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Date : 20231110

Dossier : T‑576‑23

Référence : 2023 CF 1498

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 10 novembre 2023

En présence de monsieur le juge adjoint Trent Horne

ENTRE :

CRB CONSULTING INC.

demanderesse/

défenderesse reconventionnelle

et

MASSAGE ADDICT INCORPORATED et

2798639 ONTARIO INC.

S/N MASSAGE ADDICT APPLEWOOD

défenderesses/

demanderesses reconventionnelles

ORDONNANCE ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La requête en cautionnement pour dépens présentée par les défenderesses est accompagnée d’un affidavit d’un enquêteur privé qui a entrepris des recherches pour faire l’inventaire des actifs de la demanderesse. L’enquêteur a obtenu un rapport de solvabilité commerciale pour la demanderesse, mais ne l’a pas communiqué. Ce rapport contient des renseignements qui pourraient être favorables à la demanderesse.

[2] Dans le cadre d’une requête en cautionnement pour dépens, le fardeau initial qui incombe à la partie qui présente la requête n’est pas lourd; il suffit qu’elle produise une preuve prima facie que la partie demanderesse pourrait être incapable de payer les dépens. Si la partie défenderesse en fait la preuve, il incombe alors à la partie demanderesse de démontrer qu’elle détient au Canada des actifs suffisants pour payer les dépens de la défenderesse ou, qu’elle est indigente, mais que l’action qu’elle intente est bien fondée.

[3] La partie défenderesse qui présente une requête en cautionnement pour dépens ne devrait pas être encouragée à communiquer des renseignements partiels ou sélectifs, en ne révélant que les faits ou les documents qui l’aideraient à s’acquitter de son fardeau initial.

[4] Dans le cadre de la présente requête, les défenderesses se sont acquittées de leur fardeau initial. L’analyse à cet égard comprend l’examen du rapport de solvabilité commerciale, qui est réputé faire partie de la preuve des défenderesses. Faute d’éléments de preuve admissibles de la part de la demanderesse, le cautionnement pour dépens sera accordé.

II. Contexte

[5] Dans le cadre de la présente action en contrefaçon de brevet, la demanderesse revendique les droits conférés par le brevet canadien 2,636,116 (le brevet 116) qui porte, de manière générale, sur une méthode et un appareil servant à faire la facturation pour les traitements thérapeutiques. La demanderesse allègue que le brevet 116 a été contrefait (directement ou par incitation) par Massage Addict Incorporated, un franchiseur de cliniques qui offrent divers services thérapeutiques, et une société à numéro qui est une franchisée.

[6] Les actes de procédure sont clos. Les défenderesses ont déposé une requête en cautionnement pour dépens, au motif qu’il y a lieu de croire que la demanderesse ne détient pas au Canada des actifs suffisants pour payer les dépens des défenderesses advenant qu’il lui soit ordonné de le faire (article 416(1)b) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles)). S’appuyant sur l’alinéa 416(1)g) des Règles, les défenderesses affirment également qu’il y a lieu de croire que l’action est frivole ou vexatoire.

III. Cautionnement pour dépens

[7] Le pouvoir prévu à l’alinéa 416(1)b) des Règles est de nature discrétionnaire. Suivant cette disposition, lorsqu’il paraît évident à la Cour que le demandeur est une personne morale et qu’il y a lieu de croire qu’il ne détient pas au Canada des actifs suffisants pour payer les dépens advenant qu’il lui soit ordonné de le faire, la Cour peut ordonner au demandeur de fournir le cautionnement pour les dépens qui pourraient être adjugés au défendeur.

[8] Le fardeau initial qui incombe à la partie qui présente la requête n’est pas lourd; il suffit qu’elle produise une preuve prima facie que la partie demanderesse pourrait être incapable de payer les dépens. Si la partie défenderesse en fait la preuve, il incombe alors à la partie demanderesse de démontrer qu’elle détient au Canada des actifs suffisants pour payer les dépens de la défenderesse ou qu’elle est indigente, mais que l’action qu’elle intente est bien fondée (Double Diamond Distribution, Ltd. c Crocs Canada Inc., 2019 CF 1373 aux para 12-14 (Double Diamond)).

 

[9] Le droit au cautionnement pour dépens ne s’obtient pas automatiquement. La Cour conserve le pouvoir discrétionnaire de rejeter une demande de fournir un cautionnement dans les cas où il n’y a pas de danger réel pour le défendeur en ce qui concerne le recouvrement des dépens après qu’un jugement aura été rendu en sa faveur (Pembina County Water Resource District c Manitoba, 2005 CF 1226 au para 14).

[10] Selon l’alinéa 416(1)g) des Règles, il faut établir à la fois qu’il y a lieu de croire que l’action est frivole ou vexatoire et que le demandeur ne détiendrait pas au Canada des actifs suffisants pour payer les dépens du défendeur s’il lui est ordonné de le faire. La preuve d’une apparence de caractère frivole ou vexatoire est fort différente de la norme de preuve absolue du caractère frivole ou vexatoire exigée par la Cour en application de l’article 221 des Règles dans le cadre d’une demande de radiation. Ce que la Cour peut examiner au titre de l’alinéa 416(1)g) des Règles est la question de savoir s’il y a lieu de croire que l’instance est frivole et vexatoire en ce sens qu’il ne serait pas juste et honnête d’utiliser la procédure de la Cour ou que l’action soit intentée à des fins collatérales ou inappropriées (Maheu c IMS Health Canada, 2002 CFPI 558 aux para 16-24).

IV. Les éléments de preuve

[11] Afin d’évaluer le risque que le demandeur ne puisse pas payer les dépens adjugés, il est nécessaire d’évaluer la somme à laquelle pourraient s’élever les dépens.

[12] Les documents relatifs à la requête des défenderesses comprennent un projet de mémoire de frais pour toutes les étapes jusqu’au procès, inclusivement. Les honoraires sont estimés à 213 807,30 $ (selon la colonne IV du tarif) et les débours, à 426 500,00 $. Les débours estimatifs sont en grande partie (400 000,00 $) liés aux témoins experts.

[13] La demanderesse critique à juste titre le projet de mémoire de frais. La durée estimée des interrogatoires préalables (6 jours) et du procès (15 jours) semble généreuse. Il ne va pas de soi que les débours relatifs aux experts se situeraient dans la fourchette prévue. Le projet de mémoire de frais comprend les honoraires d’un second avocat pour certains articles, mais ceux‑ci ne sont disponibles que si la Cour l’ordonne, et aucune pareille directive n’a été donnée.

[14] Les défenderesses invoquent la décision Swist c MEG Energy Corp, 2021 CF 198 (Swist), une affaire en matière de brevet dans laquelle des dépens d’une somme globale de 521 932,93 $ ont été adjugés à la défenderesse qui a obtenu gain de cause. Les dépens ont été calculés selon la fourchette la plus élevée de la colonne V du tarif B. Je souligne que, dans la décision Swist, l’instance a été scindée; à moins qu’une ordonnance de disjonction ne soit rendue en l’espèce, les interrogatoires préalables et l’instruction porteront à la fois sur la responsabilité et les dommages-intérêts.

[15] Les défenderesses s’appuient sur des décisions dans lesquelles des sommes forfaitaires ont été adjugées au titre des dépens (par exemple, Seedlings Life Science Ventures, LLC c Pfizer Canada SRI, 2020 CF 505, où des dépens de 2 629 062 $, taxes et débours compris, ont été adjugés à la défenderesse qui a obtenu gain de cause). Certains juges ont adjugé des dépens sous forme de somme forfaitaire, alors que d’autres, non. Sauf ordonnance contraire, les dépens sont taxés en conformité avec la colonne III du tarif B (article 407 des Règles). Je ne peux pas supposer que les défenderesses, si elles obtiennent gain de cause, recevront des dépens calculés selon la colonne IV, ou une somme nettement supérieure au tarif.

[16] Compte tenu de tout ce qui précède, le projet de mémoire de frais présenté par les défenderesses est peut-être élevé, mais il demeure, de manière générale, dans la fourchette des dépens qui pourraient être adjugés.

[17] La requête des défenderesses est étayée par un affidavit d’un enquêteur privé, soit Stephen Rodger. L’affidavit de M. Rodger est accompagné d’un rapport de profil commercial de la demanderesse, portant sur diverses recherches qu’il a effectuées et les actifs dont la demanderesse semble être propriétaire. M. Rodger n’a pas été en mesure de trouver un lieu d’affaires distinct pour la demanderesse (l’adresse commerciale de la demanderesse est la même que celle d’une autre entreprise, soit Canadian Institute of Sports Medicine) ou un site Web. La demanderesse ne détient aucun immeuble commercial, résidentiel ou récréatif en Ontario. Dans le cadre de ses recherches, M. Rodger a découvert une sûreté grevant deux VUS Toyota enregistrée au nom de la demanderesse et des droits de propriété relatifs à trois brevets canadiens et un brevet américain.

[18] M. Rodger a été contre‑interrogé. Il a été révélé en contre‑interrogatoire que M. Rodger avait également obtenu un rapport de solvabilité commerciale d’Equifax pour la demanderesse dans le cadre de ses recherches, mais qu’il n’avait pas communiqué ce rapport avec son affidavit. La raison de cette omission n’a pas été examinée au cours du contre‑interrogatoire. On ignore si l’omission était accidentelle ou intentionnelle. Je ne tire aucune conclusion à ce sujet.

[19] On ne connaît pas très bien la manière dont les rapports d’Equifax sont créés, ni quel est leur degré de fiabilité. Le rapport d’Equifax obtenu par M. Rodger indique que le « volume des ventes » de la demanderesse s’établissait à 289 812,00 $ en date du 6 décembre 2022. Le rapport d’Equifax indique également que la demanderesse n’a pas de comptes en souffrance et ne fait l’objet d’aucun jugement. On y trouve également différents scores, comme le score du risque de défaillance d’entreprise, le score de défaillance commerciale et le score de défaillance des opérations financières. Les risques pour la demanderesse dans ces domaines sont décrits comme faibles ou moyens.

[20] M. Rodger n’est pas présenté à titre de témoin expert et n’a donc pas l’obligation primordiale d’aider la Cour. La présente requête n’a pas été présentée ex parte, conditions dans le cadre desquelles les parties et les avocats ont l’obligation exceptionnelle de franchise, c’est-à-dire l’obligation d’exposer de manière complète et sincère tous les renseignements pertinents. Cela dit, que l’omission ait été accidentellement ou intentionnellement, M. Rodger était au courant de renseignements qui étaient importants relativement à l’objet de l’enquête qu’on lui avait demandé de faire et ne les a pas communiqués. La partie défenderesse qui présente une requête en cautionnement pour dépens ne devrait pas être encouragée à communiquer des renseignements partiels ou sélectifs, en ne révélant que les faits ou les documents qui l’aiderait à s’acquitter de son fardeau initial. Par conséquent, je considérerai que le rapport d’Equifax fait partie de la preuve des défenderesses lorsqu’il s’agira de déterminer si elles se sont acquittées de leur fardeau initial. Cet élément sera également pris en compte dans le cadre de la taxation des dépens relatifs à la requête.

[21] La demanderesse a déposé en preuve un affidavit souscrit par un assistant juridique à l’emploi du cabinet d’avocats qui la représente. L’affidavit est accompagné de trois jeux d’états financiers annuels de la demanderesse. Il s’agit d’une preuve par ouï‑dire non admissible.

[22] Les états financiers ne sont pas vérifiés. On y mentionne que les comptables qui les ont préparés n’expriment aucune assurance à leur égard et que les lecteurs sont avisés que ces états peuvent ne pas convenir à leurs fins. La mise en garde n’est pas identique sur les trois documents, mais demeure la même en principe.

[23] Seuls les documents sont joints à l’affidavit. Il n’y a aucune déclaration indiquant que l’auteur de l’affidavit a une connaissance directe des faits contenus dans les états financiers. L’auteur de l’affidavit ne fait que communiquer des renseignements reçus de la part de comptables qui, à leur tour, se fondaient sur des renseignements que la demanderesse leur avait envoyés. Il s’agit de la définition même du ouï‑dire.

[24] Comme les états financiers ont été présentés par l’intermédiaire d’un assistant juridique, les défenderesses ne pouvaient pas contre‑interroger quiconque ayant une connaissance personnelle des actifs et des passifs de la demanderesse. J’en tire une conclusion défavorable, car la demanderesse a cherché à produire des éléments de preuve de cette façon.

V. Analyse

[25] L’avis de requête des défenderesses est fondé sur l’alinéa 416(1)g) des Règles, mais les observations écrites ne disent pratiquement rien à ce sujet et la question n’est pas soulevée dans les plaidoiries. Les défenderesses soulignent que la demande de brevet américain correspondant au brevet 116 a fait l’objet d’une décision par la Patent Trial and Appeal Board du United States Patent and Trademark Office (PTAB), qui a confirmé la décision par laquelle l’examinateur avait rejeté les cinq revendications au motif qu’elles étaient évidentes et qu’elles visaient un objet non prévu par la loi.

[26] Bien qu’il soit possible que les défenderesses aient eu une argumentation solide en matière d’invalidité, une décision du PTAB, sans plus, ne permet pas d’établir qu’il y a lieu de croire que l’action de la demanderesse n’est pas une utilisation juste et honnête de la procédure de la Cour, ou que l’action a été intentée à des fins collatérales ou inappropriées. La requête présentée par les défenderesses en application de l’alinéa 416(1)g) des Règles peut être rejetée sommairement.

[27] En ce qui concerne la réparation au titre de l’alinéa 416(1)b) des Règles, si une partie défenderesse présente des éléments de preuve qui peuvent justifier une ordonnance de cautionnement pour dépens, la partie demanderesse a trois options : faire valoir que la partie défenderesse ne s’est pas acquittée de son fardeau initial, et ne présenter aucun élément de preuve; présenter des éléments de preuve démontrant qu’elle sera en mesure de s’acquitter du paiement des dépens adjugés; ou faire la preuve de son indigence et faire valoir que l’ordonnance de cautionnement l’empêcherait d’avoir accès à la Cour.

[28] Les états financiers de la demanderesse ne sont pas admissibles; la demanderesse n’a présenté aucun autre élément de preuve démontrant qu’elle possède des actifs suffisants pour s’acquitter du paiement des dépens adjugés. La demanderesse n’a pas affirmé qu’elle était indigente et qu’un cautionnement pour dépens l’empêcherait de poursuivre son action. La seule question consiste à déterminer si les défenderesses se sont acquittées de leur fardeau initial.

[29] Dans le contexte d’une demande de cautionnement pour dépens, il est tout à fait justifié d’imposer un fardeau initial modeste à la partie défenderesse qui a présenté la requête. Il est peu probable qu’une partie défenderesse ait une connaissance détaillée des actifs, des passifs et de la situation financière d’une partie demanderesse, surtout pour les sociétés privées comme la demanderesse. Toutefois, une partie défenderesse qui présente une requête doit quand même présenter des éléments de preuve pour convaincre la Cour qu’il y a lieu de croire que la partie demanderesse ne détient pas au Canada des actifs suffisants pour payer les dépens advenant qu’il lui soit ordonné de le faire. Si pareille preuve n’est pas produite, l’ordonnance de cautionnement ne peut être accordée.

[30] Les défenderesses soutiennent que certains indices peuvent ou doivent être quasi déterminants lorsqu’il s’agit de trancher une demande de cautionnement pour dépens. La défenderesse souligne la dénomination sociale de la demanderesse, CRB Consulting Inc. Il semble que « CRB » soient les initiales du président de la demanderesse, Chris Bulley. Il s’agit d’un élément à surveiller, puisqu’il pourrait indiquer qu’une entreprise existe en tant que bouclier fiscal ou à d’autres fins. Les défenderesses décrivent également la demanderesse comme une société à responsabilité limitée ou une société de portefeuille. Même si ces facteurs devront être pris en considération par la Cour lorsqu’elle déterminera s’il y a lieu de croire qu’une partie demanderesse ne détiendrait pas des actifs suffisants pour payer les dépens adjugés, il relève toujours de son pouvoir discrétionnaire d’accorder ou non une ordonnance de cautionnement pour dépens. L’article 416 des Règles n’établit pas de présomption selon laquelle certains types de personnes morales demanderesses sont tenus de verser un cautionnement pour dépens. Chaque cas dépend des faits qui lui sont propres.

[31] Les demanderesses accordent un poids important à la décision Double Diamond. Dans cette affaire, une requête en cautionnement pour dépens présentée en application de l’alinéa 416(1)b) des Règles a été rejetée parce que les éléments de preuve produits par les défenderesses ne disaient rien au sujet des actifs que détenait la demanderesse au Canada, ou du manque d’actifs suffisants pour acquitter les dépens adjugés (une ordonnance pour cautionnement a été rendue en vertu de l’article 416(1)e) des Règles). Bien que l’affaire Double Diamond et la présente espèce présentent des similitudes (les demanderesses dans les deux décisions semblent poursuivre leurs activités; et rien dans la preuve n’indique qu’il existe des dettes impayées qui épuiseraient les actifs de la demanderesse), il existe également des différences importantes.

[32] Dans le cadre de la présente requête, les défenderesses ont présenté des éléments de preuve concernant l’absence d’actifs de la demanderesse au Canada. La demanderesse n’a aucun lieu d’affaires distinct ni bien immobilier. Bien que la demanderesse soit propriétaire de véhicules, ceux‑ci semblent faire l’objet d’une sûreté. La demanderesse est la propriétaire inscrite de brevets canadiens, mais la valeur de ces brevets est inconnue. Si les défenderesses réussissent à établir qu’il n’y a eu contrefaçon d’aucune revendication valide du brevet 116, la valeur de ce dernier serait certainement réduite.

[33] Même si je suppose que le rapport Equifax indique avec précision que les revenus de la demanderesse sont de 289 812,00 $, et que je suppose que ces revenus sont les mêmes d’une année à l’autre, il ne serait pas inhabituel qu’une période de trois ans s’écoule avant qu’une décision sur le fond soit rendue dans la présente instance. Si les défenderesses obtiennent gain de cause au procès, il est réaliste de prévoir que des dépens de l’ordre de 500 000,00 $ à 600 000,00 $ seront adjugés. Une fois adjugés, les dépens doivent être payés immédiatement et intégralement; il ne faut pas présumer que le paiement se fait par versements. Si, en fin de compte, la demanderesse n’obtient pas gain de cause, les dépens qui devraient être adjugés en faveur des défenderesses seront proportionnels aux recettes brutes de la demanderesse au cours des trois prochaines années. La demanderesse sera certainement tenue de payer les taxes et les dépenses courantes tout au long du procès. Nous nous attendons à ce que M. Bulley cherche à obtenir une certaine forme de rémunération. Compte tenu de l’ampleur des dépens qui pourraient être adjugés, par rapport aux recettes de la demanderesse, il existe une possibilité réelle que les défenderesses ne soient pas en mesure de recouvrer cette somme, même si la taxation des honoraires était fondée sur la colonne III du tarif.

[34] Par conséquent, je suis convaincu que la demanderesse ne détient pas au Canada des actifs suffisants pour payer les dépens qui pourraient être adjugés aux défenderesses advenant qu’il lui soit ordonné de le faire.

[35] En ce qui concerne le montant du cautionnement, les défenderesses demandent un paiement initial de 100 000,00 $ sur le fondement de la décision The Regents of University of California c I‑Med Pharma Inc, 2016 CF 606 (Regents). Dans la décision Regents, le demandeur avait volontairement versé un cautionnement de 50 000 $ et on lui avait ordonné de payer un cautionnement pour dépens supplémentaire de 50 000 $ (au para 97).

[36] Le projet de mémoire de frais des défenderesses n’étaye pas un paiement initial de 100 000,00 $. Même si j’acceptais sans réserve toutes les modalités du mémoire de frais des défenderesses jusqu’à la fin des interrogatoires préalables, les honoraires et frais s’élèveraient à environ 44 000,00 $. Comme je l’ai indiqué précédemment, j’ai des réserves à l’égard de la somme estimative relative aux interrogatoires préalables, qui, selon moi, est excessive et je crois que les honoraires seront taxés selon la colonne III, et non la colonne IV. Le mémoire de frais vise, vraisemblablement, le recouvrement pour au moins une requête.

[37] La Cour peut ordonner que le cautionnement pour dépens soit fourni en tranches (article 416(2) des Règles). Selon le mémoire de frais des défenderesses, il serait approprié d’adjuger des dépens de 50 000,00 $ jusqu’à la fin des interrogatoires préalable. Cette somme tient compte des débours pour les sténographes judiciaires et le travail initial avec les experts.

VI. Les dépens

[38] La Cour fédérale a le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens et de les répartir (article 400(1) des Règles).

[39] Notre Cour a ordonné que les dépens liés à la requête en production de documents (2023 CF 1215) présentée par la demanderesse soient adjugés à la suite de l’instruction de la présente requête.

[40] Même si les défenderesses ont réussi à obtenir une ordonnance de cautionnement pour dépens, le rapport d’Equifax aurait dû être joint à l’affidavit de l’enquêteur. En ce qui a trait à la réparation demandée au titre de l’alinéa 416(1)g) des Règles, les défenderesses n’ont pas eu gain de cause.

[41] La requête en production de documents présentée par la demanderesse a été rejetée.

[42] Après la communication de la décision relative à la présente requête aux parties, la demanderesse a indiqué qu’elle a présenté deux offres : une offre préliminaire pour verser un cautionnement de 15 000,00 $, puis une offre le 19 octobre 2023 pour verser un cautionnement de 35 000,00 $. Même si ces offres témoignaient à tout le moins d’une volonté de compromis et de négociation, la somme proposée était inférieure au montant du cautionnement ordonné par les tribunaux dans la majeure partie, sinon la totalité, de la jurisprudence.

[43] Compte tenu de ce qui précède, la demanderesse devra payer immédiatement des dépens de 1 250,00 $ pour la requête en production de documents (selon la colonne III du tarif). Elle devra payer la même somme relativement à la requête en cautionnement pour dépens, nonobstant l’issue de l’affaire.

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

  1. Conformément à l’alinéa 416(2) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (« Règles ») la demanderesse est tenue de fournir un cautionnement pour les dépens des défenderesses, selon l’échéancier suivant :

  • a)25 000,00 $ dans les 30 (30) jours suivant la date de la présente ordonnance;

  • b)25 000,00 $ au moins trente (30) jours avant le premier jour des interrogatoires préalables.

  1. Conformément à l’alinéa 416(3) des Règles, la demanderesse ne peut prendre d’autres mesures dans le cadre de la présente instance jusqu’à ce que le cautionnement visé à l’alinéa 1a) de la présente ordonnance ait été versé, sauf en cas d’appel de la présente ordonnance.

  2. Le montant du cautionnement prévu au paragraphe 1 de la présente ordonnance est sous toute réserve du droit des défenderesses de présenter une requête en vue d’obtenir un autre cautionnement pour dépens, au besoin.

  3. La requête des défenderesses est par ailleurs rejetée.

  4. Des dépens de 1 250,00 $ sont payables immédiatement par la demanderesse aux défenderesses, relativement à la requête en production de documents qu’elle a présentée.

  5. Des dépens de 1 250,00 $ sont payables par la demanderesse aux défenderesses, nonobstant l’issue de l’affaire, relativement à la requête en cautionnement pour dépens.

Vide

« Trent Horne »

Vide

Juge adjoint

 

Traduction certifiée conforme

Mélanie Lefebvre


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑576‑23

INTITULÉ :

CRB CONSULTING INC. c MASSAGE ADDICT INCORPORATED ET AL.

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 8 NOVEMBRE 2023

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE ADJOINT HORNE

DATE DES MOTIFS :

LE 10 NOVEMBRE 2023

COMPARUTIONS :

Jennifer Ko

Elizabeth S. Dipchand

Prerana Gaur

POUR LA DEMANDERESSE/

défenderesse reconventionnelle

Nicholas Whalen

Michelle Noonan

POUR LES DÉFENDERESSES/

demanderesses reconventionnelles

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dipchand LLP

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE/

défenderesse reconventionnelle

 

Deeth Williams Wall LLP

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDERESSES/

demanderesses reconventionnelles

 

 

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