Décisions de la Cour fédérale

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Date : 20051003

Dossier : T-1337-05

Référence : 2005 CF 1355

Montréal, Québec, le 3 octobre 2005

EN PRÉSENCE DE ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

ENTRE :

                                                            WANNA, CAMILLE

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                             MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                             

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit en l'espèce d'une requête du défendeur en vertu des alinéas 208d) et 221(1)a) des Règles des Cours fédérales (les règles) par laquelle le défendeur recherche la radiation de la déclaration d'action déposée en l'instance et le rejet de l'action du demandeur au motif que ce dernier ne peut sous le couvert d'une action non prévue par la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, L.C. 2000, ch. 17 (la Loi), obtenir un redressement autrement prévu aux termes des articles 18 et 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, telle que modifiée, dans les délais impartis pour ce faire, lesquels sont expirés.


Contexte

[2]                En date du 6 septembre 2004, à l'aéroport de Dorval, alors qu'il voulait quitter le Canada pour un voyage au Liban, le demandeur s'est vu saisir, à titre de confiscation en vertu du paragraphe 18(1) de la Loi, certains ordinateurs et une somme de 68 000 $.

[3]                En vertu de l'article 25 de la Loi, une personne entre les mains de qui ont été saisies des sommes ou espèces peut, en donnant un avis écrit dans les quatre-vingt-dix (90) jours suivant la saisie, demander au ministre de décider s'il y a eu contravention au paragraphe 12(1).

[4]                La saisie ayant été effectuée le 6 septembre 2004, le demandeur devait présenter sa demande de révision au défendeur dans les 90 jours de la saisie, soit au plus tard le 5 décembre 2004. Or, la demande de révision est datée du 6 décembre 2004 et n'a été reçue de plus que le 8 décembre 2004.

[5]                Le représentant du ministre refusa d'examiner la demande de révision au motif que celle-ci avait été envoyée après l'expiration du délai de quatre-vingt-dix (90) jours. Il en avisa les procureurs du demandeur par lettre datée du 5 janvier 2005 (la décision du 5 janvier 2005).

[6]                Le demandeur cherche néanmoins aujourd'hui par voie d'action à faire annuler la décision du 5 janvier 2005.


[7]                Les articles pertinents à la Loi se lisent comme suit :

12. (1) Les personnes ou entités visées au paragraphe (3) sont tenues de déclarer à l'agent, conformément aux règlements, l'importation ou l'exportation des espèces ou effets d'une valeur égale ou supérieure au montant réglementaire.

18. (1) S'il a des motifs raisonnables de croire qu'il y a eu contravention au paragraphe 12(1), l'agent peut saisir à titre de confiscation les espèces ou effets.

24. La confiscation d'espèces ou d'effets saisis en vertu de la présente partie est définitive et n'est susceptible de révision, de rejet ou de toute autre forme d'intervention que dans la mesure et selon les modalités prévues aux articles 25 à 30.

25. La personne entre les mains de qui ont été saisis des espèces ou effets en vertu de l'article 18 ou leur propriétaire légitime peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la saisie, demander au ministre de décider s'il y a eu contravention au paragraphe 12(1) en donnant un avis écrit à l'agent qui les a saisis ou à un agent du bureau de douane le plus proche du lieu de la saisie.

27. (1) Dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent l'expiration du délai mentionné au paragraphe 26(2), le ministre décide s'il y a eu contravention au paragraphe 12(1).

(2) Dans le cas où des poursuites pour infraction de recyclage des produits de la criminalité ou pour infraction de financement des activités terroristes ont été intentées relativement aux espèces ou effets saisis, le ministre peut reporter la décision, mais celle-ci doit être prise dans les trente jours suivant l'issue des poursuites.

(3) Le ministre signifie sans délai par écrit à la personne qui a fait la demande un avis de la décision, motifs à l'appui.

12. (1) Every person or entity referred to in subsection (3) shall report to an officer, in accordance with the regulations, the importation or exportation of currency or monetary instruments of a value equal to or greater than the prescribed amount.

18. (1) If an officer believes on reasonable grounds that subsection 12(1) has been contravened, the officer may seize as forfeit the currency or monetary instruments.

24. The forfeiture of currency or monetary instruments seized under this Part is final and is not subject to review or to be set aside or otherwise dealt with except to the extent and in the manner provided by sections 25 to 30.

25. A person from whom currency or monetary instruments were seized under section 18, or the lawful owner of the currency or monetary instruments, may within 90 days after the date of the seizure request a decision of the Minister as to whether subsection 12(1) was contravened, by giving notice in writing to the officer who seized the currency or monetary instruments or to an officer at the customs office closest to the place where the seizure took place.

27. (1) Within 90 days after the expiry of the period referred to in subsection 26(2), the Minister shall decide whether subsection 12(1) was contravened.

(2) If charges are laid with respect to a money laundering offence or a terrorist activity financing offence in respect of the currency or monetary instruments seized, the Minister may defer making a decision but shall make it in any case no later than 30 days after the conclusion of all court proceedings in respect of those charges.

(3) The Minister shall, without delay after making a decision, serve on the person who requested it a written notice of the decision together with the reasons for it.


30. (1) La personne qui a présenté une demande en vertu de l'article 25 peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la communication de la décision, en appeler par voie d'action devant la Cour fédérale à titre de demandeur, le ministre étant le défendeur.

[Non souligné dans l'original.]

30. (1) A person who requests a decision of the Minister under section 25 may, within 90 days after being notified of the decision, appeal the decision by way of an action in the Federal Court in which the person is the plaintiff and the Minister is the defendant.

Analyse

[8]                 Tel que souligné par le défendeur, la Cour a eu par le passé dans l'arrêt Murtaza c. Ministre du Revenu national, 2004 CF 1002 à analyser une dynamique semblable à celle à ltude. Ici, de même, la seule question que la Cour a à déterminer est celle de savoir si elle a dans le cadre de l'action du demandeur compétence pour annuler la décision du 5 janvier 2005.

[9]                Pour les motifs qui suivent, je pense qu'il faut répondre par la négative à cette question et, en conséquence, accueillir la requête à l'étude.

[10]            Selon l'article 17 de la Loi sur les Cours fédérales, supra, un demandeur peut obtenir réparation contre la Couronne au moyen d'une action « sauf disposition contraire de la présente loi ou de toute autre loi fédérale » .


[11]            L'article 24 de la Loi prévoit que la confiscation des espèces saisies n'est susceptible de révision que dans la mesure et selon les modalités prévues aux articles 25 à 30 de la Loi. Dans ce cadre d'approche restreint, c'est le paragraphe 30(1) de la Loi qui dispose d'un droit d'action devant cette Cour. Toutefois il faut bien lire ce paragraphe.

[12]            En vertu de ce paragraphe, la personne qui a présenté une demande au ministre en vertu de l'article 25 peut, dans les quatre-vingt-dix (90) jours suivant la communication de la décision, en appeler par voie d'action devant cette Cour.

[13]            Or, pour qu'une demande puisse être considérée comme une demande au ministre en vertu de l'article 25, il faut, entre autres, qu'elle ait été formulée selon les dispositions de cet article 25, c'est-à-dire dans les quatre-vingt-dix (90) jours de la saisie. Ici tel ne fut pas le cas. En conséquence, la décision qu'a rendue le ministre le 5 janvier 2005 ne peut être vue comme une décision découlant de l'article 25 et du paragraphe 30(1) de la Loi ; seul type de décision pouvant donner ouverture à l'appel par voie d'action devant cette Cour.

[14]            La décision du 5 janvier 2005 demeure certes une décision de l'exécutif. Toutefois, c'est par demande de contrôle judiciaire qu'elle pourrait en théorie être attaquée si le demandeur obtient auparavant par requête une prorogation du délai du paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, supra. C'est dans le cadre de cette requête en prorogation présentable devant un juge de cette Cour que le défendeur devra soulever qu'il n'y a pas lieu de proroger le délai du paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales puisqu'en bout de course le délai même de quatre-vingt-dix (90) jours de l'article 25 de la Loi n'est pas, selon ses prétentions, susceptible de prorogation.


[15]            Pour ces motifs, il y a donc lieu de radier la déclaration d'action du demandeur et de rejeter son action en vertu des alinéas 208d) et 221(1)a) des règles, le tout avec dépens.

[16]            Le défendeur ayant produit dans le dossier T-1339-05 une requête en radiation similaire à la présente, il est par la présente décrété que les présents motifs s'appliquent également mutatis mutandis à ce dossier T-1339-05 et une ordonnance séparée sera émise simultanément dans ce dernier dossier radiant la déclaration d'action des demandeurs et rejetant leur action en vertu des alinéas 208d) et 221(1)a) des règles, le tout avec dépens.

[17]            Dans le cas présent, soit le dossier T-1337-05, un élément additionnel de taille s'oppose à l'action entreprise par le demandeur.

[18]            Il est intéressant de regarder également ce point puisque lors de l'audition de la requête en radiation du défendeur, le procureur du demandeur a porté à l'attention de la Cour un document qui cherche à établir que la saisie en litige fut effectuée le 9 septembre 2004 et non le 6 du même mois, ce qui ferait que la décision du 5 janvier 2005 rencontrerait le délai de l'article 25 de la Loi.

[19]            Tel que le souligne toutefois le défendeur dans son dossier de requête, aux paragraphes 26 et suivants de ses représentations écrites :


26.            La demande de révision du demandeur eût-elle été parfaitement conforme aux prescriptions de l'article 25 de la Loi, et la décision du Ministre en date du 5 janvier 2005 eût-elle été une décision légalement attaquable en vertu de l'article 30 de la Loi, le demandeur ferait face à un autre écueil : il avait 90 jours, aux termes de l'article 30 de la Loi, pour s'adresser à la Cour fédérale par voie d'action.

30. (1)    La personne qui a présenté une demande en vertu de l'article 25 peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la communication de la décision, en appeler par voie d'action devant la Cour fédérale à titre de demandeur, le ministre étant le défendeur.

30. (1) A person who requests a decision of the Minister under section 25 may, within 90 days after being notified of the decision, appeal the decision by way of an action in the Federal Court in which the person is the plaintiff and the Minister is the defendant.

27.            La décision datée du 5 janvier 2005 ayant été communiquée au demandeur le jour même (paragraphe 16 de la déclaration), le demandeur aurait eu jusqu'au début avril 2005 pour contester la décision en s'adressant à la Cour. Or, le demandeur a déposé son action que le 1er août 2005, soit environ 4 mois plus tard.

28.            La Cour n'a pas juridiction pour proroger le délai prévu à l'article 30 de la Loi, et ce, pour les motifs déjà énoncés dans la décision Kazazian and Solicitor General for Canada, 2004 CF 1177.

[20]            C'est donc dire qu'en bout de course, même si le demandeur devait être vu comme ayant franchi valablement les exigences et le délai de l'article 25 de la Loi, le délai du paragraphe 30(1) de la Loi pour la prise d'action en Cour fédérale se poserait toujours.

[21]            Il est donc clair et évident à mon avis, tel que décrété auparavant, que la requête du défendeur doit être accueillie, le tout avec dépens.

                   « Richard Morneau »

                      PROTONOTAIRE


                                     COUR FÉDÉRALE

                     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

INTITULÉ:


T-1337-05

WANNA, CAMILLE

                                                                            demandeur

et

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                               défendeur


LIEU DE L'AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :               26 septembre 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE PROTONOTAIRE MORNEAU

DATE DES MOTIFS :                      3 octobre 2005


ONT COMPARU:


Me Anthony Karkar

POUR LE DEMANDEUR

Me Jacques Mimar

POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:


John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR


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