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     T-96-96

MONTRÉAL (QUÉBEC), CE 23e JOUR DE SEPTEMBRE 1996

EN PRÉSENCE DE ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

ENTRE:

     GAÉTAN DELISLE

     Requérant

     ET

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     Intimé

     ET

     CURT G. ALLEN, Commissaire adjoint,

     le directeur du personnel de la Gendarmerie Royale du Canada

     Mis-en-cause

     ORDONNANCE

     Cette requête de l'intimé en radiation de la demande de contrôle judiciaire du requérant est accueillie.

     Richard Morneau

     Protonotaire

     T-96-96

ENTRE:

     GAÉTAN DELISLE

     Requérant

     ET

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     Intimé

     ET

     CURT G. ALLEN, Commissaire adjoint,

     le directeur du personnel de la Gendarmerie Royale du Canada

     Mis-en-cause

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ME RICHARD MORNEAU,

PROTONOTAIRE:

INTRODUCTION

     La Cour est saisie d'une requête de la part du Procureur général du Canada visant à obtenir une ordonnance rejetant la présente demande de contrôle judiciaire en raison du fait qu'il est maintenant acquis que cette demande de contrôle ne sera jamais soutenue par un dossier du requérant.

     Les conséquences de l'absence du dossier d'un requérant sur le sort d'une demande de contrôle judiciaire sont donc en jeu. Il s'agit là à mon avis d'une question qui n'est pas visée expressément par la règle 1600 et suivantes des Règles de la Cour fédérale (les règles).

LES FAITS

     Les faits essentiels à rappeler sont simples.

     Le 12 janvier 1996, le requérant déposait un avis de requête introductive d'instance au greffe de cette Cour selon l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale.

     Le 6 juin 1996, l'intimé avisait le requérant qu'il demanderait le rejet de sa demande de contrôle judiciaire au motif que le dossier du requérant n'avait pas été déposé dans le délai imparti par les règles.

     Suite à cette lettre, le requérant présentait, le 17 juin 1996, une requête visant à obtenir une ordonnance prorogeant les délais pour lui permettre de déposer son dossier à l'appui de sa demande de contrôle judiciaire.

     Cette même journée, cette Cour rejetait la requête en prorogation de délai pour le motif qu'il n'y avait pas en l'espèce de raisons valables justifiant le retard de plus de trois mois du requérant à déposer son dossier selon la règle 1606.

     Il appert toutefois qu'aucune des parties lors de l'audition du 17 juin 1996 n'ait spécifiquement requis la Cour de déterminer le sort à venir de la demande de contrôle judiciaire advenant que le requérant se voie refuser sa requête en prorogation de délai. On doit retenir également que cette ordonnance du 17 juin n'a pas été portée en appel et que le requérant n'a point tenté de présenter à cette Cour quelque requête, en vertu des règles 1619 ou 1620, afin d'échapper au sort éventuel que recherche maintenant l'intimé par sa requête en radiation.

ANALYSE

     L'avis de requête à l'étude ne fait référence qu'à la règle 419. La procureure de l'intimé s'est vite rendue à l'argument que cette règle seule ne pouvait être utilisée à l'encontre d'une autre requête, telle la demande de contrôle judiciaire du requérant (voir à cet effet les propos du juge Strayer dans l'affaire Bull (David) Laboratories (Canada) Inc. v. Pharmacia Inc. et al. (1994), 176 N.R. 48 et les arrêts Merck Frosst Canada Inc. et al. v. Minister of National Health and Welfare et al. (1994), 58 C.P.R. (3d) 245 et Glaxo Wellcome Inc. et al. v. Minister of National Health and Welfare et al., jugement inédit de cette Cour, 6 septembre 1996, dossier T-793-96). Après discussions avec la Cour, la procureure de l'intimé a requis que sa requête soit considérée également à la lumière des règles 5 et 1617. Je suis d'avis qu'il y a lieu ici de permettre dès à présent le recours additionnel aux règles 5 et 1617 puisque, somme toute, le requérant sait depuis le 6 juin 1996 que le but recherché par l'intimé s'il y a absence d'un dossier du requérant est la radiation de sa demande. Il ne peut donc se considérer surpris par le remède que recherche l'intimé. De plus, sa situation au dossier est "gelée". Il est certain, en effet, que l'intimé aurait fort probablement pu, au lendemain d'un rejet de sa requête au motif que seule la règle 419 fut invoquée, présenter de nouveau une même requête sur la base additionnelle, cette fois, des règles 5 et 1617 sans que le requérant, entre temps, ait pu changer sa situation quant à son dossier du requérant.

     Ceci dit, si l'on s'en rapporte au corps de la requête de l'intimé, la question qui se soulève consiste à se demander si le fait assuré qu'il n'y aura pas de dossier du requérant conduit au résultat inéluctable que la demande de contrôle judiciaire déposée par cette même partie doit être rejetée.

     Il m'apparaît de la jurisprudence de cette Cour et de l'économie des règles 1600 à 1620 que dès qu'un requérant, face à une situation particulière, n'a pas été autorisé en vertu de la règle 1619 à passer outre à l'exigence de produire un dossier selon la règle 1606, sa demande de contrôle judiciaire est vouée en principe à radiation.

     Il semble en effet que tant les règles que la jurisprudence de cette Cour considèrent le dépôt du dossier d'une partie requérante en vertu de la règle 1606 comme une étape cruciale. Cette étape apparaît comme une condition sine qua non à la mise en place ou au déroulement des autres étapes propres à mettre en état une demande de contrôle judiciaire. Quant aux règles, il ressort de la règle 1607(1) que le dossier de la partie intimée ne peut venir qu'après le dépôt du dossier du requérant. Cette règle se lit comme suit:

         1607. (1) La partie intimée doit, dans un délai de 30 jours après avoir reçu signification du dossier de la partie requérante:         
              a)      déposer son dossier selon le nombre de copies exigé par la règle 1609(2);         
              b) en signifier copie aux autres parties.         

     Dès lors qu'il n'y a pas de dossier du requérant, il n'y a pas lieu de produire de dossier de l'intimé. C'est apparemment à cette conclusion que le juge Teitelbaum de cette Cour en est arrivé lorsque le greffe de cette Cour, dans une affaire donnée, a porté à son attention pour directive le fait qu'un requérant avait déposé au dossier de la Cour son dossier en dehors du délai de la règle 1606. Partie de la directive du juge Teitelbaum se lit comme suit:

         There being, in my opinion, no valid reason given by Applicant's counsel for his late filing, the Applicant's record cannot be filed into the record and thus the Commission need not reply.         
         (mon souligné)         

(Cette directive se retrouve reproduite aux motifs de l'ordonnance de la juge Reed dans l'affaire Bellefeuille v. Commercial Transport (Northern) Ltd., jugement inédit du 25 février 1993, dossier T-1380-92, p. 4. Nous aurons l'occasion de revenir sur une autre décision de la juge Reed impliquant les mêmes parties et rapportée à [1995] 1 C.F. 237 (l'affaire Bellefeuille).

     Dans l'arrêt Procureur général du Canada c. Transport Beloeil St-Hilaire Inc. et al, (jugement inédit de cette Cour (juge Tremblay-Lamer), en date du 27 mars 1996, dossier T-385-95), la Cour a eu à sanctionner l'absence du dossier de la partie intimée en statuant, note 2 en bas de la page 4, comme suit:

         Les intimés n'ont pas déposé de dossier conformément aux Règles de la Cour fédérale de sorte qu'ils n'ont pu prendre position à l'audition devant cette Cour.         

     Il y a lieu ici de revenir à l'affaire Bellefeuille puisque cette affaire a amené cette Cour à se pencher sur les suites à donner à une demande de contrôle judiciaire où le requérant s'est vu refuser l'autorisation de déposer son dossier en vertu de la règle 1606.

     Dans une première décision, soit celle du 25 février 1993, la juge Reed a - tout comme le juge Pinard le 17 juin 1996 dans le présent dossier - refusé la requête de M. Bellefeuille en prorogation du délai de la règle 1606. Du même souffle et de sa propre initiative, la juge a de plus procédé en vertu de la règle 1617 à radier la demande de contrôle judiciaire de M. Bellefeuille.

     En appel, la Cour d'appel fédérale a entériné la décision de la juge Reed de refuser la prorogation du délai de la règle 1606 mais a reproché à cette dernière d'avoir procédé à la radiation de sa propre initiative sans qu'un préavis soit donné à M. Bellefeuille quant au fait que la radiation de sa demande de contrôle judiciaire était à l'ordre du jour.

     L'étape de la radiation sous la règle 1617 revint donc à l'attention de la Cour suite à un préavis qui fut donné au requérant sous forme d'ordonnance.

     Le requérant en profita alors pour présenter une requête afin qu'il puisse se faire entendre au mérite sans avoir à déposer son dossier de la règle 1606.

     Sur cette requête, voici comment la Cour résume l'argumentation du procureur de M. Bellefeuille et dispose de la question:

         His third argument is that all the evidence required for the hearing of the application is before the Court and has been since July 7, 1992. The only step which was not taken in a timely fashion was the filing of the application record. This, he notes, is a document compiled for the convenience of the Court and is not essential. It is argued that the absence of such a document should not prevent the Court dealing with his client's application on the merits.         
         ...         
              I agree that the filing of an application record is a matter of convenience for the Court. It is also, however, an integral procedural step. It includes the evidence on which the applicant intends to rely, together with a memorandum of argument. It is not merely a collation of all materials that have been filed. The application record should serve to define the issues and narrow the focus of the application. It is in response to the applicant's application record that the respondent prepares and files its application record. There is no doubt that the Court can waive compliance with the requirement that an application record be produced. Rule 1619 so provides.         

     En bout de course, la juge Reed refusa la requête de M. Bellefeuille de procéder sans dossier et conclut que le retard dont il avait fait preuve était dans les circonstances important et dépourvu d'explication raisonnable. Elle radia donc sa demande de contrôle judiciaire sous la règle 1617.

     Dans les circonstances qui nous occupent, y a-t-il lieu de procéder à radiation sous cette même règle, avec l'appui additionnel des règles 5 et 419 au besoin? Je pense que oui.

     Le requérant ici a certes eu un préavis de radiation de dix (10) jours tel que le requiert la règle 1617(2). Il a été question de radier sa demande de contrôle judiciaire depuis le 6 juin 1996 alors que le procureur de l'intimé écrivit à son procureur. La requête en radiation même fut signifiée le 4 septembre 1996 et ne fut présentée que le 16 septembre 1996. Juste entre le 4 septembre et le 16 septembre 1996, l'on retrouve le dix (10) jours de la règle 1617(2). Certes l'avis de requête ne réfère pas expressément à la règle 1617 mais le remède y recherché est le même que celui prévu à la règle 1617.

     À l'instar donc de la Cour dans l'affaire Bellefeuille, je conclus ici que, forcément, le retard décrié par le juge Pinard est certes maintenant important et, partant, j'entends faire droit à la requête en radiation de l'intimé.

     D'autre part, le procureur du requérant a soulevé en bout d'argumentation devant moi la règle 1620 afin, si j'ai bien compris, que je réfère le tout à un juge de cette Cour dans le but ultime de garder vie au dossier présent. On doit comprendre ici que le dossier présenterait des éléments connexes à d'autres dossiers qui seront entendus en début de novembre 1996. Je décline cette option parce que je considère que cette demande de renvoi est beaucoup trop tardive et que le requérant a eu amplement le temps depuis la décision de cette Cour le 17 juin 1996 pour recourir, avec justification à l'appui, à la règle 1620.

     Pour ces motifs, la requête de l'intimé en radiation de la demande de contrôle judiciaire du requérant sera accueillie.

     Richard Morneau

     Protonotaire

Montréal (Québec)

le 23 septembre 1996

             T-96-96

GAÉTAN DELISLE

             Requérant

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

             Intimé

     " et "

CURT G. ALLEN, Commissaire adjoint, le directeur du personnel de la Gendarmerie Royale du Canada

             Mis-en-cause

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     NOMS DES AVOCATS ET DES PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU DOSSIER DE LA COUR:

INTITULÉ DE LA CAUSE:

T-96-96

GAÉTAN DELISLE

     Requérant

ET

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     Intimé

ET

CURT G. ALLEN, Commissaire adjoint, le

directeur du personnel de la Gendarmerie Royale du

Canada

     Mis-en-cause

LIEU DE L'AUDIENCE:Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE:le 16 septembre 1996

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR:Me Richard Morneau, protonotaire

DATE DES MOTIFS DE L'ORDONNANCE:le 23 septembre 1996

COMPARUTIONS:

Me James Duggan pour le requérant

Me Nadine Perron pour l'intimé et le mis-en-cause

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:

Me James Duggan pour le requérant

Montréal (Québec)

George Thomson pour l'intimé et le mis-en-cause

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

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