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Date : 20051125

Dossier : IMM-3245-05

Référence : 2005 CF 1598

Ottawa (Ontario), le 25 novembre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLAIS

ENTRE :

LUZ ALDA GONZALEZ CHAVEZ

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision rendue le 5 mai 2005 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), qui n'a pas reconnu à Luz Alda Gonzalez Chavez (la demanderesse) la qualité de réfugiée au sens de la Convention ni de personne à protéger aux termes des articles 96 et 97 respectivement de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27 (la Loi).

FAITS PERTINENTS

[2]                 La demanderesse est une citoyenne du Pérou âgée de 57 ans. Elle exploitait conjointement avec son conjoint un commerce de produits alimentaires à Lima. Le 16 février 2002, le couple a été interpellé pour une première fois par des membres allégués du Sentier Lumineux (SL), lesquels exigeaient d'eux une somme d'argent pour financer la cueillette du yucca dans la localité de Pucallpa. Le harcèlement a perduré pendant les dix mois suivants.

[3]                 La demanderesse et son conjoint allèguent avoir déménagé de même que changé de numéro de téléphone pour mettre fin au harcèlement du SL. Au cours de la première semaine de décembre 2002, l'époux de la demanderesse a été menacé par un membre du SL qui, armé d'une machette, l'enjoignait de payer ses dus mensuellement.

[4]                 Le 24 février 2003, l'époux de la demanderesse a été battu, volé et menacé de mort. La demanderesse a alors porté plainte auprès de la préfecture de police à Lima. Elle s'est séparée de son conjoint jugeant le risque de rester ensemble trop lourd. La demanderesse a quitté le Pérou le 15 octobre 2003.

[5]                 Lors de la seconde audience, la demanderesse a signalé à la Commission que sa famille venait d'être victime d'un attentat terroriste et que sa mère avait succombé à ses blessures.

QUESTION EN LITIGE

1.          Est-ce que la décision de la Commission porte atteinte au principe de justice naturelle en raison de l'utilisation de la preuve extrinsèque?

ANALYSE

  1. Est-ce que la décision de la Commission porte atteinte aux principes de justice naturelle en raison de l'utilisation de la preuve extrinsèque?

[6]                 La demanderesse dispute la déclaration de la Commission selon laquelle l'État péruvien fait tout son possible pour contrer le terrorisme, c'est-à-dire que « le gouvernement du Pérou a prolongé les mesures de l'état d'urgence de même que réactivé ses bases antiterroristes et a procédé à l'arrestation de membres du SL et mis à prix les membres du SL qui auraient participé aux confrontations armées » .

[7]                 La Commission justifie ses commentaires en pointant vers la preuve documentaire. Cependant, à la suite d'une révision de la preuve documentaire soumise par les deux parties, je ne peux trouver où la Commission a extrait cette information, sauf par rapport aux mesures de l'état d'urgence. La preuve documentaire soumise ne mentionne pas la réactivation des bases antiterroristes ni la mise à prix des membres du SL.

[8]                 Dans l'arrêt Shah c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 170 N.R. 238, le juge Hugessen a déclaré au paragraphe 2 que, si un agent d'immigration se fonde sur « des éléments de preuve extrinsèques qui ne lui sont pas fournis par le requérant » , il doit donner au requérant la possibilité de réagir à ces éléments de preuve.

[9]                 Dans l'arrêt Dasent c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] 1 C.F. 720, [1994] A.C.F. no 1902, le juge Rothstein a élaboré une définition des « éléments de preuve extrinsèques qui ne lui sont pas fournis par le requérant » . Il a dit au paragraphe 22 :

Dans le cas qui nous occupe, compte tenu de l'utilisation par le juge Hugessen des mots "qui ne lui sont pas fournis par le requérant" à l'égard de l'expression "éléments de preuve extrinsèques", et de son renvoi à l'affaire Muliadi, j'interprète l'expression "éléments de preuve extrinsèques qui ne lui sont pas fournis par la partie requérante" comme des éléments de preuve dont la partie requérante n'est pas au courant parce qu'ils proviennent d'une source extérieure. Il s'agit d'éléments de preuve dont la partie requérante ignore l'existence et que l'agent d'immigration a l'intention d'invoquer pour en arriver à une décision touchant cette partie [...] [Je souligne.]

[10]            Il a ajouté, au paragraphe 23, que la question est « de savoir si la requérante a eu connaissance des renseignements de façon à pouvoir corriger les malentendus ou les déclarations inexactes susceptibles de nuire à sa cause » .

[11]            Je suis d'avis que la décision de la Commission a été influencée par les données extrinsèques touchant les mesures entreprises par les autorités péruviennes pour promouvoir la sécurité. La non divulgation de l'information extrinsèque donne l'impression qu'il y a eu injustice et il serait impossible de conclure que le manquement aux principes de justice naturelle a été négligeable et n'a pu d'une manière appréciable influer sur la décision finale.

[12]            En conséquence, je suis d'avis que la Cour doit intervenir et annuler la décision de la Commission.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

·         La demande de contrôle judiciaire soit accueillie et retournée à la Section de la protection des réfugiés pour réexamen à la lumière de la présente ordonnance;

·         Aucune question pour certification.

« Pierre Blais »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        IMM-3245-05

INTITULÉ :                                        Luz Alda Gonzalez Chavez c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :               le 16 novembre 2005

MOTIFS :                                           LE JUGE BLAIS

DATE DES MOTIFS :                      le 25 novembre 2005

COMPARUTIONS:

Me Michel Le Brun

POUR LA DEMANDERESSE

Me Édith Savard

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Me Michel Le Brun

Montréal (Québec)

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

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