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Date : 20231207


Dossiers : T-1147-23

T-1148-23

Référence : 2023 CF 1649

[TRADUCTION FRANÇAISE RÉVISÉE PAR L’AUTEUR]

Montréal (Québec), le 7 décembre 2023

En présence de monsieur le juge Sébastien Grammond

Dossier : T‑1147‑23

ENTRE :

SEISMOTECH IP HOLDINGS INC.

SEISMOTECH SAFETY SYSTEMS INC.

demanderesses

et

M. UNTEL ET TOUTE PERSONNE DANS UNE SITUATION SEMBLABLE

ECOBEE TECHNOLOGIES ULC

défendeurs

et

APPLE INC.

APPLE CANADA INC.

intimées non‑parties

Dossier : T-1148-23

ET ENTRE :

SEISMOTECH IP HOLDINGS INC.

SEISMOTECH SAFETY SYSTEMS INC.

demanderesses

et

M. UNTEL ET TOUTE PERSONNE DANS UNE SITUATION SEMBLABLE

défendeurs

et

APPLE INC.

APPLE CANADA INC.

intimées non‑parties

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1] Seismotech souhaite poursuivre les consommateurs qui ont acheté, installé et utilisé des thermostats intelligents dans leur domicile au motif que ces dispositifs contrefont certains brevets qui lui appartiennent. À cette fin, elle sollicite une ordonnance de type Norwich pour forcer Apple à divulguer les noms et les adresses des consommateurs qui ont téléchargé les applications servant à contrôler ces dispositifs à partir de l’App Store.

[2] Je rejette la requête. Seismotech n’a pas démontré qu’elle dispose d’une véritable demande. En outre, l’intérêt public ne joue pas en faveur de l’octroi d’une ordonnance de type Norwich. Compte tenu de la complexité inhérente des actions en contrefaçon et de la nature de la technologie en cause, les consommateurs ne seraient pas en mesure de se défendre contre l’action.

I. Contexte

[3] Les demanderesses, que j’appellerai Seismotech, sont les titulaires de quatre brevets qui visent de façon générale des méthodes, des appareils, des supports et des signaux utilisés dans le cadre de la gestion, de la surveillance, du contrôle ou de la facturation de services publics. Elles allèguent que plusieurs marques et modèles de thermostats intelligents contrefont leurs brevets.

[4] Seismotech a intenté quatre actions en contrefaçon devant notre Cour. L’action visée dans le dossier de la Cour no T-1147-23 est une action simplifiée intentée contre une catégorie de personnes non encore identifiées, désignées collectivement sous le nom de « M. Untel et toute personne dans une situation semblable », qui ont acheté des thermostats intelligents produits par des fabricants canadiens. Les défendeurs comprennent des personnes résidant au Canada ou aux États-Unis. Seismotech réclame des dommages‑intérêts et la restitution des profits auprès de chacun des défendeurs, les « profits » étant les économies que chaque défendeur a réalisées sur ses factures de services publics parce qu’il s’est servi de la technologie prétendument contrefaite.

[5] L’action visée dans le dossier de la Cour no T-1148-23 est semblable, à l’exception qu’elle vise les acheteurs de thermostats intelligents produits par des fabricants étrangers. Les défendeurs résident uniquement au Canada.

[6] Seismotech a également intenté deux « recours collectifs inversés », c’est‑à‑dire des actions visant une catégorie de défendeurs formée de personnes morales qui ont fabriqué, distribué ou vendu au Canada des thermostats intelligents qui seraient contrefaits. L’un de ces recours porte sur des thermostats produits par des fabricants canadiens, tandis que l’autre vise ceux produits par des fabricants étrangers. Dans les deux cas, Rona Inc. et Home Depot of Canada Inc. sont les représentantes proposées du groupe de défendeurs.

[7] L’un des fabricants canadiens de thermostats intelligents, Ecobee Technologies ULC [Ecobee], a demandé l’autorisation d’être constitué partie défenderesse dans le dossier no T‑1147-23. J’ai accueilli la requête d’Ecobee en octobre 2023 : Seismotech IP Holdings Inc c M Untel, 2023 CF 1335. Seismotech a interjeté appel de mon ordonnance, mais aucune décision concernant l’appel n’a encore été rendue.

[8] Lorsque la requête visant à constituer Ecobee partie défenderesse a été entendue, Seismotech a modifié sa déclaration pour faire valoir seulement certaines revendications de brevet indépendantes, qu’elle qualifie de [traduction] « revendications relatives à la méthode ».

[9] Seismotech présente maintenant des requêtes visant à obtenir une ordonnance de type Norwich contre Apple Inc. et Apple Canada Inc. [collectivement, Apple] dans les dossiers T‑1147-23 et T-1148-23 [les « actions visant M. Untel »]. Seismotech soutient que, pour utiliser un thermostat intelligent, les utilisateurs doivent télécharger une application conçue par le fabricant à partir d’une plateforme de commerce électronique, comme l’App Store d’Apple. Apple est en possession des renseignements personnels de ses clients, y compris leur nom, leur adresse courriel ou leur identifiant Apple, leur adresse IP, l’adresse de facturation de leur carte de crédit et la date à laquelle ils ont téléchargé l’application. Seismotech demande à la Cour d’ordonner à Apple de fournir ces renseignements concernant les utilisateurs qui ont téléchargé les applications conçues pour contrôler les thermostats intelligents en cause dans les deux actions visant M. Untel.

II. Analyse

A. Critère applicable pour obtenir une ordonnance de type Norwich

[10] En termes simples, une ordonnance de type Norwich permet d’obliger une personne qui n’est pas une partie à une action à fournir des renseignements pour aider un demandeur à intenter une action. Dans la plupart des cas, l’ordonnance vise la divulgation de l’identité des défendeurs éventuels. Cette ordonnance tire son nom de l’arrêt Norwich Pharmacal Co v Customs & Excise Commissioners, [1974] AC 133 (HL), qui est devenu la décision la plus marquante sur la question dans les pays de common law. Elle se rattache à l’equity et tire son origine de l’interrogatoire préalable prévu en equity.

[11] Devant notre Cour, un demandeur qui sollicite une ordonnance de type Norwich peut soit s’appuyer sur l’article 238 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, selon lequel il est possible de procéder à l’interrogatoire préalable d’une personne qui n’est pas partie à l’instance, soit demander un interrogatoire préalable prévu en equity. Dans BMG Canada Inc c John Doe, 2005 CAF 193 au paragraphe 30, [2005] 4 RCF 81 [BMG], la Cour d’appel fédérale a souligné que le critère applicable serait le même dans les deux cas.

[12] Reprenant des passages de l’arrêt BMG, la Cour suprême du Canada a récemment résumé les facteurs généralement pris en compte pour accorder une ordonnance de type Norwich dans Rogers Communications Inc c Voltage Pictures, LLC, 2018 CSC 38 au paragraphe 18, [2018] 2 RCS 643 [Rogers] :

a) [il existe à première vue] quelque chose à reprocher à l’auteur inconnu du préjudice;

b) la personne devant faire l’objet d’un interrogatoire préalable doit avoir quelque chose à voir avec la question en litige – elle ne peut être un simple spectateur;

c) la personne devant faire l’objet de l’interrogatoire préalable doit être la seule source pratique de renseignements dont disposent les demandeurs;

d) la personne devant faire l’objet de l’interrogatoire préalable doit recevoir une compensation raisonnable pour les débours occasionnés par son respect de l’ordonnance portant interrogatoire préalable, en sus de ses frais de justice;

e) l’intérêt public à la divulgation l’emporte sur l’attente légitime de respect de la vie privée. [Soulignement omis.]

[13] Il est nécessaire de préciser davantage deux volets de ce critère.

[14] Premièrement, pour obtenir une ordonnance de type Norwich, le demandeur n’est pas tenu de prouver qu’il est susceptible d’obtenir gain de cause sur le fond : BMG, aux paragraphes 32 à 34; 1654776 Ontario Limited v Stewart, 2013 ONCA 184 aux paragraphes 49 à 50 [Stewart]. Des éléments de preuve sont généralement nécessaires pour convaincre la Cour que la revendication proposée possède un fondement légitime. Cependant, le demandeur n’est pas tenu de répondre aux moyens de défense éventuels à cette étape, comme les allégations d’invalidité invoquées dans les affaires de brevet : Glaxo Wellcome PLC c Canada (Ministre du Revenu national), [1998] 4 CF 439 (CA) à la p 464 [Glaxo]. Ce seuil relativement bas « est destin[é] à assurer que les actions en vue d’un interrogatoire préalable ne soient pas intentées futilement ou sans justification » : Glaxo, à la p 461. Le contraste entre ce seuil et le seuil plus élevé de la probabilité de réussite est souvent illustré par les expressions latines bona fide et prima facie.

[15] Pour soutenir qu’aucune preuve n’est nécessaire, Seismotech s’appuie sur une citation de l’arrêt BMG, au paragraphe 34, où la Cour d’appel fédérale s’est exprimée en ces termes :

Il suffit [que les demandeurs] prouvent l’existence d’une véritable demande, c’est-à-dire qu’elles ont vraiment l’intention d’introduire une action en violation de droit d’auteur fondée sur les renseignements qu’ils obtiennent et qu’ils ne visent aucun autre but illégitime pour chercher à obtenir l’identité de ces personnes.

[16] Il s’agit d’une mauvaise interprétation de l’arrêt BMG. La Cour a refusé de rendre une ordonnance de type Norwich dans cette affaire justement parce que la preuve était insuffisante. En outre, Seismotech s’appuie sur des jugements britanniques, dont Stanford Asset Holdings Ltd v AfrAsia Bank Ltd, [2023] UKPC 35 [Stanford Asset Holdings]. Dans ce jugement, au paragraphe 36, le Conseil privé a affirmé qu’une [traduction] « cause vraiment défendable » était nécessaire pour rendre une ordonnance de type Norwich. Cela prouve que la simple affirmation qu’il existe une cause d’action, sans aucun fondement factuel, est insuffisante.

[17] La deuxième question concerne le dernier volet du critère. Dans les arrêts BMG et Rogers, ce volet est présenté comme un équilibre entre l’intérêt public à la divulgation et l’attente légitime de respect de la vie privée. Il en est ainsi parce que le principal motif invoqué pour contester la requête dans l’affaire BMG était le droit au respect de la vie privée des utilisateurs d’Internet. Cependant, le cinquième volet du critère ne se limite pas aux questions se rapportant au respect de la vie privée. Comme la Cour d’appel de l’Ontario l’a expliqué dans l’arrêt Stewart, au paragraphe 77 :

[traduction]

Le cinquième facteur du critère Norwich consiste à savoir si les intérêts de la justice favorisent la divulgation. Ce facteur est large et englobe les intérêts du demandeur, des défendeurs, des transgresseurs présumés et de l’administration de la justice.

[18] En fait, notre Cour examine les intérêts des transgresseurs présumés lorsqu’elle supervise le processus de divulgation et réglemente les renseignements qui leur sont fournis : Voltage Pictures LLC c Untel, 2014 CF 161, [2015] 2 RCF 540 [Voltage 2014]. Les tribunaux du Royaume-Uni semblent également examiner toutes les circonstances pertinentes pour établir si l’octroi d’une ordonnance de type Norwich constitue [traduction] « une réaction appropriée et proportionnelle » : Stanford Asset Holdings, au paragraphe 36.

[19] En outre, à cette étape, la Cour peut tenir compte de la solidité apparente de l’action du demandeur dans son appréciation d’ensemble de l’affaire : Stewart, aux paragraphes 59, 75 et 145.

[20] La vaste étendue des facteurs pouvant être pris en compte est compatible avec le principe selon lequel les redressements en equity, comme une ordonnance de type Norwich, sont de nature discrétionnaire. Cela signifie que la Cour n’est pas liée par une formule rigide et peut tenir compte de tout facteur pertinent pour déterminer s’il convient d’accorder un redressement. La Cour conserve son pouvoir discrétionnaire même lorsque le pouvoir d’accorder un redressement est codifié. Voir, par exemple, Strickland c Canada (Procureur général), 2015 CSC 37 aux paragraphes 37 et 38, [2015] 2 RCS 713; Google Inc c Equustek Solutions Inc, 2017 CSC 34 au paragraphe 25, [2017] 1 RCS 824.

B. Application aux faits

[21] Je rejette la requête de Seismotech visant à obtenir une ordonnance de type Norwich pour deux raisons. Premièrement, Seismotech n’a pas démontré qu’elle dispose d’une véritable demande. Deuxièmement, il ne serait pas dans l’intérêt public de permettre à l’action de suivre son cours d’une façon qui priverait effectivement les défendeurs de l’accès à la justice et d’un moyen valable de contester l’action. J’estime que chacun de ces deux motifs, en soi, est suffisant pour refuser d’accorder un redressement. Par conséquent, je n’ai pas à examiner les autres volets du critère régissant la délivrance d’une ordonnance de type Norwich. Il n’est pas non plus nécessaire d’examiner les questions de compétence découlant de la tentative de Seismotech d’intenter une action au Canada contre des consommateurs aux États-Unis.

(1) Absence d’une véritable demande

[22] J’estime que Seismotech ne dispose pas d’une véritable demande, car sa déclaration ne fournit aucun détail sur la contrefaçon alléguée de ses brevets, et la preuve fournie en l’espèce contribue très peu à combler cette lacune.

[23] Les allégations concernant la contrefaçon dans chaque déclaration modifiée se résument à ceci :

Chacun des défendeurs a fait emploi de méthodes portant ainsi atteinte au bénéfice du monopole qui a pourtant été conféré aux demandeurs par les Brevets, en utilisant les Produits décrits à l’Annexe A qui sont fabriqués et/ou conçus par les compagnies suivantes situées au Canada : [liste des fabricants].

Les défendeurs ont fait emploi de méthodes (ci-bas) en utilisant les Produits recensés ci-haut et ces méthodes dont ont fait emploi les défendeurs comportent tous les éléments et portent atteinte : [liste des revendications concernant les quatre brevets].

[24] Dans l’affidavit qu’il a présenté à l’appui des présentes requêtes, le propriétaire de Seismotech, M. Baraty, ne fournit aucun détail sur les allégations de contrefaçon. Il tente simplement d’établir un lien entre les allégations de contrefaçon et l’utilisation des applications téléchargées à partir de l’App Store. Il s’exprime en ces termes :

[traduction]

Selon ma compréhension de mes brevets et des thermostats intelligents énumérés à l’annexe A de la déclaration, je crois que l’utilisation des applications mobiles énumérées à l’annexe A de l’avis de requête est visée par les revendications des brevets. Je crois aussi que les applications mobiles serviraient à utiliser des fonctionnalités de ces thermostats intelligents visées par les revendications des brevets.

[25] En contre-interrogatoire, M. Baraty a été invité à expliquer sur quoi cette croyance s’appuyait. L’avocat de Seismotech s’est opposé à la question, au motif qu’elle n’était pas pertinente. J’estime que la question était effectivement pertinente et que le refus d’y répondre mène à la conclusion défavorable selon laquelle cette affirmation n’est pas fondée sur des faits et s’appuie seulement sur la croyance subjective de M. Baraty.

[26] En outre, l’affidavit de M. Baraty est accompagné de renseignements téléchargés à partir d’Internet au sujet des fabricants des thermostats intelligents énumérés dans les déclarations. Ces renseignements montrent que ces fabricants offrent dans l’App Store d’Apple des applications qui, de façon générale, permettent aux utilisateurs de contrôler leur système de chauffage à distance. Certaines publicités promettent des économies d’énergie. Rien dans l’affidavit n’indique que M. Baraty, ou que toute autre personne au nom de Seismotech, a obtenu ou examiné ces thermostats ou a effectué une quelconque analyse au-delà d’une recherche sommaire sur Internet.

[27] Je souligne également que Seismotech a été mise au courant de la prétention d’Apple selon laquelle il n’existait pas de véritable demande au moins trois mois avant l’audition de la présente requête. Sa seule réaction a été de modifier la déclaration afin de conserver uniquement les revendications invoquées qu’elle qualifie de [traduction] « revendications relatives à la méthode ». Elle n’a fourni aucun autre motif à l’appui de ses allégations de contrefaçon. Elle a plutôt résisté aux tentatives visant à obtenir des précisions à cet égard. Il ne s’agit tout simplement pas du comportement d’une personne qui dispose d’une véritable demande.

[28] J’estime que cette preuve est tout à fait insuffisante pour établir l’existence d’une véritable demande justifiant l’octroi d’une ordonnance de type Norwich.

[29] Une façon utile d’examiner la question consiste à savoir si la déclaration, prise conjointement avec le témoignage de M. Baraty, résisterait à une requête en radiation. Le critère applicable à la radiation d’une demande n’a pas exactement le même objectif que la condition relative à l’existence d’une véritable demande dans le critère applicable pour obtenir une ordonnance de type Norwich. Néanmoins, il est difficile d’envisager l’octroi d’une ordonnance de type Norwich lorsque la déclaration est lacunaire au point qu’elle peut être radiée.

[30] Une demande ne sera radiée au stade préliminaire que « s’il est évident et manifeste, dans l’hypothèse où les faits allégués seraient avérés, que la déclaration ne révèle aucune cause d’action raisonnable », ou, autrement dit, si « la demande [n’a] aucune possibilité raisonnable d’être accueillie » : R c Imperial Tobacco Canada Ltée, 2011 CSC 42 au paragraphe 17, [2011] 3 RCS 45. Conformément à l’article 174 des Règles des Cours fédérales, une déclaration doit comprendre un « exposé concis des faits substantiels ». Comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Mancuso c Canada (Santé Nationale et Bien‑être Social), 2015 CAF 227 au paragraphe 17 :

Il est essentiel que le défendeur ait en main des actes de procédure correctement rédigés de façon à préparer son système de défense. Les faits matériels servent à encadrer les interrogatoires préalables et permettent aux avocats de conseiller leur client, à préparer leurs moyens et à établir une stratégie en vue du procès. Qui plus est, les actes de procédure permettent de définir les paramètres d’appréciation de la pertinence d’éléments de preuve lors des interrogatoires préalables et de l’instruction du procès.

[31] Dans le cadre des actions en contrefaçon de brevet, la déclaration doit établir [traduction] « a) les faits en vertu desquels le droit reconnaît au demandeur un droit déterminé; b) les faits qui constituent une atteinte portée par le défendeur à ce droit déterminé du demandeur » : Dow Chemical Co v Kayson Plastics & Chemicals Ltd, [1967] 1 RC de l’É 71 aux p 80-81 [Dow Chemical]. En l’espèce, le problème découle de la seconde exigence.

[32] Dans la décision Mostar Directional Technologies Inc v Drill-Tech Corp, 2017 FC 575 au paragraphe 25, ma collègue la juge Mandy Aylen s’est exprimée en ces termes :

[traduction]

Le défendeur est en droit de comprendre clairement et précisément la nature exacte de l’invention, ainsi que […] la façon précise dont le défendeur, selon le demandeur, aurait contrefait les revendications du brevet.

[33] Dans cette affaire, la demanderesse a allégué qu’il était suffisant d’indiquer le nom ou le numéro de modèle des dispositifs en cause, ainsi que les revendications du brevet qui auraient été contrefaites. Au paragraphe 33 de sa décision, la juge Aylen a conclu que cela était tout à fait insuffisant :

[traduction]

Je rejette l’affirmation de la demanderesse selon laquelle il suffit d’indiquer le nom des modèles des dispositifs des défenderesses et les numéros des revendications invoquées pour permettre aux défenderesses de savoir comment elles auraient contrefait les revendications invoquées. Ce faisant, je souligne que la demanderesse n’a présenté à la Cour aucune jurisprudence reconnaissant qu’un tel niveau de faits essentiels est suffisant pour appuyer une allégation de contrefaçon de brevet.

[34] En l’espèce, la déclaration présente les mêmes lacunes. Elle énumère simplement les dispositifs contrefaits et fait valoir, sans aucune explication, que ces dispositifs, ou l’utilisation de ces dispositifs par les défendeurs, contrefont certaines revendications du brevet. Rien ne permet aux défendeurs de comprendre comment les revendications sont interprétées et quelles composantes des dispositifs les contrefont. Les propos du président Jackett de la Cour de l’Échiquier dans Dow Chemical, à la page 75, sont pertinents :

[traduction]

Si, toutefois, le demandeur n’invoque aucun motif pour justifier son affirmation que le défendeur a accompli un acte déterminé qui, selon lui, porte atteinte à ses droits, j’estime qu’il est irrecevable en sa demande. Si le demandeur n’est pas en mesure de préciser la nature de sa demande, « il n’a aucun droit de d’instituer une action en justice ». La simple affirmation que le défendeur a porté atteinte aux droits du demandeur ne peut être assimilée à un énoncé de faits constituant une cause d’action et la déclaration qui ne renferme qu’une simple affirmation de contrefaçon peut être radiée au motif qu’elle constitue un abus de procédure.

[Souligné dans l’original.]

[35] En outre, la preuve présentée à l’appui de la requête ne contribue pas vraiment à combler les lacunes de la déclaration. La seule preuve concernant ces dispositifs consiste en une recherche sommaire que l’avocat a effectuée sur Internet et l’opinion non étayée de M. Baraty. Comme je le mentionne plus haut, rien n’indique que Seismotech s’est procuré ces dispositifs, les a examinés ou a cherché à en comprendre le fonctionnement. Compte tenu de la preuve dont je dispose, je conclus que la demande est purement conjecturale. Par conséquent, il ne peut guère s’agir d’une véritable demande.

[36] Il est utile de comparer la preuve en l’espèce avec celle présentée à l’appui d’autres requêtes visant à obtenir une ordonnance de type Norwich dans des affaires de violation du droit d’auteur, comme BMG, Voltage 2014 ou ME2 Productions, Inc c M Untel, 2019 CF 214. Généralement, la partie demanderesse fournit un rapport d’enquête montrant qu’une personne utilisant une certaine adresse IP a téléchargé un dossier contenant une œuvre, à savoir de la musique ou un film, pour laquelle le demandeur est titulaire du droit d’auteur. Dans un tel cas, le rapport fournit un fondement plausible pour supposer qu’il y a eu violation du droit d’auteur, car le seul fait de télécharger illégalement l’œuvre protégée par le droit d’auteur constitue un acte de contrefaçon. L’enquêteur est en mesure de déclarer que l’œuvre téléchargée par l’utilisateur est l’œuvre protégée par le droit d’auteur. En revanche, en l’espèce, le simple fait que les consommateurs ont téléchargé les applications n’indique aucunement que les applications, les dispositifs ou leur utilisation par les consommateurs contrefont les brevets de Seismotech.

[37] Pour tenter de distinguer ces affaires, Seismotech fait valoir que c’est pour indiquer au fournisseur de services Internet les adresses IP à partir desquelles les œuvres protégées par le droit d’auteur ont été téléchargées illégalement qu’une preuve d’expert est nécessaire. En revanche, Apple peut facilement identifier les utilisateurs de l’App Store qui ont téléchargé les applications conçues par les fabricants de thermostats intelligents dont le nom figure dans la déclaration de Seismotech. J’estime cependant que la preuve présentée dans ces affaires de violation du droit d’auteur ne vise pas simplement à identifier les défendeurs éventuels. Elle permet aussi à la Cour d’avoir l’assurance qu’il s’agit d’une véritable demande, dans le sens où il existe un fondement factuel plausible pour l’allégation de contrefaçon. Comme je l’explique plus haut, aucun élément de preuve de cette nature n’a été présenté en l’espèce.

[38] En résumé, Seismotech n’a pas prouvé qu’elle dispose d’une véritable demande selon laquelle les défendeurs proposés ont contrefait ses brevets. Ses affirmations de contrefaçon sont fondées sur de simples conjectures. Cela me suffit pour rejeter la requête de Seismotech visant à obtenir une ordonnance de type Norwich. S’il n’existe en premier lieu aucune véritable demande, l’octroi d’une ordonnance de type Norwich ne peut être justifié par les quatre autres facteurs mentionnés dans l’arrêt BMG.

[39] Je tiens simplement à ajouter que j’en viens à cette conclusion sans qu’il soit nécessaire d’examiner les défenses que les défendeurs pourraient invoquer, particulièrement en ce qui concerne la validité des brevets de Seismotech.

(2) Intérêt public

[40] En deuxième lieu, rendre une ordonnance de type Norwich serait contraire à l’intérêt public. Il s’agit du cinquième volet du critère régissant la délivrance d’une ordonnance de type Norwich. Dans l’arrêt BMG, cela est présenté comme un équilibre entre, d’une part, l’intérêt public à la divulgation, et d’autre part, le respect de la vie privée, peut‑être parce que le respect de la vie privée était le principal argument avancé en réponse à la requête dans cette affaire. Néanmoins, l’éventail des facteurs pertinents à cette étape-ci ne se limite pas au respect de la vie privée. Par exemple, dans l’arrêt Stewart, la Cour d’appel de l’Ontario a jugé que la protection des sources des journalistes était un facteur pertinent.

[41] Il est utile d’expliquer les aspects de l’intérêt public qui peuvent militer en faveur de la divulgation de renseignements aux termes d’une ordonnance de type Norwich. Ces questions peuvent être liées d’une manière générale à l’accès à la justice. Comme l’a souligné la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt Stewart, au paragraphe 58, les ordonnances de type Norwich visent à [traduction] « faciliter l’accès à la justice aux victimes d’auteurs anonymes d’actes fautifs ». Plus précisément, elles permettent au tribunal de trancher correctement le litige grâce à la divulgation de l’identité du défendeur et d’autres renseignements nécessaires pour établir les droits des parties. En somme, une ordonnance de type Norwich facilite la recherche de la vérité.

[42] Cependant, cela va dans les deux sens. L’accès à la justice est important non seulement pour les demandeurs, mais aussi pour les défendeurs. Une instance civile est un processus contradictoire. La vérité devrait ressortir du processus, car les allégations avancées par une partie peuvent être contestées par l’autre partie. Pour cela, les deux parties doivent avoir la possibilité réelle de faire valoir leurs prétentions. Il existe un risque sérieux qu’une affaire ne soit pas tranchée correctement si le défendeur est privé de l’accès à la justice ou est mal outillé pour invoquer les moyens de défense possibles.

[43] L’accès à la justice pour les défendeurs était au cœur des préoccupations de la Cour lorsque celle-ci a établi les conditions des ordonnances de type Norwich dans les affaires où les défendeurs étaient des particuliers ou des consommateurs. Par exemple, dans la décision Voltage 2014, notre Cour a réglementé la façon dont la demanderesse pouvait communiquer avec les éventuels défendeurs.

[44] Des considérations particulières entrent en jeu lorsqu’une partie propose d’intenter une action en contrefaçon de brevet contre de nombreux consommateurs, chacun ayant un montant relativement modeste en jeu. Les affaires de contrefaçon de brevet sont intrinsèquement complexes. Les brevets sont censés être lus par une personne versée dans l’art, et non par des personnes qui ne possèdent pas les compétences techniques nécessaires, comme les juges et les avocats, et encore moins les consommateurs. C’est pourquoi la poursuite ou la défense d’une action dans une affaire de contrefaçon de brevet nécessite presque toujours la présence de témoins experts. Dans une grande proportion de ces affaires, la validité du brevet est contestée pour différents motifs, ce qui renforce la nécessité d’avoir recours à des témoignages d’experts. La quantification des dommages-intérêts soulève aussi souvent des questions complexes. Pour tous ces motifs, les litiges en matière de brevet sont coûteux. Les dépens octroyés par la Cour donnent un aperçu de l’ampleur des ressources financières nécessaires pour se défendre à l’encontre d’une telle action, qui se mesurent souvent en millions de dollars : voir, par exemple, Nova Chemicals Corporation c Dow Chemical Company, 2017 CAF 25; Apotex Inc c Shire LLC, 2021 CAF 54; Seedlings Life Science Ventures, LLC c Pfizer Canada SRI, 2020 CF 505; Bauer Hockey Ltd c Sport Maska Inc (CCM Hockey), 2020 CF 862.

[45] La nature de la technologie en cause en l’espèce amplifie la difficulté à se défendre contre l’action. D’une façon très générale, les brevets de Seismotech emploient les technologies de l’information pour offrir des moyens sophistiqués de contrôler des dispositifs, comme des appareils de chauffage et des foyers à gaz. On ne peut s’attendre à ce que les utilisateurs finaux de thermostats intelligents lisent les brevets en cause et interprètent les revendications qu’ils renferment. En outre, ils n’ont pas accès aux mécanismes internes du dispositif qu’ils possèdent ni de l’application qu’ils ont téléchargée. Sans l’aide du fabricant, ils devraient déployer des efforts considérables et posséder une expertise approfondie pour analyser le dispositif et en désassembler le code pour vérifier s’il contrefait les revendications des brevets de Seismotech. Il s’agit d’une situation différente de celle où un profane peut comprendre relativement facilement des inventions mécaniques plus simples : voir, par exemple, Fromfroid SA c 1048547 Ontario Inc, 2023 CF 925.

[46] Il est évident qu’il est tout à fait impossible pour chaque consommateur de se défendre contre l’action intentée par Seismotech. Même en acceptant la thèse de Seismotech selon laquelle celle-ci a le droit de récupérer les économies que chaque consommateur a réalisées sur ses factures de services publics, le montant en jeu pour chaque défendeur est peu susceptible de dépasser quelques milliers de dollars. La Cour ne connaît aucune manière réaliste d’assurer aux consommateurs une représentation juridique adéquate qui leur permette de présenter une défense à une telle action, d’une manière qui soit proportionnelle à leur propre responsabilité. Seismotech a explicitement refusé de tenter de faire certifier cette action en tant que recours collectif inversé. La suggestion de Seismotech selon laquelle les défendeurs pourraient mettre leurs ressources en commun pour se défendre contre l’action semble irréaliste compte tenu du nombre de consommateurs concernés et du montant en jeu pour chacun d’entre eux.

[47] Compte tenu de l’impossibilité pratique de se défendre contre cette action, il est prévisible que de nombreux défendeurs se sentent obligés d’accepter une offre de règlement, peu importe leurs chances de succès sur le fond de l’affaire. Il est aussi prévisible que de nombreux autres défendeurs ne présentent tout simplement aucune défense et que Seismotech présente une requête en jugement par défaut contre eux. À cet égard, Seismotech fait valoir que les règles concernant le jugement par défaut offrent des protections suffisantes, et cite à titre d’exemple l’arrêt Voltage Holdings, LLC v Doe #1, 2023 FCA 194. Il est vrai que, dans le cadre d’une requête en jugement par défaut, le demandeur doit établir le bien‑fondé de tous les éléments de ses allégations selon la prépondérance des probabilités. Il n’appartient toutefois pas à la Cour d’invoquer des moyens de défense que la partie défenderesse absente aurait pu invoquer : Trimble Solutions Corporation c Quantum Dynamics Inc, 2021 CF 63 aux paragraphes 35 à 37. Par conséquent, il est tout à fait possible que la Cour rende jugement par défaut sans une quelconque analyse de la validité des brevets ni une quelconque contestation de l’interprétation des revendications proposée par les demanderesses ou de leur thèse au sujet de la contrefaçon. Je crains grandement qu’une telle situation ne permette pas de trancher l’affaire correctement. En outre, un jugement par défaut obtenu dans de telles conditions pourrait servir à exercer une pression sur d’autres défendeurs pour qu’ils acceptent un règlement.

[48] La complexité de la préparation d’une défense distingue la présente affaire des affaires de violation du droit d’auteur dans lesquelles une ordonnance de type Norwich a été délivrée dans l’objectif d’obtenir l’identité de chacun des défendeurs. Dans ces affaires, le droit d’auteur du demandeur sur l’œuvre musicale ou cinématographique copiée ou téléchargée par les défendeurs fait rarement l’objet d’un débat. Il semble que le moyen de défense habituel consiste à faire valoir que la personne qui est propriétaire de l’adresse IP n’est pas celle qui a illégalement copié l’œuvre. Il va de soi que la complexité d’un tel moyen de défense sur le plan factuel et juridique n’a rien à voir avec une action en contrefaçon de brevet.

[49] Seismotech s’est aussi appuyée sur la décision Wobben Properties GmbH v Siemens Public Ltd Co, [2014] EWHC 3173 (Pat), pour faire valoir qu’une ordonnance de type Norwich peut parfaitement servir à révéler l’identité des utilisateurs finaux d’une technologie brevetée. Cependant, il est évident que les défenderesses proposées dans cette affaire étaient de grandes entreprises, et on peut supposer qu’elles avaient les ressources nécessaires pour se défendre contre une action en contrefaçon de brevet concernant une technologie complexe. En fait, cette décision illustre que le caractère des parties et la manière dont le litige proposé est susceptible de se dérouler constituent des facteurs pertinents pour déterminer si une ordonnance de type Norwich devrait être rendue.

[50] Dans sa plaidoirie en réplique, Seismotech a indiqué que les fabricants de thermostats intelligents aideraient vraisemblablement les consommateurs à se défendre contre cette action. Cela est doublement ironique, premièrement, parce que Seismotech a structuré sa demande d’une manière qui prive les fabricants de la possibilité de présenter une défense, et deuxièmement, parce qu’en réponse à la requête d’Ecobee afin de la constituer partie à l’instance, Seismotech a fait valoir que les fabricants n’avaient aucune obligation à l’égard des utilisateurs finaux. Il est fallacieux pour Seismotech de laisser entendre que les fabricants pourraient financer l’accès à la justice pour les consommateurs, tandis qu’elle s’oppose vigoureusement à l’intervention de l’un des fabricants, à savoir Ecobee, et qu’elle a interjeté appel de mon ordonnance constituant Ecobee partie à l’instance.

[51] Par conséquent, la délivrance de l’ordonnance de type Norwich proposée donnera lieu à une situation dans laquelle les défendeurs proposés seront privés d’un accès véritable à la justice. Il n’est pas dans l’intérêt public de rendre une ordonnance de type Norwich dans ces circonstances.

[52] Je n’ai pas jugé nécessaire de tenir compte de la solidité apparente de la demande de Seismotech dans mon évaluation de l’intérêt public. Comme j’ai conclu plus haut que Seismotech n’avait pas réussi à démontrer qu’elle dispose d’une véritable demande, soit un seuil relativement bas, cela ne ferait que renforcer ma conclusion seront laquelle la délivrance d’une ordonnance de type Norwich serait contraire à l’intérêt public.

III. Conclusion

[53] Pour ces motifs, les requêtes de Seismotech en vue d’obtenir une ordonnance de type Norwich seront rejetées.

[54] Apple et Ecobee réclament toutes deux des dépens majorés. J’accède à cette demande. La présente requête est devenue particulièrement complexe, en grande partie en raison de la portée des observations de Seismotech. En outre, Apple n’est pas partie à l’instance et n’a aucun intérêt envers l’issue de l’action. Pour ces motifs, j’adjuge des dépens de 8 000 $ à Apple et de 4 000 $ à Ecobee.

 


ORDONNANCE dans les dossiers T-1147-23 et T-1148-23

LA COUR ORDONNE :

1. La requête visant à obtenir une ordonnance de type Norwich dans le dossier T-1147-23 est rejetée.

2. La requête visant à obtenir une ordonnance de type Norwich dans le dossier T-1148-23 est rejetée.

3. Les demanderesses sont condamnées à payer des dépens de 8 000 $, débours et taxes compris, aux intimées non-parties Apple Inc. et Apple Canada Inc.

4. Les demanderesses sont condamnées à payer des dépens de 4 000 $, débours et taxes compris, à la défenderesse Ecobee Technologies ULC.

« Sébastien Grammond »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossiers :

T-1147-23 ET T-1148-23

 

DOSSIER :

T-1147-23

 

INTITULÉ :

SEISMOTECH IP HOLDINGS INC., SEISMOTECH SAFETY SYSTEMS INC. c M. UNTEL ET TOUTE PERSONNE DANS UNE SITUATION SEMBLABLE, ECOBEE TECHNOLOGIES ULC ET APPLE INC., APPLE CANADA INC.

 

ET DOSSIER :

T-1148-23

 

INTITULÉ :

SEISMOTECH IP HOLDINGS INC., SEISMOTECH SAFETY SYSTEMS INC. c M. UNTEL ET TOUTE PERSONNE DANS UNE SITUATION SEMBLABLE ET APPLE INC., APPLE CANADA INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VISIOCONFÉRENCE (zoom)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 15 NOVEMBRE 2023

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE GRAMMOND

 

DATE DES MOTIFS :

LE 7 DÉCEMBRE 2023

 

COMPARUTIONS :

Simon Lin

Sébastien Paquette

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

William Regan

Rachel Meland

 

POUR LE DÉFENDEUR ECOBEE TECHNOLOGIES ULC

 

Richard Lizius

Kendra Levasseur

 

POUR LES INTIMÉES NON-PARTIES

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Services juridiques SP inc.

Montréal (Québec)

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Piasetzki Nenniger Kvas LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR ECOBEE TECHNOLOGIES ULC

 

McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Toronto (Ontario)

 

POUR LES INTIMÉES NON-PARTIES

 

 

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