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Date : 20230119


Dossier : T-1355-21

Référence : 2023 CF 81

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 19 janvier 2023

En présence de monsieur le juge McHaffie

ENTRE :

LUC BESSETTE

demandeur

et

SA MAJESTÉ LE ROI DU CHEF DE LA PROVINCE DE LA COLOMBIE‑BRITANNIQUE ET LE MINISTRE DE LA SANTÉ DE LA COLOMBIE‑BRITANNIQUE

défendeurs

ORDONNANCE ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Les défendeurs, que je désigne sous le nom de « Colombie‑Britannique », interjettent appel de l’ordonnance du 23 septembre 2022 par laquelle la juge adjointe Tabib a, en sa qualité de juge responsable de la gestion de l’instance, rejeté la requête en scission de la présente instance relative à des brevets. Pour les motifs qui suivent, je conclus que la juge adjointe Tabib n’a pas commis d’erreur de droit ni d’erreur manifeste et dominante dans l’application du droit à la preuve dont elle disposait ou dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de ne pas accorder la scission. L’appel sera donc rejeté.

II. Questions en litige et normes de contrôle

[2] Les arguments de la Colombie‑Britannique dans le présent appel soulèvent les principales questions suivantes :

  1. La juge responsable de la gestion de l’instance a‑t‑elle appliqué un mauvais critère juridique en exigeant de la Colombie‑Britannique qu’elle présente des éléments de preuve quantitatifs démontrant les économies de temps et d’argent qui découleraient de la scission?

  2. La juge responsable de la gestion de l’instance a‑t‑elle commis une erreur en interprétant de manière erronée les éléments de preuve pertinents relatifs aux avantages de la scission ou en en faisant abstraction?

[3] Les normes applicables en appel s’appliquent au contrôle par la Cour de la décision d’un juge adjoint : Corporation de soins de la santé Hospira c Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215 aux para 2, 66‑79, renvoyant à l’arrêt Housen c Nikolaisen, 2002 CSC 33. Les questions de droit, y compris celles qu’il est possible d’isoler des conclusions mixtes de fait et de droit, sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte. Les questions de fait et les questions mixtes de fait et de droit qui ne comportent pas de question de droit isolable sont quant à elles susceptibles de contrôle selon la norme de l’erreur manifeste et dominante : Hospira, au para 66, renvoyant à l’arrêt Housen, aux para 19‑37; Bauer c Canada, 2021 CAF 198 au para 11. Ces mêmes normes s’appliquent aux décisions discrétionnaires, bien que la Cour suprême du Canada ait utilisé des termes quelque peu différents, mais équivalents, pour décrire la norme de contrôle applicable à ces décisions : Hospira, aux para 67‑79, renvoyant à l’arrêt Imperial Manufacturing Group Inc c Decor Grates Incorporated, 2015 CAF 100 aux para 25‑27, 29; et Banque Canadienne Impériale de Commerce c Green, 2015 CSC 60 au para 95.

[4] Il est important de noter que le rôle de la Cour en appel n’est pas de décider si elle exercerait son pouvoir discrétionnaire à l’égard de la scission de la même manière ou d’une manière différente que l’a fait la juge responsable de la gestion de l’instance. Elle doit simplement déterminer si la juge responsable de la gestion de l’instance a commis une erreur de droit ou une erreur manifeste et dominante sur une question de fait ou sur une question mixte de fait et de droit dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

III. Analyse

A. La juge responsable de la gestion de l’instance n’a pas appliqué un mauvais critère juridique

1) Le contexte de la requête en scission

[5] Il s’agit d’une action en contrefaçon de brevets. Le Dr Luc Bessette affirme que le système de dossiers de santé électroniques de la Colombie‑Britannique, appelé CareConnect, et son infrastructure sous‑jacente contrefont deux de ses brevets relatifs à la gestion électronique de dossiers de santé. Le Dr Bessette a auparavant intenté une action devant notre Cour contre le procureur général du Québec et la Régie de l’assurance maladie du Québec (dossier de la Cour no T‑975‑16) à l’égard des deux mêmes brevets. Avec le consentement des parties, cette instance a fait l’objet d’une scission de sorte que les interrogatoires préalables et l’instruction de la question de la responsabilité (notamment en ce qui concerne la validité des brevets et leur contrefaçon) ont eu lieu avant que la question de la quantification des dommages‑intérêts soit tranchée. Après l’instruction de la question de la responsabilité, le juge LeBlanc, maintenant juge à la Cour d’appel fédérale, a accueilli en partie l’action du Dr Bessette et a conclu que les revendications à l’égard des deux brevets étaient valides et qu’il y avait eu contrefaçon : Bessette c Québec (Procureure générale), 2019 CF 393 aux para 546, 551. Un appel et la partie subséquente de l’instruction portant sur la question de la quantification ont été réglés plus tard, soit en février 2021.

[6] La présente action a été intentée en août 2021. À la suite d’une suspension à laquelle les parties ont consenti pour permettre à la Colombie‑Britannique d’examiner l’affaire et d’envisager un règlement, les actes de procédure ont été clos en avril 2022. La Colombie‑Britannique a fait part de son intention de demander la scission de l’instance en juillet 2022 et a déposé sa requête en août 2022.

[7] À l’appui de sa requête en scission, la Colombie‑Britannique a déposé les affidavits de Wade Bailey, architecte d’entreprise au sein de la division de la santé numérique de l’agence provinciale des services de santé (Provincial Health Services Authority) de la Colombie‑Britannique; de Christine S. Meyer, docteure en économie ayant acquis une vaste expérience de l’évaluation des dommages‑intérêts dans les affaires de propriété intellectuelle; et d’Amy L. Jobson, parajuriste auprès des avocats de la Colombie‑Britannique. M. Bailey et Mme Meyer ont été contre‑interrogés à propos de leurs affidavits.

[8] Au cœur de la requête de la Colombie‑Britannique se trouve le fait que les questions de la responsabilité et de la quantification dans la présente action sont particulièrement complexes compte tenu du nombre de revendications concernant les brevets en litige et de l’architecture du système de dossiers de santé électroniques de la province. CareConnect interagit avec 20 à 25 systèmes provinciaux et régionaux différents et communique avec eux de différentes façons et concernant divers types de dossiers de santé. La plateforme a fait l’objet d’un certain nombre de modifications au fil du temps. Le Dr Bessette invoque un total de 42 revendications pour les deux brevets, avec des dates d’expiration différentes, tandis que les actes de procédure soulèvent également des questions concernant le délai de prescription applicable. La Colombie‑Britannique fait valoir que, en raison de tous ces facteurs, de multiples conclusions relatives à la responsabilité pourraient être tirées, tant sur le fond que sur les délais. Il pourrait s’agir, par exemple, de conclusions selon lesquelles certains aspects du système contrefont les brevets alors que d’autres ne les contrefont pas. La Colombie‑Britannique soutient que la scission permettrait aux parties et à la Cour de réaliser des économies de temps et d’argent puisque les dommages‑intérêts pourraient être quantifiés en fonction uniquement des conclusions de la Cour relatives à la responsabilité sans qu’il soit nécessaire d’envisager toutes les issues possibles du procès sur la responsabilité.

[9] Le Dr Bessette s’est opposé à la requête de la Colombie‑Britannique et a déposé son propre affidavit en réponse. L’opposition du Dr Bessette à la scission était principalement fondée sur le temps nécessaire pour l’obtention d’un jugement définitif et sur les coûts afférents. Ses préoccupations étaient fondées en partie sur son expérience dans le litige mettant en cause le Québec, qui a finalement été réglé près de deux ans après le prononcé du jugement sur la question de la responsabilité. Le Dr Bessette a noté que, contrairement à la Colombie‑Britannique, il n’avait pas nécessairement le loisir d’attendre aussi longtemps compte tenu de son âge (67 ans). Il a également été contre‑interrogé.

2) La décision par laquelle la juge responsable de la gestion de l’instance a rejeté la requête en scission

[10] La juge adjointe Tabib a entendu la requête en scission de la Colombie‑Britannique le 22 septembre 2022 et l’a rejetée pour des motifs prononcés à l’audience. Une ordonnance écrite a été rendue le lendemain, exposant les motifs prononcés à l’audience, lesquels ont été révisés du point de vue linguistique et pour en faciliter la compréhension.

[11] Comme l’a fait remarquer la juge responsable de la gestion de l’instance, les parties n’ont pas contesté le fait que le droit applicable exige du requérant qu’il établisse à la satisfaction de la Cour [traduction] « que la scission permettrait vraisemblablement de trancher les questions en litige d’une manière qui soit juste et la plus expéditive et économique possible, quelle que soit l’issue quant à la question de la responsabilité ». Elle a conclu que la Colombie‑Britannique n’avait pas respecté ce critère, [traduction] « tant s’en faut ».

[12] La juge responsable de la gestion de l’instance n’était pas convaincue que la preuve présentée par la Colombie‑Britannique démontrait que la scission a) mènerait plus rapidement à l’instruction de la question de la responsabilité, ce qui signifie que le règlement complet de l’affaire serait prolongé d’au moins 18 mois si le Dr Bessette obtenait gain de cause quant à la responsabilité; b) réduirait vraisemblablement le temps nécessaire à la tenue des interrogatoires préalables sur la question de la quantification; ou c) permettrait de réaliser des économies substantielles concernant la préparation des rapports d’experts sur la quantification ou concernant la durée de l’instruction de cette question, de manière à compenser les [traduction] « inefficacités inhérentes à la scission ». Avant de conclure que la Colombie‑Britannique n’avait pas démontré que la scission était justifiée, la juge responsable de la gestion de l’instance a estimé que l’opinion de Mme Meyer était [traduction] « entièrement théorique » puisqu’elle était fondée sur des hypothèses injustifiées concernant le calcul des redevances raisonnables et l’existence de solutions qui ne constituent pas une contrefaçon.

3) Les motifs de la juge responsable de la gestion de l’instance ne révèlent aucune erreur de droit quant au critère applicable.

[13] Les requêtes en scission d’une instance sont présentées en vertu de l’article 107 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, selon lequel la Cour peut, « à tout moment, ordonner l’instruction d’une question soulevée ou ordonner que les questions en litige dans une instance soient jugées séparément ». Le critère général à l’égard des requêtes en scission n’a pas changé depuis sa formulation dans la décision Illva Saronno SpA c Privilegiata Fabbrica Maraschino « Excelsior », [1999] 1 CF 146. Renvoyant au principe général énoncé à l’article 3 des Règles des Cours fédérales, le juge Evans, plus tard juge à la Cour d’appel fédérale, a décrit l’approche de la manière suivante :

[D]ans le cadre d’une requête présentée en vertu de [l’article 107 des Règles], la Cour peut ordonner l’ajournement des interrogatoires préalables et de la détermination des questions de redressement tant que les interrogatoires préalables et l’instruction concernant la question de la responsabilité n’auront pas eu lieu, si elle est convaincue selon la prépondérance des probabilités que, compte tenu de la preuve et de toutes les circonstances de l’affaire (y compris la nature de la demande, le déroulement de l’instance, les questions en litige et les redressements demandés), la disjonction permettra fort probablement d’apporter au litige une solution qui soit juste et la plus expéditive et économique possible.

[Non souligné dans l’original; Illva Saronno, au para 14.]

[14] Ce critère, qui reflète le principe général énoncé à l’article 3 des Règles des Cours fédérales, a été repris plusieurs fois par notre Cour et confirmé par la Cour d’appel fédérale : voir, par exemple, Value Village Market (1990) Ltd c Value Village Stores Co, 1999 CanLII 8906 (CF) au para 5; Apotex Inc c Bristol‑Myers Squibb Co, 2003 CAF 263 aux para 3, 7, 10; South Yukon Forest Corporation c Canada, 2005 CF 670 au para 4; Wi‑Lan Inc c Apple Canada Inc, 2022 CF 276 au para 4. Bien que l’article 3 des Règles des Cours fédérales ait récemment été modifié pour que, dans la version anglaise, l’expression « least expensive outcome » remplace désormais l’expression « least expensive determination » et pour que les versions française et anglaise fassent expressément référence au principe de proportionnalité, ces modifications n’ont aucune répercussion fondamentale sur le critère applicable aux requêtes en scission.

[15] Comme le fait remarquer le Dr Bessette, la scission d’une action constitue une mesure qui s’écarte du principe selon lequel « une partie à un litige a le droit fondamental d’obtenir le règlement de toutes les questions en litige dans le cadre d’un seul et même procès » : Apotex, au para 7, renvoyant à Elcano Acceptance Ltd et al v Richmond, Richmond, Stambler & Mills, 1986 CanLII 2591 (CA Ont); Realsearch Inc c Valon Kone Brunette Ltd, 2004 CAF 5 au para 17; T‑Rex Property AB c Pattison Outdoor Advertising Limited Partnership, 2019 CF 1004 au para 18. Selon le processus par défaut prévu pour les actions sous le régime des Règles des Cours fédérales, toutes les questions sont entendues et tranchées ensemble dans une seule instruction : Règles des Cours fédérales, partie 4. Le fait d’éviter la multiplication des interrogatoires préalables, des instructions et des appels signifie qu’il sera « normalement plus efficace d’exiger que toutes les questions en litige dans une instance soient réglées ensemble plutôt que séparément » : Illva Saronno, au para 15; Value Village, au para 6.

[16] En même temps, les Règles des Cours fédérales prévoient une certaine latitude, lorsque les circonstances le justifient, grâce à des processus tels que l’instruction préliminaire de questions ou la scission des questions : Règles des Cours fédérales, art 106‑107, 213‑215, 220; Realsearch, au para 12. Le « droit fondamental » est donc nuancé par les Règles des Cours fédérales et par la capacité de la Cour à contrôler ses propres processus pour favoriser un accès juste, expéditif et abordable au système de justice : Farmobile, LLC c Farmers Edge Inc, 2022 CF 22 au para 112, renvoyant à Tracbeam, LLC v Bell Mobility Inc, [2019] FCJ No 1615 aux para 16‑18, renvoyant à son tour à Hryniak c Mauldin, 2014 CSC 7 au para 2. Néanmoins, comme la scission est une mesure par laquelle l’on s’écarte du principe par défaut qui consiste à trancher toutes les questions dans une seule instruction, il incombe au requérant de justifier la prise de cette mesure : Apotex, au para 7.

[17] Comme le soutient la Colombie‑Britannique, la scission est relativement courante dans les litiges complexes en matière de brevets. En effet, les avocats ont l’habitude de consentir à une ordonnance de scission : voir Apotex, aux para 8‑9. Également, dans certains cas, le juge de première instance peut conclure qu’une affaire qui n’a pas été scindée aurait en fait dû l’être : Paid Search Engine Tools, LLC c Google Canada Corporation, 2022 CF 519 aux para 25‑27. Toutefois, cette possibilité ne change en rien le fait que l’examen d’une requête en scission est propre au litige particulier dont est saisie la Cour et dépend de la preuve déposée à l’égard des circonstances de ce litige : voir Realsearch, au para 17.

[18] La Colombie‑Britannique ne conteste pas la reformulation qu’a faite la juge responsable de la gestion de l’instance de la question qui tranche en définitive la requête en scission, telle qu’elle est reproduite au paragraphe 11 ci‑dessus. La Colombie‑Britannique soutient plutôt que la juge responsable de la gestion de l’instance a relevé à tort la norme de preuve en concluant qu’elle ne s’était pas acquittée de son fardeau. La juge responsable de la gestion de l’instance a en fait exigé des éléments de preuve quantitatifs des économies précises que la scission aurait permis de réaliser, et non simplement des éléments de preuve qualitatifs selon lesquels des économies auraient été réalisées. La Colombie‑Britannique renvoie au dernier paragraphe des motifs de la juge adjointe Tabib, qui est ainsi rédigé :

[traduction]

Enfin, même si l’on suppose que la scission limite et simplifie effectivement la portée de la question de la quantification et qu’il n’y a pas de chevauchement inutile, il est impossible de mesurer, à partir du dossier, l’ampleur des économies potentielles; même les défendeurs le reconnaissent. L’économie de quelques jours d’audience ou même de 100 000 $ en frais d’experts ne saurait compenser les inefficacités et les coûts inhérents à la scission d’une instance. Il ne suffit pas de prouver que le fait de trancher d’abord la question de la responsabilité permettrait de limiter la portée des questions en litige et de gagner du temps. Si tel était le cas, toutes les actions seraient scindées. Les économies doivent être substantielles et doivent l’emporter sur les inefficacités inhérentes à la scission. Les défendeurs n’ont pas démontré que c’était bien le cas.

[Non souligné dans l’original.]

[19] La Colombie‑Britannique fait valoir que, dans sa décision, la juge responsable de la gestion de l’instance exige bel et bien à tort de la partie qui demande la scission qu’elle quantifie la somme précise des économies qui seraient réalisées, ce qui, selon elle, est essentiellement impossible aux premières étapes du litige, où la présentation d’une requête en scission est la plus fréquente et la plus avantageuse.

[20] Je ne suis pas d’accord avec la Colombie‑Britannique, et ce, pour deux motifs. Premièrement, je ne considère pas que les motifs de la juge responsable de la gestion de l’instance imposent des critères particuliers quant aux éléments de preuve qui doivent invariablement être présentés dans les requêtes en scission. Les circonstances de chaque litige ainsi que les facteurs qui sont favorables ou défavorables à la scission dans une affaire donnée sont nécessairement différents de ceux des autres affaires. Les éléments de preuve suffisants pour convaincre la Cour qu’elle devrait exercer son pouvoir discrétionnaire et ordonner la scission peuvent donc être différents d’une affaire à l’autre. La juge responsable de la gestion de l’instance a réalisé son évaluation en fonction de la preuve présentée en l’espèce, preuve qu’elle a jugée insuffisante pour justifier la scission.

[21] Deuxièmement, rien dans les motifs de la juge responsable de la gestion de l’instance n’indique qu’elle a compris qu’une partie, ou la Colombie‑Britannique en particulier, était tenue de présenter des éléments de preuve quantitatifs particuliers montrant la somme exacte des économies qui seraient réalisées. Elle a plutôt fait remarquer que le dossier ne donnait aucune indication de [traduction] « l’ampleur » des économies afin que la Cour puisse déterminer si ces économies sont suffisantes et l’emportent [traduction] « sur les inefficacités inhérentes à la scission ». Je ne relève aucune erreur dans cette façon de faire.

[22] Lorsque le principal avantage censé découler de la scission prend la forme d’économies de temps et d’argent ou de gains d’efficacité, comme en l’espèce, il incombe au requérant de convaincre la Cour que ces économies ou gains d’efficacité escomptés sont suffisants pour justifier la scission de l’instance. La Cour a décrit le facteur pertinent comme « le point de savoir si la procédure adoptée permettra des économies substantielles » [non souligné dans l’original], bien que le moment où ces économies pourraient être réalisées puisse également être pertinent : T‑Rex, aux para 19, 30.

[23] Par conséquent, et comme l’a souligné la juge responsable de la gestion de l’instance, il ne suffit pas que la partie qui sollicite l’ordonnance de scission montre simplement que certains gains d’efficacité ou économies peuvent être ou seront réalisés. Ces gains d’efficacité ou ces économies doivent être suffisants pour justifier l’ordonnance de scission demandée dans les circonstances de l’affaire eu égard à tous les autres facteurs pertinents, y compris les inefficacités inhérentes à de multiples instructions et le droit fondamental, même s’il n’est pas illimité, des parties à une instruction unique.

[24] Comme le souligne la juge responsable de la gestion de l’instance dans ses motifs, il est difficile pour la Cour de déterminer si les gains d’efficacité ou les économies de temps ou d’argent allégués sont suffisants pour justifier la scission sans que l’on ait au moins une idée de l’ampleur de ces gains ou économies. Contrairement à ce qu’affirme la Colombie‑Britannique, il ne s’agit ni d’une nouveauté ni d’un écart par rapport à la jurisprudence. Dans l’arrêt Realsearch, la Cour d’appel a souligné que l’affidavit présenté par les intimées à l’appui de leur requête ne fournissait aucune preuve particulière au litige concernant la durée prévue des interrogatoires préalables et de l’instruction, de sorte qu’il n’était « pas certain que l’ordonnance rendue en vertu de [l’article] 107 [des Règles aurait permis] de diminuer le temps consacré aux interrogatoires préalables et à l’instruction » : Realsearch, au para 17.

[25] De même, dans la décision Value Village, le juge Reed a noté que la question ne consistait pas seulement à savoir si des économies globales de temps et d’argent seraient réalisées, mais aussi « dans quelle mesure » la scission se traduirait par de telles économies, et il a conclu dans cette affaire que les questions de dommages-intérêts n’auraient pas pour effet de prolonger « de façon notable » les interrogatoires préalables : Value Village, aux para 9‑12. Dans la décision Illva Saronno, le juge Evans a examiné le nombre estimé de jours prévu pour les interrogatoires préalables et la durée potentielle de l’instruction, et il a finalement conclu que les défenderesses ne s’étaient pas acquittées du fardeau qui leur incombait : Illva Saronno, aux para 16‑20.

[26] Cela ne signifie pas que la preuve d’un requérant doit quantifier avec précision ou exactitude les économies de temps ou d’argent prévues. Comme le note à juste titre la Colombie‑Britannique, il peut être difficile de le faire au début d’une instruction. Toutefois, cette difficulté ne libère pas le requérant de son fardeau de démontrer que les économies prévues sont suffisantes pour justifier l’ordonnance de scission demandée. Pareille démarche peut nécessiter un certain degré d’estimation ou d’extrapolation fondé sur l’expérience. Comme l’avance le Dr Bessette, la Colombie-Britannique peut s’acquitter de son fardeau par le dépôt d’éléments de preuve fondés sur les efforts initialement déployés pour évaluer approximativement la portée prévue de la production des documents ou la durée des interrogatoires préalables. Elle peut également déposer une estimation des économies concernant les honoraires d’experts, le temps ou les ressources qu’une partie devra consacrer à la communication préalable de documents ou le temps qui devrait être consacré aux différentes questions à l’instruction. Comme je le mentionne plus haut, les éléments de preuve peuvent être différents d’une affaire à l’autre, et le juge de la requête se fondera sur son expérience et son jugement pour évaluer si ces éléments de preuve lui permettent de conclure que la scission permettrait vraisemblablement d’apporter au litige une solution qui soit juste et la plus expéditive et économique possible.

[27] Je conclus donc que la juge responsable de la gestion de l’instance n’a commis aucune erreur de droit lorsqu’elle a exprimé des réserves et soutenu que le dossier ne montrait pas [traduction] « l’ampleur des économies potentielles » et que la requérante devait prouver que les économies sont suffisamment substantielles de telle sorte qu’elles l’emportent sur les inefficacités inhérentes à la scission. Ces réserves correspondent en fait à la jurisprudence relative aux requêtes en scission. Je ne suis pas non plus d’avis que la référence de la juge responsable de la gestion de l’instance à l’économie de [traduction] « quelques jours d’audience ou même de 100 000 $ en frais d’experts » établisse une norme précise quant à la réduction des coûts requise ou exige qu’une partie détermine une durée ou une somme précise pour les économies de temps ou d’argent prévues. L’exercice d’appréciation et de pondération associé à une requête en scission n’est pas de nature purement mathématique. Je pense plutôt que ces références sont simplement des exemples que la juge responsable de la gestion de l’instance a donnés pour illustrer le point plus général selon lequel il faut prouver que la réduction des coûts l’emporte sur les autres inefficacités en matière de coûts.

[28] La juge responsable de la gestion de l’instance ayant correctement énoncé l’approche à adopter concernant les requêtes en scission, rien dans ses motifs ne montre qu’elle a appliqué un critère différent ou incorrect dans son évaluation de la requête en scission de la Colombie‑Britannique.

B. La juge responsable de la gestion de l’instance n’a pas interprété les éléments de preuve de manière erronée ni n’en a fait abstraction

[29] La Colombie‑Britannique soutient en outre que la juge responsable de la gestion de l’instance a interprété de façon erronée les aspects pertinents de sa preuve qualitative concernant les économies de temps et d’argent qui seraient réalisées grâce à la scission, ou qu’elle en a fait abstraction. En particulier, la Colombie‑Britannique conteste la déclaration de la juge responsable de la gestion de l’instance selon laquelle il n’y avait [traduction] « aucune preuve » démontrant que la scission réduirait vraisemblablement la durée des interrogatoires préalables sur la quantification, ainsi que sa déclaration selon laquelle l’opinion d’expert de Mme Meyer était [traduction] « entièrement théorique ». Elle soutient que la juge responsable de la gestion de l’instance ne s’est pas attardée à des éléments clés de la preuve présentée, notamment l’affidavit de M. Bailey, les actes de procédure, les déclarations du Dr Bessette lors du contre‑interrogatoire et un rapport d’évaluation des dommages‑intérêts sur lequel le Dr Bessette s’est appuyé pour le règlement du volet dommages‑intérêts du litige antérieur mettant en cause le Québec [le rapport de PwC]. J’ai examiné les arguments de la Colombie‑Britannique et je ne suis pas convaincu que la juge responsable de la gestion de l’instance a commis, dans son évaluation de la preuve, une erreur manifeste et dominante ou encore une erreur de droit isolable.

1) La preuve d’une réduction de la durée des interrogatoires préalables sur la question de la quantification

[30] La juge responsable de la gestion de l’instance a conclu qu’il n’y avait [traduction] « aucune preuve au dossier démontrant que la scission réduirait vraisemblablement le temps nécessaire à la tenue des interrogatoires préalables sur la question de la quantification ». La Colombie‑Britannique soutient qu’il s’agit d’une erreur manifeste et dominante puisque le dossier contenait des éléments de preuve démontrant qu’il y aurait une réduction de la durée des interrogatoires préalables sur la question de la quantification. Pour les motifs qui suivent, je ne suis pas convaincu que la Colombie‑Britannique a démontré que la déclaration de la juge responsable de la gestion de l’instance selon laquelle il n’y avait [traduction] « aucune preuve » était erronée.

[31] Je note d’entrée de jeu que la déclaration de la juge responsable de la gestion de l’instance semble cohérente avec les arguments que la Colombie‑Britannique lui a elle‑même présentés lors de l’audition de la requête. D’après la transcription de ces arguments, versée au dossier du présent appel, la Colombie‑Britannique n’a fait ressortir aucun élément de preuve démontrant qu’il y aurait une réduction importante de la durée des interrogatoires préalables sur la question de la quantification. Elle a au contraire soulevé l’argument suivant :

[traduction]

Et je tiens à souligner que l’on ne s’intéresse pas nécessairement à un nombre de jours précis pour la durée des interrogatoires préalables ou du procès. Il y aura assurément des effets sur la durée s’il y a une instance relative à la scission, mais les interrogatoires préalables n’ont pas été inscrits au calendrier. Les dates limites pour les étapes subséquentes de l’affaire ne sont pas fixées. La date du procès n’a pas été fixée. Il est très difficile de prédire avec certitude si les interrogatoires préalables et le procès dureront un jour, deux jours, six jours, ou plus ou moins longtemps.

Nous nous intéressons en l’espèce à la portée du dossier d’expertise, à la complexité de la modélisation des scénarios nécessaires et à l’ampleur du travail de conjecture que les experts devraient effectuer dans une instance non scindée compte tenu de la multiplicité des scénarios de responsabilité énoncés dans les actes de procédure. Et il y aura des effets sur la durée du procès et les autres étapes de l’instance.

[Non souligné dans l’original.]

[32] Plus tard au cours de l’audience, la Colombie‑Britannique a fait valoir que la scission permettrait de réduire le temps consacré aux interrogatoires préalables sur la question de la quantification parce que l’accent pourrait être mis uniquement sur les avantages découlant des aspects du système considérés comme constituant une contrefaçon. Cependant, encore une fois, elle n’a fait ressortir aucun élément de preuve particulier concernant la nature des faits qui permettrait la quantification des avantages — par opposition à l’existence d’avantages ou d’éléments techniques du système qui seraient de toute façon couverts par la partie de l’instance relative à la responsabilité — ou la réduction du temps consacré aux interrogatoires préalables sur la question de la quantification.

[33] La Colombie‑Britannique soutient maintenant que des éléments de preuve montrent qu’il y aurait une réduction du temps consacré aux interrogatoires préalables sur la question de la quantification et que la juge responsable de la gestion de l’instance a commis une erreur en ne s’y reportant pas. Elle fait référence à la déclaration du Dr Bessette, qui demande des dommages‑intérêts pour la contrefaçon découlant de divers aspects du système CareConnect. Elle note que le Dr Bessette réclame une redevance raisonnable pour la contrefaçon sur la base des [traduction] « avantages quantitatifs et qualitatifs résultant de l’utilisation des inventions par le gouvernement de la Colombie‑Britannique ». Selon la déclaration, ces avantages ont été estimés dans un rapport préparé par Booz Allen Hamilton, qui a recensé les avantages découlant de différents aspects du système, notamment ceux liés à la réduction des effets indésirables des médicaments et à la diminution du nombre d’examens radiologiques et de laboratoire inutiles. La Colombie‑Britannique soutient que l’affidavit de M. Bailey concernant les multiples aspects de CareConnect et la preuve de Mme Meyer sur la nature du calcul de la redevance raisonnable étayent son argument selon lequel la scission permettrait de réduire la durée des interrogatoires préalables en limitant leur portée à des aspects particuliers de CareConnect et aux périodes particulières pour lesquels il a été déterminé qu’il y avait contrefaçon des brevets du Dr Bessette, le cas échéant.

[34] La difficulté concernant cet argument réside dans le fait qu’aucun des éléments de preuve présentés par la Colombie‑Britannique ne concerne directement les attentes quant à la durée des interrogatoires préalables nécessaires sur la question de la quantification des dommages‑intérêts ni la façon dont la scission de l’instance permettrait de la réduire. Les éléments de preuve ne portent pas non plus sur le volume prévu des documents qui seraient produits dans les différents scénarios. M. Bailey fournit des renseignements sur CareConnect, son infrastructure et son architecture, ainsi que sur son évolution. Il ne fait aucun doute que les parties et la Cour devront se pencher sur ces questions lorsqu’elles examineront la question de la contrefaçon. Cependant, l’affidavit de M. Bailey ne contient aucun élément de preuve concernant les renseignements ou les documents que la Colombie‑Britannique a en sa possession, sous son autorité ou sous sa garde et qui sont pertinents pour la quantification de tout avantage découlant de l’utilisation de CareConnect ou, plus particulièrement, des aspects de CareConnect qui constitueraient une contrefaçon des brevets du Dr Bessette.

[35] En outre, l’affidavit de Mme Meyer ne traite pas directement de la question des interrogatoires préalables ou des différences dans le nombre d’interrogatoires préalables qui seraient nécessaires relativement à la question de la quantification. Il n’est pas surprenant, compte tenu du domaine d’expertise de Mme Meyer, que l’affidavit de cette dernière porte sur le processus d’évaluation d’une redevance raisonnable à titre de dommages‑intérêts fondée sur une négociation hypothétique visant l’obtention d’une licence pour l’utilisation des brevets. Mme Meyer note que l’un des éléments à prendre en compte dans ce contexte serait [traduction] « les avantages prévus pour les défendeurs, le cas échéant, si une licence devait être accordée », notamment différentes réductions des coûts et la disponibilité d’autres technologies. Cependant, elle ne dit pas si, ou dans quelle mesure, le temps consacré aux interrogatoires préalables sur ces questions pourrait être réduit si l’examen de la question de la quantification était reporté après l’instruction de la question de la responsabilité.

[36] Essentiellement, la Colombie‑Britannique demande à la Cour de déduire, à partir de la complexité de l’architecture de CareConnect et de la liste de questions pertinentes lors de la négociation d’une licence, que le temps consacré aux interrogatoires préalables nécessaires sur la question de la quantification serait réduit si l’issue de l’instruction de la question de la responsabilité était déjà connue. Il se peut qu’un certain niveau de déduction ou d’extrapolation soit possible dans certains cas au vu de l’expérience de la Cour en matière d’interrogatoires préalables. Toutefois, la déclaration de la juge responsable de la gestion de l’instance selon laquelle il n’y avait [traduction] « aucune preuve » est précisément nuancée. La juge responsable de la gestion de l’instance n’a pas dit qu’il n’y avait pas de preuve qui lui aurait permis de tirer des conclusions quant aux interrogatoires préalables. Elle a dit qu’il n’y avait [traduction] « aucune preuve au dossier démontrant que la scission réduirait vraisemblablement le temps nécessaire à la tenue des interrogatoires préalables sur la question de la quantification ». Au vu de la preuve au dossier, je ne puis conclure que la juge responsable de la gestion de l’instance a commis une erreur en faisant cette déclaration. Je ne puis non plus conclure, dans les circonstances, que la juge responsable de la gestion de l’instance a commis une erreur en ne faisant aucune déduction à partir de la preuve sur les économies relatives aux interrogatoires préalables, particulièrement à la lumière des observations de la Colombie‑Britannique.

[37] Par ailleurs, le fait que la Colombie‑Britannique s’appuie sur le rapport de Booz Allen Hamilton dont il est fait mention dans les actes de procédure, ainsi que sur le rapport de PwC préparé dans le contexte des négociations avec le Québec n’est pas convaincant à mon avis. Encore une fois, au‑delà de la question générale de la complexité potentielle de la quantification, aucun des deux rapports n’aborde, directement ou indirectement, la portée des interrogatoires préalables qui seraient nécessaires sur la question de la quantification dans la présente action, ou les répercussions qu’aurait la scission. En particulier, la Colombie-Britannique n’a fait mention d’aucun des deux rapports dans ses observations à la juge responsable de la gestion de l’instance. En fait, la Colombie‑Britannique est allée jusqu’à affirmer que le travail que le Dr Bessette a effectué jusqu’à présent au sujet de la quantification en Colombie‑Britannique est [traduction] « essentiellement recyclé du travail effectué en lien avec l’instance intentée au Québec, laquelle visait un système complétement différent, des parties différentes, un type d’audience différent, donc un contexte complétement différent ». La Colombie‑Britannique ayant expressément cherché à minimiser la pertinence de la preuve relative à la quantification découlant de l’instance intentée au Québec dans ses observations à la juge responsable de la gestion de l’instance, il est surprenant qu’elle affirme maintenant que cette dernière a commis une erreur en n’en faisant pas mention.

2) La preuve de Mme Meyer

[38] La Colombie‑Britannique soutient que la juge responsable de la gestion de l’instance a interprété la preuve d’expert de Mme Meyer de manière erronée et qu’elle a commis une erreur en décrivant cette preuve comme [traduction] « entièrement théorique ». Elle fait valoir que l’opinion de Mme Meyer était fondée sur les actes de procédure, les brevets et l’affidavit de M. Bailey, et qu’elle n’était donc pas [traduction] « entièrement théorique ».

[39] Bien que je ne sois pas convaincu que la juge responsable de la gestion de l’instance ait commis une erreur manifeste et dominante ou une erreur de droit isolable dans son évaluation de la preuve d’expert de Mme Meyer, je n’ai pas besoin d’examiner en profondeur les arguments de la Colombie‑Britannique sur ces questions compte tenu de la conclusion subséquente de la juge responsable de la gestion de l’instance concernant l’importance des gains d’efficacité démontrés.

[40] Comme je le mentionne précédemment au paragraphe 17, après avoir examiné le témoignage de Mme Meyer, la juge responsable de la gestion de l’instance a conclu que, [traduction] « même si l’on suppose que la scission limite et simplifie effectivement la portée de la question de la quantification » [non souligné dans l’original], il n’est pas ressorti du dossier que l’ampleur de ces économies justifiait la scission. À mon avis, cette conclusion n’est pas erronée.

[41] Même si l’on retient la totalité du témoignage de Mme Meyer, il ne donne aucune idée de l’ampleur de la réduction potentielle de la durée ou des coûts de la préparation et de la présentation de la preuve d’expert. C’est un fait à noter puisque Mme Meyer affirme que son mandat consistait à [traduction] « donner, en se fondant sur les actes de procédure, son opinion sur la portée probable du travail nécessaire au calcul d’une redevance raisonnable dans la présente action » [non souligné dans l’original] pour chacun des deux scénarios, à savoir une instance scindée ou non scindée. Malgré ce mandat, les renseignements dont disposait Mme Meyer ont permis à cette dernière de faire uniquement des déclarations générales selon lesquelles, par exemple, [traduction] « la portée du travail augmenterait avec le nombre de scénarios potentiels envisagés relativement à la question de la responsabilité » et le calcul d’une redevance raisonnable [traduction] « se révélerait vraisemblablement fastidieux » si une décision quant à la responsabilité n’était pas préalablement rendue. Mme Meyer note que le nombre de revendications en cause, le nombre d’aspects de CareConnect qui constitueraient une contrefaçon ainsi que les différentes dates pertinentes possibles pourraient donner lieu à de nombreux scénarios différents quant à la question de la responsabilité. Elle affirme que chaque scénario supplémentaire [traduction] « entraîne une augmentation progressive du temps nécessaire à l’analyse ainsi qu’à la rédaction des rapports ». Cependant, elle n’est pas en mesure de donner une idée de l’ampleur de cette augmentation, se contentant de noter que le temps requis en surplus pour chaque scénario variera.

[42] La juge responsable de la gestion de l’instance a habilement résumé cette preuve considérable et générale, indiquant qu’elle ne donne aucune idée de l’ampleur des économies de temps ou d’argent prévues afin que la Cour puisse déterminer si la scission est justifiée. Que la preuve de Mme Meyer soit considérée comme [traduction] « théorique » ou non, il n’y a pas d’erreur manifeste et dominante dans la conclusion de la juge responsable de la gestion de l’instance selon laquelle cette preuve ne démontre pas que la scission permettrait de faire suffisamment d’économies de temps et d’argent quant à la preuve d’expert sur la question de la quantification, lesquelles économies compenseraient les inefficacités d’une instruction unique ou justifieraient une dérogation au principe d’une instruction unique par défaut.

IV. Conclusion

[43] Pour obtenir gain de cause dans une requête en scission, le requérant doit convaincre la Cour, en se fondant sur des éléments de preuve pertinents pour l’instance en question, que les circonstances justifient une dérogation à la procédure habituelle selon laquelle toutes les questions sont tranchées dans une seule instruction, étant donné que la scission permettrait vraisemblablement de trancher les questions en litige d’une manière qui soit juste et la plus expéditive et économique possible. Lorsque le principal avantage que le requérant invoque est une économie de temps et d’argent, la preuve doit démontrer que cette économie serait vraisemblablement suffisante pour compenser les inconvénients d’une instance scindée. Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de refuser la scission de l’instance, la juge responsable de la gestion de l’instance a exposé et appliqué la bonne approche à l’égard des requêtes en scission et n’a pas commis d’erreur manifeste et dominante en appréciant la preuve. La Cour n’a aucune raison d’intervenir dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire. L’appel est donc rejeté.

[44] Les parties conviennent que les dépens de l’appel doivent être fixés et adjugés à la partie qui obtient gain de cause. Le Dr Bessette a proposé que ces dépens soient fixés à 3 500 $, tandis que la Colombie‑Britannique a proposé qu’ils soient fixés à 2 500 $. Selon mon évaluation de la nature de l’appel, de la complexité des questions et de la nature du travail requis, les dépens seront fixés à 3 000 $.


ORDONNANCE dans le dossier T‑1355‑21

LA COUR ORDONNE :

  1. L’appel est rejeté.

  2. Les dépens sous forme de somme globale de 3 000 $, payables immédiatement, sont adjugés au demandeur.

« Nicholas McHaffie »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1355-21

 

INTITULÉ :

LUC BESSETTE c SA MAJESTÉ LE ROI DU CHEF DE LA PROVINCE DE LA COLOMBIE‑BRITANNIQUE ET AUTRES

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 10 janvier 2023

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

Le juge MCHAFFIE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 19 janvier 2023

 

COMPARUTIONS :

Jean‑Sébastien Dupont

Audrey Berteau

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Christopher S. Wilson

Christopher A. Guerreiro

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Smart & Biggar S.E.N.C.R.L.

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Norton Rose Fulbright Canada S.E.N.C.R.L./s.r.l.

Montréal (Québec)

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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