou pas la couche d’appauvrissement visée par la revendication.

[540] J’ai conclu ci‑dessus que la personne versée dans l’art comprendrait que la couche d’appauvrissement a) est différente et distincte de la couche d’oxyde natif; et b) contient un composant du gaz additif (ou un composant additif, dans le cas des revendications 9 et 64 et de leurs revendications dépendantes, ou un élément additif, dans le cas de la revendication 39 et de ses revendications dépendantes), en plus du métal de la source de métal réactif, dans une concentration qui s’appauvrit à mesure que l’on pénètre dans la couche.

[541] Toutefois, comme je l’ai mentionné plus haut, le simple fait de pouvoir reformuler des aspects de la revendication ne permet pas de résoudre la question de l’ambiguïté. La question est de savoir si la revendication « défini[t] distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention » de manière à permettre à la personne versée dans l’art de savoir ce qui est visé et ce qui ne l’est pas : Loi sur les brevets, art 27(4); Free World Trust, au para 41.

[542] Pour les motifs exposés ci‑dessous, je conclus que les revendications relatives à un procédé du brevet 236 qui ne précisent pas comment déterminer la présence d’une couche d’appauvrissement ne permettent pas à la personne versée dans l’art de savoir ce qui est visé et ce qui ne l’est pas. Ces revendications ne sont pas valides pour cause d’ambiguïté. Il s’agit de toutes les revendications relatives à un procédé, à l’exception des suivantes : a) les revendications 58 à 60; b) les revendications 62 et 63, dans la mesure où elles dépendent de l’une des revendications 58 à 60; c) les revendications 67 à 69; d) les revendications 71 et 72, dans la mesure où elles dépendent de la revendication 67; e) les revendications 109 et 115 à 117, dans la mesure où elles dépendent de l’une des revendications ci‑dessus [les revendications non ambiguës].

(i) Revendications non ambiguës

[543] Comme nous l’avons vu plus haut, chacune des revendications indépendantes 57, 64 et 66 expose en détail une méthode permettant de déterminer les paramètres de la couche d’appauvrissement, à savoir la méthode de la valeur de [traduction] « 50 % de la concentration maximale ». Dans les revendications 57 et 64, ces paramètres sont précisés dans la définition de la première profondeur et de la deuxième profondeur, la deuxième profondeur étant la profondeur à laquelle la concentration appauvrie du composant du gaz additif (revendication 57) ou du composant additif (revendication 64) est de 50 % de la concentration maximale. Dans la revendication 66, la couche d’appauvrissement doit persister à une concentration normalisée d’au moins 50 % d’atomes du gaz additif, à une profondeur donnée. Les revendications 57 et 67 ont ensuite des revendications dépendantes qui établissent, à l’aide de la méthode de la valeur de [traduction] « 50 % de la concentration maximale », la profondeur de couche d’appauvrissement requise, soit d’[traduction] « au moins 40 nm » (revendications 58, 59, 67, 68 et revendications dépendantes) ou 60 (revendications 60 et 69 et revendications dépendantes).

[544] Tekna affirme que toutes les revendications du brevet 236 sont invalides pour cause d’ambiguïté, mais M. Barnes a exclu de ses conclusions sur l’ambiguïté qui portent sur la couche d’appauvrissement les revendications qui précisent comment déterminer la présence d’une couche d’appauvrissement en indiquant comment déterminer les limites de la couche d’appauvrissement et en définissant sa profondeur, à savoir les revendications 58 à 60 et 67 à 69 : premier rapport de M. Barnes, aux para 877‑881. Je conviens avec M. Barnes que ces revendications ne sont pas ambiguës. La revendication 58, par exemple, précise que la deuxième profondeur est d’au moins 40 nm. La personne versée dans l’art comprendrait comment mesurer la deuxième profondeur de la couche d’appauvrissement et serait capable de déterminer si elle est supérieure ou inférieure à 40 nm. La personne versée dans l’art serait en mesure de savoir si un procédé est visé ou non par la revendication. Ces revendications ne sont pas ambiguës.

[545] Bien que M. Barnes ne les mentionne pas, les revendications qui dépendent des revendications 58 à 60 ou 67 à 69 et qui ajoutent d’autres restrictions quant au gaz additif et au composant de la couche d’appauvrissement provenant du gaz additif (revendications 62, 63, 71 et 72), au type d’atomisation (revendication 109) ou à la source de métal réactif chauffée (revendications 115 à 117), ne sont pas ambiguës, car elles dépendent directement ou indirectement de l’une ou l’autre des revendications 58 à 60 ou 67 à 69.

(ii) Les autres revendications de procédé sont ambiguës

[546] Les revendications indépendantes 57, 64 et 66 exposent en détail une méthode permettant de déterminer les paramètres de la couche d’appauvrissement, à savoir la méthode de la valeur de [traduction] « 50 % de la concentration maximale » mentionnée précédemment. Cependant, les revendications 57 et 64 indiquent seulement que la profondeur de la couche d’appauvrissement (la deuxième profondeur) est [traduction] « telle que » la poudre a une coulabilité inférieure à 40 s, tandis que la revendication 66 indique de façon similaire que la couche d’appauvrissement persiste à une concentration normalisée d’au moins 50 % d’atomes du gaz additif à une profondeur [traduction] « à laquelle » la poudre présente une coulabilité inférieure à 40 s.

[547] Comme il est indiqué ci‑dessus, la personne versée dans l’art comprendrait que ces revendications signifient que si une poudre présente une coulabilité donnée, alors la couche d’appauvrissement est suffisamment profonde pour répondre à cet élément de la revendication, et que la durée de l’écoulement revendiquée est [traduction] « attribuable à l’épaisseur de la couche d’appauvrissement » : premier rapport de M. Mostaghimi, au para 140. Essentiellement, les revendications exigent non pas que la couche d’appauvrissement ait une valeur numérique de profondeur prédéterminée pour la deuxième profondeur, mais qu’elle ait une profondeur telle qu’elle confère la coulabilité souhaitée, peu importe la profondeur. Comme M. Barnes et M. Mostaghimi le reconnaissent tous deux, les revendications semblent indiquer une relation fonctionnelle entre la deuxième profondeur et la coulabilité : premier rapport de M. Mostaghimi, au para 140; premier rapport de M. Barnes, aux para 496, 506.

[548] La « revendication fonctionnelle », c’est‑à‑dire la revendication qui définit un élément par renvoi à un résultat plutôt qu’à un autre paramètre, ou la [traduction] « revendication à l’égard d’un résultat souhaité », est en principe admissible au Canada : Schering‑Plough, au para 60, citant Burton Parsons Chemicals Inc et al v Hewlett‑Packard (Canada) Ltd et al, [1972] FCJ No 1126 au para 23. Toutefois, cette façon de faire pourrait « mettre les inventeurs en eaux troubles » en ce sens que la revendication pourrait embrasser plus large que l’invention, être ambiguë ou inexploitable : Schering‑Plough, au para 134; Burton Parsons, au para 23.

[549] En l’espèce, la signification véritable de ces revendications est qu’il y a présence d’une couche d’appauvrissement, et en particulier une dont la deuxième profondeur ayant une concentration de 50 % répond aux paramètres de la revendication dans les cas où la poudre résultant du procédé présente la coulabilité souhaitée, peu importe où se trouve le marqueur de concentration de 50 %. Toutefois, comme le comprendrait la personne versée dans l’art, le résultat véritable serait que l’élément couche d’appauvrissement de la revendication est dénué de sens, car tout procédé d’atomisation qui comprend le recours à un gaz additif qui donne la coulabilité souhaitée aurait, par définition, une couche d’appauvrissement.

[550] Comme le juge Binnie l’a fait observer au paragraphe 32 de l’arrêt Free World Trust, l’ingéniosité propre à un brevet ne tient pas à la détermination d’un résultat souhaitable, mais bien à l’enseignement d’un moyen particulier d’y parvenir, et la portée des revendications ne peut être extensible au point de permettre au breveté d’exercer un monopole sur tout moyen d’obtenir le résultat souhaité. Le « moyen particulier » enseigné par le brevet 236 est le recours à un gaz additif pour obtenir une couche d’appauvrissement. Pourtant, les revendications 57, 64 et 66 ne permettent pas à la personne versée dans l’art de comprendre ce qu’est la couche d’appauvrissement, mis à part que le résultat souhaité est obtenu. Dans la décision Schering‑Plough, la juge Snider a conclu que les revendications fonctionnelles pouvaient certes exister, mais que les revendications dans lesquelles un élément essentiel est défini de manière à couvrir tout produit ou procédé qui atteint le résultat souhaité allaient « au‑delà de toute revendication fonctionnelle acceptable » : Schering‑Plough, aux para 135 à 138.

[551] Je fais observer que la juge Snider a conclu à l’invalidité de certaines revendications pour cause de portée excessive, et non pas d’ambiguïté. Dans la présente affaire, le problème d’ambiguïté soulevé par M. Barnes (et le juge en chef adjoint Camilien Noël dans la décision Burton Parsons) semble justifié, car la personne versée dans l’art n’aurait aucun moyen de comprendre quels procédés visent les revendications 57, 64, et 66 en raison de l’élément couche d’appauvrissement. Il se peut que les notions d’ambiguïté et de portée excessive se chevauchent dans un cas comme celui‑ci : Seedlings (CAF), aux para 50‑52; Western Oilfield, aux para 128‑130. Quoi qu’il en soit, que le terme employé pour désigner le fait de ne pas avoir défini « distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention » soit « ambiguïté » ou « portée excessive », cela est sans importance en ce qui concerne la validité d’une revendication : Loi sur les brevets, art 27(4). À mon avis, les revendications indépendantes 57, 64 et 66 sont invalides pour cause d’ambiguïté, sinon de portée excessive. Il en va de même pour les revendications dépendantes 61, 65 et 70, lesquelles ajoutent des restrictions qui ne règlent pas les problèmes d’ambiguïté.

[552] Les autres revendications de procédé du brevet 236 n’enseignent pas à la personne versée dans l’art comment déterminer la présence d’une couche d’appauvrissement ou ses paramètres. Pour les motifs susmentionnés au paragraphe [497], la personne versée dans l’art ne se contenterait pas d’importer dans ces revendications la méthodologie énoncée dans les revendications indépendantes 57, 64 ou 66. De plus, pour les motifs exposés aux paragraphes [479] à [492], la personne versée dans l’art ne comprendrait pas que les revendications s’interprètent de la façon préconisée par AP&C, à savoir qu’une couche d’appauvrissement existe dans une particule si le profil de concentration d’oxygène a une « queue » plus haute (c.‑à‑d. un profil de concentration d’oxygène qui se situe au‑dessus de) que celui d’une particule fabriquée sans gaz additif. Par conséquent, ces revendications ne laissent également à la personne versée dans l’art aucun moyen d’évaluer si une particule de poudre a une couche d’appauvrissement au sens de la revendication ou non.

[553] Cela vaut aussi pour les revendications qui exigent que la couche d’appauvrissement ait une profondeur inférieure ou égale à un paramètre donné, exprimée en nanomètres, sans préciser comment déterminer la profondeur de la couche d’appauvrissement, à savoir les revendications 2, 10, 18 à 20, 85 à 89, 110 à 114, et 118, ainsi que les revendications qui en dépendent (p. ex., les revendications 3 à 8, car elles dépendent de la revendication 2). Pour que la personne versée dans l’art puisse évaluer si un procédé est visé ou non par ces revendications, elle doit être en mesure de déterminer la profondeur de la couche d’appauvrissement pour la comparer au paramètre numérique donné. Or, s’agissant de ces revendications, la personne versée dans l’art ne saurait pas comment déterminer cette profondeur.

[554] Comme nous l’avons vu plus haut, les diverses méthodes proposées par les experts d’AP&C pour déterminer où la couche d’appauvrissement commence et finit, et donc pour mesurer sa profondeur, ne sont pas étayées par le brevet 236. Les experts suggèrent notamment d’intégrer au brevet 236 des restrictions qui existent dans d’autres revendications (la méthode de la valeur de [traduction] « 50 % de la concentration maximale ») ou d’utiliser des méthodes qui ne se trouvent nulle part dans le brevet 236 ou les connaissances générales courantes, et qui sont incompatibles avec la figure 5 (la méthode du [traduction] « taux de diminution qui est véritablement nul » proposée par M. Mostaghimi ou la méthode de la valeur de [traduction] « 23 % de la concentration maximale » proposée par M. Cima) : voir les paragraphes [265] à [271] ci‑haut; deuxième rapport de M. Mostaghimu, au para 428‑430. AP&C et ses experts n’ont présenté aucune explication convaincante concernant les raisons pour lesquelles la personne versée dans l’art adopterait l’une ou l’autre de ces méthodes contradictoires sur le fondement du brevet 236 ou de ses revendications.

[555] Je souligne que, dans son analyse sur la contrefaçon des revendications 2 et 10 du brevet 236, M. Mostaghimi dit que le fait que la couche d’appauvrissement soit inférieure à 100 nm ressort du rapport Tascon, selon lequel [traduction] « la couche d’appauvrissement est observée bien en deçà de 20 unités arbitraires »; deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 543‑551. M. Mostaghimi ne donne aucune explication quant à la façon dont il a tiré cette conclusion, c’est‑à‑dire où il considère que la couche d’appauvrissement se termine, ni en quoi elle se distingue de la couche d’oxyde natif. Bien qu’AP&C n’affirme pas que les revendications 2 et 10 ont été contrefaites, j’estime révélateur que M. Mostaghimi semble incapable de dire sur quoi repose son évaluation de la profondeur de la couche d’appauvrissement.

[556] Cette incapacité a également été observée dans le contre‑interrogatoire de M. Mostaghimi. Lorsqu’on lui a demandé comment le personne versée dans l’art déterminerait si la couche d’appauvrissement respecte les paramètres de profondeur « d’au moins 20 nm », « d’au moins 30 nm » ou « d’au moins 40 nm », énoncés dans les revendications 18 à 20 du brevet 236, M. Mostaghimi a donné une réponse remarquable, principalement parce qu’elle était incompréhensible et floue :

[traduction]

Me DUPONT : Qu’en est‑il des revendications qui comportent une mesure précise? Disons, par exemple, au moins 20 nanomètres, au moins 30 nanomètres, au moins 40 nanomètres. Que dois‑je faire alors?

M. MOSTAGHIMI : Si vous retournez en arrière, nous avons dit que la couche d’appauvrissement est plus épaisse que la couche d’oxyde natif. On peut donc présumer que c’est encore le cas ici, en gros. Donc plus épaisse dans le brevet, on parle de 100 nanomètres, 80 nanomètres, 20 nanomètres. Donc, la profondeur de ce profil a été décrite dans le brevet plusieurs fois, essentiellement. Et comparativement à la couche d’oxyde natif, elle est beaucoup plus épaisse, en fait.

On peut donc supposer que c’est le cas. Et la figure 5 le montre également.

[Transcription, jour 11, à la p 137.]

[557] Malgré son renvoi à la figure 5, M. Mostaghimi a concédé en réponse à des questions de suivi que la figure 5 ne pouvait servir aux mesures de profondeur : transcription, jour 11, aux p 137‑138. Ces autres questions ont également confirmé l’absence de toute explication valable quant à la façon dont la personne versée dans l’art déterminerait la profondeur de la couche d’appauvrissement : transcription, jour 11, aux p 137‑139.

[558] Je conviens avec Tekna que la personne versée dans l’art qui examinerait la figure 5 du brevet 236 ne serait pas en mesure de comprendre comment elle aide à déterminer la profondeur de la couche d’appauvrissement. Ni la figure ni l’analyse de celle‑ci n’expliquent comment déterminer la profondeur de la couche d’appauvrissement. En effet, comme il est indiqué plus haut, le paragraphe 179* de la divulgation indique que la couche d’appauvrissement [traduction] « a une profondeur de l’ordre de 100 nm », tandis que la figure 5 comme telle s’arrête à 80 nm pour les essais 1, 3 et 4, et à 70 nm pour l’essai 2.

[559] Je conclus donc que la personne versée dans l’art serait incapable de déterminer, d’après les revendications ou la divulgation du brevet 236 ou encore ses connaissances générales courantes, si une particule présente ou non une couche d’appauvrissement d’une profondeur donnée au sens de ces revendications. Ces revendications ne définissent pas « distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif » et sont invalides pour cause d’ambiguïté : Loi sur les brevets, art 27(4); Pharmascience‑apixaban, au para 61.

[560] Il en va de même pour les revendications qui ne précisent pas la profondeur de la couche d’appauvrissement, à savoir les revendications 1, 9, 21 à 56 et 104 à 108, ainsi que pour les autres revendications qui en dépendent (p. ex., les revendications 3 à 8 qui dépendent de la revendication 1, et les revendications 124 à 140 qui dépendent de la revendication 1 ou 104). Comme il a été mentionné ci‑dessus, ces revendications ne contiennent aucune restriction concernant la couche d’appauvrissement, sauf que le terme appauvrissement y est employé et qu’elles exigent que la couche contienne un composant du gaz additif, un composant additif ou un élément additif.

[561] Je suis d’accord avec AP&C pour dire qu’en l’absence d’un paramètre de profondeur donné, ces revendications ne comprennent pas d’exigence selon laquelle la couche d’appauvrissement doit avoir une profondeur précise, définie ou mesurable : transcription, jour 15, aux p 72‑73. Toutefois, la personne versée dans l’art considérerait que la couche d’appauvrissement est une couche plutôt que l’entièreté de la particule, et aurait tout de même besoin d’un moyen de déterminer si un procédé satisfait ou non aux éléments essentiels de la ou des revendications, c’est‑à‑dire si une particule produite par le procédé présente une couche d’appauvrissement ou non.

[562] Comme nous l’avons vu plus haut, la personne versée dans l’art ne comprendrait pas qu’une particule a une couche d’appauvrissement, par définition, dans tous les cas où un gaz additif est utilisé et où la poudre présente les paramètres de coulabilité prédéterminés. En contre‑interrogatoire, M. Mostaghimi a laissé entendre que c’était le cas, bien que AP&C n’ait pas adopté cette position en plaidoirie finale : transcription confidentielle, jour 12, aux p 61‑62; transcription, jour 11, aux p 134‑135; jour 16, aux p 77‑81. Si c’était le cas, l’ajout de l’élément qu’est la couche d’appauvrissement serait redondant et pourrait être éliminé des revendications. Pourtant, les parties et leurs experts conviennent que la présence de la couche d’appauvrissement est au cœur du brevet dans son ensemble et qu’elle est essentielle aux revendications : voir transcription, jour 11, aux p 102, 105 et 116.

[563] En effet, AP&C reconnaît elle‑même que la présence d’une couche d’appauvrissement ne peut être déterminée simplement par la présence ou l’absence de la coulabilité souhaitée. Son principal argument est que la présence de la couche d’appauvrissement dépend d’une comparaison du profil d’oxygène d’une particule avec celui d’une particule fabriquée sans gaz additif, et non d’une évaluation de la coulabilité. De plus, afin de réfuter certains des arguments avancés sur la question de la portée excessive, AP&C soutient expressément que la personne versée dans l’art comprendrait que la présence d’une couche d’appauvrissement ne garantit pas un certain degré de coulabilité (c.‑à‑d. que les particules d’une poudre peuvent avoir une couche d’appauvrissement sans avoir la coulabilité prédéterminée). Au lieu de cela, la couche d’appauvrissement aurait simplement une [traduction] « coulabilité améliorée par rapport à cette même poudre sans couche d’appauvrissement » : conclusions finales d’AP&C, au para 427. Cet argument confirme que la personne versée dans l’art comprendrait que certaines poudres n’ont pas de couche d’appauvrissement, mais il ne permet pas de distinguer celles qui en ont de celles qui n’en ont pas.

[564] Néanmoins, comme nous l’avons vu plus haut, une grande partie de l’analyse des experts d’AP&C semble précisément fondée sur l’approche qui consiste à assimiler la présence d’une coulabilité à la présence d’une couche d’appauvrissement, et donc à supprimer des revendications l’exigence d’une couche d’appauvrissement. En effet, cette approche sous‑tend l’hypothèse importante que les experts ont formulée concernant les témoins positifs et les témoins négatifs utilisés dans l’analyse relative à la contrefaçon faite par AP&C, à savoir que les échantillons utilisés comme témoins positifs avaient une couche d’appauvrissement (puisqu’ils présentaient une certaine coulabilité), tandis que les témoins négatifs n’en avaient pas (étant donné qu’ils ne montraient aucune coulabilité malgré, dans un cas, la présence d’un gaz additif).

[565] J’ai exposé en détail plus haut les raisons pour lesquelles je rejette la proposition selon laquelle la personne versée dans l’art comprendrait que la présence d’une couche d’appauvrissement serait déterminée au moyen d’une comparaison entre le profil d’oxygène d’une particule examinée et celui d’une particule différente, fabriquée sans gaz additif. Je n’ai pas besoin de répéter cette analyse ici.

[566] Il s’ensuit que la personne versée dans l’art, malgré sa volonté de comprendre et l’interprétation téléologique qu’elle donnerait aux revendications, ne comprendrait pas, à la lecture des revendications du brevet 236, de la divulgation de ce dernier ou de ses connaissances générales courantes, comment déterminer si une particule de poudre présente ou non la couche d’appauvrissement visée par les revendications qui ne précisent pas du tout la profondeur de cette couche. Il serait donc impossible pour la personne versée dans l’art de savoir si un procédé de production d’une poudre de métal serait visé par ces revendications du brevet 236.

[567] Il en va de même pour la revendication 73 et ses revendications dépendantes. La revendication 73 exige la présence d’une couche d’appauvrissement sans préciser comment déterminer si elle existe. Elle présente donc l’ambiguïté décrite plus haut. La revendication 73 exige également que le procédé comprenne une régulation de la quantité de gaz additif afin de [traduction] « contrôler une profondeur » ou de [traduction] « contrôler la profondeur » de la couche d’appauvrissement, sans préciser comment déterminer cette profondeur. Pour que la personne versée dans l’art puisse « contrôler la profondeur » de la couche d’appauvrissement, elle doit nécessairement disposer d’une méthode qui lui permette de déterminer la présence de la couche d’appauvrissement et sa profondeur. Pourtant, cette revendication n’énonce aucune méthode pour ce faire et, pour les motifs exposés précédemment, la personne versée dans l’art n'aurait aucune raison d’interpréter la revendication comme si elle en énonçait une. Par conséquent, la personne versée dans l’art ne serait pas en mesure de déterminer si un procédé particulier requiert de [traduction] « contrôler la profondeur » de la couche d’appauvrissement, car elle ne serait pas en mesure de déterminer si la régulation de la quantité de gaz additif a une incidence sur la profondeur de la couche d’appauvrissement.

[568] Encore là, malgré sa volonté de comprendre, la personne versée dans l’art ne serait pas en mesure de déterminer si un procédé est visé par la revendication 73 ou ses revendications dépendantes.

[569] Par conséquent, je conclus que Tekna s’est acquittée du fardeau d’établir que a) les revendications 1 à 57, 61, 64 à 66, 70, 73 à 89, 104 à 108, 110 à 114, 118 à 123 et 129 à 140; b) les revendications 62 et 63, dans la mesure où elles dépendent de la revendication 57 ou de la revendication 61; c) les revendications 71 et 72, dans la mesure où elles dépendent de la revendication 66; d) les revendications 109 et 115 à 117, dans la mesure où elles dépendent de revendications autres que les revendications 58 à 60, 67 à 69, 71 et 72, dans la mesure où elles dépendent de la revendication 67, sont invalides pour cause d’ambiguïté.

(b) Revendications de système : revendications 90 à 103 et 141 à 147

[570] Chacune des revendications de système (revendications 90 à 103 et 141 à 147) comprend l’élément essentiel selon lequel le système doit être [traduction] « configuré pour réguler un gaz atomisant présent dans le mélange atomisant afin d’agir sur la formation d’une couche d’appauvrissement ». Dans chaque cas, pour savoir ce que vise la revendication, c’est‑à‑dire pour « en connaître à l’avance la portée exacte », la personne versée dans l’art doit être en mesure de comprendre ce qu’est une couche d’appauvrissement et d’évaluer si un procédé donné est configuré pour agir sur la formation d’une couche d’appauvrissement au sens de la revendication.

[571] À mon avis, et pour les mêmes motifs que ceux exposés à l’égard des revendications de procédé examinées ci‑dessus, je conclus que la personne versée dans l’art qui interpréterait les revendications de système en fonction de l’objet et avec un esprit désireux de comprendre serait simplement incapable de comprendre comment déterminer si un système est configuré ou non pour agir sur la formation d’une couche d’appauvrissement. Aucune des revendications en cause n’explique comment déterminer la présence d’une couche d’appauvrissement et, pour les motifs susmentionnés, la personne versée dans l’art ne serait pas en mesure de comprendre comment le déterminer. S’il est impossible de déterminer si une couche d’appauvrissement s’est formée ou non, il est impossible de déterminer si un système est configuré pour contrôler la formation de cette couche d’appauvrissement.

[572] Par conséquent, je conclus que Tekna s’est acquittée du fardeau de démontrer que toutes les revendications du brevet 236 sont invalides pour cause d’ambiguïté.

(2) L’insuffisance

[573] Comme je l’ai mentionné plus haut, Tekna a présenté ses arguments sur l’ambiguïté comme des arguments portant conjointement sur [traduction] « l’insuffisance et l’ambiguïté ». Encore là, les arguments des parties sur l’ambiguïté et l’insuffisance se chevauchent largement, alors une conclusion supplémentaire selon laquelle les revendications du brevet 236 sont également invalides pour cause d’insuffisance serait peu utile. Toutefois, je répète que je suis d’accord pour dire que la personne versée dans l’art ne pourrait pas mettre en pratique les revendications autres que les revendications non ambiguës du brevet 236, car elle ne pourrait pas savoir si le procédé ou le système concerné permettrait d’obtenir une poudre possédant une couche d’appauvrissement au sens de ces revendications et, par conséquent, elle ne pourrait pas produire (ou éviter de produire) une telle couche.

(3) Les autres motifs d’invalidité avancés

[574] Tekna soutient également que les revendications du brevet 236 sont invalides pour cause d’inutilité et de portée excessive. Compte tenu de mes conclusions sur l’ambiguïté, il ne m’est pas nécessaire d’examiner tous les arguments sur ce point. Toutefois, je vais brièvement les examiner, en particulier en relation avec les revendications que je n’ai pas jugées invalides pour cause d’ambiguïté, soit les revendications non ambiguës.

(a) L’inutilité

[575] Pour être brevetable, une invention doit présenter « le caractère de la nouveauté et de l’utilité » : Loi sur les brevets, art 2 (« invention ») : AstraZeneca Canada Inc c Apotex Inc, 2017 CSC 36 au para 26 [AstraZeneca‑ésoméprazole]. Comme les parties en conviennent, pour qu’une invention présente « le caractère de […] l’utilité », son objet doit pouvoir donner un résultat concret : AstraZeneca‑ésoméprazole, aux para 52‑54. Aucun degré d’utilité n’est prescrit, alors une « parcelle d’utilité » suffit : AstraZeneca‑ésoméprazole, au para 55. L’utilité d’une invention doit être démontrée ou valablement prédite au moment de la demande de brevet : AstraZeneca‑ésoméprazole, au para 56.

[576] Pour établir l’utilité au moyen d’une prédiction valable, la prédiction doit avoir un fondement factuel, l’inventeur doit avoir un raisonnement clair et valable qui permette d’inférer du fondement factuel le résultat souhaité, et la divulgation doit être suffisante : Apotex Inc c Wellcome Foundation Ltd, 2002 CSC 77 au para 70. L’utilité est démontrée au moment de la demande de brevet et ne peut être étayée par des éléments de preuve postérieurs à la date de dépôt : Bell Helicopter Textron Canada Limitée c Eurocopter, société par actions simplifiée, 2013 CAF 219 au para 131.

[577] L’argumentation de Tekna selon laquelle le brevet 236 n’est pas utile comporte plusieurs aspects. Le premier aspect concerne essentiellement des questions de thermochimie. Tekna affirme que la théorie scientifique avancée dans le brevet concernant la charge électrique de la couche d’appauvrissement et de la couche d’oxyde natif ne tient pas scientifiquement. Elle ajoute que la couche d’oxyde natif sur une particule agit essentiellement comme un obstacle à l’introduction de l’oxygène dans une particule, et que tout oxygène sous la couche d’oxyde natif serait présent sous forme d’oxygène élémentaire. Elle s’appuie sur les témoignages de M. Barnes et de M. Shallenberger pour affirmer que ce qu’on désigne dans le brevet comme une couche d’appauvrissement pourrait simplement être une couche d’oxyde plus épaisse.

[578] Le deuxième aspect de l’argumentation de Tekna concerne les données d’expérience, notamment les résultats présentés dans le brevet et d’autres résultats obtenus par les inventeurs. Tekna affirme que les différents essais présentés comme étant l’expérience 1 n’ont pas été réalisés dans les mêmes conditions expérimentales, malgré la revendication du brevet à cet égard, et que l’expérience n’a donc pas permis d’isoler les variables pertinentes. Elle souligne que les estimations de la profondeur présentées à la figure 5 ne sont que des estimations plutôt qu’une mesure directe et que, de toute façon, la ToF‑SIMS n’est pas une bonne méthode à utiliser pour déterminer la présence d’une couche d’appauvrissement ou la présence d’oxygène sous la surface. Elle fait également remarquer que les inventeurs n’ont pas inclus dans la figure 5 d’autres résultats d’essai, obtenus parallèlement, dont un échantillon qui présenterait une bonne coulabilité, mais dont le profil de concentration en oxygène serait semblable à celui des particules des essais 1 et 2 : pièces 124, 128, 131, 132; transcription confidentielle, jour 9, aux p 64‑75. Elle soutient que les résultats des essais dont disposaient les inventeurs, mais qui n’ont pas été divulgués, montrent un manque de corrélation entre a) le recours à un gaz additif et la présence d’une couche d’appauvrissement, comme le décrit AP&C; et b) la présence d’une couche d’appauvrissement et d’une bonne coulabilité. Elle soutient en fin de compte que la figure 5 et la description qu’en donne le brevet sont [traduction] « au mieux trompeuses, sinon carrément fausses », et que les expériences dans leur ensemble montrent que [traduction] « l’invention ne fonctionne pas toujours, […] voire pas du tout » : conclusions finales de Tekna, aux para 121‑146.

[579] Le troisième aspect de l’argumentation de Tekna concernant l’inutilité porte sur ses propres essais expérimentaux par TEM‑EDS. Tekna affirme que les résultats de ces essais ne montrent pas de couche d’appauvrissement, observable par TEM ou mesurable à l’aide des données d’EDS, peu importe l’échantillon. Elle soutient que l’explication la plus probable est qu’il n’y a pas de couche d’appauvrissement dans l’un ou l’autre des échantillons analysés, et que les petites variations de profil ToF‑SIMS sont attribuables à des distorsions ou à l’épaisseur de la couche d’oxyde.

[580] Enfin, Tekna soutient qu’AP&C n’avait pas démontré l’utilité à la date de dépôt, étant donné l’absence de corrélation entre le recours à un gaz additif, la création d’une couche d’appauvrissement et l’amélioration invoquée de la coulabilité de la poudre. Elle souligne que les essais subséquents de Tascon par ToF‑SIMS ont retardé la date de dépôt et, de toute façon, ne permettent pas d’établir une corrélation. Enfin, Tekna soutient que l’invention [traduction] « ne fonctionne tout simplement pas comme le décrivent et le revendiquent les brevets ».

[581] Aucun des arguments de Tekna ne porte spécifiquement sur les revendications du brevet 236 qui décrivent une méthode d’évaluation de la présence et de la profondeur d’une couche d’appauvrissement et un paramètre de cette profondeur, c’est‑à‑dire les revendications non ambiguës. L’analyse que M. Barnes a faite des résultats de l’analyse par TEM‑EDS menée sur les échantillons de poudre d’AP&C provenant des quatre essais de l’exemple 1 du brevet indique que le profil d’oxygène par TEM‑EDS de ces échantillons tombe sous 50 % de la concentration maximale dans les 5 à 10 premiers nm : premier rapport de M. Barnes, au para 806. Par ailleurs, sur la question de l’inutilité, M. Barnes a reconnu qu’un [traduction] « nombre limité de revendications dépendantes du brevet 236 » permet de faire une distinction entre les essais 1 et 2 et les essais 3 et 4 d’après les résultats de ToF‑SIMS présentés à la figure 5, et a cité la revendication 67 comme exemple : premier rapport de M. Barnes, au para 808‑817; transcription, jour 5, à la p 37.

[582] À mon avis, les inventeurs disposaient de résultats expérimentaux qui montraient a) une différence de coulabilité entre les essais 1 et 2 d’une part et les essais 3 et 4 de l’autre; b) des profils de concentration d’oxygène par ToF‑SIMS qui pouvaient être distingués en fonction de l’endroit où la concentration d’oxygène a dépassé les 50 % de la concentration maximale. Comme on peut le voir à la figure 5, les essais 1 et 2 dépassent la valeur de 50 % de la concentration à des valeurs inférieures à 30 nm, tandis que les essais 3 et 4 dépassent cette concentration à des valeurs supérieures à 60 nm. Même si les mesures de profondeur ne sont peut‑être qu’une approximation (apparemment effectuée par l’École Polytechnique de Montréal à l’époque), je ne suis pas convaincu que cette approximation était déraisonnable ou que les résultats des données n’étaient pas entièrement fiables : transcription, jour 10, aux p 32‑33; jour 11, aux p 137‑138; brevet 236, au para 179*; pièce 124, à la p 2; transcription confidentielle, jour 8, à la p 98.

[583] Les critiques formulées par les experts de Tekna à l’égard des expériences analysées dans le brevet 502 et présentées à la figure 5 soulèvent des préoccupations. Les conditions du gaz additif de l’essai 3 sont présentées de façon inexacte; on ignore si la particule de poudre à l’étude de l’essai 3 a été produite avec ou sans gaz additif; et les inventeurs n’ont pas présenté d’autres données d’essai qu’ils avaient et qui pourraient être considérées comme des données confusionnelles : transcription confidentielle, jour 9, aux p 48‑51, 64‑75, 97‑101; pièces 124, 128, 131, 132. On aurait certainement pu mieux concevoir les expériences pour isoler les variables afin de démontrer que l’utilisation d’un gaz additif et la nature, la présence et les paramètres d’une couche d’appauvrissement étaient corrélés aux améliorations de la coulabilité. Toutefois, comme AP&C le signale, la norme à respecter pour démontrer l’utilité n’est pas celle des publications scientifiques évaluées par des pairs : Apotex Inc c Janssen Inc, 2021 CAF 45 au para 49; Astrazeneca Canada Inc c Mylan Pharmaceuticals ULC, 2011 CF 1023 aux para 161‑168, conf par 2012 CAF 109.

[584] Tout bien considéré, en dépit des critiques de Tekna, des lacunes dans les expériences et de leur description dans le brevet, je ne suis pas convaincu que Tekna s’est acquittée du fardeau de démontrer que les revendications non ambiguës ne présentent pas le caractère de l’utilité.

(b) La portée excessive

[585] Tekna soutient que la portée des revendications non ambiguës et des autres revendications est plus large que celle de l’invention parce qu’une ou plusieurs caractéristiques essentielles de l’invention en sont omises : Seedlings (CAF), au para 54. Dans le contexte de la portée excessive, la notion d’« élément essentiel » d’une invention est différente de la notion d’« élément essentiel » d’une revendication : Aux Sable Liquid Products LP c JL Energy Transportation Inc, 2019 CF 581 aux para 72‑74; Seedlings (CAF), aux para 54, 60. Aux fins de l’analyse sur la portée excessive, la question est de savoir si la caractéristique est « si essentielle à l’invention décrite dans la divulgation qu’une revendication qui l’omettrait viserait des réalisations qui n’étaient pas envisagées dans la divulgation » : Seedlings (CAF), au para 54.

[586] Tekna soutient que les revendications non ambiguës sont de portée excessive parce qu’elles n’incluent pas de restrictions quant à a) la température; b) la présence d’une couche d’oxyde natif; et c) la distribution granulométrique qui sous‑tend l’exigence de coulabilité. Pour les motifs qui suivent, je conclus que les revendications non ambiguës ne sont pas de portée excessive.

[587] En ce qui concerne la température, Tekna met en évidence le témoignage de M. Mostaghimi sur l’importance de la température comme paramètre dans la création d’une couche d’appauvrissement et les problèmes de coulabilité éprouvés par AP&C après que les changements d’équipement eurent entraîné une baisse de la température d’atomisation : transcription confidentielle, jour 11, aux p 40‑43; transcription confidentielle, jour 12, aux p 52, 57‑61; transcription confidentielle, jour 9, aux p 7‑11. Elle affirme qu’une température suffisamment élevée est essentielle à la formation d’une couche d’appauvrissement et donc à l’invention, et que l’omission d’inclure la composante de la température dans les revendications (à l’exception de la revendication 74 du brevet 236), fait en sorte que le brevet est de portée excessive.

[588] La preuve scientifique présentée à la Cour est claire : la température est un facteur important à la fois pour la complétude et la vitesse de la réaction entre un gaz réactif comme l’oxygène et un métal réactif comme le titane, et la vitesse de diffusion d’un composant du gaz (sous forme d’oxyde ou d’oxygène) dans une particule de métal. Cependant, il est tout aussi clair que d’autres paramètres de procédé influent également sur ces mécanismes, notamment la concentration du gaz, la vitesse du gaz et la taille des particules qui en résulte : transcription, jour 11, aux p 40‑43. Ces autres facteurs sont également mentionnés dans la divulgation : brevet 236, aux para 38, 162‑164*.

[589] Je suis convaincu que la personne versée dans l’art qui examinerait le brevet 236 comprendrait que l’ajustement des paramètres de procédé, comme la température, la concentration de gaz et la vitesse, aurait une incidence sur la concentration du gaz réactif dans la particule, y compris la profondeur à laquelle la concentration dépasse le seuil de 50 % de la concentration maximale. À mon avis, cependant, il s’agit d’une question concernant la capacité de la personne versée dans l’art de réaliser l’invention, et non le fait qu’une température précise soit essentielle à l’invention elle‑même. Autrement dit, les aspects essentiels de l’invention sont le recours à un gaz additif et la formation d’une couche d’appauvrissement afin d’améliorer la coulabilité. Pour ce faire, il faut ajuster les paramètres pertinents, notamment, le paramètre important qu’est la température, mais aussi la concentration de gaz et d’autres paramètres : deuxième rapport de M. Mostaghimi, au para 312. La situation est donc différente de celle de l’affaire Aux Sable, où l’ajout d’un additif d’éthane ou de propane et l’obtention d’une réduction du « produit zMm » étaient l’essence même de l’invention divulguée et décrite dans la divulgation, et où les revendications qui omettaient ces exigences étaient donc de portée excessive : Aux Sable, aux para 58‑61, 66‑74.

[590] En ce qui concerne la présence d’une couche d’oxyde natif, Tekna affirme que la présence de deux couches (la couche d’oxyde natif et la couche d’appauvrissement) est un élément essentiel de l’invention. Elle cite M. Mostaghimi qui a souscrit à la proposition selon laquelle la formation des deux couches est au cœur de l’invention du brevet 502 et du brevet 236 : transcription, jour 11, aux p 104‑105. Elle renvoie également à l’analyse de l’interaction entre les couches et la stœchiométrie et les charges de ces couches qui se trouve dans la divulgation : brevet 236, aux par 156‑161*. Tekna oppose les revendications du brevet 502, qui exigent toutes une couche d’oxyde natif, à celles du brevet 236, dont la plupart ne l’exigent pas. Elle affirme donc que la présence d’une couche d’oxyde natif est une caractéristique essentielle de l’invention divulguée. Elle affirme également que, puisque les inventeurs n’ont jamais fabriqué de particule sans couche d’oxyde natif, il s’agit d’un aspect essentiel de l’invention réalisée. Dans un cas comme dans l’autre, elle soutient que les revendications qui n'exigent pas de couche d’oxyde natif sont de portée plus large que l’invention et sont invalides.

[591] À mon avis, le brevet 236 et ses revendications doivent être considérés de façon indépendante plutôt qu’en comparaison avec le brevet 502. Les revendications du brevet 502 comprennent toutes l’élément essentiel qu’est la couche d’oxyde natif, mais cela ne signifie pas nécessairement que la présence d’une couche d’oxyde natif est essentielle à l’invention du brevet 236, car ce concept est utilisé dans l’évaluation de la portée excessive. La divulgation du brevet 236 montre clairement que la question de l’interaction entre les deux couches est une théorie scientifique à laquelle les inventeurs n’adhèrent pas. Cela donne à penser que, malgré l’opinion contraire de M. Mostaghimi, l’interaction entre les couches n’est pas le [traduction] « cœur » ou l’essence de l’invention du brevet 236. D’autres aspects de la divulgation concernent la couche d’appauvrissement sans mention d’une couche d’oxyde natif, notamment les paragraphes 178 et 179*, qui traitent des résultats de l’expérience 1, et la figure 5. En outre, comme le souligne AP&C, le brevet 236 fait référence au recours à d’autres gaz additifs, comme l’azote, qui ne créeraient pas de couche d’oxyde natif : brevet 236, aux para 111‑112, 132, 147*, revendications 74, 75.

[592] Le fait qu’AP&C ne fabrique que des poudres de particules ayant une couche d’oxyde natif ne signifie pas non plus que la couche d’oxyde natif est une partie essentielle de l’invention ou que les revendications qui ne font pas mention de la couche sont intrinsèquement de portée plus large que l’invention. Cela est particulièrement vrai lorsque la création d’une telle couche est largement inhérente au procédé de fabrication (la présence d’une couche de passivation étant à la fois courante et importante pour des raisons de sécurité).

[593] Le brevet 236 établit clairement une distinction entre la couche d’appauvrissement et la couche d’oxyde natif, tant dans la divulgation que dans les revendications, comme je l’ai mentionné précédemment. Cependant, une interprétation juste du brevet 236 dans son ensemble indique que la couche d’appauvrissement est essentielle à l’invention, au contraire de la couche d’oxyde natif.

[594] En ce qui concerne les paramètres de coulabilité, Tekna soutient qu’un paramètre de coulabilité sans distribution granulométrique est [traduction] « sans intérêt » et que la revendication est donc de portée plus large que l’invention divulguée. Elle fait référence au fait que les experts s’entendent pour dire que la coulabilité dépend de la distribution granulométrique : premier rapport de M. Barnes, au para 182 b); exposé conjoint des faits, au para 15; brevet 236, au para 45*. Comme nous l’avons vu plus haut aux paragraphes [510] et [511], la personne versée dans l’art considérerait que les revendications du brevet 236 qui ne mentionnent pas expressément la distribution granulométrique à laquelle s’applique le paramètre de coulabilité visent la poudre fabriquée par le procédé dans son ensemble et non une granulométrie précise de la poudre (et non, comme l’a fait valoir M. Mostaghimi, [traduction] « toute distribution granulométrique raisonnable »). Je ne peux conclure que les revendications sont « sans intérêt » dans le sens qu’elles sont de portée excessive.

[595] Bien que M. Barnes ait exprimé d’autres réserves relatives à la portée excessive, Tekna n’a pas avancé d’arguments à ce sujet dans ses observations finales, alors je ne les examinerai pas.

[596] Par conséquent, je conclus que Tekna n’a pas démontré que les revendications non ambiguës sont invalides pour cause de portée excessive.

C. La contrefaçon

(1) Les revendications invoquées et les points d’accord

[597] Comme dans le cas du brevet 502, les parties conviennent que a) l’atomisation des poudres d’alliage d’aluminium (AlSi7Mg et AlSi10Mg) dans son système d’atomisation au plasma connu sous le nom de « TAP‑S4 »; b) les procédés de vaporisation pour fabriquer des nanopoudres; c) les procédés de sphéroïdisation sans le recours à un gaz « additif » ou à la « passivation », ne contrefont pas les revendications du brevet 236 : exposé conjoint des faits, aux para 58, 147, 150‑151.

[598] AP&C est en outre d’avis que les procédés d’atomisation de Tekna utilisés pour la fabrication de poudres de métal Ti‑6Al‑4V ne contrefont pas les revendications 15, 27, 33‑38, 51‑65, 71, 73‑89, 91, 93‑96, 107, 115, 117, 121–123, 125, 127‑128, 134, 138‑141, 143, et 145‑147 du brevet 236, encore une fois en supposant que le procédé n’a pas changé depuis mai 2017 : exposé conjoint des faits, au para 149. Les admissions d’AP&C à cet égard reposent sur la prémisse que les procédés de Tekna n’ont pas changé depuis novembre 2017 (pour l’atomisation) ou mai 2017 (pour la vaporisation et la sphéroïdisation), ce dont la Cour n’avait aucune preuve. AP&C ne s’oppose pas au prononcé d’une déclaration d’absence de contrefaçon à l’égard de ces revendications pour ce motif.

[599] AP&C affirme que, s’agissant des quatre revendications du brevet 502 contrefaites par Tekna dont la portée est la plus étroite, deux sont des revendications relatives à un procédé et deux sont des revendications relatives à un système, soit : a) la revendication 116, dans la mesure où elle dépend des revendications 109, 7 ou 8 et 1 (avec ou sans la revendication 3); b) la revendication 116, dans la mesure où elle dépend des revendications 109, 28 ou 29, 24 et 21; c) la revendication 142, dans la mesure où elle dépend des revendications 97, 92 et 90; d) la revendication 144, dans la mesure où elle dépend des revendications 142 et 98.

[600] Je fais observer qu’AP&C a également inclus dans la première de ces revendications des références à la revendication dépendante 124. Toutefois, la revendication 124 dépend uniquement des revendications 1, 57, 66, 73 et 104, et non pas des revendications 109, 7 ou 8. Comme la restriction contenue dans la revendication 124 (la poudre de métal réactif brute contient moins de 1 800 ppm d’oxygène) n’est pas un point de désaccord, je l’ai simplement retirée des revendications dépendantes de la première revendication invoquées par AP&C.

[601] La première allégation est donc que le procédé de production de poudres de métal de Tekna constitue le procédé de fabrication d’une poudre de métal réactif par atomisation de la revendication 1, dans lequel le gaz additif est de l’oxygène (revendication 7) ou un gaz contenant de l’oxygène (revendication 8), et le composant de la couche d’appauvrissement provenant du gaz additif est l’oxygène (revendications 7 et 8); le procédé de fabrication est un procédé d’atomisation au plasma (revendication 109); et la source de métal réactif chauffée est un fil (revendication 116); avec ou sans l’étape de la formation d’une couche d’oxyde natif en exposant la poudre à une atmosphère contenant de l’oxygène (revendication 3). La deuxième allégation est que le procédé de Tekna constitue le procédé de fabrication de poudre de métal réactif par atomisation de la revendication 21, dans lequel la poudre a une distribution granulométrique de 10 à 53 µm et une coulabilité inférieure à 40 s (revendication 24), le gaz additif est l’oxygène (revendication 28) ou contient de l’oxygène (revendication 29), le procédé de fabrication est un procédé d’atomisation au plasma (revendication 109) et la source de métal réactif chauffée est un fil (revendication 116).

[602] La troisième allégation est que le système utilisé par Tekna pour produire des poudres de métal constitue le système d’atomisation de la revendication 90, dans lequel la source de plasma est une torche à plasma à radiofréquence [RF] (revendication 92), le gaz additif et le composant de la couche d’appauvrissement provenant du gaz additif sont tous deux de l’oxygène (revendication 97), et la source de métal réactif chauffée est un fil (revendication 142). La quatrième allégation est que le système de Tekna constitue le système d’atomisation de la revendication 98, dans lequel la source de métal réactif chauffée est un fil (revendication 142) et la source de plasma est une torche à plasma à radiofréquence (revendication 144).

[603] Encore là, AP&C fait observer que, si ces revendications de portée plus étroite sont contrefaites, les revendications de portée plus large sur lesquelles elles sont fondées le seront forcément aussi. J’en déduis qu’elle allègue que les revendications de portée plus large sont également contrefaites, y compris, au bout du compte, les revendications indépendantes 1, 21, 90 et 98.

[604] Tekna convient que son procédé d’atomisation destiné à produire des poudres de Ti‑6Al‑4V comprend, dans certains cas, mais pas nécessairement dans tous les cas, tous les éléments essentiels des revendications de procédé invoquées, à l’exception de i) ceux qui ont trait à la couche d’appauvrissement; et ii) l’étape de la formation d’une couche d’oxyde natif dans la revendication dépendante 3 : exposé conjoint des faits, aux para 153‑154.

[605] Les points sur lesquels Tekna s’est dite en accord, et qui sont énoncés dans l’exposé conjoint des faits, ne comprennent pas les admissions que celle‑ci a faites en lien avec les revendications de système. Toutefois, le seul point de désaccord important soulevé par Tekna sur la question de la contrefaçon et de la validité des revendications concerne la couche d’appauvrissement. En ce qui concerne les revendications de système, AP&C fait essentiellement valoir que si Tekna contrefait les revendications de procédé invoquées, il [traduction] « s’ensuit » donc que les revendications de système en cause sont également contrefaites, puisque le système de Tekna permet de réguler la quantité de gaz atomisant dans le mélange atomisant. Tekna ne conteste pas cela.

(2) Les revendications invoquées ne sont pas contrefaites.

[606] AP&C n’affirme pas que les revendications non ambiguës sont contrefaites. Toutes les revendications non ambiguës exigent que le procédé comprenne soit la formation d’une couche d’appauvrissement dont la deuxième profondeur est d’au moins 40 nm (revendications 58 et 59 et revendications dépendantes) ou d’au moins 60 nm (revendication 60 et revendications dépendantes), soit une couche d’appauvrissement qui persiste à une concentration normalisée d’au moins 50 % d’atomes du gaz additif à une profondeur d’au moins 40 nm (revendications 67 et 68 et revendications dépendantes) ou d’au moins 60 nm (revendication 69 et revendications dépendantes). Comme on l’observe dans les résultats de ToF‑SIMS, par exemple ceux présentés au paragraphe [391] ci‑dessus, les échantillons de poudre de Tekna ont tous des courbes de concentration d’oxygène dans lesquelles le marqueur qu’est la valeur de 50 % de la concentration maximale apparaît à une valeur bien inférieure à 40 nm.

[607] En ce qui concerne les revendications invoquées, comme je l’ai mentionné plus haut, il ne peut y avoir contrefaçon d’une revendication invalide : Seedlings (CAF), au para 74. Ma conclusion selon laquelle les revendications autres que les revendications non ambiguës du brevet 236 sont invalides est donc également déterminante quant à la question de la contrefaçon.

[608] Comme je l’ai fait observer plus haut à propos du brevet 502, en cas de conclusion d’invalidité pour cause d’ambiguïté, il est difficile de procéder subsidiairement à une analyse de la question de la contrefaçon, car il est impossible de déterminer la portée des revendications. Par conséquent, j’examinerai à nouveau la question de la contrefaçon dans le contexte de la preuve présentée et déterminerai si celle‑ci permet de démontrer qu’il y a eu contrefaçon eu égard aux diverses théories présentées concernant le sens du terme couche d’appauvrissement.

[609] J’ai examiné plus haut aux paragraphes [385] à [456] la preuve présentée par les parties sur la question de la contrefaçon. Comme je l’ai mentionné, les parties et les experts ont généralement fait référence à la preuve en considérant qu’elle porte sur la présence d’une couche d’appauvrissement et donc sur la contrefaçon des deux brevets, sans faire de distinction entre le brevet 502 et le brevet 236. Par exemple, la preuve de M. Mostaghimi concernant la présence de la couche d’appauvrissement que prévoient les revendications du brevet 236 incorpore simplement par renvoi son examen de l’analyse par spectrométrie de masse des ions secondaires à temps de vol de Tascon qui a été réalisée à l’égard du brevet 502 : deuxième rapport de M. Mostaghimi, aux para 497, 535, 541, 542. De même, les arguments fondés sur l’analyse par spectrométrie de masse des ions secondaires à temps de vol qu’AP&C a avancés au sujet de l’élément couche d’appauvrissement des revendications invoquées ont été présentés autant à l’égard du brevet 502 qu’à l’égard du brevet 236 : conclusions finales d’AP&C, aux para 320‑342.

[610] Essentiellement pour les motifs exposés plus haut, aux paragraphes [394], [415] [422] et [426] à [456], je conclus que la preuve ne démontre pas que Tekna a contrefait les revendications invoquées du brevet 236. J’exclus de ces motifs l’examen que j’ai effectué concernant l’exigence énoncée dans les revendications du brevet 502 selon laquelle la couche d’appauvrissement doit être plus profonde et plus épaisse que la couche d’oxyde natif (p. ex. aux paragraphes [416] à [421]). Néanmoins, les conclusions que j’ai tirées concernant la prémisse non établie, selon laquelle les [traduction] « témoins positifs » d’AP&C possèdent une couche d’appauvrissement alors que les [traduction] « témoins négatifs » n’en possèdent pas, ne s’appliquent pas en ce qui concerne la couche d’appauvrissement du brevet 236. De même, les réserves formulées à propos de l’approche d’AP&C, qui consiste à comparer le produit de Tekna non pas au brevet et à ses revendications, mais aux échantillons du produit d’AP&C, et du caractère arbitraire et subjectif de l’analyse de la contrefaçon, valent également pour le brevet 236.

[611] Par conséquent, je conclus que la preuve d’AP&C fondée sur le rapport de Tascon, les profils de spectrométrie de masse des ions secondaires à temps de vol qui y sont contenus et l’analyse de ces profils effectuée par ses experts ne démontre pas qu’il y a eu contrefaçon, même au regard des diverses théories contradictoires présentées à propos de la portée des revendications invoquées du brevet 236, qui chacune comprend comme élément essentiel soit la formation d’une couche d’appauvrissement ou un système configuré pour contrôler la formation d’une couche d’appauvrissement. De même, l’analyse de microscopie électronique à transmission couplée à la spectroscopie de rayons X à dispersion d’énergie présentée par Tekna constitue un autre fondement permettant de conclure que la preuve n’établit pas que Tekna a contrefait les revendications du brevet 236.

D. Conclusion

[612] Pour les motifs qui précèdent, je conclus que les revendications du brevet 236 autres que les revendications non ambiguës sont invalides et qu’AP&C n’a pas démontré que Tekna avait contrefait l’une ou l’autre des revendications du brevet 236.

VI. Conclusion

[613] Comme je l’ai mentionné au début des présents motifs, les revendications d’un brevet jouent un rôle essentiel, soit celui d’informer le public de l’objet de l’invention revendiquée ainsi que de la portée de la protection du brevet. Il est donc important que les revendications définissent cette portée de façon suffisamment claire afin que le public puisse savoir ce qui constitue et ce qui ne constitue pas une contrefaçon. Lorsque les revendications ne permettent pas de faire cette distinction, c’est‑à‑dire lorsqu’elles ne définissent pas distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention, elles peuvent être invalides.

[614] L’interprétation des revendications peut être un exercice difficile et technique, ce qui ne veut pas dire que les revendications sont ambiguës ou invalides. Il ne faut pas porter un regard excessivement critique sur les revendications ni les lire avec un esprit désireux de ne pas comprendre. Toutefois, si l’inventeur n’a pas inclus dans les revendications suffisamment de renseignements pour permettre à la personne versée dans l’art, qui les interpréterait d’une façon aussi équitable et téléologique que possible et à la lumière de ses connaissances générales courantes, d’en connaître la portée exacte, une telle lacune – pour laquelle l’inventeur ne peut s’en prendre qu’à lui‑même, ne peut être corrigée par l’inclusion par interprétation de nouvelles normes ou de nouveaux points de repère qui ne se trouvent pas dans le brevet et ne pourraient être raisonnablement compris à la lecture du libellé des revendications.

[615] En l’espèce, à quelques exceptions près, les inventeurs des brevets 502 et 236 n’ont pas défini la portée de leurs brevets de manière à permettre au public, ou à la Cour, d’en connaître les limites. Bien qu’AP&C tente maintenant d’inclure dans les revendications une analyse comparative qui, selon elle, permet à la personne versée dans l’art d’en comprendre les limites, une interprétation téléologique et raisonnable des revendications de l’un ou l’autre des brevets, tel qu’ils ont été rédigés, ne permet pas de dégager une telle approche qui, de surcroît, présente elle‑même un caractère arbitraire et subjectif.

VII. Dispositif et dépens

[616] Pour les motifs qui précèdent, je conclus que toutes les revendications du brevet canadien 3 003 502 sont invalides et qu’aucune d’elle n’est contrefaite par Tekna.

[617] Je conclus que les revendications suivantes du brevet canadien 3 051 236 sont également invalides : a) les revendications 1 à 57, 61, 64 à 66, 70, 73 à 108, 110 à 114, 118 à 123 et 129 à 147; b) les revendications 62 et 63, dans la mesure où elles dépendent de la revendication 57 ou de la revendication 61; c) les revendications 71 et 72, dans la mesure où elles dépendent de la revendication 66; d) les revendications 109 et 115 à 117, dans la mesure où elles dépendent de l’une des revendications mentionnées ci‑dessus. Les revendications suivantes du brevet canadien 3 051 236 sont valides : a) les revendications 58 à 60; b) les revendications 62 et 63, dans la mesure où elles dépendent de l’une des revendications 58 à 60; c) les revendications 67 à 69; d) les revendications 71 et 72, dans la mesure où elles dépendent de la revendication 67; e) les revendications 109 et 115 à 117, dans la mesure où elles dépendent de l’une des revendications mentionnées ci‑dessus. Tekna ne contrefait aucune des revendications du brevet canadien 3 051 236.

[618] L’action de Tekna en déclaration d’invalidité et de non‑contrefaçon du brevet canadien 3 003 502 est accueillie. La demande reconventionnelle par laquelle AP&C sollicite des déclarations selon lesquelles Tekna a contrefait les brevets canadiens 3 003 502 et 3 051 236 est rejetée. La demande reconventionnelle introduite par Tekna en réponse à la demande reconventionnelle d’AP&C en vue d’obtenir une déclaration d’invalidité du brevet canadien 3 051 236 est accueillie en partie.

[619] J’invite les parties à discuter des dépens et à parvenir à une entente. À cette fin, je propose de leur accorder 20 jours. Si elles ne parviennent pas à s’entendre, elles pourront présenter des observations écrites dans les délais suivants :

  • dans les 40 jours suivant la publication de la version publique du présent jugement, Tekna pourra déposer des observations d’une longueur maximale de 15 pages, auxquelles elle pourra joindre un mémoire de frais;

  • dans les 20 jours suivant la réception des observations de Tekna, AP&C pourra déposer des observations d’une longueur maximale de 15 pages, auxquelles elle pourra joindre un mémoire de frais et des observations d’une longueur maximale de deux pages portant sur des postes en particulier du mémoire de frais de Tekna (si celle‑ci en a déposé un);

  • dans les 10 jours suivant la réception des observations d’AP&C, Tekna pourra déposer des observations en réponse d’une longueur maximale de cinq pages.

[620] Si les parties ont besoin de plus de temps pour discuter des dépens et parvenir à une entente ou pour présenter des observations, elles pourront présenter par lettre une demande informelle à cet effet.

[621] La présente instance fait l’objet d’une ordonnance de confidentialité rendue en vertu de l’article 151 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106. Une version confidentielle des présents motifs est transmise aux parties pour qu’elles puissent relever tout renseignement confidentiel qui, selon elles, devrait être caviardé avant la diffusion de la version publique.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T‑126‑19

LA COUR ORDONNE :

  1. La présente action est accueillie, la demande reconventionnelle est rejetée et la demande reconventionnelle introduite en réponse à la demande reconventionnelle est accueillie en partie.

  2. Il est déclaré que le brevet canadien 3 003 502 est invalide et nul, et ce, depuis sa délivrance.

  3. Il est déclaré que Tekna Plasma Systems Inc. n’a pas contrefait le brevet canadien 3 003 502.

  4. Il est déclaré que les revendications 1 à 57, 61, 64 à 66, 70, 73 à 108, 110 à 114, 118 à 123 et 129 à 147 du brevet canadien 3 051 236 sont invalides et nulles.

  5. Les revendications 58, 59, 60, 67, 68 et 69 du brevet canadien 3 051 236 sont valides.

  6. Les revendications 62 et 63 du brevet canadien 3 051 236 sont valides, dans la mesure où elles dépendent de l’une des revendications 58 à 60, sinon elles sont invalides.

  7. Les revendications 71 et 72 du brevet canadien 3 051 236 sont valides, dans la mesure où elles dépendent de la revendication 67, sinon elles sont invalides.

  8. Les revendications 109, 115, 116 et 117 sont valides, dans la mesure où elles dépendent des revendications déclarées valides aux paragraphes 5, 6 ou 7, sinon elles sont invalides.

  9. Il est déclaré que Tekna Plasma Systems Inc. n’a contrefait aucune revendication du brevet canadien 3 051 236.

  10. Les parties peuvent présenter des observations sur les dépens selon le calendrier établi dans les motifs.

« Nicholas McHaffie »

Juge

Traduction certifiée conforme

Édith Malo

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


DOSSIER :

T‑126‑19

 

INTITULÉ :

TEKNA PLASMA SYSTEMS INC c AP&C ADVANCED POWDERS & COATINGS INC

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

Du 17 AU 27 OCTOBRE ET LE 31 OCTOBRE, ET LES 1er, 2, 4, 9 ET 10 NOVEMBRE 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MCHAFFIE

 

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

LE 7 JUIN 2024

 

COMPARUTIONS :

François Guay

Jeremy Want

Jean‑Sébastien Dupont

Julien Verneau

Matthew Burt

Audrey Berteau

 

POUR LA DEMANDERESSE / LA DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE

Andrew Brodkin

Benjamin Hackett

Rick Tuzi

Sarah Stothart

 

POUR LA DÉFENDERESSE / LA DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Smart & Biggar S.E.N.C.R.L.

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE / LA DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE

Goodmans LLP

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE / LA DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.