Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision


Dossier : T-525-23

Référence : 2024 CF 827

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 31 mai 2024

En présence de madame la juge McVeigh

ENTRE :

SUPRIYA DHIMAN

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La demanderesse, Mme Supriya Dhiman, n’est pas représentée par un avocat et sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 9 février 2023 par laquelle l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) a conclu qu’elle n’était pas admissible à la Prestation canadienne de la relance économique (la PCRE). Un agent de l’ARC a effectué un deuxième examen de la demande et conclu que la demanderesse n’était pas admissible à la PCRE parce que ses revenus tirés d’un emploi ou ses revenus tirés d’un travail exécuté pour son compte (moins les dépenses) au cours de la période visée étaient inférieurs à 5 000 $ (avant impôts).

[2] Le défendeur reconnaît qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale dans le processus ayant mené à cette décision. Le défendeur demande à la Cour d’accueillir la présente demande de contrôle judiciaire, sans dépens, et de renvoyer l’affaire à un autre agent de l’ARC pour nouvel examen.

[3] Cependant, la demanderesse demande à la Cour de donner des directives à l’ARC. Pour sa part, le défendeur est d’avis que la Cour ne devrait en donner aucune.

[4] Pour les motifs qui suivent, j’estime que la présente demande de contrôle judiciaire devrait être accueillie, sans que des directives soient données à l’ARC.

I. Faits

[5] Comme le défendeur convient que la présente demande devrait être accueillie, il n’est pas nécessaire que j’expose en détail tous les faits de l’espèce. Je fais toutefois le survol des points saillants, en particulier ceux concernant le deuxième examen.

[6] La demanderesse a présenté une demande de PCRE pour 23 périodes de deux semaines comprises entre le 11 octobre 2020 et le 28 août 2021.

[7] L’ARC a décidé de valider l’admissibilité de la demanderesse à la PCRE. Le 21 novembre 2022, l’ARC a informé cette dernière qu’elle n’y était pas admissible.

[8] Lors du deuxième examen, la demanderesse a affirmé qu’elle avait gagné au moins 5 000 $ avant la date de sa première demande de PCRE. Elle a également indiqué qu’elle n’avait pas compris les critères d’admissibilité, les demandes de renseignements lui ayant été faites par téléphone plutôt que par écrit.

[9] Le 10 janvier 2023, la demanderesse a présenté des observations supplémentaires à l’ARC.

[10] Le deuxième examinateur a conclu que la demanderesse n’était pas admissible à la PCRE au motif que ses revenus tirés d’un emploi ou ses revenus tirés d’un travail exécuté pour son compte (moins les dépenses) pour l’année 2019, pour l’année 2020 ou au cours des douze mois précédant la date de sa première demande, étaient inférieurs à 5 000 $ (avant impôts).

[11] Avant de rendre sa décision, le deuxième examinateur a tenté en vain de joindre la demanderesse par téléphone le 16 janvier 2023, le 17 janvier 2023 et le 19 janvier 2023. Le représentant de la demanderesse, Cintac Business Services Inc. (Cintac), a alors communiqué avec le deuxième examinateur, mais l’ARC a refusé de discuter du dossier de la demanderesse sans avoir préalablement obtenu l’autorisation verbale de cette dernière.

[12] Le 9 février 2023, l’ARC a avisé la demanderesse de la deuxième décision par laquelle il a été conclu qu’elle n’était pas admissible à la PCRE.

II. Question à trancher

[13] La Cour devrait-elle en l’espèce donner des directives à l’ARC?

III. Analyse

A. Question préliminaire

[14] Selon le défendeur, la demanderesse a désigné à tort l’ARC comme défendeur en l’espèce et le défendeur devrait plutôt être le procureur général du Canada. Je partage cet avis et je conclus que l’intitulé devrait être modifié en conséquence (voir Kleiman c Canada (Procureur général), 2022 CF 762 aux para 10-11).

B. Équité procédurale

[15] Le défendeur reconnaît qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale en l’espèce. Je suis du même avis et j’estime que cette question est déterminante quant à l’issue du contrôle judiciaire.

[16] Toutefois, dans ses observations écrites, la demanderesse sollicite la réparation suivante :

[traduction]

9. Je demande la tenue d’un contrôle judiciaire pour demander à l’ARC pourquoi elle avait initialement accepté mes déclarations de revenus pour les années 2020 et 2021 avant de conclure que je n’étais pas admissible aux prestations, ainsi que pour lui demander pourquoi elle avait communiqué avec moi par téléphone au lieu de m’envoyer une lettre officielle pour me demander les renseignements exacts dont elle avait besoin.

[17] À l’audience, j’ai fait part de ma réticence à accorder cette réparation inhabituelle.

[18] Un examen de la jurisprudence révèle que cette forme de réparation n’est possible que dans de rares circonstances. Dans la décision Ahmed c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1496, la juge Heneghan a déclaré qu’il « est rare que la cour donne des instructions lorsqu’elle se prononce sur une demande de contrôle judiciaire, comme l’a indiqué la Cour d’appel fédérale […] »

[19] Dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Tennant, 2019 CAF 206, la Cour a donné des précisions sur ce type de situation :

[…] Il est maintenant bien établi que cette forme de réparation, soit une combinaison du certiorari et du mandamus, est possible lorsque, selon les faits et le droit, le décideur administratif dispose d’une seule issue légale ou peut tirer une seule conclusion raisonnable, de sorte qu’il serait inutile de renvoyer la décision au décideur pour nouvelle décision.

[Renvois omis.]

[20] Au vu de la jurisprudence, je ne suis pas d’avis que je doive donner des directives à l’ARC. J’estime que le renvoi de l’affaire à un autre agent pour nouvel examen, dans le cadre duquel la demanderesse pourra fournir d’autres renseignements, constitue la réparation appropriée dans les circonstances.

[21] Par conséquent, j’accueillerai la présente demande et autoriserai la demanderesse à fournir d’autres renseignements, au besoin.

 




 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.