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Date : 20230926


Dossier : IMM-9429-22

Référence : 2023 CF 1296

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 26 septembre 2023

En présence de monsieur le juge Régimbald

ENTRE :

SHAFIA NAZIR

KINZA NADEEM

JAVERIA NADEEM

MOHAMMAD OBIADURRAHMAN MEHAR

TAMEEM ABDULRAHMAN MEHAR

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue le 31 août 2022 par la Section d’appel des réfugiés [SAR], qui a conclu que les demandeurs n’avaient pas la qualité de réfugiés au sens de la Convention ni de personnes à protéger au sens des articles 96 et 97, respectivement, de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].

[2] Les demandeurs sont des citoyens pakistanais. Ils craignent une organisation fondamentaliste sunnite appelée Sipah-e-Sahaba Pakistan [SSP], qui est connue pour s’en prendre aux musulmans chiites. La SAR a rejeté leur demande d’asile parce qu’il existe une possibilité de refuge intérieur [PRI] au Pakistan.

[3] Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de la décision de la SAR. J’ai examiné le dossier soumis à la Cour, y compris les observations écrites et orales des parties, ainsi que les règles de droit applicables. Je considère que les demandeurs n’ont pas établi que la décision de la SAR est déraisonnable. Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

II. Contexte factuel

[4] Les demandeurs sont Shafia Nazir [Mme Nazir] (41 ans) et ses enfants Kinza Nadeem (17 ans), Javeria Nadeem (16 ans), Mohammad Obiadurrahman Mehar (13 ans) et Tameem Abdulrahman Mehar (11 ans).

[5] Ils ont vécu à Bahreïn et aux Émirats arabes unis [ÉAU], où ils avaient la résidence temporaire grâce au permis de travail du mari de Mme Nazir.

[6] Mme Nazir est membre de la secte chiite de l’islam, ce qui fait d’elle une cible des fondamentalistes sunnites au Pakistan et des fanatiques à Bahreïn. En février 2019, Mme Nazir commence à tenir des majlis chiites (rassemblements religieux) à son domicile à Bahreïn. Elle déclare avoir été la cible de plus de menaces depuis qu’elle s’affiche davantage comme musulmane chiite et est plus engagée dans sa foi.

[7] En septembre 2019, Mme Nazir retourne au Pakistan pour passer ses examens et suivre les cours d’un programme de baccalauréat en éducation. Pendant cette période, elle commence à recevoir des appels téléphoniques de membres de la SSP qui veulent lui extorquer de l’argent. Sachant que Mme Nazir était chiite et vivait à Bahreïn, les membres de la SSP lui demandaient la somme de 5 millions de roupies. Effrayée, Mme Nazir rentre à Bahreïn sans terminer ses études universitaires ou obtenir son diplôme.

[8] Autour de novembre 2019, Mme Nazir déclare que son mari a été approché par des fanatiques arabes, connus pour leur persécution des musulmans chiites, qui ont fait pression sur lui pour qu’il mette fin à son emploi à Bahreïn. Ils lui ont donné jusqu’en février 2020 pour partir; ce qui fait que son mari a perdu son permis de travail à Bahreïn.

[9] Les demandeurs craignent de retourner au Pakistan. Mme Nazir pense que la SSP, qui dispose d’un réseau important dans tout le Pakistan, tentera d’extorquer de l’argent à sa famille, de porter plainte contre elle et sa famille pour des motifs religieux ou même d’enlever ses enfants pour ensuite exiger une rançon.

[10] Le 16 décembre 2019, les demandeurs se rendent aux États-Unis au moyen de visas de visiteur. Le 20 décembre 2019, les demandeurs se présentent à la frontière canadienne et demandent l’asile.

[11] Le 22 mars 2022, à la suite d’une audience par vidéoconférence, la Section de la protection des réfugiés [SPR] conclut que les demandeurs n’ont pas la qualité de réfugiés au sens de la Convention, ni de personnes à protéger. La question déterminante était l’existence d’une PRI à Hyderabad, au Pakistan. Le 31 août 2022, la SAR souscrit à la décision de la SPR. Les demandeurs ne sont pas des réfugiés ni des personnes à protéger au sens des articles 96 et 97, respectivement, de la LIPR.

III. Décision en cause

[12] En ce qui concerne le premier volet du critère de la PRI, la SAR s’appuie sur la trousse de documentation nationale sur le Pakistan [TDN] pour conclure que la SSP n’exerce pas un grand pouvoir à Hyderabad. Selon la SAR, rien n’établit qu’un autre groupe extrémiste anti-chiite est au courant de l’existence des demandeurs, que la SSP partage ses renseignements avec un autre groupe ou que la SSP est motivée à poursuivre les demandeurs, compte tenu du fait qu’ils sont peu connus au Pakistan.

[13] La SAR cite la TDN et conclut que la SSP est interdite au Pakistan, mais qu’elle est liée aux groupes Ahle Sunnat Wal Jamaat [ASWJ], Lashkar-e-Jhangvi [LeJ] et Tehreek-e-Taliban du Pakistan [TTP]. Toutefois, la SAR estime que, même si la SSP est liée à ces groupes, l’absence de PRI au Pakistan soulevée par la demanderesse n’est pas étayée par la TDN.

[14] Sur la foi de la TDN, la SAR conclut que les groupes extrémistes ne sont pas très présents dans le Sindh, à l’extérieur de Karachi, et plus particulièrement à Hyderabad, qui se trouve dans le sud du Sindh (TDN articles 1.13, 7.30 et 12.33). Enfin, la SAR affirme que [traduction] « les éléments de preuve objective indiquent que Hyderabad est accueillante pour les minorités » (TDN article 12.40).

[15] La SAR examine ensuite l’argument des demandeurs selon lequel, suivant la preuve objective, les groupes militants exercent leur influence sur un vaste territoire. Elle conclut que cette preuve objective concerne des situations précises comme celles de personnes accusées de blasphème, ce qui n’est pas le cas des demandeurs.

[16] En effet, la SAR prend en compte les éléments de preuve objective sur les incidents d’actes de violence contre des chiites et les violences sectaires, mais elle estime qu’il n’y en a guère pour établir que les groupes extrémistes visent des chiites qui se font discrets. Dans le cas des demandeurs, la SAR conclut que rien ne démontre qu’ils sont assez connus pour motiver les membres du SSP ou d’autres groupes extrémistes à les poursuivre jusqu’à Hyderabad ou à les viser en raison de leur foi chiite. Elle constate que les demandeurs n’ont pas démontré que des groupes militants les pourchassaient de sorte à établir que ces groupes leur voudraient toujours du mal trois ans après les avoir menacés au téléphone. Elle note aussi que les demandeurs n’ont reçu aucune menace depuis leur départ.

[17] Finalement, la SAR conclut que les groupes militants ne seraient pas en mesure de retrouver les demandeurs grâce au système pakistanais d’enregistrement des baux résidentiel. Rien ne permet d’établir que les demandeurs étaient impliqués dans des activités criminelles ou qu’ils font l’objet de poursuites ou de mandats d’arrestation. Suivant la preuve, lorsque la police communique avec quelqu’un qu’elle a dépisté au moyen des baux résidentiels, elle le fait généralement dans le cadre d’affaires très médiatisées (TDN article 3.18). Bien qu’il y ait de la corruption au sein de la police pakistanaise, la SAR estime que les demandeurs n’ont pas établi que la SSP ou tout autre groupe avait l’influence nécessaire pour conspirer avec la police afin de les pourchasser.

[18] En fin de compte, la SAR considère que la demanderesse n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve crédibles et dignes de foi pour établir selon la prépondérance des probabilités qu’elle et sa famille courent un risque sérieux de persécution à Hyderabad. Elle conclut donc que la TDN établit que les demandeurs, en tant que musulmans chiites, peuvent s’installer à Hyderabad sans courir un risque sérieux de subir des préjudices en raison de leur pratique religieuse.

[19] Quant au deuxième volet du critère relatif à la PRI, la SAR estime que les demandeurs n’ont pas établi selon la prépondérance des probabilités que la PRI était objectivement déraisonnable. Dans ses motifs, elle tient compte des circonstances de la menace anti-chiite, des perspectives d’emploi et des enjeux de la réinstallation. Elle considère que les musulmans chiites sont confrontés à un risque modéré de violence sectaire au Pakistan et que la TDN montre que la situation s’améliore et que la violence sectaire diminue. Elle constate aussi l’absence de discrimination systémique à l’égard des musulmans chiites et estime plutôt qu’ils sont bien représentés dans les secteurs public et privé et aux élections. Elle note également que la TDN révèle que les musulmans chiites sont généralement en mesure d’établir des lieux de culte et de pratiquer leur religion sans ingérence manifeste de l’État.

[20] En outre, la SAR considère que Mme Nazir est bien placée pour se trouver un emploi, de même que son mari, grâce au fait qu’elle possède une maîtrise universitaire et de l’expérience de travail à Bahreïn ainsi qu’au Canada et qu’elle parle l’ourdou, le pendjabi et l’anglais. Elle estime aussi que rien ne compliquerait une réinstallation des demandeurs, comme des problèmes médicaux ou de santé mentale.

IV. Questions en litige et norme de contrôle

[21] La seule question en litige dans le cadre du présent contrôle judiciaire est de savoir s’il était raisonnable pour la SAR de conclure qu’il existait une PRI à Hyderabad.

[22] La norme de contrôle applicable en l’espèce est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] aux paras 10 et 25). Pour éviter l’intervention judiciaire, la décision doit posséder les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité (au para 99). Une décision peut être déraisonnable si le décideur s’est mépris sur la preuve qui lui a été soumise (aux paras 125 et 126). Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable ne représente pas une « simple formalité », il consiste plutôt en un type de contrôle rigoureux (au para 13). Il incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable (au para 100).

V. Analyse

A. Il était raisonnable pour la SAR de conclure qu’il existait une PRI à Hyderabad

[23] Le critère pour déterminer s’il existe une PRI dans le pays d’un demandeur est énoncé dans l’arrêt Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (C.A.), [1992] 1 CF 706 au paragraphe 10. Le critère comporte deux volets : il existe une PRI quand (1) le demandeur ne risque pas sérieusement d’être persécuté ni de subir les préjudices visés au paragraphe 97(1) de la LIPR dans la partie du pays où la PRI est proposée; et (2) il ne serait pas objectivement déraisonnable pour le demandeur d’y chercher refuge, compte tenu de toutes les circonstances. Il doit être satisfait aux deux volets pour qu’une PRI existe (Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (C.A.), [1994] 1 CF 589 aux pages 597-598, 1993 CanLII 3011). Il incombe au demandeur de démontrer que la PRI proposée n’est pas une option viable.

[24] Les demandeurs ne présentent pas d’observations précises concernant le deuxième volet du critère dans leur mémoire. Ils soutiennent que seul le premier volet du critère intervient en l’espèce.

[25] Les demandeurs affirment que la SAR n’a pas bien considéré les éléments de preuve objective et qu’elle a présumé que la SSP ou les groupes terroristes anti-chiites ne seraient pas motivés à les pourchasser. Ils renvoient à la TDN selon laquelle les musulmans chiites sont toujours la cible de menaces de la part de groupes militants (comme SSP, TTP et LeJ) et que 41 personnes ont été tuées en 2018 dans des attaques contre des chiites, y compris lors de rassemblements religieux chiites.

[26] Les demandeurs soulignent que la SAR a eu tort d’imputer des motifs à la SSP en présumant qu’ils n’étaient pas assez connus sur le plan socio-économique pour en être les cibles. Ce point n’est pas nécessairement pertinent parce que la SSP est connue pour viser des personnes pour des motifs religieux. Invoquant les affaires Londono Soto c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 354, au paragraphe 26 [Londono] et Builes c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 215, au paragraphe 17 [Builes], ils affirment que la SAR a fait erreur en s’interrogeant sur les motifs du groupe militant sans tenir compte des motifs des agents de persécution.

[27] Les demandeurs avancent également que la SAR a ajouté foi à la preuve selon laquelle les personnes plus connues, comme des professionnels, fonctionnaires, médecins, avocats, politiciens, entrepreneurs importants et commerçants locaux chiites, étaient plus à risque. Cependant, selon eux, la SAR a conclu à tort qu’ils n’avaient pas établi être suffisamment connus pour inciter la SSP ou d’autres groupes extrémistes à les pourchasser.

[28] Quant à la conclusion de la SAR selon laquelle ils pourraient passer inaperçus parmi les 17 à 26 millions de musulmans chiites au Pakistan, les demandeurs considèrent qu’elle n’a pas tenu compte du fait que, malgré la taille de la population, la SSP les a déjà personnellement visés en raison de leur foi et de leurs activités chiites.

[29] Enfin, les demandeurs soutiennent qu’il n’était pas raisonnable pour la SAR de conclure que Hyderabad offre une PRI sécuritaire. Ils affirment qu’il est essentiel pour la SAR de tenir compte de l’ensemble de la preuve au dossier dans sa prise de décision (Balachandran c Canada (Citoyenneté et Immigration), 1997 CanLII 4747 (CF)). Ils avancent que la SAR a fait fi d’éléments de preuve documentaires, y compris ceux de la TDN qui démontrent que la complicité, l’indifférence et la corruption au sein de la police pakistanaise constituent des facteurs importants dans l’évaluation de la présence d’un risque sérieux de persécution à Hyderabad.

[30] Je suis d’avis que la décision de la SAR ayant proposé Hyderabad en tant que PRI est raisonnable. La SAR a considéré les éléments de preuve objective compris dans la TDN et les autres sources avant de conclure que les demandeurs n’avaient pas démontré qu’une installation à Hyderabad les mettrait à risque ou qu’une telle installation serait indûment difficile ou objectivement déraisonnable. Le raisonnement de la SAR sur la PRI est intelligible, transparent et justifié (Vavilov aux para 15, 98). Ses conclusions sont factuelles et fondées sur le dossier ainsi que les observations des parties. Je ne vois donc aucune raison d’infirmer la décision.

[31] La SAR s’est penchée tout particulièrement sur la preuve objective invoquée par les demandeurs, y compris les points contradictoires contenus dans la TDN. Elle a noté les autres éléments qui suggèrent que, selon la prépondérance des probabilités, les demandeurs ne courent pas un risque sérieux de persécution à Hyderabad. Elle n’a pas fait fi ou fait abstraction des éléments de preuve qui contredisaient carrément ses conclusions au point de rendre sa décision déraisonnable (Ehigiator c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 308 aux paras 71 à 74; Rajput c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 65 au para 25). Non seulement la SAR est présumée avoir examiné l’ensemble de la TDN, mais elle a abordé expressément les arguments soulevés par les demandeurs au sujet de la SSP et des autres groupes militants, ainsi que de leurs activités au Pakistan.

[32] Les demandeurs invoquent la situation générale au Pakistan pour étayer leur argument selon lequel ils courent un risque dans l’ensemble du pays. Cependant, ils ne renvoient à aucun élément de preuve précis portant sur la PRI proposée à Hyderabad. Bien que la TDN mentionne de la recherche sur la situation dans le pays et des exemples de préjudice, ces éléments de preuve n’établissent pas un risque pour le pays en entier. La situation générale dans le pays ne rend pas une PRI précise déraisonnable. Il incombe au demandeur de s’acquitter du lourd fardeau de démontrer que de s’installer dans la PRI proposée serait déraisonnable. Il ne suffit pas de s’appuyer sur la situation générale dans le pays (Mansour c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 299 au para 66; Arabambi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 98 aux paras 38, 40 à 42; Kaisar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 789 au para 23).

[33] En l’espèce, la SAR présente plusieurs motifs, tous tirés de la TDN, pour conclure que selon la prépondérance des probabilités les demandeurs ne couraient pas de risques sérieux de persécution, de torture, de mort ou de peines cruelles et inusitées à Hyderabad. À la lumière de la TDN, elle fait les constatations suivantes : a) la SSP n’exerce pas un grand pouvoir dans la PRI proposée; b) aucun autre groupe anti-chiite n’est solidement implanté à Hyderabad; c) rien n’établit que d’autres groupes anti-chiites partagent des renseignements avec la SSP ou qu’ils sont au courant de l’existence des demandeurs; et d) [traduction] « Hyderabad est accueillante pour les minorités ». Après examen de la preuve objective, la SAR estime que, malgré la corruption au sein de la police, cette dernière ne communique avec quelqu’un qu’elle a dépisté au moyen des baux résidentiels que dans le cadre d’affaires très médiatisées, ce qui ne serait pas le cas des demandeurs à Hyderabad.

[34] La SAR s’appuie également sur les éléments de preuve personnels de la demanderesse comme cette dernière les a présentés à la SPR. Selon la SAR, rien n’établit que les demandeurs soient suffisamment connus pour motiver la SSP ou d’autres groupes extrémistes à les pourchasser jusqu’à Hyderabad, et les demandeurs n’ont pas été la cible de menaces depuis leur départ du Pakistan. Ces constatations mènent la SAR à conclure que la SSP et les autres groupes militants sont incapables de trouver les demandeurs dans la PRI ou qu’ils ne sont pas motivés à le faire. Elle s’appuie aussi sur le fait que le mari de Mme Nazir a pu retourner au Pakistan en 2020 et n’a produit aucune preuve de harcèlement.

[35] Invoquer les affaires Londono et Builes n’est pas judicieux. Dans l’affaire Londono, le tribunal administratif n’avait pas tenu compte d’éléments de preuve évidents selon lesquels les Forces armées révolutionnaires de Colombie avaient personnellement et à plusieurs reprises pris le demandeur pour cible, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Dans l’affaire Builes, le commissaire avait imputé des motifs à l’agent de persécution sans fondement probant.

[36] Comme il est indiqué plus haut, les motifs de la décision sont suffisants pour justifier la conclusion de la SAR selon laquelle les demandeurs ne sont pas assez connus, selon la prépondérance des probabilités, pour inciter les agents de persécution à les pourchasser jusqu’à Hyderabad. D’une part, la SAR estime que les demandeurs ne sont pas assez connus sur le plan socio-économique pour être des cibles de la SSP, ce qui a incité les demandeurs à s’interroger sur la pertinence de cette conclusion puisque cette organisation est connue pour viser des personnes pour des motifs religieux. D’autre part, si la crainte des demandeurs est fondée sur des motifs religieux, la SAR s’appuie sur la TDN qui indique que [traduction] « Hyderabad est accueillante pour les minorités » (TDN article 12.40).

[37] Il est évident que les demandeurs contestent les conclusions de fait de la SAR. Malheureusement, leur demande consiste essentiellement à prier la Cour de procéder à un examen de novo du dossier et d’apprécier à nouveau la preuve prise en compte par la SAR. Ce n’est tout simplement pas le rôle de la Cour dans le cadre d’un contrôle judiciaire (Wu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 1071 au para 27; Vavilov au para 125).

VI. Conclusion

[38] La décision de la SAR selon laquelle les demandeurs ont une PRI viable à Hyderabad est raisonnable.

[39] Le contrôle judiciaire devrait être rejeté.

[40] Aucune question n’a été soumise aux fins de certification, et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-9429-22

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Guy Régimbald »

Juge

Traduction certifiée conforme

Marie-Luc Simoneau, jurilinguiste

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-9429-22

 

INTITULÉ :

SHAFIA NAZIR, KINZA NADEEM, JAVERIA NADEEM, MOHAMMAD OBIADURRAHMAN MEHAR, TAMEEM ABDULRAHMAN MEHAR c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 18 SEPTEMBRE 2023

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE RÉGIMBALD

DATE :

LE 26 SEPTEMBRE 2023

COMPARUTIONS

John Guoba

POUR LES DEMANDEURS

Asha Gafar

POUR L’INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

John Guoba

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR L’INTIMÉ

 

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