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Date : 20051031

Dossier : IMM-456-05

Référence : 2005 CF 1475

OTTAWA (Ontario), ce 31ième jour d'octobre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM

ENTRE :

ÉDITH LOR DJOTSA

Demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

Défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Mme Djosta présente une demande de contrôle judiciaire de la décision du 9 novembre 2004, de l'agente d'évaluation des risques avant renvoi (l'agente d'ERAR), dans laquelle elle a rejeté l'application ERAR de Mme Djosta (la demanderesse) au motif qu'elle n'est pas un « réfugié au sens de la Convention » ni une « personne à protéger » au sens des articles 96 et 97 respectivement, de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, (LIPR).

[2]                 La demanderesse est née le 12 février 1975, dans la ville de Yaounde, au Cameroun, et est une citoyenne du Cameroun.

[3]                 En avril 2000, la demanderesse a eu un avortement suite à une grossesse provoquée par Jean, le cousin de son père. Jean viole la demanderesse; malgré ceci, ses parents veulent que leur fille épouse Jean pour des raisons financières. Jean menace de la dénoncer aux autorités Camerounaises pour son avortement si elle ne devient pas son épouse.

[4]                 La demanderesse est admise au Canada comme étudiante le 9 septembre 2000. Elle rencontre son futur époux, M. Darnier Bernier dans un restaurant le 6 octobre 2000 à Montréal. Ils se sont fiancés le 24 décembre 2000 et se sont mariés le 28 janvier 2001. Le couple se sépare en janvier 2004.

[5]                 En août 2001, la demanderesse dépose une demande de résidence permanente accompagnée d'une demande de parrainage de son mari. Le 3 juin 2004, la demande de résidence permanente est refusée pour insuffisance de motifs humanitaires et parce que la bonne foi du mariage est mise en doute.

[6]                 La demanderesse informe les autorités d'immigration en août 2004 qu'elle craint être persécutée et qu'elle désire revendiquer le statut de réfugié. Elle est informée que sa demande d'asile est irrecevable car une mesure d'expulsion exécutoire a été émise contre elle le 7 juillet 2004.

[7]                 La demanderesse dépose le 14 septembre 2004 sa demande d'ERAR; sa demande est refusée le 9 novembre 2004.

[8]                 Suite à son avortement et à la certitude d'un mariage forcé à Jean dès son retour au Cameroun, la demanderesse dit craindre pour son intégrité physique et pour sa sécurité si elle retourne au Cameroun.

[9]                 Bien que venu à titre d'étudiante, la demanderesse ne complète jamais ses études universitaires; il lui manque les fonds nécessaires.

[10]            La demanderesse tient d'obtenir un sursis en vertu de l'article 50.(a) de la LIPR. Le juge Pinard refuse d'accorder le sursis demandé selon une ordonnance du 10 février 2005 : il a de sérieux doutes quant à l'existence d'une question sérieuse et la demanderesse ne démontre pas de préjudice irréparable advenant de son retour au Cameroun.

[11]            Par contre, le 6 juillet 2005, le juge de Montigny accepte d'accorder l'autorisation de la demande de contrôle judiciaire de la demanderesse à l'encontre de son ERAR.

[12]            Il est important de mentionner que la demanderesse en encore au Canada, mais elle se cache du défendeur.

[13]            Les questions en litige sont les suivantes :

1.          La demande de sursis a été refusée. Ensuite, l'autorisation de la demande de contrôle judiciaire a été acceptée. Est-ce que la demande de contrôle judiciaire est théorique?

2.          Est-ce que la doctrine des mains propres est suffisante pour rejeter la demande de contrôle judiciaire?

3.          Est-ce que l'agente d'ERAR a commis une faute manifestement déraisonnable en concluant à l'absence de crédibilité et à l'absence de crainte subjective de la demanderesse?

4.         Est-ce que l'agente d'ERAR a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait?

[14]            La demanderesse présente deux soumissions principales :

1.          Les conclusions de la décision sont manifestement déraisonnables puisque l'agente d'ERAR a erronément écarté des éléments de preuve importants :

[15]            L'agente d'ERAR a conclu que la demanderesse pouvait se prévaloir de l'exception décrite à l'article 339 du Code Pénal du Cameroun. Elle soumet qu'elle ne peut pas puisque son avortement a eu lieu dans la clandestinité.

[16]            Selon l'article 172(2)a) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés et l'article 97 de la LIPR, l'agente d'ERAR doit fournir des motifs écrits de son évaluation qui doit porter sur le risque personnel de la personne à protéger.

[17]            Cette conclusion est invraisemblable puisque Mme Calvès a indiqué que l'avortement est largement accessible au Cameroun.

[18]            L 'agente d'ERAR n'a pas examiné le risque de retour au Cameroun conformément à la preuve documentaire déposée par la demanderesse.

2.          La décision est arbitraire puisque non fondée sur toute la preuve qui a été soumise devant l'agente d'ERAR.

[19]            Je crois qu'il n'est pas nécessaire d'analyser les deux soumissions principales de la demanderesse parce que cette dernière n'a pas soulevé que les conclusions de l'agente d'ERAR quant à son absence de crédibilité et son absence de crainte subjective étaient manifestement déraisonnables. L'agente d'ERAR a conclu d'abord au manquement de crédibilité de la demanderesse et cette conclusion affecte toutes les autres conclusions. Par exemple, l'agente doute qu'elle aurait eu un enfant avec le cousin de son père puisqu'elle indique que les viols se sont passés APRÈS qu'elle était enceinte. Ceci est une conclusion tout à fait raisonnable suite à l'examen des faits et de la preuve.

[20]            Le juge Pinard dans Masimov c. MCI, 2004 CF 859, au paragraphe 5 indique que :

[5]         La perception du tribunal qu'un demandeur n'est pas un témoin crédible peut bien conduire à la conclusion qu'il n'existe aucun élément crédible dur lequel la demande pourrait se fonder.

[21]            Le défendeur présente deux soumissions :

1.         Nouvelle preuve à expurger

[22]            La pièce F de l'affidavit de la demanderesse n'a pas été mise en preuve devant l'agente d'ERAR. La pièce F est un jugement qui la condamne à purger une peine de neuf mois d'emprisonnement assortie d'une amende de 50 000 francs pour avoir été trouvée coupable d'avortement. Le jugement date du 26 février 2003.

[23]            Il est évident que cette nouvelle preuve ne peut pas être considérée par cette Cour car la demanderesse ne l'a pas déposé devant l'agente d'ERAR pour que celle-ci puisse faire les vérifications nécessaires et en tirer les conclusions appropriées.

[24]            En résumé, la demanderesse a déposé le 14 septembre 2004 sa demande d'ERAR; sa demande est refusée le 9 novembre 2004. Le jugement du Cameroun contre elle a été rendu le 26 février 2003. Donc, elle a eu plein de temps pour l'inclure dans son dossier et ne l'a pas fait pour quelque raison que ce soit.

[25]            Une nouvelle preuve ne peut pas être considérée par cette Cour.

2.         Manque de crédibilité et de crainte subjective de la demanderesse

[26]            La demanderesse ne conteste pas le bien fondé des conclusions quant à son absence de crédibilité et son absence de crainte subjective de persécution.

[27]            Les questions de faits ne peuvent pas être révisées par cette Cour à moins qu'elles ne soient manifestement déraisonnables. La demanderesse ne plaide pas que les conclusions à cet égard de l'agente d'ERAR sont manifestement déraisonnables.

[28]            Je vais procéder tout premièrement à l'analyse du caractère théorique pour déterminer si je devrais entendre la présente demande de contrôle judiciaire.

[29]            Je vais ensuite évaluer la pertinence de la doctrine des mains propres dans cette affaire et déterminer si l'agente d'ERAR commis une faute manifestement déraisonnable en concluant à l'absence de crédibilité et à l'absence de peur subjective de la demanderesse.

I.          Le caractère théorique et l'exercice du pouvoir discrétionnaire

[30]            Dans cette affaire, il est très important de bien comprendre la doctrine du caractère théorique et celle de l'exercice du pouvoir discrétionnaire. Ces deux concepts sont différents l'un de l'autre et ne doivent pas être confus. Je vais procéder à une description des deux doctrines, en citant l'affaire Borowski c. PGC, [1989] 1 R.C.S. 342.

[31]            La cause qui définit le caractère théorique nous provient de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Borowski. Le juge Sopinka définit le test pour déterminer le caractère théorique d'une cause à la page 353 :

La doctrine relative au caractère théorique est un des aspects du principe ou de la pratique générale voulant qu'un tribunal peut refuser de juger une affaire qui ne soulève qu'une question hypothétique ou abstraite. Le principe général s'applique quand la décision du tribunal n'aura pas pour effet de résoudre un litige qui a, ou peut avoir, des conséquences sur les droits des parties. Si la décision du tribunal ne doit avoir aucun effet pratique sur ces droits, le tribunal refuse de juger l'affaire. Cet élément essentiel doit être présent non seulement quand l'action ou les procédures sont engagées, mais aussi au moment où le tribunal doit rendre une décision. En conséquence, si, après l'introduction de l'action ou des procédures, surviennent des événements qui modifient les rapports des parties entre elles de sorte qu'il ne reste plus de litige actuel qui puisse modifier les droits des parties, la cause est considérée comme théorique. Le principe ou la pratique général s'applique aux litiges devenus théoriques à moins que le tribunal n'exerce son pouvoir discrétionnaire de ne pas l'appliquer. J'examinerai plus loin les facteurs dont le tribunal tient compte pour décider d'exercer ou non ce pouvoir discrétionnaire.

La démarche suivie dans des affaires récentes comporte une analyse en deux temps. En premier, il faut se demander si le différend concret et tangible a disparu et si la question est devenue purement théorique. En deuxième lieu, si la réponse à la première question est affirmative, le tribunal décide s'il doit exercer son pouvoir discrétionnaire et entendre l'affaire. La jurisprudence n'indique pas toujours très clairement si le mot "théorique" (moot) s'applique aux affaires qui ne comportent pas de litige concret ou s'il s'applique seulement à celles de ces affaires que le tribunal refuse d'entendre. Pour être précis, je considère qu'une affaire est "théorique" si elle ne répond pas au critère du "litige actuel". Un tribunal peut de toute façon choisir de juger une question théorique s'il estime que les circonstances le justifient.

[32]            Afin de déterminer si une cause est théorique, on doit appliquer le critère du litige actuel, tel que décrit ci-haut par la Cour suprême du Canada.

[33]            Toutefois, une Cour peut exercer sa discrétion et choisir d'entendre une demande de contrôle judiciaire théorique si les circonstances le justifient. Cette deuxième étape examine les trois « éléments sur lesquels la Cour devrait se fonder pour décider d'exercer son pouvoir discrétionnaire pour entendre ou refuser d'entendre le pourvoi. » , Borowski, à la page 358. Les trois éléments sont : (voir Borowski, aux pages 358 à 363 pour une discussion complète)

1.          L'existence d'un débat contradictoire

2.          L'économie des ressources judiciaires doit être justifiée

3.          La Cour doit se montrer sensible à sa fonction juridictionnelle et ne doit pas empiéter sur la fonction législative.

[34]            Afin d'analyser en détail la situation de la demanderesse, je vais me fier sur quatre jugements récents de cette Cour :

1.          Figurado c. MCI, 2005 FC 347, le 10 mars 2005, le juge Martineau

2.          Nalliah v. MCI, 2005 FC 759, le 27 mai 2005, le juge Gibson

3.          Thamotharampillai v. Canada (SGC), 2005 FC 756, le 27 mai 2005, le juge Gibson

4.          Alfred v. MCI, 2005 FC 1134, le 18 août 2005, la juge Dawson

[35]            Je vais d'abord indiquer les conclusions des jugements, pour ensuite les appliquer ou les distinguer de la cause en l'espèce.

[36]            Selon Nalliah v. MCI, le Juge Gibson détermine au paragraphe 15 que :

[15]...I conclude that any judicial review application directed against a negative PRRA decision is moot where the Applicant for judicial review has been removed from, or has voluntarily left Canada following a finding by a judge of this Court that the Applicant is not entitled to a stay of removal by reason that he or she has failed to meet the "irreparable harm" element of the tripartite test for a stay of removal.

[37]            Dans Thamotharampillai v. Canada (SGC), rendu le même jour que Nalliah v. MCI, le juge Gibson a émis la même conclusion que dans Nalliah.

[38]            Le juge Gibson au paragraphe 12 de Thamotharampillai v. Canada (SGC) se fit à l'analyse du juge Martineau dans Figurado c. MCI, 2005 FC 347 :

[12]            As did Justice Martineau on the basis of an extensive analysis in Figurado, I consider that this matter is moot in that it fails to meet the "live controversy" test. Justice Martineau wrote at paragraph [41]:

The fact that PRRA applicants receive a statutory stay of removal under section 232 of the IRPA Regulations is indicative of the legislative intent to have PRRAs completed before applicants are to be returned to face the risks they allege. The PRRA's fundamental purpose is to determine whether or not a person can safely be removed from Canada without being subject to persecution, torture or inhumane treatment. This purpose ceases to exist upon removal. Further, if the applicant returned and suffered persecution, torture or inhumane treatment, the redetermination of the PRRA may not have any practical effect. In this context, it is understandable that judges of various jurisdiction have stated that in such cases, where a serious issue is raised, a stay should be granted to prevent irreparable harm. As was decided by Lane J. of the Ontario Court (General Division) in Suresh v. R. ..., where "the evidence shows that [the applicant] will almost certainly be detained and questioned and exposed to the risks of torture and extra-judicial execution ... there is a strong probability that it will be impossible for the Canadian courts to influence the situation at all. His application will become moot, for any relief he might obtain would be unenforceable". ... It follows that the refusal by the Court to grant an applicant a stay pending the determination of his judicial review application "decides the whole case against him" and certainly constitutes an irreparable harm in such circumstances.                                       [citation omitted]

[13]            ...Justice Martineau continued in paragraph [43] of his reasons in Figurado:

... The primary purpose of an application for protection made under section 112 of the IRPA is not to gain permanent resident status or to obtain a permanent resident visa once removal has been affected [sic]. It certainly becomes more difficult, if not impossible, for Canada to effectively protect an individual who is outside its boundaries pending a redetermination of an application for protection following the Court's conclusion that a negative PRRA decision should be set aside. Therefore, I find that there is considerable force in the applicant's counsel's submission that any ensuing judicial review application directed against a negative PRRA decision becomes somewhat moot once an individual is removed from Canada....

[14]            I agree entirely with Justice Martineau's conclusion in the last sentence of the foregoing quotation except that I am not sure whether there is any such thing as "somewhat moot". I conclude that any judicial review application directed against a negative PRRA decision is moot where the Applicant for judicial review has been removed from Canada following a finding by a judge of this Court that the Applicant is not entitled to a stay of removal by reason that he or she has failed to meet the "irreparable harm" element of the tripartite test for a stay of removal.

[39]            Je dois distinguer le présent dossier avec Nalliah et Thamotharampillai; le juge Gibson a refusé d'entendre la demande de contrôle judiciaire pour raison de cause théorique. Dans ces deux causes, le demandeur n'est plus au Canada. Dans Alfred, le demandeur n'est plus au Canada, il est au Sri Lanka.

[40]            Dans le présent cas, la demanderesse est encore au Canada, présumons en quelque part dans la province de Québec. Donc, je crois que sa demande de contrôle judiciaire n'est pas théorique car elle satisfait le critère du litige actuel en habitant encore au Canada.

[41]            Donc, je crois qu'elle peut encore faire réviser sa décision ERAR même si le juge Pinard ne lui a pas accordé le sursis contre la mesure de renvoi. Entre autre, la demanderesse n'a pas démontré qu'elle subira un préjudice irréparable advenant son retour au Cameroun. Le préjudice était purement spéculatif puisque relié à des événements futurs dont la réalisation a en outre été raisonnablement mise en doute par l'agente d'ERAR.

[42]            Le rôle de l'agente d'ERAR est de déterminer les risques de la demanderesse si elle retournerait au Cameroun. Puisque la décision ERAR porte sur l'examen de risques AVANT renvoi, une révision judiciaire est possible si la demanderesse n'a pas été renvoyée du Canada.

[43]            Je suis d'avis que notre Cour peut quand même réviser la décision ERAR pour s'assurer qu'elle est raisonnable et juste selon les règles relatives à la procédure décisionnelle. Si la décision de l'agente d'ERAR est déraisonnable, la Cour peut redresser cette injustice en acceptant la demande de révision judiciaire.

[44]            Dans Alfred v. MCI, la juge Dawson, se fie à Nalliah v. MCI et à Thamotharampillai v. SGC pour déterminer que la cause du demandeur est théorique. Par contre, elle va choisir d'exercer sa discrétion et d'entendre la demande de contrôle judiciaire. La juge Dawson fait l'analyse des trois éléments de Borowski dans son jugement aux paragraphes 19 à 30.

[45]            Je reproduis les paragraphes pertinents :

[21]        The Minister, relying upon the decision of this Court in Nalliah, supra, argues that it is not appropriate for the Court to address this adversarial context because to do so would be to sit in review of the merits of the decision of my colleague who denied Mr. Alfred a stay of removal because Mr. Alfred had failed to establish that he would suffer irreparable harm if removed. The Minister argues that, as the Court of Appeal noted in Canada (Solicitor General) v. Bubla, [1995] 2 F.C. 680, there is no inherent power in one judge to review, either directly or collaterally, the merits of a decision made by a colleague.

[22]       In my view, no authority need be cited for that proposition. However, I conclude that the determination that Mr. Alfred had not established irreparable harm is a separate determination from that now before the Court as to the reasonableness or propriety of the negative PRRA decision. They are different in the following respects.

[23]       First, while the question of risk was before both the officer and the judge who dealt with the motion for a stay, this is not the question now before the Court. In this application, the Court is confined to determining whether the officer breached the rules of procedural fairness or otherwise committed a reviewable error when he decided to reject the PRRA application.

[24]       Second, to the extent that, in the course of reviewing the officer's decision, the Court must consider whether any error arose in the officer's assessment of risk, in my view what the officer was required to consider was qualitatively different from what was relevant and before the Court on the motion for a stay.

[25]       In dismissing the motion for a stay, my colleague found no prima facie case that Mr. Alfred "would suffer irreparable harm" because he considered that irreparable harm "must involve the likelihood of jeopardy to [Mr. Alfred's] life or safety". It is settled law that, because a stay is an exceptional remedy, a party seeking a stay must establish, on a balance of probabilities, a clear, convincing and non-speculative risk of harm that cannot be remedied. There is some jurisprudence to the effect that an applicant for a stay must go so far as to establish jeopardy to a person's life or jeopardy (for example, Calderon v. Canada(Minister of Citizenship and Immigration) (1995), 92 F.T.R. 107). Other jurisprudence applies a less stringent test of irreparable harm (for example, Calabrese v. Canada(Minister of Citizenship and Immigration) (1996), 115 F.T.R. 213). The test for irreparable harm, particularly as expressed in its more stringent form, and as applied in this case on the motion for a stay, is not the test the officer was obliged to apply when conducting the PRRA. Therefore, the test for irreparable harm is not the test, the application of which is to be reviewed by the Court on this application. The differences between what must be established to show irreparable harm on a motion for a stay, and what is necessary in order to obtain a favourable PRRA include the following:

(i)          A person may establish themselves to be in need of protection if they come within the definition of a Convention refugee. One may fall within that definition without being able to establish irreparable harm in the sense of a likelihood of jeopardy to one's life or safety in at least two circumstances: first, where country conditions have changed but compelling reasons exist, arising out of past persecution, torture, treatment or punishment, for refusing to avail oneself of state protection; and second, where persecution is established on the basis of the cumulative effect of conduct that is, by itself, harassment but not persecution.

(ii)          The existence of irreparable harm must be established on a balance of probabilities. On the other hand, the assessment of the likelihood of future persecutory treatment is to be based on the lower standard of a reasonable possibility.

(iii)         The existence of irreparable harm is to be assessed only from the time of the motion for a stay until the underlying application for judicial review is determined. On the other hand, risk is to be assessed on a PRRA on a forward looking basis that is not so time-limited.

...

[28]        These considerations illustrate, I believe, that the Court may judicially review the negative PRRA assessment without incidentally reviewing or collaterally attacking the decision that Mr. Alfred had not established irreparable harm when he moved for a stay of his removal.

[46]            Par contre, en l'espèce, j'ai déterminé que la demanderesse satisfait au critère du litige actuel en étant encore au Canada. Donc, sa révision judiciaire n'est pas théorique et je n'ai pas besoin d'aborder la question de l'exercice de discrétion. Je n'ai pas, non plus à procéder à l'analyse des différences entre le sursis et la demande de contrôle judiciaire, comme fait la juge Dawson aux paragraphes 22 à 24.

[47]            En conséquence, je dois procéder à la révision judiciaire et faire l'analyse complète des soumissions.

II.         La doctrine des mains propres

[48]            La question est simple : Est-ce que la demanderesse peut se prévaloir d'une révision judiciaire de son ERAR même si elle n'a pas les mains propres?

[49]            Lors de l'audition à Montréal, le défendeur indique que la demanderesse se cache des autorités d'immigration; les autorités ne savent pas où elle est (il n'y a aucune information quant à sa plus récente adresse) et le défendeur ne peut pas avoir de communication directe avec la demanderesse.

[50]            En plus du fait que la demanderesse n'est pas crédible et qu'elle n'a pas démontré de crainte subjective, le fait qu'elle vit dans la clandestinité m'amène à conclure qu'elle n'a pas les mains propres.

[51]            L'ancien adage suivant s'applique : "he is who has committed iIiquity ... shall not have Equity.", Jones v. Lenthal (1669) 1 Ch. Ca. 154.

[52]            La demanderesse fuit les autorités de l'immigration car elle a peur de se faire déporter; elle n'a pas les mains propres en se cachant.

[53]            En général, un juge de la Cour fédérale peut exercer son pouvoir discrétionnaire pour refuser de procéder à une demande de contrôle judiciaire selon Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui, [1995] 1 R.C.S. 3. Le juge en chef Lamer indique aux pages 28 et 29 de la cause:

Les intimées avaient le droit de demander le contrôle judiciaire à la Section de première instance de la Cour fédérale. Cela ne comportait toutefois pas le droit d'exiger que la cour procède effectivement à ce contrôle. Il existe depuis longtemps un principe général selon lequel la réparation qu'une cour de justice peut accorder dans le cadre du contrôle judiciaire est essentiellement discrétionnaire. Ce principe découle du fait que les brefs de prérogative sont des recours extraordinaires. La nature extraordinaire et discrétionnaire de ces brefs a été subsumée dans les dispositions relatives au contrôle judiciaire de l'art. 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale. Plus particulièrement, le par. 18.1(3) de la Loi dispose:

18.1    . . .

            (3)    Sur présentation d'une demande de contrôle judiciaire, la Section de première instance peut:

a)    ordonner à l'office fédéral en cause d'accomplir tout acte qu'il a illégalement omis ou refusé d'accomplir ou dont il a retardé l'exécution de manière déraisonnable;

b)    déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu'elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l'office fédéral. [Je souligne.]

Le fait que le par. 18.1(3) crée une faculté plutôt qu'une obligation conserve la nature discrétionnaire traditionnelle du contrôle judiciaire. En conséquence, les juges de la Section de première instance de la Cour fédérale...jouissent d'un pouvoir discrétionnaire pour déterminer s'il y a lieu à contrôle judiciaire.

[54]            Par contre selon Mutanda c. MCI 2005 CF 1101, 10 août 2005, une cause d'immigration, la révision judiciaire doit plutôt être rejetée.

[55]            Dans Mutanda, le juge Blais s'exprimait comme suit au paragraphe 16 :

De plus, le demandeur n'a pas les mains propres, puisqu'il a menti à l'agent. Ce motif à lui seul justifierait que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée :

Lorsqu'un demandeur s'adresse devant cette Cour pour obtenir l'émission d'une ordonnance discrétionnaire, comme c'est le cas en l'espèce, sa conduite doit être irréprochable (Kouchek v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration) [1995] F.C.J. No. 323 (T.D.) (QL)). (¼)

Manifestement, le demandeur ne s'adresse pas à la Cour avec les mains propres, et, pour ce seul motif, la Cour est fondée de rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. En effet, la Cour n'est pas prête à accepter qu'un revendicateur du statut de réfugié ayant inventé une histoire sur les conseils d'un ancien représentant puisse demander une nouvelle audition devant une formation différente du tribunal simplement sur la base qu'il aurait été mal conseillé par ce dernier. Le demandeur ne peut ici se prévaloir de sa propre turpitude. Faut-il le rappeler, le demandeur a prêté serment de dire toute la vérité. C'est donc lui qui doit assumer l'entière responsabilité de tout parjure qu'il a pu commettre devant le tribunal.

(Jaouadi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de, l'Immigration), 2003 CF 1347, [2003] A.C.F. no 1714 aux paragraphes 17 et 19)

[56]            Puisque la demanderesse tient à obtenir une révision judiciaire, sa conduite est pertinente et doit être irréprochable. Ceci n'est pas le cas. Selon la doctrine des mains propres, ce motif à lui seul suffit pour rejeter la demande de contrôle judiciaire.

[57]            Je vais tout de même déterminer si la décision de l'agente ERAR est manifestement déraisonnable quant à la crédibilité et la crainte subjective.

III.        Absence de crédibilité et de crainte subjective de la demanderesse

[58]            Dans sa décision, l'agente d'ERAR a conclu à l'absence de crédibilité et à l'absence de crainte subjective de la part de la demanderesse en motivant adéquatement ses conclusions. De plus, l'agente d'ERAR a déterminé que la demanderesse n'a pas prouvé l'aspect objectif de sa crainte de persécution puisque qu'elle a fait plusieurs spéculations mais n'a pas fait de liens entre la crainte objective et sa situation personnelle.

[59]            Quant à la crédibilité et l'absence de crainte subjective de la demanderesse, l'agente d'ERAR note que :

·         À la présence de plusieurs imprécisions chronologiques. Par exemple, la demanderesse dit avoir été abusée sexuellement par Jean, le cousin de son père seulement qu'en 2000. Par contre, elle dit avoir été enceinte en décembre 1999, une grossesse causée par les abus de Jean.

·         La demanderesse arrive au Canada en septembre 2000; elle fait mention de ses craintes de retourner au Cameroun pour la première fois le 23 août 2004.

·         Le 28 mai 2004, la demanderesse déclare n'avoir aucun problème à retourner au Cameroun. Le 7 juillet 2004, lors d'une autre entrevue, elle ne mentionne aucun risque de retour.

·         Aucune mention de crainte dans son formulaire de demande de résidence permanente, même si le formulaire le demande.

·         La demanderesse n'a abordé la notion de risque qu'une fois que son renvoi est devenu imminent. Elle ne mentionne aucune crainte sauf après avoir épuisé les recours suivants : le refus de prolongation de son statut d'étudiant, le refus de sa demande de résidence permanente au Canada et quand la mesure de renvoi prononcée contre elle soit devenue exécutoire à cause du refus de sursis.

[60]            Selon le défendeur, la demanderesse ne conteste et n'attaque pas le bien fondé des conclusions d'absence et crédibilité et d'absence de crainte subjective; donc, elle n'a aucunement démontré que la conclusion d'absence de crédibilité ni d'absence de crainte subjective est manifestement déraisonnable. Je suis d'accord.

[61]            Le juge Pinard s'exprime dans Bilquess c. MCI, 2004 CF 157, au paragraphe 7 :

[ 7]         L'agent ERAR a conclu, comme le Tribunal avant elle, que les demandeurs n'étaient pas crédibles. L'évaluation de la crédibilité est une question de fait et il n'appartient pas à cette Cour de se substituer à la décision de l'agent ERAR à moins que le demandeur puisse démontrer que sa décision est fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments à sa disposition (voir l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7). L'agent ERAR possède une connaissance spécialisée et a le pouvoir d'apprécier la preuve dans la mesure où ses inférences ne sont pas déraisonnables (Aguebor c. Canada (M.E.I.) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)) et ses motifs sont énoncés de façon claire et compréhensible (Hilo c. Canada (M.E.I.) (1991), 15 Imm.L.R. (2d) 199 (C.A.F.)).

[62]            Quant aux autres soumissions de la demanderesse, la Cour n'est pas totalement d'accord avec les conclusions de l'agente d'ERAR, par exemple avec son analyse du Code Pénal du Cameroun et les provisions sur l'avortement. Cependant, il n'y a rien de manifestement déraisonnable ni même de déraisonnable dans l'analyse des faits par l'agente d'ERAR qui ont mené la demanderesse à subir un avortement.

[63]            La demanderesse n'est pas un témoin crédible et elle manque une crainte subjective.

[64]            La demande de contrôle judiciaire n'est pas théorique.

[65]            Le procureur de la demanderesse a proposé la question suivante pour certification :

Est-ce que dans un dossier, le rejet d'une requête en sursis d'une mesure de renvoi avant le contrôle judiciaire rend automatiquement la demande de contrôle judiciaire vouée à l'échec?

[66]            Je rejette la question soumise pour certification. Je ne vois pas la nécessité de la certifier.

ORDONNANCE

            Pour les motifs précités, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Max M. Teitelbaum »

JUGE


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        IMM-456-05

INTITULÉ :                                        Édith Lor Djotsa c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Montréal, Québec

DATE DE L'AUDIENCE :               6 octobre 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE TEITELBAUM

DATE DES MOTIFS :                      31 octobre 2005

COMPARUTIONS:

Me Sébastien Dubois                                   POUR LA DEMANDERESSE

Me Isabelle Brochu                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Saint-Pierre Grenier S.E.N.C.

Montréal, Québec                                                      POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada                        POUR LE DÉFENDEUR

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