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Date : 20051014

Dossier : IMM-5980-05

Référence : 2005 CF 1407

Ottawa (Ontario), le 14 octobre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MARTINEAU

ENTRE :

SUZY ELIANA GALINDO ZUNIGA

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]    La demanderesse, une citoyenne du Pérou, désire obtenir un sursis de l'exécution de la mesure de renvoi qui a été prise par le défendeur. La requête a été débattue le 13 octobre 2005 à l'occasion d'une audition par télé-conférence.


[2]    Il n'est pas nécessaire de reprendre ici tous les faits de cette affaire sinon que de rappeler qu'en 2002, la demanderesse, dont la revendication à titre de réfugiée a été refusée en 2001, a déposé une demande afin d'être dispensée de l'obligation d'obtenir son visa de résident permanent à l'extérieur du Canada en raison de l'existence de considérations d'ordre humanitaire (la demande CH). On lui a demandé de mettre celle-ci à jour en 2005, et on l'a refusé le 15 juillet 2005 par une décision motivée. Le même jour, la demande ERAR de la demanderesse a été également rejetée. Le 7 septembre 2005, la demanderesse a été informée par un agent de renvois des deux décisions négatives et que son renvoi du Canada était fixé au 17 octobre 2005 à destination du Pérou.

[3]    Seule la décision concernant la demande CH est aujourd'hui attaquée par la demanderesse. Parallèlement à cette procédure judiciaire, le nouveau procureur de la demanderesse a avisé la Cour que sa cliente avait l'intention de déposer une nouvelle demande CH. En l'espèce, je ne suis pas convaincu que la demanderesse satisfait aux trois critères conjonctifs applicables en matière de sursis (question sérieuse, préjudice irréparable et balance des inconvénients).


[4]    Au niveau de la question sérieuse, il suffit de dire que les arguments soulevés en réponse aux paragraphes 37 et suivants des prétentions écrites du défendeur m'apparaissent bien fondés. À mon avis, les arguments soulevés par la demanderesse dans ses prétentions écrites sont largement insuffisants afin de démontrer prima faciae qu'en rejetant la demande CH, l'agente aurait commis une erreur matérielle qui pourrait amener la Cour à intervenir dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire; laquelle, soit dit en passant, a été déposée 11 jours après le délai prévu à la loi. De plus, le matin de l'audition, le procureur de la demanderesse a invité la Cour à examiner un nouvel argument de droit basé sur le paragraphe 13.2 du Guide de l'Immigration IP-05. En substance, la demande CH aurait dû être référée à un agent CH plutôt qu'à un agent ERAR. Il est difficile pour la Cour à ce stade d'apprécier la valeur de cet argument tardif étant donné le fait que le défendeur n'a pas eu la chance de se préparer adéquatement à y répondre et qu'il pourrait être nécessaire d'avoir un affidavit d'un représentant du défendeur expliquant les pratiques locales au niveau de l'application du paragraphe 13.2. Quoiqu'il en soit, même si j'accepte que ce dernier argument soulève une question sérieuse, encore faut-il que la demanderesse démontre qu'elle subira un préjudice irréparable et que la balance des inconvénients penche en sa faveur, ce qui n'est pas évident en l'espèce.


[5]    D'une part, je note que les risques personnels liés à la vie ou à la sécurité de la demanderesse ont déjà fait l'objet de deux décisions négatives qui ont acquis un caractère final. Ces mêmes risques n'ont pas été repris à l'audition. Ceci étant dit, je tiens compte du fait que la demanderesse est âgée de 64 ans, qu'elle est célibataire et qu'elle vit apparemment en « symbiose » avec sa soeur au Canada depuis sept ans. La demanderesse qui a été en chômage de décembre 2003 à avril 2004, travaille présentement à temps partiel (26 heures par semaine) comme chef dans les cuisines d'un restaurant péruvien; emploi qu'elle cumule actuellement avec un autre emploi comme ménagère sur appel pour une compagnie d'entretien (25 heures par semaine). Essentiellement, la demanderesse fait valoir aujourd'hui qu'une séparation éventuelle des deux soeurs sera très douloureuse pour celles-ci et les autres membres de la famille au Canada; qu'elle causera un préjudice au propriétaire du restaurant où elle travaille actuellement, et qui est prêt, semble-t-il, à lui offrir maintenant un emploi à temps plein; qu'elle se retrouvera au Pérou dans une société « macho » où elle aura peu de chances à son âge de trouver un emploi et qu'elle devra compter sur les membres de sa famille, déjà plus pauvres qu'elle, pour survivre; qu'elle fera face après sept ans aux difficultés inhérentes à un retour dans un autre milieu écologique, ce qui risque d'affecter sa santé; et qu'elle aura aussi à remplacer nombre de biens, dont sa demeure, qu'elle a perdus dans un tremblement de terre alors qu'elle était au Canada. Je suis certes sympathique à la situation personnelle de la demanderesse et je n'ignore pas que l'exécution de la mesure de renvoi causera des inconvénients importants à la demanderesse et à sa famille, et peut-être même à son employeur actuel. Toutefois, dans l'état actuel du droit, une jurisprudence constante de cette Cour refuse généralement d'assimiler à un préjudice irréparable, la séparation de la famille, les préjudices financiers et les autres inconvénients personnels découlant de l'exécution d'une mesure de renvoi. C'est le cas en l'espèce et la demanderesse n'a soumis aucun argument nouveau ni plaidé aucune circonstance particulière me convaincant qu'il faudrait ici écarter ces principes généraux ou autrement distinguer cette jurisprudence.


[6]    D'autre part, dans la décision qu'attaque aujourd'hui la demanderesse, l'agente ERAR conclut qu'il n'y a pas de motifs humanitaires suffisants lui permettant de conclure à une dispense de visa d'immigrant. Il est clair que cette conclusion s'appuie sur la preuve au dossier. Dans sa décision, l'agente ERAR souligne notamment que la demanderesse peut compter sur sa famille vivant au Pérou (soit sa mère, quatre frères et trois soeurs), qu'elle n'a soumis aucun rapport médical, ni aucun document officiel à l'effet qu'elle aurait perdu son domicile suite à un tremblement de terre, lequel n'est pas récent, et que la Croix Rouge offre son aide aux victimes de tremblement de terre. L'agente ERAR, qui a également considéré le facteur d'établissement au Canada de la demanderesse et d'autres facteurs pertinents, conclut que le fait pour la demanderesse de déposer sa demande de visa à l'extérieur du Canada ne lui causera pas des difficultés qui seraient inhabituelles et injustifiées ou excessives. À première vue, le caractère déraisonnable de ce dernier raisonnement n'a pas été démontré par la demanderesse. Aussi, considérant que la décision de l'agente ERAR ne représente pas un refus d'établissement au Canada mais seulement un refus de déposer une demande de visa d'immigrant au Canada et que la mesure de renvoi prise contre la demanderesse est exécutoire, l'intérêt public voulant que le défendeur exécute cette dernière avec célérité, prime ici sur les inconvénients personnels que pourrait subir ici la demanderesse, sa famille et son employeur.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la requête en sursis soit rejetée.

« Luc Martineau »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        IMM-5980-05

INTITULÉ:                                         Suzy Eliana Galindo Zuniga c. Le Ministre de la Citoyennet et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Ottawa, Ontario par télé conférence

DATE DE L'AUDIENCE :               Le 13 octobre 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       Le juge Martineau

DATE DES MOTIFS :                      Le 14 octobre 2005

COMPARUTIONS:

Me Jean-François Bertrand                                                 POUR LA DEMANDERESSE

Me Lisa Maziade                                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Bertrand, Deslauriers                                                            POUR LA DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

John H. Sims, c.r.                                                       POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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