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Date : 20240419

Dossier : T‑268‑17

Référence : 2024 CF 601

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Estérel (Québec), le 19 avril 2024

En présence de madame la juge Aylen

ENTRE :

KRISTIN ERNEST HUTTON

demandeur

et

RIA SAYAT, LYNN DUHAMIE (aussi connue sous le nom de STEPHANIE DUHAMIE, ancienne chargée d’affaires du Canada pour la République d’Irak), LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et SA MAJESTÉ LA REINE, AINSI QUE Mme UNTEL, M. UNTEL ET LES AUTRES PERSONNES INCONNUES DU DEMANDEUR

défendeurs

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1] Le procureur général du Canada [le PGC] a présenté une demande au titre de l’article 40 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7 [la Loi] en vue d’obtenir une ordonnance déclarant Kristin Ernest Hutton plaideur quérulent. Le PGC demande qu’il soit interdit à M. Hutton d’engager une instance devant notre Cour sans en avoir obtenu l’autorisation et que ses procédures judiciaires en cours soient annulées ou, subsidiairement, abandonnées, et que d’autres mesures soient prises en vue d’encadrer la conduite du demandeur devant la Cour. La défenderesse Ria Sayat appuie la requête.

[2] M. Hutton, qui est avocat, a déposé devant les cours fédérales de nombreuses demandes et requêtes, qui découlent toutes de sa conviction selon laquelle certaines personnes dans sa vie – deux anciennes petites amies (les défenderesses, Mmes Sayat et Duhamie), son père, ses amis, ses collègues et d’anciens employeurs – sont des agents de « l’appareil de sécurité » canadien. Ces personnes, allègue-t-il, créent et perpétuent des récits leur servant de couverture en lien avec leurs activités de renseignement, le manipulent, se procurent de l’information à son sujet pour « l’appareil de sécurité » et tentent de le recruter au sein du service de renseignement.

[3] Après l’introduction de la présente action, la capacité de M. Hutton d’exercer le droit a été évaluée par la Section de première instance du Tribunal du Barreau [le Tribunal] et M. Hutton a été tenu de subir une évaluation psychiatrique. Le psychiatre légiste a diagnostiqué chez M. Hutton un [TRADUCTION] « trouble délirant, de type persécution » et il a conclu que les instances que M. Hutton avait engagées devant notre Cour étaient directement attribuables à ses idées délirantes. M. Hutton n’a soumis à la Cour aucun élément de preuve médicale pour réfuter le diagnostic du psychiatre légiste. Le Tribunal a indiqué que M. Hutton était frappé d’incapacité en 2015 et qu’il le demeurait depuis 2017. En décembre 2023, le permis d’exercer le droit que détenait M. Hutton a été suspendu immédiatement, pour une durée indéterminée, jusqu’à ce que certaines conditions soient remplies.

[4] M. Hutton s’oppose à la mesure de redressement que demande le PGC. Subsidiairement, il a indiqué qu’il ne s’opposerait pas à une ordonnance le déclarant plaideur quérulent qui l’obligerait à obtenir au préalable l’autorisation de déposer devant notre Cour toute nouvelle déclaration liée à des questions déjà soumises à cette dernière, à condition que : a) toutes les instances en cours (les dossiers T‑268‑17, T‑1143‑19 et T‑868‑21) puissent se poursuivre sans qu’il ait à obtenir l’autorisation de la Cour, et b) qu’il n’ait pas à obtenir l’autorisation de présenter de futures demandes sous le régime de la Loi sur l’accès à l’information relativement à des plaintes qu’il a formulées contre « l’appareil de sécurité », pour défaut de lui avoir communiqué des renseignements et des documents.

[5] Pour les motifs qui suivent, M. Hutton sera déclaré plaideur quérulent. La présente action ainsi que les instances portant les numéros de dossier de la Cour T‑1143‑19 et T‑868‑21 seront annulées et les autres instances de M. Hutton seront abandonnées. M. Hutton devra s’acquitter de la totalité des dépens impayés que notre Cour a adjugés et il devra obtenir l’autorisation de celle‑ci avant d’engager une nouvelle instance ou de faire rétablir une instance abandonnée.

I. Contexte

[6] Depuis 2017, M. Hutton a engagé quatre actions (T‑268‑17, T‑1721‑17, T‑2071‑19 et T‑2068‑19), deux demandes (T‑1143‑19 et T‑868‑21), de nombreuses requêtes, de même que cinq appels connexes. C’est la conduite de M. Hutton dans ces affaires, ainsi que dans les affaires connexes, qui a amené le PGC à demander à notre Cour de déclarer M. Hutton plaideur quérulent au titre de l’article 40 de la Loi.

[7] Je suis la juge responsable de la gestion de l’instance dans le cadre de la présente action depuis février 2018 ainsi que dans le cadre du dossier T‑868‑21.

A. Dossier T‑268‑17, et requêtes et appels connexes

[8] Le 24 février 2017, M. Hutton a engagé l’action dans laquelle étaient nommés plusieurs défendeurs fédéraux, dont le ministère de la Défense nationale [le MDN], le Service canadien du renseignement de sécurité [le SCRS], le Centre de la sécurité des télécommunications [le CST] et le PGC. Il a également nommé deux particuliers, Mme Duhamie et Mme Sayat. Il a allégué que ces deux femmes (d’anciennes petites amies) étaient – ou avaient déjà été – des agentes du renseignement travaillant anonymement pour le compte de Sa Majesté le Roi et qui, de concert avec les défendeurs fédéraux, l’avaient surveillé illégalement et lui avaient causé préjudice. Dans sa déclaration, M. Hutton sollicite des dommages‑intérêts d’un montant de 24,5 millions de dollars ainsi que diverses ordonnances liées à la destruction ou à la récupération d’information ou de données numériques.

[9] Mme Sayat, qui a fréquenté M. Hutton entre 2011 et 2014, travaille comme infirmière autorisée et nie avoir été, ou s’être déclarée, fonctionnaire ou mandataire de la Couronne fédérale. Mme Duhamie a fréquenté M. Hutton de la fin de l’année 2014 au début de l’année 2015. Elle était une employée d’Affaires mondiales Canada, mais elle nie avoir déjà travaillé pour le MDN, le SCRS ou le CST.

[10] L’action a été engagée en 2017, mais elle n’a pas encore dépassé le stade de la communication de documents en raison du nombre de requêtes qui ont été déposées et des efforts considérables que la Cour et le greffe ont dû déployer, dont la délivrance de plus de 60 directives, la tenue d’au moins 10 conférences de gestion d’instance et la création de 483 inscriptions enregistrées à ce jour. Voici un résumé général des requêtes pertinentes qui ont été déposées dans le cadre de l’action et des appels connexes.

1) Requête en radiation de la déclaration

[11] Le 3 novembre 2017, Mme Sayat et le PGC ont tous deux déposé une requête en radiation de la déclaration (de même que d’une version modifiée de celle-ci) au motif qu’elle était scandaleuse, frivole et vexatoire et qu’elle constituait un abus de procédure.

[12] Le 29 juin 2018, j’ai accueilli, en partie, la requête des défendeurs en vue de faire radier des allégations de M. Hutton, au motif que celui-ci n’avait pas fait valoir suffisamment de faits substantiels pour établir un grand nombre d’allégations, dont les suivantes : a) l’allégation d’interception, de modification, d’enregistrement et de destruction illégaux de transmissions personnelles et de biens numériques et immobiliers, en violation des droits de M. Hutton garantis par l’article 8 de la Charte, à l’encontre de tous les défendeurs; b) l’allégation de fausses déclarations faites de manière intentionnelle et par négligence ainsi que les violations connexes des droits de M. Hutton garantis par les articles 2 et 7 de la Charte, relativement aux déclarations de Mme Sayat selon lesquelles elle ne s’était jamais mariée et ne l’était pas actuellement, qu’elle était hétérosexuelle et qu’elle n’avait pas d’enfants; c) l’allégation selon laquelle l’un quelconque des défendeurs avait fait preuve de négligence dans le processus de surveillance et d’enquête de sécurité à l’égard de M. Hutton; d) l’allégation de violation du droit de M. Hutton à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne, et de violation du droit à la liberté de penser, de croyance, d’opinions et d’expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication, garantis par les articles 2 et 7 de la Charte, à l’encontre de tous les défendeurs; e) toutes les allégations relatives à la conduite de Gary Gibbs, Peter Mitchell, Chris Ritchie et Shannon Fitzpatrick; f) toutes les allégations relatives à la conduite de M. Untel et de Mme Untelle; g) l’allégation de diffamation contre Mme Sayat, relativement à un message anonyme envoyé au père de M. Hutton; et h) l’allégation de diffamation contre Mme Duhamie. Il a été ordonné à M. Hutton de déposer une nouvelle déclaration modifiée de laquelle seraient retirées les allégations radiées.

[13] M. Hutton a interjeté appel de mon ordonnance de radiation visant certaines parties de sa déclaration (de même que l’ordonnance de dépens connexe), lequel a été rejeté [voir Hutton c Sayat, 2019 CF 799].

2) Déclaration modifiée non conforme

[14] Le 16 juillet 2018, M. Hutton a déposé une nouvelle déclaration modifiée qui n’était pas conforme à mon ordonnance du 29 juin 2018, car elle faisait encore état de nombreuses allégations qui avaient été radiées et faisait indûment référence à de prétendus documents dont la radiation avait été ordonnée. Comme M. Hutton ne s’est pas conformé à mon ordonnance, les parties ont dû présenter des observations sur la question de savoir si une autre requête en radiation était requise. J’ai finalement ordonné que mon ordonnance soit maintenue et que les diverses allégations de M. Hutton demeurent radiées, comme il y est indiqué, indépendamment de l’état de ses actes de procédure.

3) Requête ex parte de M. Hutton visant à obtenir une ordonnance de justification

[15] Le 24 janvier 2020, M. Hutton a tenté de déposer une requête ex parte, à présenter à l’audience générale à Toronto, en vue d’obtenir une ordonnance de justification fondée sur son affirmation selon laquelle Mme Duhamie était coupable d’outrage au tribunal pour avoir omis de signifier un affidavit de documents en son nom. À la suite de l’intervention de la Cour, M. Hutton s’est désisté de sa requête.

4) Requête de M. Hutton visant à obtenir un affidavit de documents plus complet et appels connexes

[16] M. Hutton a déposé une requête en vue d’obtenir, au titre de l’article 225 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, une ordonnance enjoignant à chaque défendeur de produire, entre autres, un affidavit de documents plus complet. M. Hutton souhaitait obtenir de nombreux documents peu pertinents et, dans le cas de Mme Sayat et de Mme Duhamie, les documents peu pertinents étaient de nature très personnelle.

[17] Dans le cas de Mme Sayat, M. Hutton souhaitait obtenir ses certificats de naissance, ses albums de finissants du primaire et du secondaire, ses albums de finissants de l’université, des photographies prises à l’université, des photos de famille anciennes et nouvelles prises en compagnie de ses frères et de ses parents, des photos de famille récentes prises dans un nouveau logement en copropriété, des photographies de sa page Facebook, la correspondance relative au refus de son admission à une école de médecine, ses dossiers psychiatriques, des photographies numériques prises en compagnie de son cousin, des photographies d’elle prises en compagnie de diverses personnes à l’égard desquelles toutes les allégations avaient été radiées, ses dossiers de vaccination et ses cartes d’identité du secondaire et de l’université. En ce qui concerne Mme Duhamie, M. Hutton souhaitait obtenir son certificat de naissance, tous ses albums de finissants (niveaux primaire, secondaire et universitaire), des photographies d’elle prises en compagnie de personnes au sujet desquelles toutes les allégations avaient été radiées, des documents faisant état de ses cotisations à son régime de pension de retraite de la fonction publique, ses documents fiscaux et ses dossiers d’emploi.

[18] J’ai rejeté la requête de M. Hutton dans son intégralité et j’ai ordonné une majoration des dépens parce que le comportement de M. Hutton avait fait augmenter la durée de la requête et les dépenses connexes, qu’il avait été abusif et qu’il justifiait la prise de mesures dissuasives. Plus précisément, j’ai signalé la conduite suivante :

  1. À la suite du dépôt de tous les dossiers de requête dans le cadre de la requête, et sans prévenir les défendeurs ou la Cour, M. Hutton a cherché à : a) modifier son avis de requête en vue d’obtenir une mesure de redressement supplémentaire, dont une décision préliminaire sur un point de droit; b) modifier son avis de requête en vue d’y inclure de nouveaux motifs; c) déposer un dossier de requête supplémentaire en vue de traiter de questions de communication en cours ainsi que du point de droit; et d) déposer une requête distincte, à présenter avant l’audition de la requête, en vue d’obtenir l’autorisation de délivrer des subpœna aux particuliers défendeurs pour qu’ils témoignent dans le cadre de la requête. Les défendeurs ont présenté des observations détaillées en réponse à ces diverses demandes. Dans le cas de Mme Sayat, les honoraires d’avocats associés au seul fait de répondre à ces demandes (toutes rejetées) s’est élevé à 4 500 $.

  2. M. Hutton a tenté de façon inappropriée et répétée d’ajouter des éléments à sa liste de documents dont il demandait la communication.

  3. M. Hutton a inclus indûment dans ses observations sur les dépens des observations en réponse qui portaient sur le fond de la requête.

  4. M. Hutton a cherché indûment à obtenir des documents au sujet de tiers, alors que les allégations relatives à ceux-ci avaient été radiées.

  5. M. Hutton savait, ou aurait dû savoir, que la requête était dénuée de tout fondement. À la conférence de gestion de l’instance du 24 octobre 2019, j’ai expressément fait savoir à l’avocat de M. Hutton que j’avais des réserves quant à l’ampleur des documents demandés et que, dans le cadre de la requête, j’exigerais que M. Hutton me fournisse des observations détaillées sur la pertinence de chacun des documents en question. L’avocat de M. Hutton m’a assurée que la liste des documents demandés serait réduite. Toutefois, la liste s’est, au contraire, allongée.

[19] M. Hutton a interjeté appel du rejet de sa requête. Le 22 décembre 2020, dans la décision Hutton c Sayat, 2020 CF 1183, le juge Mosley a rejeté cet appel. Dans sa décision, le juge Mosley a qualifié l’action sous‑jacente de M. Hutton de « ramassis extraordinaire de revendications », il a indiqué que les allégations portées contre les particuliers défendeurs constituaient « une forme de harcèlement » et il a ajouté que les allégations visant tous les défendeurs n’avaient « aucun fondement apparent dans la réalité et repos[aient] sur des idées délirantes » :

[1] À première vue, il s’agit d’un appel d’une ordonnance par laquelle un protonotaire a rejeté la requête du demandeur afin d’obtenir des affidavits de documents supplémentaires et améliorés dans le cadre d’une action qu’il a déposée devant la Cour fédérale. Sous la surface, l’action sous‑jacente est un ramassis extraordinaire de revendications dans lesquelles le demandeur prétend être la cible d’une surveillance par les organismes de la sécurité du Canada, ses collègues de travail et ses amis, y compris deux anciennes partenaires de cœur. Les efforts qu’il a déployés pour faire valoir ces revendications contre les défendeurs désignés constituent, selon le juge, une forme de harcèlement.

[2] Les revendications contre tous les défendeurs n’ont aucun fondement apparent dans la réalité et reposent sur des idées délirantes. Mais les tribunaux, qui sont des organes communautaires qui existent pour servir tous les membres du public aux frais de l’État, doivent, par défaut, permettre un accès, sous réserve des requêtes en radiation présentées par les parties adverses qui exigent qu’elles engagent des frais juridiques, ou une déclaration du tribunal selon laquelle le demandeur ou le requérant est un plaideur vexatoire. Les requêtes en radiation n’empêchent pas un plaideur de déposer d’autres actions ou des demandes de contrôle judiciaire qui exigent l’utilisation de ressources supplémentaires.

[…]

[7] Dans l’action sous‑jacente, le demandeur a allégué que Mme Ria Sayat et Mme Lynn Duhaime [sic], deux anciennes partenaires romantiques du demandeur, ainsi que de nombreux autres amis et collègues, sont des fonctionnaires ou des mandataires de la Couronne fédérale qui ont entretenu des relations avec lui dans le but de créer et d’établir un récit qui leur sert de couverture en lien avec le travail de renseignement, dans le but de surveiller et de manipuler ses activités et d’en rendre compte, ou de le recruter. Dans une autre action intentée devant la Cour, dans le dossier de la Cour T‑2086‑19, le demandeur a allégué que son propre père et plusieurs autres anciens partenaires amoureux font partie du complot contre lui.

[Non souligné dans l’original.]

[20] Dans une remarque incidente, le juge Mosley a formulé les commentaires suivants au sujet de la conduite de M. Hutton dans le cadre du litige, de même que de l’applicabilité de l’article 40 à cette conduite :

[52] Il s’agit de l’une des six actions et demandes de contrôle judiciaire que le demandeur a déposées auprès de la Cour fédérale depuis 2017. Toutes ont exigé l’utilisation de fonds publics et de ressources judiciaires ainsi que de ressources des défenderesses et des intimés. La Cour ne mentionne pas à la légère ce qui semble être un comportement délirant, mais elle doit s’inquiéter lorsqu’il n’y a pas de fondement réaliste aux procédures intentées par le demandeur. Ce juge possède quinze ans d’expérience dans le traitement de questions liées à la sécurité nationale ainsi qu’une expérience juridique antérieure connexe. Rien dans cette expérience n’indique que les prétentions du demandeur sont fondées.

[53] Jusqu’à maintenant, le résumé des inscriptions enregistrées dans le Système de gestion des instances de la Cour fédérale pour ce dossier comprend 313 inscriptions indiquant les étapes de l’instance depuis le dépôt initial en 2017. Le temps consacré par les agents judiciaires et le personnel judiciaire est difficile à estimer, mais cet élément est important et représente un coût assumé par les contribuables.

[54] Un des outils dont dispose la Cour pour prévenir l’abus de ses procédures est une déclaration du plaideur vexatoire en vertu de l’article 40 de la Loi sur les Cours fédérales LRC 1985, c F‑7. […]

[…]

[61] La Cour n’est au courant d’aucun examen par le procureur général du Canada d’une requête fondée sur l’article 40 dans la présente instance. Mais l’exigence selon laquelle le procureur général doit consentir à une requête fondée sur l’article 40 limite inutilement la capacité des cours fédérales de contrôler leurs propres processus.

[21] Le 18 janvier 2021, M. Hutton a tenté de porter en appel la décision du juge Mosley devant la Cour d’appel fédérale, mais il était hors délai. Dans le cadre de son appel, M. Hutton a déposé des requêtes supplémentaires, dont une visant à produire de nouveaux éléments de preuve. Le 27 avril 2021, la Cour d’appel fédérale a adjugé les dépens avocat‑client [TRADUCTION] « vu l’absence de fondement du présent appel » (voir le dossier de la Cour nA‑18‑21). M. Hutton a ensuite entraîné Mme Sayat dans un processus de taxation des dépens liée à l’ordonnance de la Cour d’appel fédérale, au cours duquel l’officier taxateur a finalement taxé le mémoire de frais de Mme Sayat [voir Hutton c Sayat, 2022 CAF 30 au para 43].

5) Requêtes en jugement sommaire et requêtes connexes

[22] En 2021, le PGC et Mme Sayat ont tous deux déposé une requête en jugement sommaire. Dans le cadre de ces requêtes, le PGC a présenté une requête en vue de protéger l’identité de sa déposante « Catherine », une employée du SCRS, dont l’affidavit avait été produit à l’appui de sa requête en jugement sommaire [l’affidavit de Catherine].

[23] En réponse, M. Hutton a déposé une requête datée du 26 mai 2021, au sujet de l’affidavit de Catherine et d’autres questions, dans le cadre de laquelle il a signifié et déposé un dossier de requête de 516 pages où il demandait, notamment, que Catherine comparaisse de nouveau à un contre-interrogatoire, que des passages de l’affidavit de cette dernière soient radiés, que la défense du PGC soit radiée et que soit nommé, s’il y a lieu, un ami de la cour ayant une [TRADUCTION] « cote de sécurité de niveau très secret ou très secret approfondie ». La requête contestait également la constitutionnalité de l’article 18.2 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, LRC 1985, c C‑23 [la Loi sur le SCRS] au motif qu’il autorise les employés du SCRS à mentir et à présenter à la Cour de faux éléments de preuve.

[24] Le 27 mai 2021, M. Hutton a déposé une autre requête comportant les demandes suivantes : i) une ordonnance enjoignant à Catherine de répondre à des questions qui, selon M. Hutton, avaient été rejetées à tort lors de son contre‑interrogatoire; ii) la nomination d’un ami de la cour ayant une habilitation de sécurité pour aider notre Cour relativement à la contestation constitutionnelle, par M. Hutton, de l’article 18.2 de la Loi sur le SCRS; et iii) la rectification de tout prétendu déni de justice découlant, ou susceptible de découler, de directives que j’avais données relativement aux requêtes en cours.

B. Dossier T‑1721‑17

[25] Le 9 novembre 2017, M. Hutton a engagé une action contre Daniel Gosselin, l’ancien administrateur en chef du Service administratif des tribunaux judiciaires [le SATJ]. Il souhaitait obtenir une déclaration selon laquelle le SATJ avait [TRADUCTION] « [agi] sans pouvoir législatif et usurpé son pouvoir », relativement à la requête en radiation de sa déclaration dans le dossier T‑268‑17. Il critiquait le fait que, dans leurs avis de requête, les défendeurs cherchaient à faire radier son acte de procédure conformément aux alinéas 221(1)c) et f) des Règles des Cours fédérales, plutôt que sur le seul fondement de l’alinéa 221(1)a), comme il en avait été question lors d’une conférence de gestion de l’instance.

[26] Le 31 janvier 2018, le juge adjoint Kevin R. Aalto a radié l’action sans autorisation de modification, indiquant ce qui suit :

Il est on ne peut plus évident, d’après un examen des plus superficiels, que la demande ne révèle aucune cause d’action défendable. En tout état de cause, tout reproche qu’avait le demandeur au sujet de la conduite de l’action T‑268‑17 pouvait et devait être réglé dans le cadre de cette action, et il l’a été. La présente action n’est rien de moins qu’un abus de procédure et elle est frivole et vexatoire. Elle est si manifestement futile qu’elle n’a aucune chance de succès [voir, par exemple, Ruman c Canada 2005 CF 389, au para 18]. Il est surprenant qu’un avocat autorisé à exercer le droit en Ontario présente une telle demande.

[Non souligné dans l’original.]

C. Dossiers T‑2071‑19 et T‑2086‑19

[27] En 2019, M. Hutton a engagé deux actions portant sur les mêmes questions et allégations sous‑jacentes que celles formulées dans le dossier T‑268‑17 (T‑2071‑19 et T‑2086‑19), y compris celles qui avaient déjà été radiées.

[28] Dans le dossier T‑2071‑19, M. Hutton a allégué une fois de plus que les défendeurs dans l’action en question, Robert Hutton (son père), Gary W. Gibbs, Michelle Gibbs, Peter Mitchell, Charlotte Freeman‑Shaw, Rega Chang, Elke Jessen, Mme Sayat, Mme Duhamie, Chris Ritchie, Shannon Fitzpatrick, Rhys Jenkins et Bob Scott Ryan, étaient alors, ou avaient été, des agents du renseignement travaillant anonymement pour le compte de Sa Majesté le Roi. M. Hutton a soutenu également que le refus du gouvernement de confirmer ses allégations violait ses droits garantis par les articles 7, 9, 12 et 15 de la Charte.

[29] Dans le dossier T‑2068‑19, M. Hutton sollicitait des déclarations portant que les agissements d’employés de l’État avaient violé ses droits garantis par les articles 7, 8, 9, 12 et 15 de la Charte, que le PGC avait manqué aux obligations fiduciaires et constitutionnelles qu’il avait envers lui et que le fait d’exercer à titre d’avocat en Ontario et d’occuper en même temps un poste « de fonctionnaire ou de mandataire anonyme de l’appareil de sécurité » contrevenait à l’article 71 de la Loi sur les tribunaux judiciaires de l’Ontario, LRO 1990, c C.43.

[30] Le 22 janvier 2021, le juge Fothergill a radié dans leur intégralité les déclarations liées aux dossiers T‑2071‑19 et T‑2086‑19, sans autorisation de modification. Il a jugé que les nouvelles actions étaient des « tentatives évidentes et flagrantes » pour contourner mes ordonnances de gestion de l’instance dans le dossier T‑268‑17, après leur confirmation en appel [voir Hutton c Sayat, 2019 CF 799]. Il a conclu de ce fait que les déclarations constituaient un recours abusif à la Cour [voir Hutton c Canada (Procureur général), 2021 CF 75 au para 11].

D. Dossier T‑1143‑19

[31] Le 15 juillet 2019, M. Hutton a déposé un avis de demande de contrôle judiciaire concernant la décision par laquelle l’ancien Bureau du commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications [le BCCST] avait rejeté une plainte de sa part dans laquelle il alléguait que le CST avait intercepté ou par ailleurs manipulé ses communications électroniques. Il a notamment soutenu que le CST avait [TRADUCTION] « modifié et détruit des films et des photographies numériques [de Mme Duhamie] sur l’iPhone [de M. Hutton] » et qu’il avait [TRADUCTION] « modifié les résultats d’applications de rencontre [de M. Hutton], telles que Lavalife et Plenty of Fish », pour forcer des jumelages entre des [TRADUCTION] « agents de l’appareil de sécurité canadien » et lui.

[32] Le 16 novembre 2020, M. Hutton a cherché à faire modifier la demande en vue d’y inclure une allégation de parti pris personnel et institutionnel à l’encontre du décideur. Le PGC n’a pas reconnu qu’il y avait un fondement quelconque à ces allégations, mais il ne s’est pas opposé à ce que M. Hutton modifie la demande pour faire avancer l’instance. M. Hutton souhaitait également obtenir un dossier certifié du tribunal [DCT] supplémentaire plus étoffé.

[33] Le 30 septembre 2020, le juge Fothergill a fait droit à la requête de M. Hutton visant à faire modifier la demande et à obtenir un DCT supplémentaire et plus étoffé, mais en partie seulement. Même s’il a conclu qu’il pouvait être justifié de communiquer des éléments de preuve additionnels en cas d’allégations de parti pris ou de manquement à l’équité procédurale, il a aussi signalé que « cela n’autorisait pas une personne à se lancer dans une recherche à l’aveuglette dans l’espoir de mettre au jour des documents qui établiraient son allégation ». Le juge Fothergill a donc rejeté la requête de M. Hutton concernant un élargissement considérable du DCT, en indiquant ce qui suit :

Ce qu’exige Me Hutton, soit la production de copies des « centaines de plaintes » que le BCCST a examinées et rejetées au cours des années précédant le dépôt de sa propre plainte, est le genre de requête imprécise et de portée excessive qui est tout à fait incompatible avec la nature sommaire d’un contrôle judiciaire.

E. Dossier T‑771‑20

[34] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire engagée par M. Hutton à l’égard d’une décision par laquelle le Commissariat à la protection de la vie privée [le CPVP] avait rejeté sa plainte fondée sur les articles 7, 8, 25 et 35 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, LRC 1985, c P‑21. M. Hutton sollicitait une ordonnance de mandamus qui renverrait l’affaire au CPVP et qui obligerait ce dernier à mener une enquête plus exhaustive sur le rejet de sa demande de communication des dossiers d’emploi de personnes qui, alléguait‑il, étaient d’anciens membres ou des membres actuels de [TRADUCTION] « l’appareil de sécurité fédéral ». M. Hutton s’est désisté de la demande le 18 octobre 2020.

F. Dossier T‑868‑21

[35] Il s’agit d’une demande engagée par M. Hutton dans laquelle celui-ci contestait la validité constitutionnelle et l’applicabilité de l’article 18.2 de la Loi sur le SCRS, ainsi que de toute politique exécutoire concernant l’application de cette disposition en lien avec l’objet des diverses autres actions et demandes de M. Hutton.

G. Suspension d’instances et appel connexe

[36] Le 10 juin 2021, j’ai ordonné que les parties à toutes les instances en cours mettant en cause M. Hutton se prononcent sur la question de savoir s’il y avait lieu de les suspendre en application de l’alinéa 50(1)b) de la Loi, et ce, dans l’attente du a) résultat définitif de l’examen mené par le Barreau de l’Ontario quant à la capacité de M. Hutton d’exercer le droit, ou de la b) nomination, par M. Hutton, d’un avocat qui le représenterait dans toutes les instances.

[37] Le 5 août 2021, le juge Fothergill s’est prononcé sur les questions qui précèdent [voir Hutton c Canada (Procureur général), 2021 CF 815] et a conclu ce qui suit :

[5] Comme notre Cour l’a déjà décrété, les efforts faits par Me Hutton pour poursuivre ses allégations contre Mmes Sayat et Duhaime [sic] constituent une forme de harcèlement. Ses allégations n’ont aucun fondement apparent dans la réalité et semblent reposer sur des idées délirantes. Me Hutton a engagé et mené des instances à maintes reprises et devant de multiples tribunaux de manière abusive et vexatoire, en faisant manifestement fi des ressources judiciaires et de celles des parties. La non‑suspension des instances en cours minera la capacité de la Cour de contrôler ses propres procédures et déconsidérera l’administration de la justice.

[38] Le juge Fothergill a ordonné la suspension des dossiers de la Cour nos T‑268‑17, T‑1143‑19 et T‑868‑21 en application de l’alinéa 50(1)b) de la Loi dans l’attente de a) l’achèvement de l’examen mené par le Barreau de l’Ontario sur la capacité de M. Hutton d’exercer le droit, ainsi que de tout appel ou de tout contrôle connexe, ou de b) la nomination, par M. Hutton, d’un avocat qui le représenterait dans le cadre des instances visées. Le juge Fothergill a décrété que notre Cour pourrait réviser la suspension des instances à la suite du résultat final de l’examen mené par le Barreau de l’Ontario quant à la capacité de M. Hutton d’exercer le droit, mais que la suspension serait automatiquement levée dès que M. Hutton aurait désigné un avocat.

[39] Le 16 août 2021, M. Hutton a déposé un avis de nomination d’un avocat, désignant Me Jack Lloyd pour le représenter dans les dossiers T‑268‑17, T‑1143‑19 et T‑868‑21, ce qui a eu pour effet de lever la suspension des instances dans les affaires visées. Le même jour, M. Hutton a également déposé un avis d’appel contre l’ordonnance du juge Fothergill.

[40] Le 25 août 2021, M. Hutton a cherché à obtenir des éclaircissements sur l’ordonnance du juge Fothergill et, plus précisément, pour savoir si la suspension des trois instances serait automatiquement levée s’il remerciait de ses services l’avocat désigné pour le représenter. Le lendemain, notre Cour a précisé que l’ordonnance du juge Fothergill avait pour effet de suspendre l’ensemble des instances que M. Hutton avait engagées, individuellement et collectivement, tant qu’il n’était pas représenté par un avocat. Les parties ont finalement convenu de mettre en suspens les instances de M. Hutton en attendant l’issue de l’appel de ce dernier visant l’ordonnance du juge Fothergill.

[41] Le 1er février 2023, la Cour d’appel fédérale a rejeté l’appel de M. Hutton visant l’ordonnance du juge Fothergill [voir Hutton c Sayat, 2023 CAF 22] en indiquant ce qui suit :

[13] Plus important encore, les dépenses supplémentaires que M. Hutton pourrait devoir engager s’il décide d’être représenté doivent être mises en balance avec l’intérêt global de la justice et la nécessité de protéger les ressources judiciaires limitées. Le comportement erratique de M. Hutton et le fardeau qu’il a imposé au système judiciaire ont déjà grevé les ressources limitées, et la Cour fédérale est en droit de réglementer ses instances d’une manière qui soit conforme à ses objectifs fondamentaux qui sont d’assurer l’accès à la justice pour tous et « d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible » : Coote, au para. 12.

[…]

[15] Il ne fait aucun doute que M. Hutton a le droit d’être entendu et qu’il s’est pleinement prévalu de ce droit depuis 2017. Ce principe de justice naturelle n’est toutefois pas absolu et il doit toujours être exercé dans l’optique de maintenir l’intégrité du système judiciaire. Ce principe ne permet certainement pas à un plaideur d’inonder les tribunaux d’instances vexatoires et redondantes, de harceler des défendeurs, de présenter des demandes futiles et sans fondement et, en définitive, de faire dérailler le système judiciaire. La Cour fédérale peut juger que la conduite de M. Hutton durant les instances était suffisamment vexatoire, dérangeante ou par ailleurs problématique pour ordonner une suspension temporaire sans exiger de preuve médicale. Je me presserai d’ajouter que le droit de M. Hutton d’être entendu et de porter son affaire devant le tribunal n’est pas totalement brimé; l’ordonnance de suspension est temporaire et elle pourra être révisée lorsque le Barreau de l’Ontario aura terminé son examen de la capacité de M. Hutton d’exercer le droit; elle est en outre partielle, puisque M. Hutton peut choisir d’être représenté s’il désire que ses revendications et ses demandes soient traitées sans tarder. Je suis d’avis que l’ordonnance de suspension permet de concilier d’une manière équilibrée, d’une part, le droit que la common law reconnaît à M. Hutton de porter son affaire devant les tribunaux et, d’autre part, la nécessité de protéger l’intégrité du système judiciaire et de prévenir le gaspillage des ressources judiciaires

[Non souligné dans l’original.]

H. Dossier T‑674‑24

[42] Un jour ouvrable après l’audition de la requête, M. Hutton a déposé une demande de contrôle judiciaire concernant un rapport du Commissariat à l’information du Canada qui faisait suite à une plainte relative à des dossiers que détenait censément le SCRS. M. Hutton allègue que le SCRS a retenu et caviardé illégalement certains dossiers.

I. Instance devant le Barreau de l’Ontario

[43] En 2017, le Barreau de l’Ontario a reçu des renseignements concernant la non‑représentation de M. Hutton devant notre Cour, ce qui a soulevé des doutes quant à la capacité de ce dernier de s’acquitter de ses obligations à titre de détenteur de permis [voir Law Society of Ontario v Hutton, 2023 ONLSTH 30 au para 21; Hutton c Canada (Procureur général), 2021 CF 815 au para 1]. Le Tribunal a décrit ainsi les motifs à l’appui de la tenue d’une enquête :

[traduction]
[5] En 2017, une enquête a été lancée après que le Barreau a reçu des documents et des renseignements mettant en doute la capacité de l’avocat à exercer le droit. La documentation contenait divers documents qui faisaient partie du dossier de la cour se rapportant à une action que l’avocat avait engagée devant la Cour fédérale contre une ancienne petite amie, ainsi que d’autres défendeurs, dont le procureur général du Canada.

[6] Dans son action, l’avocat alléguait notamment que deux femmes qu’il avait fréquentées étaient des agentes de sécurité de l’État qui avaient pour tâche de le surveiller, de le contrôler et de le recruter à titre d’agent du renseignement. Il alléguait également que des membres de son ancien cabinet d’avocats et un client faisaient partie de l’appareil de sécurité du Canada.

[7] M. Hutton a engagé une seconde action connexe contre l’administrateur en chef du Service administratif des tribunaux judiciaires, qui a été rejetée après avoir été jugée frivole et vexatoire et considérée comme un abus de procédure. Dans sa décision par laquelle elle a rejeté l’affaire, la Cour a fait remarquer qu’elle était surprise qu’un avocat agréé ait engagé une telle action.

[8] L’avocat poursuit plusieurs actions devant la Cour fédérale, qui reposent toutes sur son affirmation de base selon laquelle il aurait été pris pour cible par l’appareil de sécurité canadien au moyen de techniques faisant intervenir une partenaire intime, des amis et des collègues juristes dans le cadre du complot visant à la recruter. Il affirme notamment que son téléphone a été trafiqué et que les photos qu’il contenait ont été modifiées. Il sollicite un redressement pour, notamment, représentation négligente, interception illégale et atteinte à sa vie privée.

[9] En plus des actions qu’il a engagées devant la Cour fédérale, l’avocat a porté plainte contre son ancienne petite amie auprès de l’Ordre des infirmières et infirmiers de l’Ontario, lui suggérant de faire enquête sur elle en raison de sa double qualité d’infirmière et d’agente de l’État.

[10] L’avocat s’est porté candidat à l’élection au poste de conseiller du Barreau en 2019. Dans l’énoncé de son programme, il a écrit ceci :

À titre de conseiller élu, je préconiserai la création de mécanismes procéduraux permettant de faire enquête sur l’ensemble des avocats et cabinets d’avocats pour vérifier s’ils sont en conflit d’intérêts du fait de leur « double qualité » et, par la voie d’une discussion libre, porter cette question à la connaissance du public.

[Voir Law Society of Ontario v Hutton, 2021 ONLSTH 27.]

[44] Le 24 avril 2019, le Barreau de l’Ontario a déposé une requête conformément à la Loi sur le Barreau, LRO 1990 c L.8 en vue d’obtenir une ordonnance visant à faire évaluer M. Hutton par un psychiatre légiste. En réponse, ce dernier a déposé deux requêtes : une requête en divulgation et une requête en radiation [voir Law Society of Ontario v Hutton, 2021 ONLSTH 28 au para 4]. Les parties ont convenu que les trois requêtes seraient confiées à la même formation.

[45] Avant l’audience, M. Hutton a signifié une assignation à l’avocat représentant le Barreau de l’Ontario. Une requête en annulation de l’assignation et la requête en divulgation ont été entendues en décembre 2019. Le Tribunal a fait droit à la requête en annulation, mais a mis en délibéré la requête en divulgation. M. Hutton a également signifié une assignation à Mme Sayat, de pair avec plusieurs autres témoins (dont six représentants gouvernementaux), qu’il voulait faire témoigner à l’audience.

[46] Le 26 octobre 2020, une audience a été tenue relativement à la requête du Barreau de l’Ontario concernant l’examen psychiatrique de M. Hutton et, le 10 novembre 2020, le Tribunal a rendu une ordonnance enjoignant à M. Hutton de subir un tel examen [voir Law Society of Ontario v Hutton, 2021 ONLSTH 27 au para 4]. Dans ses motifs, le Tribunal a annulé les assignations visant Mme Sayat et les autres témoins au motif que [TRADUCTION] « le fait d’autoriser les témoins à témoigner constituerait un abus de procédure et une recherche à l’aveuglette » [voir Law Society of Ontario v Hutton, 2021 ONLSTH 28 aux para 38‑40]. Le Tribunal a également rejeté la requête de M. Hutton visant à faire radier l’instance liée à l’évaluation de sa capacité [voir Law Society of Ontario v Hutton, 2021 ONLSTH 28 au para 11]. Mme Sayat s’est vu adjuger des dépens de 6 500 $ (qui ne semblent pas avoir encore été payés) relativement à la requête en radiation, montant qui, d’après le Tribunal, [TRADUCTION] « tient compte du fait que […] elle est une personne physique qui a été entraînée dans cette instance en raison d’un abus de procédure [de la part de M. Hutton] » [voir Law Society of Ontario v Hutton, 2021 ONLSTH 82 au para 22].

[47] M. Hutton a porté en appel la décision du Tribunal sur la requête en radiation de même que l’ordonnance de ce dernier lui enjoignant de se faire examiner par un psychiatre légiste. De plus, M. Hutton a cherché à faire annuler diverses ordonnances interlocutoires, dont celles visant à faire annuler les assignations de Mme Sayat et des divers représentants gouvernementaux. Le Barreau de l’Ontario a introduit des requêtes préliminaires en vue de faire annuler l’avis d’appel de M. Hutton ayant trait aux décisions interlocutoires.

[48] L’appel de M. Hutton concernant l’ordonnance lui enjoignant de subir un examen psychiatrique a été rejeté le 7 juillet 2021 [voir Law Society of Ontario v Hutton, 2021 ONLSTA 23 aux para 1‑2].

[49] M. Hutton a été examiné par un psychiatre légiste, le Dr Andrew Morgan, le 14 mars 2022 et le 3 juin 2022. Se fondant sur les entretiens qu’il avait eus avec M. Hutton ainsi que sur les renseignements reçus et examinés, le DMorgan a diagnostiqué chez lui un [TRADUCTION] « trouble délirant, de type persécution, selon la série de critères publiés dans la cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM‑5) » [voir Law Society of Ontario v Hutton, 2023 ONLSTH 30 au para 59]. Le Tribunal a décrit l’opinion du DMorgan, en partie, dans les termes suivants :

[traduction]
[60] Le DMorgan a souligné l’absence de preuve corroborante de l’allégation d’« aveux » d’espionnage formulée par l’avocat et les nombreuses inférences que tire ce dernier de divers renseignements, comme des photographies et des textes. Il a fait remarquer que l’avocat est uniquement capable de voir les renseignements comme une confirmation de son opinion et qu’il est incapable d’admettre qu’il pourrait y avoir d’autres explications.

[…]

[91] Le DMorgan a traité des activités menées par l’avocat devant la Cour fédérale et il a émis l’opinion que l’avocat est vraisemblablement, « d’un point de vue psychiatrique, incapable d’exercer le droit en ce qui concerne les poursuites qu’il a intentées devant la Cour fédérale si le Tribunal considère que ces poursuites font partie de [ses] obligations à titre de détenteur d’un permis d’exercice ».

[92] De plus, il s’est dit d’avis que les allégations que l’avocat a portées devant la Cour fédérale sont directement attribuables à son délire. La maladie mentale de l’avocat fait donc en sorte qu’il n’a vraisemblablement pas la capacité requise pour agir comme avocat dans le cadre de ces actions en particulier et que, en raison de son jugement et d’autres aspects de ses activités professionnelles, il « ne répond pas, d’un point de vue psychiatrique, à la norme de sa compétence professionnelle relativement à l’usage abusif qu’il fait des ressources de la Cour ».

[Non souligné dans l’original.]

[50] En 2022, M. Hutton a déposé une requête en vue d’obtenir l’autorisation d’assigner à comparaître Mme Sayat et les parents de cette dernière (entre autres personnes) à l’audience portant sur sa capacité. Il a voulu assigner Mme Sayat à comparaître pour obtenir l’adresse de ses parents, information qu’il avait tenté d’obtenir (et qui lui avait été refusée) dans le cadre de la requête en divulgation [voir Law Society of Ontario v Hutton, 2023 ONLSTH 72 au para 5]. De plus, il a voulu assigner à comparaître les parents de Mme Sayat en vue de confirmer des incohérences relevées dans le prétendu récit que cette dernière aurait utilisé à titre de couverture [voir Law Society of Ontario v Hutton, 2023 ONLSTH 72 au para 13]. Le 9 mai 2023, le Tribunal a rendu les motifs à l’appui de sa décision de rejeter la requête. Il a conclu que ni Mme Sayat ni ses parents n’avaient d’information importante ou pertinente à fournir et que la simple affirmation selon laquelle Mme Sayat est – ou avait été – une agente du renseignement était sans fondement [voir Law Society of Ontario v Hutton, 2023 ONLSTH 72 au para 19].

[51] Le 1er mars 2023, le Tribunal a statué que M. Hutton était frappé d’incapacité en 2015 et qu’il le demeurait depuis 2017 [voir Law Society of Ontario v Hutton, 2023 ONLSTH 30 aux para 3, 17]. Il a tenu compte des éléments de preuve suivants pour souscrire au diagnostic posé par le DMorgan au sujet de M. Hutton :

[traduction]
[12] Le DMorgan a diagnostiqué chez l’avocat un trouble délirant, de type persécution, se manifestant jusqu’ici dans sa non‑représentation dans le cadre d’un certain nombre d’instances engagées devant la Cour fédérale à l’encontre de diverses personnes et du gouvernement, qui auraient tenté de le surveiller subrepticement et de le recruter au sein du SCRS afin qu’il travaille pour l’appareil de sécurité.

[13] Dans le cadre de la demande du Barreau de l’Ontario en vue d’obtenir l’ordonnance fondée sur l’article 39, les services d’une psychiatre, la Dre Sumeeta Chatterje, ont été retenus pour passer en revue divers documents et renseignements et obtenir son avis, ce qu’elle a fait dans des rapports datés du 13 décembre 2018 et du 9 octobre 2019. Ces rapports étaient inclus dans la documentation que le DMorgan a examinée.

[14] À la demande de son employeur de l’époque, l’avocat a été examiné en 2015 par un psychiatre, le DLawrie Reznek. Le rapport de ce dernier, daté du 18 novembre 2015, était également inclus dans la documentation que le DMorgan a passée en revue.

[15] L’avocat n’a produit aucune preuve d’expert de nature médicale ou psychiatrique à jour pour réfuter le rapport du DMorgan.

[52] Le Tribunal a conclu que le jugement de M. Hutton était affaibli par ses idées délirantes, qu’il [TRADUCTION] « avait eu, devant la Cour fédérale, une conduite compromettant l’intégrité du système de justice » et que cette conduite, si elle était autorisée, discréditerait l’administration de la justice [voir Law Society of Ontario v Hutton, 2023 ONLSTH 30 au para 100].

[53] Dans ses motifs, le Tribunal a fait référence à un échange particulier ayant eu lieu à l’audience et durant lequel M. Hutton – après avoir demandé au DMorgan, en contre‑interrogatoire, s’il était vrai que les espions, de façon générale, n’admettraient pas qu’ils le sont – n’avait pas pu répondre pourquoi, dans son propre cas, un si grand nombre de prétendus espions s’étaient confessés à lui [voir Law Society of Ontario v Hutton, 2023 ONLSTH 30 au para 97]. Le Tribunal a fait remarquer qu’un avocat faisant preuve d’un bon jugement aurait été conscient de l’épineux problème de logique que pose le fait d’alléguer à la fois que des personnes [TRADUCTION] « mentent en toute impunité », tout en [TRADUCTION] « alléguant qu’elles lui ont avoué leur identité secrète ». Il a fait remarquer qu’il s’agissait là d’un [TRADUCTION] « moment digne de mention […] qui illustrait les idées délirantes [de M. Hutton], ainsi que son manque de jugement et d’objectivité, lorsqu’il assurait sa propre défense » [voir Law Society of Ontario v Hutton, 2023 ONLSTH 30 aux para 95, 99].

[54] Par ailleurs, le Tribunal a jugé [TRADUCTION] « particulièrement inacceptable » la [TRADUCTION] « tentative [de M. Hutton] de contourner des ordonnances judiciaires radiant des causes d’action en engageant d’autres actions visant à relancer les mêmes faits et les mêmes questions, comme il l’a fait dans les dossiers de la Cour nos T‑2071‑19 et T‑2086‑19 » [voir Law Society of Ontario v Hutton, 2023 ONLSTH 30 au para 101]. Il a décrété que les [TRADUCTION] « allégations et les tactiques procédurales [que M. Hutton] a employées » dans le cadre des instances engagées devant la Cour [TRADUCTION] « dépassaient le cadre d’une défense énergique » et que sa conduite [TRADUCTION] « ne cadrait pas avec celle d’un avocat compétent » [voir Law Society of Ontario v Hutton, 2023 ONLSTH 30 aux para 23, 41].

[55] Le 5 décembre 2023, le Tribunal a ordonné que le permis d’exercice de M. Hutton soit suspendu sur-le-champ pour une durée indéterminée. Cette suspension demeurera en vigueur jusqu’à ce que M. Hutton puisse établir, après avoir été traité par un psychiatre approuvé par le Barreau de l’Ontario, qu’il n’est plus incapable. Son droit d’exercer à nouveau le droit sera alors soumis à certaines conditions, dont l’obligation de poursuivre son traitement et de fournir des comptes rendus sur le traitement suivi, et ce, pendant les cinq années suivant son retour à l’exercice du droit [voir Law Society of Ontario v Hutton, 2023 ONLSTH 161].

[56] Le 12 janvier 2024, M. Hutton a déposé un avis d’appel auprès de la Section d’appel du Tribunal du Barreau à l’égard des ordonnances du Tribunal du 1er mars 2023 et du 5 décembre 2023 concernant sa capacité et sa suspension, et à l’égard des motifs du Tribunal, datés du 9 mai 2023, au sujet des assignations à comparaître.

J. Ordre des infirmières et infirmiers de l’Ontario – plainte de M. Hutton contre Mme Sayat

[57] M. Hutton a porté plainte contre Mme Sayat auprès de l’Ordre des infirmières et infirmiers de l’Ontario [l’OIIO] en se fondant sur des allégations semblables à celles qui ont été formulées dans la présente action et a affirmé ce qui suit : a) Mme Sayat lui a admis pendant qu’ils se fréquentaient et qu’elle étudiait en sciences infirmières qu’elle travaillait pour le compte du SCRS; b) Mme Sayat, à titre d’étudiante en sciences infirmières, a fait un stage en cancérologie où le SCRS l’a chargée de surveiller l’état de santé et le pronostic de l’ancien maire de Toronto et d’en rendre compte, pendant que celui‑ci était soigné pour un cancer à l’établissement; et c) Mme Sayat était en situation de conflit d’intérêts compte tenu des fonctions qu’elle exerçait à titre d’agente du renseignement et celles qu’elle exerçait à titre d’infirmière.

[58] L’OIIO a refusé d’examiner la plainte au motif qu’il s’agissait d’un abus de procédure. M. Hutton a ensuite demandé que l’on révise cette décision. La Commission d’appel et de révision des professions de la santé a conclu que la demande de M. Hutton était frivole, vexatoire, faite de mauvaise foi et théorique, ou qu’elle constituait par ailleurs un abus de procédure, et qu’elle tombait donc sous le coup du paragraphe 30(3) du Code des professions de la santé, annexe 2 de la Loi de 1991 sur les professions de la santé réglementées, LO 1991, c 18 [voir Hutton c Canada (Procureur général), 2021 CF 815 au para 30f)].

K. Requête fondée sur l’article 40 et faits à l’origine de l’audition de la présente requête

[59] En novembre 2023, j’ai transmis aux parties une directive concernant l’état des diverses instances de M. Hutton ainsi que le calendrier proposé pour les prochaines étapes. En réponse à cette directive, le PGC a fait part de son intention de déposer la présente requête. En réponse à ma directive, ainsi qu’à la proposition du PGC que la requête en déclaration de plaideur quérulent suive son cours avant que toute autre mesure soit prise dans le cadre des instances visées, M. Hutton, par l’intermédiaire de son avocat, a envoyé à la Cour plusieurs longues lettres décousues, comptant chacune plus de 100 pages (pièces jointes incluses), pour traiter de la simple question de l’établissement du calendrier relatif aux prochaines étapes des instances. J’ai finalement décidé que les instances seraient suspendues en attendant que soit tranchée la requête en déclaration de plaideur quérulent.

[60] En réponse à la requête du PGC, M. Hutton, par l’intermédiaire de son avocat, a déposé un affidavit de 91 pages, contenant 1 476 pages de pièces. M. Hutton a ensuite demandé l’autorisation de déposer un dossier de requête supplémentaire contenant d’autres éléments de preuve et observations, sans fournir d’explication quant à l’utilité de cette documentation supplémentaire, et sa demande a été rejetée.

[61] Nulle part dans l’abondante documentation qu’il a déposée en réponse à la présente requête M. Hutton ne traite des conclusions que le Tribunal a tirées ou du diagnostic concret qu’a posé le psychiatre légiste. La documentation vise plutôt à établir le bien‑fondé de sa conviction selon laquelle de nombreuses personnes dans sa vie sont des agents de l’appareil de sécurité canadien et elle comprend des éléments de preuve supplémentaires à l’appui de cette croyance, dont un « DJ set » fabriqué de toutes pièces et ininterrompu, d’une durée de quatre heures, des membres du groupe Florence + The Machine, au Peacock Bar à Toronto, une activité qui aurait été créée pour inciter M. Hutton à y assister, de façon à ce que l’appareil de sécurité puisse pirater son iPhone et supprimer des renseignements s’y trouvant. De plus, en ce qui concerne l’audience portant sur la capacité de M. Hutton, la preuve de celui-ci est axée sur l’omission du psychiatre légiste d’interroger les défendeurs ou quiconque au sein du gouvernement fédéral en vue d’évaluer le bien‑fondé de ses allégations et la connaissance qu’avait le psychiatre légiste du fonctionnement de l’appareil de sécurité canadien.

II. Questions en litige

[62] La présente requête soulève les questions suivantes :

  1. Le consentement nécessaire pour déposer la requête a-t-il été obtenu, conformément au paragraphe 40(2) de la Loi?

  2. M. Hutton doit-il être déclaré plaideur quérulent?

  3. Dans l’affirmative, quelles sanctions doivent être imposées?

III. Analyse

[63] Les paragraphes 40(1) et (2) de la Loi disposent :

Poursuites vexatoires

Vexatious proceeding

40 (1) La Cour d’appel fédérale ou la Cour fédérale, selon le cas, peut, si elle est convaincue par suite d’une requête qu’une personne a de façon persistante introduit des instances vexatoires devant elle ou y a agi de façon vexatoire au cours d’une instance, lui interdire d’engager d’autres instances devant elle ou de continuer devant elle une instance déjà engagée, sauf avec son autorisation.

40 (1) If the Federal Court of Appeal or the Federal Court is satisfied, on application, that a person has persistently instituted vexatious proceedings or has conducted a proceeding in a vexatious manner, it may order that no further proceedings be instituted by the person in that court or that a proceeding previously instituted by the person in that court not be continued, except by leave of that court.

Procureur général du Canada

Attorney General of Canada

(2) La présentation de la requête visée au paragraphe (1) nécessite le consentement du procureur général du Canada, lequel a le droit d’être entendu à cette occasion de même que lors de toute contestation portant sur l’objet de la requête.

(2) An application under subsection (1) may be made only with the consent of the Attorney General of Canada, who is entitled to be heard on the application and on any application made under subsection (3).

[64] La principale justification d’une déclaration de plaideur quérulent découle du fait que les tribunaux « sont un bien collectif dont la mission est de servir tout un chacun » et qu’ils « disposent de ressources limitées qui ne peuvent pas être dilapidées » [voir Simon c Canada (Procureur général), 2019 CAF 28 au para 9 [Simon], citant Canada c Olumide, 2017 CAF 42 aux para 17‑19 [Olumide]]. C’est donc dire que toutes les personnes ayant qualité pour agir peut engager une instance, mais que celles qui abusent de cet accès illimité d’une manière préjudiciable doivent être freinées [voir Olumide, au para 18].

[65] Comme l’a expliqué le juge Stratas dans l’arrêt Olumide, il arrive que des parties innocentes, dont certaines ont peu de ressources, soient visées par des instances sans fondement engagées par un plaideur quérulent. Compte tenu des coûts liés aux litiges, ces parties peuvent elles aussi être affectées par de nouvelles instances et une multitude de requêtes [voir Olumide, au para 21].

[66] Bien que les mesures réglementaires habituelles que prévoient les Règles des Cours fédérales suffisent pour la plupart des plaideurs, dans le cas de quelques personnes, la nature et le sérieux de leur conduite, la récurrence réelle ou probable de cette conduite dans de multiples instances et le préjudice qu’elles causent aux autres plaideurs et à la Cour rendent nécessaire une déclaration de plaideur quérulent [voir Simon, au para 10, citant Olumide, au para 24].

[67] Quelques plaideurs quérulents ont des visées inacceptables et engagent des litiges pour causer un préjudice, tandis que d’autres ne veulent faire de mal à personne et ont la conviction de suivre une voie de recours légitime. Ceux-ci peuvent néanmoins être déclarés quérulents s’ils engagent des litiges qui mettent en jeu l’objet de l’article 40, car ils n’en sont pas moins préjudiciables pour le système de justice et les parties adverses [voir Olumide, au para 33; Stukanov c Canada (Procureur général), 2022 CF 1421 au para 24; Coady c Canada (Procureur général), 2020 CAF 154 au para 24].

[68] Le caractère vexatoire d’une instance, dans le contexte de l’article 40 de la Loi, n’a pas de sens précis, mais il existe dans la jurisprudence de nombreuses lignes directrices, ou marques distinctives, de la portée ce concept [voir Olumide, au para 32; Turmel c Canada (Procureur général), 2023 FCA 197 au para 2, autorisation de pourvoi refusée [Turmel CAF]]. Ces marques distinctives se présentent sous « des formes et des aspects multiples », notamment :

A. être sermonné par divers tribunaux pour avoir eu un comportement vexatoire et abusif;

B. intenter des poursuites frivoles (y compris des requêtes, des demandes, des actions en justice et des appels);

C. faire des allégations scandaleuses et non fondées contre les parties adverses à la Cour;

D. remettre en litige des questions ayant déjà été tranchées contre le plaideur quérulent;

E. interjeter couramment et systématiquement appel de décisions interlocutoires et finales, et ce, sans succès;

F. faire fi des ordonnances des tribunaux et des règles des tribunaux;

G. refuser de payer les dépens non réglés qui ont été adjugés contre le plaideur quérulent.

[Voir Turmel CAF, au para 2, citant Olumide c Canada, 2016 CF 1106 aux para 9‑10, citée dans Olumide, au para 34.]

[69] Dans l’arrêt Olumide, la Cour d’appel fédérale a formulé le critère juridique applicable aux déclarations de plaideur quérulent de la façon suivante [voir Olumide, au para 31] :

La conduite vexatoire est un concept qui tire principalement son sens de l’objet de l’article 40. Lorsque la réglementation de l’accès continu du plaideur aux cours de justice au titre de l’article 40 est appuyée par l’objet de cet article, la réparation doit être accordée. En d’autres mots, la réparation prévue doit être accordée lorsque l’accès continu et illimité d’un plaideur aux cours de justice sape l’objet de l’article 40.

[70] Il est possible aussi d’exprimer la question du critère de la manière suivante : le plaideur est‑il incontrôlable ou nuisible au système judiciaire ou à ses participants au point qu’il est justifié de lui imposer l’obligation d’obtenir une autorisation pour exercer tout nouveau recours [voir Simon, au para 18]?

[71] Il faut garder à l’esprit qu’une ordonnance déclarant un plaideur quérulent fondée sur l’article 40 de la Loi n’empêche pas ce plaideur d’avoir accès aux tribunaux. Cette ordonnance réglemente plutôt l’accès du plaideur aux tribunaux en l’obligeant à demander et à obtenir une autorisation avant d’engager ou de poursuivre une instance, comme le permet le paragraphe 40(3). Cela signifie qu’une affaire qui a été suspendue par l’ordonnance de plaideur quérulent rendue par la Cour peut reprendre à condition que le plaideur obtienne une autorisation en ce sens de la Cour [voir Feeney c Canada, 2022 CAF 190 au para 26, citant Olumide, au para 27; Canada (Procureur général) c Hicks, 2022 CF 978 au para 29 [Hicks]].

[72] Il incombe à la partie qui cherche à faire imposer cette limite réglementaire à un plaideur – le PGC, en l’occurrence –de produire de produire des éléments de preuve à l’appui de sa demande et d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que M. Hutton est un plaideur quérulent [voir Simon, au para 20; Canada (Procureur général) c Simon, 2022 CF 1135 au para 31].

[73] Dans une requête en déclaration de plaideur quérulent, il n’est pas nécessaire que la Cour procède à une évaluation approfondie avant d’invoquer les pouvoirs prévus à l’article 40 de la Loi. Elle peut plutôt résumer les faits les plus pertinents [voir Olumide, au para 40].

A. Le consentement nécessaire a été obtenu, conformément au paragraphe 40(2) de la Loi

[74] Dans le cadre d’une requête en déclaration de plaideur quérulent, il faut que le consentement du PGC ait été officiellement présenté à la Cour – c’est‑à‑dire, qu’il doit avoir été déposé [voir Simon, au para 7]. Notre Cour a déjà décrété que ce consentement peut être donné par un fonctionnaire du ministère habileté à accorder ce consentement, notamment le sous‑procureur général adjoint ou le sous‑procureur général adjoint par intérim [voir Figueroa c Canada (Procureur général), 2019 CF 505 au para 17; Hicks, au para 23; Lawyers’ Professional Indemnity Company c Coote, 2013 CF 643 aux para 7‑10 [Coote] conf par 2014 CAF 98, autorisation de pourvoi refusée]. Dans la présente affaire, l’affidavit à l’appui du PGC comprend, en tant que pièce A, un consentement à la requête signé par le sous‑procureur général adjoint par intérim.

[75] M. Hutton invite notre Cour à établir une distinction entre l’espèce et la décision mentionnée plus haut et, plus particulièrement, la décision du juge Hughes dans l’affaire Coote, au motif que le juge Hughes n’a pas pris en considération la Loi sur le ministère de la Justice, LRC 1985, c J‑2. M. Hutton affirme que, si l’affaire avait été examinée adéquatement, le consentement n’aurait pas été jugé valide :

[traduction]
68. La
Loi sur le ministère de la Justice prévoit une délégation de pouvoir du procureur général au sous‑ministre de la Justice et, par la suite, à deux sous‑ministres délégués de la Justice ayant rang et statut d’administrateur général de ministère, mais il ne semble pas y avoir de délégation de pouvoir au sous‑procureur général adjoint ou au sous‑procureur général adjoint par intérim.

[76] Toutefois, la décision du juge Hughes dans l’affaire Coote a été confirmée par la Cour d’appel fédérale, qui a conclu que le sous‑procureur général adjoint peut donner un consentement au nom du procureur général [voir Coote c Lawyers’ Professional Indemnity Company (Lawpro), 2014 CAF 98 au para 11, autorisation de pourvoi refusée]. Comme je suis liée par les décisions de la Cour d’appel fédérale, je ne vois aucune raison de conclure que le consentement donné en l’espèce ne répond pas à l’exigence du paragraphe 40(2) de la Loi.

B. M. Hutton doit être déclaré plaideur quérulent

[77] J’ai examiné le fond des diverses allégations de M. Hutton ainsi que la manière dont il a fait progresser ses diverses instances, comme il est décrit plus haut. Je souscris aux conclusions de mes collègues de notre Cour et de la Cour d’appel fédérale, à savoir que les allégations formulées par M. Hutton contre Mme Sayat et Mme Duhamie reposent sur des idées délirantes et n’ont aucun fondement apparent dans la réalité. Ce fait a maintenant été confirmé dans le contexte de l’instance soumise au Tribunal, au cours de laquelle un psychiatre légiste a diagnostiqué un trouble délirant chez M. Hutton et a fait remarquer que les allégations qu’il portait devant notre Cour découlaient directement du trouble diagnostiqué. M. Hutton n’a produit aucune preuve crédible et probante qui donne à penser que ses allégations reposent sur autre chose que ses problèmes de santé psychologique.

[78] Je souscris également aux conclusions de notre Cour et de la Cour d’appel fédérale selon lesquelles les allégations formulées par M. Hutton contre Mmes Sayat et Duhamie, et la manière dont il les a présentées, équivalent à du harcèlement. Je conviens avec Mme Sayat que M. Hutton a formulé à son encontre des allégations humiliantes et non fondées d’agression sexuelle et d’inconduite professionnelle, qui l’ont forcée à prendre part à de nombreuses instances pendant les huit dernières années pour protéger sa réputation et sa vie privée. M. Hutton a également tenté d’entraîner indûment Mme Sayat et sa famille dans les instances portant sur sa capacité qui se sont déroulées devant le Barreau de l’Ontario. Comme l’a fait remarquer le juge Stratas dans l’arrêt Olumide, Mme Duhamie et Mme Sayat, plus particulièrement, sont des parties innocentes ayant des ressources limitées qui ont été lésées par les instances que M. Hutton a engagées à ce jour et qui pourraient être lésées davantage par de nouvelles instances ou la poursuite d’instances en cours si aucune ordonnance n’est rendue en application de l’article 40.

[79] Par ailleurs, la manière dont M. Hutton a formulé ses allégations, en plus des allégations formulées à l’encontre de Mmes Sayat et Duhamie, a été à la fois abusive et vexatoire. À cet égard, M. Hutton :a) n’a pas modifié sa déclaration comme l’exigeait mon ordonnance datée du 29 juin 2018 et a continué de faire valoir des allégations qui avaient été radiées; b) a tenté de contourner mon ordonnance du 29 juin 2018 en introduisant de nouvelles demandes dans les dossiers T‑2071‑19 et T‑2086‑19; c) a déposé une requête visant à obtenir un affidavit de documents plus complet dans le dossier T‑268‑17 dans le but d’obtenir la communication de documents liés à des questions en litige radiées ainsi qu’à des documents non pertinents et privés et a ensuite tenté indûment de modifier et d’élargir la requête; d) a tenté de déposer des requêtes ex parte et d’autres requêtes allant à l’encontre de l’obligation de traiter d’abord toute requête envisagée avec le ou la juge responsable de la gestion de l’instance; e) a engagé une action abusive et vexatoire à l’encontre du dirigeant du SATJ; f) a interjeté appel couramment et systématiquement de décisions, même lorsque les Règles des Cours fédérales l’interdisent (comme dans le cas de son appel de l’ordonnance du juge Mosley, qui avait été interjeté hors délai); g) a déposé des lettres d’un caractère excessif et décousu, assorties de nombreuses pièces, pour traiter de simples questions d’échéancier, imposant ainsi un fardeau inutile à la Cour et aux parties en cause; et h) n’a pas poursuivi son litige en temps voulu (comme procéder au contre‑interrogatoire de Mme Sayat dans le cadre de la requête en jugement sommaire), choisissant plutôt de déposer d’autres requêtes vexatoires contre le PGC.

[80] Notre Cour a tenté d’encadrer la conduite de M. Hutton en exigeant qu’il soit représenté par un avocat. Cependant, cette mesure n’a rien fait pour mettre un frein à sa conduite vexatoire, car il est évident que M. Hutton dirige le présent litige et qu’il prépare des documents par l’intermédiaire de son avocat. Il continue, même dans le cadre de la présente requête, de se comporter de manière vexatoire (par exemple, en formulant des allégations qui ont déjà été radiées), démontrant ainsi qu’il demeure « ingérable » malgré les efforts déployés par la Cour jusqu’à ce jour. Je suis d’avis que la participation de Me Lloyd n’a eu aucun effet d’encadrement discernable sur M. Hutton, ce qui aurait pu éviter une ordonnance fondée sur l’article 40.

[81] Je suis sensible au fait que le litige de M. Hutton découle d’un problème de santé psychologique sérieux et qu’il croit vraiment qu’il poursuit une voie de recours légitime. Cependant, la nécessité de rendre une ordonnance fondée sur l’article 40 en l’espèce est fonction des conséquences de la conduite de M. Hutton, et non de son intention. Comme je le mentionne plus haut, son litige a porté préjudice et continue de porter préjudice aux particuliers défendeurs et impose un fardeau excessif à tous les défendeurs ainsi qu’à notre Cour. La Cour ne dispose d’aucune preuve indiquant que M. Hutton entend cesser sa conduite en matière de litige en réponse aux préoccupations que les parties ont soulevées. Au contraire, il a fait part de son intention de poursuivre toutes les instances en cours, et d’en engager d’autres (dont une qu’il a introduite tout de suite après l’audition de la présente requête), lesquelles semblent toutes fondées sur ses idées délirantes.

[82] Compte tenu de l’ensemble des circonstances, je suis convaincue que le caractère incontrôlable de M. Hutton et le préjudice qu’il cause au système judiciaire et à ses participants justifient la délivrance d’une ordonnance fondée sur l’article 40.

C. Les restrictions appropriées

[83] Il est loisible à notre Cour de rendre divers types d’ordonnance de déclaration de plaideur quérulent. Cependant, il faut rédiger soigneusement l’ordonnance de façon à protéger le droit légitime du plaideur quérulent d’ester en justice, tout en protégeant le plus possible la Cour et ses justiciables [voir Canada (Procureur général) c Fabrikant, 2019 CAF 198 au para 44 [Fabrikant]]. Comme l’a décrété la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Fabrikant, notre Cour a les pouvoirs absolus pour imposer aux plaideurs quérulents les exigences supplémentaires qui peuvent se révéler nécessaires pour contrer les abus de procédure [voir Fabrikant, au para 2]. Une ordonnance de déclaration de plaideur quérulent doit viser les objectifs suivants [voir Fabrikant, au para 45] :

  • Interdire au plaideur quérulent d’intenter une poursuite en personne ou par le ministère d’un représentant et d’aider un autre plaideur.

  • Décider s’il y a lieu de mettre fin aux autres instances du plaideur quérulent; si c’est le cas, exposer la façon par laquelle il sera possible de les faire revivre et instruire.

  • Éviter que le greffe perde son temps en communications inutiles et à traiter des actes de procédure irrecevables.

  • Permettre d’ester devant la Cour sur autorisation, uniquement dans les circonstances restreintes permises par loi lorsque c’est nécessaire et que le défendeur a respecté les règles de procédure et les ordonnances antérieures de la Cour, auquel cas, il faut veiller à ce que les intéressés aient la possibilité de présenter leurs observations.

  • Donner au greffe le pouvoir de prendre rapidement des mesures administrativement simples pour la protection du greffe, de la Cour et des autres justiciables contre les comportements vexatoires.

  • Protéger le pouvoir de la Cour d’apporter des modifications ultérieures à l’ordonnance s’il y a lieu, mais seulement en conformité avec les principes d’équité procédurale.

  • Veiller à ce que les autres jugements, ordonnances et directives demeurent applicables, dans la mesure où ils ne sont pas incompatibles avec l’ordonnance.

 

[84] Outre son pouvoir d’ordonner l’abandon d’une instance en vertu de l’article 40, notre Cour peut aussi annuler, en tout temps, une instance dont elle a été saisie, si cette instance est manifestement vouée à l’échec à cause d’un vice fondamental ou de l’absence de bien-fondé [voir Bernard c Canada (Institut professionnel de la fonction publique), 2019 CAF 236 au para 10 [Bernard]].

[85] Par conséquent, bien que la Cour soit habilitée à ordonner l’abandon de l’instance en cours d’un plaideur quérulent, elle peut aller plus loin et exercer sa compétence plénière pour ordonner l’annulation de l’instance si elle est d’avis que celle-ci est vouée à l’échec [voir Bernard, au para 13]. Autrement dit, il ne sert à rien d’ordonner l’abandon d’une instance et de laisser subsister la possibilité qu’elle reprenne ultérieurement si la Cour est déjà d’avis que le plaideur quérulent n’obtiendrait gain de cause dans aucune requête de cette nature parce que l’instance est vouée à l’échec.

[86] Le PGC et Mme Sayat demandent à la Cour d’annuler les dossiers T‑268‑17, T‑1143‑19 et T‑868‑21 au motif que ces instances sont vouées à l’échec. Je suis d’accord. Je suis persuadée, pour les motifs décrits plus haut, que les dossiers T‑268‑17 et T‑1143‑19 sont sans fondement et sont voués à l’échec. En ce qui concerne le dossier T‑868‑21, la qualité de M. Hutton pour contester la constitutionnalité de l’article 18.2 de la Loi sur le SCRS repose sur l’effet possible de cette disposition sur ses droits dans le dossier T‑268‑17. Si le dossier T‑268‑17 est annulé, M. Hutton n’a plus qualité pour contester l’article 18.2 et, de ce fait, cette instance est elle aussi vouée à l’échec. Je conclus que les défendeurs/intimés dans les dossiers T‑268‑17, T‑1143‑19 et T‑868‑21 ont droit à un dénouement clair et définitif dans le cadre du litige. Les instances seront donc annulées.

[87] En ce qui concerne le dossier T‑624‑24, je n’ai reçu des parties aucune observation quant à la restriction à imposer à l’égard de cette instance, car elle n’a été engagée qu’après l’audition de la présente requête. Comme je ne dispose d’aucune information sur le bien‑fondé de l’instance, j’ordonnerai l’abandon du dossier T‑624‑24, plutôt que son annulation.

[88] Selon ma compréhension, M. Hutton a actuellement payé la totalité des dépens non réglés qui ont été adjugés contre lui en lien avec les instances devant notre Cour, bien qu’il existe quelques doutes quant à l’état des dépens impayés qui ont été adjugés contre lui dans le cadre des instances devant le Barreau de l’Ontario. Étant donné que des dépens seront adjugés dans le cadre de la présente requête et qu’il demeure possible que l’annulation de la présente action (les dossiers T‑1143‑19 et T‑868‑21) donne lieu à d’autres l’adjudication d’autres dépens, je suis convaincue qu’il convient d’interdire à M. Hutton de demander l’autorisation d’engager une nouvelle instance ou d’en reprendre une jusqu’au paiement intégral des dépens impayés auxquels il a été condamné par notre Cour [voir Canada c Zbarsky, 2023 CF 161 au para 29; Canada (Procureur général) c Turmel, 2022 CF 1526 au para 51, conf par Turmel, autorisation de pourvoi refusée [Turmel CF]; Potvin c Rooke, 2019 CAF 285 au para 8].

[89] Le PGC a demandé que les restrictions imposées à M. Hutton s’appliquent également aux nouvelles instances engagées devant la Cour d’appel fédérale. Il ne ressort pas clairement de la jurisprudence que notre Cour a compétence pour imposer des restrictions quant à la capacité d’un plaideur quérulent d’engager une nouvelle instance devant la Cour d’appel fédérale [voir Turmel CF, aux para 52‑54; Stukanov c Canada (Procureur général), 2022 CF 1421 au para 2; Coote c Canada (Commission des droits de la personne), 2021 CAF 150 au para 3, citant Coote]. Cela étant, je refuse d’imposer une restriction quelconque à la capacité de M. Hutton d’engager une nouvelle instance devant la Cour d’appel fédérale.

IV. Dépens

[90] Je ne vois aucune raison de m’écarter du principe général voulant que la partie qui a gain de cause ait droit à ses dépens. Par conséquent, le PGC, en tant que partie requérante, aura le droit de recouvrer les dépens liés à la présente requête. Pour ce qui est du montant, le PGC demande que les dépens liés à la requête soient fixés à 2 305,50 $, ce qui cadre avec la colonne III du tarif B des Règles des Cours fédérales. Je juge ce montant raisonnable et je fais remarquer qu’il est inférieur à celui qu’aurait cherché à obtenir M. Hutton s’il avait contesté avec succès la requête. En conséquence, M. Hutton paiera au PGC les dépens que ce dernier a engagés dans le cadre de la présente requête, soit 2 305,50 $. Mme Sayat n’a demandé aucuns dépens dans le cadre de la présente requête.

[91] Toutes les parties conviennent que des observations supplémentaires sur les dépens devront être présentées en ce qui concerne le droit aux dépens et le montant des dépens qui résultent de l’annulation ou de l’abandon des diverses instances engagées par M. Hutton. Mon ordonnance inclura donc un échéancier pour la présentation d’observations sur les dépens sous forme de lettre (d’une longueur maximale de cinq pages), avec un mémoire de frais, de même que pour le dépôt d’observations en réponse sur les dépens. Je demeurerai saisie de toutes les questions relatives aux dépens qui seront liées à la présente ordonnance.


 

LA COUR REND L’ORDONNANCE suivante :

  1. Le demandeur, Kristin Ernest Hutton, est déclaré plaideur quérulent devant notre Cour en application de l’article 40 de la Loi sur les Cours fédérales et ne peut : a) ester devant notre Cour, que ses intérêts soient représentés par lui-même ou par un autre individu, sauf en obtenant l’autorisation de la Cour; ou b) aider ou représenter autrui dans toute instance devant notre Cour.

  2. La présente action est annulée.

  3. Les demandes portant les numéros de dossier de la Cour T‑1143‑19 et T‑868‑21 sont annulées.

  4. Il est mis fin aux instances, quelles qu’elles soient, que le demandeur a engagées devant notre Cour et dont la Cour est saisie (notamment le dossier de la Cour no T‑674‑24) et les dossiers touchés sont clos. Les instances auxquelles il est mis fin en application du présent paragraphe ne pourront être rétablies que si une requête en autorisation est accordée par notre Cour, sur le fondement de l’article 40 de la Loi sur les Cours fédérales, et que s’il est satisfait à toute nouvelle exigence que le droit impose pour le rétablissement d’instances. Si une instance abandonnée est rétablie, un nouveau dossier de la Cour sera ouvert. Le greffe déposera une copie de la présente ordonnance dans tous les dossiers touchés et en remettra un exemplaire à toutes les parties visées par ces dossiers.

  5. Lorsqu’une requête est présentée en vue d’obtenir l’autorisation de la Cour pour engager une instance ou rétablir une instance abandonnée, le dossier de requête doit : a) être conforme en tous points à la présente ordonnance, à toute ordonnance ou directive de notre Cour, aux textes législatifs (y compris la Loi sur les Cours fédérales et les Règles des Cours fédérales), ainsi qu’à toute exigence en matière de dépôt; b) comporter un intitulé contenant le nom du demandeur plutôt que ses initiales, un autre ordre de noms ou un pseudonyme; c) contenir un affidavit conforme qui précise i) les faits et les circonstances concernant l’instance proposée ou l’instance abandonnée de façon à établir qu’il ne s’agit pas d’un abus de procédure et qu’elle est fondée sur des motifs raisonnables, et ii) que tous les dépens non réglés auxquels le demandeur a été condamné ont été payés en totalité; d) contenir des observations écrites conformes; et e) inclure une copie de la présente ordonnance et de toute autre ordonnance la modifiant. Toute requête de cette nature sera tranchée par écrit.

  6. Lorsqu’elle autorise le demandeur à engager une instance ou à reprendre une instance à laquelle il a été mis fin, la Cour peut inclure les conditions indiquées, notamment le dépôt d’un cautionnement pour dépens.

  7. Le demandeur versera sans délai au PGC les dépens liés à la présente requête, lesquels sont fixés à un montant global de 2 305,50 $.

  8. En ce qui a trait au dossier T‑268‑17, le PGC et Mme Sayat signifieront et déposeront des observations écrites sur les dépens, sous la forme d’une lettre (d’une longueur maximale de cinq pages), avec un mémoire de frais, relativement aux dépens liés à l’instance sous‑jacente, et ce, dans les 14 jours suivant la date de la présente ordonnance. M. Hutton pourra déposer des observations sur les dépens en réponse à chacune des observations sur les dépens du PGC et de Mme Sayat, sous la forme d’une lettre (d’une longueur maximale de cinq pages), et ce, dans les 21 jours suivant la date de la présente ordonnance.

  9. En ce qui concerne toutes les autres instances, le ou les intimés signifieront et déposeront des observations écrites sur les dépens, sous la forme d’une lettre (d’une longueur maximale de cinq pages), avec un mémoire de frais, relativement aux dépens de l’instance sous‑jacente dans les 14 jours suivant la date de la présente ordonnance. M. Hutton pourra déposer des observations en réponse, sous la forme d’une lettre (d’une longueur maximale de cinq pages), dans les 21 jours suivant la date de la présente ordonnance.

« Mandy Aylen »

Juge

Traduction certifiée conforme

Philippe Lavigne-Labelle

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

T‑268‑17

 

INTITULÉ :

KRISTIN ERNEST HUTTON c RIA SAYAT

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 28 MARS 2024

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LA JUGE AYLEN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 9 AVRIL 2024

 

COMPARUTIONS :

Jack Lloyd

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Natai Shelsen

James Stuckey

 

POUR Les défendeurs

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lloyd Law Professional Corporation

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Goldblatt Partners LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

ria sayat

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR Les défendeurs

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU canada,

SA MAJESTÉ LA REINE DU

Canada et stephanie duhamIE

 

 

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