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Date : 20240611


Dossier : T‑1471‑21

Référence : 2024 CF 887

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 11 juin 2024

En présence de monsieur le juge McHaffie

ENTRE :

GE RENEWABLE ENERGY CANADA INC.

demanderesse

et

CANMEC INDUSTRIAL INC.

défenderesse

et

RIO TINTO ALCAN INC.

tierce partie

ORDONNANCE ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La demanderesse, GE Renewable Energy Canada Inc. [GEREC], souhaite encore modifier sa déclaration modifiée dans le cadre de la présente action en violation du droit d’auteur. J’ai accueilli cette dernière requête en partie et je l’ai rejetée en partie pour les motifs énoncés dans la décision 2024 CF 187 [GEREC I].

[2] Les modifications que GEREC souhaite maintenant apporter appartiennent à trois grandes catégories. La première catégorie comprend des modifications qui visent à ajouter une liste de 272 œuvres aux 33 œuvres constituant les « modèles de GEREC » qui auraient fait, selon GEREC, l’objet d’une contrefaçon. La deuxième comprend des modifications qui ajouteraient des allégations de contrefaçon d’une nouvelle catégorie comptant 306 œuvres, à savoir les [traduction] « œuvres de construction et d’installation de GEREC ». La troisième catégorie comprend des modifications qui visent à faire de la tierce partie, Rio Tinto Alcan Inc., une défenderesse dans l’action principale, par l’ajout d’allégations selon lesquelles Rio Tinto a elle‑même contrefait à la fois les modèles de GEREC et les œuvres de construction et d’installation de GEREC.

[3] GEREC sollicite également une ordonnance en vue de faire ajourner l’instruction de l’action, qui est actuellement prévue pour octobre 2024, et de prolonger la durée de cet ajournement si elle obtient l’autorisation d’apporter les modifications demandées.

[4] Pour les motifs énoncés ci‑dessous, je conclus qu’il n’est pas dans l’intérêt de la justice de permettre à GEREC d’apporter les modifications contestées qu’elle souhaite maintenant apporter à cette étape de l’instance. Les modifications proposées nécessiteraient un interrogatoire préalable supplémentaire, un ajournement considérable de l’instruction, et en ce qui a trait précisément aux œuvres de construction et d’installation de GEREC, l’élargissement important de la portée de l’action à une étape avancée de l’instance. GEREC connaît les faits importants à l’origine des allégations qu’elle souhaite maintenant ajouter depuis au moins la fin du mois de juin ou le début du mois de juillet 2023. Depuis, les parties ont déposé deux séries de requêtes en interrogatoire préalable, ont convenu d’ajourner l’instruction de l’affaire et ont commencé une deuxième série d’interrogatoires préalables. GEREC renvoie à des renseignements qu’elle a reçus récemment dans le cadre de la deuxième série d’interrogatoires pour justifier son retard à soulever les allégations, mais cela n’est pas convaincant. Je conclus que la demande de GEREC de modifier sa déclaration modifiée n’a pas été présentée en temps opportun, que les modifications proposées nécessiteraient un ajournement de l’instruction qui serait autrement inutile et qu’elles ne faciliteraient pas l’examen par la Cour du véritable fond du différend. Bien que les modifications proposées n’exigeraient pas que Canmec ou Rio Tinto changent considérablement leur thèse ou adoptent une autre ligne de conduite, les autres facteurs pertinents me portent à conclure que les modifications proposées ne servent pas les intérêts de la justice à l’heure actuelle.

[5] Bien que GEREC ait demandé l’ajournement de l’instruction, même si les modifications ne sont pas autorisées, elle n’a présenté aucun motif suffisant pour justifier cette demande. Les parties devraient être en mesure d’achever les phases préparatoires à l’instruction avant les dates d’audience actuellement prévues.

[6] La requête de GEREC est par conséquent rejetée, exception faite de certaines modifications mineures auxquelles les parties défenderesses ne s’opposent pas. GEREC versera des dépens de 5 000 $ à Canmec et de 4 500 $ à Rio Tinto, et ce, sans égard à l’issue de l’affaire.

II. Questions en litige

[7] La requête de GEREC soulève deux questions principales, à savoir :

  1. La Cour doit‑elle accorder l’autorisation d’apporter les autres modifications proposées à la déclaration modifiée, en tout ou en partie?

  2. La Cour doit‑elle accorder un ajournement de l’instruction, qu’elle ait accordé ou non l’autorisation de modifier la déclaration modifiée?

[8] Ces questions sont interreliées, comme en conviennent les parties, du fait que dans la mesure où la Cour autorise des modifications importantes à la déclaration modifiée, il sera nécessaire d’ajourner l’instruction. Le fait que ces modifications nécessiteraient l’ajournement de l’instruction fait aussi partie des facteurs dont la Cour doit tenir compte pour évaluer si elles sont dans l’intérêt de la justice.

III. Analyse

A. Modification de la déclaration modifiée

(1) Principes juridiques

[9] Les principes applicables à une requête en modification ne sont pas contestés. Je les résume dans ma décision GEREC I. Par souci d’efficacité, je vais simplement répéter cette analyse ci‑dessous.

[10] La règle générale est qu’une modification demandée au titre du paragraphe 75(1) des Règles des Cours fédérales, SOR/98‑106 [les Règles], peut être autorisée à tout stade d’une action dans le but de déterminer les « véritables questions litigieuses entre les parties », pourvu que l’autorisation des modifications (i) ne cause pas d’injustice aux autres parties que des dépens ne pourraient réparer, et (ii) serve les intérêts de la justice : Enercorp Sand Solutions Inc c Specialized Desanders Inc, 2018 CAF 215 au para 19, citant Canderel Ltée c Canada, 1993 CanLII 2990 (CAF) à la p 10; McCain Foods Limited c JR Simplot Company, 2021 CAF 4 au para 20; Janssen Inc c Abbvie Corporation, 2014 CAF 242 au para 9. Il incombe à la partie qui souhaite faire les modifications de démontrer qu’elles devraient être autorisées : Merck & Co, Inc c Apotex Inc, 2003 CAF 488 aux para 29, 35‑36.

[11] Pour déterminer si une modification servirait les intérêts de la justice, la Cour peut prendre en considération des facteurs tels que (i) le moment auquel est présentée la requête en modification; (ii) le fait que les modifications proposées retarderaient l’instruction de l’affaire; (iii) la mesure dans laquelle la thèse adoptée à l’origine par une partie a amené une autre partie à suivre dans le litige une ligne de conduite qu’il serait difficile de modifier et (iv) le fait que les modifications demandées faciliteront l’examen par la Cour du véritable fond du différend : Enercorp, aux para 20‑21, citant Continental Bank Leasing Corp c Canada, 1993 CanLII 17065 (CCI) à la p 2310; Règles des Cours fédérales, art 3. Ces facteurs sont considérés dans leur ensemble et aucun d’entre eux n’est déterminant.

[12] Une modification doit également donner lieu acte de procédure viable, et une modification susceptible d’être radiée en vertu de l’article 221 ne devrait pas être autorisée : Enercorp, au para 22; McCain, aux para 20‑22; Teva Canada Limitée c Gilead Sciences Inc, 2016 CAF 176 aux para 28‑32. Ainsi, lorsqu’il est évident et manifeste que les modifications proposées ne révèlent aucune cause d’action valable, ou qu’elles constituent un « changement radical » par rapport à la position tenue antérieurement par la partie, elles ne devraient pas être autorisées : Règles des Cours fédérales, art 221(1)a), e); Enercorp, aux para 22‑28; McCain, aux para 20‑23; Corporation de soins de la santé Hospira c The Kenny Trust for Rheumatology Research, 2020 CAF 191 au para 5, citant Merck au para 47; Atlantic Container Lines AB c Cerescorp Company, 2017 CF 465 au para 8; Proslide Technology, Inc v Whitewater West Industries, Ltd, 2023 FC 1591 aux para 15‑16; mais voir J2 Global Communications Inc c Protus IP Solutions Inc, 2009 CAF 41 aux para 8‑10. Cette notion a été décrite comme une « condition préalable » qu’il convient de traiter avant d’aborder toute autre question de justice et d’injustice : Teva, au para 31.

[13] Les actes de procédure qui ne sont pas suffisamment détaillés pour permettre à la partie adverse de présenter une défense en réponse sont également susceptibles d’être radiés en vertu de l’article 221 des Règles, pour manquement à l’obligation prévue à l’article 174 des Règles, selon lequel ils doivent contenir « un exposé concis des faits substantiels sur lesquels la partie se fonde » : Mancuso c Canada (Santé nationale et Bien‑être social), 2015 CAF 227 aux para 16‑20; Fox Restaurant Concepts LLC v 43 North Restaurant Group Inc, 2022 FC 1149 aux para 4, 20‑32. Les modifications peuvent également être refusées pour ce motif, qu’il s’agisse d’une condition préalable ou d’une question d’intérêt de la justice : McCain, aux para 22‑23; Enercorp, aux para 34‑37. Toutefois, le cas échéant, l’absence de précisions dans une proposition de modification peut être corrigée en donnant l’autorisation de présenter une nouvelle demande ou en imposant une obligation de fournir des précisions comme condition à l’acceptation des modifications : Enercorp, aux para 26‑30, 34‑38; Atlantic, au para 15.

[14] J’ajoute une remarque au résumé qui précède. Lorsqu’une partie souhaite modifier un acte de procédure après l’interrogatoire préalable et s’appuyer sur des éléments de preuve obtenus durant l’interrogatoire préalable pour justifier les modifications proposées, il est loisible à la Cour d’examiner et d’évaluer ces éléments de preuve pour décider, d’un point de vue réaliste dans le contexte du droit et du processus judiciaire, si la modification proposée présente une possibilité raisonnable de succès ou est « vouée à l’échec » : Teva, aux para 27‑32, 38‑42. À cet égard, la Cour d’appel fédérale a souligné qu’une allégation qui ne repose sur aucun élément de preuve pour l’étayer est un abus de procédure, et qu’une allégation non fondée ne peut être retenue simplement dans l’espoir que des faits pertinents soient découverts lors de l’interrogatoire préalable, permettant ainsi d’appuyer l’allégation : AstraZeneca Canada Inc c Novopharm Limited, 2010 CAF 112 aux para 4‑5.

[15] Autrement dit, bien qu’en règle générale, les allégations de fait dans une modification proposée doivent être tenues pour avérées, la question de savoir si des éléments de preuve obtenus durant l’interrogatoire préalable étayent ou contredisent la modification proposée est pertinente à la fois en ce qui concerne la condition préalable, et à tout le moins, en ce qui concerne l’intérêt de la justice. Par ailleurs, une requête en modification n’est pas l’occasion de soupeser la preuve contradictoire si la partie demandant la modification a établi l’existence d’éléments de preuve crédibles au soutien de ses modifications : Atlantic, au para 16. Comme le souligne GEREC, une requête en modification n’est pas une requête en jugement sommaire ou en procès sommaire.

(2) Nature et avancement de l’action

[16] Comme le précise la décision GEREC 1, la présente action découle de la modernisation de la centrale hydroélectrique de Rio Tinto à Alma, au Québec, connue sous le nom de centrale Isle‑Maligne, qui compte douze groupes turbine‑alternateur. Chaque groupe compte deux vannes de prise d’eau (appelées des « vannes papillon »), chacune fixée à un treuil qui permet de les ouvrir et de les fermer.

[17] En 2016, GEREC et Rio Tinto ont conclu des ententes relatives à un projet pilote visant à procéder à la réfection du groupe 1, puis du groupe 2. Dans le contexte de ces projets, GEREC a communiqué avec Canmec en tant que sous‑traitant potentiel pour une vanne papillon sur le groupe 2. Le 9 mars 2018, GEREC a transmis à Canmec trente‑trois (33) dessins de fabrication relatifs à cette vanne papillon. Par souci de commodité, j’utiliserai l’expression « 33 œuvres » pour désigner ces dessins. Les 33 œuvres remontent à 2016 ou à 2017. Elles semblent avoir été préparées dans le contexte du projet axé sur le groupe 1 (leur numéro de projet correspond au numéro de ce projet), mais ont été transmises à Canmec en tant que sous‑traitant potentiel relativement au projet axé sur le groupe 2.

[18] Canmec n’a finalement pas été retenue comme sous‑traitant pour la vanne papillon. Cependant, Canmec a tout de même pris part aux projets pilotes de réfection, car elle a conclu un contrat avec Rio Tinto pour le remplacement des treuils des groupes 1 et 2. GEREC soutient qu’elle a achevé la réfection des deux groupes à la fin de l’année 2018, mais Rio Tinto soutient que les travaux sur le groupe 1 ont pris fin lors du deuxième trimestre de 2019 et que les travaux sur le groupe 2 ont pris fin lors du deuxième trimestre de 2020.

[19] En avril 2019, Rio Tinto a lancé une demande de propositions [une DP] pour la réfection des dix autres groupes de la centrale Isle‑Maligne. GEREC et Canmec étaient parmi les soumissionnaires qui ont répondu à la DP; Rio Tinto a accepté la soumission de Canmec. Les allégations de GEREC concernant la violation de ses droits d’auteur découlent de la proposition de Canmec ayant été retenue par Rio Tinto pour son projet.

[20] GEREC a introduit la présente action en septembre 2021, alléguant que Canmec avait violé le droit d’auteur sur les 33 œuvres, qui sont définies comme les « modèles de GEREC ». Canmec a contesté cette action, a introduit une demande de mise en cause contre Rio Tinto et a fait valoir que Rio Tinto devrait la dédommager pour toute violation du droit d’auteur pouvant résulter des actions de Canmec. Rio Tinto a contesté, en vertu de l’article 197 des Règles, la demande de mise en cause, ainsi que la réclamation de GEREC contre Canmec.

[21] En mars 2023, la date du procès a été fixée; le procès commencerait en mai 2024 et durerait dix jours. Des interrogatoires préalables ont eu lieu en avril et en mai 2023, et les parties ont échangé des réponses aux engagements à la fin du mois de juin et au début du mois de juillet 2023. Une première requête en interrogatoire préalable a été entendue en septembre 2023. La requête a donné lieu à la production du dossier de projet de GEREC comptant quelque 23 000 documents supplémentaires. Compte tenu de ce qui précède, les parties ont consenti à l’ajournement des dates d’audience, qui étaient fixées pour mai 2024. Le 18 octobre 2023, l’instruction a été repoussée pour se tenir pendant dix jours, à compter du 21 octobre 2024, soit dans environ quatre mois et demi.

[22] Voici un extrait des Lignes directrices générales consolidées amendées de la Cour fédérale, qui datent du 20 décembre 2023 [les Lignes directrices], au sujet des dates d’audience fixées et des ajournements :

Ajournements

48. La Cour fédérale fonctionne selon un système de dates fixes garanties, ce qui signifie que lorsque la Cour a fixé une date pour une audience, elle s’attend à ce que les parties soient en mesure de procéder à cette date. L’ajournement des audiences occasionne des inconvénients et des frais. Les ressources de la Cour ne sont pas utilisées de façon efficace, parce que souvent, il n’y a plus suffisamment de préavis pour qu’une audience pour une autre instance soit fixée en remplacement de l’audience ajournée.

49. Néanmoins, la Cour reconnaît qu’il peut exister des circonstances exceptionnelles et inattendues, notamment des circonstances hors du contrôle d’une partie ou de son procureur, pour lesquelles il peut être raisonnable de demander l’ajournement.

[Non souligné dans l’original.]

[23] L’application de ces principes est particulièrement importante dans le contexte d’un procès dont, comme c’est le cas en l’espèce, les dates d’audience s’échelonnant sur plusieurs jours sont fixées longtemps à l’avance.

[24] Dans sa requête antérieure en modification, déposée à la fin de l’année 2023 et entendue plus tôt cette année, GEREC a tenté de modifier la définition de l’expression « modèles de GEREC » en utilisant un libellé qui engloberait de nombreuses œuvres non identifiées. Dans GEREC I, j’ai conclu que cette modification proposée ne satisfaisait pas aux exigences de l’article 174 des Règles, car elle n’était pas suffisamment détaillée et ne comprenait pas une liste complète et détaillée des œuvres prétendument contrefaites : GEREC I, aux para 46‑53. J’ai accordé à GEREC l’autorisation de présenter une nouvelle requête pour modifier sa déclaration « relativement aux œuvres qui constituent les “modèles de GEREC” », et j’ai précisé que si elle choisissait de se prévaloir de cette autorisation, elle devra demander à la Cour de convoquer une conférence de gestion de l’instance pour examiner cette requête « dans les plus brefs délais » : GEREC I, au para 66.

[25] GEREC a transmis, le 28 février 2024, à Canmec et à Rio Tinto une ébauche des nouvelles modifications qu’elle proposait d’apporter à sa déclaration modifiée. D’autres ébauches ont été présentées par la suite, et GEREC a finalement signifié son avis de requête en modification à la fin du mois d’avril 2024, et l’a modifié à la fin du mois de mai. Entre‑temps, les parties ont effectué des interrogatoires préalables complémentaires en janvier 2024, ont fourni des réponses aux engagements en mars et en avril 2024, et ont plaidé une deuxième requête en interrogatoire préalable au début du mois de mai 2024.

(3) Nature des modifications proposées

[26] Comme je l’ai mentionné au départ, les modifications que GEREC propose appartiennent à trois grandes catégories. La première concerne la définition de l’expression « modèles de GEREC ». Comme elle l’a fait dans sa requête en modification antérieure, GEREC souhaite élargir la définition des modèles de GEREC qui auraient fait l’objet d’une contrefaçon; la définition actuelle, qui englobe les 33 œuvres en cause depuis le début de l’instance, engloberait alors 305 œuvres énumérées dans une nouvelle annexe A jointe à la déclaration. Les 272 nouveaux documents inscrits à l’annexe A sont de 3 types (i) autres versions des 33 œuvres (254 documents); (ii) 2 dessins de fabrication qui ne faisaient pas partie des 33 œuvres, dans différentes versions pour les groupes 1 et 2 (17 documents); (iii) un modèle tridimensionnel, dont la conception a été assistée par ordinateur [CAO 3D], présenté dans un fichier informatique créé dans un programme appelé SolidWorks [le fichier SolidWorks]. Ces œuvres constituent un sous‑ensemble des œuvres que GEREC souhaitait ajouter à la définition des modèles de GEREC dans sa requête antérieure en modification, dont le nombre est estimé entre 2 000 et 2 400.

[27] Je souligne que GEREC soutient encore, malgré les observations que j’ai formulées dans GEREC I, que les modifications de cette première catégorie visent simplement à [traduction] « clarifier et préciser des actes de procédure existants ». Je rejette cette qualification pour les mêmes motifs que j’ai énoncés relativement à la dernière requête : GEREC I, aux para 30‑35. Les modifications de cette première catégorie allongeraient considérablement la liste des œuvres qui auraient fait l’objet d’une contrefaçon, qui passerait de 33 œuvres à 305.

[28] La deuxième catégorie comprend des modifications visant aussi à allonger la liste des œuvres qui auraient fait l’objet d’une contrefaçon, mais il s’agit d’œuvres d’une nature différente. GEREC souhaite ajouter des allégations de contrefaçon relativement à 306 œuvres définies comme les [traduction] « œuvres de construction et d’installation de GEREC », désignées dans une annexe B qu’il est proposé de joindre à la déclaration. Les œuvres sont décrites comme des dessins et des documents de construction et d’installation destinés à la modernisation de la centrale Isle‑Maligne, créés ou commandés par GEREC dans le cadre de son contrat avec Rio Tinto relativement aux deux projets pilotes. GEREC cherche à alléguer que Rio Tinto a indûment communiqué ces œuvres à Canmec, et qu’elles ont été abusivement communiquées, copiées et utilisées relativement à la DP et à la réfection des groupes 3 à 12. Les dessins et les documents de construction et d’installation désignés à l’annexe B ne sont pas du même type que ceux dont il était question dans la requête antérieure et ne faisaient pas partie des documents que GEREC souhaitait ajouter à la déclaration dans cette requête.

[29] La troisième catégorie comprend des modifications qui visent à faire de Rio Tinto une défenderesse dans l’action et à alléguer que celle‑ci a violé le droit d’auteur de GEREC à la fois sur les modèles de GEREC et sur les œuvres de construction et d’installation de GEREC. Selon les modifications proposées, Rio Tinto aurait obtenu des copies des œuvres de GEREC dans le cadre des projets pilotes et aurait violé le droit d’auteur relatif à ces œuvres en : (i) communiquant les œuvres à Canmec; (ii) utilisant et copiant les œuvres pour énoncer les exigences dans la DP; (iii) utilisant et copiant les œuvres pour diriger la conduite illicite de Canmec, y compris la production par Canmec des dessins et des documents contrefaits relativement à la réfection des groupes 3 à 12. GEREC sollicite, à sa discrétion, entre autres réparations, des dommages‑intérêts et une remise des profits de Rio Tinto, ou des dommages‑intérêts préétablis,

[30] Ces trois catégories se chevauchent, car les modifications de GEREC visent à alléguer que Canmec et Rio Tinto ont toutes deux violé le droit d’auteur de GEREC à la fois sur les modèles de GEREC et sur les œuvres de construction et d’installation de GEREC.

(4) Modifications dans la première catégorie : modèles de GEREC/annexe A

[31] Comme je le précise plus haut, les modifications que GEREC souhaite apporter dans la première catégorie se rapportent à la définition des modèles de GEREC. Les modifications principales de cette catégorie se trouvent au paragraphe 12 et dans une nouvelle annexe A jointe à la déclaration modifiée, et comprennent des modifications corollaires apportées aux paragraphes 18, 19 et 20. La modification qu’il est proposé d’apporter au paragraphe 12 supprime le renvoi aux 33 dessins de fabrication et définit plutôt les modèles de GEREC en renvoyant à l’annexe A. L’annexe A proposée énumère 305 œuvres, y compris les 33 œuvres. Pour chacune des œuvres, l’annexe A comprend un numéro (de A‑001 à A‑305); le titre de l’œuvre; le projet pilote dans le cadre duquel l’œuvre a été produite (c.‑à‑d. le projet pilote pour le groupe 1 ou le groupe 2); le numéro de référence interne de l’œuvre qu’utilise GEREC; la lettre de révision, s’il y a lieu (p. ex. version A ou version B); le numéro de production de l’œuvre dans le litige; et le ou les auteurs de l’œuvre. L’annexe comprend des remarques précisant que les auteurs désignés [traduction] « s’ajoutent à tous les auteurs désignés dans toute version antérieure du même dessin ou document » et qu’ils sont tous Canadiens ou Français.

[32] Les 272 œuvres que GEREC propose d’ajouter à la définition des modèles de GEREC par l’entremise de l’annexe A sont de trois types différents, s’inscrivent dans un contexte différent et soulèvent des questions différentes. Par conséquent, j’examinerai successivement chacun des types.

a) Autres versions des 33 dessins de fabrication

[33] La majorité des nouveaux documents figurant à l’annexe A (254 des 272 nouveaux documents) sont différentes versions des 33 œuvres constituant actuellement les modèles de GEREC. Ces documents comprennent les versions originales des dessins et d’autres versions antérieures et postérieures à celles transmises à Canmec en mars 2018. Par exemple, la première des 33 œuvres transmises à Canmec était la [traduction] « version E » d’un dessin de fabrication d’un élément de la vanne papillon qui avait été préparé pour les travaux sur le groupe 2. Ce document porte le numéro A‑012 dans l’annexe A proposée. La version originale ([traduction] « Version 0 ») du dessin et les versions A à D et F portent respectivement les numéros A‑007 à A‑011 et A‑013 dans l’annexe A. Ainsi, l’annexe A énumère sept documents qui sont simplement différentes versions du dessin du même élément de la vanne. En outre, l’annexe A comporte quatre autres dessins du même élément, mais qui ont été préparés pour les travaux portant sur le groupe 1 au lieu du groupe 2. GEREC a confirmé, lors des interrogatoires préalables, que les modèles de la vanne du groupe 1 et du groupe 2 sont [traduction] « essentiellement les mêmes et présentent seulement de petites différences sur le plan de la conception ».

(i) Condition préalable

[34] Canmec fait valoir que les modifications proposées visant l’ajout de ces documents ne sont pas suffisamment détaillées pour satisfaire aux exigences de l’article 174 des Règles. Elle soutient par conséquent que les modifications devraient être refusées, car elles ne pourraient pas résister à une requête en radiation. Plus précisément, Canmec fait valoir que l’identification des auteurs des œuvres contredit des détails que GEREC a fournis antérieurement au sujet de la paternité des 33 œuvres, que GEREC n’a pas demandé l’autorisation de modifier ces détails et que Canmec ne devrait pas avoir à deviner qui sont les auteurs des œuvres ou à effectuer d’autres interrogatoires préalables sans cette information.

[35] Je suis convaincu que les modifications proposées dans cette catégorie sont suffisamment détaillées. L’annexe A comprend une liste exhaustive et précise de ces œuvres, qui indique la paternité de celles‑ci. Bien que Canmec renvoie à des versions antérieures de l’annexe A proposée de GEREC, qui ne comprennent aucun renseignement sur la paternité des œuvres, la version présentée à la Cour pour que celle‑ci rende une décision lors de l’audition de la requête comprend ces renseignements. En ce qui a trait à la disparité alléguée entre la liste d’auteurs actuelle et les détails fournis antérieurement, Canmec et Rio Tinto ont consenti aux modifications touchant les renseignements sur les auteurs des 33 œuvres qui constituent actuellement les modèles de GEREC.

[36] La déclaration modifiée contient également des allégations suffisamment détaillées quant à la façon dont les œuvres ont été contrefaites : Fox Restaurant, aux para 23, 32. Comme c’est le cas pour les 33 œuvres, chacun des documents énumérés semble être une seule page comprenant des dessins de fabrication. Le juge Grammond a conclu précédemment que les allégations de contrefaçon des 33 œuvres étaient suffisamment détaillées, car Canmec serait « certainement en mesure d’identifier les parties des GEREC Designs dont la contrefaçon est alléguée » : ordonnance du juge Grammond, 5 avril 2022 (voir GEREC I, aux para 19‑22). Cette conclusion s’applique également aux autres versions des 33 œuvres, qui sont très similaires aux 33 œuvres actuelles.

[37] Rio Tinto fait valoir que GEREC n’a pas adéquatement plaidé la chaîne de titres des documents et a souligné qu’un demandeur dans une action en violation du droit d’auteur doit [traduction] « plaider la chaîne de titres de l’œuvre qui lui appartient, y compris les renvois aux cessions applicables », sous peine d’être débouté de sa demande : John S McKeown, Fox on Canadian Law of Copyright and Industrial Designs, 4e édition, Toronto, Thomson Reuters, 2023 au para 24:22, citant Adacel Technologies Ltd c NAV Canada, 2006 CAF 227 (aux para 8 à 12). Bien que cet argument ait été soulevé d’une manière générale relativement à la totalité des modifications, il semble se rapporter principalement à certains documents appartenant à d’autres catégories, en particulier des documents figurant à l’annexe B. Les 254 documents qui sont d’autres versions des 33 œuvres semblent tous, à première vue et selon la liste des auteurs figurant à l’annexe A, avoir été préparés par des employés de GE Hydro France. Compte tenu des circonstances, y compris des interrogatoires préalables effectués jusqu’à maintenant, je suis convaincu que les modifications proposées sont suffisamment détaillées en ce qui a trait à la chaîne de titres de ces documents. Quoi qu’il en soit, je suis d’accord avec GEREC pour dire qu’il aurait été possible de corriger toute lacune en demandant la transmission de détails sur la chaîne de titres dans toute ordonnance accordant l’autorisation d’apporter des modifications.

[38] Par conséquent, je suis convaincu que les modifications qui visent à ajouter ces documents satisfont à la condition préalable selon laquelle un acte de procédure doit être suffisamment détaillé pour révéler une cause d’action valable.

(ii) Intérêt de la justice

[39] Bien que les modifications proposées par GEREC selon lesquelles les 254 autres versions des 33 œuvres auraient été contrefaites donnent lieu à un acte de procédure viable, je conclus qu’il ne serait pas dans l’intérêt de la justice d’accorder à GEREC l’autorisation de les apporter.

[40] Je me penche d’abord sur la question de savoir si les modifications seraient utiles pour déterminer les « véritables questions litigieuses » : Enercorp, au para 19; McCain, au para 20. Il est difficile pour la Cour de voir comment l’ajout d’allégations de contrefaçon d’autres versions des 33 œuvres en cause depuis le début de la présente action touche les « véritables questions litigieuses ». La véritable question litigieuse consiste à savoir si Canmec a violé le droit d’auteur pour les dessins de fabrication de GEREC dans sa soumission et ses travaux de réfection des groupes 3 à 12. L’ajout d’allégations selon lesquelles les multiples autres versions des mêmes dessins auraient aussi été contrefaites par la même conduite ne touche pas à la véritable question litigieuse et ne faciliteraient pas [traduction] « l’examen par la Cour du véritable fond du différend » : Continental Bank, à la p 2310.

[41] Cela est particulièrement vrai si GEREC ne soutient pas que Canmec a violé le droit d’auteur sur les autres versions des dessins par une conduite différente ou d’une façon différente de celle décrite dans ses allégations relatives aux 33 œuvres. En effet, GEREC n’a présenté aucun élément de preuve indiquant que Canmec a reçu ou a vu d’autres versions des dessins de fabrication que celles constituant les 33 œuvres. GEREC semble plutôt principalement alléguer que s’il est conclu que Canmec a violé le droit d’auteur sur au moins une des 33 œuvres qu’elle a reçues en mars 2018, elle a également violé le droit d’auteur sur les autres versions de ces mêmes œuvres. À la question de savoir si, compte tenu des similitudes entre les différentes versions, il serait raisonnablement possible de conclure que Canmec a violé le droit d’auteur sur une version d’un dessin, mais pas sur les autres, GEREC ne pourrait que soutenir qu’une telle conclusion était [traduction] « concevable », sans autres détails ou exemples. Par conséquent, les allégations de GEREC concernant les autres versions des 33 œuvres ne semblent être ni plus ni moins qu’une multiplication des allégations de contrefaçon reposant sur le même fondement.

[42] Je ne suis pas non plus convaincu par les arguments de GEREC selon lesquels l’existence d’autres versions des 33 œuvres pourrait avoir une incidence sur les recours à sa disposition. GEREC a confirmé dans ses observations orales qu’elle ne cherchait pas à étayer sa demande de dommages‑intérêts préétablis en invoquant la contrefaçon de multiples versions des dessins comme de multiples « œuvres » auxquelles peuvent se rapporter des demandes de dommages‑intérêts préétablis distinctes. Elle n’a manifestement pas présenté de jurisprudence à l’appui de sa thèse selon laquelle il y a lieu d’accorder des dommages‑intérêts supérieurs, qu’il s’agisse de dommages‑intérêts préétablis ou fondés sur le préjudice réel, lorsque la partie demanderesse dispose d’ébauches ou de versions antérieures d’une œuvre contrefaite par une partie défenderesse.

[43] La nature des allégations de GEREC au sujet de ces autres versions, à savoir qu’elles auraient aussi été contrefaites si les versions constituant les 33 œuvres ont été contrefaites, soulève également la question de savoir si la requête en modification a été présentée dans les délais applicables. GEREC sait que les autres versions des 33 œuvres existent depuis leur création, et sans aucun doute avant le début du présent litige. Dans la mesure où Canmec, en violant le droit d’auteur sur les 33 œuvres, a violé le droit d’auteur sur les autres versions de ces œuvres, GEREC était en mesure de formuler cette allégation au début de l’instance, il y a plus de deux ans.

[44] GEREC soutient qu’au cours des interrogatoires préalables, elle a appris que les échanges de ses œuvres protégées par le droit d’auteur entre Rio Tinto et Canmec étaient plus soutenus qu’elle ne le croyait, et que cela justifie sa demande d’ajouter des allégations relatives aux autres versions. Cependant, GEREC reconnaît qu’il n’existe aucun nouvel élément de preuve indiquant que Canmec a reçu les différentes autres versions des 33 œuvres ou y a eu accès. Au contraire, pendant la deuxième série d’interrogatoires préalables en janvier 2024, Canmec a été invitée à confirmer toutes les occasions où Canmec a reçu des dessins de GE [question 261]. Elle a fourni une réponse à la question 261 en mars 2024, dans laquelle elle a renvoyé à des documents produits antérieurement et a fourni d’autres documents au sujet de ces occasions. GEREC ne soutient pas qu’un de ces documents comprend d’autres versions des 33 œuvres.

[45] Bien que GEREC ne l’ait pas indiqué dans ses observations écrites, elle a affirmé à l’audition de la présente requête qu’elle souhaitait ajouter d’autres versions à la définition des modèles de GEREC afin d’éviter que Canmec ou Rio Tinto, au cours des interrogatoires préalables, puissent limiter leurs réponses aux versions des documents qui constituent les 33 œuvres et puissent ne pas répondre, ou refuser de répondre, aux questions concernant les autres versions. Cependant, GEREC a déjà effectué ses interrogatoires préalables. Elle n’a mentionné aucune réponse ni aucun refus obtenu au cours de ces interrogatoires préalables pouvant conférer une vraisemblance à cette préoccupation prétendue. En effet, il semble que GEREC n’ait posé aucune question sur d’autres versions des 33 œuvres qui aurait pu donner lieu à un tel refus. Comme je le mentionne plus haut, Canmec n’a pas limité sa réponse à la question 261 et n’a pas refusé de répondre à cette question. La préoccupation hypothétique que GEREC a soulevée à l’audition de la requête, selon laquelle Canmec ou Rio Tinto pouvaient, au procès, soulever un moyen de défense qu’elles n’ont pas soulevé jusqu’à présent, pour faire valoir que la version des dessins de GEREC qui ont été copiés ou utilisés n’était pas la même que celle se trouvant dans les 33 œuvres est dénuée de toute vraisemblance. Par conséquent, je ne suis pas convaincu que les préoccupations hypothétiques de GEREC concernant d’éventuelles limites touchant des interrogatoires préalables ultérieurs ou de nouveaux moyens de défense au procès justifient d’une quelconque façon l’ajout de nombreuses nouvelles œuvres à la demande à cette étape de l’instance.

[46] Les facteurs qui précèdent militent contre l’octroi de l’autorisation. Il en va de même pour le retard de l’instruction de l’affaire qui découlerait de l’ajout de ces allégations, car cela exigerait la tenue d’interrogatoires préalables complémentaires sur les nouvelles versions et les experts des parties devraient examiner les nouvelles allégations. À cet égard, GEREC fait valoir que l’ajournement de l’instruction ne causerait à Canmec ou à Rio Tinto aucun préjudice ni aucune injustice que des dépens ne pourraient réparer : Enercorp, au para 18. Toutefois, je suis d’accord avec Rio Tinto pour dire que l’ajournement de l’instruction en soi, particulièrement pour une deuxième fois, peut entraîner un certain préjudice : voir, p. ex. Apotex Inc c Shire Canada Inc, 2011 CF 436 au para 34; Apotex Inc c Sanofi‑Aventis, 2010 CF 182 au para 10; Rovi Guides, Inc c Videotron GP, 2019 CF 1220 aux para 53‑54, conf par 2019 CAF 321 aux para 18‑19. Ce ne sera pas toujours le cas, et il arrivera qu’un tel préjudice puisse être réparé par des dépens ou soit justifié dans les circonstances. Cela dépend en grande partie, voire totalement, des circonstances de l’affaire.

[47] En l’espèce, les parties ont communiqué de nombreux documents, ont effectué des interrogatoires préalables approfondis et ont convenu des dates de l’instruction et des phases préparatoires à l’instruction en vue de se préparer à l’instruction de deux semaines qui devrait se tenir environ trois ans après le début de l’action. Un nouvel ajournement, dont la durée serait nécessairement de plusieurs mois, entraînerait des retards additionnels dans l’instance. Dans les circonstances, je conviens qu’il existe au moins un élément d’un tel délai supplémentaire que des dépens ne pourraient réparer. Je rejette aussi l’argument de GEREC selon lequel si elle admet que les modifications exigeraient l’ajournement de l’instruction, cela signifie que l’autorisation des modifications n’entraînera aucun préjudice non réparable. En outre, de tels effets négatifs découleraient de modifications qui n’aideraient pas la Cour à établir le véritable fond du différend.

[48] Je suis d’accord avec GEREC pour dire que ses modifications proposées n’exigent pas que Canmec ou Rio Tinto modifient une thèse qu’elles ont déjà adoptée. Cependant, dans les circonstances, je ne crois pas que cette considération l’emporte sur les autres questions et facteurs examinés ci‑dessus.

[49] Compte tenu des facteurs qui précèdent, je conclus qu’il ne serait pas dans l’intérêt de la justice d’accorder à GEREC, à cette étape de l’instance, l’autorisation de modifier la déclaration modifiée afin d’y ajouter 254 œuvres qui sont d’autres versions des 33 œuvres. Les modifications demandées sont refusées.

b) Autres dessins de fabrication

[50] L’annexe A proposée de GEREC comprend également deux dessins de fabrication qui ne font pas partie des 33 œuvres, à savoir un dessin représentant l’assemblage général de la vanne, et un dessin d’une [traduction] « plaque antidébris », soit une composante du groupe hydroélectrique original qui fait partie du projet de réfection visé par la DP. De multiples versions des deux dessins sont énumérées à la fois pour le projet axé sur le groupe 1 et pour le projet axé sur le groupe 2, ce qui représente en tout 17 œuvres qui auraient été contrefaites.

[51] Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci‑dessus, je suis convaincu que les modifications proposées visant à ajouter ces documents à la définition des modèles de GEREC sont adéquatement plaidées et satisfont à la condition préalable, qui consiste à révéler une cause d’action valable. Là encore, chacun des documents est composé d’une seule page comprenant des dessins de fabrication. Compte tenu de la similitude entre la nature de ces deux dessins et celle des dessins contenus dans les 33 œuvres, les conclusions du juge Grammond au sujet du degré de précision suffisant s’appliquent aussi à ces œuvres.

[52] Cependant, je conclus de nouveau qu’il ne serait pas dans l’intérêt de la justice d’ajouter, comme le propose GEREC, les 17 versions de ces deux dessins aux allégations de contrefaçon de GEREC.

[53] GEREC a présenté peu d’arguments différents, voire aucun, concernant ces œuvres et les motifs pour lesquels il était nécessaire ou approprié de les ajouter à la définition des modèles de GEREC à cette étape de l’instance. Cependant, elle a présenté des éléments de preuve révélant que Rio Tinto avait transmis par courriel à Canmec une version d’un des dessins (la version E du dessin représentant l’assemblage général du groupe 1, portant le numéro A‑005 dans l’annexe A) en février 2019. Canmec a produit ce courriel en mars 2024 en réponse à la question 261. GEREC fait valoir que ce document produit récemment prouve qu’elle a récemment pris connaissance du volume de documents de GEREC que Rio Tinto avait communiqué à Canmec.

[54] Cependant, comme le souligne Canmec, la version C du même dessin représentant l’assemblage général (A‑004) était jointe à la demande de propositions de Rio Tinto pour les treuils dans le cadre du projet pilote pour le groupe 2 en mars 2018. Par conséquent, GEREC savait ou aurait dû savoir que Canmec disposait de ce dessin bien avant le début du présent litige. En outre, parmi les documents que Canmec a produits en contre‑réponse aux engagements après la première série d’interrogatoires préalables à la fin du mois de juin 2023 se trouvait un document montrant que Rio Tinto avait transmis à Canmec la version B du même dessin représentant l’assemblage général (portant le numéro A‑003 dans l’annexe A) dans le contexte de son travail sur les treuils dans le cadre du projet pilote. Par conséquent, même dans le contexte du présent litige, GEREC sait depuis au moins la fin du mois de juin 2023, bien avant la première requête en interrogatoire préalable et sa première requête en modification, que Rio Tinto avait transmis à Canmec une copie du dessin représentant l’assemblage général. Il est difficile d’ajouter foi à l’affirmation de GEREC selon laquelle elle a appris récemment, par la production en mars 2024 du courriel de février 2019, que le dessin représentant l’assemblage général avait été communiqué à Canmec.

[55] Quant au dessin de la plaque antidébris, GEREC n’a relevé aucun élément de preuve indiquant que Canmec avait déjà été en possession de ce document, qu’il lui ait été transmis par Rio Tinto ou qu’il ait été obtenu autrement. Bien que la possession d’une œuvre ou l’accès à une œuvre ne soient pas des éléments essentiels d’une allégation de violation du droit d’auteur, les allégations de GEREC selon lesquelles Canmec a violé le droit d’auteur sur les modèles de GEREC s’appuient expressément sur la possession et l’usage par Canmec de copies de ces œuvres (paragraphes 18, 23, 27‑29 et 32 de la déclaration modifiée). Les allégations proposées par GEREC selon lesquelles Rio Tinto a violé le droit d’auteur sur les modèles de GEREC reposent sur la communication, par Rio Tinto, des modèles de GEREC à Canmec (paragraphes 27, 37.1‑37.11 de la deuxième déclaration modifiée proposée). GEREC a effectué des interrogatoires préalables et a obtenu, de la part de Canmec, la communication de tous les documents de GEREC que Canmec avait en sa possession, mais n’a relevé aucun élément de preuve, encore moins un élément de preuve récent, montrant que Canmec disposait du dessin de la plaque antidébris.

[56] Comme je le mentionne plus haut, bien que les allégations de fait dans un acte de procédure soient généralement tenues pour avérées aux fins d’une requête en modification, je ne suis pas convaincu que ce principe s’applique tout autant si les parties ont effectué des interrogatoires préalables et si les allégations de fait proposées sont contraires aux éléments de preuve dont la Cour est saisie. Je reconnais qu’une requête en modification n’est pas l’instrument approprié pour soupeser des éléments de preuve contradictoires. Cependant, il ne s’agit pas de soupeser des éléments de preuve contradictoires, mais bien de décider si, après deux séries d’interrogatoires préalables, GEREC a prouvé le fondement factuel de son allégation proposée. Quoi qu’il en soit, la requête de GEREC ne renvoie à aucun nouveau renseignement obtenu lors du processus de communication préalable qui justifierait, à cette étape du litige, l’ajout d’une allégation selon laquelle Canmec a violé le droit d’auteur sur le dessin de la plaque antidébris. La simple allégation selon laquelle les échanges de documents entre Rio Tinto et Canmec étaient plus soutenus qu’elle ne le croyait (une allégation sur laquelle je reviens plus loin) est une justification insuffisante si le dessin en question ne fait pas partie des documents transmis.

[57] Par conséquent, en ce qui a trait à la demande de GEREC d’ajouter les autres versions des 33 œuvres, je conclus que sa demande visant à ajouter des allégations de contrefaçon du dessin représentant l’assemblage général et du dessin de la plaque antidébris n’a pas été présentée dans les délais applicables.

[58] Selon moi, les modifications proposées qui se rapportent à ces deux dessins ne faciliteront pas non plus l’examen par la Cour du véritable fond du différend. Là encore, GEREC n’a pas réussi à me convaincre que ses modifications proposées faciliteraient l’examen de l’essentiel de ses allégations de violation du droit d’auteur ou porteraient atteinte aux réparations qu’elle pourrait obtenir si elle réussissait à démontrer l’existence d’une telle violation. Au mieux, le dessin représentant l’assemblage général montre un angle différent de la vanne papillon représentée dans les 33 œuvres, tandis que le dessin de la plaque antidébris montre les détails d’une composante. GEREC n’a pas été en mesure d’expliquer pourquoi ou comment l’ajout d’allégations relatives à ces dessins faciliterait l’examen par la Cour du différend ou des véritables questions litigieuses.

[59] En revanche, l’ajout d’allégations de contrefaçon de deux autres dessins de la vanne papillon et de ses composantes à cette étape risquerait de retarder l’instruction de l’affaire. Dans d’autres circonstances, l’ajout de deux dessins (qu’il s’agisse de deux œuvres exemplaires ou des 17 œuvres constituant la totalité des différentes versions) n’entraînerait pas nécessairement l’élargissement considérable de la portée de l’action, mais en l’espèce, les parties doivent déjà prendre, dans des délais serrés, les mesures nécessaires avant l’instruction prévue en octobre 2024, bien que la date de l’instruction ait été fixée il y a près de huit mois. Canmec estime qu’il faudrait ajouter une seule journée d’interrogatoire préalable pour poser des questions à GEREC à propos de ces documents, mais à lui seul, cet ajout retarderait la production des rapports d’expert et entraînerait une réaction en chaîne compromettant grandement la date de l’instruction, et ce, pour des allégations qui apporteraient peu à la déclaration.

[60] Par conséquent, bien que Canmec ou Rio Tinto ne seraient pas tenues de modifier une thèse qu’elles ont déjà adoptée en raison de ces modifications, je conclus qu’il ne serait pas dans l’intérêt de la justice de permettre à GEREC de modifier sa déclaration pour y ajouter des allégations de contrefaçon du dessin représentant l’assemblage général et du dessin de la plaque antidébris.

c) Le fichier SolidWorks

[61] Le fichier SolidWorks est un fichier informatique représentant un modèle CAO 3D de la vanne papillon de GEREC et de ses composantes, ainsi que d’autres aspects du groupe hydroélectrique, comme les treuils et le béton dans lequel ils sont installés. Comme l’illustre une vidéo déposée par Rio Tinto, le fichier SolidWorks permet à l’utilisateur de visualiser ces différents éléments en trois dimensions à différents niveaux de détail, d’en effectuer la rotation sur trois axes, de créer et de visualiser des coupes transversales, et de masquer ou de mettre en évidence des éléments à sa guise. Le fichier SolidWorks semble être la source à partir de laquelle ont été générés les dessins de fabrication en deux dimensions constituant les 33 œuvres.

[62] Canmec et Rio Tinto font valoir que GEREC n’a pas suffisamment détaillé ses allégations relatives au fichier SolidWorks. Elles soutiennent que le fichier SolidWorks compte des centaines de fichiers de pièces pouvant en fait générer des séries illimitées d’images ou de plans différents, et que GEREC n’a pas indiqué quels fichiers de pièces, angles ou aspects du fichier SolidWorks auraient été contrefaits, ou quelles sont les expressions originales contenues dans le fichier SolidWorks que Canmec aurait copiées. Elles soutiennent que cela équivaut en fait à une allégation de contrefaçon d’un nombre inconnu d’œuvres non identifiées et non répertoriées, et qu’en conséquence, les exigences selon lesquelles un acte de procédure dans une action en violation du droit d’auteur doit être suffisamment détaillé ne sont pas satisfaites : Mancuso, aux para 16‑20; Fox Restaurant, aux para 21‑23. GEREC répond qu’elle a identifié le fichier en particulier constituant l’œuvre qui aurait été contrefaite, et que toute œuvre pourrait théoriquement être divisée en une multitude de pièces de composantes, de sorte que les préoccupations de Canmec et de Rio Tinto sont [traduction] « absurdes ».

[63] Je conclus que je n’ai pas à trancher la question de savoir si le degré de précision est suffisant, car GEREC ne m’a pas convaincu qu’il est dans l’intérêt de la justice de lui permettre de modifier sa déclaration modifiée pour invoquer la contrefaçon du fichier SolidWorks.

[64] Comme c’est le cas pour les autres versions des 33 œuvres et le dessin de la plaque antidébris, GEREC n’a présenté aucun élément de preuve indiquant que Rio Tinto a déjà transmis le fichier SolidWorks à Canmec ou que Canmec a autrement obtenu ou utilisé ce fichier. GEREC soutient qu’elle souhaite savoir si Rio Tinto a transmis le fichier SolidWorks à Canmec. Cependant, Canmec a déjà relevé, en réponse à la question 261, toutes les occasions où elle a reçu des dessins de la part de Rio Tinto. Dans la mesure où il est possible d’établir une distinction entre les dessins et le fichier SolidWorks dans le contexte de la question 261, rien n’indique que GEREC a demandé à Canmec si elle avait déjà reçu le fichier SolidWorks de GEREC, malgré les nombreuses questions sur l’usage du programme informatique SolidWorks par Canmec. En effet, le dossier dont la Cour est saisie dans le cadre de la présente requête n’établit même pas que le fichier SolidWorks était en la possession de Rio Tinto, encore moins en la possession de Canmec.

[65] GEREC soutient qu’elle a appris au cours des interrogatoires préalables que Canmec utilisait aussi le programme SolidWorks pour générer ses dessins. Je ne vois pas comment le fait que Canmec a utilisé un logiciel donné pour modéliser son travail portant sur la réfection des vannes papillon est lié d’une quelconque façon à une allégation selon laquelle elle aurait ainsi contrefait un fichier donné créé par GEREC. Pour utiliser une analogie qui est certes simplifiée, si GEREC avait appris lors d’un interrogatoire préalable que Canmec avait utilisé Microsoft Word pour générer un document texte, cela ne justifierait pas en soi d’ajouter tardivement une allégation de contrefaçon d’une œuvre que GEREC a aussi créée au moyen de Word. Toutefois, GEREC n’a invoqué aucun nouveau renseignement, outre le fait que Canmec utilise le logiciel SolidWorks, pour justifier l’ajout tardif du fichier SolidWorks à la définition des modèles de GEREC.

[66] Comme le souligne Canmec, GEREC soutient depuis le mois d’avril 2022, après la modification de ses actes de procédure dans la foulée de la requête devant le juge Grammond, que la préparation et l’usage des [traduction] « fichiers CAO 3D » par Canmec pour la réfection des groupes 3 à 12 constituaient une contrefaçon des modèles de GEREC. Par conséquent, il semble que GEREC savait depuis au moins deux ans, ou du moins a allégué, que Canmec avait préparé les fichiers CAO 3D dans le cadre de ses travaux de réfection. Si GEREC estimait que ces fichiers ou d’autres dessins produits par Canmec constituaient une contrefaçon du fichier SolidWorks (un fichier de GEREC qui était en sa possession dès le début), elle aurait pu soulever cette allégation il y a longtemps. Je conclus que les modifications proposées par GEREC qui visent à ajouter des allégations de contrefaçon du fichier SolidWorks sont inopportunes.

[67] Il semble également que les allégations de violation du droit d’auteur sur les 33 œuvres et le fichier SolidWorks ont en fait la même portée; si les 33 œuvres ont fait l’objet d’une violation du droit d’auteur, le fichier SolidWorks a nécessairement fait l’objet d’une violation du droit d’auteur, et vice‑versa. Les avocats de GEREC ont concédé dans leurs observations qu’il était [traduction] « difficile d’envisager » une situation où ce ne serait pas le cas, mais ont fait valoir que cette possibilité ne pouvait pas être écartée. Cet argument n’est pas suffisant pour justifier la modification d’un acte de procédure afin d’y ajouter une allégation de contrefaçon d’un nouveau document qui entraînerait là encore l’ajournement des dates d’audience fixées.

[68] Sur ce dernier point, les mêmes problèmes se posent en ce qui a trait à la nécessité d’ajourner l’instruction relativement à cette œuvre. À supposer, sans pour autant décider, que le fichier SolidWorks constitue une seule œuvre et que les modifications que GEREC propose d’apporter afin d’ajouter le fichier SolidWorks à la liste des modèles de GEREC sont suffisamment détaillées, il est évident qu’il serait nécessaire d’effectuer des interrogatoires préalables complémentaires pour évaluer les questions de l’originalité, de la propriété du droit d’auteur et de la contrefaçon. GEREC n’a pas contesté l’estimation de Canmec selon laquelle il faudrait effectuer un interrogatoire préalable d’un représentant de GEREC au sujet du fichier SolidWorks, qui devrait durer deux jours. Cela aurait là encore une incidence sur les phases préparatoires à l’instruction, notamment en ce qui a trait aux rapports d’experts, et pourrait même nécessiter le prolongement des phases préparatoires à l’instruction. L’ajout du fichier SolidWorks à la liste des modèles de GEREC nécessiterait presque certainement à lui seul l’ajournement de l’instruction.

[69] Là encore, compte tenu des différents facteurs pertinents, je conclus qu’il ne serait pas dans l’intérêt de la justice de permettre à GEREC de modifier sa déclaration pour y ajouter des allégations de contrefaçon du fichier SolidWorks.

[70] Je n’autoriserai donc pas GEREC à effectuer une quelconque modification de la première catégorie.

(5) Modifications de la deuxième catégorie : œuvres de construction et d’installation de GEREC/annexe B

[71] Les modifications de la deuxième catégorie proposées par GEREC visent à ajouter à la déclaration modifiée de nouvelles allégations de violation du droit d’auteur sur un ensemble de 306 œuvres qui ne sont pas des dessins de fabrication, mais bien des [traduction] « dessins et des documents de construction et d’installation ». Ces documents, qui sont définis comme les œuvres de construction et d’installation de GEREC et qui sont énumérés dans une nouvelle annexe B, ne se rapportent pas à la conception et à la fabrication des vannes papillon et des pièces de celles‑ci, mais bien à des aspects de leur installation et de leur mise en service. Ces documents comprennent, par exemple, des spécifications techniques pour l’achat, des documents énonçant les procédures d’installation, des plans de réalisation, d’inspection et d’essais [PRIE], des manuels d’entretien et d’utilisation, des plans de gestion de la qualité et des documents traitant de différents sujets, comme l’échafaudage, la protection de l’environnement et la démolition d’ouvrages de béton.

[72] Certaines œuvres figurant à l’annexe B sont des dessins techniques d’une seule page, comme les dessins d’un [traduction] « collet d’ancrage », qui portent les numéros de document B‑001 et B‑002. D’autres œuvres ne sont pas des dessins techniques. Par exemple, les spécifications techniques pour l’achat présentées dans le dossier de requête de Canmec comptent respectivement 13 et 23 pages, y compris divers textes et dessins, tandis que la procédure de mise en service des vannes papillon est un document de 30 pages comprenant différentes procédures d’essai.

[73] GEREC souhaite ajouter à la déclaration modifiée des allégations selon lesquelles Canmec a violé le droit d’auteur sur les œuvres de construction et d’installation de GEREC en copiant et en utilisant ces œuvres dans le cadre des mêmes activités que celles faisant l’objet des allégations relatives aux modèles de GEREC, à savoir la préparation et la présentation de sa soumission en réponse à la DP de Rio Tinto, la préparation de documents pour la réfection des groupes 3 à 12, ainsi que la fabrication des vannes papillon et de leurs composantes. Elle souhaite également ajouter des allégations selon lesquelles Rio Tinto aurait violé le droit d’auteur sur ces œuvres en les transmettant à Canmec à cette fin.

[74] L’annexe B comprend des œuvres que Canmec a confirmé avoir reçues de la part de Rio Tinto. Cependant, l’annexe B comprend aussi des œuvres que Canmec n’aurait jamais reçues, selon les éléments de preuve déposés. Selon les éléments de preuve issus des interrogatoires préalables, Rio Tinto estimait qu’environ 102 des 306 documents figurant à l’annexe B avaient été communiqués à Canmec. Ainsi, selon le dossier dont la Cour est saisie, l’annexe B comprend plus de 200 documents qui n’auraient jamais été transmis à Canmec. GEREC ne conteste pas ce nombre et n’a pas tenté d’établir une distinction entre ces deux catégories de documents ni dans l’annexe B ni dans ses observations.

a) Condition préalable

[75] GEREC soutient qu’elle a fourni une liste complète et détaillée des œuvres prétendument contrefaites, y compris la paternité des documents. Elle affirme aussi qu’elle a suffisamment détaillé ses allégations de contrefaçon, et renvoie là encore à la conclusion antérieure du juge Grammond sur le degré de précision. Elle soutient que les modifications dans cette catégorie sont opportunes, renvoyant à la réponse de Canmec à la question 261 et à d’autres réponses aux engagements reçues en mars 2024, selon lesquelles Canmec avait utilisé certains documents inscrits à l’annexe B (i) pour comprendre les différentes étapes du projet et les documents à produire; (ii) pour se faire une idée des procédures et des étapes importantes à respecter sur place, ainsi que des erreurs à éviter après les projets pilotes.

[76] Canmec soutient que les allégations de GEREC relatives aux œuvres de construction et d’installation de GEREC devraient être refusées, car elles ne pourraient pas résister à une requête en radiation. Elle fait valoir que les allégations sont abusives, car elles ne reposent sur aucun élément de preuve et sont fondées sur des hypothèses, dans l’espoir que des faits soient découverts lors de l’interrogatoire préalable, permettant ainsi d’appuyer l’allégation dans l’acte de procédure : AstraZeneca, aux para 4‑5. Elle soutient que bien qu’il existe des éléments de preuve indiquant que Rio Tinto a transmis à Canmec certains documents figurant à l’annexe B, rien n’indique que Canmec a contrefait l’un de ces documents. Elle précise que l’utilisation de documents pour comprendre différentes étapes d’un projet ou pour se faire une idée des procédures et des étapes importantes à respecter, ou des erreurs à éviter, ne constitue pas une violation du droit d’auteur.

[77] Je crains que GEREC n’ait pas suffisamment détaillé ses allégations de contrefaçon des œuvres de construction et d’installation. Bien que GEREC ait effectué des interrogatoires préalables concernant au moins certains des documents en question, ses allégations ne précisent pas quelles œuvres de construction et d’installation, ou quelles parties de celles‑ci, ont été reproduites en totalité ou en grande partie; quels documents, le cas échéant, créés par Canmec portent atteinte au droit d’auteur sur les œuvres de construction et d’installation; ou quels aspects des travaux de Canmec dans le cadre du projet de réfection constituent de la contrefaçon, outre l’usage indiqué des documents pour comprendre les étapes du projet ou se faire une idée de celles‑ci.

[78] À cet égard, la conclusion antérieure du juge Grammond sur le degré de précision est peu pertinente. Les œuvres de construction et d’installation non seulement beaucoup plus nombreuses que les 33 œuvres sur lesquelles le juge Grammond s’est penché, mais sont aussi, dans bien des cas, d’une nature différente, car il s’agit de documents plus longs portant sur divers aspects. Une simple allégation selon laquelle un tel document – en fait, des centaines de documents – a été contrefait ne nous éclaire pas beaucoup sur la nature des allégations. Bien que je reconnaisse que GEREC ne soit pas nécessairement en mesure de fournir tous les détails de la conduite de Canmec sans obtenir de communications de la part de Canmec ou sans mener d’autres interrogatoires préalables, le manque de précision soulève des préoccupations quant à la possibilité que les allégations soient simplement une recherche à l’aveuglette. Ces préoccupations sont exacerbées en ce qui a trait aux 200 documents dont la communication à Canmec n’est étayée par aucun élément de preuve.

[79] Cependant, je n’ai pas à trancher cette question quant à savoir si l’acte de procédure modifié révèle une cause d’action valable avec suffisamment de détails pour satisfaire à la condition préalable, car je conclus que même en supposant que c’était le cas, il ne serait pas dans l’intérêt de la justice d’autoriser les modifications à cette étape de l’instance.

b) Intérêt de la justice

[80] Comme en ce qui concerne les modifications de la première catégorie, le retard de l’instruction de l’affaire, le moment auquel est présentée la requête et la question de savoir si les modifications faciliteront l’examen par la Cour du véritable fond du différend sont les facteurs les plus importants en l’espèce pour déterminer si les modifications sont dans l’intérêt de la justice.

[81] GEREC reconnaît que les modifications qu’elle propose nécessiteront un autre ajournement de l’instruction. Elle demande un ajournement de onze mois à compter de la date de la présente décision, ce qui représente un ajournement de six mois par rapport aux dates actuellement prévues pour l’instruction. Elle fait valoir qu’un tel ajournement ne causerait pas un préjudice non réparable à Canmec ou à Rio Tinto, et que quoi qu’il en soit, l’avantage de faire examiner conjointement toutes les allégations de violation du droit d’auteur de GEREC l’emporte sur un tel préjudice. Comme je le mentionne plus haut, il existe en l’espèce un certain préjudice inhérent découlant d’un autre report de l’instruction dans une action qui a été intentée il y a plusieurs années, dans le cadre de laquelle l’instruction de l’instance a déjà été ajournée une fois et les dates de l’instruction sont fixées depuis huit mois. Néanmoins, je suis d’accord avec GEREC pour dire que l’examen d’un tel préjudice doit tenir compte de la nature des modifications et du moment auquel est présentée la requête en modification.

[82] En ce qui a trait au moment auquel est présentée la requête, il s’agit d’établir si GEREC connaissait ou aurait dû connaître les faits à l’origine de l’allégation.

[83] Selon la mise en cause de Canmec, datée du mois d’avril 2022, Rio Tinto l’aurait encouragée à tenir compte des [traduction] « bons et mauvais coups du passé » (ou de ce que les parties appellent les « leçons apprises ») et lui aurait fourni les renseignements nécessaires pour atteindre cet objectif. Au cours de la première série d’interrogatoires préalables menés au printemps 2023, GEREC a demandé à Canmec de lui fournir toute communication écrite à cet égard. En réponse, Canmec lui a communiqué à la fin du mois de juin ou au début du mois de juillet 2023 un courriel (CAN‑225) révélant que Rio Tinto avait transmis à Canmec des documents qui avaient été demandés et avaient fait l’objet de discussions au cours d’une séance d’échange des « leçons apprises » dans le cadre du projet pilote pour le groupe 2. Ce document montre l’envoi d’un dossier intitulé « Documents transférés à Canmec », et énumère des dossiers de dessins, de photos, de procédures, de PRIE, de dessins civils et de coordonnées. Les quelque 100 documents contenus dans ce dossier ont aussi été produits; ils portent les numéros CAN‑226 à CAN‑326. Ces documents comprennent de nombreux dessins de GE et d’autres documents, dont bon nombre figurent maintenant à l’annexe B. En réponse à la demande qui lui avait été formulée, Canmec a aussi produit à la fin du mois de juin ou au début du mois de juillet 2023 d’autres documents montrant que Rio Tinto avait transmis à Canmec des documents qui figurent maintenant à l’annexe B (CAN‑101 à CAN‑104).

[84] Par conséquent, GEREC sait depuis la fin du mois de juin ou le début du mois de juillet 2023 que Rio Tinto a transmis à Canmec de nombreux documents qui sont maintenant définis comme les œuvres de construction et d’installation de GEREC. Ces documents ont été divulgués expressément en réponse à une question visant à obtenir des détails sur l’allégation de Canmec selon laquelle Rio Tinto l’aurait encouragée à tenir compte des « leçons apprises » et lui aurait fourni les renseignements nécessaires pour atteindre cet objectif.

[85] GEREC fait valoir que sa requête en modification est néanmoins opportune, car elle a obtenu des renseignements au cours de la deuxième série d’interrogatoires préalables, y compris dans les réponses aux engagements reçues en mars 2024, qui confirmaient la contrefaçon des œuvres de construction et d’installation de GEREC. Elle soutient qu’avant ce moment, elle ne disposait pas de suffisamment de renseignements pour invoquer la contrefaçon, et fait valoir que si elle avait soulevé des allégations de contrefaçon lorsqu’elle a reçu les documents produits en juin ou en juillet 2023, elle aurait dû répondre à des arguments selon lesquels sa requête en modification était prématurée ou non fondée. Elle soutient également qu’elle ignorait jusqu’à récemment le volume de documents que Rio Tinto avait communiqué à Canmec.

[86] GEREC renvoie notamment à cinq productions de Canmec reçues en mars 2024, qui montrent que Rio Tinto a transmis des documents de GEREC à Canmec. La première de ces communications concerne le dessin d’assemblage général dont il est question plus haut. Selon les recherches que la Cour a effectuées dans les autres communications, en juin ou en juillet 2023, GEREC ignorait qu’un seul autre document avait été transmis à Canmec. En effet, le deuxième courriel auquel GEREC renvoie (CAN‑3893) semble déjà avoir été communiqué en tant que document CAN‑104. Par conséquent, il m’est impossible de conclure que ces documents produits par Canmec fournissent une quelconque preuve substantielle que le volume de documents transmis était supérieur à celui connu en juin ou en juin 2023.

[87] GEREC renvoie aussi à d’autres réponses données aux engagements en mars et en avril 2024. J’estime que de nombreuses de ces réponses sont dénuées de pertinence, et certaines renvoient à des documents qui ne figurent plus à l’annexe B de GEREC. L’allégation selon laquelle ces réponses indiquaient pour la première fois que Canmec avait utilisé les œuvres de construction et d’installation de GEREC dans le cadre de ses travaux de réfection va directement à l’encontre de l’allégation que Canmec a formulée dans sa mise en cause, selon laquelle Rio Tinto l’aurait encouragée à le faire. Quoi qu’il en soit, ces réponses ne fournissent aucun renseignement supplémentaire substantiel quant à la violation du droit d’auteur qui justifierait de retarder l’instruction de neuf mois pour faire valoir ces allégations. Elles justifient encore moins de retarder l’instruction au motif que Rio Tinto a porté atteinte au droit d’auteur sur les œuvres de construction et d’installation de GEREC en les communiquant à Canmec, un fait que connaissait manifestement GEREC en juin ou en juillet 2023.

[88] Je souligne aussi que la majorité des allégations – à savoir les allégations concernant plus de 200 des 306 documents figurant à l’annexe B – ne sont étayées par aucun élément de preuve, récent ou non, montrant que Rio Tinto a transmis les documents à Canmec ou que Canmec a même vu ces documents. Comme je le précise plus haut, la preuve dont la Cour est saisie indique le contraire.

[89] Par conséquent, je conclus que la demande de GEREC d’ajouter les allégations concernant les œuvres de construction et d’installation de GEREC est inopportune. Comme le souligne GEREC, le retard ne suffit pas pour justifier le refus d’une modification proposée : Apotex Inc c Pfizer Canada, 2017 CF 951 au para 63. Cependant, il s’agit d’un facteur pertinent à prendre en compte pour déterminer si les modifications proposées servent l’intérêt de la justice. Cela est particulièrement vrai en l’espèce, car les parties ont depuis participé à deux requêtes en interrogatoire préalable, ont produit de nombreux autres documents, ont effectué une deuxième série d’interrogatoires préalables et ont participé à une requête antérieure en modification au cours de laquelle il n’a pas été question des œuvres de construction et d’installation de GEREC.

[90] Il convient également de préciser que, contrairement aux observations de GEREC, les modifications proposées élargiront la nature de ses allégations de contrefaçon. À l’heure actuelle, l’action vise la conception des vannes papillon et des pièces de celle‑ci effectuée par Canmec. GEREC fait valoir que Canmec a violé le droit d’auteur sur 33 œuvres représentant les vannes papillon de GEREC lorsqu’elle a présenté une soumission en réponse à la DP de Rio Tinto et lorsqu’elle a effectué les travaux de réfection qui s’en sont ensuivis. Les allégations proposées par GEREC élargiraient considérablement la portée de la conduite de Canmec en cause, car elles viseraient non seulement la conception des vannes, mais peut‑être aussi chaque aspect de leur processus d’installation et du projet de réfection. En plus d’élargir extrêmement la portée éventuelle de la communication préalable, cela pourrait allonger considérablement la durée de l’instruction. Je suis d’accord avec Rio Tinto pour dire que l’hypothèse de GEREC, selon laquelle il pourrait être nécessaire de prolonger l’instruction de 10 à 12 jours, sous‑estime les répercussions éventuelles des allégations sur la durée de l’instruction. Bien que l’élargissement d’une demande, et la prolongation connexe de l’instruction, ne constituent pas en soi un motif pour refuser des modifications, il s’agit d’un facteur pertinent.

[91] GEREC soutient qu’elle pourrait simplement intenter une action distincte concernant les œuvres de construction et d’installation de GEREC, et qu’il serait plus efficace de faire valoir ces allégations dans le contexte de la présente action. Sans me prononcer sur la capacité de GEREC à intenter des actions distinctes, je ne puis admettre que cela est suffisant pour justifier de perturber l’instruction de la présente instance à cette étape, étant donné que l’action est axée sur la vanne papillon et les 33 œuvres depuis deux ans et demi.

[92] Compte tenu des circonstances de l’espèce, GEREC ne m’a pas convaincu qu’il est dans l’intérêt de la justice d’autoriser ses modifications proposées dans la deuxième catégorie.

(6) Modifications de la troisième catégorie : Rio Tinto comme partie défenderesse

[93] Les modifications de la troisième catégorie proposées par GEREC se rapportent à l’ajout d’une allégation directe de contrefaçon contre Rio Tinto, constituant celle‑ci partie défenderesse à l’action principale. Canmec ne prend pas position sur ces modifications; Rio Tinto s’y oppose.

[94] Comme je le souligne plus haut, les allégations proposées contre Rio Tinto concernent entre autres à la fois les modèles de GEREC et les œuvres de construction et d’installation de GEREC. Mes conclusions concernant les modifications de la définition des œuvres de GEREC et les modifications visant à ajouter des allégations de contrefaçon des œuvres de construction et d’installation de GEREC s’appliquent tant aux allégations visant Canmec qu’à celles visant Rio Tinto. Je rappelle que pour la majorité des documents dans les deux catégories, y compris la vaste majorité des documents de l’annexe A et environ les deux tiers des documents de l’annexe B, rien n’indique que Rio Tinto a transmis les documents à Canmec.

[95] Comme j’ai conclu qu’il n’est pas dans l’intérêt de la justice de permettre à GEREC d’élargir la définition des modèles de GEREC ou d’ajouter des allégations de contrefaçon des œuvres de construction et d’installation de GEREC (contre toute partie), les modifications restantes dans la troisième catégorie se rapportent aux allégations selon lesquelles Rio Tinto a elle‑même porté atteinte au droit d’auteur sur les 33 œuvres en les communiquant à Canmec. GEREC soutient, que ce soit précisément par rapport aux modèles de GEREC ou par rapport aux œuvres de GEREC (une expression qui englobe à la fois les modèles de GEREC et les œuvres de construction et d’installation de GEREC), que Rio Tinto a porté atteinte au droit d’auteur sur les 33 œuvres en les fournissant à Canmec, en les utilisant et en les copiant pour énoncer les exigences dans sa DP, et en donnant à Canmec des indications concernant la production de documents et de dessins contrefaits.

a) Condition préalable

[96] Rio Tinto soutient que les allégations proposées de GEREC concernant la DP ne devraient pas être autorisées, car elles sont prescrites par le délai de trois ans applicable aux recours civils qui est prévu au paragraphe 43.1(1) de la Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, c C‑42. Je conclus que je n’ai pas à trancher cette question compte tenu de mes conclusions concernant l’intérêt de la justice.

[97] Je conclus également qu’il est préférable de ne pas examiner le bien‑fondé des arguments de Rio Tinto fondés sur la prescription pour deux motifs. Premièrement, GEREC a indiqué qu’elle pouvait intenter une action distincte contre Rio Tinto. Comme la question de la prescription peut être pertinente dans une telle instance, le cas échéant, il est préférable de l’examiner dans ce contexte.

[98] Deuxièmement, les arguments fondés sur les périodes de prescription font intervenir les articles 76, 77 et 201 des gles des Cours fédérales. Les parties à la présente requête n’ont pas présenté d’observations sur l’incidence de ces articles des Règles et n’y ont pas renvoyé, outre Rio Tinto qui a simplement mentionné s’être appuyée sur ces articles. Notre Cour a examiné ces articles dans différentes décisions, qui apportent des nuances quant à leur application : voir p. ex. Shell Canada Energy c General MPP Carriers, 2011 CF 217 aux para 29, 35‑38, citant Canadian Red Cross Society v Air Canada, 2001 CFPI 1012 aux para 8‑16; Biomarin Pharmaceutical Inc c Dr Reddy’s Laboratories Ltd, 2021 CF 402 aux para 18, 43, citant entre autres, Seanix Technologies Inc c Synnes Information Technologies, Inc, 2005 CF 243 (au para 17) et Houle c Canada, 2000 CanLII 17151 (CF), [2000] ACF no 1197 (aux para 36‑37). En l’absence d’arguments sur les articles applicables des Règles et sur les décisions dans lesquelles ils ont été examinés, compte tenu de mes conclusions sur l’intérêt de la justice, je termine ici mon examen de ces questions.

b) Intérêt de la justice

[99] Indépendamment de toute question de prescription, les arguments de GEREC ne sont pas opportuns. Comme le souligne Rio Tinto, des dessins de 4 des 33 œuvres (et comme je le mentionne plus haut, le dessin représentant l’assemblage général) sont joints à titre de référence à sa DP concernant les travaux sur les groupes 3 à 12. Par conséquent, depuis la publication de la DP en 2019, GEREC sait que Rio Tinto a utilisé au moins ces œuvres pour élaborer la DP et les a communiquées à autrui, y compris à Canmec. Il aurait été possible de soulever une allégation selon laquelle Rio Tinto aurait ainsi porté atteinte au droit d’auteur au début de la présente instance, ou du moins bien avant le 11 avril 2024, soit la première occasion où GEREC a proposé de constituer Rio Tinto partie défenderesse à l’action principale.

[100] Bien que GEREC soutienne qu’elle a appris récemment des détails qui ont [traduction] « confirmé d’autres violations commises par Rio Tinto », aucun des exemples qu’elle donne n’est lié à la copie, à la communication ou à l’utilisation des 33 œuvres. GEREC ne m’a pas convaincu que des faits supplémentaires dévoilés pendant les interrogatoires préalables étayent autrement ses allégations selon lesquelles Rio Tinto a contrefait les 33 œuvres ou justifient le retard qu’elle a mis à formuler cette allégation.

[101] Il ne fait aucun doute que même en faisant abstraction des allégations de contrefaçon des autres documents figurant à l’annexe A et de ceux figurant à l’annexe B, les modifications proposées qui visent à constituer Rio Tinto partie défenderesse et à soutenir qu’elle a contrefait les 33 œuvres nécessiteraient l’ajournement de l’instruction. Bien que les parties aient déjà mené des interrogatoires préalables sur les 33 œuvres, ces interrogatoires préalables ne portaient pas sur les allégations selon lesquelles Rio Tinto a elle‑même contrefait les œuvres. Ces interrogatoires préalables ne portaient pas non plus sur le bénéfice que Rio Tinto a tiré de la violation alléguée. Comme le souligne Rio Tinto, au sujet de ce dernier élément, il serait aussi nécessaire de retenir les services d’un nouvel expert en questions financières, ce qui aurait aussi probablement pour effet de prolonger la durée de l’instance.

[102] Rien de ce qui précède ne faciliterait l’examen par la Cour du véritable fond du différend, particulièrement en ce qui a trait aux questions principales concernant la violation du droit d’auteur sur les 33 œuvres dans le contexte des travaux de réfection effectués par Canmec.

[103] GEREC affirme encore une fois qu’elle pourrait intenter une nouvelle action faisant valoir ses allégations de contrefaçon contre Rio Tinto, et qu’il serait plus efficace de permettre que ces allégations soient entendues et tranchées dans la présente instance. Même si c’était le cas, je ne suis pas convaincu que la capacité d’intenter une action indépendante est en soi suffisante pour autoriser des modifications à un acte de procédure qui nécessiteront l’ajournement de l’instance. Si c’était le cas, n’importe quelle modification devrait être autorisée en tout temps, indépendamment des différents facteurs que la Cour d’appel fédérale a considérés comme pertinents en regard de l’intérêt de la justice.

[104] Depuis deux ans et demi, la déclaration de GEREC contient une allégation selon laquelle Canmec a violé le droit d’auteur sur les 33 œuvres. Bien que Canmec ait fait valoir que Rio Tinto est responsable de cette violation, GEREC a choisi de ne pas porter d’allégations de violation du droit d’auteur directement contre Rio Tinto. Bien que GEREC souhaite maintenant le faire, cela ne constitue pas un motif suffisant pour justifier des modifications tardives qui nécessiteraient un autre ajournement de l’instruction de la présente affaire.

[105] Je conclus, compte tenu de toutes les circonstances et de l’ensemble des facteurs, qu’il n’est pas dans l’intérêt de la justice de permettre à GEREC de modifier sa déclaration pour constituer Rio Tinto partie défenderesse.

(7) Modifications non contestées

[106] La deuxième déclaration modifiée proposée par GEREC comprend quelques modifications destinées à clarifier les choses, à savoir (i) l’ajout d’une mention de la taxe de vente provinciale à l’alinéa 1h); (ii) l’ajout des mots « or about » [ou environ] aux allégations concernant les dates aux paragraphes 9, 11 et 27; (iii) la simplification des paragraphes 31, 34 et 35 par l’utilisation de l’expression définie « Canmec’s Infringing Activities » [activités de contrefaçon de Canmec]; (iv) le retrait du mot « likely » [probablement] du paragraphe 36. GEREC a l’autorisation d’apporter ces modifications et celles autorisées dans la décision GEREC I qui n’ont pas encore été apportées.

[107] Canmec consent aussi à certaines modifications au paragraphe 12, qui consistent à supprimer les mots « at least thirty‑three (33) » [au moins trente‑trois (33)] et à ajouter les mots « as set out in Schedule A » [énoncés à l’annexe A] à la définition des modèles de GEREC, et consent à l’inclusion de l’annexe A, à condition qu’elle comprenne seulement les 33 œuvres. Bien que ces modifications puissent être inutiles compte tenu de mes conclusions au sujet des modifications contestées de la première catégorie, GEREC a l’autorisation de les apporter.

[108] Il existe d’autres modifications qui, bien qu’incontestées, auraient été utiles seulement si j’avais accordé l’autorisation d’apporter d’autres modifications. Ces modifications visaient entre autres à désigner Canmec comme la partie visée par la demande de dommages‑intérêts punitifs formulée à l’alinéa 1e) et à modifier l’emplacement de la définition de Rio Tinto et de la centrale Isle‑Maligne aux paragraphes 10 et 11. Je ne vois pas l’utilité d’apporter ces modifications compte tenu de mes conclusions sur les autres questions.

B. Ajournement

[109] L’article 36 des Règles des Cours fédérales permet à la Cour d’ajourner une audience « selon les modalités qu’elle juge équitables ». Pour décider s’il convient de le faire, la Cour doit évaluer si, eu égard à l’ensemble des circonstances, l’intérêt de la justice justifie le report de l’audience : Dr Reddy’s Laboratories Ltd c Janssen Inc, 2023 CF 448 [Dr Reddy’s] aux para 14‑15. La Cour doit prendre en considération différents facteurs, dont l’intérêt public dans le déroulement équitable et rapide des instances; le principe général prévu à l’article 3 des Règles des Cours fédérales; la durée de l’ajournement demandé et les raisons pour la demande; la perte potentielle de ressources; le préjudice ou les inconvénients que subiraient les parties : Dr Reddy’s, au para 16. Elle doit aussi tenir compte du contexte de l’instruction aux dates fixées et de l’importance de respecter ces dates : Dr Reddy’s, au para 17, citant entre autres les Lignes directrices de la Cour, aux para 48‑50.

[110] Si l’autorisation de modifier est rejetée, GEREC demande un ajournement de l’instruction de la présente affaire de cinq mois à compter de la date de la présente décision, c’est‑à‑dire jusqu’à la mi‑novembre 2024. L’instruction serait ainsi ajournée d’environ trois semaines par rapport aux dates actuellement prévues pour l’instruction. Elle fait valoir que les interrogatoires préalables ne sont pas encore terminés et que les parties n’ont pas échangé de rapports d’experts, de sorte qu’il serait difficile de respecter les dates actuellement prévues pour l’instruction.

[111] Même s’il était possible d’ordonner un ajournement à si court terme – ce qui n’est pas le cas –, selon la Cour, les observations de GEREC ne suffisent pas à justifier l’ajournement. La date de l’instruction est fixée au 21 octobre 2024 depuis le mois d’octobre dernier et des ordonnances de fixation de l’échéancier ont été rendues pour veiller à ce que les parties soient prêtes pour l’instruction. Comme le mentionnent les Lignes directrices de la Cour, celle‑ci s’attend à ce que les parties soient en mesure de procéder aux dates fixées. GEREC n’a pas relevé de circonstances exceptionnelles et inattendues pouvant justifier la modification des dates de l’instruction. Je ne vois pas pourquoi les parties ne seraient pas en mesure d’achever les phases préparatoires à l’instruction, notamment la préparation des rapports d’experts, d’ici l’instruction de l’affaire.

[112] À cet égard, les parties à l’audience ont proposé que la prochaine étape de l’instance, à savoir la signification des rapports d’experts initiaux prévue au paragraphe 7 de l’ordonnance de fixation de l’échéancier du 14 novembre 2023, soit fixée à la fin juin, et que les dates de signification des rapports subséquents s’ensuivent en conséquence. Les parties devront se consulter rapidement et devront proposer, idéalement sur consentement, un échéancier pour les phases préparatoires à l’instruction au plus tard le 14 juin 2024.

IV. Conclusion et dépens

[113] Pour les motifs qui précèdent, GEREC n’est pas autorisée à apporter les modifications proposées à la déclaration modifiée, exception faite des modifications mineures non contestées susmentionnées.

[114] Les parties conviennent que des dépens seront adjugés à la partie ou aux parties qui auront gain de cause. GEREC a proposé que ces dépens soient fixés à 2 500 $. Canmec et Rio Tinto ont proposé qu’il était plus approprié de fixer les dépens à 5 000 $ compte tenu de la quantité de travail en cause dans ces requêtes, particulièrement en ce qui a trait aux différentes versions proposées des modifications et à l’examen des longues listes de nouveaux documents. Canmec et Rio Tinto ont aussi fait valoir que les dépens devraient être payables immédiatement, car la requête de GEREC n’aurait pas dû être présentée : Règles des Cours fédérales, art 401(2).

[115] Compte tenu de la nature de la requête, de l’ampleur du dossier et des différents facteurs prévus au paragraphe 400(3) des Règles, y compris, en particulier, ceux énoncés aux alinéas a), c), g), i) l) et o), je conclus que l’adjudication de dépens de 5 000 $ est appropriée dans les circonstances. GEREC versera des dépens de ce montant à Canmec.

[116] En ce qui a trait à Rio Tinto, je tiens compte du fait que celle‑ci a déposé un affidavit provenant d’un avocat travaillant pour elle et qui comprend certaines déclarations concernant le fichier SolidWorks qui étaient indûment argumentatives et exprimaient une opinion. Les avocats de Rio Tinto ont admis à l’audition que c’était le cas et ont retiré les paragraphes en question. GEREC a néanmoins été appelée à mener un bref contre‑interrogatoire et à présenter des arguments sur la question. Compte tenu de ces facteurs, je vais réduire les dépens adjugés à Rio Tinto à 4 500 $. Dans les deux cas, je conclus que bien que GEREC n’ait pas eu gain de cause, il ne s’agit pas d’un cas où la requête « n’aurait pas dû être présentée ». GEREC versera des dépens à Canmec et à Rio Tinto, respectivement, sans égard à l’issue de l’affaire.


ORDONNANCE dans le dossier T‑1471‑21

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

  1. La demanderesse est autorisée à apporter les modifications proposées à l’alinéa 1h), aux paragraphes 9, 11 (« or about » [ou environ]), 12 (supprimer « at least thirty‑three (33) » [au moins trente‑trois (33)] et ajouter « as set out in Schedule A » [énoncés à l’annexe A]), 27 (les trois premières lignes), 31, 34, 35, 36 et à l’annexe A (comprenant seulement les 33 œuvres, définies aux présentes), ainsi que les modifications autorisées par l’ordonnance du 7 février 2024 qui n’ont pas encore été apportées.

  2. La requête de la demanderesse est autrement rejetée.

  3. Les parties devront se consulter rapidement et devront proposer, idéalement sur consentement, un échéancier pour les phases préparatoires à l’instruction au plus tard le 14 juin 2024.

  4. GEREC versera des dépens de 5 000 $ à Canmec et de 4 500 $ à Rio Tinto, et ce, sans égard à l’issue de l’affaire.

« Nicholas McHaffie »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1471‑21

 

INTITULÉ :

GE RENEWABLE ENERGY CANADA INC c CANMEC INDUSTRIAL INC ET AUTRES

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 4 JUIN 2024

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE MCHAFFIE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 11 JUIN 2024

 

COMPARUTIONS :

Michael Crichton

Ryan Steeves

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Joanne Chriqui

Fortunat Nadima Nadima

Lucie Tornier

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

David Turgeon

Joanie Lapalme

Bianca Pietracupa

POUR LA TIERCE PARTIE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

GOWLING WLG (CANADA) S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

ROBIC S.E.N.C.R.L.

Montréal (Québec)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

FASKEN MARTINEAU DUMOULIN S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Montréal (Québec)

POUR LA TIERCE PARTIE

 

 

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