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Date : 20231214


Dossier : T‑569‑23

Référence : 2023 CF 1693

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 14 décembre 2023

En présence de monsieur le juge Southcott

ENTRE :

PETER BROUGHTON

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de deux décisions, communiquées au demandeur dans des lettres datées du 21 février 2023, par lesquelles un agent [l’agent] de l’Agence du revenu du Canada [l’ARC] a conclu que le demandeur n’était pas admissible à la prestation canadienne d’urgence [la PCU] ni à la prestation canadienne de relance économique [la PCRE]. L’agent a tiré cette conclusion, car le demandeur n’avait pas établi avoir touché le revenu minimal requis provenant d’un emploi ou d’un travail exécuté pour son compte au cours des périodes de référence précédant ses demandes de PCU et de PCRE, conformément aux lois applicables.

[2] Pour les motifs exposés plus en détail ci‑après, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée, puisque les arguments du demandeur ne portent pas atteinte au caractère raisonnable des décisions ni à l’équité sur le plan de la procédure.

II. Contexte

[3] La PCU et la PCRE ont été établies par le gouvernement fédéral en réaction à la pandémie de COVID‑19 dans le but d’offrir des allocations de soutien du revenu aux employés et aux travailleurs indépendants canadiens.

[4] Le demandeur a sollicité la PCU et la PCRE pour certaines périodes en 2020 et en 2021, demandes qui ont initialement été acceptées. Le processus de demande était simple et ne nécessitait qu’une attestation de la part du contribuable afin qu’il puisse recevoir les prestations dans les plus brefs délais. L’ARC était cependant responsable de justifier toutes les prestations versées et pouvait ainsi procéder à une vérification ultérieure de l’admissibilité du contribuable.

[5] Dans le cadre de ce processus de vérification, l’ARC a envoyé une lettre au demandeur le 25 août 2022 pour qu’il fournisse des documents démontrant son admissibilité à la PCU et à la PCRE. Le demandeur lui a ensuite transmis des documents comme preuve de son revenu.

[6] Dans des lettres datées du 2 décembre 2022, l’ARC a informé le demandeur qu’il n’était pas admissible à la PCU ni à la PCRE, puisqu’il n’avait pas touché le revenu minimal requis provenant d’un emploi ou d’un travail exécuté pour son compte au cours des périodes de référence précédant la date de sa première demande. Le demandeur a été informé qu’il pouvait solliciter un deuxième examen de ses demandes par un autre agent de l’ARC. Le demandeur a sollicité ce deuxième examen et a fourni des documents supplémentaires le 17 décembre 2022 afin de démontrer qu’il avait touché le revenu minimal requis provenant d’un travail exécuté pour son compte.

[7] Le 15 février 2023, le demandeur a eu une conversation téléphonique avec l’agent responsable du deuxième examen de ses demandes. Les notes consignées par l’agent à propos de cet appel indiquent que le demandeur a affirmé avoir passé la majorité de l’année 2019 et une partie de l’année 2020 sur son bateau, accosté aux États‑Unis, avant de revenir au Canada au début de la pandémie. Le demandeur a expliqué qu’il louait son bateau sur la plateforme Airbnb, et parfois pour des tournages, ce qui constituait sa seule source de revenus étant donné qu’il était à la retraite. Le demandeur a aussi affirmé qu’il effectuait toutes les réparations sur le bateau et qu’il le nettoyait entre chaque location. Il a informé l’agent qu’il avait perdu cette source de revenus une fois de retour au Canada, car il ne pouvait plus louer son bateau. L’agent a expliqué au demandeur qu’un revenu de location n’était pas un revenu d’emploi, mais que l’ARC examinerait les documents plus attentivement étant donné que la location avait eu lieu par l’entremise d’Airbnb.

[8] Dans des notes additionnelles ayant pour titre [traduction] « Rapport du deuxième examen – Analyse de l’admissibilité à la PCU », qui ne sont pas datées, mais qui font référence à l’appel du 15 février 2023 et qui doivent donc avoir été rédigées après celui‑ci, l’agent a indiqué ce qui suit quant à l’admissibilité du demandeur à la PCU :

[traduction]

Expliquez votre décision pour chaque condition que le contribuable ne remplit pas : Dans ses déclarations de revenus de 2019 et de 2020, le Ct a déclaré ses revenus comme étant des revenus de location bruts. Les revenus de location ne sont pas des revenus admissibles aux fins de la PCU. Le Ct n’a fourni aucun service supplémentaire à la location : il n’a que fourni la propriété à louer et procédé au nettoyage des lieux. Par conséquent, je rejetterai les demandes de PCU pour toutes les périodes visées.

[9] Le dossier comprend des notes sensiblement identiques portant sur l’examen effectué par l’agent de l’admissibilité du demandeur à la PCRE [ces notes et celles relatives à la PCU forment ensemble les rapports du deuxième examen].

[10] Le 21 février 2023, l’ARC a transmis au demandeur les lettres l’informant de ses décisions, à savoir qu’il n’était pas admissible à la PCU ni à la PCRE. L’agent a conclu que le demandeur n’était pas admissible à la PCU, puisque ses revenus bruts provenant d’un emploi ou d’un travail exécuté pour son compte pour l’année 2019 ou au cours des 12 mois précédant la date de sa première demande ne s’élevaient pas à au moins 5 000 $. De même, il n’était pas admissible à la PCRE, puisque ses revenus d’emploi bruts ou ses revenus nets gagnés dans le cadre d’un travail exécuté pour son compte pour l’année 2019 ou 2020 ou au cours des 12 mois précédant la date de sa première demande ne s’élevaient pas à au moins 5 000 $.

[11] Ces deux décisions font l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

III. Questions en litige et norme de contrôle

[12] Le demandeur, qui agit pour son propre compte, n’a pas expressément soulevé de questions à trancher par la Cour. Cependant, selon le dossier de demande, le défendeur a soulevé les questions de fond suivantes :

  1. Les décisions sont‑elles équitables sur le plan de la procédure?

  2. Les décisions sont‑elles raisonnables?

[13] Je souscris à cette formulation des questions en litige. Le demandeur n’a présenté aucune observation sur la norme de contrôle applicable. Le défendeur fait valoir, et je suis d’accord avec lui, que le fond des décisions est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (voir Aryan c Canada (Procureur général), 2022 CF 139 [Aryan] au para 16; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]) et que la question de l’équité procédurale est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte.

[14] À titre préliminaire, le défendeur avance également que certains documents joints à l’affidavit du demandeur ou inclus dans le dossier de demande sont inadmissibles, puisque ces éléments de preuve n’étaient pas à la disposition de l’agent lorsqu’il a rendu ses décisions. Les éléments de preuve contestés sont les suivants (selon les descriptions qui en sont faites dans la table des matières du dossier de demande) :

  • pièce 1, onglet 3.14 – une lettre du demandeur intitulée [traduction] « Attestation de modification d’un revenu de location pour un revenu d’entreprise »;

  • pièce 1, onglet 3.15 – une lettre du demandeur intitulée [traduction] « Lettre justifiant un revenu d’entreprise plutôt qu’un revenu de location »;

  • pièce 1, onglet 3.16 – la demande de redressement d’une T1 du demandeur;

  • pièce 1, onglet 3.17 – l’état des loyers de biens immeubles du demandeur;

  • pièce 1, onglet 3.18 – l’état des résultats des activités d’une entreprise ou d’une profession libérale du demandeur;

  • pièce 1, onglet 3.19 – l’acceptation, par l’ARC, de la demande transmise par le demandeur à l’aide du service ReTransmettre;

  • onglet 5 – reçus aux fins de l’impôt pour une entreprise de location (dans une zone d’amarrage et non à quai comme le mentionne erronément l’agent de l’ARC dans la déclaration à la page 11 du document de la Cour);

  • onglet 6 – courriel de Geoffrey Warren du 11 juin 2023 concernant le redressement de la déclaration de 2019;

  • onglet 7 – publicité sur Airbnb – lien Web et copie de la publicité (commence à la prochaine page, après 104)

[15] Le défendeur soutient en outre que les éléments de preuve mentionnés ci-dessus, qui se trouvent aux onglets 5, 6 et 7 du dossier de demande, sont inadmissibles pour une raison additionnelle, soit parce qu’ils n’ont pas été présentés par l’entremise d’un affidavit souscrit sous serment ou par affirmation solennelle

[16] Je trancherai cette question préliminaire avant de passer à l’analyse des questions de fond.

IV. Analyse

A. Les éléments de preuve contestés sont‑ils admissibles?

[17] Comme le défendeur le fait observer à juste titre, le dossier de preuve qui est déposé devant la Cour lorsqu’elle est saisie d’une procédure de contrôle judiciaire se limite généralement au dossier de preuve dont disposait le décideur administratif (voir, p. ex., Xin c Canada (Attorney General), 2023 CF 595 [Xin] au para 54, renvoyant à Andrews c Alliance de la fonction publique, 2022 CAF 159 au para 18). Mais, comme le défendeur le fait également remarquer, il existe des exceptions reconnues à cette règle, même si la liste n’est pas exhaustive, notamment lorsqu’il s’agit d’admettre des éléments de preuve qui portent à l’attention de la Cour des vices de procédure qu’on ne peut déceler dans le dossier de la preuve du décideur administratif, et qui permettent ainsi à la Cour de remplir son rôle d’organe chargé de censurer les manquements à l’équité procédurale (voir Xin, au para 55).

[18] Les arguments invoqués par le demandeur pour contester les décisions, que je passerai en revue ci‑après, concernent principalement l’équité procédurale, puisqu’il affirme que l’ARC ne l’a pas informé de la preuve qu’il devait réfuter. Les notes de l’agent montrent que l’inadmissibilité du demandeur à la PCU et à la PCRE repose essentiellement sur le fait qu’il a déclaré les revenus tirés de son bateau à titre de revenus de location et non de revenus provenant d’un travail exécuté pour son compte pour les années d’imposition 2019 et 2020. Le demandeur souhaite s’appuyer sur les éléments de preuve contestés pour montrer qu’après avoir pris connaissance des notes de l’agent figurant dans le dossier certifié du tribunal [le DCT] qu’il a reçu dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, il a présenté des demandes de redressement pour 2019 et 2020 afin de déclarer ses revenus comme provenant d’un travail exécuté pour son compte et non comme étant des revenus de location.

[19] Je comprends que le demandeur fait valoir que s’il avait compris le motif pour lequel l’ARC ne le considérait pas comme étant admissible aux prestations, il aurait pu faire ces démarches avant que les décisions ne soient prises, et les éléments de preuve contestés représentent le type de renseignements qu’il aurait pu fournir à l’ARC pour démontrer son admissibilité.

[20] Le défendeur soutient que les éléments de preuve contestés ne relèvent pas de l’exception relative à l’équité procédurale énoncée dans la décision Xin, parce qu’ils ne permettent pas d’établir un manquement à l’équité procédurale dans le processus décisionnel du décideur administratif. À mon avis, cette observation reflète une interprétation trop restrictive de l’exception. Lorsqu’il invoque un argument relatif à l’équité procédurale, le demandeur pourrait vouloir démontrer qu’il aurait présenté des éléments de preuve supplémentaires n’eût été du manquement à l’équité procédurale avancé (voir, p. ex., Nchelem c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1162 aux para 13‑14; Babafunmi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 948 au para 18; Chahal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 725 [Chahal] au para 20).

[21] Dans la décision Showers c Canada (Procureur général), 2022 CF 1183 [Showers], la Cour a admis des éléments de preuve qui appuyaient la demande de réévaluation de l’admissibilité du demandeur à la PCRE, demande qui était postérieure à la deuxième décision contestée (situation comparable aux décisions faisant l’objet du présent contrôle). La juge Pallotta a fait remarquer que les éléments de preuve postérieurs à la date d’une décision sont habituellement inadmissibles, mais a admis les éléments de preuve en question parce qu’ils se rapportaient à l’argument relatif à l’équité procédurale invoqué par le demandeur et qu’ils relevaient, par conséquent, de l’exception applicable (au para 13).

[22] Je juge que l’exception relative à l’équité procédurale s’applique en l’espèce et, pour ce motif, j’admets les éléments de preuve contestés qui sont joints à la pièce 1 de l’affidavit du demandeur. En ce qui a trait aux éléments des onglets 5, 6 et 7 du dossier de demande, je souscris à l’avis du défendeur selon lequel ces éléments sont inadmissibles parce qu’ils n’ont pas été présentés par l’entremise d’un affidavit (voir Sidney N Lederman, Alan W Bryant et Michelle K Fuerst, The Law of Evidence in Canada, 6e éd, Markham, LexisNexis, 2022 au par 2.16).

B. Les décisions sont-elles équitables sur le plan de la procédure?

[23] En s’appuyant sur les éléments de preuve contestés que j’ai jugés admissibles, le demandeur soutient qu’après s’être rendu compte que l’ARC avait déterminé qu’il n’était pas admissible à la PCU et à la PCRE parce qu’il avait déclaré un revenu de location plutôt qu’un revenu provenant d’un travail exécuté pour son compte pour l’année 2020, il a communiqué avec son comptable afin de présenter une demande de redressement de sa déclaration de revenus de 2020 (de même qu’une demande similaire pour sa déclaration de 2019). Le demandeur avance que son comptable a commis une erreur en déclarant un revenu de location et qu’il n’était pas au courant de cette erreur avant de recevoir le DCT.

[24] Le demandeur fait également valoir que son revenu a été déclaré à juste titre comme provenant d’un travail exécuté pour son compte, puisque le revenu tiré de la location de son bateau n’était pas un revenu de location passif : il devait transporter les invités jusqu’à l’embarcation amarrée et depuis celle‑ci, leur préparer le déjeuner, nettoyer la cabine, faire la lessive, effectuer les réparations et passer récupérer de la nourriture et d’autres provisions dans une ville voisine à l’aide de son canot pneumatique et de son vélo. Il avance que s’il avait su que son inadmissibilité découlait du fait que son revenu était déclaré à titre de revenu de location, il aurait pu fournir ces précisions et commencer les demandes de redressement de ses déclarations de revenus afin de justifier son admissibilité aux prestations.

[25] Toutefois, pour les motifs exposés ci‑après, je souscris à l’avis du défendeur portant que l’argument du demandeur selon lequel il a été privé de son droit à l’équité procédurale parce qu’il ne connaissait pas la preuve à réfuter doit être rejeté.

[26] Le DCT révèle que l’ARC, dans le cadre de son processus décisionnel, a informé le demandeur qu’un revenu de location n’était pas une source de revenus admissible aux fins de la PCU et de la PCRE, et ce, autant à titre de fait général que de fait applicable à sa situation personnelle. Dans la lettre du 25 août 2022 par laquelle l’ARC amorçait la vérification de l’admissibilité du demandeur aux prestations, l’ARC a informé ce dernier que les sources de revenus admissibles comprenaient les revenus d’emploi et les revenus provenant d’un travail exécuté pour son compte, et a indiqué différentes sources de revenus qui n’étaient pas admissibles, dont les revenus de location. En ce qui a trait à la situation personnelle du demandeur, à la suite de l’appel téléphonique du 15 février 2023 où le demandeur a expliqué à l’agent comment il tirait un revenu de son bateau aux États‑Unis, l’agent a conclu ses notes par la phrase suivante :

[traduction]

J’ai donné mon numéro de téléphone au Ct et lui ai expliqué qu’un revenu de location n’était pas un revenu d’emploi, mais qu’étant donné qu’il louait son bateau par l’entremise de la plateforme Airbnb, nous allions examiner les documents plus attentivement.

[27] Il est donc impossible de conclure que l’ARC n’a pas informé le demandeur qu’il devait démontrer avoir touché le revenu minimal exigé provenant d’un emploi ou d’un travail exécuté pour son compte et qu’un revenu de location n’était pas une source de revenus admissible. J’ai conscience que les notes dans le DCT (dont les rapports du deuxième examen) indiquent que l’agent a procédé à l’analyse de l’admissibilité du demandeur dès le 16 février 2023, soit le lendemain de l’appel téléphonique mentionné précédemment. Cependant, comme le fait valoir le défendeur, les décisions n’ont pas été communiquées au demandeur avant que l’ARC n’envoie les lettres du 21 février 2023, et rien au dossier n’indique que le demandeur ait tenté, au cours de la période suivant l’appel du 15 février, de fournir des renseignements additionnels à l’agent afin de démontrer que son revenu provenait d’un travail exécuté pour son compte et non d’un revenu de location, ni qu’il ait demandé un délai supplémentaire pour le faire.

[28] Du fait que le demandeur avance que l’ARC avait l’obligation de l’informer plus explicitement que ses déclarations de revenus indiquaient un revenu de location, je souscris à l’observation du défendeur selon laquelle le fait que l’ARC n’ait pas informé un contribuable de ses propres déclarations de revenus ne peut constituer un manquement à l’équité procédurale.

[29] Le défendeur renvoie la Cour à la décision Yew c Canada (Agence du revenu), 2022 CF 904 [Yew] aux para 49‑50 (renvoyant à R c McKinlay Transport Ltd., [1990] 1 RCS 627 aux pp 636‑637, 648 et à d’autres décisions), qui résume le principe bien établi selon lequel le régime fiscal canadien est fondé sur l’auto-déclaration et nécessite que les contribuables connaissent la loi et prennent les mesures raisonnables pour s’y conformer, notamment en divulguant leur situation fiscale à l’ARC et en demandant conseil au besoin. Dans l’affaire Yew, la Cour a appliqué ce principe dans le contexte de cotisations effectuées dans un compte d’épargne libre d’impôt, et a expliqué qu’il incombait au contribuable de connaître les limites de ses cotisations et de s’assurer que celles-ci soient conformes aux règles applicables (au para 51). De même, je souscris à l’observation du demandeur selon laquelle il incombe au contribuable de connaître ses propres déclarations de revenus.

[30] Par conséquent, je conclus qu’il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale dans le processus ayant mené aux décisions faisant l’objet du présent contrôle.

C. Les décisions sont‑elles raisonnables?

[31] Afin d’établir que les décisions sont déraisonnables, le demandeur doit démontrer qu’elles ne satisfont pas aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence (voir Vavilov, au para 100). Suivant les principes relatifs à l’admissibilité des éléments de preuve dans le cadre d’une procédure de contrôle judiciaire, principes que j’ai examinés précédemment, les éléments de preuve contestés que j’ai admis pour trancher la question de l’équité procédurale ne peuvent être invoqués pour contester les décisions de l’agent sur le fond (voir Chahal, au para 20).

[32] Si je prends en compte les notes de l’agent que j’ai examinées précédemment (dont les rapports du deuxième examen) et qui permettent à la Cour de comprendre les motifs des décisions (voir Aryan, au para 22), il est évident que les décisions étaient essentiellement fondées sur le fait que le demandeur avait déclaré ses revenus comme étant des revenus de location. De plus, les rapports du deuxième examen indiquent que l’agent a tenu compte non seulement du type de revenu déclaré par le demandeur, mais aussi du fait que ce dernier a fourni peu de services aux invités en lien avec la location du bateau. Le demandeur n’a pas porté à l’attention de la Cour des éléments de preuve qui étaient à la disposition de l’agent lorsqu’il a rendu les décisions et qui mineraient le caractère raisonnable de son analyse. L’agent a justifié les décisions et a présenté une analyse intelligible; par conséquent, les décisions satisfont à la norme de la décision raisonnable.

V. Conclusion

[33] Comme les arguments invoqués par le demandeur ne portent pas atteinte au caractère raisonnable des décisions ni à l’équité sur le plan de la procédure, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[34] Dans le mémoire des faits et du droit qu’il a déposé, le défendeur demande à la Cour de rejeter la présente demande de contrôle judiciaire et de condamner le demandeur aux dépens si celui‑ci était débouté. Toutefois, le défendeur n’a présenté aucune observation de vive voix sur l’adjudication des dépens ni sur la somme réclamée. Dans l’affaire Showers, la juge Pallotta a exercé son pouvoir discrétionnaire et n’a pas adjugé de dépens malgré le fait que le défendeur avait obtenu gain de cause, puisque le demandeur avait agi pour son propre compte, que ses observations de vive voix et ses documents écrits étaient concis et qu’il avait fait preuve de civisme lors de l’audience. J’estime que la présente affaire est comparable et n’adjugerai aucuns dépens.


JUGEMENT dans le dossier T‑569‑23

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La présente de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Richard F. Southcott »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mélanie Lefebvre


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑569‑23

 

INTITULÉ :

PETER BROUGHTON c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 13 DÉCEMBRE 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

le juge SOUTHCOTT

 

DATE DES MOTIFS :

LE 14 DÉCEMBRE 2023

 

COMPARUTIONS :

Peter Broughton

 

POUR LE DEMANDEUR

(AGISSANT POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Zac DeLong

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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