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Date : 20240112

Dossier : IMM‑5929‑22

Référence : 2024 CF 49

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 12 janvier 2024

En présence de madame la juge Aylen

ENTRE :

AZIS SHARSHEEV

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Le demandeur, un citoyen du Kirghizistan, sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue le 20 juin 2022, par laquelle un agent d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada [IRCC] [l’agent] a rejeté sa demande de visa de résident temporaire [VRT] et a conclu qu’il était interdit de territoire au Canada en application de l’alinéa 40(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], pour avoir fait une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui a entraîné ou a risqué d’entraîner une erreur dans l’application de la LIPR. Plus précisément, le demandeur n’a pas indiqué dans sa demande de VRT que les autorités américaines avaient déjà refusé de lui délivrer un visa.

[2] Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

I. Contexte

[3] En février 2020, le demandeur a présenté une demande de VRT afin de venir au Canada, le but de son voyage étant de visiter la Winkler & District Chamber of Commerce et d’assister à son assemblée générale annuelle à Winkler, au Manitoba. Dans sa demande de VRT, il a répondu « non » à la question suivante : « Vous a‑t‑on déjà refusé un visa ou un permis, interdit l’entrée ou demandé de quitter le Canada ou tout autre pays ou territoire? ».

[4] Le 4 mars 2020, le demandeur a reçu une lettre d’équité procédurale dans laquelle IRCC l’informait qu’il était peut-être interdit de territoire au Canada pour fausses déclarations. Plus précisément, il était peut-être interdit de territoire parce qu’il n’avait pas [traduction] « divulgué des renseignements défavorables en matière d’immigration, comme des demandes de visa refusées ». Cette lettre avisait également le demandeur que, s’il était conclu qu’il avait fait de fausses déclarations, il pourrait être déclaré interdit de territoire en application de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR et qu’une telle conclusion pourrait le rendre interdit de territoire au Canada pour une période de cinq ans.

[5] Le demandeur a répondu le 5 mars 2020, par une lettre dans laquelle il expliquait, entre autres, qu’il était un représentant officiel de la chambre de commerce du Kirghizistan aux États‑Unis. Il avait déjà voyagé à plusieurs reprises aux États‑Unis (notamment en mars 2017 et lorsqu’il y était étudiant de 2007 à 2009), et il était titulaire d’un visa valide pour les États‑Unis qui expirait le 30 juin 2021. En mars 2017, il a temporairement perdu son passeport qui contenait son visa américain. Comme il prévoyait voyager avec sa famille aux États‑Unis au cours de la première semaine de mai 2017, il a présenté une demande de nouveau passeport le 23 mars 2017 et a demandé un visa américain pour remplacer celui qui se trouvait dans le passeport qu’il avait égaré. Sa demande de visa américain de remplacement a toutefois été rejetée. Plus tard, il a retrouvé son passeport qui contenait le visa américain valide.

[6] Le demandeur a ajouté que, lorsqu’il avait rempli sa demande de VRT pour le Canada en février 2020, il n’avait pas pensé qu’il devait répondre « oui » à la question en cause parce qu’il ne savait pas si la décision des autorités américaines de ne pas lui délivrer un visa de remplacement en 2017 (selon ce qu’il a compris) serait considérée comme un refus, puisqu’il détenait toujours un visa américain valide.

[7] Le 22 décembre 2020, un agent d’IRCC a rejeté la demande du demandeur. Ce dernier a été jugé interdit de territoire en application de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR parce qu’il avait fait « directement ou indirectement […] une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la [LIPR] ». Le demandeur a sollicité le contrôle judiciaire de cette décision au motif que l’agent n’avait pas expliqué en quoi la non‑divulgation était importante pour la demande et qu’il n’avait pas tenu compte de l’explication du demandeur. L’autorisation a été accordée, mais comme la décision défavorable de l’agent a été annulée avec le consentement des parties, la demande de contrôle judiciaire a été abandonnée.

[8] Dans une deuxième lettre d’équité procédurale datée du 17 décembre 2021, IRCC a informé le demandeur que sa demande de VRT avait été rouverte pour nouvel examen et lui a donné 60 jours pour fournir des renseignements à jour. Cette lettre avisait de nouveau le demandeur qu’IRCC doutait qu’il ait rempli l’obligation qui lui incombait au titre du paragraphe 16(1) de la LIPR de répondre véridiquement à toutes les questions qui lui sont posées :

[traduction]
Plus précisément, je crains que vous ayez omis de divulguer pleinement des renseignements défavorables en matière d’immigration provenant d’autres pays, comme des refus de demande de visa ou d’autres mesures d’exécution. Vous n’avez pas indiqué qu’on vous avait déjà refusé un visa américain de non‑immigrant lorsqu’on vous a demandé si on vous avait déjà refusé un visa ou un permis, interdit l’entrée ou demandé de quitter le Canada ou tout autre pays ou territoire.

Il s’agit d’un fait important pour l’évaluation de votre demande.

[9] Dans une lettre datée du 28 janvier 2022 que le conseil du demandeur a adressée à l’agent, des renseignements supplémentaires ont été fournis pour répondre aux préoccupations d’IRCC [la lettre de réponse]. Cette lettre de réponse indique que le demandeur n’avait pas l’intention de dissimuler des renseignements et qu’il a commis une erreur de bonne foi. Le conseil du demandeur a fourni l’explication suivante pour expliquer l’erreur du demandeur :

[traduction]
Les faits entourant cette omission sont les suivants. Mon client avait obtenu un visa américain et avait passé beaucoup de temps aux États‑Unis. Il a quitté les États‑Unis et est retourné dans son pays d’origine, le Kirghizistan, en mars 2017. Il a égaré son passeport en mars 2017. Il a présenté une demande de nouveau passeport à la fin de mars 2017. Il souhaitait emmener toute sa famille aux États‑Unis afin de lui présenter les familles qui l’avaient accueilli lorsqu’il étudiait là‑bas. Il a présenté des demandes de visa pour toute la famille en avril 2017, lesquelles ont toutes été refusées.

Après avoir présenté ces demandes de visa, il a retrouvé son passeport qui contenait toujours le visa américain valide. Plusieurs années plus tard, en 2020, il a demandé un nouveau visa canadien pour lui‑même afin de pouvoir visiter Winkler. Il souhaitait s’y rendre parce qu’il avait reçu une invitation et qu’il était émissaire auprès de la chambre de commerce du Kirghizistan et qu’il était chargé de promouvoir le commerce entre le Canada et le Kirghizistan. Il a omis de mentionner que les États‑Unis avaient refusé de lui délivrer un visa parce qu’il avait retrouvé son ancien passeport contenant le visa américain valide. Il s’agissait d’une erreur de bonne foi, car il n’avait pas l’intention de dissimuler cette information et n’avait aucune raison de le faire, puisqu’il avait déjà reçu un visa par le passé et qu’au moment de la demande, il détenait bien un visa de visiteur américain valide jusqu’en juin 2021.

[10] En outre, le conseil du demandeur a fourni des documents supplémentaires à l’appui (y compris le visa américain valide jusqu’en juin 2021) et a présenté l’argument juridique suivant dans la lettre de réponse :

[traduction]
Pour ce qui est de la question des fausses déclarations, M. Sharsheev admet qu’il a commis une erreur en répondant à la question […], mais il soutient qu’il s’agissait d’une erreur de bonne foi et que, vu ses nombreux voyages, le fait qu’on lui avait déjà délivré un visa américain valide et qu’il avait pu voyager aux États‑Unis, cet élément n’était pas important quant à la demande.

À titre subsidiaire, si vous concluez que que [sic] mon client était tenu de divulguer ces renseignements, je suis d’avis qu’il y a lieu de considérer qu’il s’agit d’une erreur de bonne foi, compte tenu des circonstances de l’espèce. Les tribunaux ont formulé une exception étroite à la règle selon laquelle il n’est pas nécessaire que le demandeur ait une connaissance subjective de la fausse déclaration pour que soit tirée une conclusion d’interdiction de territoire au titre de l’article 40. Cette exception s’applique lorsque le demandeur croit honnêtement et raisonnablement qu’il ne faisait pas une présentation erronée sur un fait important. [Non souligné dans l’original]

[11] Dans sa lettre du 20 juin 2022, l’agent a rejeté la demande de VRT du demandeur et a indiqué ce qui suit :

[traduction]
● Je conclus que vous êtes interdit de territoire au Canada en application de l’alinéa 40(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR) pour avoir, directement ou indirectement, fait une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la LIPR. Conformément à l’alinéa 40(2)a) de la LIPR, l’interdiction de territoire au Canada court pour les cinq ans suivant la date de la présente lettre ou suivant la date d’exécution d’une mesure de renvoi précédente.

● Je ne suis pas convaincu que vous avez répondu véridiquement à toutes les questions qui vous ont été posées.

● Le but de votre visite au Canada ne concorde pas avec un séjour temporaire, au vu des détails que vous avez fournis dans votre demande.

● Je ne suis pas convaincu que vous quitterez le Canada au terme de votre séjour, comme l’exige l’alinéa 179(1)b) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (le RIPR) […]. Je rejette votre demande parce que vous n’avez pas établi que vous quitterez le Canada. Je me fonde sur les éléments suivants pour rendre ma décision : [sic]

[12] Cette lettre ainsi que les notes que l’agent a versées au Système mondial de gestion des cas (le SMGC) font partie des motifs. Dans une entrée datée du 17 février 2022, l’agent a déclaré ce qui suit :

[traduction]
Le demandeur souhaite visiter Winkler, au Manitoba, du 20 février au 15 mars et, s’il vient en février, assister à l’assemblée générale du 24 février. Selon les observations qu’il a présentées, le demandeur cherche à représenter son pays et à tisser des liens commerciaux et d’affaires solides entre la chambre de commerce et d’industrie du Kirghizistan et la chambre de commerce du district de Winkler, en plus de créer une plateforme sur laquelle les équipes de hockey de Winkler et de Winnipeg pourraient échanger leurs connaissances avec les équipes de hockey kirghizes. Je note que winkler [sic] est une petite ville d’un peu plus de 13 000 habitants. Le demandeur ne m’a pas convaincu que cette collectivité était si importante qu’elle justifiait une visite de la délégation nationale du Kighizistan [sic]. Les observation [sic] du demandeur ne démontrent pas une compréhension suffisante de la région qu’il souhaite visiter et ne permettent pas de considérer le voyage comme étant raisonnable. Rien n’indique que les équipes de hockey de la région sont au courant de la visite prévue. Vu les perspectives d’emploi limitées du demandeur dans son pays de résidence/citoyenneté, j’ai accordé moins de poids à ses liens dans son pays de résidence/citoyenneté. Après avoir apprécié les facteurs en l’espèce. [sic] Je ne suis pas convaincu que le demandeur quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée qui lui est applicable. Demande irrecevable.

J’ai examiné les observations du représentant en réponse à la lettre d’équité procédurale concernant l’article 40 de la LIPR. Le demandeur a présenté une demande de visa américain et a omis de divulguer qu’il s’était déjà vu refuser un visa. Le représentant déclare : « Il a présenté des demandes de visa pour toute la famille en avril 2017, lesquelles ont toutes été refusées. » Cela montre que le demandeur était au courant du refus, mais qu’il ne l’a pas divulgué dans sa demande. Le représentant explique en outre que le demandeur a retrouvé le passeport qu’il avait perdu et qui contenait un ancien visa américain toujours valide et a soutenu que c’était la raison pour laquelle son client avait omis de mentionner le refus antérieur. Je ne suis pas convaincu par cette réponse, car le fait qu’un visa ait été délivré auparavant ne signifie pas que le demandeur n’était pas au courant du refus subséquent. Le représentant soutient que l’erreur était de bonne foi et que le demandeur n’avait pas l’intention de dissimuler des renseignements. Comme il a déjà été mentionné : l’alinéa 40(1)a) n’exige pas que les fausses déclarations soient intentionnelles, délibérées ou faites par négligence (Bellido, aux para 27‑28; Bains c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 57 au para 63). Il incombe au demandeur de divulguer les renseignements pertinents et importants quant à l’affaire, comme ses antécédents en matière d’immigration. Le défaut de le faire, même s’il s’agit d’une erreur de bonne foi, constitue une fausse déclaration. De plus, dans sa réponse à la lettre d’équité procédurale précédente, le demandeur a déclaré ceci : « Parce qu’à vrai dire, je n’étais pas sûr que cela ait compté comme un refus puisque j’avais un visa américain B1/B2 dans mon ancien passeport et que la date d’expiration était le 30 juin 2021. » J’estime que cette réponse est incompatible avec la réponse du représentant, selon lequel le demandeur est au courant du rejet des demandes de sa famille. De plus, des procédures opérationnelles normalisées sont en place pour veiller à ce que le demandeur soit informé du rejet de ses demandes et des motifs de ce rejet. Par conséquent, je ne suis pas convaincu par l’explication du demandeurs [sic] selon laquelle il n’était pas au courant de ce rejet ou ne le comprenait pas. Les agents ont besoin de connaître tous les antécédents en matière d’immigration des demandeurs pour évaluer leurs demandes, y compris dans les cas où le demandeur a déjà voyagé et obtenu des autorisations dans un pays, mais qu’il a essuyé un refus par la suite. La demande a été renvoyée au superviseur pour examen.

[13] L’agent a envoyé les motifs reproduits ci‑dessus et consignés dans le SMGC à son superviseur pour examen. Le 20 juin 2022, le superviseur a examiné le dossier ainsi que les notes de l’agent et a inscrit ce qui suit dans le SMGC [qui constituent collectivement la décision contestée] :

[traduction]
J’ai examiné le dossier, de même que les notes de l’agent, les documents au dossier, les nouveaux documents soumis par le demandeur principal (le DP) et le représentant, y compris la réponse à la lettre d’équité procédurale de l’agent concernant l’article 40 de la LIPR. Je remarque que le DP n’a pas divulgué que les États‑Unis avaient rejeté sa dernière demande de visa, qui semble être sa sa [sic] demande de visa américain la plus récente. L’agent lui a fait part de ses préoccupations dans une lettre, notamment en ce qui concerne l’article 40 de la LIPR, et je ne suis pas convaincu que la réponse à cette lettre dissipe ces préoccupations. Le DP a l’obligation de répondre véridiquement à toutes les questions qui lui sont posées dans le cadre d’une demande. Il est évident que le DP savait qu’il s’était vu refuser l’entrée aux États‑Unis, après plusieurs autorisations et entrées antérieures, et qu’il a omis de divulguer cette information. Par conséquent, je suis convaincu que cette omission est importante et concerne un objet pertinent qui aurait pu entraîner une erreur dans l’application de la LIPR. Je suis convaincu que le DP est interdit de territoire au Canada pendant cinq ans pour fausses déclarations en application de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR.

II. Question en litige et norme de contrôle applicable

[14] La seule question en litige en l’espèce est celle de savoir si la décision de l’agent était raisonnable.

[15] Les parties conviennent, et c’est aussi mon avis, que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable. Lorsqu’elle effectue un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la Cour doit « s’intéresse[r] avant tout aux motifs de la décision » et établir si la décision qu’elle est appelée à examiner, ce qui inclut à la fois le raisonnement suivi et le résultat obtenu, est transparente, intelligible et justifiée [voir l’arrêt Mason c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CSC 21 au para 8]. Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et être justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti [voir l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 15, 85]. La Cour n’interviendra que si elle est convaincue que la décision souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence [voir Adenjij‑Adele c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2020 CF 418 au para 11].

III. Analyse

[16] L’article 40 de la LIPR porte sur l’interdiction de territoire pour fausses déclarations. L’alinéa 40(1)a) énonce ce qui suit :

40 (1) Emportent interdiction de territoire pour fausses déclarations les faits suivants :

a) directement ou indirectement, faire une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la présente loi;

40 (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible for misrepresentation

(a) for directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts relating to a relevant matter that induces or could induce an error in the administration of this Act;

[17] Le paragraphe 16(1) de la LIPR impose aux demandeurs l’obligation de fournir des renseignements véridiques :

16 (1) L’auteur d’une demande au titre de la présente loi doit répondre véridiquement aux questions qui lui sont posées lors du contrôle, donner les renseignements et tous éléments de preuve pertinents et présenter les visa et documents requis.

16 (1) A person who makes an application must answer truthfully all questions put to them for the purpose of the examination and must produce a visa and all relevant evidence and documents that the officer reasonably requires.

[18] La Cour a déclaré que l’article 40 de la LIPR doit être interprété de manière large et que les demandeurs ont une obligation de franchise, laquelle est nécessaire pour maintenir l’intégrité du système d’immigration [voir Bodine c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 848 aux para 41‑42; Kobrosli c Canada (Minister de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 FC 757 au para 46].

[19] Deux éléments doivent être présents pour qu’il soit conclu à l’interdiction de territoire selon l’alinéa 40(1)a) : a) il doit y avoir une présentation erronée sur un fait; b) la présentation erronée doit porter sur un fait important, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la LIPR [voir Singh Dhatt c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 556 au para 24]. Pour se rapporter à un fait important, une fausse déclaration n’a pas à être décisive ou déterminante. Il suffit qu’elle ait une incidence sur le processus amorcé [voir Oloumi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 428 au para 25].

[20] Bien que le demandeur ait avancé plusieurs arguments pour affirmer que la décision de l’agent est déraisonnable, je suis convaincue que l’examen du deuxième critère par l’agent est déterminant, car ce dernier n’a pas fourni de motifs suffisants pour justifier sa conclusion selon laquelle la fausse déclaration portait sur un fait important.

[21] Ni l’agent ni son superviseur qui a procédé au réexamen n’ont fourni de justification pour expliquer en quoi le défaut du demandeur de divulguer que les États‑Unis avaient refusé de lui délivrer un visa de remplacement est important quant à la demande de VRT. Les deux ont simplement indiqué que la divulgation de cette information était pertinente. Même s’il était loisible à l’agent et à son superviseur de conclure que l’omission du demandeur aurait pu priver l’agent de la possibilité d’examiner le refus et de poser des questions à cet égard, l’agent n’a fourni aucun motif en ce sens et n’a pas expliqué en quoi, dans les circonstances de l’espèce, le défaut du demandeur de mentionner qu’un visa de remplacement lui avait été refusé était important et aurait pu entraîner une erreur dans l’application de la LIPR. Contrairement à ce qu’affirme le défendeur, je ne suis pas convaincue que l’importance des fausses déclarations du demandeur dans les circonstances particulières de l’espèce va de soi. L’agent n’était pas tenu de présenter des motifs élaborés, mais ses motifs doivent être intelligibles et suffisants pour expliquer l’issue de la décision, ce qui n’est tout simplement pas le cas en l’espèce.

[22] Par conséquent, je conclus que la décision est déraisonnable. La demande sera accueillie.

[23] Les parties ne proposent aucune question aux fins de certification, et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑5929‑22

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. La décision rendue par l’agent le 20 juin 2022 est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour qu’il rende une nouvelle décision.

  3. Les parties n’ont proposé aucune question à certifier et l’affaire n’en soulève aucune.

« Mandy Aylen »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑5929‑22

INTITULÉ :

AZIS SHARSHEEV c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 janvier 2024

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE AYLEN

DATE DES MOTIFS :

LE 12 janvier 2024

COMPARUTIONS :

Clare Yacyshyn

POUR LE DEMANDEUR

Neeta Logsetty

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman & Associates

Toronto (Ontario)

Pour le demandeur

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

PouR LE DÉFENDEUR

 

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