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Date : 20051202

Dossier : IMM-2933-05

Référence : 2005 CF 1635

Ottawa (Ontario), le 2 décembre 2005

EN PRÉSENCE DE L'HONORABLE JUGE HARRINGTON

ENTRE :

ARGENTINA TORRES RAMOS et

ANGEL ESTABAN GARCIA CARBAJAL

partie demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

partie défenderesse

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il y a quelques années, Argentina Torres Ramos et son époux Angel Esteban Garcia Carbajal, ont fait demande pour le statut de réfugiés au Canada sans succès. Leur demande était fondée sur une allégation d'extorsion par le militaire renégat au Honduras. Le père d'Argentina Torres Ramos avait refusé de payer le militaire et il a été tué. La même chose s'est produite à son cousin.


[2]                Les demandeurs revendiquèrent leur statut de réfugiés à Montréal le 11 août 2000. Ils disaient avoir traversé la frontière entre les États-Unis et le Canada le 29 juillet 2000. Ils ne se présentèrent pas à un agent d'immigration en traversant la frontière. Les demandeurs disaient avoir quitté le Honduras le 1er juillet 2000 et transité par le Guatemala et le Mexique avant d'arriver aux États-Unis. Ils ne revendiquèrent le refuge en aucun de ces lieux.

[3]                Le 22 mars 2001, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié - Section du statut de réfugié détermina que les demandeurs n'étaient pas des réfugiés selon la Convention. Les demandeurs appliquèrent alors pour le programme « demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada » , mais fut transférés au programme « demande d'examen des risques après renvoi » (ERAR). Cette demande a également été rejetée. C'est justement cette décision négative de l'agent ERAR qui est portée en contrôle judiciaire devant cette Cour.

[4]                À première vue, il est important de noter que la décision de l'agent ERAR semble être parfaitement raisonnable. Il a déterminé que les demandeurs n'avaient pas produit une preuve personnalisée afin d'appuyer leurs craintes de persécution et qu'en tenant compte de la documentation sur le Honduras, ils ne satisfaisaient pas à la définition de réfugiés car il n'y avait pas de risques s'ils retournaient dans leur pays.

[5]                La partie demanderesse avance deux arguments pour tenter de convaincre cette Cour d'accueillir la demande en contrôle judiciaire : le premier argument repose sur le fait que la partie demanderesse n'a pas eu d'audience orale et le deuxième argument repose sur le fait que leur conseiller en immigration a omis de fournir un document fondamental à leur cause à l'agent ERAR.

[6]                L'agent ERAR n'a pas remis en question la crédibilité de la partie demanderesse en vertu du paragraphe 113(b) de la Loi sur l'Immigration et la protection des réfugiés et de l'article 167 des Règlements sur l'immigration et la protection des réfugiés. L'agent ERAR était justifié de procéder sans audience orale et de se baser uniquement sur la preuve documentaire.

[7]                Le document clé auquel les demandeurs font référence est une lettre de la mère du demandeur, Angel Esteban Garcia Carbajal, daté du 22 septembre 2004. Cette lettre est excessivement vague et ne fait que réitérer l'inquiétude de sa mère qu'ils vont être tués s'ils reviennent au Honduras. La mère allègue qu'il y a deux mois elle a reçu un appel téléphonique pour son fils, mais que l'individu au téléphone n'a pas voulu s'identifier. Il y a eu un autre appel similaire peu après le premier. La mère souligne que la même chose c'était produite avant que le cousin du demandeur se fasse tuer. De plus, un ami de ce cousin a mentionné qu'il avait été interrogé par deux hommes dans un parc à savoir où était le fils de cette dernière. Finalement, la mère stipule qu'elle « préfère que vous soyez loin de moi, mais sain et sauf. » Cette lettre ne fait pas référence à un incident indiquant de façon claire et concrète que les demandeurs seraient en danger s'ils retournaient au Honduras.

[8]                Il est vrai que les demandeurs ont reçu de l'aide d'un conseiller en immigration qui n'est pas un avocat. Les demandeurs lui ont donné la lettre en question, mais le conseiller ne l'a pas déposée. Il est possible que le conseiller a déterminé que cette lettre était trop vague et servant à leurs propres intérêts de sorte à nuire au succès de leur demande. Quoiqu'il en soit, aucune information n'a été avancée dans le dossier pour expliquer pourquoi ce document en particulier n'a pas été déposé, alors que plusieurs autres documents ont été déposés.

[9]                En l'espèce, il est question d'une situation dans laquelle la stratégie et le jugement choisis par un conseiller sont remis en question. La Cour n'intervient habituellement pas dans un tel cas. Si un demandeur, personnellement ou par l'intermédiaire d'un agent, avocat ou non, n'avance pas le meilleur argument possible, c'est malheureux, mais la Cour ne devrait pas intervenir. L'arrêt Cove c. Canada (MCI) 2001 CFPI 266, [2001] A.C.F. no 482 (QL) mentionne en particulier la situation d'un conseiller d'immigration au paragraphe 5 :

La demanderesse a parfaitement le droit de se tourner du côté d'un consultant en matière d'immigration plutôt que d'un avocat spécialisé dans ce domaine pour régler ses problèmes en matière d'immigration. Il se peut qu'en agissant de cette façon, elle ait épargné des frais et des honoraires, mais ce n'est pas nécessairement le cas. Elle a également parfaitement le droit de se fonder sur l'avis de son consultant au sujet des mesures à prendre pour présenter sa demande. Toutefois, la demanderesse peut difficilement soutenir qu'elle devrait bénéficier d'une dispense de l'application des règles parce qu'elle n'a pas été représentée par un avocat et qu'elle a été mal conseillée.

[10]            Tel que mentionné dans l'arrêt Cove, ci-dessus, il y a toutefois des exceptions à cette règle. Le juge Pelletier fait mention des propos du juge Rothstein au paragraphe 7 :

                        Dans l'affaire Drummond c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 477, (1996), 112 F.T.R. 33, Monsieur le juge Rothstein, alors juge de la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada, a relevé une exception au principe que le juge Reed avait énoncé :

                        Cependant, dans des cas extraordinaires, la compétence de l'avocat peut soulever une question de justice naturelle. Il faut alors que les faits soient précis et clairement prouvés; voir Sheikh c. Canada (1990), 71 D.L.R. (4th) 604 (C.A.F.); Huynh c. M.E.I. (1993), 21 Imm. L.R. (2d) 18 (C.F. 1re inst.); et Shirwa c. M.E.I. (1993), 23 Imm. L.R. (2d) 123 (C.F. 1re inst.).

[11]            Ceci n'est pas une situation où le conseiller, avocat ou non, n'a pas rempli ses obligations administratives telles que de fournir un changement d'adresse. Tel que j'ai cité dans l'arrêt Medawatte v. Canada (Minister for Public Safety and emergency Preperadness) 2005 FC 1374, [2005] F.C.J. No. 1672 (QL) au paragraphe 10 :

There is a great deal of jurisprudence in these matters to the effect that a party must suffer the consequences of his or her own counsel. I subscribe to that view. If a case has been poorly prepared; if relevant jurisprudence was not brought to the attention of the Court in a civil case; if there was a bad choice in witness selection, the consequences fall on that party. Is there a difference, however, between malfeasance and non-feasance? In this case, it is not a question of a lawyer doing something poorly. He did not do something he should have done. In Andreoli v. Canada(Minister of Citizenship and Immigration) 2004 FC 1111; [2004] F.C.J. No. 1349, (QL), the applicants' refugee claim was ordered abandoned because the interpreter in their lawyer's office failed to provide the authorities with a change of address. I found in that case the board in deciding that the applicants were the authors of their own misfortune was punishing them for the carelessness of a third party. I found that to dismiss that application would be to disregard the principles of natural justice. I said: [...]

This is not a case where counsel poorly pleaded their case on the merits. Rather, it involved a matter that had never been heard because of an administrative error which occurred at counsel's office.

[12]            En plus, il ne faut pas perdre de vue que malgré le résultat de cette demande de contrôle judiciaire, les demandeurs ont le droit de faire une autre demande d'ERAR en vertu de la règle 165 des Règlements sur l'immigration et la protection des réfugiés.

165. La personne dont la demande de protection a été rejetée et qui est demeurée au Canada après la délivrance de l'avis visé à l'article 160 peut présenter une autre demande de protection. Les observations écrites, le cas échéant, doivent accompagner la demande. Il est entendu que la demande n'opère pas sursis de la mesure

165. A person whose application for protection was rejected and who has remained in Canada since being given notification under section 160 may make another application. Written submissions, if any, must accompany the application. For greater certainty, the application does not result in a stay of the removal order.

[13]            La demande de la partie demanderesse repose uniquement sur la notion que cette lettre, qui n'a pas été déposée, aurait influencé la conclusion de l'agent d'ERAR. Toutefois, face à la preuve présentée devant cette Cour, et comme cette lettre est vague et n'indique aucun incident concret menant à la conclusion que la partie demanderesse serait réellement à risque, cette cause ne devrait pas être renvoyée devant un autre agent ERAR afin d'être réentendue. Tel que mentionné ci-dessus, la décision de l'agent ERAR est raisonnable. Il a considéré les circonstances au Honduras. Il importe aussi de mentionner qu'il a considéré que de grands efforts ont été faits pour contrôler les gestes posés par le militaire renégat.

ORDONNANCE

1.                   La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                   Il n'y a pas de question à certifier en l'espèce.

« Sean Harrington »

JUGE


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AUX DOSSIERS

DOSSIER :                                                     IMM-2933-05

INTITULÉ :                                                    Argentina Torres Ramos et Angel Esteban Garcia    Carbajal c. Le Ministre de la citoyenneté et de                      l'immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                            le 24 novembre 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE:                                     LE JUGE HARRINGTON

DATE DES MOTIFS :                                   le 1er décembre 2005

COMPARUTIONS:

Me Claude Brodeur                                           POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Daniel Latulippe                                          POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Beauchesne Trempe & Associés                        POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Montréal (Québec)                                           

John H. Sims, c.r.                                              POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

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