Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20231229


Dossier : T-366-23

Référence : 2023 CF 1766

Ottawa (Ontario), le 29 décembre 2023

En présence de madame la juge St-Louis

ENTRE :

NECULAI OTOMAN

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Introduction

[1] L’alinéa 18(1) a) de la Loi sur l’assurance-emploi, LC 1996, ch 23 [la Loi] prévoit qu’un prestataire n’est pas admissible au bénéfice de prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu’il était, ce jour-là, capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenable.

[2] Les instances administratives ont tour à tour refusé le versement de prestations à M. Neculai Otoman et elles ont conclu que ce dernier n’avait pas prouvé sa disponibilité, selon les critères applicables, pendant la période visée. D’abord, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada [la Division générale] a conclu que M. Otoman n’était pas disponible et qu’il n’était pas incapable d’obtenir un emploi convenable entre le 20 décembre 2021 et le 24 juin 2022 puisque (1) M. Otoman ne cherchait pas activement un emploi ; et (2) sa disponibilité était indûment restreinte par son choix d’attendre que l’arrêté d’urgence du ministère des Transports [l’arrêté d’urgence], une politique de vaccination contre la COVID-19, soit levé.

[3] Ultimement, le 25 janvier 2023, la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada [la Division d’appel] a quant à elle rejeté la demande de permission d’en appeler que M. Otoman a interjeté à l’encontre de la décision de la Division générale. La Division d’appel détermine alors que ledit appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[4] M. Otoman demande le contrôle judiciaire de cette décision de la Division d’appel.

[5] Pour les motifs qui suivent, je vais rejeter la demande de contrôle judiciaire. M. Otoman n’a pas démontré que la décision de la Division d‘appel est déraisonnable selon la norme de preuve applicable. En effet, la preuve révèle notamment que M. Otoman a admis ne pas avoir fait d’efforts pour chercher un emploi convenable et avoir plutôt choisi d’attendre la levée de l’arrêté d’urgence. Ainsi, la Division d’appel a raisonnablement conclu que l’appel de M. Otoman n’avait aucune chance de succès compte tenu de la preuve au dossier ainsi que des règles de droit applicables.

II. Contexte

[6] M. Otoman est employé de la compagnie Clarke Inc. à titre de matelot à la Traverse Rivière-du-Loup-Saint-Siméon et le 12 novembre 2021, il cesse de travailler.

[7] À compter du 19 décembre 2021, M. Otoman présente une demande de prestations d’assurance-emploi.

[8] Le 13 avril 2022, M. Ottoman s’entretient avec une représentante de la Commission de l’assurance-emploi du Canada [la Commission] et le 14 avril 2022, la Commission refuse le versement de prestations à M. Otoman. La Commission détermine que M. Otoman a volontairement pris une période de congé autorisé par l’employeur depuis le 15 novembre 2021, sans raison valable. La Commission détermine aussi que M. Otoman n’est pas disponible pour travailler puisqu’il est prêt à accepter du travail seulement comme matelot, ce qui réduit ses possibilités d’obtenir un emploi.

[9] Le 11 mai 2022, M. Otoman demande la révision de ces décisions. Le 4 juillet 2022, M. Otoman s’entretient avec un représentant de la Commission et le 5 juillet 2022, la Commission rejette la demande de révision.

[10] M. Otoman interjette l’appel des décisions de la Commission auprès de la Division générale. Le 8 novembre 2022, la Division générale entend l’appel de M. Ottoman et ce dernier témoigne devant le tribunal.

[11] Le 10 novembre 2022, la Division générale accueille l’appel en partie. En effet, en lien avec le dossier sur le congé, la Division générale conclut que M. Otoman n’a pas volontairement pris un congé à compter du 15 novembre 2021. Cependant, en lien avec le dossier sur la disponibilité, la Division générale conclut que M. Otoman n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler entre le 20 décembre 2021 et le 24 juin 2022 au sens du paragraphe 50(8) et de l’alinéa 18(1) a) de la Loi et en vertu des articles 9.001 et 9.002 du Règlement sur l’assurance-emploi, DORS/96-332 [le Règlement]. La Division générale considère la preuve et les témoignages de M. Otoman disant qu’il n’a fait aucune démarche pour se trouver un emploi, qu’il n’était pas intéressé à se trouver un emploi autre que celui de matelot et qu’aucun employeur ne voudrait l’embaucher parce qu’il n’est pas vacciné. La Division générale note que M. Otoman a indiqué à la Commission attendre que l’arrêté d’urgence soit levé. La Division générale détermine notamment que (1) M. Otoman a démontré un certain désir de retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert; (2) M. Otoman n'a pas manifesté son désir de retourner sur le marché du travail par des efforts significatifs pour se trouver un emploi convenable chaque jour ouvrable de sa période de prestation entre le 20 décembre 2021 et le 24 juin 2022; (3) la disponibilité de M. Otoman était indûment limitée parce qu'il ne souhaitait pas chercher un autre emploi que celui de matelot ; (4) M. Otoman n’a pas, dans les faits, effectué de démarches pour se trouver un emploi.

[12] Le 12 décembre 2022, M. Otoman demande à la Division d’appel la permission d’en appeler de la décision de la Division générale.

[13] M. Otoman fait alors valoir que la Division générale (1) n’a pas respecté l’équité procédurale pour une série de raisons, dont des erreurs administratives (comme des erreurs de numérotation de documents), des délais, une allégation que la Division générale aurait changé de motif et une allégation de préjudice en raison de son statut vaccinal; (2) a excédé sa compétence; (3) a refusé d’exercer sa compétence en refusant de déterminer s’il avait rempli les trois conditions d’admissibilité; (4) a commis des erreurs de droit puisqu’il soutient que les mauvais articles de la Loi et la mauvaise jurisprudence ont été considérés; (5) a commis des erreurs de fait importantes.

[14] Le 25 janvier 2023, la Division d’appel refuse à M. Otoman la permission d’en appeler, ayant conclu qu’aucune des raisons soulevées ne confère à M. Otoman une chance raisonnable de succès dans cet appel.

[15] La Division d’appel résume les arguments et moyens d’appel soulevés par M. Otoman. La Division d’appel conclut que (1) sur la question du congé, contrairement à ce que soutient M. Otoman, la Division générale n’a pas rendu de décision sur la question d’inconduite et elle lui a donné gain de cause sur la question de congé autorisé et qu’ainsi, elle trouve qu’il n’a pas lieu de trancher sur la permission d’en appeler sur cette question; (2) sur la question de la disponibilité, la preuve prépondérante soutient la conclusion de la Division générale puisque M. Otoman ne cherchait pas activement un emploi et puisque sa disponibilité était indûment restreinte par son choix d’attendre que l’arrêté d’urgence soit levé afin de recommencer à travailler.

[16] La Division d’appel note particulièrement que M. Ottoman a admis à la Commission qu’il ne cherchait pas d’emploi et qu’il attendait la levée de l’arrêté d’urgence. La Division d’appel ajoute que le fait de demeurer disponible pour son employeur en attendant d’être rappelé est peut-être convenable pour le prestataire, mais que cela est insuffisant pour démontrer sa disponibilité à travailler au sens de la Loi.

[17] La question de la disponibilité est la seule en jeu dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire.

III. Discussion

A. Question préliminaire : admissibilité de la preuve nouvelle

[18] Le Procureur général du Canada [PGC], le défendeur, soumet premièrement que la Cour ne devrait pas tenir compte des nouvelles déclarations factuelles contenues au paragraphe 18 de l’affidavit que M. Otoman a affirmé le 22 mars 2023, ni de la Pièce B attachée à l’affidavit que M. Otoman a affirmé le 2 juin 2023, lesquelles n’étaient pas devant la Division d’appel. La preuve nouvelle inclut une transcription de fragments d’une conversation téléphonique avec une représentante de la Commission datant du 13 avril 2022.

[19] Dans sa décision Bernard c Canada (Agence du revenu), 2015 CAF 263 au para 13 [Bernard], la Cour d’appel fédérale nous rappelle que « La règle générale est que la preuve qui aurait pu être présentée au décideur administratif, la Commission en l'occurrence, est irrecevable devant la Cour de révision ». La Cour d’appel fédérale réfère alors au paragraphe 7 de la décision Connolly c Canada (Procureur général), 2014 CAF 294 et au paragraphe 20 de la décision Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22.

[20] La Cour d’appel fédérale souligne que trois exceptions sont reconnues (Bernard au para 19); ces exceptions s’appliquent notamment aux documents qui : (1) fournissent des renseignements généraux susceptibles d’aider la Cour de révision à comprendre les questions en litige; (2) font état de vices de procédure ou de manquements à l’équité procédurale dans la procédure administrative; ou (3) font ressortir l’absence totale de preuve dont disposait le décideur (Tsleil‐Waututh Nation c Canada (Procureur général), 2017 CAF 128 au para 98; Bernard  aux para 20–25; Nshogoza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1211 aux para 16–18).

[21] M. Otoman n’a pas démontré que l’une de ces exceptions s’applique en l’instance, compte tenu de la question en litige. Ainsi, la preuve qui n’était pas devant la Division d’appel ne sera donc pas considérée dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire.

B. Norme de contrôle

[22] La décision de la Division d’appel de refuser la permission d’en appeler doit être contrôlée selon la norme du caractère raisonnable de la décision (Langlois c Canada (Procureur général), 2018 CF 1108 au para 4; Lazure c Canada (Procureur général), 2018 CF 467 au para 18; Tracey c Canada (Procureur général), 2015 CF 1300 aux para 17–22). Aucune des situations permettant de réfuter cette présomption ne s’applique en l’espèce (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]). Lorsque la norme de contrôle applicable est celle du caractère raisonnable de la décision, le rôle de la Cour en contrôle judiciaire est d’examiner les motifs qu’a donnés le décideur administratif et de déterminer si la décision est fondée sur « une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov au para 85; Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67 [Société canadienne des postes] aux para 2, 31). La Cour doit considérer le « résultat de la décision administrative eu égard au raisonnement sous-jacent à celle-ci afin de s’assurer que la décision dans son ensemble est transparente, intelligible et justifiée » (Vavilov au para 15).

[23] La Cour, en contrôle judiciaire, n’a pas pour mission de soupeser à nouveau les éléments de preuve au dossier ni de s’immiscer dans les conclusions de faits du décideur pour y substituer les siennes (Société canadienne des postes au para 61; Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c Canada (Procureur général), 2018 CSC 31 au para 55). Elle doit plutôt considérer les motifs dans leur ensemble, conjointement avec le dossier (Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36 au para 53) et se contenter de se demander si les conclusions revêtent un caractère irrationnel ou arbitraire.

[24] La Cour doit déterminer si la conclusion de la Division d’appel que M. Otoman n’avait aucune chance raisonnable de succès est raisonnable.

C. La décision de la Division d’appel est raisonnable

[25] La Cour note que le Tribunal de la sécurité sociale est constitué sous l’égide de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, LC 2005, ch 34 [Loi sur le ministère de l’Emploi]. Il est composé d’une Division générale et d’une Division d’appel (paragraphe 44(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi). Il ne peut être interjeté l’appel à la Division d’appel sans permission (paragraphe 56(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi).

[26] Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi prévoit les seuls moyens d’appel qui peuvent être invoqués auprès de la Division d’appel dans les cas en lien avec l’assurance-emploi. Ainsi, les seuls moyens d’appel sont :

a) [L]a section n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;

b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;

c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[27] Enfin, le paragraphe 58(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi prévoit quant à lui que la Division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès

[28] Notre Cour a déterminé que « le fait d’avoir une « chance raisonnable de succès » consiste à disposer de certains motifs défendables grâce auxquels l’appel proposé pourrait avoir gain de cause » (Osaj c Canada (Procureur général), 2016 CF 115 au para 12). La permission d’en appeler est notamment accordée lorsque des éléments de preuve importants ont été ignorés ou mal interprétés (Griffin c Canada (Procureur général), 2016 CF 874 au para 20, citant Karadeolian c Canada (Procureur général), 2016 CF 615 au para 10).

[29] Par ailleurs, la Cour note aussi que la Loi a comme objectif d’assurer la sécurité des citoyens en offrant une assistance aux personnes qui ont perdu leur emploi et en aidant les chômeurs à retourner au travail.

[30] L’article 18 de la Loi prévoit quant à lui les raisons d’inadmissibilité aux prestations :

Disponibilité, maladie, blessure, etc.

18 (1) Le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu’il était, ce jour-là:

a) soit capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenable;

b) soit incapable de travailler par suite d’une maladie, d’une blessure ou d’une mise en quarantaine prévue par règlement et aurait été sans cela disponible pour travailler;

c) soit en train d’exercer les fonctions de juré.

Exception

(2) Le prestataire à qui des prestations doivent être payées au titre de l’un des articles 23 à 23.3 n’est pas inadmissible au titre de l’alinéa (1)b) parce qu’il ne peut prouver qu’il aurait été disponible pour travailler, n’eût été la maladie, la blessure ou la mise en quarantaine.

[31] Ainsi, selon l’alinéa 18(1)(a) de la Loi, la personne qui demande des prestations porte le fardeau de prouver, dans le cas qui nous occupe, qu’elle est capable de travailler, disponible à cette fin et, le cas échéant, incapable d’obtenir un emploi convenable.

[32] Tel que l’explique le PGC, la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Faucher c Canada (Emploi et Immigration), 1997 CanLII 4856 (CAF), A-56-96 à la p 3 [Faucher] confirme que la disponibilité doit se vérifier par l'analyse des trois éléments suivants:

  • Le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable serait offert;

  • L’expression de ce désir par des efforts pour trouver cet emploi convenable;

  • Le non-établissement de conditions personnelles pouvant limiter indûment ses chances de retour sur le marché du travail.

[33] En vertu du paragraphe 50(8) de la Loi, la Commission peut exiger qu’un prestataire prouve qu’il fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable. L’article 9.001 du Règlement énumère les critères pour déterminer si les démarches entreprises constituent des démarches habituelles et raisonnables et l’article 9.002 énumère les éléments d’un emploi convenable.

[34] M. Otoman soutient que la Division d’appel et la Division générale ont manqué d’analyser sa disponibilité selon les critères de la jurisprudence. M. Otoman cite la définition de l’emploi non convenable à l’alinéa 6(4)(c) de la Loi. Il soutient qu’en raison des restrictions imposées par la COVID-19 et de l’exigence vaccinale, les conditions du marché du travail avant et après cette période sont différentes. Il estime que ces emplois sont inclus dans la définition d’emploi non convenable trouvé dans la Loi. Il soutient de plus qu’on exige de lui, malgré les restrictions imposées pendant la pandémie, de changer de métier de matelot et chercher activement du travail dans un autre emploi ce qui, selon lui, veut dire qu’il doit « retourner à l’école » pour se « préparer dans un autre métier pour satisfaire l’exigence ».

[35] Le PGC rappelle qu’il incombe au prestataire de démontrer sa disponibilité à travailler afin de rencontrer les exigences de l’article 18 de la Loi. Quant à la disponibilité, la question est de déterminer si le prestataire est suffisamment disponible en vue d’un emploi convenable pour avoir droit aux prestations d’assurance-emploi (Canada (Procureur général) c Bertrand, [1982] ACF no 423, 136 DLR (3e) 710 (CAF) aux pp 7-8). Le PGC souligne que la Cour précise que la Loi fut conçue afin de prêter assistance aux prestataires activement à la recherche d’emploi, peu importe le peu de chances de succès que le prestataire estime qu’une recherche d’emploi peut avoir, et que le prestataire doit être activement à la recherche d’emploi, et non se contenter d’attendre d’être rappelé, afin d’avoir droit aux prestations (Canada (Procureur général) c Cornelissen-O'Neill, [1994] ACF no 975, [1994] FCJ No 975 (CAF) à la p 2).

[36] Le PGC répond donc que la Division générale n’a commis aucune erreur de droit ou de fait et qu’elle a plutôt appliqué le bon cadre d’analyse objectif établi par la jurisprudence. Il ajoute que la conclusion de la Division générale, confirmée par la Division d’appel, est raisonnable puisque M. Otoman a attesté ne pas avoir fait de recherche d’emploi cinq mois après avoir cessé de travailler pour son employeur et avoir limité sa disponibilité pour un emploi de matelot ou timonier seulement. Enfin, il avance que le fait de demeurer disponible pour son employeur en attendant qu’il le rappelle, ou attendre que la politique de vaccination soit levée n’est pas suffisant pour s'acquitter de son obligation au sens de la Loi.

[37] Quant à l’argument de M. Otoman que la Division générale n’a pas pris en compte que son incapacité d’obtenir un emploi raisonnable était dû à l’impact sans précédent de la pandémie COVID-19; le PGC soutient que la pandémie ne le dispense pas du fardeau de démontrer sa disponibilité et que la pandémie n’est pas un facteur à considérer dans le test de la disponibilité (Nikhat v Canada (Attorney General), 2023 FC 372 au para 16).

[38] Je souscris à la position du PGC. L’examen du dossier révèle que M. Otoman n’a présenté aucune preuve destinée à démontrer qu’il a fait des efforts pour rechercher un emploi convenable tel que l’exigent la Loi et la jurisprudence.

[39] En effet, je note que le 13 avril 2022, un représentant de la Commission s’entretient avec M. Otoman. Selon les notes au feuillet de Renseignements Supplémentaires, M. Otoman, questionné sur les démarches de recherches d'emploi qu'il a effectué depuis le 12 novembre 2021, répond n’en avoir fait aucune et qu'il attend que l'arrêté d'urgence soit levé. Toujours selon les notes au dossier, M. Otoman déclare alors aussi comprendre qu'il pourrait se conformer aux exigences en cherchant de l'emploi comme matelot, mais qu'aucun employeur ne pourra l'embaucher puisqu'il n'est pas vacciné. Il est consigné aux notes que M. Otoman est informé que de limiter ses démarches à un seul type d'emploi pour lequel il ne remplit pas une condition essentielle à ses fonctions constitue une restriction importante qui annule toute chance de trouver un emploi et que s'il maintient cette restriction, il sera considéré inadmissible aux prestations régulières. Enfin, il y est aussi consigné que M. Otoman déclare qu'il comprend, refuse de se conformer aux exigences de la Commission et qu’il déclare avoir étudié à l'Institut Maritime et ne travaillera dans aucun autre domaine.

[40] Je note aussi que dans le cadre du processus de demande de révision des décisions de la Commission, M Otoman s’entretient avec un représentant de la Commission. Selon les notes consignées au feuillet de Renseignements Supplémentaires du 27 juin 2022, M. Otoman confirme qu’il ne travaille pas l'hiver habituellement et il réfère à la conversation du 13 avril précédent, précitée. Dans ses représentations au soutien de sa demande de révision, M. Otoman mentionne avoir fait des efforts, mais il ne donne aucun détail.

[41] Lors de l’audience devant la Division générale le 8 novembre 2022, M. Otoman refuse de commenter ou de donner des détails sur sa disponibilité pour travailler pendant la période en question.

[42] Enfin, devant la Cour, M. Otoman confirme que le dossier ne contient aucune preuve qui démontrerait qu’il a fait des efforts pour chercher un emploi pendant la période visée.

[43] Ainsi, la seule preuve au dossier confirme que M. Otoman n’a pas fait d’efforts pour se chercher du travail pendant la période visée et qu’il attendait la levée de l’arrêté d’urgence. Les questions liées à la vaccination ne sont pas pertinentes en l’instance.

[44] Ainsi, force est de constater que la décision de la Division d’appel est raisonnable. M. Otoman devait démontrer qu’il satisfaisait les critères d’admissibilité aux prestations et, plus précisément dans ce cas-ci, qu’il n’était pas inadmissible sur la base de ce qu’il convient de nommer la disponibilité. Il n’a pas rempli ce fardeau et n’a pas fait cette preuve.

IV. Conclusion

[45] M. Otoman n’a pas démontré que la décision de la Division d‘appel est déraisonnable. Je conclus au contraire que la décision possède les attributs d’intelligibilité, de transparence et de justification requis en vertu de la norme de la décision raisonnable et qu’il n’y a aucune raison qui pourrait justifier l’intervention de la Cour compte tenu de la preuve qui était devant le décideur.

[46] M. Ottoman soulève d’autres arguments selon lesquels la Division d’appel aurait excédé sa compétence et que la Division générale aurait violé un principe de justice naturelle. Ces arguments sont sans fondement à la lumière du dossier. Je souscris aux arguments du PGC à cet égard.

 


JUGEMENT dans le dossier T-366-23

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Le tout sans frais.

« Martine St-Louis »

Juge

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-366-23

 

INTITULÉ :

NECULAI OTOMAN c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 14 DÉCEMBRE 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ST-LOUIS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 29 DÉCEMBRE 2023

 

COMPARUTIONS :

Neculai Otoman

 

Pour le demandeur

(Pour son propre compte)

 

Jessica Grant

Dani Grandmaître

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mnistère de la Justice Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.