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Date : 20230323


Dossier : IMM‐1407‐22

Référence : 2023 CF 406

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 23 mars 2023

En présence de monsieur le juge Henry S. Brown

ENTRE :

KHALIL MAMUT et AMINIGULI AIZEZI

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1] Le demandeur a présenté une demande de résidence permanente en 2015 sous le régime de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c 27 [LIPR]. Étant donné, essentiellement, qu’il attend depuis près de huit ans qu’une décision soit rendue, Khalil Mamut [M. Mamut] a demandé en vertu de la LIPR l’autorisation d’introduire une instance en vue d’obtenir, notamment :

[traduction]

a) une ordonnance sursoyant à une enquête pour raisons de sécurité actuellement en instance, et ce, pour cause de retard excessif et d’abus de procédure, comme l’a envisagé la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Blencoe c Colombie‐Britannique (Human Rights Commission), 2000 CSC 44, ainsi qu’une ordonnance prescrivant au défendeur de procéder au traitement de sa demande de résidence permanente, conformément à l’alinéa 18.1(3)b) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‐7 [Loi sur les Cours fédérales];

  • b)subsidiairement, une ordonnance de mandamus, conformément à l’alinéa 18.1(3)a) de la Loi sur les Cours fédérales, obligeant le défendeur à se prononcer sur l’admissibilité de M. Mamut et à traiter la demande de résidence permanente qu’il a présentée en vertu de la LIPR dans les 30 jours suivant la date de l’ordonnance de la Cour; [...]

I. Le contexte

[2] M. Mamut a été gardé en détention pendant sept ans à Guantanamo Bay par les autorités militaires américaines, qui le soupçonnaient d’être un combattant ennemi des États‐Unis. Le 7 octobre 2008, la Cour de circuit du District de Columbia a levé le statut de combattant ennemi qui lui était imputé, concluant qu’il n’y avait aucune preuve qu’il constituait un danger quelconque pour les États‐Unis ou leurs alliés. Cette conclusion n’a pas été infirmée. M. Mamut a par la suite été libéré de Guantanamo Bay. Il a déménagé aux Bermudes en 2009, où il vit depuis lors.

[3] L’épouse de M. Mamut, la demanderesse [Mme Aizezi], et leurs quatre jeunes enfants, vivent à Toronto. Son épouse et son fils aîné sont des personnes protégées et des résidents permanents du Canada, ayant obtenu le statut de réfugié et, par la suite, le statut de résident permanent. Les trois autres enfants sont citoyens canadiens de naissance. Mme Aizezi s’est rendue aux Bermudes et a séjourné avec M. Mamut à quelques reprises.

[4] Mme Aizezi a sollicité le statut de résident permanent le 5 juin 2015, et elle a inclus M. Mamut à titre de personne à charge l’accompagnant. La demande de Mme Aizezi et de son premier enfant a été approuvée en 2017, mais celle de M. Mamut est en cours de traitement depuis ce temps. Au mois de juin prochain, cela fera huit ans qu’il attend.

II. L’historique procédural en général

[5] Du point de vue procédural, les demandeurs ont déposé leur demande d’autorisation en 2022. Le juge Elliott a rendu une ordonnance de production datée du 21 octobre 2022, obligeant le défendeur à produire son dossier certifié du tribunal [DCT], et ce, en application du paragraphe 40 des Lignes directrices consolidées et de citoyenneté de la Cour, datées du 24 juin 2022. L’objet d’une ordonnance de production de cette nature est de donner aux parties du temps pour discuter des options de règlement en bénéficiant d’un dossier le plus complet possible, avant qu’une autorisation soit accordée par la voie d’une ordonnance ultérieure, laquelle peut accorder l’autorisation demandée et fixer des dates en vue de la production de documents supplémentaires ainsi que la date de l’audience relative au contrôle judiciaire.

[6] L’autorisation demandée n’a pas encore été accordée.

[7] Il s’agit d’une affaire d’immigration qui, comme je l’ai déjà mentionné, relève de la LIPR. L’ordonnance de production a été rendue en vertu de l’article 14 des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS93‐22 [Règles en matière d’immigration], lequel oblige le ministre défendeur à produire des documents qu’il a en sa possession ou sous sa garde et dont un juge ordonne la production. Aux termes de l’article 17 des Règles en matière d’immigration, le DCT inclut « tous les documents pertinents qui sont en la possession ou sous la garde du tribunal administratif ».

[8] Le ministre défendeur s’est opposé à ce que l’on divulgue des parties de plusieurs documents et il l’a fait en invoquant l’article 87 de la LIPR, qui autorise notre Cour à dégager le ministre défendeur de son obligation de divulgation si cette mesure porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui.

[9] L’ordonnance de production du juge Elliott précise qu’elle ne s’applique pas si le ministre envisage de présenter une demande fondée sur l’article 87 de la LIPR ou d’engager une autre instance de non‐divulgation, comme c’est le cas en l’espèce. De ce fait, agissant en vertu de l’article 14 des Règles en matière d’immigration, ainsi que de la compétence inhérente de la Cour à l’égard de sa procédure, j’ai ordonné au défendeur, par la voie d’une directive datée du 1er février 2023, de signifier et de déposer une copie publique du DCT dans laquelle serait caviardées les informations dont la divulgation, aux dires du défendeur, porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui.

[10] Je signale que le procureur général du Canada, qui représente le défendeur, a érigé les barrières de non‐divulgation habituelles, confiant à un avocat les questions contenues dans le dossier public et à un avocat différent les questions visées par l’article 87. Les deux travaillent indépendamment l’un de l’autre. L’avocat qui représente le ministre du côté public, d’après ce que j’ai compris, ne voit pas les documents confidentiels visés par l’article 87 que dépose le défendeur, et cela explique peut‐être en partie le manque de clarté de la position du défendeur qui est énoncée ci‐après.

[11] Les demandeurs ont déposé une réponse écrite à la requête en non‐divulgation fondée sur l’article 87 du ministre, demandant qu’elle soit rejetée parce que, à leur avis, les informations caviardées seraient essentielles pour trancher leur demande. Ils ont demandé, subsidiairement, que la Cour nomme un avocat spécial pour défendre leurs intérêts dans le cadre de toute instance tenue ex parte et à huis clos devant la Cour.

[12] Les requêtes fondées sur l’article 87 sont habituellement tranchées par notre Cour une fois que le défendeur a déposé des copies non caviardées et confidentielles du DCT, après quoi la Cour peut tenir une audience publique sur la gestion de l’instance pour passer en revue les questions de base, et, ensuite, une audience confidentielle, à huis clos et ex parte, pour se prononcer sur le bien‐fondé des objections relatives à la divulgation que le défendeur a formulées en vertu de l’article 87.

[13] Jusque‐là, il n’y avait rien eu d’inusité dans la présente affaire.

III. Des questions de procédure spéciales dans la présente affaire

[14] En passant en revue les documents non caviardés déposés par l’avocat chargé des questions visées par l’article 87, je me suis rendu compte qu’un document passablement long, de 12 pages, avait été intégralement caviardé. Le dépôt de ce document caviardé avec les documents visés par l’article 87 qui n’étaient pas caviardés n’était pas clairement expliqué, sauf que des revendications du privilège des délibérations ou, subsidiairement, des renvois à une non‐divulgation fondée sur l’article 87 étaient indiqués. Dans une lettre antérieure, l’avocat avait également fait mention de la possibilité d’une demande d’opposition en vertu de l’article 37 de la Loi sur la preuve au Canada, LRC, 1985, c C‐5 (pour des raisons d’« intérêt public »).

[15] Dans les affaires qui mettent en cause l’article 87, je considère qu’il est généralement utile de tenir une conférence publique de gestion de l’instance avant de passer aux décisions sur le fond, comme il est indiqué dans la décision Khowaja c Canada (Citoyenneté et Immigration) 2021 CF 1473 :

[4] Après avoir reçu la requête [fondée sur l’article 87], j’ai convoqué une audience publique sur la gestion de l’instance le 9 novembre 2021, au cours de laquelle j’ai examiné au profit des parties la nature et le déroulement d’une requête présentée en vertu de l’article 87. J’ai informé les parties que j’examinerais l’affaire en deux étapes : d’abord dans le cadre d’une audience publique, puis d’une audience à huis clos. J’ai indiqué aux parties que, lors de l’audience publique, je me pencherais sur les documents publics qu’elles ont déposés et sur leurs observations de vive voix. Les questions à examiner comprendraient les questions pertinentes pour l’audience à huis clos que les parties pourraient soulever, dont le bon ou les bons critères à appliquer, l’opportunité de nommer un avocat spécial pour aider la Cour (compte tenu de l’absence requise de l’avocate du demandeur), le ou les critères que la Cour doit appliquer pour son examen des caviardages de même que des mesures spéciales. J’ai également informé les avocats que, lors de la seconde audience (ex parte et à huis clos), en l’absence du demandeur ou de son avocate, j’examinerais les versions non caviardées des pages que le défendeur souhaite faire caviarder, j’entendrais les observations de l’avocat du défendeur présent à l’audience ex parte, puis je rendrais une décision relativement à la requête. Je leur ai également indiqué que d’autres renseignements courants devraient être caviardés dans le DCT, tels que les noms des fonctionnaires concernés.

[5] Je note que le défendeur est représenté par deux avocats : (1) un avocat public qui n’aura pas accès au contenu caviardé et (2) un avocat présent à l’audience ex parte qui pourra accéder au contenu caviardé. Les deux avocats étaient présents à l’audience sur la gestion de l’instance le 9 novembre 2021. Il y a une barrière éthique entre l’avocat public du défendeur et l’avocat du défendeur présent à l’audience ex parte quant à l’interdiction de divulgation.

[16] Une réunion publique de gestion de l’instance permet à la Cour de voir le dossier complet et d’évaluer tout le contexte dans lequel une instance en matière de non‐divulgation pourrait évoluer. Une audience publique sur la gestion de l’instance est utile elle aussi parce que, selon mon expérience, il y a des avocats – pas en l’espèce, toutefois – qui n’ont jamais eu affaire auparavant à une instance confidentielle fondée sur l’article 87 de la LIPR.

[17] Une audience publique préliminaire de cette nature permet également à la Cour d’expliquer en public de quelle manière elle entend aborder les questions en litige et ce qui est en jeu, et de décrire les mesures qu’elle prendra, comme il a été mentionné plus tôt. Cela est important car une instance relative au fond d’une requête déposée en vertu de l’article 87 est tout à fait confidentielle et se tient à huis clos et ex parte. De plus, bien que la Cour entende l’avocat représentant le ministre pour les questions visées par l’article 87, elle n’entendra pas celui qui représente le demandeur, pas plus que l’avocat public qui représente le ministre, sauf par le truchement des documents publics qu’il dépose, lesquels, bien sûr, ne traitent pas d’informations confidentielles.

[18] Cependant, la LIPR autorise la Cour à nommer un avocat spécial rémunéré (et approuvé) par l’État pour défendre les intérêts d’un ou plusieurs demandeurs par ailleurs non représentés dans le cadre de l’instance confidentielle. La nomination de cet avocat n’est pas obligatoire et relève du pouvoir discrétionnaire de la Cour. Dans bien des affaires, la Cour ne nomme pas d’avocat spécial parce que, pour les juges désignés, les caviardages sont une question de nature courante.

[19] Il est important aussi de garder à l’esprit que l’alinéa 73(2)d) de la LIPR oblige les juges à statuer sur les demandes « à bref délai et selon la procédure sommaire ». Il s’agit là d’une exigence pertinente, comme nous le verrons plus loin.

A. L’audience sur la gestion de l’instance : quel processus suivre?

[20] Dans divers documents écrits qui ont été déposés avant l’audience publique sur la gestion de l’instance, l’avocat public du défendeur a indiqué que le ministre revendiquait le privilège des délibérations – un privilège qui n’est pas d’origine législative, mais qui est fondé sur la common law. Il semblait – mais cela n’était pas clair – qu’il se pouvait que l’avocat public revendique le privilège des délibérations à l’égard des 12 pages caviardées qu’avait déposées l’avocat chargé des questions visées par l’article 87. Il est ressorti de l’examen que la Cour a fait des documents déposés au greffe des instances désignées que les 12 pages de texte entièrement caviardées pourraient mettre en jeu, subsidiairement, des demandes fondées sur l’article 87.

[21] Une réunion publique de gestion de l’instance a été fixée au 3 février 2023. Cependant, la date approchant, la Cour s’est dite préoccupée par l’utilité d’une telle audience étant donné que : a) les avocats des demandeurs n’avaient pas encore reçu leur copie caviardée du DCP, b) le défendeur avait établi une copie caviardée du DCT, mais il ne l’avait pas encore signifiée ou déposée vu qu’aucune exigence de cette nature n’avait été encore formulée, c) ni l’avocat public ni l’avocat chargé des questions visées par l’article 87 n’avait fourni à la Cour des copies non caviardées de tous les documents dont on aurait pu demander la non‐divulgation, et d) en commun avec les demandeurs, la Cour n’avait même pas encore reçu une copie caviardée du DCT.

[22] En conséquence, la Cour a annulé l’audience publique sur la gestion de l’instance qui était fixée au 3 février 2023 et elle a ordonné la signification et le dépôt d’un DCT caviardé et le dépôt d’un DCT non caviardé avant le 6 février 2023, après quoi la réunion publique de gestion de l’instance pourrait avoir lieu le 9 février 2023. L’objectif était d’accorder aux parties et à la Cour du temps pour se préparer adéquatement en vue de l’audience publique sur la gestion de l’instance, qui avait été reportée :

[traduction]

Il est ordonné au défendeur de signifier et de déposer sa version caviardée du DCT auprès de la Cour, et de déposer une copie non caviardée de son DCT, de pair avec la totalité des pièces connexes, auprès de l’installation protégée de la Cour, le tout avant la fin de la journée ouvrable du lundi 6 février 2023.

En présumant que cela sera fait, la CGC pourra avoir lieu à une heure qui conviendra aux parties le 9 février 2023.

[23] Le défendeur a signifié aux demandeurs et déposé son DCT caviardé, tel qu’exigé.

[24] Il convient de signaler que ni l’avocat public ni l’avocat chargé des questions visées par l’article 87 ne se sont conformés à la directive de la Cour du 1er février 2023, qui exigeait que la totalité des documents non caviardés soit déposée.

[25] L’avocat public du défendeur a déposé des observations écrites le 2 février 2023 au sujet du processus à suivre pour déterminer les demandes de non‐divulgation de documents pour cause d’une revendication du privilège des délibérations, d’une demande d’interdiction en vertu de l’article 87 ou d’une opposition fondée sur l’article 37 de la Loi sur la preuve au Canada.

[26] Il a semblé que les processus que suggérait le défendeur puissent être contraires aux pratiques établies de la Cour lorsqu’elle est saisie d’une instance fondée sur l’article 87, et peut‐être contraires aussi à un certain nombre d’arrêts de la Cour d’appel fédérale. À cet égard, l’avocat public a invoqué quelques décisions des cours supérieures de l’Ontario, de la Nouvelle‐Écosse et du Nouveau‐Brunswick, en plus d’un arrêt de la Cour suprême du Canada. Il a fait valoir que la jurisprudence établit une procédure à suivre dans les cas où il y a revendication d’un privilège de common law. Il en est question plus loin.

[27] Compte tenu de ce qui précède, ainsi que de la jurisprudence contraire de la Cour d’appel fédérale qui porte directement sur les revendications du « privilège des délibérations » (aussi appelé « confidentialité des délibérations »), la Cour a voulu savoir pourquoi, dans le cas de la présente revendication du privilège des délibérations, il ne fallait pas qu’elle suive la Cour d’appel fédérale. C’est ainsi que, par une directive datée du 3 février 2023, les avocats ont été invités à faire part de leurs commentaires sur la question du processus à suivre pour l’audience publique sur la gestion de l’instance, fixée au 9 février 2023 :

[traduction]

Avant cette audience, la Cour invite les avocats à passer en revue l’arrêt Tsleil‐Waututh c Canada (Procureur général), 2017 CAF 128, et surtout le paragraphe 90, qui porte notamment sur les revendications de « confidentialité des délibérations », comme celle qu’a avancée l’avocat du défendeur dans le courriel public d’hier. J’attire également l’attention des avocats sur les sources supplémentaires qui sont mentionnées au paragraphe 90 des motifs de la Cour d’appel fédérale : « [90] Aux termes de l’article 318, le décideur administratif peut s’opposer à la production de ces éléments matériels. Généralement, cette objection est fondée sur la pertinence, la confidentialité des délibérations, le secret professionnel de l’avocat ou un privilège d’intérêt public. L’objection est alors examinée par la cour de la manière précisée dans des affaires comme Lukács c. Canada (Office des transports), 2016 CAF 103 et Bernard c. Alliance de la Fonction Publique du Canada et Conseil du Trésor, 2017 CAF 35 ». [Non souligné dans l’original.]

J’apprécierais que l’on me fasse savoir pourquoi notre Cour ne devrait pas suivre ce que la Cour d’appel fédérale a décidé au sujet de la méthode précisée dans les affaires susmentionnées.

[28] L’audience publique sur la gestion de l’instance a eu lieu le 9 février 2023. Les discussions ont porté sur le processus à suivre, et non sur le bien‐fondé des revendications de privilège et la non‐divulgation.

[29] L’avocat public a exprimé l’avis que quelques documents sont à ce point confidentiels que même la Cour ne peut pas les voir, conformément à ce que la Cour d’appel fédérale a décidé dans l’arrêt Lukács c Canada (Office des transports), 2016 CAF 103 [Lukács], le juge Stratas, aux paragraphes 15 et 16 :

[15] Compte tenu de ces articles des Règles et de cette compétence, lorsqu’elle doit décider d’une opposition aux termes de l’article 318, la Cour n’est pas limitée à la simple confirmation ou au simple rejet de l’opposition du décideur administratif concernant la transmission des documents. La Cour peut trouver une solution qui atteint et concilie, dans la mesure du possible, les trois objectifs suivants : (1) un examen valable des décisions administratives conformément à l’article 3 des Règles et à l’article 18.4 de la Loi sur les Cours fédérales ainsi qu’aux principes énoncés aux paragraphes 6 et 7 qui précèdent; (2) l’équité procédurale; (3) la protection de tout intérêt légitime à l’égard de la confidentialité tout en garantissant la plus grande publicité possible conformément aux principes de la Cour suprême énoncés dans l’arrêt Sierra Club du Canada, précité. [...]

[16] Lorsqu’il y a un intérêt légitime à l’égard de la confidentialité qui pourrait étayer une opposition à l’inclusion d’un document dans le dossier, la Cour doit se demander à l’égard de qui le document doit demeurer confidentiel. Il s’agit peut‐être de renseignements confidentiels qui ne doivent pas être rendus publics, mais auxquels le demandeur et la Cour pourraient avoir accès sous certaines conditions. Il se peut que la seule partie qui puisse avoir accès aux renseignements confidentiels soit la Cour, mais qu’un résumé bénin des renseignements puisse être déposé aux fins d’un examen valable, garantissant autant que possible l’équité procédurale et la publicité. Dans d’autres cas, l’opposition peut être telle que la confidentialité inconditionnelle doit être maintenue, y compris à l’égard de la Cour. Le secret professionnel de l’avocat en est un exemple.

[Non souligné dans l’original.]

[30] L’avocat chargé des questions visées par l’article 87 a fait savoir à la Cour (pour la première fois) que l’avocat public revendiquait bel et bien le privilège des délibérations à l’égard du document caviardé de 12 pages et que, si cette mesure échouait, seuls 72 mots (de la version anglaise du document) feraient l’objet d’une requête en non‐divulgation en vertu de l’article 87 de la LIPR. Il y avait lieu de se féliciter de cet éclaircissement, et je ne suis pas sûr de la raison pour laquelle celui-ci n’a pas été mentionné au départ.

[31] En passant, mais à cet égard aussi, dans sa réplique à la requête déposée en vertu de l’article 87 du défendeur, l’avocat public a déclaré que les caviardages réclamés n’étaient [TRADUCTION] « pas considérables ou importants », ajoutant à cette déclaration la note de bas de page qui suit : [TRADUCTION] « Le défendeur signale qu’il y a d’autres caviardages dans le DCT à cause du privilège des délibérations en common law ». Nulle part l’avocat public n’a‐t‐il indiqué que les caviardages liés à la revendication du privilège des délibérations englobaient les 12 pages caviardées. J’ai signalé à l’audience que d’aucuns pourraient ne pas être d’accord avec le fait que l’on dise que 12 pages de caviardages ce n’était tout simplement [TRADUCTION] « pas considérable ou important ». Si j’ai formulé cette observation c’est parce qu’il est bien établi que les avocats (de même que les déposants) qui prennent part à des demandes instruites à huis clos et ex parte comme celles qui tombent sous le coup de l’article 87 sont soumis à une obligation de franchise et doivent donc prendre soin de ne pas présenter sous un faux jour aux demandeurs la nature de documents confidentiels – des demandeurs qui ne sont pas autorisés à soulever le voile des déclarations des avocats. Le défendeur doit prendre soin de ne pas induire en erreur les demandeurs ou de dénaturer ce qui leur est dit.

[32] La question qu’il faut maintenant régler est celle de savoir comment procéder pour trancher les demandes du défendeur quant à la non‐divulgation de documents inclus dans le DCT, qu’il s’agisse d’une demande faite en vertu de l’article 87 de la LIPR pour atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui, d’une revendication du privilège des délibérations en common law ou d’une opposition pour des « raisons d’intérêt public » au sens de l’article 37 de la Loi sur la preuve au Canada.

[33] Deux options ont été débattues au sujet des revendications du privilège des délibérations et de toute demande fondée sur l’article 37.

[34] D’une part, le défendeur a incité la Cour à adopter des processus mis au point dans certains ressorts de common law, soutenant en fait qu’il convenait d’utiliser des processus de common law émanant de diverses provinces pour évaluer devant la Cour fédérale une revendication du privilège des délibérations fondée sur la common law. L’avocat a invoqué les arrêts suivants : Ellis‐Don Ltd c Ontario (Commission des relations de travail), 2001 CSC 4 au para 52; R c Richards (1997), 34 OR (3d) 244 (CAO); Payne c Ontario Human Rights Commission (2000), 192 DLR (4th) 315 (CAO) [Payne] aux para 85, 96, 100, 104 et 172; R c Pilotte (2002), 156 OAC 1 (CAO) au para 43; Cherubini Metal Works Ltd c Nova Scotia (Attorney General), 2007 NSCA 37 [Cherubini] aux para 14‐22 et Procureur général du Nouveau-Brunswick c The Dominion of Canada General Insurance Company, 2010 NBCA 82 au para 40.

[35] Je signale que le défendeur n’a invoqué à l’appui de ses observations aucune source émanant de la Cour fédérale ou de la Cour d’appel fédérale. Il n’a pas non plus fait référence à de la jurisprudence émanant du Québec ou traitée dans cette province, et qui, selon la théorie du défendeur, pourrait faire entrer en jeu – ou non – un processus tout à fait différent.

[36] Essentiellement, se rapportant à la jurisprudence provinciale, le défendeur a fait valoir que les demandeurs devraient être tenus de déposer une requête et de convaincre la Cour que, sans les documents censément protégés par le privilège des délibérations, ils ne sont pas en mesure de justifier un sursis ou une ordonnance de mandamus. Ils le feraient sans savoir ce que le défendeur ne leur communique pas. Je signale que cette formulation du critère pourrait les obliger à prouver un élément négatif – ce qui n’est jamais facile – et ajouter une étape de plus à l’instance, avec les délais que cela impliquerait.

[37] Le défendeur a également soutenu que les demandeurs doivent surmonter un obstacle important pour obtenir une ordonnance autorisant à interroger un décideur [Payne et Cherubini]. Voilà une chose avec laquelle la Cour ne saurait guère être en désaccord. Toutefois, et ceci étant dit en toute déférence, chacun sait qu’il ne s’agit pas là de la question dont la Cour est saisie. Personne ne cherche à contre‐interroger le décideur en l’espèce, ce qui, si c’était le cas, serait une mesure des plus extraordinaires à prendre et pourrait fort bien mettre en jeu un seuil d’un niveau relativement élevé. Tout ce dont dispose maintenant la Cour sont des documents et des parties de documents que le défendeur ne souhaite pas que le demandeur ou la Cour voie, du moins pas pour le moment.

[38] En outre, le défendeur demande à la Cour d’énoncer le critère qui s’applique pour déterminer le bien‐fondé de ses diverses demandes visant à éviter la divulgation de documents censément confidentiels qui se trouvent dans le DCT. Il me semble toutefois que le critère applicable est un point qui peut être soulevé au moment où l’on examine effectivement le bien‐fondé.

[39] Il convient également de signaler que nul ne laisse entendre qu’aucun des ressorts provinciaux d’où émane la jurisprudence qu’invoque le défendeur ne dispose de quoi que ce soit qui se rapproche un tant soit peu du genre de mécanisme exhaustif qui permettrait de déterminer le contenu d’un DCT, et de régler les différends connexes qui surviennent dans des affaires d’immigration engagées en vertu de la LIPR, comme ceux que suscite la présente affaire.

[40] En fait, on ne sait pas clairement quelles sont les règles provinciales qui permettent de déterminer le contenu d’un DCT, ni de régler les différends, ce qui est la question dont la Cour est maintenant saisie. Tout ce que je puis déterminer à partir des documents que le défendeur a produits est que les processus soumis à notre examen sont établis par les juges.

[41] Cependant, cela n’est pas la nature du régime dans le cadre duquel la Cour fédérale traite du contenu d’un DCT, ou des différends qui s’y rapportent, dans le contexte de l’immigration. Ce régime est entièrement établi par la loi et énoncé dans deux séries complémentaires et harmonieuses de règles de la Cour fédérale, qui découlent de deux lois fédérales et qui ont été édictées en lien avec celles‐ci.

[42] La première série de règles de la Cour fédérale, comme je l’ai signalé plus tôt, sont les divers articles des Règles en matière d’immigration, dont l’article 14. Cet article exige que le tribunal administratif (comme le défendeur) produise les documents qu’il a en sa possession ou sous sa garde qu’un juge ordonne. Il s’applique à l’étape de l’autorisation de pair avec l’article 17 des Règles en matière d’immigration, lequel entre en jeu après que l’autorisation a été accordée et précise que le DCT inclut « tous les documents pertinents qui sont en la possession ou sous la garde du tribunal administratif ». Ces articles s’appliquent de la même façon aux demandes de sursis, d’ordonnance de mandamus et de contrôle judiciaire qui sont présentées en vertu de la LIPR.

[43] Le texte des articles 14 à 17 des Règles en matière d’immigration est le suivant :

Décision sur la demande d’autorisation

Disposition of Application for Leave

14 (1) Dans l’un ou l’autre des cas suivants :

14 (1) Where

a) une partie n’a pas signifié et déposé un document dans le délai imparti, conformément aux présentes règles,

(a) any party has failed to serve and file any document required by these Rules within the time fixed, or

b) le mémoire en réplique du demandeur a été déposé, ou le délai de dépôt de celui‐ci est expiré, un juge peut, sans autre avis aux parties, statuer sur la demande d’autorisation à la lumière des documents déposés.

(b) the applicant reply memorandum has been filed, or the time for filing it has expired, a judge may, without further notice to the parties, determine the application for leave on the basis of the materials then filed.

(2) Dans le cas où le juge décide que les documents en la possession ou sous la garde du tribunal administratif sont nécessaires pour décider de la demande d’autorisation, il peut, par ordonnance, spécifier les documents à produire et à déposer, et donner d’autres instructions qu’il estime nécessaires à cette décision.

(2) Where the judge considers that documents in the possession or control of the tribunal are required for the proper disposition of the application for leave, the judge may, by order, specify the documents to be produced and filed and give such other directions as the judge considers necessary to dispose of the application for leave.

(3) Le greffe envoie sans délai au tribunal administratif une copie de l’ordonnance rendue en vertu du paragraphe (2).

(3) The Registry shall, without delay after an order is made under subrule (2), send a copy of the order to the tribunal.

(4) Dès réception de l’ordonnance rendue en vertu du paragraphe (2), le tribunal administratif envoie à chacune des parties une copie des documents spécifiés, certifiée conforme par un fonctionnaire compétent, et au greffe de la Cour deux copies de ces documents.

(4) Upon receipt of an order under subrule (2), the tribunal shall, without delay, send a copy of the materials specified in the order, duly certified by an appropriate officer to be correct, to each of the parties, and two copies to the Registry.

15 (1) L’ordonnance faisant droit à la demande d’autorisation :

15 (1) An order granting an application for leave

a) spécifie la langue ainsi que la date et le lieu fixés pour l’audition de la demande de contrôle judiciaire;

(a) shall specify the language and the day and place fixed for the hearing of the application for the judicial review;

b) spécifie le délai accordé au tribunal administratif pour envoyer des copies de son dossier, prévu à la règle 17;

(b) shall specify the time limit within which the tribunal is to send copies of its record required under Rule 17;

c) spécifie le délai de signification et de dépôt d’autres documents, le cas échéant, dont les affidavits, la transcription des contre‐interrogatoires et les mémoires;

(c) shall specify the time limits within which further materials, if any, including affidavits, transcripts of cross‐examinations, and memoranda of argument are to be served and filed;

d) spécifie le délai dans lequel les contre‐interrogatoires sur les affidavits, le cas échéant, doivent être terminés;

(d) shall specify the time limits within which cross‐examinations, if any, on affidavits are to be completed; and

e) peut spécifier toute autre question que le juge estime nécessaire ou pratique pour l’audition de la demande de contrôle judiciaire.

(e) may specify any other matter that the judge considers necessary or expedient for the hearing of the application for the judicial review.

(2) Le greffe envoie sans délai au tribunal administratif une copie de l’ordonnance visée au paragraphe (1).

(2) The Registry shall, without delay after an order is made under subrule (1), send a copy of the order to the tribunal.

(3) [Abrogé, DORS/2021‐149, art. 9]

(3) [Repealed, SOR/2021‐149, s. 9]

16 Lorsque la demande d’autorisation est accueillie, le greffe garde les documents déposés à l’occasion de la demande, pour que le juge puisse en tenir compte à l’audition de la demande de contrôle judiciaire.

16 Where leave is granted, all documents filed in connection with the application for leave shall be retained by the Registry for consideration by the judge hearing the application for the judicial review.

Production du dossier du tribunal administratif

Obtaining Tribunal Record

17 Dès réception de l’ordonnance visée à la règle 15, le tribunal administratif constitue un dossier composé des pièces suivantes, disposées dans l’ordre suivant sur des pages numérotées consécutivement :

17 Upon receipt of an order under Rule 15, a tribunal shall, without delay, prepare a record containing the following, on consecutively numbered pages and in the following order:

a) la décision, l’ordonnance ou la mesure visée par la demande de contrôle judiciaire, ainsi que les motifs écrits y afférents;

(a) the decision or order in respect of which the application for the judicial review is made and the written reasons given therefor,

b) tous les documents pertinents qui sont en la possession ou sous la garde du tribunal administratif,

(b) all relevant documents that are in the possession or control of the tribunal,

c) les affidavits et autres documents déposés lors de l’audition,

(c) any affidavits, or other documents filed during any such hearing, and

d) la transcription, s’il y a lieu, de tout témoignage donné de vive voix à l’audition qui a abouti à la décision, à l’ordonnance, à la mesure ou à la question visée par la demande de contrôle judiciaire,

(d) a transcript, if any, of any oral testimony given during the hearing, giving rise to the decision or order or other matter that is the subject of the application for the judicial review,

dont il envoie à chacune des parties une copie certifiée conforme par un fonctionnaire compétent et au greffe deux copies de ces documents.

and shall send a copy, duly certified by an appropriate officer to be correct, to each of the parties and two copies to the Registry.

[44] La seconde série de règles législatives de la Cour fédérale qui s’appliquent aux instances engagées devant la Cour fédérale est les Règles des Cours fédérales, DORS/98‐106, adoptées en vertu de la Loi sur les Cours fédérales, LRC, 1985, c F‐7, dans sa forme modifiée. Notamment, et à mon humble avis, les dispositions des Règles en matière d’immigration concordent avec les articles 317 et 318 des Règles des Cours fédérales, qui portent à la fois sur l’accès aux DCT (art 317) et au règlement des différends entre les parties quant au contenu d’un DCT caviardé et non caviardé (art 318(2) et suivants).

[45] Le texte des articles 317 et 318 des Règles des Cours fédérales est le suivant :

Matériel en la possession de l’office fédéral

Material from tribunal

317 (1) Toute partie peut demander la transmission des documents ou des éléments matériels pertinents quant à la demande, qu’elle n’a pas, mais qui sont en la possession de l’office fédéral dont l’ordonnance fait l’objet de la demande, en signifiant à l’office une requête à cet effet puis en la déposant. La requête précise les documents ou les éléments matériels demandés.

317 (1) A party may request material relevant to an application that is in the possession of a tribunal whose order is the subject of the application and not in the possession of the party by serving on the tribunal and filing a written request, identifying the material requested.

Demande inclue dans l’avis de demande

Request in notice of application

(2) Un demandeur peut inclure sa demande de transmission de documents dans son avis de demande.

(2) An applicant may include a request under subsection (1) in its notice of application.

Signification de la demande de transmission

Service of request

(3) Si le demandeur n’inclut pas sa demande de transmission de documents dans son avis de demande, il est tenu de signifier cette demande aux autres parties.

(3) If an applicant does not include a request under subsection (1) in its notice of application, the applicant shall serve the request on the other parties.

Documents à transmettre

Material to be transmitted

318 (1) Dans les 20 jours suivant la signification de la demande de transmission visée à la règle 317, l’office fédéral transmet :

318 (1) Within 20 days after service of a request under rule 317, the tribunal shall transmit

a) au greffe et à la partie qui en a fait la demande une copie certifiée conforme des documents en cause;

(a) a certified copy of the requested material to the Registry and to the party making the request; or

b) au greffe les documents qui ne se prêtent pas à la reproduction et les éléments matériels en cause.

(b) where the material cannot be reproduced, the original material to the Registry.

Opposition de l’office fédéral

Objection by tribunal

(2) Si l’office fédéral ou une partie s’opposent à la demande de transmission, ils informent par écrit toutes les parties et l’administrateur des motifs de leur opposition.

(2) Where a tribunal or party objects to a request under rule 317, the tribunal or the party shall inform all parties and the Administrator, in writing, of the reasons for the objection.

Directives de la Cour

Directions as to procedure

(3) La Cour peut donner aux parties et à l’office fédéral des directives sur la façon de procéder pour présenter des observations au sujet d’une opposition à la demande de transmission.

(3) The Court may give directions to the parties and to a tribunal as to the procedure for making submissions with respect to an objection under subsection (2).

Ordonnance

Order

(4) La Cour peut, après avoir entendu les observations sur l’opposition, ordonner qu’une copie certifiée conforme ou l’original des documents ou que les éléments matériels soient transmis, en totalité ou en partie, au greffe.

(4) The Court may, after hearing submissions with respect to an objection under subsection (2), order that a certified copy, or the original, of all or part of the material requested be forwarded to the Registry.

[46] Ces dispositions complémentaires des Règles en matière d’immigration et des Règles des Cours fédérales s’appliquent dans le cas d’une instance telle que la présente, relativement à l’obtention d’une réparation à l’égard de questions relevant de la LIPR, dont, notamment, les sursis, les ordonnances de mandamus et les contrôles judiciaires.

[47] J’estime en toute déférence que ces deux séries de règles de la Cour fédérale créent une procédure utile pour la production d’un DCT dans le cadre d’une affaire qui relève de la LIPR. Fait important pour la présente instance, ces deux séries de règles (de pair avec la compétence inhérente de la Cour) permettent également à la Cour d’établir des processus permettant de trancher des opinions différentes quant aux éléments qui devraient être produits – ou non – dans un DCT caviardé ou non caviardé. Il y a, de plus, une souplesse considérable dans la manière dont les différends peuvent être examinés et réglés : voir l’arrêt Lukács, au para 14.

[48] Il n’est donc pas surprenant qu’il existe déjà une jurisprudence considérable de la Cour d’appel fédérale à propos de la manière d’évaluer et de trancher une revendication du privilège des délibérations.

[49] À titre de rappel, avant l’audience publique sur la gestion de l’instance, la Cour a demandé aux avocats d’indiquer pourquoi elle ne devrait pas suivre la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale : voir la directive du 3 février 2023.

[50] Après réception et examen d’observations à la fois écrites et orales, je ne suis pas convaincu qu’il y a lieu de s’écarter de la jurisprudence actuelle de la Cour d’appel fédérale.

[51] Premièrement, dans l’arrêt de la Cour d’appel fédérale Tsleil‐Waututh Nation c Canada (Procureur général), 2017 CAF 128, au paragraphe 90, le juge Stratas traite directement de la question de la « confidentialité des délibérations » (le même privilège exactement que celui qu’invoque le défendeur) et il conclut : « [l’]objection [concernant la confidentialité des délibérations, notamment] est alors examinée [par la cour] de la manière précisée » dans des arrêts antérieurs de la Cour d’appel fédérale mais, essentiellement, en suivant les articles 317 et 318 des Règles des Cours fédérales, qui sont conçus pour examiner et trancher les différends relatifs à un DCT. Comme l’écrit la Cour d’appel fédérale :

[90] Aux termes de l’article 318, le décideur administratif peut s’opposer à la production de ces éléments matériels. Généralement, cette objection est fondée sur la pertinence, la confidentialité des délibérations, le secret professionnel de l’avocat ou un privilège d’intérêt public. L’objection est alors examinée par la cour de la manière précisée dans des affaires comme Lukács c. Canada (Office des transports), 2016 CAF 103 et Bernard c. Alliance de la Fonction Publique du Canada et Conseil du Trésor, 2017 CAF 35.

[Non souligné dans l’original.]

[52] À noter qu’il est fait expressément référence aux revendications relatives à la « confidentialité des délibérations ».

[53] Le second arrêt pertinent de la Cour d’appel fédérale est Lukács, où le juge Stratas donne plus d’informations sur l’article 318 des Règles. À mon avis, la Cour d’appel fédérale traite de la situation dont il est question en l’espèce :

[8] Examinons maintenant les oppositions en vertu du paragraphe 318(2). Lorsque le décideur administratif (ici l’Office) s’oppose, aux termes du paragraphe 318(2), à la transmission d’une partie ou de l’intégralité des documents demandés en vertu de l’article 317 et que le demandeur ne conteste pas cette opposition, ceux‐ci ne sont pas transmis. Cependant, dans les cas où, comme en l’espèce, le demandeur conteste une telle opposition, le demandeur ou le décideur administratif peut demander à la Cour de fournir des directives sur la façon de procéder pour présenter des observations : voir le paragraphe 318(3).

[9] En réponse à une demande de directives, la Cour peut, à la lecture des motifs d’opposition du décideur administratif, juger que l’opposition ne peut être retenue. Dans ce cas, elle peut rejeter l’opposition de façon sommaire et exiger du décideur administratif qu’il transmette les documents en vertu du paragraphe 318(1) dans le délai qu’elle fixe.

[10] Lorsque l’opposition aux termes du paragraphe 318(2) a une certaine légitimité, la Cour peut demander aux parties de présenter des observations selon un échéancier précis. Il peut cependant arriver que la Cour n’ait pas besoin que d’observations; il peut y avoir un doute réel ou une certaine complexité, ou il se peut que les parties doivent présenter des éléments de preuve pour étayer ou contester l’opposition. Dans de tels cas, la Cour peut obliger le décideur administratif à procéder par voie de requête écrite aux termes de l’article 369. Cet article prévoit un dossier de requête, un dossier de réponse et des prétentions en réponse au dossier de réponse, ainsi que les délais pour déposer ces documents. Les dossiers de requête doivent comprendre des affidavits et des prétentions écrites.

[54] Dans un troisième arrêt, lui aussi rendu sous la plume du juge Stratas, de la Cour d’appel fédérale, la question du règlement d’un différend est analysée plus en détail : Bernard c Alliance de la Fonction Publique du Canada et Conseil du Trésor, 2017 CAF 35 :

[11] Or, l’arrêt Lukács nous apprend aussi que, parfois, les faits sont contestés et une preuve doit ainsi être présentée.

[12] Dans l’arrêt Lukács, la Cour explique en ces termes les principes applicables (aux par. 8‐10) :

Examinons maintenant les oppositions en vertu du paragraphe 318(2). Lorsque le décideur administratif (ici l’Office) s’oppose, aux termes du paragraphe 318(2), à la transmission d’une partie ou de l’intégralité des documents demandés en vertu de l’article 317 et que le demandeur ne conteste pas cette opposition, ceux‐ci ne sont pas transmis. Cependant, dans les cas où, comme en l’espèce, le demandeur conteste une telle opposition, le demandeur ou le décideur administratif peut demander à la Cour de fournir des directives sur la façon de procéder pour présenter des observations : voir le paragraphe 318(3).

En réponse à une demande de directives, la Cour peut, à la lecture des motifs d’opposition du décideur administratif, juger que l’opposition ne peut être retenue. Dans ce cas, elle peut rejeter l’opposition de façon sommaire et exiger du décideur administratif qu’il transmette les documents en vertu du paragraphe 318(1) dans le délai qu’elle fixe.

Lorsque l’opposition aux termes du paragraphe 318(2) a une certaine légitimité, la Cour peut demander aux parties de présenter des observations selon un échéancier précis. Il peut cependant arriver que la Cour n’ait pas besoin que d’observations; il peut y avoir un doute réel ou une certaine complexité, ou il se peut que les parties doivent présenter des éléments de preuve pour étayer ou contester l’opposition. Dans de tels cas, la Cour peut obliger le décideur administratif à procéder par voie de requête écrite aux termes de l’article 369. Cet article prévoit un dossier de requête, un dossier de réponse et des prétentions en réponse au dossier de réponse, ainsi que les délais pour déposer ces documents. Les dossiers de requête doivent comprendre des affidavits et des prétentions écrites.

[13] Selon la demanderesse, les documents ne sont pas protégés par un privilège en l’espèce. Il incombe à la Commission de prouver qu’ils le sont. En affirmant simplement qu’ils le sont, la Commission ne s’acquitte pas de son fardeau de preuve.

[14] Même si la simple affirmation de la Commission était admise, elle ne va pas suffisamment loin. La Commission déclare que les documents ont été reçus et envoyés par ses services juridiques. C’est bien, mais ce fait ne permet pas à lui seul d’établir l’existence du secret professionnel des avocats. Par exemple, l’objectif principal ayant présidé à la création des documents doit être établi. Il peut concerner autre chose que la prestation de conseils juridiques, comme des communications sur les affaires générales de la Commission.

[15] En l’espèce, la Commission était tenue de présenter des observations, rien de plus. Elle ne pouvait produire de preuve. De plus, la question à l’égard de laquelle il lui était demandé de soumettre des observations était celle de savoir si les documents étaient nécessaires pour permettre à la demanderesse de préparer l’affidavit à l’appui de sa demande de contrôle judiciaire. Essentiellement, ni la Commission ni la demanderesse n’ont eu l’occasion de produire une preuve sur l’existence du privilège, et la demanderesse n’a pu contre‐interroger la Commission, au besoin, à l’égard de sa preuve.

[16] La solution que propose l’arrêt Lukács consiste pour la Commission à demander par voie de requête, en vertu de l’article 369 des Règles, une ordonnance faisant droit à son opposition aux termes de l’article 318 des Règles, c.‐à‐d. sa prétention quant à l’existence du secret professionnel des avocats. La Commission est la partie à qui il revient de présenter cette requête, comme c’est à elle de démontrer le bien‐fondé de sa prétention. Procéder par requête règle les problèmes mentionnés au paragraphe précédent : chaque partie aura l’occasion de produire sa preuve et, au besoin, de contester la preuve adverse.

[55] Tout en reconnaissant la valeur de ce que suggère le défendeur – que la Cour adopte des procédures mises au point dans les cours supérieures provinciales – de même que la souplesse dont dispose la Cour fédérale pour ce qui est de décider de ses propres procédures, je ne suis pas convaincu qu’il y a lieu de s’écarter de la jurisprudence, ni des Règles en matière d’immigration ou des Règles des Cours fédérales, dont les articles 317 et 318.

[56] Si je dis cela, c’est pour un certain nombre de raisons. Premièrement, les procédures déjà bien établies sont bien connues des avocats et de la Cour. Elles ont l’avantage de s’appliquer de la même façon aux affaires qui émanent des provinces de common law qu’à celles qui émanent du Québec, ce qui se prête bien à la nature bijuridique et bilingue de la Cour. Elles offrent l’avantage supplémentaire d’être appliquées de manière uniforme dans tout le Canada au sein de ce tribunal judiciaire national, indépendamment de l’évolution des règles provinciales et de la common law. Les articles 317 et 318, par ailleurs, ne sont pas soumis aux changements ou aux différences qu’il peut y avoir au sein de la jurisprudence provinciale.

[57] Notamment aussi, le tribunal qui a tranché ces questions est la Cour fédérale. L’article 46 de la Loi sur les Cours fédérales établit le processus à suivre et le pouvoir nécessaire pour adopter les Règles des Cours fédérales, auxquels il a déjà été fait référence, et notamment les articles 317 et 318. De plus, dans les affaires relevant de la LIPR, ce qui est le cas de la présente, la Cour fédérale procède et agit d’une manière conforme aux Règles en matière d’immigration qu’autorise l’article 75 de la LIPR. Tant les Règles des Cours fédérales que les Règles en matière d’immigration sont établies par ces deux lois fédérales complémentaires.

[58] Cela étant, je ne vois pas la nécessité de m’écarter des processus ordinaires pour régler les différends qui sont liés au contenu d’un DCT, lesquels processus sont énoncés aux articles 317 et 318. Ces deux articles sont spécialement conçus pour régler le différend qui nous occupe. Notre Cour bénéficie également d’une jurisprudence exhaustive de la Cour d’appel fédérale.

[59] J’ajouterais en l’espèce – encore qu’il ne s’agisse en aucune façon d’une caractéristique distinctive – que le différend met en cause sur un plan l’article 87 de la LIPR et que la demande dont la Cour est saisie a été déposée en vertu à la fois de la LIPR et de la Loi sur les Cours fédérales. Je suis conscient qu’il est possible qu’on invoque, à titre d’argument subsidiaire, une opposition fondée sur l’article 37. Cependant, rien de cela ne milite en faveur d’établir deux ou trois processus distincts, vu l’obligation prépondérante qu’a la Cour de régler ces questions sans délai, ainsi que le législateur l’exige à l’alinéa 73(2)d) de la LIPR : la Cour est tenue de régler les requêtes et les demandes comme la présente à « bref délai et selon la procédure sommaire ».

[60] Avant de clore le débat sur la question du privilège et de la non‐divulgation, la Cour d’appel fédérale conclut également ce qui suit dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Conseil canadien pour les réfugiés, 2021 CAF 72, en faisant état de points que les deux avocats devraient prendre en considération :

[102] Depuis longtemps, les tribunaux canadiens s’opposent aux tentatives des organismes publics souhaitant soustraire leurs administrateurs à tout contrôle judiciaire, soit par des dispositions d’inattaquabilité complète ou la non‐communication d’éléments de preuve ou d’explications essentiels au contrôle judiciaire utile. En érigeant par tous les moyens possibles des ramparts [sic] contre toute surveillance judiciaire, qu’elle s’exerce par la voie d’un contrôle judiciaire ou d’un appel, même lorsqu’il s’agit de décider si un administrateur a outrepassé ses compétences légales, on porte atteinte de manière injustifiée aux fonctions essentielles de la magistrature en matière constitutionnelle et au principe constitutionnel qu’est la primauté du droit [...].

[Références supprimées]

[...]

[106] Les cours de justice ne se laissent pas leurrer par les organismes publics et les administrateurs qui tentent de soustraire leurs décisions au contrôle en refusant de communiquer certains documents ou renseignements essentiels au contrôle ou en ne justifiant pas leurs décisions (Tsleil‐Waututh Nation c. Canada (Procureur général), 2017 CAF 128, au paragraphe 51; Hartwig v. Commission of Inquiry into matters relating to the death of Neil Stonechild, 2007 SKCA 74, 284 D.L.R. (4th) 268, au paragraphe 24; Slansky, au paragraphe 276 (opinion dissidente non contredite par les juges majoritaires); voir également Paul A. Warchuk, « The Role of Administrative Reasons in Judicial Review : Adequacy and Reasonableness » (2016) 29 Can. J. Admin. L. & Prac. 87, à la page 113; et voir l’explication sur la nécessité d’explications motivées sous‐tendant les décisions administratives dans l’arrêt Vavilov, aux paragraphes 83 à 87 et 91 à 104)

[107] Pour se prévaloir d’un contrôle judiciaire utile et juste, les deux parties disposent de plusieurs moyens de contraindre la production de preuve ou de renseignements. Par exemple, la règle 317 prévoit la transmission du dossier du décideur administratif, la règle 41 permet le subpoena et le paragraphe 18.4(2) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F‐7 prévoit la communication préalable des témoignages oraux et documents recueillis dans les cas où la demande de contrôle judiciaire peut être instruite comme une action (voir l’analyse générale dans l’arrêt Tsleil‐Waututh Nation, aux paragraphes 86 à 105; pour une analyse du paragraphe 18.4(2), voir les arrêts Canada (Commission des droits de la personne) c. Nation crie de Saddle Lake, 2018 CAF 228, aux paragraphes 23 à 26 et Meggeson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 175, aux paragraphes 31 à 34). En outre, les Cours fédérales peuvent exercer la plénitude de pouvoirs inhérents aux tribunaux (voir Dugré c. Canada (Procureur général), 2021 CAF 8, au paragraphe 20 et les arrêts qui y sont mentionnés).

[108] Le principal moyen consiste pour les parties à exiger du décideur administratif qu’il transmette le dossier en vertu de la règle 317. Le décideur administratif qui reçoit une telle demande peut s’y opposer, en vertu de la règle 318, sur le fondement notamment de l’application de privilèges. Dans ce cas, la Cour, au vu des observations sur l’opposition, tranchera la question. Voir, généralement, Lukács c. Canada (Office des transports), 2016 CAF 103, aux paragraphes 5 à 18 et voir Bernard c. Alliance de la fonction publique du Canada, 2017 CAF 35 sur la procédure d’instruction des objections.

[109] Lorsqu’un privilège est invoqué, la Cour en examine de près l’exercice. Certains privilèges, comme celui relatif à l’intérêt public, sont assortis d’exigences élevées (voir, p. ex., Administration de l’aéroport de Vancouver c. Commissaire de la concurrence, 2018 CAF 24, [2018] 3 R.C.F. 633. Dans le cas où une partie invoque un privilège à l’égard d’un document et que la règle 318 s’applique, la Cour n’est pas forcément placée devant une alternative, à savoir ordonner la production du document ou en confirmer la confidentialité. Souvent, la Cour peut adapter l’ordonnance pour protéger les intérêts liés à la confidentialité et permettre la communication de suffisamment d’éléments confidentiels pour favoriser un contrôle judiciaire efficace et utile (Lukács, aux paragraphes 12 à 18; voir également la Loi sur la preuve au Canada, paragraphes 37(5) et 39.1(7) et (8)). Une fois que les questions quant au dossier assemblé en application des règles 317 et 318 sont tranchées, le dossier peut être déposé à la Cour saisie du contrôle judiciaire (sur ce point, voir l’arrêt Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright) c. Alberta, 2015 CAF 268, [2016] 3 R.C.F. 19, aux paragraphes 7 à 24).

[110] Dans certains cas, toute communication est impossible, et la Cour n’aura d’autre choix que de confirmer l’application du privilège invoqué à l’égard de l’ensemble d’un document important. Cependant, le contrôle judiciaire ne s’arrête pas là. La Cour dispose de certains outils.

[111] Il est loisible à la Cour de tirer des inférences négatives à l’égard d’une partie qui insiste sur l’application d’un privilège malgré l’opposition ferme et constante du demandeur. Il arrive que cette inférence négative soit déterminante (voir, p. ex., RJR‐MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199, aux paragraphes 165 à 166, 1995 CanLII 64; voir également l’analyse dans l’arrêt Tsleil‐Waututh Nation, au paragraphe 54).

[112] Invoquer un privilège malgré l’opposition ferme et constante du demandeur risque également de mener à un dossier de preuve sérieusement lacunaire, qui empêchera le décideur administratif de démontrer à la cour saisie du contrôle que sa décision était raisonnable ou qu’une explication motivée sous‐tendait cette dernière, une exigence à laquelle il faut satisfaire. Dans un cas comme dans l’autre, la décision administrative est susceptible d’annulation (Vavilov; Nation Gitxaala c. Canada, 2016 CAF 187, [2016] 4 R.C.F. 418, aux paragraphes 313 à 324).

[113] Même lorsque des privilèges sont invoqués, les demandeurs et la Cour ne sont pas forcément privés de ce dont ils ont besoin pour un contrôle judiciaire efficace, utile et juste.

[114] Parfois, les organismes publics et les décideurs administratifs présentent un résumé de leur démarche, des éléments dont ils ont tenu compte et une explication de leurs actes. Ce résumé fournit suffisamment de renseignements pour permettre un contrôle judiciaire efficace et utile. En droit, la communication d’un tel résumé dans ces circonstances n’emporte pas la renonciation au privilège. Par exemple, l’affaire Première Nation Coldwater c. Canada (Procureur général), 2020 CAF 34, portait sur l’application de l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada — le privilège le plus strict au pays — pour soustraire à la communication les délibérations du gouverneur en conseil et les documents et renseignements sensibles consultés. Toutefois, le gouverneur en conseil a fourni un résumé de sa démarche décisionnelle, qu’il a inclus dans le préambule du décret pris en vue d’approuver le projet d’infrastructure. Ce résumé s’avérait suffisant dans les circonstances pour permettre l’exercice d’un contrôle judiciaire efficace, utile et juste dans ce cas.

[115] Bien entendu, encore faut‐il que le résumé soit adéquat et exact et qu’il indique l’auteur et les circonstances de sa rédaction. Certains outils mentionnés ci‐après sont susceptibles de faciliter la rédaction d’observations quant au caractère adéquat et exact du résumé.

[Non souligné dans l’original.]

[61] Il convient également de signaler que, dans l’arrêt qui précède, la Cour d’appel fédérale s’est exprimée à l’unanimité par l’intermédiaire du juge Stratas, avec l’accord du juge en chef Noël et du juge Laskin.

[62] En conséquence, la Cour examinera et tranchera les demandes présentées en vertu de l’article 87 de la manière habituelle, c’est‐à‐dire dans le cadre d’une audience tenue à huis clos et ex parte, à une heure et à une date qu’il restera à fixer. C’est à ce moment‐là que j’entendrai les observations de l’avocat chargé des questions visées par l’article 87. Il va sans dire que je déciderai avant cette audience s’il convient de nommer ou pas un avocat spécial. Étant donné que les demandes fondées sur l’article 87 sont aujourd’hui reconnues comme une solution de rechange au privilège des délibérations en common law et à d’éventuelles demandes fondées sur l’article 37 de la Loi sur la preuve au Canada, cette audience aura lieu après que ces questions auront été réglées.

[63] Compte tenu également de la jurisprudence, j’ordonnerai au défendeur, s’il maintient son opposition à l’égard de la totalité ou d’une partie des 12 pages caviardées, de solliciter par écrit, en vertu des articles 318 et 369 des Règles des Cours fédérales, et ce, dans les 21 jours suivant la date de la présente ordonnance et en étayant sa demande des documents qu’il jugera utiles et qu’il déposera auprès de l’installation sécurisée de la Cour, une ordonnance le dispensant de l’obligation de déposer des copies non caviardées de documents dont il souhaite préserver la confidentialité.

[64] On ne sait pas avec certitude si le défendeur déposera effectivement une demande en vertu de l’article 37 de la Loi sur la preuve au Canada. Quoi qu’il en soit, le défendeur présentera des observations portant à la fois sur sa revendication du privilège des délibérations et sur toute demande jugée utile en vertu de l’article 37, et ce, dans les mêmes documents écrits à déposer que je viens tout juste de mentionner.

[65] Comme il est présentement prévu, une fois que la Cour aura examiné et tranché les questions qui précèdent, elle décidera s’il convient de nommer ou pas un avocat spécial et fixera les conditions connexes, le cas échéant.

[66] Par la suite, et comme il est actuellement prévu, la Cour convoquera une audience à huis clos et ex parte pour examiner toute demande fondée sur l’article 87 de la LIPR.


ORDONNANCE dans le dossier IMM‐1407‐22

LA COUR ORDONNE :

  1. Le défendeur ou le procureur général du Canada, si les deux ou l’un ou l’autre d’entre eux maintiennent leur opposition à l’égard de la totalité ou d’une partie des 12 pages caviardées dont il est question dans les motifs accompagnant la présente ordonnance, solliciteront en vertu des articles 318 et 369 des Règles des Cours fédérales, et ce, dans les 21 jours suivant la date de la présente ordonnance et en étayant leur demande des documents qu’ils jugeront utiles et qu’ils déposeront auprès de l’installation sécurisée de la Cour, une ordonnance les dispensant de l’obligation de déposer des copies non caviardées de documents dont ils souhaitent préserver la confidentialité en invoquant le privilège des délibérations ou l’article 37 de la Loi sur la preuve au Canada.

« Henry S. Brown »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‐1407‐22

 

INTITULÉ :

KHALIL MAMUT et AMINIGULI AIZEZI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE À OTTAWA (ONTARIO) EN VERTU DE L’ARTICLE 87 DE LA LIPR

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Prasanna Balasundaram

Asiya Hirji

 

POUR LES DEMANDEURS

Bradley Bechard

Gregory George

Kieran Dyer

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

CONFÉRENCE DE GESTION DE L’INSTANCE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 FÉVRIER 2023

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE BROWN

DATE DES MOTIFS :

LE 23 MARS 2023

COMPARUTIONS :

Prasanna Balasundaram

Asiya Hirji

 

POUR LES DEMANDEURS

Bradley Bechard

Gregory George

Kieran Dyer

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Downtown Legal Services

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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