TOP SECRET Date : 20230811

Dossier : DES-3-18 Référence : 2023 CF 1100

[TRADUCTION FRANÇAISE] Ottawa (Ontario), le 11 août 2023

En présence de madame la juge St-Louis

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

ABOUSFIAN ABDELRAZIK ET LAWRENCE CANNON

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le 14 septembre 2018, le procureur général du Canada [le demandeur ou le PGC] a déposé une demande en vertu du paragraphe 38.04(1) de la Loi sur la preuve au Canada, LRC 1985, c C-5 [la LPC], en vue de demander à la Cour de rendre une ordonnance portant sur la divulgation de renseignements à l’égard desquels il avait reçu des avis [les renseignements visés] au titre des paragraphes 38.01(1) et 38.01(3) de la LPC [la demande].

[2] La demande du PGC s’inscrit dans le contexte élargi d’une action en responsabilité civile [l’instance sous-jacente] intentée en septembre 2009 par M. Abousfian Abdelrazik, l’un des défendeurs dans la présente demande. Dans l’instance sous-jacente, M. Abdelrazik réclame des dommages-intérêts à Sa Majesté le Roi et à M. Lawrence Cannon pour atteinte grave à ses droits fondamentaux protégés et garantis par la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11 [la Charte] et pour violation du droit international coutumier qui interdit la torture. M. Abdelrazik réclame un montant total de 27 millions de dollars en dommages-intérêts aux défendeurs pour, de façon générale, a) son arrestation et sa détention au Soudan, b) les mauvais traitements et la torture qu’il aurait subis pendant sa détention au Soudan et c) le fait que les fonctionnaires canadiens n’auraient pas facilité son retour au Canada avant juin 2009. Environ 6 000 documents communiqués par le PGC à M. Abdelrazik dans le cadre de l’instance sous-jacente étaient caviardés au titre de l’article 38 de la LPC.

[3] Dans les avis remis au PGC, les avocats du ministère de la Justice ont indiqué qu’ils croyaient que l’instance sous-jacente pourrait entraîner la divulgation de renseignements sensibles ou potentiellement préjudiciables, contenus dans un total de 1 469 documents. La demande du PGC vise donc ce sous-ensemble de 1 469 documents contenant les renseignements visés, lesquels sont caviardés.

[4] Le PGC demande à la Cour de rendre une ordonnance en application du paragraphe 38.06(3) de la LPC afin de confirmer l’interdiction de divulguer les renseignements visés, sauf pour les cas où il avait précédemment autorisé la divulgation en vertu du paragraphe 38.03(1) de la LPC. Dans son mémoire des faits et du droit, le PGC demande également à la Cour, si elle l’estime indiqué, d’autoriser la divulgation des résumés proposés en vertu du paragraphe 38.06(2) de la LPC.

[5] M. Abdelrazik demande à la Cour de rendre, en vertu de l’article 38.06 de la LPC, une ordonnance autorisant la divulgation de certains des renseignements visés.

[6] Dans le cadre de l’instance liée à la présente demande, la Cour a nommé deux amis de la Cour pour l’aider à s’acquitter des obligations que lui impose l’article 38 de la LPC. Avant que la Cour ne leur donne accès aux renseignements classifiés présentés aux fins d’examen, les amis de la Cour ont rencontré l’avocat de M. Abdelrazik pour discuter de sa position dans l’instance sous-jacente et ainsi orienter leur examen des renseignements visés. Comme il est indiqué ci‐dessous, les amis de la Cour ont participé à l’instance à huis clos ex parte; ils demandent à la Cour d’ordonner la divulgation de tous les renseignements visés contestés qui sont réputés être non préjudiciables et, pour les renseignements visés que la Cour juge préjudiciables, ils demandent que les résumés qu’ils proposent soient divulgués dans le cadre de l’exercice de mise en balance des intérêts qui, à leur avis, doit être effectué au titre du paragraphe 38.06(2) de la LPC.

[7] Suivant le travail considérable qu’ils ont abattu, le PGC et les amis de la Cour s’entendent sur les passages à caviarder et sur les résumés autorisés nécessaires pour plus de 90 % des documents en cause. Ils ont produit trois tableaux qui exposent leur position sur les renseignements visés contenus dans chacun des 1 469 documents visés par la présente demande. Dans ces tableaux, les documents sont divisés en trois sous‐ensembles, décrits ci-dessous, et sont organisés selon le numéro de production du document du PGC.

A. Tableau des documents non contestés (annexe A)

[8] Pour un premier sous-ensemble de 1 333 documents, appelé le tableau des documents non contestés (ou l’annexe A), le PGC et les amis de la Cour s’entendent sur le fait que la Cour devrait confirmer l’interdiction de divulgation (pour 29 de ces documents, le PGC a enlevé tous les caviardages effectués aux termes de l’article 38 au cours de la présente instance).

B. Tableau des résumés convenus (annexe B)

[9] Pour un deuxième sous-ensemble de 17 documents et un résumé global, appelé ci-après tableau des résumés convenus (ou annexe B), le PGC et les amis de la Cour s’entendent sur le fait que la Cour devrait protéger les renseignements visés, quoiqu’ils conviennent également que la Cour devrait divulguer certains renseignements sous forme de résumés. En particulier, dans quatre de ces documents (AGC00851, AGC01152, AGC02679 et AGC05098), le PGC identifie les renseignements dont la divulgation doit être approuvée par un tiers, et à l’égard desquels les amis de la Cour ne demandent pas eux-mêmes leur divulgation, mais ne contestent pas la divulgation des renseignements sous la forme des résumés proposés par le PGC. Par conséquent, si la demande du tiers ou de l’organisme étranger est rejetée, les amis de la Cour ne s’opposent pas à ce que le PGC retire ces quatre résumés. En ce qui concerne les autres documents, les amis de la Cour sont d’accord pour dire que les résumés figurant à l’annexe B, s’ils sont divulgués, constitueront une divulgation adéquate des renseignements pertinents pour les intérêts de M. Abdelrazik dans l’instance sous-jacente, dans un format qui est le plus susceptible de limiter le préjudice, comme il le sera expliqué plus loin.

C. Tableau des résumés contestés (annexe C)

[10] Pour un troisième sous-ensemble de 119 documents et deux résumés généraux, appelé ci-après le tableau des résumés contestés (ou l’annexe C), le PGC demande que la Cour confirme de l’interdiction de divulgation ou, à titre subsidiaire, que la Cour autorise la divulgation de ses résumés proposés, sauf pour les cas où le il a constaté que la divulgation est soumise à l’approbation d’un tiers, auquel cas le PGC demande que l’interdiction de divulgation soit confirmée, et ne présente aucun résumé. Encore une fois, dans deux documents (AGC01750 et AGC01824), le PGC identifie les renseignements dont la divulgation doit être approuvée par un tiers et dont les amis de la Cour ne demandent pas eux-mêmes la divulgation, mais ne contestent pas la divulgation des renseignements sous la forme des résumés proposés par le PGC. Par conséquent, si la demande du tiers ou de l’organisme étranger est rejetée, les amis de la Cour ne s’opposent pas à ce que le PGC élimine ces renseignements en ce qui concerne ces deux documents.

[11] En ce qui concerne l’annexe C, dans certains cas, les amis de la Cour demandent que certains des renseignements visés soient effectivement divulgués plutôt que divulgués au moyen d’un résumé, et dans d’autres cas, ils sont d’accord pour dire que la divulgation d’un résumé est appropriée, mais demandent que des ajouts soient apportés aux résumés proposés par le PGC.

D. Aperçu du critère juridique et des conclusions

[12] Comme il est bien établi, les demandes présentées aux termes de l’article 38 de la LPC sont tranchées en fonction du paragraphe 38.06, auxquels s’ajoutent les détails prévus au paragraphe 38.06(2), et du critère énoncé dans l’arrêt de principe Canada (Procureur général) c Ribic, 2003 CAF 246 [Ribic]. Comme l’a récemment résumé la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Hutton, 2023 CAF 45 au paragraphe 31 [Hutton], ce critère exige que le juge désigné [le juge] réponde aux trois questions principales suivantes :

• a)Les renseignements que l’on cherche à protéger sont-ils pertinents pour les besoins de l’instance sous-jacente?

• b)Dans l’affirmative, ces renseignements portent-ils préjudice à la sécurité nationale, à la défense nationale ou aux relations internationales?

• c)Si la réponse aux points a) et b) est « oui », les raisons d’intérêt public qui justifient la non-divulgation l’emportent-elles [en importance] sur les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation?

[13] Si le juge conclut que les raisons d’intérêt public qui justifient la non-divulgation l’emportent sur les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation, les renseignements que l’on cherche à protéger ne seront pas divulgués et le juge confirmera l’interdiction de divulgation (paragraphe 38.06(3) de la LPC).

[14] Si le juge conclut au contraire que les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation l’emportent sur les raisons d’intérêt public qui justifient la non-divulgation, il doit, avant d’ordonner la divulgation, tenir compte, comme l’exige le paragraphe 38.06(2) de la LPC, de la forme et des conditions de divulgation les plus susceptibles de limiter le préjudice porté aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales (Hutton, au para 32).

[15] En résumé, et pour les motifs exposés ci-dessous, après avoir examiné attentivement les éléments de preuve, les arguments des parties, la loi applicable et le critère juridique établi par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Ribic, je conclus :

• 1.Que les renseignements visés sont pertinents;

• 2.Que le PGC s’est acquitté de son fardeau d’établir que la divulgation des renseignements visés serait préjudiciable aux relations internationales ou à la défense nationale ou à la sécurité nationale aux termes du paragraphe 38.06(1) de la LPC;

• 3.En ce qui concerne les renseignements visés contenus dans les documents produits énumérés à l’annexe A, je conclus que les raisons d’intérêt public qui justifient la non-divulgation des renseignements visés l’emportent sur les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation. Par conséquent, conformément au paragraphe 38.06(3) de la LPC, je confirmerai l’interdiction de divulgation;

• 4.En ce qui concerne les renseignements visés contenus dans les documents produits énumérés à l’annexe B et à l’annexe C qui sont assujettis à l’approbation d’un tiers et pour lesquels des tiers n’ont pas encore répondu aux demandes de divulgation du PGC, je conclus que les raisons d’intérêt public qui justifient la non-divulgation l’emportent sur les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation. Par conséquent, conformément au paragraphe 38.06(3) de la LPC, dans ces cas, je confirmerai l’interdiction de divulgation;

Je demeurerai toutefois saisie de la question et j’effectuerai un autre examen si une réponse est reçue. Je cesserai d’être saisie le premier jour de l’audience de l’instance sous-jacente et cesserai aussi d’être saisie si l’action prend fin avant son audition. Je demeurerai donc saisie de l’affaire jusqu’à ce moment-là pour les renseignements identifiés dans les documents AGC01107, AGC01162, AGC01176, AGC01750, AGC01824, AGC0269, AGC0 642, AGC02867, AGC03779, AGC07903, AGC00851, AGC01152, AGC02679 et AGC05098;

• 5.En ce qui concerne les renseignements visés contenus dans les documents produits énumérés à l’annexe C qui étaient assujettis à l’approbation d’un tiers et pour lesquels des tiers ont refusé les demandes de divulgation, ce qui comprend la divulgation de tout résumé, je conclus que les raisons d’intérêt public qui justifient la non-divulgation l’emportent sur les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation. Par conséquent, conformément au paragraphe 38.06(3) de la LPC, dans ces cas, je confirmerai l’interdiction de divulgation;

• 6.En ce qui concerne les renseignements visés qui ne sont pas assujettis à l’approbation d’un tiers dans les documents produits énumérés à l’annexe B et à l’annexe C, et après avoir soupesé un certain nombre de facteurs, que j’énumère aux paragraphes 66 et suivants ci-dessous, je conclus que les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation l’emportent sur les questions d’intérêt public qui justifient la non-divulgation conformément au paragraphe 38.06(2) de la LPC, sauf pour le document AGC02798.

Après avoir examiné à la fois les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation ainsi que la forme et les conditions de divulgation les plus susceptibles de limiter le préjudice, je conclus que la divulgation doit être assujettie à la condition selon laquelle les renseignements doivent être divulgués sous forme de résumés, encore une fois conformément au paragraphe 38.06(2) de la LPC. En ce qui concerne l’annexe B, les résumés convenus, qui ne sont pas assujettis à l’approbation d’un tiers, sont confirmés. En ce qui concerne l’annexe C, les résumés contestés, la position finale du PGC sur les résumés — qui ne sont pas soumis à l’approbation d’un tiers — est maintenue pour tous, à une exception près, qui se rapporte à un résumé pour un employé précis du Service canadien du renseignement de sécurité [le SCRS ou le Service] figurant dans les documents AGC00318, AGC01997, AGC01098, AGC01101, AGC01107, AGC01176, AGC02642, AGC07820 et AGC07903;

• 7.En ce qui concerne les renseignements visés contenus dans le document AGC02798 énuméré à l’annexe C, et après avoir soupesé les facteurs que j’énumère aux paragraphes 66 et suivants ci-dessous, je conclus que les raisons d’intérêt public qui justifient la non‐divulgation l’emportent sur les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation et je confirmerai donc l’interdiction de divulgation en vertu du paragraphe 38.06(3) de la LPC.

[16] Ainsi, dans mon ordonnance :

• 1.J’accueillerai en partie la demande du PGC.

• 2.Je confirmerai l’interdiction de divulgation des renseignements visés contenus dans les documents produits mentionnés à l’annexe A, en application du paragraphe 38.06(3) de la LPC.

• 3.Je confirmerai l’interdiction de divulgation des renseignements visés contenus dans les documents produits mentionnés à l’annexe C qui étaient assujettis à l’approbation de tiers et pour lesquels les organismes étrangers ont refusé les demandes de divulgation, en application du paragraphe 38.06(3) de la LPC.

• 4.Je confirmerai l’interdiction de divulgation des renseignements visés contenus dans les documents produits mentionnés à l’annexe B et à l’annexe C qui étaient soumis à l’approbation de tiers et pour lesquels des organismes étrangers n’ont pas encore répondu aux demandes de divulgation, en application du paragraphe 38.06(3) de la LPC. À cet égard, je demeurerai toutefois saisie de la question et j’effectuerai un autre examen si une réponse est reçue. Je cesserai d’être saisie le premier jour de l’audience de l’instance sous-jacente et cesserai aussi d’être saisie si l’action est close avant son audition.

• 5.Je confirmerai l’interdiction de divulgation des renseignements visés contenus dans le document AGC02798 mentionné à l’annexe C, en application du paragraphe 38.06(3) de la LPC.

• 6.J’autoriserai la divulgation des renseignements visés contenus dans les documents produits mentionnés à l’annexe B et à l’annexe C qui ne sont pas soumis à l’approbation d’un tiers. Toutefois, en application du paragraphe 38.06(2) de la LPC et, à titre de condition de divulgation, j’exigerai que les renseignements soient divulgués sous la forme des résumés qui figurent aux annexes B et C.

II. Résumé des faits

[17] Le PGC est le défendeur dans l’instance sous-jacente. Le 22 juin 2018, les parties ont signé un exposé conjoint partiel des faits qui ne sont pas contestés; le 13 septembre 2018, M. Abdelrazik a déposé une nouvelle déclaration modifiée, et le 17 septembre 2018, le PGC a déposé une nouvelle défense modifiée. Je m’abstiendrai de présenter les détails de l’instance sous-jacente, mais j’exposerai tout de même ci-dessous les éléments qui, aux yeux de l’avocat de M. Abdelrazik, sont importants en l’espèce.

[18] Le 17 septembre 2018, compte tenu de l’avis de demande déposé par le PGC quelques jours seulement avant et compte tenu du libellé clair du paragraphe 38.04(1) de la LPC, la Cour a ajourné, à contrecœur et jusqu’à nouvel ordre, le procès qui devait s’amorcer le même jour dans l’instance sous-jacente.

[19] Environ 6 000 documents produits par le PGC à M. Abdelrazik dans l’instance sous‐jacente étaient caviardés en vertu de l’article 38 de la LPC, mais le PGC a présenté cette demande pour le sous-ensemble de 1 469 de ces documents mentionné ci-dessus.

[20] Une partie de l’instance en l’espèce s’est déroulée publiquement, tandis qu’une a été menée à huis clos ex parte.

III. Instance publique

[21] À l’appui de sa demande, le PGC a déposé sept affidavits publics : un pour chacun des sept ministères et organismes gouvernementaux qui ont présenté les revendications, d’où les affidavits de Joseph (SCRS), de Yannick Michaud (Forces armées canadiennes), de Scott Millar (Centre de la sécurité des télécommunications [le CST]), de John Velho (Transports Canada), de Rabih Adallah (Gendarmerie royale du Canada [la GRC]), de Brett Bush (Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC]) et de Ian Myles (Affaires mondiales Canada [AMC]). L’avocat de M. Abdelrazik a contre-interrogé les déposants de la GRC, de l’ASFC, d’AMC et de Transports Canada. Ces affidavits étaient, naturellement, de nature générale, car ils ne peuvent pas identifier publiquement les renseignements qui font l’objet de la demande et en discuter, et aussi parce que les déposants n’ont pas une connaissance personnelle des renseignements visés.

[22] Le PGC et M. Abdelrazik ont présenté des observations écrites publiques et, en septembre 2022, la Cour a tenu une audience publique au cours de laquelle l’avocat de M. Abdelrazik a eu l’occasion d’identifier et de faire ressortir certains points particulièrement importants dans l’instance sous-jacente qui, selon ses affirmations, ont une incidence sur la présente demande.

A. Les observations de M. Abdelrazik

[23] M. Abdelrazik a produit l’affidavit de Mme Trudy Moore, souscrit le 22 septembre 2022 et comportant 21 pièces, ainsi que la transcription du contre-interrogatoire des déposants publics (la GRC, l’ASFC, AMC et Transports Canada) le 6 novembre 2020.

[24] M. Abdelrazik a remis en question la fiabilité et la valeur probante des affidavits publics et il a expliqué à la Cour le contexte factuel et procédural du dossier. Il a confirmé que le premier volet du critère énoncé dans l’arrêt Ribic n’est pas en cause dans la présente demande, étant donné qu’il n’y a aucun différend quant à la pertinence des renseignements visés.

[25] Au deuxième volet du critère, qui se rapporte à la nature préjudiciable des renseignements visés, M. Abdelrazik a mis en garde la Cour au sujet de la règle des tiers, car il ne s’agit pas d’une règle impérative et absolue, et a souligné que la Cour devrait donc examiner attentivement les revendications liées à cette règle (Jama c Canada (Procureur général), 2019 CF 533 au para 15 [Jama]; Canada (Procureur général) c Almalki, 2010 CF 1106 au para 133 [Almalki CF]). M. Abdelrazik a ajouté que la Cour devrait se demander si des éléments de preuve de préjudice précis ont été présentés au sujet de préoccupations soulevées par les États‐Unis [É.-U.] à la suite de la décision Abdelrazik c Canada (Ministre des Affaires étrangères), 2009 CF 580, rendue par la Cour. M. Abdelrazik a formulé une mise en garde contre d’autres allégations de possible préjudice, qui sont essentiellement prospectives et hypothétiques, comme il l’a fait valoir, notamment la suggestion selon laquelle les organismes étrangers pourraient perdre confiance envers la capacité du Canada de protéger les renseignements de tiers et que cela pourrait avoir une incidence sur leur volonté de fournir des renseignements à l’avenir, ou la suggestion selon laquelle la divulgation de critiques à l’égard de représentants étrangers pourrait nuire aux relations bilatérales. Enfin, M. Abdelrazik a fait remarquer que le déposant public du SCRS a relaté dans son témoignage que l’identification des noms des membres du personnel du SCRS « pourrait » mettre en danger leur sécurité, ce qui ne satisfait pas au critère selon lequel la divulgation « porterait » probablement préjudice, et que les déposants de l’ASFC et d’AMC n’étaient pas convaincants.

[26] En ce qui concerne la mise en balance des raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation ou la non-divulgation, soit le troisième volet du critère, M. Abdelrazik a soutenu que la Cour devrait conclure que, dans toutes les situations constituant un risque pour les relations avec des pays ou organismes étrangers, les raisons d’intérêt public doivent peser en faveur de la dénonciation de violations flagrantes des droits de la personne. Il a relevé les quatre facteurs suivants comme étant pertinents pour l’exercice de pondération : 1) la portée ou l’ampleur du préjudice potentiel (inexistant ou faible au mieux); 2) le degré de pertinence et l’importance des renseignements caviardés pour les questions clés dans l’instance sous-jacente; 3) l’importance du principe de publicité des débats judiciaires (Sherman (Succession) c Donovan, 2021 CSC 25 au para 1 [Sherman (Succession)]), et 4) la présence d’intérêts plus importants en jeu, comme les droits fondamentaux de la personne, la responsabilité démocratique, la primauté du droit et les obligations internationales du Canada (les violations des normes du droit international coutumier comme l’interdiction de la torture et de la détention arbitraire sont fondamentalement différentes, Nevsun c Araya, 2020 CSC 5 au para 124).

[27] En ce qui a trait au deuxième facteur, à savoir le degré de pertinence des renseignements visés par rapport aux questions clés de l’instance sous-jacente, M. Abdelrazik a soutenu que, de son point de vue, les renseignements n’étaient pas divulgués sur les neuf questions suivantes qu’il a jugées essentielles :

a) La nature des renseignements communiqués par le SCRS à des organismes étrangers dans les jours, les semaines et les mois précédant immédiatement l’arrestation du défendeur par les autorités soudanaises le 10 septembre 2003, et le moment auquel ces renseignements ont été communiqués;

b) La façon dont le SCRS a été informé de l’arrestation du défendeur le 10 septembre 2003, le moment où il en a été informé et la personne qui l’en a informé;

c) La nature des relations et de l’entente entre le SCRS et le Service national du renseignement et de la sécurité du Soudan [SNRS], ainsi que les la façon dont les SCRS a envoyé les questions à poser au défendeur pendant sa détention et les conditions dans lesquelles il les a envoyées;

d) La nature et le contenu de toutes les communications entre le SCRS et le SNRS, du 18 décembre 2003 jusqu’à la libération du défendeur le 22 juillet 2004, y compris et en particulier la réunion du 22 décembre 2003 à Khartoum et toute autre visite du SCRS au Soudan pendant cette période, ainsi que le moment auxquelles ces communications ont eu lieu;

e) Toute information, communication ou opinion interne concernant le risque de torture auquel le défendeur était exposé pendant sa détention au Soudan;

f) Toute information communiquée directement ou indirectement aux transporteurs aériens qui ont refusé de transporter le défendeur en juillet 2004, ou toute autre information concernant la décision des transporteurs aériens;

g) Tout renseignement que le SCRS a reçu d’organismes étrangers au sujet des motifs pour lesquels le défendeur a été détenu le 16 octobre 2005;

h) Tout renseignement que le SCRS a reçu à un moment donné d’un pays étranger au sujet des conditions de détention du défendeur, et tout renseignement provenant d’un interrogatoire du défendeur par des organismes étrangers, y compris le moment où les renseignements ont été reçus;

i) Tout renseignement ou opinion reçus directement ou indirectement par le SCRS ou par le défendeur Cannon qui provenaient d’organismes étrangers concernant le refuge du défendeur à l’ambassade du Canada en 2008 et la possibilité de son retour au Canada en 2008 et 2009.

[28] M. Abdelrazik a confirmé qu’il n’avait pas contesté les caviardages effectués aux termes de l’article 38 de la LPC, craignant que le processus ne retarde l’instance sous-jacente. Il est même allé jusqu’à dire qu’il disposait de suffisamment de matériel pour plaider sa cause sans les renseignements visés. Cela dit, à l’audience, il a soutenu qu’en l’espèce, le PGC n’avait pas établi le préjudice en ce qui concerne les revendications liées à la règle des tiers et en ce qui concerne l’identité des employés du Service. M. Abdelrazik a mis l’accent sur le fait que ces éléments ont une importance cruciale dans l’instance sous-jacente.

B. Les observations du PGC

[29] Dans ses observations, le PGC était d’accord avec le fait que le critère applicable dans une demande présentée en vertu de l’article 38 de la LPC est celui établi par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Ribic et que les 1 469 documents sont pertinents pour l’instance sous-jacente, de sorte que le premier volet du critère de l’arrêt Ribic n’est donc pas en cause dans la présente demande.

[30] En ce qui a trait au deuxième volet du critère de l’arrêt Ribic, qui porte sur le préjudice, le PGC a indiqué qu’il avait également déposé des affidavits classifiés de fonctionnaires des sept ministères ou organismes gouvernementaux qui contiennent des éléments de preuve précis quant au préjudice. Le PGC a mentionné que 1) la règle applicable aux renseignements fournis par des tiers et la nécessité de préserver la confidentialité des échanges avec les pays et les organismes étrangers ont depuis longtemps été reconnues par la Cour (Tursunbayev, au para 102; Almalki CF, au para 150); 2) dans la décision Jama, la Cour fédérale a reconnu l’importance de la règle applicable aux informations fournies par des tiers et a refusé de divulguer des renseignements qui auraient pour effet d’identifier les organismes étrangers, en l’absence du consentement de ces derniers, et 3) la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt (Canada (Procureur général) c Almalki, 2011 CAF 199 aux paragraphes 35 à 37 [Almalki CAF]) a annulé la décision Almalki CF et a confirmé le principe.

[31] En ce qui concerne la pondération des intérêts publics, le PGC était d’accord avec le fait que les facteurs pertinents comprennent ceux identifiés par M. Abdelrazik, mais a fait observer qu’il fallait également prendre d’autres facteurs en considération, notamment la nature de l’instance sous-jacente, la réparation demandée et l’utilité des renseignements.

IV. Instance ex parte à huis clos

[32] Dans l’instance à huis clos ex parte, le PGC a déposé sept affidavits supplémentaires à l’appui des demandes présentées dans les 1 469 documents visés par la présente demande, à savoir les affidavits de |||||||||||||||||||||| (SCRS), |||||||||||||| (AMC), |||||||||||||||||||||| (CST), |||||||||||||| (ASFC), |||||||| (ministère de la Défense nationale), |||||||||||||||||||||||||||||| (GRC) et ||||||||||||||| (Transports Canada).

[33] En novembre 2022, la Cour a entendu des témoignages oraux des déposants du CSE, d’AMC et du Service au sujet des renseignements visés contestés dans le cadre d’une audience ex parte à huis clos. Ces trois déposants ont ensuite été contre-interrogés par les amis de la Cour. Le PGC et les amis de la Cour ont par la suite déposé des observations écrites et, le 14 mars 2023, la Cour a entendu leurs observations orales.

[34] Le PGC fait valoir 1) qu’il s’est acquitté de son fardeau d’établir que la divulgation des renseignements visés porterait préjudice à la sécurité nationale, à la défense nationale ou aux relations internationales du Canada; et 2) que, dans l’ensemble, les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation ne l’emportent pas sur les raisons d’intérêt public qui justifient la protection des renseignements sensibles visés, et donc la non-divulgation. Le PGC ajoute que, si la Cour juge que les renseignements visés doivent être divulgués entièrement ou partiellement, elle peut communiquer les résumés proposés par le PGC.

[35] Les amis de la Cour 1) conviennent généralement que le PGC s’est acquitté de son fardeau de prouver que la divulgation causerait un préjudice, sauf dans les trois cas qu’ils ont confirmés à l’audience; 2) soutiennent, quoiqu’il en soit, que, dans l’ensemble, les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation sous la forme de résumés l’emportent sur les raisons d’intérêt public qui justifient la non-divulgation. Les amis de la Cour ne s’entendent pas tout à fait sur la forme que la divulgation doit prendre pour limiter le préjudice, conformément au paragraphe 38.06(2) de la LPC, et proposent donc leur propre version des résumés.

V. Questions en litige

[36] Selon le libellé de la LPC et le critère énoncé par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Ribic, la Cour doit examiner et trancher les questions suivantes soulevées dans la demande en l’espèce :

1. Si les renseignements visés sont pertinents pour l’instance sous-jacente;

2. Si la divulgation des renseignements visés est préjudiciable aux relations internationales ou à la défense nationale ou à la sécurité nationale en vertu du paragraphe 38.06(1) de la LPC;

3. Dans l’éventualité où la divulgation des renseignements visés est pertinente et serait préjudiciable, si les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation l’emportent sur les raisons d’intérêt public qui justifient la non-divulgation des renseignements visés, en tenant compte des facteurs pertinents que j’énumère aux paragraphes 66 et suivants, conformément au paragraphe 38.06(2) de la LPC;

4. Dans l’éventualité où les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation l’emportent sur les raisons d’intérêt public qui justifient la non‐divulgation, le juge doit autoriser la divulgation (Ribic, au para 35).

Toutefois, avant d’autoriser effectivement la divulgation, le juge doit tenir compte des raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation et de la forme des conditions de divulgation les plus susceptibles de limiter le préjudice et décider s’il autorise la divulgation sous réserve de conditions, conformément au paragraphe 38.06(2) de la LPC. Un résumé public des renseignements visés que l’on cherche à garder secret est l’une des formes envisagées par cette disposition (Hutton, au para 32);

5. Si les raisons d’intérêt public qui justifient la non-divulgation l’emportent sur les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation, le juge n’autorise pas la divulgation et confirme l’interdiction de divulgation des renseignements visés au titre du paragraphe 38.06(3) de la LPC.

[37] Je présenterai le critère juridique, car il oriente comment je dois évaluer les questions soulevées, et j’examinerai ensuite ces questions relativement à chacun des sous-ensembles de documents mentionnés ci-dessus (annexes A, B et C) qui ont été compilés par le PGC et les amis de la Cour.

VI. Article 38 de la LPC : Cadre législatif et critère juridique applicable

[38] Avant d’aborder les questions mentionnées ci-dessus, il est important d’exposer le cadre législatif et le critère juridique applicables à une instance introduite au titre de l’article 38 de la LPC.

[39] L’article 38 de la LPC établit une procédure au titre de laquelle les renseignements sensibles ou potentiellement préjudiciables au sens de la LPC peuvent être protégés contre la divulgation devant un tribunal, une personne ou un organisme compétent ayant compétence pour contraindre la production de ces renseignements si leur divulgation porterait préjudice aux relations internationales, à la défense nationale ou à la sécurité nationale. Dans de telles circonstances, conformément à l’article 38.01, un avis de la possibilité de divulgation de renseignements sensibles ou potentiellement préjudiciables doit être transmis au PGC, conformément au paragraphe 38.01(1), (2), (3) ou (4) de la LPC. L’article 38.02 interdit alors la divulgation de renseignements qui font l’objet d’un avis.

[40] Comme la juge Gagné (alors juge à la Cour fédérale) l’a souligné dans la décision Canada (Procureur général) c Charkaoui, 2018 CF 849 [Charkaoui], l’article 38 de la LPC contient un code complexe et complet régissant l’utilisation et la protection de renseignements « sensibles » ou « potentiellement préjudiciables ».

[41] Lorsque le PGC n’autorise pas la divulgation au titre de l’article 38.03, ou ne conclut pas d’entente en vue de la divulgation partielle ou conditionnelle en vertu du paragraphe 38.03(1), le PGC ou une personne désignée dans la LPC peut demander à la Cour de rendre une ordonnance relative à la divulgation des renseignements visés par l’avis (paragraphes 38.04(1) et (2) de la LPC).

[42] En particulier, en vertu du paragraphe 38.04(1) de la LPC, le PGC peut, à tout moment et en toutes circonstances, demander à la Cour fédérale de rendre une ordonnance portant sur la divulgation des renseignements à l’égard desquels il a reçu un avis. C’est la disposition qui a permis au PGC de déposer sa demande à la veille du début du procès dans l’instance sous‐jacente, ce qui m’a conduit à ajourner le procès à contrecœur. Encore une fois, M. Abdelrazik n’avait pas contesté l’interdiction de divulgation.

[43] Lorsque le PGC demande à la Cour fédérale de rendre une ordonnance confirmant l’interdiction de divulgation, comme il l’a fait dans la présente instance, les paragraphes 38.06(1) à (3) précisent le type d’ordonnance que la Cour peut rendre. Le juge désigné doit donc décider s’il rend une ordonnance autorisant la divulgation des renseignements visés par l’avis au titre du paragraphe 38.06(1), s’il rend une ordonnance autorisant la divulgation au titre du paragraphe 38.06(2), ce qui comprend de juger si la divulgation des renseignements a lieu sous réserve de conditions, ou si la divulgation doit être partielle ou sous forme de résumés pour limiter tout préjudice, ou s’il rend une ordonnance confirmant l’interdiction de divulgation aux termes du paragraphe 38.06(3). Dans l’arrêt Ribic, la Cour d’appel fédérale a établi un processus permettant d’évaluer si le juge doit rendre une ordonnance au titre de l’article 38.06 de la LPC.

[44] Il incombe donc à la Cour, conformément aux articles 38.04 et 38.06 de la LPC, de décider s’il y a lieu d’autoriser la divulgation de renseignements à l’égard desquels un avis a été donné et sous réserve de quelles conditions ou sous quelle forme, ou de confirmer l’interdiction de divulgation. Une demande présentée aux termes de l’article 38 de la LPC n’est pas un contrôle judiciaire de la décision du PGC de ne pas autoriser la divulgation. Le jugé désigné doit plutôt « décider par [lui]-même si l’interdiction législative doit être levée ou non et [...] rendre une ordonnance en conséquence » (Ribic, au para 15).

A. Pertinence

[45] Premièrement, il incombe à la partie qui demande la divulgation des renseignements caviardés (en l’espèce, les renseignements visés) d’établir que les renseignements en question constituent vraisemblablement une preuve pertinente pour les besoins de l’instance sous-jacente (Ribic, au para 17). Cela n’est pas en litige dans la présente affaire, puisque les parties et la Cour conviennent de la pertinence des renseignements.

B. Paragraphe 38.06(1) : Préjudice

[46] Deuxièmement, si l’on juge que les renseignements caviardés sont pertinents, il incombe à la partie qui demande la non-divulgation de démontrer que la divulgation de ces renseignements porterait préjudice aux relations internationales ou à la défense nationale ou à la sécurité nationale (Ribic, au para 20).

[47] Le paragraphe 38.06(1) de la LPC et ainsi libellé :

38.06 (1) Le juge peut rendre une ordonnance autorisant la divulgation des renseignements ou des faits visés au paragraphe 38.02(1), sauf s’il conclut qu’elle porterait préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales.

[48] Le paragraphe 38.06(1) exige que le juge autorise la divulgation des renseignements caviardés, sauf s’il conclut que la divulgation « porterait » préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales. Ce critère doit être appliqué en tenant compte des enseignements de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Ribic, soit que cette deuxième étape comporte un examen ou une inspection des renseignements à l’égard desquels l’avis a été donné et que le juge doit être convaincu que les avis du pouvoir exécutif sur le préjudice éventuel reposent sur des faits établis par la preuve. Autrement dit, le verbe « porterait » signifie que le PGC doit montrer une probabilité de préjudice : ce préjudice ne peut pas être hypothétique (Tursunbayev, aux para 83-84).

[49] Point important en l’espèce, la Cour d’appel fédérale, au paragraphe 19 de l’arrêt Ribic, a également déclaré que les observations du PGC concernant son évaluation du préjudice causé à la sécurité ou à la défense nationales ou aux relations internationales devraient avoir un poids considérable, et que si l’évaluation du préjudice par le PGC est raisonnable, le juge doit l’accepter. Lorsque le PGC peut établir la preuve des motifs raisonnables qui l’amènent à croire que la divulgation des renseignements caviardés porterait préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales, le juge doit alors passer au troisième volet du critère (Almalki CF, au para 71; Huang c Canada (Procureur général), 2017 CF 662 au para 46 [Huang]). Bien que le fardeau de prouver le préjudice incombe au PGC, la Cour doit faire preuve d’une certaine retenue à l’égard de l’examen de l’affaire par le PGC. En résumé, le PGC assume un rôle de protecteur envers la sécurité du public et, si l’évaluation du préjudice par le PGC est raisonnable, le juge doit l’accepter (Ribic, au para 19).

[50] Aux paragraphes 109 et 110 de la décision Almalki CF, la Cour a exposé quelques facteurs pertinents permettant de trancher la question de savoir si des intérêts protégés subiraient un préjudice. Ces facteurs comprennent le temps écoulé depuis l’ouverture de l’enquête, le fait que les renseignements ou le mode de fonctionnement en question est déjà connu du public et le fait que les renseignements concernent des modes de fonctionnement qui n’ont plus cours et des politiques qui ne sont plus en vigueur par suite des lacunes ou des failles qui ont été relevées.

[51] Si le PGC ne peut pas s’acquitter de son fardeau d’établir que la divulgation des renseignements visés serait préjudiciable, le juge autorise la divulgation en vertu du paragraphe 38.06(1) de la LPC. Si le PGC s’acquitte de son fardeau, le juge passe à la troisième étape de l’évaluation.

[52] Comme il est indiqué ci-dessous, je conclus que le PGC s’est acquitté de son fardeau d’établir que la divulgation des renseignements visés serait préjudiciable aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales.

C. Paragraphe 38.06(2) : Mise en balance des intérêts publics

[53] Enfin, si l’on juge que les renseignements caviardés sont à la fois pertinents et préjudiciables, le fardeau revient à la partie qui demande la divulgation de démontrer que des raisons d’intérêt public favorisent la divulgation (Ribic, au para 21; Telbani c Canada (Procureur général), 2014 CF 1050 au para 22).

[54] Le paragraphe 38.06(2) est libellé ainsi :

(2) Si le juge conclut que la divulgation des renseignements porterait préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales, mais que les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation l’emportent sur les raisons d’intérêt public qui justifient la non-divulgation, il peut par ordonnance, compte tenu des raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation ainsi que de la forme et des conditions de divulgation les plus susceptibles de limiter le préjudice porté aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales, autoriser, sous réserve des conditions qu’il estime indiquées, la communication de tout ou partie des renseignements, d’un résumé de ceux-ci ou d’un aveu écrit des faits qui y sont liés.

[55] Il ne fait aucun doute que le juge doit faire un exercice de mise en balance des raisons d’intérêt public en jeu.

[56] Si le juge conclut que les raisons d’intérêt public qui justifient la non-divulgation l’emportent sur les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation et n’autorise pas la divulgation, il confirme l’interdiction de divulgation aux termes du paragraphe 38.06(3) de la LPC.

[57] Comme je l’ai indiqué à l’audience ex parte à huis clos, si les raisons d’intérêt public penchent en faveur de la divulgation des renseignements caviardés (première analyse), le juge autorise la divulgation. Toutefois, avant de le faire, et selon le libellé clair de la loi, le juge doit tenir compte à la fois des raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation et de la forme et des conditions de la divulgation les plus susceptibles de limiter le préjudice par suite de la divulgation afin de juger s’il doit subordonner l’autorisation de divulguer à des conditions qu’il estime indiquées, à savoir à la publication de résumés en l’espèce (Hutton, au para 32; Ribic, aux para 37-39) (deuxième analyse). Le juge doit recourir aux moyens qui sont les moins susceptibles de préjudicier à tels intérêts (Ribic, au para 37).

[58] Lors de l’audience ex parte à huis clos, les amis de la Cour n’étaient pas d’accord avec mon interprétation. Ils ont indiqué qu’il n’était pas tout à fait exact de dire qu’il faut effectuer deux analyses distinctes. Ils ont affirmé qu’il est plus exact de dire qu’il y a une interaction entre le processus de synthèse, ou le processus de généralisation, et la détermination du préjudice, parce que c’est souvent par l’intermédiaire du résumé que l’on peut éliminer le préjudice et faire pencher la balance en faveur de la divulgation. Par conséquent, les amis de la Cour étaient essentiellement d’avis que je n’ai pas besoin de trancher la question de savoir si les mots précis ayant été caviardés devaient être divulgués, ou si l’intérêt public penchait en faveur de la divulgation de ces mots caviardés et, dans l’affirmative, si je peux atténuer le préjudice grâce aux résumés. Selon eux, il s’agissait plutôt d’une question d’interaction.

[59] Dans l’ensemble, le PGC était d’accord avec les amis de la Cour, mais a fait remarquer que le préjudice dont il parlait concernait la suppression du caviardage à la deuxième étape. Le PGC a ajouté qu’à des fins d’efficacité, il est plus logique d’examiner des résumés précis lors des deuxième et troisième étapes du critère de l’arrêt Ribic afin de proposer des solutions si le juge estime que la suppression du caviardage entraîne un préjudice.

[60] Je souscris à l’opinion des amis de la Cour selon laquelle les résumés peuvent jouer un rôle dans la mise en balance des intérêts publics et j’explique ci-dessous comment ils le font. Toutefois, cela dit, je suis convaincue que le libellé du paragraphe 38.06(2) de la LPC exige clairement que l’on procède à deux analyses distinctes.

[61] Notamment, dans l’arrêt Ribic, la Cour d’appel fédérale s’est penchée sur la question de la norme de contrôle applicable aux ordonnances des juges de la Cour fédérale et à leur évaluation. La Cour d’appel fédérale a établi une distinction entre le pouvoir conféré par le paragraphe 38.06(2) de la LPC, c’est-à-dire la condition qui doit d’abord être remplie pour qu’il — le pouvoir — soit exercé, et l’exercice effectif du pouvoir (Ribic, au para 36). La Cour d’appel fédérale a clairement indiqué que le pouvoir conféré au juge par le paragraphe 38.06(2) est celui de divulguer des renseignements sensibles qui seraient autrement gardés secrets. Elle a ajouté que ce pouvoir est subordonné à une condition, à savoir, que les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation doivent l’emporter sur les raisons d’intérêt public qui justifient la non‐divulgation (Ribic, au para 35). Ce n’est que si cette condition est remplie que le juge a le pouvoir d’autoriser la divulgation.

[62] Par la suite, lorsqu’il exerce le pouvoir d’autoriser la divulgation, et avant d’autoriser effectivement la divulgation, le juge, tout en gardant à l’esprit les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation, doit s’assurer que la forme et les conditions de la divulgation sont les plus susceptibles de limiter tout préjudice à la sécurité ou à la défense nationales ou aux relations internationales par suite de la divulgation (Ribic, au para 37).

[63] Par conséquent, la Cour d’appel fédérale a effectivement tenu compte du fait que le paragraphe 38.06(2) appelait à deux analyses successives distinctes (Ribic, aux para 35-39) et a examiné la norme de contrôle qui s’appliquait à chacune d’elles. La première analyse vise à juger si les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation l’emportent sur les raisons d’intérêt public qui justifient la non-divulgation. Pourvu que les conditions d’autorisation de divulgation en vertu du paragraphe 38.06(2) soient remplies, c’est-à-dire que les raisons d’intérêt qui justifient la divulgation l’emportent sur les raisons d’intérêt public qui justifient la non-divulgation, le juge doit alors tenir compte des raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation ainsi que de la forme et des conditions de divulgation les plus susceptibles de limiter tout préjudice par suite de la divulgation avant de rendre son ordonnance autorisant la divulgation (Ribic, au para 37). Il peut alors subordonner son autorisation à certaines conditions, à savoir à la publication de résumés au lieu de la divulgation de tous les renseignements à l’égard desquels un avis a été donné.

[64] Ce régime a été confirmé par la Cour dans les décisions Telbani, au paragraphe 76, Huang, au paragraphe 82 et Tursunbayev, aux paragraphes 107 et 108, et plus récemment par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Hutton aux paragraphes 31 et 32. La Cour suprême du Canada a également déclaré que le juge peut ordonner la divulgation de tout ou partie des renseignements dans les conditions qu’il juge appropriées, à condition que le juge ait conclu d’abord que les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation l’emportent sur les raisons d’intérêt public qui justifient la non-divulgation (Charkaoui c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CSC 9 au para 77).

[65] L’exercice de pondération des raisons d’intérêt public qui doit d’abord être mené demeure une analyse cas par cas, les facteurs à considérer sont « ancrés dans les questions que soulève l’instance sous-jacente » et ceux cernés par les tribunaux ne sont pas exhaustifs (Tursunbayev au para 90; Canada (Procureur général) c Khawaja, 2007 CF 490 au para 163 [Khawaja]).

[66] Lorsque l’on soupèse les intérêts publics en jeu, chaque élément d’information doit être examiné et le juge doit déterminer les facteurs qu’il juge nécessaire d’examiner dans les circonstances (Khawaja, au para 93). Parmi les facteurs jugés pertinents, on peut trouver la liste non exhaustive des facteurs suivants (voir par exemple Khan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1996) 2 CF 316 (1^re inst.) au paragraphe 26 [Khan]; Ribic, au paragraphe 22; Telbani, au paragraphe 78) :

1. La nature de l’intérêt public que l’on cherche à protéger par la confidentialité

2. La gravité des accusations criminelles ou des questions que soulève l’instance sous-jacente;

3. La recevabilité des documents, leur utilité et la valeur probante des renseignements qu’ils contiennent;

4. La question de savoir si la partie qui demande la divulgation a établi qu’il n’existe pas d’autres moyens raisonnables d’obtenir les renseignements;

5. La question de savoir si les divulgations demandées visaient la communication de certains documents ou constituaient un interrogatoire à l’aveuglette;

6. La question de savoir si les renseignements sont susceptibles d’établir un fait crucial pour la défense;

7. La question de savoir si les renseignements sont déjà connus du public et, dans l’affirmative, la manière dont ils sont entrés dans le domaine public;

8. L’importance du principe de la publicité des débats judiciaires;

9. la question de savoir s’il y a des intérêts plus importants en jeu comme l’atteinte aux droits garantis par la Charte, les questions de droits de la personne, le droit de répondre pleinement et de se défendre en le contexte criminel, etc.

[67] Cela dit, je suis également guidée par les énoncés formulés par la Cour suprême du Canada au paragraphe 44 de l’arrêt R c Ahmad, 2011 CSC 6 [Ahmad] par lesquels elle confirmait que l’article 38 crée un régime qui est conçu pour fonctionner avec souplesse et que le paragraphe 38.06(2) de la LPC :

[...] impose expressément au juge de la Cour fédérale l’obligation de tenir compte des raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation, ainsi que des conditions de divulgation « les plus susceptibles de limiter le préjudice porté aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales » (par. 38.06(2)). Lorsqu’il rend sa décision, le juge de la Cour fédérale peut autoriser la divulgation partielle, ou assortie de certaines conditions, des renseignements au juge du procès, lui en fournir un résumé ou l’aviser que certains faits que l’accusé veut établir peuvent être tenus pour avérés pour les besoins du procès.

[68] De ce point de vue, je suis convaincue que la Cour peut également tenir compte du fait que les renseignements visés peuvent être résumés comme étant l’un des facteurs qui permettent de mettre en balance les intérêts publics. Par conséquent, selon les circonstances, il peut être utile d’examiner ce que les parties cherchent réellement à divulguer pour soupeser l’intérêt public en jeu.

[69] Dans les circonstances de l’espèce, je reconnais que les renseignements visés peuvent être résumés et je suis consciente de l’importance que les résumés proposés revêtent. Je me pencherai sur la question de savoir s’il est possible de limiter le préjudice par des résumés en tant que l’un des facteurs de la mise en balance des intérêts publics. Cela garantira que l’interaction et l’efficacité défendues par les amis de la Cour et le PGC sont essentielles à la mise en balance des intérêts publics en jeu, tout en respectant le texte de la loi et les enseignements de la Cour d’appel fédérale. En fin de compte, l’issue sera la même dans la présente affaire.

VII. Analyse

A. Tableau des documents non contestés (annexe A)

[70] En ce qui concerne les 1 333 documents pour lesquels le PGC demande l’interdiction de divulguer les renseignements visés au titre du paragraphe 38.06(3) de la LPC, je fais remarquer que les amis de la Cour sont d’accord avec le fait que l’interdiction de divulgation doit être confirmée. À titre de rappel, pour 29 de ces documents, le PGC a supprimé tous les caviardages effectués sous le régime de l’article 38 au cours de la présente instance aux termes du paragraphe 38.03(1) de la LPC (voir l’annexe A). Pour les autres documents, je suis convaincue que les dispositions de la LPC et le critère de l’arrêt Ribic sont respectés, en ce sens que 1) les renseignements visés sont pertinents, compte tenu de la mise en garde énoncée par le PGC (au paragraphe 17 du mémoire des faits et du droit pour l’audience ex parte du PGC); 2) la divulgation des renseignements visés porterait préjudice à la sécurité ou à la défense nationales ou aux relations internationales, et 3) les raisons d’intérêt public qui justifient la non-divulgation des renseignements visés l’emportent sur les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation.

[71] Je confirmerai donc les interdictions de divulgation en application du paragraphe 38.06(3) de la LPC (voir l’annexe A).

B. Tableau des résumés convenus (annexe B)

[72] En ce qui concerne un résumé général et les 17 documents résumés conjointement par le PGC et les amis de la Cour, qui sont proposés aux fins de divulgation par la Cour (annexe B) et qui ne sont pas soumis à l’approbation d’un tiers, je suis convaincue que les dispositions de la LPC et le critère de l’arrêt Ribic sont respectés, dans la mesure où 1) les renseignements visés sont pertinents, compte tenu de la mise en garde énoncée par le PGC (au paragraphe 17 du mémoire des faits et du droit pour l’audience ex parte du PGC); 2) la divulgation des renseignements visés porterait préjudice à la sécurité ou à la défense nationales ou aux relations internationales; 3) les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation des renseignements visés l’emportent sur les raisons d’intérêt public qui justifient la non-divulgation, compte tenu des facteurs énumérés aux paragraphes 66 et suivants. Étant donné les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation et les formes et conditions de divulgation les plus susceptibles de limiter tout préjudice, j’autoriserai la divulgation des renseignements visés en ce qui concerne les documents produits énumérés à l’annexe B, sous réserve qu’ils soient divulgués sous la forme des résumés convenus entre le PGC et les amis de la Cour, en application du paragraphe 38.06(2) de la LPC.

[73] En ce qui concerne les renseignements visés contenus dans les documents produits énumérés à l’annexe B (le tableau des résumés convenus) qui demeurent assujettis à l’approbation d’organismes étrangers (AGC00851, AGC01152, AGC02679 et AGC05098) et pour lesquels aucune réponse n’a encore été reçue à la suite d’une demande, les amis de la Cour ne contestent pas l’interdiction de divulgation si la demande présentée à l’organisme étranger est refusée. Je suis convaincue que les dispositions de la LPC et le critère de l’arrêt Ribic sont respectés, en ce sens que 1) les renseignements visés sont pertinents, compte tenu de la mise en garde énoncée par le PGC (au paragraphe 17 du mémoire des faits et du droit pour l’audience ex parte du PGC); 2) la divulgation des renseignements visés porterait préjudice à la sécurité ou à la défense nationales ou aux relations internationales, et 3) les raisons d’intérêt public qui justifient la non-divulgation des renseignements visés contenus dans ces quatre documents produits l’emportent sur les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation, et je confirmerai donc l’interdiction de divulgation en application du paragraphe 38.06(3) de la LPC. Je demeurerai saisie de la question et j’effectuerai un autre examen si une réponse est reçue. Je cesserai d’être saisie le premier jour de l’audience de l’instance sous-jacente et cesserai aussi d’être saisie s’il est mis fin à l’action avant son audition.

C. Tableau des résumés contestés (annexe C)

(1) Aperçu

[74] Les renseignements visés dont il reste à débattre se trouvent dans 119 documents et deux résumés généraux et sont jugés sensibles ou potentiellement préjudiciables par trois organismes : le CST (un document), AMC (16 documents) et le SCRS (105 documents et deux résumés généraux). Certains des renseignements visés contenus dans les documents font l’objet de revendications qui se chevauchent de la part de deux ministères ou organismes différents.

[75] Le PGC 1) convient que tous les renseignements visés qui sont contenus dans ce sous‐ensemble de documents sont pertinents, puisqu’ils ont été identifiés aux fins de divulgation dans l’instance sous-jacente; 2) soutient qu’il s’est acquitté de son fardeau d’établir que la divulgation des renseignements visés porterait préjudice à la sécurité nationale ou aux relations internationales du Canada; 3) soutient que, dans l’ensemble, les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation ne l’emportent pas sur les raisons d’intérêt public qui justifient la protection des renseignements potentiellement préjudiciables et sensibles visés. Le PGC demande donc à la Cour de confirmer l’interdiction de divulguer tous les renseignements caviardés contenus dans les documents énumérés à l’annexe C, en application du paragraphe 38.06(3) de la LPC.

[76] Subsidiairement, le PGC fait valoir que la Cour peut autoriser la divulgation sous la forme des résumés qu’il propose, en vertu du paragraphe 38.06(2) de la LPC.

[77] Les amis de la Cour 1) soutiennent qu’il n’est pas contesté que les renseignements visés contenus dans ce sous-ensemble de documents sont pertinents dans le cadre de l’instance; 2) sont généralement d’accord avec le fait que le PGC s’est acquitté de son fardeau de prouver que la divulgation serait préjudiciable, à l’exception de trois cas, ou types de renseignements, pour lesquels ils affirment que le préjudice n’a pas été établi (les renseignements contenus dans le seul document du CST; l’identité de [employé du Service] ou |||||||| et |||||||||||||||||||||| (13 documents); et l’information liée à un témoignage suggérant que l’information « pourrait » être préjudiciable si elle était publiée, en ce qui concerne le préjudice soulevé par le PGC de la critique perçue à l’égard de |||||||| (11 plus un document)), et 3) quoiqu’il en soit, soutiennent que, dans l’ensemble, les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation sous forme de résumés l’emportent sur les raisons d’intérêt public qui justifient la non-divulgation. Les amis de la Cour demandent donc à la Cour d’ordonner la divulgation des renseignements visés qui ne sont pas préjudiciables en vertu du paragraphe 38.06(1) de la LPC. Quant aux renseignements visés que la Cour juge préjudiciables, les amis de la Cour demandent la divulgation des résumés qu’ils proposent.

[78] Le tableau que le PGC et les amis de la Cour ont préparé (annexe C) expose leurs résumés respectifs et fait ressortir les modalités sur lesquels ils ne s’entendent pas.

[79] Dans 66 cas, le PGC a indiqué qu’au moins une partie des résumés est assujettie à l’approbation d’organismes étrangers. Des demandes de divulgation ont été présentées à tous les organismes étrangers, sauf [un pays et un deuxième pays] lorsque les renseignements visés concernaient des références à |||||||||||||||||||||.

(2) Critère juridique énoncé dans l’arrêt Ribic

[80] J’examinerai chaque partie du critère de l’arrêt Ribic pour les renseignements visés énoncés à l’annexe C.

a) Pertinence

[81] Le critère n’est « pas très exigeant » (Khawaja, au para 62; Khadr c Canada (Procureur général), 2008 CF 549 au para 52; Ribic, au para 17; Almalki CF, au para 60) et je suis d’accord qu’il est satisfait en l’espèce. Je conviens que les renseignements visés sont pertinents, compte tenu de la mise en garde énoncée par le PGC (mémoire des faits et du droit pour l’audience ex parte du PGC, au para 17).

[82] Le premier volet du critère de l’arrêt Ribic est satisfait.

b) Préjudice

[83] Comme il a été mentionné ci-dessus, il incombe au PGC d’établir que la divulgation des renseignements visés serait préjudiciable à la sécurité nationale, à la défense nationale ou aux relations internationales au titre du paragraphe 38.06(1) de la LPC. L’emploi du mot « porterait » signifie que le PGC doit convaincre la Cour que le préjudice allégué est une probabilité, et non simplement une possibilité ou une simple conjecture (Tursunbayev, aux para 83-84).

[84] Dans l’arrêt Ribic, la Cour d’appel fédérale a déclaré que les observations du PGC concernant son évaluation du préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales devraient, parce qu’il a accès à des sources particulières d’information et d’expertise, se voir accorder un poids considérable de la part du juge appelé à décider, en application du paragraphe 38.06(1), si la divulgation des renseignements en question causerait le préjudice appréhendé. Le PGC assume un rôle de protecteur envers la sécurité du public; si son évaluation du préjudice est raisonnable, le juge devrait l’accepter. Comme le juge Mosley l’a dit dans la décision Almalki CF, au paragraphe 70, « la probabilité du préjudice est appréciée selon la norme de la raisonnabilité ».

[85] À la présente étape, le préjudice est évalué au regard des renseignements visés, et non des résumés. Cela est clairement énoncé au paragraphe 38.06(1), qui renvoie aux paragraphes 38.02(1) à (4) (voir Almalki CF, au para 194). Ce n’est qu’au troisième volet du critère de l’arrêt Ribic que le juge doit tenir compte des résumés, comme il a été indiqué ci-dessus.

[86] Le PGC soutient qu’il s’est acquitté de son fardeau d’établir que la divulgation des renseignements visés caviardés figurant dans les 119 documents invoqués par le SCRS, AMC et le CST porterait préjudice à la sécurité nationale ou aux relations internationales du Canada.

[87] Comme il a été indiqué ci-dessus, la Cour a entendu trois déposants du PGC dans le cadre de l’audience ex parte à huis clos et les amis de la Cour les ont contre-interrogés. Chacun des déposants a identifié des catégories de renseignements qui, à leur avis, sont susceptibles de porter préjudice à la sécurité nationale ou aux relations internationales du Canada.

[88] Le déposant du SCRS a énuméré les catégories d’allégations préoccupantes formulées par le SCRS dans 105 documents et deux résumés généraux concernant la sécurité nationale. Il a relaté que la divulgation des renseignements porterait préjudice à la sécurité nationale, puisque les renseignements :

[traduction]

• révéleraient ou tendraient à révéler les relations que le Service entretient avec des organismes étrangers, et divulgueraient les renseignements échangés sous le sceau du secret avec ces organismes (règles des tiers) (les renseignements du SCRS provenant d’organismes étrangers |);

• révéleraient ou tendraient à révéler l’intérêt du Service en ce qui concerne certains individus, groupes ou sujets, y compris l’existence ou l’inexistence d’enquêtes antérieures ou en cours, l’intensité des enquêtes ou le degré de succès ou l’insuccès des enquêtes (l’intérêt du SCRS concernant les enquêtes |);

• révéleraient ou tendraient à révéler l’identité de ses employés ou de ses anciens employés, ce qui, le cas échéant, mettrait leur vie et celle de leurs collègues en danger, compromettrait la sécurité de leur famille, et nuirait à la capacité du SCRS à exploiter et à identifier ou à tenter d’identifier le poste (l’identité des employés du SCRS |).

[89] Le déposant d’AMC a groupé par catégorie de préoccupations les revendications formulées par AMC dans les 16 documents concernant les relations internationales. Il a témoigné que, si les renseignements visés étaient communiqués, ceux-ci : (i) seraient perçus comme une critique d’un gouvernement étranger; (ii) compromettraient les relations du Canada avec d’autres pays en minant leur confiance dans la capacité du Canada à préserver la confidentialité des renseignements partagés avec le Canada, réduisant ainsi le flux de renseignements acheminés vers le Canada, puisque les renseignements étaient fournis à titre confidentiel par des gouvernements, organisations ou représentants étrangers (règle des tiers) (relations internationales d’AMC |||||).

[90] La déposante du CST a mentionné des préoccupations quant à la divulgation de la seule revendication du CST (AGC01630), puisque les renseignements avaient été partagés sous le sceau du secret par d’autres organismes de renseignement et que, s’ils étaient divulgués, ils porteraient préjudice aux relations avec ces organismes (relations du CST avec d’autres organismes de renseignement et renseignements échangés sous le sceau du secret avec ces organismes |||||).

[91] Les amis de la Cour soutiennent que le PGC ne s’est pas acquitté du fardeau d’établir que la divulgation de certains types de renseignements caviardés porterait préjudice à la sécurité nationale ou aux relations internationales. À l’audience, les amis de la Cour ont confirmé leur position selon laquelle aucun préjudice n’avait été établi en ce qui concerne : (1) les renseignements du CST contenus dans un document (AGC01630); (2) l’identification d’un employé particulier du Service (le titre de l’employé |||||||||| est mentionné dans 13 documents); et (3) les renseignements visés mentionnés aux paragraphes 37 et 52 de leur mémoire des faits et du droit de l’audience ex parte concernant les mentions de ||||||||||||||||||||, au sujet de ce qui peut être décrit comme le fardeau de preuve ou le témoignage sur la divulgation qui [traduction] « pourrait porter préjudice par rapport à celle qui porterait préjudice » mentionné dans 12 documents (AGC01059, AGC01061, AGC02582, AGC02605, AGC03752, AGC03800, AGC05877, AGC06010, AGC07903, AGC08132, AGC08693 et AGC06825).

[92] Les amis de la Cour demandent également à la Cour, à la présente étape, d’évaluer si les résumés qu’ils proposaient sont préjudiciables ou non. Toutefois, je dois refuser leur demande, puisque je ne peux pas évaluer, dans le cadre du deuxième volet du critère de l’arrêt Ribic, donc, en présence de préjudice, si la divulgation des résumés proposés par les parties serait préjudiciable. Comme il a été mentionné ci-dessus, dans le cadre du deuxième volet du critère, le juge doit trancher la question de savoir si la divulgation des renseignements visés serait préjudiciable; ce n’est qu’au troisième volet du critère de l’arrêt Ribic que le juge peut tenir compte des résumés dans le cadre de l’analyse (voir la discussion aux paragraphes 66 et suivants).

[93] Les amis de la Cour affirment en outre, comme l’a fait l’avocat de M. Abdelrazik lors de l’audience publique, que, dans les circonstances qu’ils ont soulignées, la règle des tiers ne s’applique pas et que le PGC ne s’est donc pas acquitté de son fardeau d’établir l’existence d’un préjudice.

[94] Quant aux autres documents en litige figurant à l’annexe C, les amis de la Cour ont confirmé à l’audience qu’ils convenaient avec le PGC que la divulgation des renseignements visés serait préjudiciable à la sécurité nationale ou aux relations internationales.

[95] Les amis de la Cour demandent à la Cour d’ordonner la divulgation des renseignements visés contestés qui ne sont pas préjudiciables en vertu du paragraphe 38.06(1) de la LPC. Quant aux renseignements visés que la Cour juge préjudiciables, les amis de la Cour demandent la divulgation des résumés qu’ils proposent, lesquels seront examinés dans la prochaine section.

[96] Premièrement, quant aux renseignements visés dont le caractère préjudiciable n’est pas contesté par les amis de la Cour, je suis convaincue que le PGC s’est acquitté de son fardeau d’établir que la divulgation des renseignements visés porterait préjudice à la sécurité nationale ou aux relations internationales.

[97] Deuxièmement, quant aux renseignements visés dont le caractère préjudiciable est contesté, et pour les motifs qui suivent, je suis également convaincue que le PGC s’est acquitté de son fardeau d’établir que la divulgation des renseignements visés porterait préjudice à la sécurité nationale ou aux relations internationales. J’examinerai l’une après l’autre chaque question contestée quant au préjudice.

(i) Renseignements du CST

[98] Les renseignements visés sont contenus dans le document AGC01630. Il s’agit d’un rapport du SCRS daté du 1^er décembre 1999. La revendication du CST a pour objet de protéger les renseignements ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. La revendication du CST, mise en évidence ||||||||||||||||||, vise à protéger les relations du CST avec d’autres organismes de renseignement et les renseignements échangés sous le sceau du secret avec ces organismes.

[99] La déposante du PGC relativement à la revendication du CST a témoigné devant la Cour dans le cadre de l’audience ex parte à huis clos et a été contre-interrogée par les amis de la Cour. Elle a confirmé, de façon générale, que le CST cherche à protéger les renseignements qui révéleraient ou tendraient à révéler les renseignements obtenus par des organismes étrangers et échangés avec ces organismes étrangers, ainsi que les renseignements qui révéleraient des détails sur |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.

[100] Particulièrement, elle a confirmé que les renseignements figurant à ||||||||||||||||||||| du document AGC01630, bien qu’ils soient contenus dans un rapport de situation du SCRS, |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| et en fin de compte partagés par la CST avec le SCRS. Elle a ajouté qu’en ce qui concerne ces renseignements bien précis, le CST est revenu à |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.

[101] La déposante a déclaré que ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ne peut être utilisé sans l’autorisation explicite du l’auteur du produit ou des données. Elle a ajouté que la divulgation porterait préjudice à la confiance que ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| pour les communiquer après le refus d’une demande, et que la confirmation de la sensibilité remettrait en question la capacité du CST à protéger ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Elle a ajouté que le temps écoulé, ou le fait que les renseignements étaient accessibles au public, ne limitaient pas le préjudice, puisque le préjudice se rapporte à la protection et à la sauvegarde de |||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||; le préjudice serait toujours présent, parce que ||||||||||||||||| a connaissance de la situation et qu’ils ont dit non.

[102] Les amis de la Cour affirment qu’aucun préjudice n’avait été causé par la fourniture des renseignements visés à M. Abdelrazik. Les amis de la Cour insistent sur le fait que les renseignements visés ont été fournis il y a 23 ans et qu’ils ne sont pas du tout confidentiels : ils auraient été connus d’innombrables personnes, ainsi que de toutes les personnes indirectement concernées. Les amis de la Cour soutiennent que les renseignements visés n’identifient pas la source des renseignements. Ils ajoutent qu’en raison des termes généraux qui y sont employés, les renseignements visés auraient pu provenir de n’importe quelle source et que ces derniers relevaient déjà du domaine public, car ils ont été publiés dans divers articles de presse depuis décembre 1999.

[103] Les amis de la Cour ajoutent que : (1) la divulgation publique de renseignements obtenus par le Service auprès de partenaires du renseignement ne pourrait porter préjudice que si les partenaires étaient en mesure de savoir que c’était leurs renseignements qui étaient divulgués; (2) le préjudice ne serait important que si les renseignements eux-mêmes étaient sensibles, et (3) lorsque les renseignements visés consistent en un simple fait sur un événement public, qui a été inclus par hasard dans un rapport d’un partenaire du renseignement, il n’y a probablement ni inférence, ni préjudice.

[104] Dans leur mémoire des faits et du droit pour l’audience ex parte, les amis de la Cour ont initialement contesté le témoignage de la déposante au motif qu’elle avait commis une erreur en désignant l’instance sous-jacente comme étant une instance devant une cour supérieure plutôt que devant la Cour fédérale, mais ils se sont rétractés à l’audience.

[105] Dans la présente demande, il est établi que le CST a présenté une demande auprès d’un organisme étranger ||||||| en vue d’obtenir la divulgation des renseignements, et que cette demande a été refusée – ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Le PGC soutient que, si ces renseignements sont communiqués |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||, qui faisait l’objet de la demande refusée par l’organisme étranger, ont été communiqués.

[106] La déposante a confirmé que les renseignements étaient publics. Bien qu’il existe une présomption selon laquelle les renseignements qui relèvent déjà du domaine public ne peuvent pas être protégés contre la divulgation, car une divulgation supplémentaire n’entrainera aucun préjudice (Almalki CF, au para 81), cette présomption peut être réfutée par des éléments de preuve contraires. Comme le juge Noël l’a fait observer dans la décision Canada (Procureur général) c Canada (Commission d’enquête sur les actions des responsables canadiens), 2007 CF 766 au paragraphe 56 [Arar] :

[...] Maintes circonstances justifieraient la protection de renseignements qui relèvent du domaine public, par exemple les suivantes : une partie seulement des renseignements a été divulguée au public; les renseignements ne sont pas généralement connus ou accessibles; l’authenticité des renseignements n’est ni confirmée ni démentie; enfin, les renseignements ont été divulgués par inadvertance.

[107] Je suis convaincue que le PGC a établi que la divulgation des renseignements porterait préjudice à la sécurité nationale ou aux relations internationales. Son évaluation du préjudice est raisonnable (Ribic, au para 19). Les renseignements qui sont partagés |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, c’est-à-dire que ces renseignements ne peuvent pas être utilisés sans l’autorisation expresse de l’auteur, qui est, comme indiqué ci-dessus, |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, en particulier après qu’une demande eut été présentée et refusée, porteraient préjudice à la confiance |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| dans la capacité du Canada à protéger ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.

(ii) Employé | du Service

[108] En ce qui concerne les 13 documents en cause dans cette section, le SCRS a supprimé les renseignements qui révèlent ou tendent à révéler l’identité des employés du SCRS ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| qui se rapporte, dans le cadre de la présente instance, à (1) l’identité d’un employé du SCRS en particulier; (2) |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, et (3) les titres de l’un employé du SCRS, ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.

[109] Ces renseignements font l’objet d’une revendication de privilège dans les documents AGC00318, AGC01089, AGC01097, AGC01098, AGC01101, AGC01107, AGC01142, AGC01176, AGC02642, AGC07242, AGC07820, AGC07903 et AGC08711.

[110] Les amis de la Cour ont confirmé à la Cour qu’ils contestaient ces revendications, au motif qu’elles ne reposent sur aucun préjudice. On ne sait pas trop si les amis de la Cour ont fondé leur évaluation sur les renseignements visés, c’est-à-dire le nom et le titre ||||||||||||||||||||| réels de l’employé du SCRS, ou sur les renseignements résumés. Comme il a été mentionné ci-dessus, l’évaluation du préjudice dans le deuxième volet du critère de l’arrêt Ribic doit être effectuée en fonction des renseignements caviardés (c’est-à-dire les renseignements visés), et non en fonction des résumés. Par conséquent, par souci de prudence, j’examinerai la question de savoir si le PGC s’est acquitté de son fardeau d’établir que la divulgation du nom et du titre ||||||||||||||||||||| de l’employé du SCRS serait préjudiciable, de même que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.

[111] Le déposant du SCRS a témoigné devant la Cour dans le cadre de l’audience ex parte à huis clos et il a été contre-interrogé par les amis de la Cour.

[112] Le déposant a affirmé que le SCRS cherche à empêcher la divulgation de renseignements qui tendraient à identifier ses employés, c’est-à-dire des renseignements qui comprennent leur nom, le titre de leur poste, leur travail, leur emplacement, y compris les postes de liaison à l’étranger qui ne sont pas reconnus publiquement par le SCRS, leurs numéros de téléphone et leurs adresses courriel. Il a affirmé que la connaissance de ces renseignements serait de grande valeur pour ceux vont à l’encontre de ceux du Canada. En règle générale, le déposant a affirmé que l’identification des employés nuirait à la capacité des employés et du Service à faire enquête sur les menaces envers la sécurité du Canada et pourrait mettre en danger leur sécurité personnelle. Le déposant a décrit les menaces qui peuvent être touchées les employés du Service si leur identité ou leur emplacement deviennent connus, et il fournit des exemples et décrit le danger auquel les employés, et leur famille, peuvent être exposés.

[113] Le déposant a affirmé que le Service cherche à protéger les ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| des employés du Service |||||||||||||||||||||||||||||||||||| dans les documents ou le contexte dans lequel ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Le Service cherche à protéger les renseignements qui révélerait ses |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Il a également affirmé que le Service cherche à protéger le terme |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, car il divulgue le titre officiel utilisé pour les employés du Service ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||. L’utilisation du terme |||| permet à un observateur bien informé de conclure qu’il existe |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.

[114] Le déposant a confirmé que l’identification d’un employé ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||| pourrait compromettre sérieusement le Service |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||; cela compromettrait sérieusement la sécurité de la personne en question.

[115] Aux paragraphes 72 à 74 de leur mémoire des faits et du droit pour l’audience ex parte, les amis de la Cour contestent les éléments de preuve fournis par le déposant du SCRS concernant |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| une possible identification de l’employé du Service. Toutefois, les amis de la Cour ont ensuite discuté du préjudice au regard des résumés qu’ils proposent, plutôt que des renseignements caviardés eux-mêmes. Comme il a été mentionné ci-dessus, le préjudice doit être évalué en fonction des renseignements visés, et non en fonction des résumés proposés. J’examinerai donc cet argument ci-dessous au troisième volet du critère.

[116] Les amis de la Cour font remarquer que le déposant a témoigné que des États ou des organismes hostiles ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| sont arrivés à une conclusion relativement définitive concernant l’identité d’une personne, son emplacement et son identité à ce moment-là. Les amis de la Cour ne contestent pas que ces |||||||||||||||||||||||||||||||| existent, mais ils affirment qu’aucune preuve de possibilité de préjudice n’a été présentée concernant |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||, ce que le déposant n’a pas pu confirmer en contre-interrogatoire, et qu’il a fourni des scénarios hypothétiques, impossible à quantifier, pour justifier sa position quant au préjudice. Ils affirment en outre que les renseignements sont si anciens qu’ils sont encore plus difficiles à découvrir.

[117] Je dois être convaincue que les opinions du pouvoir exécutif sur la possibilité de préjudice reposent sur des faits établis par des éléments de preuve (Ribic, au para 18). Comme il a été mentionné ci-dessus, les observations du PGC concernant son évaluation du préjudice à la sécurité nationale ou aux relations internationales devraient se voir accorder un poids considérable, étant donné qu’il a accès à des renseignements et à une expertise spéciales; si son évaluation du préjudice est raisonnable, le juge devrait l’accepter. En l’espèce, je suis convaincue que le PGC s’est acquitté de son fardeau et qu’il a établi que la divulgation de l’identité et du titre ||||||||||||||||||| de l’employé du SCRS serait préjudiciable à la sécurité nationale ou aux relations internationales.

(iii) Emploi de « pourrait porter » préjudice par opposition à « porterait » préjudice dans les témoignages

[118] Au cours de l’audience ex parte à huis clos, les amis de la Cour ont confirmé leur position selon laquelle le PGC ne s’était pas acquitté de son fardeau d’établir qu’il y aurait préjudice relativement aux critiques perçues; en particulier, ils renvoient aux paragraphes 37 et 52 de leur mémoire des faits et du droit de l’audience ex parte. 12 documents sont visés à cet égard.

[119] Le paragraphe 37 du mémoire des faits et du droit de l’audience ex parte des amis de la Cour renvoie aux documents AGC01059, AGC01061, AGC02582, AGC02605, AGC03752, AGC03800, AGC05877, AGC06010, AGC07903, AGC08132 et AGC08693. Dans ces documents, le SCRS a supprimé les renseignements qui font référence à |||||||||||||||||||||||||||||||||. Chacune de ces références à |||||||||||||||||||||||||||||||||||||| se rapporte aux renseignements reçus de |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| (directement ou indirectement). La revendication du SCRS, exposée dans ||||||||, vise donc à protéger les renseignements qui révéleraient ou tendraient à révéler les relations que le Service entretient avec des organismes étrangers, et divulgueraient les renseignements échangés sous le sceau du secret avec ces organismes. Le Service n’a présenté aucune demande pour ||||||||||| en ce qui concerne la divulgation de références à |||||||||||||||||||||||||||||, car la formulation même d’une demande, selon le PGC, pourrait être interprétée comme une critique de |||||||||||. Il est inutile de préciser que le PGC s’oppose à toute mention de ||||||||||||||||||||||||||||||| dans ses résumés.

[120] Les amis de la Cour renvoient au témoignage du déposant lors de l’audience au sujet de la critique liée à la référence à ||||||||||||||||||||| et au fait que la critique perçue est la raison pour laquelle on ne demande pas l’approbation d’états ou organismes étrangers. Les amis de la Cour citent le déposant, qui a indiqué que la référence à ||||||||||||||||||||||||||||||||||||| pourrait être interprétée comme une critique; cela pourrait ouvrir un sujet de débat ou de critique sur ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Les amis de la Cour contestent le choix des mots et soutiennent que la différence entre les expressions [traduction] « pourrait porter » et [traduction] « porterait » est directement liée au seuil requis pour prouver le préjudice. L’expression [traduction] « porterait » impose un niveau de preuve plus élevé. Les amis de la Cour prétendent que le PGC doit convaincre le juge que le préjudice est probable, et non possible, et qu’il ne l’a pas fait en l’espèce.

[121] Au paragraphe 52 de leur mémoire de l’audience ex parte, les amis de la Cour font référence au document AGC06825, dans lequel les renseignements que le SCRS a caviardés décrivent un employé du Service qui avait exprimé une préoccupation à l’égard d’une confrontation avec un autre ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| et qui est mentionné à |||||||||||||||||||||||||||||||||. La revendication du SCRS, exposée dans ||||||||, vise donc à protéger les renseignements qui porteraient préjudice à la relation du Service avec ||||||||||||, qui pourrait constituer un préjudice à la sécurité nationale.

[122] Les amis de la Cour prétendent que les éléments de preuve du PGC ne permettent pas d’établir l’existence d’un préjudice, puisqu’ils décrivent une situation où le préjudice est possible, et non une situation où il est probable. Encore une fois, les amis de la Cour contestent le fait que le déposant, en contre-interrogatoire, a utilisé l’expression [traduction] « pourrait porter » dans sa réponse.

[123] Étant donné que les amis de la Cour s’appuient sur l’utilisation de l’expression [traduction] « pourrait porter » par le déposant, je considère que leur position est incompatible avec les enseignements exposés au paragraphe 19 de l’arrêt Ribic, et au paragraphe 70 de l’arrêt Almalki CF; je conviens avec le PGC que les éléments de preuve à l’appui des revendications fondées sur la sécurité nationale doivent être considérés dans leur ensemble et que l’attention excessive portée à l’utilisation de l’expression [traduction] « pourrait porter » est injustifiée.

[124] De plus, je suis également d’accord que l’utilisation de l’expression [traduction] « pourrait porter » ne signifie pas nécessairement qu’il n’y a aucune probabilité de préjudice. Avant de conclure qu’un préjudice avait été établi, au paragraphe 79 de la décision Arar, le juge Noël a expliqué ce qui suit concernant la règle des tiers :

[...] Si le Canada devait enfreindre la règle des tiers, il pourrait en résulter un préjudice, en fonction des circonstances. Cependant, l’étendue du préjudice possible ne serait pas facile à mesurer car il est impossible de prédire l’avenir. Autrement dit, passer outre à la règle des tiers risquerait de causer un préjudice et de compromettre le flux de renseignements que reçoit le Canada. Cependant, dans de nombreux cas, seule la partie innocente connaîtra véritablement l’effet d’un manquement à cette règle.

[125] En outre, le PGC a confirmé à l’audience que le SCRS invoque souvent à la règle des tiers comme source de préjudice, et que le motif fondé sur la critique est identifié comme étant une raison pour laquelle une demande auprès d’un organisme étranger n’a pas été présentée et n’a pas été invoquée comme une source, à elle seule, de préjudice.

[126] Dans le contexte complet de la preuve dont je suis saisie, je suis convaincue que le PGC s’est acquitté de son fardeau et a établi que la divulgation des renseignements concernant les références à ||||||||||||||||||||||||||||||| ou à ||||||||||||||||||||||||||| porterait préjudice aux relations internationales et à la sécurité nationale.

(iv) Relations et renseignements provenant de tiers

[127] Le CST, le SCRS et AMC ont présenté des revendications concernant des renseignements qu’ils avaient reçus sous le sceau du secret de la part d’organismes ou d’États étrangers, ou de représentants de gouvernements étrangers. Le PGC soutient que la divulgation de ces renseignements porterait préjudice à la sécurité nationale ou aux relations internationales au titre de ce qu’on appelle la règle des tiers. J’ai déjà jugé que la divulgation des renseignements visés invoqués par le CST porterait préjudice aux intérêts protégés au titre du principe du contrôle de l’auteur qui, selon les observations du PGC, ressemble à la règle des tiers. Je n’examinerai donc que les revendications du SCRS et d’AMC au regard de la règle des tiers.

[128] La majorité des renseignements visés contestés pour lesquels la règle des tiers est invoquée consiste en des renseignements 1) qui identifieraient ou tendraient à identifier des relations que le SCRS entretient avec des organismes ou des pays étrangers, ou qui divulgueraient ou tendraient à divulguer des renseignements échangés sous le sceau du secret avec ces partenaires; 2) qui avaient été fournis à AMC sous le sceau du secret par des gouvernements ou des organismes étrangers, des organismes de renseignement ou des représentants étrangers. En ce qui concerne les revendications d’AMC, les nombreux extraits dont la protection est demandée par AMC au titre de cette catégorie concernent des renseignements liés à des rapports de sécurité et de renseignement et à des évaluations qui ont été transmis à AMC, ou par les canaux d’AMC. Par exemple, ces cas peuvent comprendre les positions officielles, les demandes et les évaluations de renseignement de gouvernements étrangers sur des questions bilatérales et multilatérales sensibles; les impressions personnelles de représentants étrangers concernant leurs propres gouvernements, et les évaluations des motifs, des actions et des intentions d’un gouvernement tiers (c’est-à-dire ni le Canada ni la source).

[129] Comme le soutient le PGC, ces renseignements sont habituellement assujettis à ce qu’on appelle la règle des tiers. Cela signifie que les renseignements sont fournis à la condition qu’ils ne soient pas communiqués ou divulgués par la partie ayant reçu ces renseignements sans l’autorisation de la partie qui les lui avait fournis. L’organisme fournisseur espère que le destinataire respectera la règle des tiers et empêchera toute autre diffusion sans son consentement.

[130] L’avocat de M. Abdelrazik, lors de l’audience publique et les amis de la Cour, lors de l’audience ex parte à huis clos, ont remis en question l’applicabilité de la règle des tiers dans certaines circonstances.

[131] À l’audience publique, M. Abdelrazik a reconnu que, d’après la jurisprudence, il ne fait aucun doute que le juge désigné évalue le préjudice probable selon la norme de la décision raisonnable, mais il a aussi souligné que les tribunaux ont maintes fois exprimé la préoccupation selon laquelle le gouvernement a tendance à exagérer les revendications de confidentialité en matière de sécurité nationale. M. Abdelrazik a souligné que la Cour suprême du Canada dans l’affaire Canada (Citoyenneté et Immigration) c Harkat, 2014 CSC 37, a souligné le rôle du juge en tant que « gardien qui doit nous prémunir contre la multiplication des réclamations » (aux para 63-64).

[132] M. Abdelrazik a soutenu que la Cour devrait examiner attentivement les revendications fondées sur la règle des tiers. D’abord, il a souligné que la Cour a conclu que la règle des tiers n’est pas une règle impérative de droit et qu’elle n’est pas absolue. Il a ajouté que les organismes canadiens d’application de la loi et de sécurité exercent leurs activités dans une démocratie constitutionnelle et qu’ils sont assujettis à la primauté du droit et aux tribunaux, et il a affirmé que les organismes en question ne sont donc pas en mesure de fournir des garanties de confidentialité à un organisme étranger, en faisant remarquer que tout pays étranger avec lequel les organismes canadiens font affaire serait au courant de ce fait. M. Abdelrazik a fait valoir que la Cour devrait également faire attention lorsqu’elle accepte des allégations générales selon lesquelles des organismes étrangers, en particulier des organismes américains, seraient contrariés si des renseignements sur leur rôle dans sa détention étaient divulgués.

[133] M. Abdelrazik a soutenu, en se fondant sur les éléments de preuve publics, que les préjudices semblent être en grande partie prospectifs et hypothétiques, et que tout témoignage faisant référence à une divulgation qui [traduction] « pourrait porter » préjudice ou mettre en danger ne satisfait pas au critère selon laquelle la divulgation [traduction] « porterait » préjudice.

[134] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Les amis de la Cour ajoutent qu’une divulgation résultant d’une décision de la Cour à l’égard d’une demande présentée au titre de l’article 38 ne pouvait pas être décrite de façon convaincante comme une violation de la règle des tiers.

[135] Il n’est pas tout à fait clair si les amis de la Cour demandent la divulgation des renseignements caviardés ou s’ils ne font que demander la divulgation de résumés plus détaillés que ceux proposés par le PGC. Les amis de la Cour ont indiqué qu’ils n’ont pas contesté le fait que le préjudice fondé sur la règle des tiers a été établi (deuxième volet du critère de l’arrêt Ribic), mais ils ont également soutenu en même temps que la règle des tiers ne s’appliquait pas dans certaines circonstances. Cette situation est difficile à concilier; si la Cour devait conclure que la règle des tiers ne s’appliquait pas pour protéger les caviardages, cela signifierait logiquement que les allégations de préjudice fondées sur la règle des tiers seraient sans fondement, ce qui entraînerait la divulgation. Par mesure de prudence, j’examinerai donc la question de savoir si le PGC s’est acquitté de son fardeau d’établir que la règle des tiers s’applique et que sa violation, c’est-à-dire la divulgation des renseignements visés, porterait préjudice à la sécurité nationale et aux relations internationales.

[136] Comme le juge de Montigny l’a déclaré dans la décision Telbani, au paragraphe 61, la règle des tiers est :

[...] une reconnaissance que les agences étrangères fournissent de l’information au Service non seulement parce que des ententes sont conclues pour s’assurer que cette information sera utilisée de façon confidentielle, mais également parce ces agences ont confiance que le gouvernement canadien en général, et le Service en particulier, est bien au fait et reconnaît la nécessité de préserver la confidentialité de ces renseignements et a pris des mesures à cet égard.

[137] Je reconnais que la règle des tiers n’est pas absolue, comme l’a souligné à nouveau le juge de Montigny dans la décision Telbani, au paragraphe 70 :

[...] Cette « règle » n’a pas de fondement législatif, et le seul fait qu’une agence étrangère n’ait pas relevé le Service (ou toute autre agence canadienne) de son obligation de confidentialité ne saurait suffire, à lui seul, pour conclure que la divulgation d’un renseignement ainsi obtenu serait préjudiciable à la sécurité nationale. D’autres facteurs devront être considérés, notamment le fait que l’information en question ait subséquemment été dévoilée et fasse maintenant partie du domaine public, ainsi que l’écoulement du temps. Il faudra également tenir compte de l’importance que peut avoir pour le Canada le partage de renseignement avec un organisme étranger, tant au plan quantitatif que qualitatif. Comme l’affirmait mon collègue le juge Noël dans l’affaire Arar (au para 80) :

Lorsqu’on se demande si la divulgation de renseignements causera un préjudice, il importe également de considérer la nature de la relation du Canada avec l’agence de renseignement ou l’agence d’application de la loi d’où proviennent les renseignements. Il est admis que certaines agences présentent une importance plus grande pour le Canada et donc qu’il faut faire davantage pour protéger nos relations avec elles. Par conséquent, il faut agir avec circonspection lorsqu’on envisage la possibilité de transgresser la règle des tiers à l’égard de renseignements obtenus de nos alliés les plus importants.

[138] Dans la décision Charkaoui, la juge Gagné (alors juge à la Cour fédérale) a souligné ce qui suit :

Par ailleurs, il incombe à la PGC de démontrer que les agences canadiennes concernées ont pris les moyens raisonnables pour obtenir le consentement de l’agence étrangère à la divulgation des renseignements en question (Ruby c Canada (Solliciteur général), [2000] 3 CF 589 (CAF) aux para 110-111, inf pour d’autres motifs par Ruby CSC), ou encore que si une demande de divulgation était faite, elle leur serait nécessairement refusée (Canada (PG) c Canada (Commission d’enquête sur les actions des responsables canadiens relativement à Maher Arar), 2007 CF 766 au para 73). Cette obligation semble peser plus lourd lorsque le droit à la sécurité de la personne intéressée par le renseignement, garanti par l’article 7 de la Charte, est en jeu (Almalki CF au para 142). Cela n’est pas le cas en l’espèce.

Dans l’affaire Khawaja, le juge Richard Mosley énonce bien l’objet de la règle et la limite de son exception :

[145] [traduction] L’objet de la règle des tiers est manifestement de protéger et d’encourager l’échange de renseignements sensibles entre le Canada et les États ou organismes étrangers, en protégeant pour cela à la fois la source et le contenu des renseignements échangés, l’unique exception étant que le Canada a toute latitude de communiquer les renseignements et/ou de faire état de leur source si le consentement de la source est obtenu.

[139] Les éléments de preuve présentés lors de l’audience ex parte à huis clos établissent que les documents à l’égard desquels la règle des tiers est soulevée contiennent des renseignements de sécurité provenant de |||||||| organismes étrangers de |||||||| pays.

[140] La Cour a bénéficié du témoignage du déposant du SCRS selon lequel le Service |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| des renseignements sur les menaces potentielles ou précises à la sécurité nationale du Canada. Il a expliqué que la divulgation de renseignements reçus sous le sceau du secret d’un organisme étranger sans son consentement de cet organisme dissuaderait de tels organismes de fournir des renseignements à l’avenir et nuirait ainsi à la capacité du Service à faire enquête sur les menaces à la sécurité du Canada et de fournir des conseils sur des questions de sécurité nationale qui pourraient éventuellement entraîner des pertes de vies humaines ou des dommages graves aux biens.

[141] En contre-interrogatoire, le déposant du SCRS a mentionné que les organismes étrangers considéreraient vraisemblablement toute divulgation non approuvée de renseignements comme étant une violation de la règle des tiers, même si la Cour, par opposition au SCRS, ordonnait la divulgation. Il a donné deux exemples d’autres pays qui ont divulgué, sans autorisation, de tels renseignements suivant des instances judiciaires semblables à celle en l’espèce, et qui ont ensuite dû composer avec une suspension ou une diminution du partage de renseignements avec cet organisme étranger. Il a témoigné que la divulgation par le Canada, sans autorisation, de renseignements reçus sous le sceau du secret d’un organisme étranger, même dans le contexte d’une instance fondée sur l’article 38, entraînerait les mêmes conséquences.

[142] De plus, le déposant d’AMC a témoigné que les renseignements visés ont été fournis sous le sceau du secret par des organismes et représentants gouvernementaux de ||||||||||||||||||||||||||||||||||||| et qu’il faut les protéger. Il a témoigné que les relations internationales et les objectifs internationaux du Canada exigent la coopération et la confiance des partenaires internationaux. Le défaut de protéger les renseignements reçus concernant des commentaires ou des évaluations critiques à l’égard de gouvernements étrangers, les renseignements reçus sous le sceau du secret et les sources de ces renseignements, les renseignements personnels de certains représentants étrangers, ou les détails des efforts diplomatiques du Canada, comme en l’espèce, minerait la confiance, porterait préjudice aux représentants qui participent aux communications et pourrait nuire à la libre circulation des renseignements au Canada.

[143] Le déposant d’AMC a ajouté que la relation du Canada avec ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| et doit être protégée. En ce qui concerne la relation du Canada avec ||||||, il affirme qu’elle doit aussi être maintenue, ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.

[144] Le PGC a produit des éléments de preuve pour confirmer que les demandes du SCRS et d’AMC ont été présentées à tous les organismes concernés, sauf ||||||, afin d’obtenir leur consentement à la divulgation des renseignements (ou des résumés de ces renseignements) qu’ils ont fournis. |||||| organismes ont approuvé la publication des renseignements (ce qui a entraîné la suppression des caviardages ou des résumés convenus et qui, par conséquent, ne sont pas en cause en l’espèce), tandis que les autres organismes ont nié les renseignements ou n’ont pas répondu aux demandes. Les déposants du SCRS et d’AMC ont témoigné que la divulgation de renseignements malgré une demande auprès d’un organisme étranger qui avait fait l’objet d’un refus ou était restée sans réponse serait particulièrement préjudiciable à la sécurité nationale et aux relations internationales, parce que cela irait à l’encontre des attentes du pays étranger en matière de confidentialité et, dans le cas d’une demande auprès d’un organisme étranger qui aurait été refusée, indiquerait clairement à ce pays que le Canada a ignoré sa demande en vue que ces renseignements restent confidentiels.

[145] Dans deux cas, à savoir pour [un pays] et, en ce qui concerne des documents limités, pour [un autre pays], aucune demande n’a été faite. Quant à ||||||, le caviardage contesté qu’AMC protège concerne des évaluations confidentielles effectuées par |||||||||||||||||||||||||||||||||| qui peuvent différer des opinions de son gouvernement, et la présentation d’une demande de divulgation des renseignements pourrait mettre en danger la sécurité du représentant en question. Le SCRS n’a pas non plus fait de demande de divulgation des renseignements reçus de ||||||||||| pour plusieurs raisons, y compris que de telles demandes pourraient entraîner des répercussions négatives sur M. Abdelrazik ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Quant à ||||||||||, le SCRS n’a pas demandé l’autorisation de ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| pour divulguer toute référence à |||||||||||||||||||||||||||||, puisque cela pourrait être perçu comme une critique. En outre, le SCRS n’a pas fait de demande alors que les renseignements que les amis de la Cour cherchent à divulguer sont des renseignements que |||||||||||| avait lui-même initialement reçu d’autres organismes étrangers.

[146] Je suis convaincue que :

1. les organismes canadiens ont respecté leur obligation de prendre des mesures raisonnables afin d’obtenir le consentement des organismes étrangers à la divulgation des renseignements qu’ils ont fournis;

2. le PGC a démontré l’importance de la relation que le Canada entretient avec chacun des organismes étrangers, l’importance pour la sécurité du Canada de préserver cette relation et le fait qu’il est primordial pour le Canada que le type de renseignements de sécurité dont il s’agit, compte tenu des pays d’origine, continue d’affluer vers les organismes canadiens;

3. la divulgation des renseignements, tels qu’identifiés, entraînerait, si elle était autorisée, une violation de la règle des tiers à l’égard de chaque organisme, ce qui porterait préjudice à la sécurité nationale et aux relations internationales. Le fait qu’aucune demande n’ait été présentée dans certains cas n’influe en rien sur le caractère confidentiel de ces renseignements et les attentes de l’organisme ou de ces personnes. Les renseignements, s’ils étaient divulgués, révéleraient l’existence et la nature de la relation entre le SCRS et cet organisme.

[147] Par conséquent, je suis convaincue que l’évaluation faite par le PGC en ce qui a trait au préjudice relatif aux renseignements visés reçus sous le sceau du secret d’organismes ou de représentants étrangers est raisonnable et que le PGC a établi que la divulgation des renseignements visés en violation de la règle des tiers porterait préjudice à la sécurité nationale et aux relations internationales.

(v) Conclusion concernant le deuxième volet du critère de l’arrêt Ribic en matière de préjudice (annexe C)

[148] Les autres allégations de préjudice soulevées dans les éléments de preuve l’AGC n’ont pas été contestées par les amis de la Cour.

[149] Je suis convaincue que l’évaluation du PGC est raisonnable au regard des éléments de preuve qu’il a présentés, et que la divulgation des renseignements visés contenus dans les 119 documents serait préjudiciable.

c) Mise en balance des raisons d’intérêt public

[150] Le paragraphe 38.06(2) de la LPC prévoit que, lorsqu’il est conclu que la divulgation de renseignements porterait préjudice, il faut alors trancher la question de savoir si les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation des renseignements préjudiciables l’emportent sur les raisons d’intérêt public qui justifient la non-divulgation de ces renseignements.

[151] Dans sa mise en balance des raisons d’intérêt public concurrentes, le juge tiendra compte de nombreux facteurs différents qui varieront d’un cas à l’autre. Dans la décision Khan, au paragraphe 26, la Cour a décrit certains des facteurs pertinents qui peuvent être pris en compte « [p]our déterminer si on a établi une preuve apparente en faveur de la divulgation ». La Cour suprême du Canada a indiqué, au paragraphe 44 de l’arrêt Ahmad, que le régime prévu à l’article 38 était souple; elle a aussi indiqué, au paragraphe 77 de l’arrêt Charkaoui c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CSC 9, que l’article 38 confère au juge désigné un « pouvoir discrétionnaire considérable ».

[152] En l’espèce, je conclus que les facteurs appropriés pour effectuer la pondération des intérêts sont les suivants :

• l’étendue du préjudice occasionné par la divulgation des renseignements visés;

• la possibilité de réduire au minimum le préjudice en divulguant des résumés;

• la gravité des questions en cause;

• la question de savoir si les renseignements permettront d’établir un fait crucial pour permettre à M. Abdelrazik de plaider sa cause;

• la question de savoir si les renseignements sont déjà connus du public;

• l’importance du principe de la publicité des débats judiciaires.

[153] Bref, l’étendue du préjudice, le fait que les renseignements sont déjà connus du public et le fait que l’avocat de M. Abdelrazik a indiqué, à l’audience publique, qu’il avait suffisamment d’éléments de preuve sans les renseignements visés, et que les renseignements visés, sauf un, n’établiraient pas un fait crucial, militent en faveur des raisons d’intérêt public à la non-divulgation.

[154] D’autre part, la possibilité de réduire considérablement, au minimum, le préjudice en divulguant des résumés plutôt que les renseignements visés, la gravité des questions concernées et, dans un cas, l’importance des renseignements visés pour établir un point crucial, militent en faveur de raisons d’intérêt public à la divulgation.

[155] La violation de la règle des tiers serait très préjudiciable dans la plupart des cas. La présente affaire vise des renseignements partagés avec le Canada |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||, y compris ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, et concerne des pays où le Canada ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Le PGC a déployé des efforts raisonnables pour obtenir le consentement à la divulgation et des éléments de preuve ont été présentés pour démontrer que ces demandes ont été faites ou refusées. Lorsque le PGC n’a pas demandé la divulgation des renseignements aux partenaires étrangers, le PGC a fourni des éléments de preuve à l’appui du préjudice qui pourrait découler de la demande.

[156] En outre, la divulgation du nom des employés du SCRS |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||| serait très préjudiciable et mettrait en danger la sécurité des employés. Toutefois, en ce qui concerne l’identité des employés du SCRS, je considère que les amis de la Cour ne cherchent pas à révéler le nom des employés, mais simplement le fait qu’il s’agisse dans certains cas du même employé, et que le PGC et les amis de la Cour ont proposé des résumés pour limiter le préjudice, comme nous en discuterons plus en détail dans la prochaine section.

[157] De plus, la divulgation de détails sur les enquêtes du SCRS porterait préjudice à la sécurité nationale. Le Service ne peut pas fonctionner efficacement si des renseignements permettant d’identifier les cibles actuelles ou antérieures d’une enquête, de qualifier l’intensité de l’enquête ou même de jauger du succès éventuel d’une enquête étaient divulgués (Telbani, aux para 45 et 50). Cela permettrait aux sujets d’enquête de contourner activement les efforts d’enquête du Service.

[158] La divulgation de renseignements qui pourraient être perçus comme une critique à l’égard d’un gouvernement étranger est également préjudiciable, et, plus particulièrement, la divulgation de certains renseignements visés serait perçue comme une critique et causerait des frictions dans la relation du Canada en matière de partage de renseignements avec |||||||||.

[159] L’instance sous-jacente est une action civile. Bien que les intérêts de M. Abdelrazik en matière de liberté n’y soient pas en jeu, il a soulevé de sérieuses allégations dans le cadre de l’instance sous-jacente concernant des violations de la Charte et des droits de la personne. La Cour a déclaré que, bien que la protection du droit de s’adresser aux tribunaux pour obtenir réparation quant à un délit civil constitue une raison d’intérêt public importante, la Cour doit être consciente du risque qu’un préjudice soit causé maintenant ou plus tard aux intérêts nationaux du Canada si elle ordonne la divulgation de renseignements préjudiciables (Almalki CF, aux para 82-84).

[160] Dans une affaire civile, il faut se demander si les renseignements demandés seraient susceptibles d’établir un fait crucial pour la partie qui les réclame. Je fais remarquer, et j’ai tenu compte du fait, que la question clé soulevée par M. Abdelrazik à l’audience publique concernant les employés du SCRS était qu’il était crucial pour lui de savoir quand il a été fait référence à un même employé; il n’a soulevé aucune préoccupation particulière concernant |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.

[161] Je considère également, dans une moindre mesure, et comme l’a fait valoir l’avocat de M. Abdelrazik à l’audience publique, que la Cour suprême du Canada a récemment souligné, au paragraphe 1 de l’arrêt Sherman (Succession), l’importance de la protection, par le droit constitutionnel, du principe de la publicité des débats ; en plus de déclarer que ce principe représentait « un élément fondamental d’une démocratie libérale ». Toutefois, l’avocat ne conteste pas la validité constitutionnelle du régime prévu à l’article 38 qui, dans les circonstances particulières qui s’y appliquent, permet aux renseignements de demeurer protégés contre la divulgation.

[162] Je tiens compte du fait que M. Abdelrazik n’a pas contesté l’interdiction de divulgation. Bien qu’il ait été d’avis que certains renseignements relatifs à certaines questions clés n’étaient pas divulgués, il a déclaré qu’il disposait déjà de suffisamment de renseignements pour établir les allégations soulevées dans l’instance sous-jacente. Cela étant dit, je dois également tenir compte de la mesure dans laquelle certains renseignements sont pertinents quant à sa réclamation (Canada (Procureur général) c Shen, 2017 CF 118, conf par 2018 CAF 7 au para 36).

[163] Certains renseignements en l’espèce sont déjà dans le domaine public, soit parce qu’ils ont été divulgués par inadvertance, soit parce qu’ils ont été divulgués en raison d’une fuite. La Cour a déjà confirmé que la protection de renseignements qui relèvent du domaine public serait justifiée dans plusieurs circonstances, y compris lorsque l’authenticité des renseignements n’est ni confirmée ni démentie, ou que les renseignements ont été divulgués par inadvertance. La communication par inadvertance de renseignements faisant l’objet d’une revendication de privilège en vertu de l’article 38 n’emporte pas renonciation (Arar, aux para 56-57; Almalki CF, au para 190). Cela milite en faveur des raisons d’intérêt public à la non-divulgation.

[164] Enfin, et c’est le plus important, le fait que le préjudice puisse être limité par la divulgation des renseignements visés sous la forme d’un résumé milite en faveur des raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation. Les résumés, lorsqu’ils peuvent être produits, évitent de révéler des renseignements particulièrement sensibles ou préjudiciables, comme le nom des employés du Service, ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, ou des représentants ou organismes étrangers, des renseignements dont la divulgation a été refusée par des tiers, ou la nature des renseignements provenant d’un organisme étranger qui ont été partagés sous le sceau du secret dont la divulgation a été autorisée par ce dernier. Au contraire, lorsque je suis convaincue que le préjudice ne peut pas être neutralisé ou limité par un résumé, après avoir soupesé les différents facteurs, je conclus que les raisons d’intérêt public à la non-divulgation l’emportent sur les raisons d’intérêt public à la divulgation.

[165] Après avoir soupesé les différents facteurs, et en particulier le fait que des résumés des renseignements visés peuvent être produits afin de limiter le préjudice, je suis convaincue que les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation l’emportent sur les raisons d’intérêt public qui justifient la non-divulgation des renseignements visés, sauf dans les cas exposés ci-dessous.

[166] Je conclus que les raisons d’intérêt public qui justifient la non-divulgation l’emportent sur les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation de renseignements fournis sous le sceau du secret par des tiers lorsqu’une demande de divulgation a été refusée par l’organisme étranger ou lorsqu’aucune demande n’était possible sans violer la règle des tiers. Dans ces cas, je suis convaincue que les renseignements visés ont été envoyés par un partenaire étranger ou qu’ils concernent la participation d’un autre organisme tiers. Je suis convaincue que le PGC a établi que la règle des tiers s’applique, qu’une demande d’autorisation de divulguer ces renseignements ne pouvait pas être présentée à l’organisme étranger sans violer la règle des tiers, ou qu’une demande d’autorisation de divulguer ces renseignements a été refusée.

[167] Enfin, lorsque je suis convaincue que la règle des tiers s’applique et qu’aucune réponse des organismes étrangers aux demandes de divulgation n’a été reçue, après pondération des différents facteurs, je conclus que les raisons d’intérêt public qui justifient la non-divulgation l’emportent sur les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation des renseignements visés. Cette conclusion vise les documents AGC01064, AGC01107, AGC01750, AGC01824, AGC02579, AGC02642 AGC03763, AGC03779, AGC07903 et AGC08693 qui sont en attente d’une réponse. Par conséquent, je demeurerai saisie de la question et j’effectuerai un autre examen si une réponse est reçue. Je cesserai d’être saisie le premier jour de l’audience de l’instance sous-jacente et cesserai aussi d’être saisie s’il est mis fin à l’action avant son audition.

d) Forme et conditions de la divulgation

[168] Ayant conclu que les raisons d’intérêt public militent en faveur de la divulgation, la prochaine étape consiste à tenir compte à la fois des raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation, et de la forme et des conditions de la divulgation qui sont les plus susceptibles de limiter tout préjudice avant d’autoriser la divulgation (Ribic, aux para 37-39; Almalki CAF, au para 37; Hutton, au para 32). Les deux parties ont présenté des résumés qui, à leur avis, fournissent l’essentiel des renseignements caviardés afin d’assurer l’équité de l’instance sous-jacente, tout en réduisant au minimum ou en limitant le préjudice à la sécurité nationale ou aux relations internationales.

[169] La Cour d’appel fédérale m’enseigne que, tout en gardant à l’esprit les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation, je dois m’assurer que la forme et les conditions de la divulgation sont les plus susceptibles de limiter tout préjudice aux relations internationales, à la défense nationale ou à la sécurité nationale par suite de la divulgation. Elle me demande de recourir aux moyens qui préjudicieront le moins à ces intérêts et souligne que l’intention du législateur est claire : tout préjudice doit être limité autant que cela est possible, et des mesures adéquates doivent être prises à cette fin, c’est-à-dire des mesures qui sont les plus susceptibles de produire ce résultat (Ribic, au para 37).

[170] Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincue que dans tous les cas sauf un, les résumés proposés par le PGC, et le seul résumé général qui n’était pas assujetti à l’approbation d’un tiers, sont les plus susceptibles de limiter tout préjudice, et j’ordonnerai donc la divulgation sous la forme des résumés proposés par le PGC et à la seule condition qu’elle soit sous cette forme. Toutefois, je retiendrai la proposition des amis de la Cour en ce qui concerne la désignation d’un employé en particulier.

[171] Les amis de la Cour ont relevé 11 documents faisant référence à la participation d’un [employé du Service] en particulier. Les amis de la Cour ne cherchent pas à divulguer la véritable identité de l’employé, mais cherchent à divulguer le fait que le même employé est effectivement mentionné dans ces 11 documents. En particulier, les amis de la Cour souhaitent désigner cet employé par le terme [traduction] « l’employé no 1 du SCRS » dans ces 11 documents. Ils ont souligné que leurs résumés limiteraient le préjudice, le cas échéant, tout en permettant à M. Abdelrazik de bénéficier d’un élément d’information clé dans le cadre de l’instance sous-jacente.

[172] Le PGC n’est pas d’accord avec la proposition des amis de la Cour à cet égard et propose plutôt que le terme « employé du SCRS » ou « SCRS » soit utilisée dans dix des 11 documents identifiés par les amis de la Cour. Le PGC affirme que, si les résumés des amis de la Cour étaient privilégiés, il faudrait indiquer quand un employé est la même personne dans les documents en jeu |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.

[173] Je conclus que cette question se pose dans les résumés du PGC contenus dans dix documents (AGC00318, AGC01089, AGC01097, AGC01098, AGC01101, AGC01107, AGC01176, AGC02642, AGC07820 et AGC07903).

[174] En l’espèce, les renseignements visés font référence à des événements qui se sont produits il y a environ 20 ans et, dans ce cas, le délai et le temps écoulé réduisent considérablement le préjudice. Bien que le déposant du SCRS ait témoigné qu’avec les résumés proposés par les amis de la Cour ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. En outre, l’avocat de M. Abdelrazik a considéré que l’identité des représentants du SCRS qui étaient mêlés à l’affaire de son client était un élément d’information [traduction] « essentiel » dans le cadre de son instance. Ayant examiné la forme la plus susceptible de limiter le préjudice et les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation, je conclus que [traduction] « l’employé no 1 du SCRS » constitue une solution appropriée dans les résumés du PGC dans ces dix documents.

VIII. Conclusion

[175] Comme dernière remarque, je souhaite remercier l’avocat du PGC et les amis de la Cour pour leurs observations utiles et leur coopération continue, particulièrement dans les circonstances exceptionnelles de la pandémie. Je remercie également M. Abdelrazik de sa patience tout au long du présent processus.

JUGEMENT dans le dossier DES-3-18

LA COUR REND LE JUGEMENT qui suit :

1. La demande du PGC est accueillie en partie.

2. L’interdiction de divulgation des renseignements visés contenus dans les documents produits mentionnés à l’annexe A est confirmée en application du paragraphe 38.06(3) de la LPC.

3. L’interdiction de divulgation en ce qui concerne les renseignements visés contenus dans les documents énumérés à l’annexe C qui étaient assujettis à l’approbation de tiers et pour lesquels ces derniers ont refusé les demandes de divulgation, y compris la divulgation de résumés (que les amis de la Cour aient contesté ou non l’interdiction) est confirmée en application du paragraphe 38.06(3) de la LPC, conformément aux présents motifs.

4. L’interdiction de divulgation des renseignements visés contenus dans les documents produits mentionnés aux annexes B et C qui étaient assujettis à l’approbation de tiers et pour lesquels les organismes étrangers n’ont pas encore répondu aux demandes de divulgation, est confirmée en application du paragraphe 38.06(3) de la LPC. À cet égard, je demeurerai saisie de la question et j’effectuerai un autre examen si une réponse est reçue. Je cesserai d’être saisie le premier jour de l’audition de l’instance sous-jacente et cesserai aussi d’être saisie s’il est mis fin à l’action avant son audition.

5. 5.L’interdiction de divulgation en ce qui concerne les renseignements visés contenus dans le document AGC02798 énuméré à l’annexe C est confirmée en application du paragraphe 38.06(3) de la LPC, conformément aux présents motifs.

6. 6.La divulgation des renseignements visés contenus dans les documents produits mentionnés aux annexes B etC qui ne sont pas assujettis à l’approbation d’un tiers est autorisée. Toutefois, en application du paragraphe 38.06(2) de la LPC, et à titre de condition à la divulgation, la Cour exige que les renseignements soient divulgués sous la forme des résumés qui figurent aux annexes B et C.

7. 7.Les amis de la Cour pourront consulter la version classifiée du présent jugement et de ses motifs au greffe des instances désignées de la Cour fédérale.

8. 8.Le PGC proposera, en consultation avec les amis de la Cour, une version publique du présent jugement et de ses motifs aux fins de divulgation au défendeur 20 jours après l’expiration du délai dont dispose le PGC pour interjeter appel de la version classifiée du présent jugement et de ses motifs ou à toute autre date antérieure s’il renonce à interjeter appel.

9. 9.Le délai dont dispose le défendeur pour interjeter appel de la version publique du présent jugement et de ses motifs au titre de l’article 38.09 de la LPC ne commencera à courir qu’à compter de la date à laquelle elle est publiée.

10. 10.La version classifiée du présent jugement et de ses motifs ne fera pas partie du dossier public.

11. 11.Le dossier classifié de la Cour sera conservé au greffe des instances désignées, auquel le public n’a pas accès.

12. 12.Si d’autres demandes fondées sur l’article 38 de la LPC devaient être présentées à la Cour relativement à l’instance sous-jacente, je demeurai saisie de ces demandes.

13. 13.Aucuns dépens ne sont adjugés.

		« Martine St-Louis »
			Juge

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes

 

ANNEXE A

Liste des documents non contestés pour lesquels aucun résumé n’a été autorisé et pour lesquels le caviardage est confirmé en application du paragraphe 38.06(3) de la Loi sur la preuve au Canada

 

Numéro	No de production du procureur général du Canada	Numéro	No de production du procureur général du Canada	Numéro	No de production du procureur général du Canada
	AGC00001_R		AGC00359_R		AGC00730_R
	AGC00030_R		AGC00369		AGC00731_R
	AGC00042_R		AGC00378_R		AGC00733_R
	AGC00043_R		AGC00382_R		AGC00736_R
	AGC00049_R		AGC00383_R		AGC00737_R
	AGC00050_R		AGC00385_R		AGC00738_R
	AGC00058_R		AGC00386_R		AGC00739_R
	AGC00066_R		AGC00390_R		AGC00741_R
	AGC00092_R		AGC00394_R		AGC00749_R
	AGC00109		AGC00396_R		AGC00752_R
	AGC00110		AGC00403_R		AGC00755
	AGC00133_R		AGC00404_R		AGC00756_R
	AGC00156_R		AGC00410_R		AGC00757
	AGC00162		AGC00415_R		AGC00760
	AGC00172		AGC00416_R		AGC00764_R
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