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     IMM-2745-96

ENTRE :

     SEMIH ERYILMAZLI,

     requérant,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

(Prononcés à l"audience, à Vancouver,

le 7 mai 1997 et révisés.)

LE JUGE McKEOWN

     Le requérant, un citoyen de la Turquie, cherche à obtenir le contrôle judiciaire d"une décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié (la Commission), datée du 3 avril 1996 et signée le 19 juillet 1996, dans laquelle la Commission a déterminé que le requérant n"était pas un réfugié au sens de la Convention.

     La question en litige est de savoir si la Commission avait la compétence pour prononcer des motifs même si l"un des deux membres de la formation n"a pas signé les motifs finals. L"audition de la revendication du statut de réfugié du requérant a eu lieu le 4 août et le 7 septembre 1995, devant une formation composée de deux membres. L"un des membres de la formation a cessé d"exercer sa charge le 23 février 1996. Le président lui a demandé de participer, pendant une période de huit semaines, aux décisions à rendre sur les affaires qu'il avait préalablement entendues, aux termes du paragraphe 63(1) de la Loi sur l"immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi). Cette période a pris fin le 19 avril 1996.

         [TRADUCTION]         
         L"audition de la présente affaire a eu lieu devant une formation composée de deux commissaires, soit le commissaire Sara et moi-même. Cependant, les présents motifs de décision ont été signés par un seul commissaire. Le requérant n"a pas consenti à ce qu"un seul commissaire entende l"affaire. C"est pourquoi je décrirai les faits importants sur lesquels se fonde ma compétence dans la présente affaire.         
         M. Sara a cessé d"exercer ses fonctions de commissaire de la Section du statut de réfugié le 23 février 1996. Le président lui a demandé de participer, pendant une période de huit semaines, aux décisions à rendre sur les affaires qu'il avait préalablement entendues, aux termes du paragraphe 63(1) de la Loi sur l"immigration. Cette période de huit semaines a pris fin le 19 avril 1996.         
         L"audition de la présente affaire s"est terminée le 7 septembre 1995. Par la suite, les avocats ont déposé leurs observations écrites. M. Sara avait bel et bien l"intention de participer à la décision à rendre relativement à la présente affaire, ce qu"il a effectivement fait au cours de la période de huit semaines suivant la fin de son mandat. Cependant, il n"a pu signer les motifs de décision, car ceux-ci n"ont été prêts à être signé qu"après le 19 avril 1996.         
         M. Sara et moi-même avons discuté de la présente affaire au début de mars 1996 et avons convenu que M. Eryilmazli n"était pas un réfugié au sens de la Convention. À titre de président de l"audience, j"ai rédigé les motifs de notre décision. M. Sara a lu mes motifs de décision manuscrits et y a souscrit. Cette ébauche a ensuite été remise au service chargé de la dactylographier. M. Sara et moi-même avons signé, le 3 avril 1996, les feuilles de nos dossiers concernant la partie du Rapport sur le résultat de l"audience faisant état de notre décision, selon laquelle M. Eryilmazli n"était pas un réfugié au sens de la Convention. Quand les motifs ont été finalisés, M. Sara n"était plus commissaire de la Section du statut de réfugié et, par conséquent, il n"avait pas la compétence pour signer les motifs définitifs de la décision. Ces derniers sont essentiellement les mêmes que les motifs de l"ébauche examinée et acceptée par M. Sara.         
         En l"espèce, le revendicateur a pu bénéficier d"une audition devant une formation de la Section du statut de réfugié composée de deux membres. Toute la preuve a été examinée par une formation de la Section du statut composée de deux membres. L"affaire a été réglée par une formation de deux membres après avoir été discutée par ces derniers et le commissaire sortant de charge a pris sa décision après qu"il a pris pleinement connaissance des motifs de la décision rendue exposés par le président de l"audience et souscrit à ces motifs.         
         Comme dans l"affaire Garrison , les deux commissaires de la Section du statut de réfugié ont pris une décision unanime, bien que celle-ci n"ait été signée que par un seul commissaire. En application de la décision Zivkovic, le commissaire sortant de charge, M. Sara, a clairement indiqué la teneur de sa décision sur le dossier, bien qu"il n"y ait pas versé les motifs de sa décision. Contrairement à ce qui était le cas dans l"affaire Ricki Singh, M. Sara a effectivement lu et examiné l"ébauche des motifs de la décision et souscrit à celle-ci.         
         En l"espèce, il n"est pas nécessaire d"invoquer le paragraphe 63(2) de la Loi sur l"immigration, étant donné que M. Sara était en mesure de participer à la décision à rendre sur l"affaire, ce qu"il a effectivement fait. D"où la distinction pouvant être faite entre la présente affaire et l"affaire Kutovsky-Kovaliov. Il n"est pas nécessaire de considérer si le paragraphe 63(2) est invoqué à bon droit, comme c"était le cas dans les affaires Brailko et Singh. En outre, la question de l"explication à fournir suite à l"omission de participer à la décision à rendre sur l"affaire avant la fin de la période de huit semaines ne se pose pas, contrairement à ce qui était le cas dans l"affaire Mirzaei.         
         [Les notes en bas de page ont été omises.]         

     Le requérant n"a pas accepté qu"un seul commissaire statue sur sa revendication. Les motifs de la décision sont datés du 11 juillet 1996 et ils ont été signés le 19 juillet 1996, par un seul commissaire. En l"espèce, le commissaire sortant de charge a signé la feuille de décision finale le 3 avril 1996. Cependant, les motifs n"ont pas été signés par l"autre commissaire avant le 19 juillet 1996.

     À mon avis, il n"existait aucune décision avant le 19 juillet 1996, date où l"ordonnance et les motifs ont été communiqués au requérant. Je souscris à l"opinion du juge Noël dans l"arrêt Mehael c. Ministre de l"Emploi et de l"Immigration, 23 août 1993, A-1534-92 (C.F. 1re inst.) selon laquelle il est obligatoire de fournir des motifs écrits. L"alinéa 69.1(11)a ) prévoit :

         La section du statut n'est tenue de motiver par écrit sa décision que dans les cas suivants_:         
         a) la décision est défavorable à l'intéressé, auquel cas la transmission des motifs se fait avec sa notification;         
     Contrairement au commissaire sortant de charge dans l"arrêt Mehael , précité, le commissaire sortant de charge en l"espèce aurait lu et accepté les motifs manuscrits, mais nous ignorons s"il a accepté les motifs sous leur forme finale. Comme le juge Strayer l"a dit dans l"arrêt Dass c. Canada (Ministre de l"Emploi et de l"Immigration), [1996] 2 C.F. 410, à la page 421 (C.A.) :
         Je ne vois aucune raison de s"écarter des exigences normales du droit administratif selon lesquelles on présume qu"une décision a été prise lorsqu"il en est dûment donné avis aux parties concernées. On ne peut demander le contrôle judiciaire des décisions avant qu"elles aient été formulées et communiquées aux parties concernées. Pourquoi les tribunaux judiciaires devraient-ils décider d"examiner la correspondance interministérielle et ministérielle pour établir si et quand une décision a été prise, le cas échéant, bien qu"elle n"ait jamais été communiquée?         
         [Les notes en bas de page ont été omises.]         
     Je suis convaincu que le commissaire sortant de charge a effectivement pris part à l"exposé des motifs, mais je ne suis pas convaincu qu"il ait accepté les motifs finals. Nous ignorons si le commissaire a accepté les motifs finals.
     Cependant, je dois déterminer si le paragraphe 63(2) s"applique en l"espèce. La Commission a expliqué pourquoi un seul commissaire a signé les motifs et je dois décider si l"expiration du mandat d"un commissaire constitue des motifs suffisants pour invoquer le paragraphe 63(2) de la Loi, dont voici le libellé :
         (2) En cas de décès ou d'empêchement du membre visé au paragraphe (1), ou de tout autre membre y ayant participé, les autres membres qui ont également entendu l'affaire peuvent rendre la décision, et sont, à cette fin, réputés constituer la section d'appel ou du statut, selon le cas.         
     Deux arrêts de la Cour d"appel fédérale semblent indiquer que l"expiration du mandat d"un commissaire constitue des motifs suffisants pour invoquer le paragraphe 63(2). Voir Weerasinge c. Canada (Ministre de l"Emploi et de l"Immigration), [1993] 22 Imm. L.R. (2d) 1 (C.A.F.) et Odameh c. Ministre de l"Emploi et de l"Immigration, [1995] 185 N.R. 9 (C.A.F.).
     Cependant, la question de savoir si les faits importants doivent avoir trait à l"impossibilité, pour le commissaire, de prendre part au règlement de l"affaire pour des raisons autres que l"écoulement de la période de huit semaines n"a pas été traitée dans ces affaires.
     Le juge Lutfy, dans Latif c. Le ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration, 22 novembre 1996, IMM-824-96 (C.F. 1re inst.), a conclu que la description, par les commissaires, de la nature de la participation du commissaire sortant dans la décision rendue et du fait qu"il acceptait celle-ci n"était pas pertinente en l"absence d"une mention des faits importants qui ont empêché l"affaire d"être réglée dans un délai de huit semaines après la cessation des fonctions du commissaire sortant, tel que prévu à l"article 63.1.
     Ces arrêts de la Cour d"appel fédérale, à mon avis, n"empêchent pas cette question d"être posée. À mon avis, la Commission, en l"espèce, comme dans la décision Latif , précitée, n"a pas traité de la question de savoir pourquoi l"affaire n"a pas été réglée dans le délai de huit semaines, en se contentant de déclarer que le commissaire avait pris sa retraite, comme le prévoit l"article 63.1.
     La question a déjà été certifiée dans le cadre d"autres affaires ayant trait à ce sujet et les parties ne m"ont pas demandé de la certifier de nouveau. En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. L"affaire est envoyée à une formation différente pour qu"elle statue de nouveau sur celle-ci.
William P. McKeown
                                     Juge
OTTAWA (ONTARIO)
Le 17 juin 1997.
Traduction certifiée conforme                      _______________________
                                     Bernard Olivier, LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

    

NO DU GREFFE :              IMM-2745-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :      SEMIH ERYILMAZLI c. MCI

LIEU DE L"AUDIENCE :          VANCOUVER (C.-B.)
DATE DE L"AUDIENCE :          LE 7 MAI 1997

MOTIFS DE L"ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE McKEOWN

EN DATE DU :              17 JUIN 1997

ONT COMPARU :

M. A. DANTZER                              POUR LE REQUÉRANT

MME ESTA RESNICK                          POUR L"INTIMÉ

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

M. A. DANTZER                              POUR LE REQUÉRANT

SURREY (C.-B.)

GEORGE THOMSON                          POUR L"INTIMÉ

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

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