Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20240527


Dossier : T-1700-23

Référence : 2024 CF 764

Ottawa (Ontario), le 27 mai 2024

En présence de madame la juge St-Louis

ENTRE :

MÉCANIQUE DE PERFORMANCE PANTHERA MOTORSPORTS INC.

demanderesse

et

Jaguar Land Rover Limited

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] En novembre 2017, Mécanique de performance Panthera Motorsports Inc. [Panthera], la demanderesse, dépose la demande d’enregistrement No. 1,870,658 pour le logo PANTHERA ci-dessous [la Marque Panthera] :

Logo Panthera-No

[2] Le 27 novembre 2019, Jaguar Land Rover Limited [Jaguar], la défenderesse, dépose une déclaration d'opposition contre la demande d’enregistrement de Panthera. Jaguar fonde son opposition sur plusieurs motifs, notamment celui prévu à l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 [Loi]. En lien avec ce motif, Jaguar soutient que la Marque Panthera n’est pas enregistrable parce qu'elle crée de la confusion avec des marques déposées de Jaguar, notamment avec les marques dites « Leaper » dont celles ci-dessous portant les numéros d’enregistrement TMA368,410 and TMA347,855 [Marques Jaguar LEAPER] :

[3] Le 28 mai 2021, avec l'autorisation du registraire, Panthera amende sa demande d’enregistrement pour proposer la nouvelle description des produits suivants :

(1) Moteurs de motocyclette et de véhicule hors route, leurs pièces et accessoires, à l’exclusion des moteurs de véhicule utilitaire sport, de camion léger et d’automobile, ainsi que leurs pièces et accessoires.

(2) Protecteurs faciaux pour casques de protection pour motocyclette et véhicule hors route 160 4, équipement de protection pour motocyclette et véhicule hors route, à savoir casques, équipements de protection pour les épaules et les coudes, à l’exclusion des protecteurs faciaux pour casque de protection et des équipements de protection pour véhicule utilitaire sport, camion léger et automobile.

(3) Moteurs de motocyclette et de véhicule hors route; moteurs pour véhicule terrestre, à l’exclusion des moteurs pour véhicule utilitaire sport, camion léger et automobile, ainsi que leurs pièces et accessoires; motocyclettes; véhicules à moteur hors route, à l’exclusion des véhicules utilitaires sport, des camions légers et des automobiles.

(4) Autocollants.

(5) Vêtements décontractés, casquettes de baseball.

(6) Vêtements de sport, vêtements pour motocyclette, à savoir pantalons, chemises, gilets en coton ouaté, vestons, vestes, jambières, gants et bottes.

Utilisée au Canada depuis au moins décembre 2015 en association avec les marchandises (1), (3) et (4).

Utilisée au Canada depuis au moins décembre 2016 en association avec les marchandises (5).

[Version originale en anglais.]

[Traduction certifiée.]

[4] Devant la Commission, Jaguar dépose l’affidavit de M. Gianfranco G. Mitrione, conseiller juridique d'entreprise chez Jaguar Land Rover North America, LLC, assermenté le 22 octobre 2020, et celui de Mme Mary P. Noonan, chercheuse en marques de commerce employée par les représentants de Jaguar, assermentée le 26 août 2020. Panthera dépose quant à elle l’affidavit de M. Sébastien Montplaisir, président de Panthera, assermenté le 26 avril 2021, et celui de Mme Charlène Luc, parajuriste au sein du cabinet Canyon IP Inc., assermentée le 23 avril 2021. Aucun des affidavits n'a fait l'objet d'un contre-interrogatoire.

[5] Le 29 mai 2023, la Commission des oppositions des marques de commerce [Commission] accueille la déclaration d’opposition de Jaguar sous l’alinéa 12(1)d) de la Loi et rejette la demande d’enregistrement de Panthera en vertu du paragraphe 38(12) de la Loi [Décision]. La Commission rejette certains motifs d’opposition, soit ceux relevant de l’article 30 de la Loi, et souligne que la question déterminante est celle soulevée selon l’alinéa 12(1)d) de la Loi, soit de déterminer si la Marque Panthera créera de la confusion avec une ou plusieurs marques déposées de Jaguar. La Commission souligne notamment que les motifs d’opposition seront évalués selon la Loi telle qu’elle se lisait avant le 17 juin 2019 et que son analyse sera concentrée sur les marques Nos. TMA368,410 et TMA347,855, c’est-à-dire les Marques Jaguar LEAPER reproduites au paragraphe 2 ci-haut.

[6] La Commission conclut que Jaguar a satisfait son fardeau de produire suffisamment de preuves admissibles permettant de raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui du motif d’opposition relatif à l’alinéa 12(1)d) de la Loi. La Commission conclut ensuite que Panthera n'a pas réussi, selon la prépondérance des probabilités, à établir qu’un motif d'opposition ne devrait pas empêcher l'enregistrement de sa Marque Panthera (John Labatt Ltd v Molson Companies Ltd, 1990 CanLII 11059 (FC), 30 CPR (3e) 293 (FCTD); Christian Dior, SA v Dion Neckwear Ltd (CA), 2002 FCA 29) (Décision au para 13).

[7] La Commission retient le motif prévu à l’alinéa 12(1)d) de la Loi et conclut que Jaguar a satisfait son fardeau initial et qu’il revenait donc à Panthera d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de confusion entre sa marque et celle de Jaguar (Décision aux para 76-77).

[8] La Commission revoit le test lié à la probabilité de confusion et examine les circonstances de l’espèce, y compris les facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi.

[9] Concernant le facteur lié au caractère distinctif et à la notoriété de certaines marques, la Commission considère que les Marques Jaguar LEAPER sont devenues largement connues au Canada en association avec les automobiles de Jaguar et que ces circonstances favorisent clairement cette dernière (Décision aux para 41-43).

[10] Concernant le facteur lié à la durée pendant laquelle les marques ont été en usage, la Commission conclut que ce facteur est également favorable à Jaguar (Décision au para 45).

[11] Concernant les facteurs liés au genre de produits, services ou entreprises, ainsi qu’à la nature du commerce, la Commission conclut que les différences entre les produits offerts par les parties et les canaux de distribution de ces produits ne sont pas aussi marquées que ce que Panthera soutient (Décision au para 53).

[12] Concernant le degré de ressemblance entre les marques, la Commission considère qu’il existe un degré significatif de ressemblance entre la Marque Panthera et chacune des Marques Jaguar LEAPER (Décision au para 61).

[13] La Commission examine les circonstances de l’espèce et note, quant à l’état du registre des marques de commerce, que l'affidavit de Mme Luc n’est pas utile pour Panthera et que la preuve quant à l’état du registre est incomplète vu le manque d’informations. La Commission ne donne pas de poids aux marques enregistrées identifiées dans le registre considérant leur faible nombre et l’absence de preuve d’usage des marques de tierces parties dans le marché (Décision au para 65). Concernant la famille de marque, la Commission note que Jaguar a établi l'utilisation d'une famille de marques comportant l’image d’un félin, non seulement en association avec ses véhicules Jaguar, mais aussi avec divers produits dérivés au Canada et conclut donc que ce facteur est favorable à Jaguar (Décision aux para 71-72). La Commission note également que peu de poids doit être accordé aux allégations de Panthera qu’il n’y a pas eu d’instance de confusion (Décision au para 74). Enfin, la Commission conclut que l’argument de Panthera quant au défaut de l’examinateur de citer la marque de Jaguar n’est pas utile (Décision au para 75).

[14] Le 14 août 2023, Panthera interjette appel de cette Décision de la Commission devant la Cour fédérale en vertu de l’article 56 de la Loi.

[15] Devant la Cour, Panthera dépose un nouvel affidavit de M. Montplaisir, président de Panthera, assermenté le 12 septembre 2023. M. Montplaisir témoigne au sujet des recherches qu’il a effectuées pour vérifier l'utilisation commerciale d'images de félins dans l'industrie des produits relevant de la catégorie 12 de la classification de Nice (véhicules). Il dépose neuf pièces en lien avec les images de félins utilisées par ARTIC CAT depuis au moins 2016 et par Dodge (Hellcat) depuis au moins 2015.

[16] Panthera soutient que cet affidavit constitue un nouvel élément de preuve et qu’il aurait eu un impact sur la décision de la Commission et sur l’exercice, par la Commission, de son pouvoir discrétionnaire si elle en avait été en possession. Panthera soutient que ledit affidavit fournit des éclaircissements sur l'utilisation commerciale d'images de félins en association avec des produits relevant de la catégorie 12 de la classification de Nice (véhicules) par des parties autres que Panthera et Jaguar et qu’il est de nature à réduire tout risque de confusion entre la Marque Panthera et celles de Jaguar.

[17] Panthera demande donc à la Cour d’accueillir son appel, d’annuler la Décision de la Commission et d’ordonner au Registraire d’accepter sa demande d’enregistrement No. 1,870,658, le tout avec dépens.

[18] Devant la Cour, Jaguar a comparu, mais n’a subséquemment déposé aucune preuve et aucun dossier en réponse à l’appel logé par Panthera. Jaguar ne s’est pas non plus présentée à l’audience du présent appel.

[19] Pour les motifs détaillés ci-dessous, j’accueillerai l’appel de Panthera.

II. Analyse

[20] La Cour doit déterminer la norme de contrôle qu’il convient d’appliquer et déterminer si la marque est enregistrable eu égard à l’alinéa 12(1)d) de la Loi.

A. Nouvelle preuve

[21] Tel que l’a souligné Mme la juge Janet Fuhrer dans la décision Caterpillar Inc c Puma SE, 2021 CF 974 conf par 2023 CAF 4 [Caterpillar] :

[32] La norme de contrôle en appel s’applique lorsque, comme dans l’affaire dont je suis saisie, il y a un droit d’appel prévu par la loi : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] aux para 36‑37, citant Housen c Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 RCS 235 [Housen]. L’arrêt Vavilov n’écarte pas la jurisprudence antérieure concernant les nouveaux éléments de preuve déposés auprès de la Cour fédérale en appel d’une décision du registraire, mais nécessite plutôt un ajustement : Clorox Company of Canada, Ltd c Chloretec SEC, 2020 CAF 76 [Clorox] aux para 19‑23. Le point de départ est l’examen de la question de savoir si de nouveaux éléments de preuve auraient eu une incidence importante sur la décision de la [Commission des oppositions des marques de commerce] : Clorox, précité, au para 19.

[22] Si de nouveaux éléments de preuve sont présentés devant la Cour et jugés pertinents, il s’agit d’un appel de novo et cela impose l’application de la norme de la décision correcte (Clorox au para 21; Caterpillar au para 3).

[23] Si aucun nouvel élément de preuve n’est présenté à la Cour fédérale ou si les nouveaux éléments de preuve ne sont pas jugés pertinents, pour les questions de fait et les questions mixtes de fait et de droit (à l’exception des questions de droit isolables), la norme applicable sera celle de « l’erreur manifeste et dominante », tandis que dans le cas des questions de droit, la norme applicable sera celle de la décision correcte (Clorox aux para 22-23). Pour être considérés comme pertinents, les nouveaux éléments de preuve doivent être suffisamment importants et avoir une valeur probante (Clorox au para 21; Caterpillar au para 33)

[24] Le critère n’est pas de savoir si les nouveaux éléments de preuve auraient fait changer d’avis le registraire, mais plutôt s’ils ont pu avoir une incidence sur sa décision (Caterpillar au para 33 citant Papiers Scott Limitée c Georgia‑Pacific Consumer Products LP, 2010 CF 478 au para 49).

[25] Au surplus, seules les questions en litige qui sont visées par les nouveaux éléments de preuve peuvent justifier une nouvelle analyse de la Cour. En effet, lorsqu’un nouvel élément de preuve est produit devant la Cour fédérale et qu’il aurait eu une incidence sur les conclusions de fait de la Commission ou sur l’exercice, par la Commission, de son pouvoir discrétionnaire, la Cour doit tirer ses propres conclusions quant aux questions auxquelles cet élément se rapporte (Seara Alimentos Ltda. c Amira Enterprises Inc, 2019 CAF 63 au para 22 citant Brasseries Molson c John Labatt Ltée, 2000 CanLII 17105 (CAF), [2000] 3 CF 145 (CA) aux para 46-51).

B. Position de Panthera devant la Cour

[26] Panthera soutient que le nouvel affidavit de M. Montplaisir constitue un nouvel élément de preuve et qu’il est pertinent. Panthera note que la Commission a souligné que Panthera n'a présenté, devant elle, aucune preuve d'utilisation commerciale d'images de félins (Décision au para 65). Panthera avance que le nouvel affidavit de M. Montplaisir aurait eu un impact sur la Décision et sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Commission si elle en avait été en possession, car il fournit justement des éclaircissements sur l'utilisation commerciale d'images de félins en association avec des produits relevant de la catégorie 12 de la classification de Nice (véhicules) par des parties autres que Panthera et Jaguar.

[27] Panthera soutient particulièrement que le nouvel affidavit de M. Montplaisir aurait eu un impact sur les conclusions de la Commission portant sur l’évaluation du caractère distinctif inhérent des marques de commerce examinées, ainsi que sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, tel que détaillé aux paragraphes 54 à 61 de son Mémoire des faits et du droit [Mémoire].

[28] Panthera ajoute que le nouvel affidavit de M. Montplaisir aurait aussi eu un impact sur les conclusions de la Commission concernant l’évaluation des autres facteurs/circonstances, ainsi que sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire puisque ces différents facteurs/circonstances ne peuvent pas être évalués de manière isolée.

[29] Panthera soutient que, à la suite de l’admission du nouvel affidavit de M. Montplaisir, la Cour devrait procéder à un appel de novo vis-à-vis des conclusions émises par la Commission sur chacun des facteurs pris en compte par cette dernière pour les fins de l’évaluation du risque de confusion.

[30] Enfin, Panthera soutient qu’un examen des facteurs prévus au paragraphe 6(5) de la Loi, à la lumière de la nouvelle preuve, permet de conclure à l’absence d’une probabilité de confusion entre la marque de Panthera et celles de Jaguar.

C. Décision

[31] Je suis d’accord avec Panthera. Je conclus que les nouveaux éléments de preuve sont suffisamment importants et présentent une valeur probante suffisante pour être pertinents et qu’ils auraient eu une incidence sur la Décision de la Commission en lien avec le risque de confusion et le motif d’opposition retenue par la Commission sous l’alinéa 12(1)d) de la Loi, seul motif ultimement retenu par la Commission.

[32] Cependant, et tel que mentionné précédemment, la Cour d’appel fédérale a confirmé que seules les questions en litige qui sont visées par les nouveaux éléments de preuve peuvent justifier une nouvelle analyse de la Cour.

[33] En l’instance, le nouvel affidavit de M. Montplaisir traite d’autres marques de véhicules arborant une image de félins et est en lien avec l’évaluation du caractère distinctif des marques Jaguar et l’état du registre des marques de commerce. Je vais donc examiner de novo les conclusions de la Commission en lien avec ce facteur et examiner ensuite les autres facteurs, si nécessaire, selon la norme de contrôle applicable pour déterminer ultimement si Panthera a établi, selon la prépondérance des probabilités, que l’enregistrement de sa marque n’est pas susceptible de créer de la confusion avec les Marques Jaguar LEAPER.

[34] Soulignons d’abord que la date pertinente pour l’appréciation des circonstances dans le cadre de l’opposition fondée sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi est la date de la Décision de la Commission, soit le 29 mai 2023.

[35] Le critère qu’il convient d’appliquer en matière de confusion a été énoncé par la Cour suprême du Canada au paragraphe 20 de l’arrêt Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, [2006] 1 RCS 824 :

Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue du nom Cliquot sur la devanture des boutiques des intimées ou sur une de leurs factures, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce VEUVE CLICQUOT et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques.

[36] Au moment d’appliquer le critère de confusion, la Cour doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment des critères énumérés expressément au paragraphe 6(5) de la Loi, dont le plus important est celui de la ressemblance entre les marques (Clorox au para 33).

[37] En lien avec l’évaluation du caractère distinctif (alinéa 6(5)a) de la Loi), la preuve démontre que l’utilisation d’images de félins est répandue dans le secteur des produits de la catégorie 12 de la classification de Nice (véhicules) au Canada. Le nouvel affidavit de M. Montplaisir, accompagné de ses pièces, confirme l'utilisation d'images de félins associées aux marques bien établies Dodge et ARCTIC CAT, et leur lien direct avec des produits de la catégorie 12. L’affidavit de Mme Luc, présenté à la Commission, démontre par ailleurs l’existence de nombreux enregistrements de marques comportant des images de félins en association directe avec des produits de la catégorie 12.

[38] Je note que la jurisprudence a établi que la présence d'un élément commun dans plusieurs marques de commerce a une influence significative sur la question de la confusion, comme le souligne la Cour fédérale à la page 456 de la décision Kellogg Salada Canada Inc c Canada (Registraire des marques de commerce) (CA), 1992 CanLII 14792 (CAF), [1992] 3 CF 442, citant Harold G. Fox, The Canadian Law of Trade Marks and Unfair Competition, 3e éd, Toronto, Carswell Co, 1972 à la page 351 :

C'est un principe reconnu que, lorsque ces deux marques comportent un élément commun qui est également compris dans un certain nombre d'autres marques employées dans le même marché, cet emploi commun dans le marché incite les acheteurs à porter une plus grande attention aux traits additionnels ou non communs des marques respectives et à les distinguer les unes des autres au moyen de ces autres traits.

[39] Aussi, lorsque la marque de commerce renvoie à de nombreuses choses, elle n’est pas considérée comme ayant un caractère distinctif inhérent et recevra une protection moindre (TLG Canada Corp c Product Source International LLC, 2014 CF 924 au para 60). Il n’y a cependant pas que le caractère distinctif inhérent. Le caractère distinctif peut aussi être acquis par son emploi constant sur le marché : « [P]our démontrer qu’une marque a acquis un caractère distinctif, il faut établir que les consommateurs ont associé constamment la marque à une source déterminée » (Tommy Hilfiger Licensing Inc c Produits de Qualité IMD Inc, 2005 CF 10 au para 53).

[40] En outre, tel que le souligne Panthera, si plusieurs marques appartenant à divers propriétaires partagent des caractéristiques communes cette circonstance favorise généralement la personne demandant l'enregistrement :

Si les marques qui présentent des caractéristiques communes sont enregistrées au nom de différents propriétaires, on présume alors que ces caractéristiques communes constituent un trait commun de l'entreprise et l'enregistrement devrait être accordé. Le fait que les marques appartiennent à différentes personnes tend à nier l'importance de l'existence du trait commun et favorise ainsi la personne qui demande l'enregistrement (Canadian Olympic Association c Logo-Motifs Ltd., 1999 CanLII 9157 (CF) au para 8 citant Association olympique canadienne c Techniquip Ltd., 1999 CanLII 8993 (CAF) au para 15).

[41] Au surplus, le nouvel affidavit de M. Montplaisir fournit une preuve d’emploi réel de ces marques. Ces constatations suffisent pour faire pencher ce facteur en faveur de Panthera.

[42] En lien avec la nature des biens (alinéa 6(5)c) de la Loi), je souscris aux propos de Panthera, aux paragraphes 76 à 88 de son Mémoire. Je note que Panthera et Jaguar n'opèrent pas dans le même secteur d'activité et que les marchés où les marques seront présentes sont distincts. Par conséquent, l'utilisation simultanée des marques de commerce en question dans la même région ne pourrait raisonnablement amener le consommateur pertinent à conclure que les biens associés à ces marques de commerce sont fournis ou gérés par la même entité. Je conclus que la Commission a commis une erreur manifeste et dominante en concluant que les différences entre les deux parties quant à leurs biens et la nature de leur commerce n’étaient pas aussi prononcées que Panthera ne le prétendait.

[43] En lien avec le degré de ressemblance (alinéa 6(5)e) de la Loi), je souscris également aux propos de Panthera, aux paragraphes 89 à 99 de son Mémoire. Je conclus que la Commission a erré en n’accordant pas suffisamment d'importance aux autres circonstances de l'affaire qui conduisent les acheteurs potentiels des produits Panthera et ceux de Jaguar, respectivement, à accorder une attention particulière aux différences entre les marques examinées.

III. Conclusion

[44] À la lumière de la nouvelle preuve, je conclus que Panthera a satisfait à son fardeau et qu’elle a démontré que l’enregistrement de sa Marque n’est pas, selon la prépondérance des probabilités, susceptible de créer de la confusion avec les marques de Jaguar. Je rejette donc le motif d’opposition retenu par la Commission.


JUGEMENT dans le dossier T-1700-23

 

LA COUR STATUE que :

  1. L’appel de la demanderesse est accueillie.

  2. La Décision de la Commission est annulée.

  3. L’opposition de la défenderesse est rejetée.

  4. Le registraire fasse droit à la demande d’enregistrement de la marque de la demanderesse No. 1,870,658.

  5. Les dépens sont accordés à la demanderesse selon la Règle 407 des Règles des Cours Fédérales DORS/98-106.

« Martine St-Louis »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1700-23

INTITULÉ :

MÉCANIQUE DE PERFORMANCE PANTHERA MOTORSPORTS INC. c Jaguar Land Rover Limited

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 MARS 2024

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ST-LOUIS

DATE DES MOTIFS :

LE 27 MAI 2024

COMPARUTIONS :

Me Philippe Brouillette

Me Charlène Rambeaud

POUR LA DEMANDERESSE

Aucune comparution

Pour LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Brouillette Légal Inc.

Montréal (Québec)

Pour lA demanderESSE

Gowling WLG (Canada) LLP

Toronto (Ontario)

Pour LA DÉFENDERESSE

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.