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Date : 20240404


Dossier : IMM-5760-22

Référence : 2024 CF 523

Ottawa (Ontario), le 4 avril 2024

En présence de monsieur le juge Pentney

ENTRE :

TESFAI WOLDU WOLDEMICHAEL

demandeur

et

LE MINISTRE DE L’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section d’appel des Réfugiés [SAR] datée le 20 mai 2022. La SAR a renversé la décision de la Section de la protection des réfugiés [SPR] qui a octroyé le statut de réfugié au demandeur en vertu de sa crainte des autorités de l’Érythrée.

[2] Le demandeur a déposé sa demande d’asile sous le nom Tesfai Woldu Woldemichael. La question de son identité est au cœur du litige dans cette affaire. La SAR a renversé la décision lui octroyant le statut de réfugié au sens de la Convention, au motif que ce dernier n’avait pas présenté suffisamment d’éléments de preuve crédibles pour établir son identité. En conséquence, la SAR a décidé qu’il n’était pas nécessaire d’analyser le bien-fondé de sa crainte de persécution ou de sa qualité de personne à protéger.

[3] Le demandeur soutient que la décision de la SAR est déraisonnable, parce que son analyse n’a pas tenu compte de l’ensemble de la preuve, ni le contexte particulier du demandeur. Selon le demandeur, la SAR a erré dans l’analyse de sa carte d’identité nationale ainsi qu’en rejetant la preuve de soutient qu’il a déposée.

[4] Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée. Je suis d’avis que l’analyse de la SAR est raisonnable, et conforme au cadre d’analyse selon la norme de contrôle de la décision raisonnable.

I. Contexte

[5] Le demandeur est un citoyen érythréen. Il a quitté son pays illégalement en 2006 après avoir fui la conscription dans le service militaire nationale. Il s’est rendu au Soudan avant de se rendre en Israël en octobre 2007, grâce à un passeur. Il a été arrêté et détenu en 2015 pour sa qualité d’étranger sur le territoire israélien. Il a ensuite quitté l’Israël pour se rendre aux États-Unis via le Mexique, encore une fois avec l’aide d’un passeur. Le demandeur a été arrêté et détenu en Floride. Sa demande d’asile fut entendue aux États-Unis et rejetée en septembre 2016. Il a été libéré de la détention en juillet 2017.

[6] Le 15 août 2017, le demandeur est entré au Canada via le chemin Roxham au Québec. Il a demandé la protection du Canada à l’encontre de l’Érythrée. À son arrivée au Canada, le demandeur était en possession d’une copie de sa carte d’identité nationale, de son certificat de baptême et d’une copie de la carte d’identité nationale de sa mère. Il a été détenu par les autorités canadiennes pour identité, et il fut libéré sous conditions.

[7] Le demandeur a soumis son formulaire « Fondement de la demande d’asile » incluant son narratif en Septembre 2017. Le 28 mars 2018, le ministre a signifié un avis d’intervention en prétendant ne pas être satisfait de l’identité du demandeur. Le 24 janvier 2019, la SPR entend l’affaire, et après l’audience le demandeur ainsi que le conseil du ministre ont déposé des soumissions. La SPR a octroyé le statut de réfugié au demandeur en vertu de sa crainte de persécution en Érythrée. La SPR a trouvé que le demandeur a déposé la preuve adéquate de son identité.

[8] Le ministre a interjeté appel de la décision à la SAR. La SAR a accueilli l’appel du ministre, concluant que le demandeur n’est pas un réfugié au sens de la Convention ou une personne à protéger [SAR 2020]. La question centrale pour la SAR est la preuve insuffisante de l’identité du demandeur.

[9] Le demandeur a déposé une demande de contrôle judiciaire de cette décision, qui fut accueillie par la cour, annulant la décision de la SAR et retournant le dossier pour une nouvelle évaluation par la SAR : Woldemichael c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1059 [Woldemichael 2021]. La cour a conclu que la SAR avait un motif suffisant pour conclure que le demandeur n’avait pas établi son identité nationale sur le fondement des documents érythréens et israéliens. Par contre, la cour a cassé la décision parce que la SAR n’a pas expliqué de quelle manière les conclusions défavorables quant à la crédibilité du demandeur se répercutaient sur les lettres d’appui.

[10] La SAR a examiné le dossier à nouveau et a rendu une nouvelle décision, rejetant la demande d’asile du demandeur. La question centrale pour la SAR est la preuve insuffisante de l’identité du demandeur.

[11] Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la deuxième décision de la SAR [la décision].

II. Question en litige et norme de contrôle

[12] La présente demande de contrôle judiciaire soulève une seule question : était-il raisonnable pour la SAR de conclure que le demandeur n’avait pas établi son identité?

[13] La norme de contrôle appropriée pour la révision d’une décision de la SAR est présumée être celle de la décision raisonnable : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] au para 23, et récemment affirmé dans Mason v Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CSC 21.

[14] Une décision sera déraisonnable lorsque la cour est convaincue que la décision souffre de lacunes graves « à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence » (Vavilov au para 100). En vertu du principe de justification, quand la décision a des répercussions particulièrement graves sur les droits et intérêts de l’individu visé, les motifs doivent tenir compte proportionnellement de ces enjeux (Vavilov au para 133).

III. Analyse

A. Cadre juridique

[15] La question de l’identité d’un demandeur d’asile est « la pierre angulaire du régime canadien d’immigration » : Konate c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 170 au para 13; voir aussi Hassan c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2019 CF 459 au para 27. L’identité d’un demandeur comporte leur identité personnelle ainsi que leur pays de nationalité (ou manque de nationalité), et d’autres facteurs personnels (par exemple, leur langue, religion, etc.).

[16] Il incombe au demandeur d’établir son identité, et c’est un fardeau lourd : Toure c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1189 au para 31. Le cadre juridique est bien résumé par le juge Norris dans l’affaire Edobor c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1064 [Edobor] :

[8] Il est indubitable que la preuve de l’identité est un préalable pour tout demandeur d’asile. En l’absence d’une telle preuve, « il ne peut y avoir de fondement solide permettant de vérifier les allégations de persécution, ou même d’établir la nationalité réelle d’un demandeur »… L’omission de prouver l’identité entraîne le rejet de la demande; il n’est pas nécessaire de poursuivre l’examen quant au fondement de la demande d’asile… (citations omises)

[17] L’article 11 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-256 [les Règles], traduit l’importance d’établir l’identité du demandeur d’asile :

Documents

Documents

11 Le demandeur d’asile transmet des documents acceptables qui permettent d’établir son identité et les autres éléments de sa demande d’asile. S’il ne peut le faire, il en donne la raison et indique quelles mesures il a prises pour se procurer de tels documents.

11 The claimant must provide acceptable documents establishing their identity and other elements of the claim. A claimant who does not provide acceptable documents must explain why they did not provide the documents and what steps they took to obtain them.

[18] L’article 106 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 [LIPR] crée un lien direct entre cette obligation de produire des documents acceptables pour établir l’identité (ou de justifier pourquoi ils n’ont pas été produits) et la crédibilité du demandeur d’asile. Il est libellé ainsi :

Crédibilité

Credibility

106 La Section de la protection des réfugiés prend en compte, s’agissant de crédibilité, le fait que, n’étant pas muni de papiers d’identité acceptables, le demandeur ne peut raisonnablement en justifier la raison et n’a pas pris les mesures voulues pour s’en procurer.

106 The Refugee Protection Division must take into account, with respect to the credibility of a claimant, whether the claimant possesses acceptable documentation establishing identity, and if not, whether they have provided a reasonable explanation for the lack of documentation or have taken reasonable steps to obtain the documentation.

[19] Dans l’affaire Edobor, le juge Norris a noté :

[11] Lorsqu’ils sont lus ensemble, les articles 11 des Règles et 106 de la LIPR disposent clairement qu’il incombe au demandeur d’asile de prendre les mesures nécessaires pour obtenir les documents acceptables afin d’établir son identité. Si le demandeur ne peut pas obtenir de tels documents, il doit présenter une justification au défaut de production de documents. Un tel fardeau est lourd... Ce qui constitue des « papiers d’identité acceptables » n’est défini ni dans la LIPR ni dans les Règles; il incombe à la SPR de le déterminer au cas par cas (il existe une possibilité d’interjeter appel à la SAR et de demander un contrôle judiciaire). En outre, la SPR « prend » cela en compte, « s’agissant de [la] crédibilité » du demandeur. Si le demandeur ne produit pas les papiers d’identité acceptables pour établir son identité et ne donne pas la raison justifiant le défaut de production de documents, cela peut entraîner une grave inférence défavorable quant à sa crédibilité. (citations omises)

[20] C’est essentiel de souligner au début que l’appréciation de la crédibilité appelle la déférence dans le cadre du contrôle judiciaire. Je cite les propos de la juge Rochester dans Woldemichael 2021 :

[27] Comme l’ont indiqué mes collègues les juges Fothergill, Ahmed et McHaffie, l’appréciation de la crédibilité fait partie du processus de recherche des faits, et les décisions quant à la crédibilité appellent la déférence dans le cadre du contrôle (Fageir c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 966, au paragraphe 29; Tran c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 721, [2021] 4 R.C.F. 315, au paragraphe 35; Azenabor c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 1160, au paragraphe 6). Les décisions quant à la crédibilité constituent « l’essentiel du pouvoir discrétionnaire des juges des faits, [...] et elles ne sauraient être infirmées à moins qu’elles ne soient abusives, arbitraires ou rendues sans tenir compte des éléments de preuve » (Fageir c. Canada (Citoyenneté et Immigration), au paragraphe 29; Tran c. Canada (Citoyenneté et Immigration), au paragraphe 35; Edmond c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 644, au paragraphe 22, citant Gong c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 165, au paragraphe 9).

B. Soumissions des parties

[21] Le demandeur affirme que la SAR a erré dans son analyse de la documentation qu’il a déposée quant à son identité, parce que la SAR n’a pas fait une analyse contextuelle et globale de la totalité de la preuve. Il faut traiter les arguments du demandeur en ce qui concerne les documents principaux, ainsi que la preuve d’appui qu’il a déposés.

[22] La SAR a noté que le demandeur n’avait pas de passeport à son arrivée au Canada, mais il avait une copie de sa carte d’identité nationale. La SAR a indiqué qu’en raison de la mauvaise qualité de la photocopie fournie par le demandeur, il était impossible de déterminer la couleur de la carte ou d’en discerner les caractéristiques de sécurité intégrées. De plus, la certification du traducteur de la traduction effectuée du tigrinya à l’anglais indique que le traducteur a examiné la carte originale de la personne identifiée, mais elle mentionne un autre nom que celui du demandeur.

[23] Le demandeur affirme que même si la copie de sa carte d’identité est de faible qualité, la SAR aurait dû tenir compte du fait que les documents ont été envoyés par fax, et qu’il a témoigné que l’original a été saisi par les autorités aux États-Unis. Il a indiqué que son avocate américaine a une copie de sa carte d’identité, et qu’il l’a contacté pour en obtenir une autre copie, mais son ancienne avocate n’a pas répondu sa demande. De plus, le demandeur note que pendant l’audience devant la SPR, quand la question de la qualité de la copie a été soulevée, son avocate a indiqué qu’elle avait une meilleure copie de la carte. Cependant, la SPR ne lui a pas demandé qu’elle leur soit transmise. Selon le demandeur, l’analyse de la SAR est déraisonnable, compte tenu de tous ces éléments.

[24] Je ne suis pas d’avis que la SAR a commis une erreur dans l’analyse de la carte d’identité nationale. La copie du document dans le dossier certifié du tribunal est de faible qualité, et la SAR a noté avec raison que ce n’est pas possible de voir les mesures de sécurité. En ce qui concerne les efforts du demandeur afin de produire une autre version du document, je note que même si son avocate prétendait avoir une meilleure copie, il n’y a pas d’indication qu’elle l’ait déposée auprès de la SAR suivant la première, ou la deuxième audience. Il faut noter que la SPR a soulevé la faible qualité de la copie de la carte d’identité à l’audience en 2019. Malgré cela, ni le demandeur ni son avocate a déposé en preuve devant la SAR un original, ou une copie du document de meilleure qualité. Compte tenu de tous ces considérations, il n’était pas déraisonnable pour la SAR d’accorder la carte d’identité peu de poids.

[25] Le demandeur affirme qu’il était arrêté et détenu aux États-Unis sous le nom qui apparait sur sa carte d’identité. Il soutient aussi qu’il est déraisonnable pour la SAR de critiquer son refus de contacter les autorités érythréennes pour obtenir une nouvelle carte d’identité, parce que la preuve objective indique que le gouvernement d’Érythrée exige que les personnes qui demandent des documents d’identité reconnaissent avoir enfreint la loi en fuyant le service militaire, et exige également le paiement d’une taxe. J’accepte que cette explication pourrait avoir une certaine force, mais le problème pour le demandeur est qu’il n’a pas avancer cette explication dans ses soumissions à la SAR.

[26] Même si j’accepte l’argument du demandeur, il faut noter que la détermination de la SAR que le demandeur n’a pas donné une explication adéquate quant à ses efforts de trouver les documents repose sur ce seul élément. La SAR a noté que le demandeur n’a présenté aucun détail sur ses efforts de contacter son ancienne avocate américaine, ni sur les demandes qu’il a fait auprès des autorités des États-Unis.

[27] La SAR n’a pas erré en concluant que le demandeur n’a pas démontré qu’il a fait des efforts sérieux afin d’obtenir une autre copie de sa carte d’identité, un document qui est primordiale dans le contexte de l’Érythrée compte tenu des difficultés d’obtenir un passeport de ce pays.

[28] La SAR est d’accord avec la SPR que la copie de son permis de conduire d’Érythrée est frauduleuse, en notant que le demandeur n’a pas contesté cette détermination. La SAR a aussi conclu que le fait que le demandeur a déposé en preuve un document frauduleux mine sa crédibilité en général.

[29] En ce qui concerne son rapport scolaire, la SAR a noté que la copie est difficile à lire, mais que le document semble indiquer son nom et nationalité. La SAR a donné le rapport scolaire un poids minimal, parce que ce n’est pas un document d’identité primaire, et la copie manque des indicateurs de sécurité.

[30] Le demandeur affirme que la SAR a erré en n’appliquant pas la présomption de validité accordée aux documents émis par un gouvernement. Le demandeur soutient que la rapport scolaire a été émis par le ministère de l’éducation, et doit être accepté comme preuve de son identité.

[31] Je ne suis pas d’accord. L’analyse de la SAR conforme aux exigences du cadre d’analyse Vavilov. La SAR a examiné le rapport scolaire, a noté le contenu ainsi que le fait que ce n’est pas un document d’identité « officiel » ou primaire (par exemple, un passeport, un certificat de naissance, etc.). De plus, la SAR a expliqué pourquoi elle a accordé un faible poids à ce document. L’évaluation du poids que mérite une preuve est au cœur du rôle de la SPR et la SAR. Les cours de révision doivent s’abstenir « …d’apprécier à nouveau la preuve prise en compte par le décideur… » (Vavilov au para 125).

[32] Quant au certificat de baptême, la SAR a noté que le nom de baptême indiqué sur le document ne correspond pas au nom du demandeur sur sa carte d’identité ou autres documents. La SAR n’a pas questionné le témoignage du demandeur à l’effet que son nom de baptême est le nom donné par le prêtre à la cérémonie. Toutefois, la SAR a donné un faible poids à ce document parce qu’il n’est pas émis par une autorité gouvernementale, il n’y a pas d’éléments de sécurité, et le nom complet (c’est-à-dire le nom Tesfai Woldu Woldemichael) ne figure pas dans le texte.

[33] Le demandeur soutient que la SAR a erré en ignorant son témoignage concernant l’utilisation de son nom de baptême. Il argumente aussi que la SAR n’a pas tenu compte du fait que le nom de sa mère figure dans le document.

[34] Je ne suis pas d’accord. La SAR a examiné le certificat de baptême, et n’as pas questionné l’explication du demandeur quant à l’utilisation de son nom de baptême. Mais la SAR a aussi noté que le nom qu’il utilise dans sa demande d’asile et qui apparait sur la carte d’identité ne figure pas dans le certificat. La SAR a aussi noté que le certificat n’est pas un document émis par une autorité gouvernementale. L’analyse de la SAR quant au poids que mérite cet élément de preuve et l’explication pour l’attribution d’un poids faible est claire et basée sur la preuve au dossier. Elle est raisonnable, et conforme avec le cadre d’analyse Vavilov.

[35] Par rapport aux affidavits et lettres d’appui que le demandeur a déposés, la SAR a noté que la Cour a cassé la décision antérieure (SAR 2020) parce que l’analyse de cette preuve par la SAR a manqué de transparence. Dans la décision sous contrôle, la SAR a fait une analyse de chaque document. Il n’est pas nécessaire de répéter tous les détails de cette discussion. Le point central est que la SAR a donné peu de poids aux documents parce qu’elle a conclu qu’ils manquaient de détails concernant la relation entre les auteurs et le demandeur.

[36] Le demandeur argumente que la SAR a erré dans l’analyse de cette documentation. Il soutient que les documents conformaient à plusieurs aspects de son identité, soit son nom, sa citoyenneté, sa naissance et vie dans le village de Hadas en Érythrée, et son séjour au Soudan. Le demandeur se réfère aux passages suivants de la preuve :

  • Affidavit de Leake H. Fisseha :

I, Leake H Fisseha, residence of Houston Texas, hereby writes an affidavit with regard to Tesfai W. Woldemicheal case. Tesfai and I were born and grew up in a small village called Hadas, southern region of Eritrea.

  • Lettre de soutien de Sebhatu Gebrekidan Okbamariam :

My name is Sebhatu Gebrekidan Okbamariam. […] I was born in small village called Hadass located in south region of Eritrea. […] I knew Tesfai he is from Eritrea we grew up together in the same village called Hadass we were residing in the same neighborhood, He also my brother in low(my sister’s husband brother) [sic] and we went the same school.

[37] Le demandeur soutient que la SAR a erré en ignorant les enseignements de la cour dans plusieurs causes, citant Feng c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 18 [Feng] :

[37] Il ressort clairement de la jurisprudence qu’un décideur doit se pencher sur ce que mentionne la preuve, plutôt que sur ce qu’elle ne mentionne pas (Sitnikova c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 464, aux paragraphes 22 à 24). En l’espèce, d’après les lettres, les auteurs sont des adeptes du Falun Gong qui ont observé les rites de cette religion avec les demandeurs et l’un des auteurs avait étudié le Fa avec eux. La SAR a commis une erreur en ne tenant pas compte de ce qui était dit, puis lorsqu’elle a procédé à l’appréciation de la valeur probante et du poids à accorder aux lettres sur ce motif.

[38] Le demandeur cite les propos du Juge Shirzad Ahmed dans Oranye c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 390 [Oranye] au para 27 : « Les juges des faits doivent avoir le courage de trouver des faits. Ils ne peuvent pas dissimuler des conclusions relatives à l’authenticité en jugeant simplement que les éléments de preuve ont une « faible valeur probante » ». Dans cette optique, dans l’évaluation de l’authenticité des documents, c’est tout ou rien : soit le document est authentique ou non. Le demandeur soutient que la SAR a erré en accordant peu de poids aux documents sans tenir compte de leur contenu.

[39] Je suis d’avis que les principes énoncés dans Feng et Oranye ne s’appliquent pas en l’instance, parce que les conclusions de la SAR quant au poids à accorder aux affidavits et lettres d’appui ne sont pas fondées sur l’authenticité des documents. La SAR a confirmé la détermination de la SPR que le permis de conduire est frauduleux, mais c’est la seule question d’authenticité.

[40] Par contre, l’analyse de la SAR est plutôt axée sur le contenu des documents, et il est évident que la SAR a tenu compte du contenu de chaque document et a expliqué le poids qu’elle leur a accordé. Par exemple, concernant la lettre écrite par M. Fisseha, la SAR a noté que l’auteur indique qu’il connaît le demandeur depuis qu’ils ont vécu dans le même village en Érythrée, et qu’il a rencontré le demandeur dans le camp de réfugiés en Soudan. En tenant compte de tous ces éléments, la SAR a accordé le document une valeur probante. Mais la SAR a indiqué que la lettre ne donne pas de détails significatifs sur le temps qu’ils ont passé ensemble en Érythrée, et en conséquence la SAR a décidé de l’accorder un poids minimal.

[41] Du même effet, la SAR a examiné le document soumis par M. Okbamariam, notant que l’auteur explique qu’il est le beau-frère du demandeur, et qu’ils se connaissaient depuis leur temps en Érythrée. En tenant compte de ces détails, la SAR a trouvé que le document est d’une valeur probante, mais encore une fois, elle a noté que la lettre ne contient pas de détails significatifs quant à leur vie en Érythrée.

[42] L’analyse de la SAR des deux documents n’était pas une détermination qu’ils ne sont pas authentique, mais plutôt une analyse de leur contenu – ce qu’ils disent, et ne disent pas – qui a mené la SAR à sa conclusion quant au poids à leur donner. Je ne trouve aucune erreur dans cette analyse. Il est clair qu’une lettre de soutien contenant plus de détails sur la relation avec le demandeur, leur histoire et leur vie commune lorsqu’ils étaient jeunes, serait accordée plus de poids qu’une lettre générale ne contenant pas de tels détails.

[43] L’évaluation de la preuve, y compris le poids que chaque élément mérite, est le rôle central de la SAR, et demande un degré de retenu élevé d’une cour de révision. Ce n’est pas le rôle de la cour de faire une évaluation de la preuve à nouveau.

[44] En finale, il faut prendre du recul pour examiner l’analyse qu’a fait la SAR dans son ensemble. Le premier contrôle judiciaire a été accordé parce que la SAR n’a pas expliqué son raisonnement en ce qui concerne les documents d’appui (Woldemichael 2021). Cette fois ci, la SAR a corrigé l’erreur, et je ne trouve aucune erreur dans l’analyse de la SAR, soit en ce qui concerne la carte d’identité ou autres documents soumis par le demandeur, ni par rapport à l’analyse des documents à l’appui. Il faut souligner que, comme enseigne la décision dans Vavilov, au para 125:

Il est acquis que le décideur administratif peut apprécier et évaluer la preuve qui lui est soumise et qu’à moins de circonstances exceptionnelles, les cours de révision ne modifient pas ses conclusions de fait. Les cours de révision doivent également s’abstenir « d’apprécier à nouveau la preuve prise en compte par le décideur…(citations omises)

[45] Je suis d’accord avec le demandeur que l’absence d’explication sur la manière dont la SAR a analysé l’ensemble de la preuve est une faiblesse dans la décision, mais je ne suis pas convaincu que c’était une erreur fatale. Avant et après la discussion de la preuve, la SAR a noté que son analyse est fondée sur l’ensemble de la preuve. La décision incorpore une analyse détaillée de chaque élément de preuve, et les explications de la SAR pour ses conclusions sont transparentes et intelligibles. C’est tout ce que le cadre d’analyse énoncé dans Vavilov exige. La question n’est pas de savoir si la Cour en serait arrivée à la même conclusion, mais bien plutôt de déterminer si la décision de la SAR était raisonnable.

[46] Enfin, en ce qui concerne l’argument selon lequel la SAR n’a pas tenu compte du contexte et des antécédents du demandeur dans son évaluation de ses documents d’identité, il convient de noter deux points. Premièrement, ces antécédents comportent deux parties : son voyage de l’Érythrée au Canada, avec un séjour en Israël, puis son voyage à travers le Mexique jusqu’aux États-Unis, et ensuite son séjour au Canada depuis son arrivée en 2017. Deuxièmement, il incombait au demandeur de démontrer qu’il avait fait des efforts raisonnables pour obtenir des documents d’identité. La SAR a trouvé sa preuve sur ce point inadéquate, et je ne trouve aucune erreur dans l’analyse.

[47] Considérant les motifs qui précèdent, je suis d’avis de rejeter cette demande de contrôle judiciaire. Les parties n’ayant soumis aucune question pour fins de certification, aucune ne sera certifiée.


JUGEMENT au dossier IMM-5760-22

LA COUR STATUE que :

1. La demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

  1. Aucune question n’est certifiée.

« William F. Pentney »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5760-22

INTITULÉ :

TESFAI WOLDU WOLDEMICHAEL c Le ministre de l’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL, QUÉBEC

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 24 mai 2023

JUGEMENT ET MOTIFS :

PENTNEY J.

DATE DES MOTIFS :

LE 4 avril 2024

COMPARUTIONS :

Me Stéphanie Valois

POUR LE DEMANDEUR

Me Simon Dubois

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Avocate

Montréal, Québec

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Montréal, Québec

POUR LE DÉFENDEUR

 

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