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Date : 20240207


Dossier : IMM-11702-22

Référence : 2024 CF 195

Ottawa (Ontario), le 7 février 2024

En présence de l’honorable juge Roy

ENTRE :

CARLOS KALONDA LUBANGI,

ANTONICA TANGO KALONDA,

CARLA TAUSI KALONDA,

DANIELE KALONDA

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, autorisée en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001 c 27 [Loi], d’une décision rendue par la Section d’appel des réfugiés [SAR] qui s’était déclarée en accord avec la Section de la protection des réfugiés [SPR] pour refuser le statut de réfugié aux demandeurs.

I. Le Droit en la matière

[2] L’affaire est essentiellement relative à la crédibilité déficiente des demandeurs au sujet des deux incidents qu’ils invoquent pour réclamer le statut de réfugié au Canada. Les demandeurs n’ont pas une tâche facile quand on veut contester sur contrôle judiciaire la décision d’un tribunal administratif dont l’une des spécialisations est d’évaluer la crédibilité des demandeurs d’asile. C’est évidemment d’autant plus vrai qu’il est convenu par tous, y compris, la Cour, que la norme de contrôle qui préside est celle de la décision raisonnable. C’est que, sur contrôle judiciaire, la Cour de révision ne substitue pas sa perception du mérite d’une décision administrative, mais plutôt doit en évaluer la légalité. La cour de révision contrôle la légalité de la décision rendue, pas son mérite, en examinant si la décision a les caractéristiques de la raisonnabilité, soit la justification, la transparente et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes. Dans la mesure où la décision rencontre ces paramètres, il n’y a pas lieu à intervention de la cour de révision même si celle-ci aurait pu en arriver à un résultat différent. Sur des questions de crédibilité, et donc de vraisemblance du récit du demandeur d’asile, les conclusions de la SAR commandent un degré élevé de retenue (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, aux para 59 et 89).

[3] Comme il a été dit dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] 4 RCS 653 [Vavilov], la cour de révision cherche à comprendre le raisonnement du décideur administratif pour déterminer si la décision dans son ensemble est raisonnable. Ainsi, « une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (para 85).

[4] La cour de révision est donc invitée à adopter le principe de la retenue judiciaire, si bien qu’elle n’intervient que « lorsque cela est vraiment nécessaire pour préserver la légitimité, la rationalité et l’équité du processus administratif » (para 13). On nous dit que « les cours de justice doivent reconnaître la légitimité et la compétence des décideurs administratifs dans leur propre domaine et adopter une attitude de respect » (para 14). De simplement prétendre que le décideur administratif a « erré » ne suffit pas en soi. Le demandeur sur contrôle judiciaire a plutôt le fardeau de convaincre la cour de révision que la décision souffre d’une lacune grave à un point tel que les exigences de justification, transparence et intelligibilité ne sont satisfaites. Les tribunaux supérieurs ne sont pas dédits à cet égard. Encore tout récemment, la Cour suprême du Canda rappelait que la cour de révision ne procède pas à une analyse de novo et ne fait pas sa propre pondération des facteurs sous-jacents à la décision. Citant une abondante jurisprudence, on note que « [s]i le décideur a tenu compte de toutes les considérations pertinentes selon le contexte, la cour de révision doit confirmer sa décision » (Commission scolaire francophone des Territoires du Nord-Ouest c Territoires du Nord-Ouest (Éducation, Culture et Formation), 2023 CSC 31, au para 71).

II. Les faits

[5] Des cinq demandeurs originaux, il ne reste plus en quelque sorte devant la Cour que le père (Carlos Kalonda Lubangi) et la mère (Antonica Tango Kalonda) des six enfants du couple. Devant la SPR, outre Carla et Daniele, deux des six enfants, il y Noemia Tango Eduardo Lubangi, une jeune adulte, dont la demande d’asile a été jointe à celle de ses parents et de ses deux sœurs. Les autres enfants de la fratrie ne sont pas impliqués.

[6] Quant à Carla et Daniele, des enfants mineurs qui sont citoyennes américaines, la SAR a indiqué que la décision de la SPR de conclure qu’elles n’ont pas la qualité de réfugiée ou de personnes à protéger à l’égard de leur pays de citoyenneté, les États-Unis, n’a pas été contestée. De plus, deux autres filles adultes vivent aux États-Unis où Clara et Daniele pourraient éventuellement aller résider si elles le veulent. À tout événement, la SAR s’est déclarée d’accord avec la SPR qu’une demande d’asile des deux enfants mineurs aurait été évaluée en fonction de la demande de leurs parents mais, de toute manière, le dossier ne révélait aucun risque aux États-Unis.

[7] Noemia était arrivée au Canada le 21 avril 2018 en compagnie d’un frère plus âgé, en provenance des États-Unis où elle était arrivée le 30 avril 2016 et où elle avait fait une demande d’asile qui aura échoué. Arrivée au Canada après ses parents qu’elle a déclaré avoir voulu rejoindre (ils étaient arrivés en mars 2018), sa demande au Canada a été jointe à celle de ses parents et des sœurs cadettes. Sa demande souffrait d’un manque de crédibilité, selon la SPR, si bien qu’elle fut refusée. Étant donné que Noemia arrivait d’un tiers pays sûr, les États-Unis, elle ne pouvait en appeler devant la SAR, en vertu du paragraphe 112(2)d) de la Loi. C’est dire que l’appel devant la SAR ne pouvait inclure Noemia dont la demande d’asile était terminée devant la SPR. Par ailleurs, les narratifs de Noemia et de ses parents devant la SPR s’entrecroisent.

[8] Il en résulte que, à toute fin utile, il ne reste que le père et la mère qui contestent la décision de la SAR sur contrôle judiciaire. Essentiellement, ils contestent les conclusions selon lesquelles les deux événements invoqués à l’appui de leur demande d’asile ne reposent pas sur des bases crédibles.

1er incident

[9] M. Lubangi est un médecin-chirurgien dans son pays de nationalité, l’Angola. Mme Kalonda est aussi une citoyenne d’Angola et elle est infirmière.

[10] Le demandeur principal, M. Kalonda Lubangi, a fourni l’essence de la demande d’asile dans son Fondement de la demande d’asile [FDA]. Mme Kalonda a contribué une feuille supplémentaire au FDA de son mari. Elle y décrivait avoir été enlevée le 29 janvier 2018 pendant la journée. L’enlèvement aurait été perpétré par la police d’un certain General Jose Alfredo Ekuiki. Les agents l’auraient interrogée avec violence, l’ayant même battue. Ils l’avaient laissée inconsciente sur le sol, ayant quitté les lieux avec la voiture de celle-ci. Le motif de cette exaction aurait été que les agents n’auraient plus vu M. Kalonda « en circulation » et ils le recherchaient.

[11] Cet incident allégué est en relation avec la raison pour laquelle M. Kalonda Lubangi demande l’asile au Canada. Il indique à son FDA avoir été consulté par la sœur du Général Ekuiki pour des douleurs abdominales dont elle souffrait. Des examens et tests ont fait craindre une inflammation de l’appendice. Le 10 octobre 2017, elle revenait à l’hôpital avec son frère; une chirurgie a été pratiquée ce même jour. Elle reçut son congé de l’hôpital le 13 octobre. On dit qu’elle est décédée le 15 octobre.

[12] Le docteur Kalonda Lubangi dit avoir été arrêté le 15 octobre 2017 par la police de Luanda là où il pratiquait. Il dit avoir été arrêté sur ordre du Général après le décès de sa sœur. Il a été détenu pendant trois jours (du 15 au 17 octobre) et des mauvais traitements infligés incluaient la torture. Le demandeur principal déclarait que le Général avait donné l’ordre de le faire disparaître si on découvrait qu’il est responsable du décès de sa sœur.

[13] Un sous-commandant aurait relaxé le demandeur principal le 17 octobre : un document daté du 16 octobre lui fut remis. Il lui fut ordonné de se présenter au commissariat tous les mardis. Passeport et permis de conduire furent confisqués. Le demandeur principal dit s’être présenté, tel que requis, tous les mardis. Il dit avoir été surveillé 24 heures sur 24 par « la police secrète du Général » dans la ville de Luanda.

[14] Finalement, le demandeur principal fait le lien avec l’enlèvement de son épouse le 29 janvier 2018. Le 29 janvier 2018 était un lundi. Ainsi, sa femme aurait été enlevée en plein jour pour obtenir d’elle qu’elle dise où se trouvait son mari. Il déclare avoir obtenu l’aide du bâtonnier de l’ordre des médecins, dont l’épouse avait ses entrées auprès du sous-commandant qui l’avait relaxé le 17 octobre 2017. C’est ainsi que, moyennant paiement, il a pu récupérer son passeport et son permis de conduire à la mi-février. Le bâtonnier lui avait recommandé de fuir l’Angola. Avec son aide à nouveau, le couple a quitté durant la nuit du 5 mars 2018.

2e incident

[15] M. Kalonda Lubangi et Mme Tango Kalonda n’ont pas présenté dans leur demande d’asile d’autres allégations d’incidents. Mais Noemia fit une toute nouvelle allégation à même son formulaire signé le 8 mai 2018 pour justifier une demande d’asile au Canada.

[16] Cette fois, Noemia aurait accompagné son père pour offrir des soins médicaux au « prophète Jose Kalupeteka », le leader de la religion chrétienne « 7e jour Adventiste ». Le 16 avril 2015, il était en mission d’évangélisation à l’extérieur de la capitale.

[17] Noemia déclare que, soudainement, la police nationale a surgi et a ouvert le feu sur les personnes présentes qui étaient sans défense. Noemia, son père et deux des fils du pasteur Kalupeteka ont réussi à fuir, « échappant aux balles de la police ». Durant la nuit, ils ont pu retourner à Luanda par voiture. Le lendemain, le 17 avril 2015, deux policiers se sont présentés à la demeure du demandeur principal. Celui-ci n’était pas présent. Cela a fait en sorte que le demandeur principal a changé de résidence, permettant aux deux enfants de Jose Kalupeteka d’y demeurer pendant onze mois.

[18] Noemia écrit que le pasteur Kalupeteka « était battu à mort » et mis en prison. Neuf cents fidèles auraient été tués. Elle ajoute dans le même écrit que le 15 décembre 2015, dix hommes armés se sont présentés à la résidence familiale à la recherche du demandeur principal, qui était encore absent. Elle dit avoir été frappée pour révéler où se trouvait « le médecin du prophète Jose Kalupeteka ». Noemia fut aussi agressé sexuellement (viol) par deux des hommes armés.

III. La décision de la SAR

[19] Dans une longue décision, bien articulée, la SAR s’est déclarée en complet accord avec la SPR qui n’a pas accepté le témoignage devant elle des différents acteurs, concluant que le fardeau d’établir une possibilité sérieuse de persécution n’avait pas été déchargé. Les témoignages en soutien aux assertions dans les FDA ont porté un dur coup à la crédibilité des témoins et à la vraisemblance de leurs allégations.

[20] Devant la SPR, il y avait deux incidents bien distincts présentés pour justifier les demandes d’asile de Noemia et de celle des parents. Quant à ces derniers, c’était la crainte d’un certain Général Ekuiki dont la sœur aurait été traitée par le docteur Lubangi qui était présentée au FDA. Comme indiqué plus haut, elle serait décédée (le 15 octobre 2017) à la suite d’une chirurgie pratiquée par le demandeur principal quelques jours plus tôt. Le Général aurait tenu le médecin responsable de sa mort, l’aurait fait arrêter le 15 octobre et aurait en quelque sorte autorisé sa torture jusqu’à la libération du docteur Lubangi le 17 octobre. La codemanderesse aurait été enlevée le 29 janvier suivant parce que le demandeur principal serait disparu de la circulation malgré qu’il fut sous surveillance constante, 24 heures par jour, sans passeport ou permis de conduire et qu’il déclare s’être présenté à la police tous les mardis depuis octobre 2017.

[21] Quant à Noemia, son récit prend origine en avril 2015. Elle accompagne son père, qui prodigue des soins à un pasteur, Jose Kalupeteka, le chef de l’église Lumière du monde en Angola. Un grand nombre de fidèles ont été tués. Elle a pu fuir, mais le lendemain deux policiers se sont présentés au domicile familial. Un groupe de policiers se seraient à nouveau présentés au domicile familial plusieurs mois plus tard, en décembre 2015, étant encore à la recherche du père qui était encore absent. Deux des policiers auraient alors agressé sexuellement Noemia après avoir ligoté son frère.

[22] Devant la SPR, le demandeur principal a endossé les deux incidents au soutien des demandes d’asile (décision de la SAR, au para 7). De toute façon, il est impliqué dans les deux récits. Il faut convenir que ce deuxième incident, qui n’est pas banal, apparaît au témoignage du demandeur principal devant la SPR sans qu’il ait été à son FDA.

[23] La SAR note dans sa décision que le récit de Noemia lors de sa tentative d’obtention de statut de réfugié aux États-Unis était plus que déficient au plan de la vraisemblance. En effet, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration [ministre] était intervenu pour parfaire le dossier devant la SPR.

[24] La chronologie des événements devient d’ailleurs plus claire :

  • 6 mars 2018, les parents arrivent à Montréal;

  • 22 mars 2018, Carla et Daniel arrivent au Canada par voie terrestre en provenance des États-Unis;

  • 21 avril 2018, Noemia et son frère arrivent au Canada en provenance du Maine;

  • après l’enlèvement allégué de la codemanderesse le 29 janvier 2018, le demandeur principal a été en mesure de récupérer passeport et permis de conduire. C’est ainsi qu’il réussit à quitter l’Angola le 5 mars pour arriver le lendemain à Montréal.

[25] Le récit de Noemia aux autorités américaines, après son arrivée aux États-Unis en avril 2016, pour l’obtention du statut de réfugié dans ce pays, dans un narratif en date du 11 mai 2016, parle du kidnapping de ses parents le 15 février 2016 et de la prétention qu’ils sont introuvables depuis cette date.

[26] Selon cette version donnée aux autorités américaines, l’enlèvement des parents par des autorités angolaises était parce que le père était soupçonné d’appartenir au groupe de rébellion religieux du pasteur Kalupeteka, alors qu’il n’était que le médecin du pasteur. Le récit se veut précis. Le 5 mars 2016, alors que son frère était absent de la maison, des hommes sont venus les menacer, elle et ses sœurs, de mort. Son récit précise qu’elles n’ont pas été agressées sexuellement. Ce serait à la suite de ces événements qu’elle, ses sœurs et son frère ont décidé de partir vers les États-Unis où ils sont arrivés le 30 avril 2016.

[27] Le hic dans toute cette histoire était que les parents qui étaient dits introuvables parce que kidnappés en février 2016 étaient en fait arrivés en même temps que Noemia aux États-Unis. La SAR fait remarquer que les « empreintes digitales des parents avaient été prises à quelques secondes d’intervalles à l’aéroport après avoir débarqué du même avion » (décision de la SAR, au para 8). Les autorités américaines ont donc décidé de référer la demande d’asile à un juge d’immigration. Noemia n’a pas attendu qu’un juge d’immigration statue sur sa demande de réfugié aux États-Unis puisqu’elle est venue au Canada en avril 2018, bien avant la décision du juge américain, rendue le 2 novembre 2020.

[28] Le ministre notait de plus dans son avis d’intervention devant la SPR que la version américaine précisait qu’aucune agression sexuelle n’avait été perpétuée en Angola, alors qu’une allégation de cet ordre était faite au Canada.

[29] Le demandeur principal aura donc témoigné non seulement quant au risque que posait le Général, mais aussi quant au risque que posait pour lui son association avec M. Kalupeteka.

[30] Dans son analyse des motifs invoquées par la SPR pour rejeter la crédibilité des allégations, la SAR les a passés en revue pour être en agrément avec celle-ci :

  • les parents n’ont pas soulevé dans leur FDA quelque incident impliquant le pasteur Kalupeteka; cela a été ajouté à l’ensemble des allégations à l’audience devant la SPR;

  • le témoignage de Noemia relatif à la tuerie d’avril 2015 est resté vague malgré les tentatives faites par la SPR pour plus de précision;

  • la divergence profonde à l’égard d’une agression sexuelle subie, alors que la version américaine exclut nommément une telle exaction;

  • après leur arrivée aux États-Unis en avril 2016, les parents sont retournés en Angola plusieurs fois malgré leur prétention que leur vie était menacée.

[31] La SAR reprend chacune de ces constatations de la SPR. Quant à la première, la SAR rappelle que le demandeur principal a invoqué à l’audience qu’il craignait la persécution en Angola en raison de ses liens avec M. Kalupeteka. Il eut été raisonnable que cette association aurait dû être dans le FDA. Ce n’était pas mineur. C’est d’autant plus important, dit la SAR, que leur fille en faisait sa crainte de persécution et qu’ils s’y sont associés. L’absence de contradiction entre le témoignage de Noemia et celui de son père ne donne pas une crédibilité accrue au père puisque le témoignage de Noemia n’était lui-même pas crédible. On reprochait à la SPR de ne pas avoir référé au Cartable national de documentation au sujet de l’Angola quant à la tuerie d’avril 2015. Comme l’explique la SAR, la question n’est pas d’établir que cette tragédie avait eu lieu. C’était plutôt de déterminer si les liens allégués avec M. Kalupeteka étaient source de crainte de persécution crédible.

[32] La SAR a aussi conclu que la crédibilité des demandeurs était ternie de par leurs multiples retours en Angola. N’est pas acceptée l’explication selon laquelle la condamnation de M. Kalupeteka à 28 années de prison améliorait leur situation à l’égard de la persécution qu’ils pourraient subir en Angola si leur allégation était vraie. On aurait pu croire qu’ils auraient voulu demander l’asile aux États-Unis, comme l’a fait Noemia, sur la base de la même allégation relative au lien avec le pasteur. Ils sont plutôt retournés en Angola.

[33] La SAR passe ensuite à la contradiction flagrante dans le témoignage de Noemia au Canada par rapport à celui aux États-Unis au sujet d’une agression sexuelle. L’explication donnée pour la fausse déclaration était qu’un pasteur rencontré aux États-Unis aurait conseillé de ne pas inclure l’agression sexuelle dans la version américaine des motifs pour obtention de l’asile. Cette explication a été rejetée comme non vraisemblable, la SAR ajoutant que « [u]ne telle explication montre clairement que les appelants sont disposés à faire de fausses déclarations s’ils croient que cela améliorera leur chance d’obtenir l’asile, même pour des motifs fallacieux » (décision de la SAR, au para 29). De plus, il y avait le mensonge selon lequel les parents avaient disparu en Angola alors même qu’ils étaient avec leur fille à leur arrivée à New York.

[34] L’avocate des demandeurs a invoqué la Directive no 8 du président : Procédure concernant les personnes vulnérables qui comparaissent devant la CISR. On prétendait que Noemia aurait dû recevoir un traitement plus favorable du fait que le traumatisme souffert aurait affecté sa capacité à témoigner. Comme je l’ai expliqué à l’audience de la demande de contrôle judiciaire, la Directive no 8 est très limitée et elle ne vise qu’à accorder au besoin des adaptations procédurales (voir para 5.2). De plus, aucune représentation n’a été faite quant à l’effet juridique qu’une telle directive pourrait avoir sur le juge des faits, quant à la raisonnabilité de sa décision, si tant est qu’elle n’a pas été respectée. Quoi qu’il en soit, la SAR a conclu que Noemia n’a jamais été déclarée comme personne vulnérable aux termes de la Directive et, plus fondamentalement, elle n’a jamais même tenté d’expliquer ses déclarations comme ayant été causées par un traumatisme ou la honte. Aucune preuve à cet égard n’était présente et « il est évident que M. L et Mme K [les parents] ont pleinement participé à la préparation de la demande d’asile de Noemia, et ont permis à leur fille de formuler des allégations qu’ils savaient être fausses » (décision de la SAR, au para 30).

[35] Finalement quant aux allégations directement relatives au lien avec le pasteur Kalupeteka, la SAR relève que le témoignage de Noemia était bel et bien vague au sujet de la tragédie d’avril 2015 où des fidèles du pasteur ont été tués. Les explications (jeune âge, traumatisme, temps écoulé) ne justifient pas que le témoignage corresponde uniquement à ce qui était disponible dans les articles et nouvelles diffusés. Cela avait soulevé des préoccupations chez la SPR quant à la présence d M. Kalonda Lubangi et sa fille lors de cette tragédie. Il n’y avait pas d’erreur de la part de la SPR dans la prise en compte dans l’évaluation de la crédibilité.

[36] La SAR s’est ensuite tournée vers l’allégation relative à la crainte d’un certain Général. La SPR avait relevé des incongruités dans la preuve offerte devant elle au sujet de la détention et de la torture alléguées du père. Qu’on se rappelle que la détention aurait eu lieu du 15 octobre 2017 au 17 octobre et que la mère aurait subi une séquestration le 29 janvier 2018. Les parents quittent pour le Canada le 5 mars 2018, alors que Noemia arrive à un port frontalier, en provenance du Maine le 21 avril 2018. La SPR considère que l’allégation relative à l’arrestation du père n’a pas été établie selon la balance des probabilités. Différents facteurs sont considérés :

  1. lorsqu’elle se présente à la frontière canadienne le 21 avril 2018, Noemia déclare ne pouvoir retourner en Angola à cause de la violence existante en raison de la crise gouvernementale alors en cours. Aucune allusion aux sévices subis par ses père et mère n’est faite. Non seulement aucune allusion n’est faite au point d’entrée, mais aucune n’est présentée dans le FDA fait le 8 mai 2018;

  2. Mme Kalonda a allégué avoir subi une séquestration le 29 janvier 2018 parce que son mari n’avait pas été vu depuis un certain temps (depuis plusieurs semaines selon le FDA, comme feuille annexée, de son mari). Pourtant, M. Kalonda Lubangi a déclaré s’être présenté à la police tous les mardis après son arrestation. De plus, il avait dit être constamment surveillé. Ainsi, son explication, que l’inquiétude quant à son absence ayant mené à la séquestration de sa femme aurait été qu’il avait fait une garde de 48 heures à l’hôpital, n’a pas été retenue. De fait, il avait même indiqué qu’on l’aurait recherché pour une disparition de plusieurs semaines et non seulement 48 heures;

  3. le narratif du FDA indique la détention ayant eu au cours du 15 au 17 octobre 2017. Un autre formulaire parlait d’une arrestation le 15 novembre 2017 avec détention jusqu’au 16 novembre. Un troisième document portait la date d’arrestation comme étant le 15 octobre, mais une détention cessant le 16 octobre 2017. Les différences n’ont pas été expliquées à la SPR qui disait s’être attendue à mieux, d’autant que les documents avaient été complétés le même jour.

  4. enfin, le demandeur principal avait soumis un document daté du 16 octobre 2017, mais qui lui aurait été remis le 17. On pourrait penser que le document aurait pu servir à une forme de corroboration. Aucune valeur probante ne lui fut cependant accordée à cause de son contenu. En effet le document n’établit ni une arrestation, ni une détention. Le document ne fait que requérir que le demandeur principal doive se présenter aux autorités lorsque requis tant qu’une enquête pour homicide dont il aurait été témoin sera en cours. Il lui est interdit de quitter le pays.

[37] La SPR avait questionné Noemia sur les raisons de sa crainte de retourner en Angola. On lui fait le grief d’avoir déclaré à son arrivée à la frontière canadienne une crainte générale de violence qui existait en raison de la crise gouvernementale qui sévissait alors. Pas un mot sur la détention et la torture subies par son père quelques mois plus tôt. Quoique les notes prises à l’arrivée au pays commandent la prudence, la SAR convient que la SPR était justifiée de considérer une telle omission alors que cela est un élément central de la demande d’asile. Noemia n’a jamais contesté l’exactitude des notes prises au point d’entrée. S’il y avait eu arrestation et torture du père quelques mois plus tôt, il est étonnant que sa fille n’en parle pas et qu’elle ne déclare que craindre de façon générale la violence provoquée par une crise gouvernementale qui sévissait alors lorsqu’un événement précis venait donner vie à une telle crainte. La SAR retient donc cette critique : « la crédibilité concernant les prétendus problèmes des appelants, avec le général » (décision de la SAR, au para 45) est mise à mal parce qu’on s’attendrait raisonnablement à ce qui si ces événements s’étaient produits, ils auraient été présentés.

[38] Les autres éléments faisant douter des événements invoqués sont directement liés aux deux demandeurs.

[39] D’abord, il y a les incohérences dans la version de Mme Kalonda au sujet de son enlèvement allégué du 29 janvier 2018. La SAR met en exergue que la séquestration pouvait difficilement être expliquée pour le récit des demandeurs. On lit au paragraphe 48 de la décision l’articulation des difficultés rencontrées :

[48] En appel, la conseil fait valoir que la SPR a mal interprété l’exposé circonstancié de M. L en raison de l’inclusion d’une syntaxe boiteuse. Dans son exposé circonstancié, M. L a affirmé ce qui suit : « Elle [Mme K] a été frappé et ils sont partis avec sa jeep Hyundai neuve et lui questionnant sur moi depuis quelques semaines ils ne me voient plus et sont allé l’abandonner sur la route. » [exposé circonstancié original en français] La conseil fait valoir que M. L n’avait pas l’intention de dire qu’il avait disparu pendant quelques semaines, mais plutôt que la police avait questionné Mme K au sujet des activités de M. L au cours des semaines antérieures. Même s’il est vrai que l’exposé circonstancié pouvait être plus limpide, celui-ci ne laisse pas entendre que la police a questionné Mme K au sujet de M. L et que la police n’avait pas vu celui-ci pendant quelques semaines. Cette information contredisait le témoignage de M. L selon lequel la police avait enlevé Mme K parce qu’elle ne l’avait pas vu pendant 48 heures. L’exposé circonstancié ne concordait pas non plus avec le témoignage de M. L selon lequel il se présentait au poste de police chaque semaine. En outre, l’exposé circonstancié contredisait le témoignage de M. L selon lequel la police le surveillait en tout temps à la maison et au travail. Le témoignage des appelants selon lequel la police avait enlevé Mme K parce que la police ne savait pas où M. L se trouvait ne concorde pas avec toutes les autres parties susmentionnées de leur témoignage selon lequel M. L faisait l’objet d’une surveillance attentive continue et qu’il se présentait au poste de police une fois par semaine, chaque semaine.

[40] En ce qui a trait aux dates d’arrestation et de détention à la fin de 2017 relevées par la SPR, la SAR reconnaît l’incohérence, mais cela ne suffirait pas à tirer une conclusion défavorable sur la vraisemblance du récit. Finalement, le document du 16 octobre 2017 présenté par le demandeur principal n’a aucune valeur pour établir une arrestation. Comme la SPR l’avait conclu, le contenu du document n’établit pas qu’une telle arrestation a été effectuée : « Le document ne fait aucune mention de l’arrestation ou de la détention de M. L. » (décision de la SAR, au para 50). C’est vrai. J’ai lu le document. L’existence de ce document n’établit pas l’arrestation ou la détention selon la SAR, comme le prétendaient les demandeurs.

[41] Ayant examiné en détails les erreurs alléguées par les demandeurs, la SAR a conclu ne pas partager l’avis de l’avocate des demandeurs « que les appelants ont témoigné de manière détaillée et directe, sans contradiction, compte tenu des diverses préoccupations quant à la crédibilité exposés ci-dessus. Étant donné que leur récit des événements qui les a amenés à quitter l’Angola n’était pas crédible, je conclus qu’ils ne seraient pas exposés à un risque s’ils retournaient en Angola » (décision de la SAR, au para 62).

IV. Arguments et analyse

[42] Comme je l’ai expliqué plus tôt, la cour de révision ne se substitue pas au tribunal administratif. Elle recherche la compréhension de la décision administrative pour se satisfaire qu’elle est fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle. Les contraintes factuelles et juridiques sont-elles telles qu’on peut dire que la décision est justifiée?

[43] Si un demandeur espère réussir sur contrôle judiciaire, il ne doit pas chercher à convaincre du mérite de sa cause, au sens où la cour de révision devrait préférer sa version. Le demandeur doit plutôt établir des lacunes graves qui mènent à la conclusion que la décision n’est pas raisonnable.

[44] Si j’ai présenté les faits de cette affaire et la décision sous étude dans le détail, c’est que cette demande de contrôle judiciaire devait reposer sur une tentative de convaincre la cour de révision que la décision de la SAR n’est pas cohérente ou rationnelle, qu’elle n’est pas justifiée.

[45] Or, le mémoire des demandeurs et la présentation en cour de leurs arguments sont essentiellement une tentative qui correspond au mémoire présenté à la SAR (l’appel devant la SAR se fait sur dossier, sauf certaines exceptions précises à la Loi). L’appel devant la SAR se fait sur la base de la décision correcte (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93, [2016] 4 RCF 157), si bien que la SAR ne doit aucune déférence à la SPR. Ce n’est pas le cas sur contrôle judiciaire. La différence est que devant la cour de révision, il ne suffit pas d’arguments que sa version aurait dû prévaloir, comme si la cour de révision procédait de novo. Le fardeau est plutôt celui de démontrer que la décision n’était pas raisonnable, ce qui constitue un fardeau différent requérant une démonstration différente puisque la cour de révision se doit de faire preuve d’une certaine déférence.

[46] C’est un fardeau plus lourd. Je note que les demandeurs déclarent que « la SAR ... n’a fait que valider les arguments de la SPR ou interpréter sa décision sans mener une analyse indépendante et claire permettant de suivre son raisonnement » (mémoire des faits et du doit, au para 30). Ce n’est pas le cas. Au contraire, la SAR a fourni des motifs élaborés qui visaient les différents griefs formulés. Ce qui est vrai, c’est que la SAR était d’accord avec la SPR. Cela ne rend pas la décision déraisonnable.

[47] Les demandeurs ne peuvent maintenant échapper à la preuve présentée et révisée par la SAR. Ainsi, ils tentent d’échapper aux conclusions dévastatrices de la SPR, que la SAR a endossées à partir de sa propre analyse, voulant que l’affiliation avec le pasteur Kalupeteka soit entachée de contradictions et d’invraisemblances. Le juge des faits était autorisé d’examiner le témoignage du demandeur principal et celui de sa fille pour y voir les déficiences graves. On doit rappeler que les dossiers des demandeurs et celui de Noemia ont été joints à la demande de ceux-ci. Le demandeur principal était impliqué dans le récit relatif au pasteur Kakupeteka. Il a choisi de s’associer à ces événements et je ne peux voir comment on peut reprocher à la SAR (comme à la SPR) de noter que le FDA n’en traite aucunement. De simplement prétendre que la raison au soutien de la demande d’asile était l’arrestation et la détention en octobre 2015, et non le récit de Noemia qui est endossé par son père, est court. Après tout, c’est la crédibilité des demandeurs qui était en cause et celle-ci est entachée par leur témoignage devant la SPR. Les décideurs administratifs ont été d’accord que le récit des deux incidents invoqués étaient déficients et je ne vois pas comment on pourrait dire que la décision de la SAR ne doit pas bénéficier de la déférence sur contrôle judiciaire.

[48] Les demandeurs ont raison lorsqu’ils écrivent au paragraphe 51 de leur mémoire que « [l]eurs récits [ceux des demandeurs et Noemia] individuels se complétaient en tant que membres d’une même famille ». Je ne puis voir comment les demandeurs peuvent maintenant chercher à se dissocier d’un récit « commun » qui n’a pas été cru. Les demandeurs concèdent au paragraphe 63 que des contradictions importantes peuvent nuire à la crédibilité de leur demande. Les demandeurs discutent alors de la version fantastique offerte par leur fille après son arrivée à New York le 30 avril 2016. Dans sa demande d’asile, elle déclarait que ses parents avaient disparu en février 2016. Après la disparition, le récit ajoutait que la police continuait de les visiter à leur domicile. Lors de l’une de celles-ci, Noemia et ses sœurs ont été rudoyées. C’était le 5 mars 2016. Or, les parents n’ont pas été enlevés. Les autorités américaines ont plutôt découvert que la famille au complet était arrivée sur un même vol le 30 avril : de fait les empreintes digitales avaient été prises à quelques secondes d’intervalle. Les parents sont retournés en Angola plus tard en 2016.

[49] Les demandeurs disaient vouloir minimiser l’atteinte à la crédibilité de leur demande d’asile en invoquant la Directive no 8 du président sur les personnes vulnérables et la Directive n4 du président – Considération liées au genre dans les procédures devant la CISR.

[50] Outre que les demandeurs n’ont jamais pu articuler en quoi consistent ces « Directives » qui auraient un impact en l’espèce, et quel en est le poids juridique en fonction de la norme de contrôle, un simple examen de celles-ci ne permet pas de comprendre en quoi elles pourraient être utiles aux demandeurs. Par exemple, la Direction no 8 déclare expressément qu’elle n’existe que pour adapter la procédure aux besoins particuliers de personnes vulnérables. Noemia aura témoigné devant la SPR alors qu’elle était dans sa 24e année, qu’elle était accompagnée de ses parents dans un dossier conjoint où ils étaient représentés par avocat. Cette Directive est claire qu’elle ne réfère qu’à des ajustements procéduriers là où une personne est vulnérable comme il est déclaré expressément au paragraphe 5.2. Le panel de la SPR a déclaré dans sa décision s’être mis en garde prenant note de la Directive n4. Les demandeurs ont cherché à donner un poids aux Directives qu’elles n’ont pas ou, à tout le moins, ils n’ont pas justifié que la décision n’est pas raisonnable en proposant où des lacunes graves se seraient produites. Les actions de la SPR et de la SAR n’ont pas été démontrées comme étant déraisonnables. Au contraire.

[51] L’autre volet traite de la crainte du Général. Ici aussi, ni la SPR, ni la SAR n’ont accepté le récit à cause des contradictions enregistrées à l’égard de cette affaire. En effet, l’enlèvement de la codemanderesse a été vu par la SAR comme étant non crédible.

[52] Il y avait, à mon avis, amplement de raisons d’être non convaincus que l’arrestation, la détention et la torture du demandeur principal n’avaient pas été établies selon le standard de preuve en matière civile, la prépondérance des probabilités. L’absence complète de référence à ces événements, allégués maintenant comme étant au cœur de la demande d’asile des demandeurs, par Noemia pour expliquer sa propre demande d’asile est en soi curieuse. Elle n’a en effet que parler de la violence en Angola au moment d’une crise gouvernementale.

[53] De façon plus importante, l’épisode de l’enlèvement de la codemanderesse est en soi très problématique. Comme le défendeur l’aura noté, on ne sait pas trop pourquoi elle aurait été enlevée pour chercher à savoir où était son mari, lui qui témoignait s’être présenté aux autorités à tous les mardis et qui était sous surveillance 24/24. Alors que les demandeurs cherchent à expliquer l’enlèvement du fait que le demandeur principal aurait été de garde pendant 48 heures à l’hôpital, non seulement cette explication n’a pas les allures de la vraisemblance (tout ce que les agents de surveillance avaient à faire était d’entrer à l’hôpital puisqu’ils le suivaient, ou d’aller questionner son épouse chez elle), mais elle ne correspond pas aux déclarations faites par les demandeurs dans leur FDA ou, quant au demandeur principal, les assaillants auraient déclaré que « depuis quelques semaines ils ne me voient plus », alors que l’épouse du codemandeur disait dans son FDA que les assaillants l’ont interrogé sur les activités et présence de son mari « qui selon eux ne le voit plus en circulation ». Essentiellement, les versions ont été vues comme divergentes sur des aspects importants et comme étant invraisemblables. Les demandeurs avaient à démontrer une absence de cohérence intrinsèque ou de rationalité, quelque chose de la nature d’une lacune grave dans la décision dont contrôle judiciaire est demandé. Cette démonstration n’a pas été faite.

[54] Une corroboration aurait peut-être pu faire avancer la cause des demandeurs. Or, la seule tentative, soit le document daté du 16 octobre, ne constitue pas une corroboration de l’arrestation et de la détention du demandeur principal. La teneur du document, son contenu, n’est d’aucune assistance aux demandeurs. Il n’établit pas une arrestation ou une détention, mais plutôt que le demandeur principal doit se rendre disponible parce qu’il serait un témoin d’un homicide. À tout prendre, il pourrait même être nuisible aux demandeurs.

[55] En terminant, la critique faite à la SPR, et dans une certaine mesure à la SAR, de ne pas avoir retenu la preuve provenant du Cartable national de documentation sur l’Angola est sans mérite. Cette preuve ne pouvait en aucune manière corroborer les dires des demandeurs. Dit simplement, la preuve des événements tragiques lors de la mission d’évangélisation du pasteur Kalupeteka ne change rien à la crédibilité des demandeurs. L’existence historique d’une telle tragédie n’entraîne évidemment aucune corroboration quant à la présence sur les lieux de personnes qui disent avoir pu fuir les lieux. Ce n’est pas parce qu’un événement s’est produit qu’on y était.

V. Conclusion

[56] Cette affaire portait sur deux événements. Dans aucun de ces événements les conclusions de la SAR selon lesquelles la crédibilité des demandeurs étaient déficiente n’a été mise valablement en doute. Nous sommes loin d’une démonstration que ces conclusions étaient déraisonnables parce que les caractéristiques nécessaires de la raisonnabilité, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et les contraintes factuelles et juridiques qui aident à déterminer la justification, auraient été démontrées par les demandeurs comme n’étant pas présentes. Le fardeau des demandeurs sur contrôle judiciaire ne demande rien de moins.

[57] En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les parties ne proposent aucune question en vertu de l’article 74 de la Loi. C’est aussi le point de vue de la Cour. Donc, aucune question n’est à être certifié par la Cour.

[58] L’intitulé de la cause devrait référer au ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration. L’intitulé est ainsi amendé.

 


JUGEMENT au dossier IMM-11702-22

LA COUR STATUE que :

  1. L’intitulé de la cause est modifié pour que le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration soit désigné comme le défendeur approprié.

  2. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  3. Aucune question n’est certifiée.

« Yvan Roy »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-11702-22

 

INTITULÉ :

CARLOS KALONDA LUBANGI, ANTONICA TANGO KALONDA, CARLA TAUSI KALONDA, DANIELE KALONDA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

montréal (québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 24 janvier 2024

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE Roy

 

DATE DES MOTIFS :

LE 7 FÉVRIER 2024

 

COMPARUTIONS :

Me Marie Prigent, avocate

Pour leS demandeurS

Me Suzanne Trudel

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

RIENDEAU AVOCATS INC.

Montréal (Québec)

 

Pour leS demandeurS

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

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