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Date : 20230922


Dossier : IMM-329-23

Référence : 2023 CF 1281

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 22 septembre 2023

En présence de monsieur le juge Ahmed

ENTRE :

SULESH SUDHAKARAN VIMALA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, Sulesh Sudhakaran Vimala, sollicite le contrôle judiciaire d’une décision datée du 21 décembre 2022 par laquelle un agent des visas (l’« agent ») d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (« IRCC ») a rejeté sa demande de permis de travail présentée dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires (« PTET »).

[2] L’agent n’était pas convaincu que le demandeur quitterait le Canada à la fin de son séjour, au titre du paragraphe 200(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le « RIPR ») en raison de ses antécédents d’immigration au Canada.

[3] Le demandeur soutient que l’agent a rendu une décision déraisonnable parce qu’il n’a pas tenu compte d’éléments de preuve importants concernant les points centraux de la demande de permis de travail et d’éléments de preuve qui contredisaient ses conclusions.

[4] Pour les motifs qui suivent, je conclus que la décision est raisonnable. L’agent a apprécié de façon raisonnable la preuve, et la décision est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles qui lui ont une incidence sur celle‑ci. La présente demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée.

II. Faits

A. Le demandeur

[5] Le demandeur est un citoyen de l’Inde âgé de 35 ans.

[6] De 2007 à 2018, le demandeur a travaillé à titre de camionneur longue distance aux Émirats arabes unis.

[7] En 2019, le demandeur est entré au Canada muni d’un permis de travail et d’un visa de résident temporaire, et il a travaillé à titre de camionneur longue distance pour deux sociétés de transport entre 2019 et 2022.

[8] Pendant son séjour au Canada, le demandeur a présenté une demande d’asile. La demande d’asile du demandeur a été rejetée, et une mesure d’interdiction de séjour a été prise contre lui. Une attestation de départ a confirmé qu’il est retourné en Inde le 1er mai 2022.

[9] Le 7 novembre 2022, IRCC a confirmé que le demandeur a présenté une demande de permis de travail pour revenir au Canada dans le cadre du PTET afin de travailler pour Chohan Carriers Ltd. en tant que camionneur longue distance.

B. La décision faisant l’objet du contrôle

[10] Dans une décision datée du 21 décembre 2022, l’agent a rejeté la demande de permis de travail du demandeur. La décision se trouve en majeure partie dans les notes qu’il a entrées dans le Système mondial de gestion des cas (le « SMGC »), lesquelles font partie des motifs de la décision.

[11] Les notes versées au SMGC indiquent ce qui suit :

[traduction]

J’ai examiné la demande.

J’ai tenu compte des facteurs suivants pour prendre ma décision.

Le demandeur principal a déjà obtenu un permis de travail. Il est venu au Canada et a présenté une demande d’asile qui a été rejetée. Le départ a été confirmé. Il déclare maintenant qu’il avait des problèmes en Inde qui sont désormais résolus. Le demandeur principal soutient qu’il a eu [traduction] « certains problèmes » et que ceux-ci sont maintenant résolus. Il a de nouveau présenté une demande de permis de travail. En raison des facteurs mentionnés ci-dessus, je ne suis pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur soit un véritable travailleur temporaire qui quittera le Canada à la fin de son séjour autorisé. Je ne suis pas convaincu de son objectif.

Après avoir apprécié les facteurs de la présente demande, je ne suis pas convaincu que le demandeur quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

Pour les motifs qui précèdent, je rejette la demande.

III. Question préliminaire

[12] Dans ses observations écrites, le demandeur sollicite l’adjudication de dépens à l’encontre du défendeur au motif que l’agent a agi de mauvaise foi lorsqu’il a rendu sa décision. À l’audience, l’avocat du demandeur n’a pas fait valoir cette position. Le défendeur soutient que l’adjudication de dépens est inappropriée puisque les arguments du demandeur concernant la décision rendue par l’agent sont hypothétiques et sans fondement.

[13] Je suis d’accord avec le défendeur. Le demandeur ne fournit aucun élément de preuve pour étayer ses affirmations.

IV. Question en litige et norme de contrôle applicable

[14] La demande de contrôle judiciaire soulève une seule question, soit celle de savoir si la décision de l’agent est raisonnable.

[15] Nul ne conteste la norme de contrôle applicable. Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 16-17 et 23-25) (Vavilov). Je suis d’accord. Cette norme de contrôle est également appliquée par la Cour dans les décisions concernant les permis de travail (Choi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 577 au para 12; Toor c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1143 au para 6; Baran c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 463 aux para 15-16).

[16] La norme de la décision raisonnable est une norme de contrôle empreinte de déférence, mais rigoureuse (Vavilov, aux para 12‑13). La cour de révision doit établir si la décision faisant l’objet du contrôle est transparente, intelligible et justifiée, notamment en ce qui concerne le résultat obtenu et le raisonnement suivi (Vavilov, au para 15). Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Vavilov, au para 85). La question de savoir si une décision est raisonnable dépend du contexte administratif, du dossier dont le décideur est saisi et de l’incidence de la décision sur les personnes qui en subissent les conséquences (Vavilov, aux para 88‑90, 94, 133‑135).

[17] Pour qu’une décision soit jugée déraisonnable, le demandeur doit démontrer que la décision comporte une déficience suffisamment capitale ou importante (Vavilov, au para 100). Les erreurs que comporte une décision ou les préoccupations qu’elle suscite ne justifient pas toutes l’intervention de la Cour. Une cour de révision doit s’abstenir d’apprécier à nouveau la preuve examinée par le décideur et, à moins de circonstances exceptionnelles, ne doit pas modifier les conclusions de fait de celui-ci (Vavilov, au para 125). Les lacunes ou insuffisances reprochées ne doivent pas être simplement superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision ou constituer une « erreur mineure » (Vavilov, au para 100; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Mason, 2021 CAF 156 au para 36).

V. Analyse

[18] Le demandeur soutient que la décision de l’agent est déraisonnable parce qu’il n’a pas tenu compte des antécédents du demandeur pour ce qui est du respect des lois sur l’immigration, de sa déclaration sous serment selon laquelle il respecterait les lois canadiennes sur l’immigration, de sa lettre d’offre d’emploi au Canada et de ses liens familiaux en Inde. Le demandeur invoque diverses affaires tranchées par la Cour dans lesquelles les faits seraient similaires à ceux en l’espèce et le défaut d’un agent d’examiner directement des éléments de preuve dont il est saisi constituait une erreur susceptible de contrôle : Gill c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 934 (Gill); Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 692 (Singh 1); Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1718 (Singh 2). Je ne suis pas d’accord. L’agent a examiné les éléments de preuve pertinents et n’a pas commis d’erreur susceptible de contrôle.

[19] Le défendeur soutient que la décision de l’agent est raisonnable, que l’agent a examiné les éléments de preuve du demandeur et qu’il a conclu de façon raisonnable que le demandeur n’avait pas expliqué les problèmes qu’il avait eus en Inde et qui l’avaient poussé à présenter une demande d’asile au Canada et qu’aucun élément de preuve pertinent n’a été présenté pour expliquer ces problèmes. Le défendeur affirme que l’agent n’a pas fait abstraction des éléments de preuve au sujet des liens familiaux puisque cette question n’avait aucune incidence sur la décision. Le défendeur soutient également que le demandeur a tort de s’appuyer sur la jurisprudence de notre Cour puisque l’agent a correctement examiné les éléments de preuve pertinents dans la présente affaire. De plus, selon le défendeur, la preuve établit que le demandeur ne semble pas avoir respecté les conditions de son permis de travail initial au Canada.

[20] Je suis d’accord avec le défendeur. La question déterminante dans la présente affaire tient aux antécédents d’immigration du demandeur et l’agent s’est attaqué de façon significative à cette question (Vavilov, au para 128). Il incombait au demandeur de démontrer qu’il quitterait le Canada après la période de séjour autorisée et de fournir des éléments de preuve à cet effet (Mahmoudzadeh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 453 aux para 14-15). L’agent avait le droit de tenir compte de la demande d’asile rejetée et des éléments de preuve l’accompagnant selon lesquels les problèmes sous-jacents à la demande d’asile seraient réglés et de conclure que ces éléments de preuve ne permettaient pas d’établir que le demandeur quitterait le Canada à la fin de sa période de séjour. Aucun autre élément de preuve n’a été présenté pour contredire cette conclusion, et je conviens avec le défendeur que les éléments de preuve du demandeur selon lesquels il a réglé ses problèmes en Inde ne fournissent pas d’explication supplémentaire et n’éclaircissent pas la situation. Le fait que l’agent ait examiné la demande d’asile rejetée constitue donc une appréciation raisonnable de la preuve, preuve que la Cour doit s’abstenir d’apprécier à nouveau dans le cadre d’un contrôle (Vavilov, au para 125).

[21] De plus, le demandeur affirme qu’il s’appuie sur des affaires qui sont [traduction] « pratiquement indiscernables » de la présente affaire. Ces affaires sont en fait très distinctes. Ni la décision Gill, ni la décision Singh 1, ni la décision Singh 2 ne portait sur des demandeurs d’asile déboutés qui présentaient de nouveau une demande de permis de travail. Cette distinction est au cœur de la décision de l’agent, et il était en droit de se fonder sur celle-ci. Par conséquent, je conclus que la décision de l’agent est justifiée au regard des contraintes juridiques ou factuelles qui ont une incidence sur celle‑ci (Vavilov, aux para 99-101).

VI. Conclusion

[22] La demande de contrôle judiciaire est rejetée sans dépens. La décision de l’agent est justifiée, transparente et intelligible au regard des contraintes juridiques et factuelles. Aucune question à certifier n’a été soulevée, et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-329-23

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée sans dépens.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Shirzad A. »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-329-23

INTITULÉ :

SULESH SUDHAKARAN VIMALA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Audience tenue par vidéoconférence

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 20 septembre 2023

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE AHMED

DATE DES MOTIFS :

LE 22 SEPTEMBRE 2023

COMPARUTIONS :

Gabriel Chand

POUR LE DEMANDEUR

Aminollah Sabzevari

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Chand & Company Law Corporation

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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