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Date : 20231117


Dossier : IMM-9208-22

Référence : 2023 CF 1522

Ottawa (Ontario), le 17 novembre 2023

En présence de l’honorable madame la juge Rochester

ENTRE :

JESUNA DIEULINE LENGOMA

partie demanderesse

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

partie défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La demanderesse, Jesuna Dieuline Lengoma, est citoyenne de la République démocratique du Congo [Congo]. Elle sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue le 1er septembre 2022, selon laquelle la Section d’appel des réfugiés [SAR] a rejeté sa demande d’asile et a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés [SPR] à l’effet que la demanderesse n’a pas la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger au titre de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Décision].

[2] La demanderesse allègue craindre la persécution au Congo du fait qu’elle est la fille d’un ancien député du Parti congolais du travail qui était soupçonné de participer à un coup d’État en août 2017. La demanderesse a quitté le Congo pour aller étudier aux États-Unis en 2014. En janvier 2018, la demanderesse a déposé une demande d’asile aux États-Unis. Par la suite, la demanderesse a préféré se rendre au Canada pour y déposer une nouvelle demande d’asile en raison du climat d’incertitude de l’administration Trump aux États-Unis. La demanderesse a déposé sa demande d’asile au Canada au début novembre 2018.

[3] Tant pour la SAR que la SPR, la question déterminante était celle du risque prospectif de persécution pour la demanderesse advenant son retour au Congo. La SAR a conclu que la demanderesse impute des intentions à des acteurs étatiques et fait état d’une crainte de persécution qu’elle ne peut pas démontrer et qui n’est pas corroborée par la preuve documentaire objective. La SAR a bien saisi la crainte de la demanderesse, mais est d’avis qu’il s’agit ici de spéculations.

[4] La demanderesse soutient que la SAR a erré dans son analyse quant au risque prospectif de persécution en exigeant qu’elle démontre qu’elle a elle-même été persécutée dans le passé. La demanderesse allègue que la SAR a erré en ne prenant pas en compte la raison du lien familial, que les opinions politiques imputées à son père lui sont également imputées. Du point de vue de la demanderesse, son lien de parenté avec son père est suffisant pour la mettre en danger.

[5] Après avoir examiné le dossier dont la Cour est saisie, y compris les observations écrites et orales des parties, ainsi que le droit applicable, la demanderesse ne m’a pas convaincu que la Décision est déraisonnable. Pour les motifs qui suivent, et malgré la solide argumentation de l’avocat de la demanderesse, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

II. Norme de contrôle

[6] Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, telle qu’elle est énoncée dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]. Une décision raisonnable est une décision qui est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Vavilov au para 85). Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable est à la fois rigoureux et empreint de retenue (Vavilov aux para 12-13). À ce titre, la cour de révision doit faire preuve de retenue, surtout en ce qui concerne les conclusions de fait et l’appréciation de la preuve. Dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour doit s’abstenir d’apprécier à nouveau la preuve examinée par le décideur et, à moins de circonstances exceptionnelles, elle ne doit pas modifier les conclusions de fait (Vavilov au para 125).

III. Analyse

[7] Comme il a été mentionné précédemment, la question à trancher en l’espèce est le risque prospectif de persécution. La SAR a conclu que la demanderesse n’a pas démontré que les opinions politiques de son père lui sont imputées ni qu’elle serait pourchassée advenant son retour au Congo.

[8] Après avoir examiné le dossier, je ne suis pas convaincue que la SAR a commis une erreur susceptible de contrôle dans son analyse. Elle a considéré les allégations de la demanderesse et de son père, la preuve soumise, la preuve documentaire objective, et l’inexistence de gestes hostiles envers ses proches. La SAR a constaté que la preuve objective n’établit pas que les enfants d’individus impliqués en politique au Congo sont à risque de persécution. La SAR a compris la crainte de la demanderesse, mais est d’avis qu’il s’agit de spéculations. Sur la base du dossier dont je dispose, il n'y avait tout simplement aucune preuve, autre que les déclarations de la demanderesse et de son père, qu'elle risquait d’être en danger au Congo ou que les autorités congolaises s'intéresseraient à elle.

[9] Je suis d’accord avec l’assertion du défendeur selon laquelle l’existence du lien familial, seul, n’est simplement pas suffisant pour satisfaire au fardeau de la demanderesse. Sur la base du dossier devant la SAR, il était raisonnable pour la SAR de conclure que le risque prospectif n’avait pas été établi.

[10] Contrairement aux arguments de la demanderesse, je ne considère pas que la SAR ait commis une erreur dans la manière dont elle a considéré l’absence de gestes hostiles envers l’entourage du père de la demanderesse demeurant encore au Congo. La SAR a souligné que la demanderesse a témoigné que ni ses grands-parents ni ses amis n’avaient été contactés par les autorités pour s’informer de son père. Je reconnais que la demanderesse aurait souhaité que la SAR traite cette preuve différemment, mais je ne suis pas persuadée qu'il y existe une raison d'intervenir sur cette base.

[11] Je prends également note de l'argument de la demanderesse selon lequel la SAR aurait dû lui accorder le bénéfice du doute, étant donné que sa crédibilité n’était pas en jeu. Malheureusement pour la demanderesse, dans les circonstances du présent cas et compte tenu du dossier devant la SAR, cet argument n’est pas suffisant pour démontrer que la SAR a erré en concluant qu'elle n’a pas établi un risque sérieux de persécution advenant son retour au Congo.

[12] Par conséquent, à mon avis, la demanderesse ne s’est pas déchargée de son fardeau de démontrer le caractère déraisonnable de la Décision.

IV. Conclusion

[13] Pour les motifs qui précèdent, je conclus que la Décision dans son ensemble satisfait à la norme de la décision raisonnable énoncée dans Vavilov. L’analyse de la SAR quant au risque de persécution personnelle de la demanderesse advenant un retour au Congo est détaillée, logique et fondée sur la preuve au dossier. La présente demande de contrôle judiciaire est donc rejetée. Aucune question de portée générale n’a été soumise pour certification et je conviens qu’aucune ne se pose.


JUGEMENT au dossier IMM-9208-22

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire de la demanderesse est rejetée; et

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Vanessa Rochester »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-9208-22

INTITULÉ :

JESUNA DIEULINE LENGOMA c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 26 OCTOBRE 2023

JUGEMENT ET motifs :

LA JUGE ROCHESTER

DATE DES MOTIFS :

LE 17 novembre 2023

COMPARUTIONS :

Me Aristide M. Koudiatou

Pour LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Simone Truong

Pour LA PARTIE DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Aristide M. Koudiatou

Montréal (Québec)

Pour LA PARTIE DEMANDERESSE

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

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