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Date : 20230831


Dossier : T-439-23

Référence : 2023 CF 1182

Montréal (Québec), le 31 août 2023

En présence de monsieur le juge Gascon

ENTRE :

KAROLYNE LAVIGNE

demanderesse

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La demanderesse, Madame Karolyne Lavigne, sollicite le contrôle judiciaire d’une décision datée du 16 février 2023 [Décision] en vertu de laquelle l’Agence du revenu du Canada [ARC] a conclu qu’elle était inadmissible à la Prestation canadienne de la relance économique [PCRE]. L’ARC a refusé la demande de Mme Lavigne au motif que cette dernière n’avait pas gagné au moins 5 000 $ de revenus nets de travail indépendant en 2019, en 2020 ou au cours des 12 mois précédant la date de sa première demande, et qu’elle n’avait pas subi une baisse de 50% de son revenu hebdomadaire moyen par rapport à l’année précédente pour des raisons liées à la COVID‑19.

[2] Mme Lavigne prétend que la Décision est déraisonnable car, selon elle, l’ARC n’aurait pas calculé son revenu net adéquatement et n’aurait pas demandé les informations pertinentes quant à la baisse de ses revenus. Mme Lavigne soutient également que, contrairement à ce que l’ARC a conclu, elle satisfait les deux critères mentionnés dans la Décision pour 15 des 27 périodes pour lesquelles elle a demandé des prestations PCRE. Elle avance aussi que l’ARC aurait omis de respecter les règles d’équité procédurale dans le traitement de son dossier.

[3] Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire de Mme Lavigne sera rejetée. Après avoir examiné les motifs de l’ARC, la preuve au dossier et le droit applicable, je ne suis pas convaincu que la Décision de l’ARC peut être qualifiée de déraisonnable ou que l’ARC a manqué à son devoir d’équité procédurale. Bien que je puisse comprendre la frustration de Mme Lavigne quant au traitement contradictoire dont elle semble avoir fait l’objet par l’ARC suite à l’amendement de sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2019, la preuve devant moi est insuffisante pour conclure au caractère déraisonnable de la Décision.

II. Contexte

A. Les faits

[4] La PCRE fait partie de l’arsenal de mesures introduites par le gouvernement fédéral à compter de 2020 afin de pallier les répercussions économiques causées par la pandémie de COVID‑19. Il s’agissait de paiements monétaires ciblés qui visaient à fournir un soutien financier aux travailleurs et travailleuses ayant subi une perte de revenus en raison de la pandémie, et qui ne pouvaient bénéficier de la protection offerte par le régime usuel d’assurance-emploi. L’ARC est l’office fédéral responsable de l’administration de la PCRE, au nom du Ministre de l’Emploi et du Développement social.

[5] La PCRE était disponible pour toute période de deux semaines comprise entre le 27 septembre 2020 et le 23 octobre 2021 pour les salariés et travailleurs indépendants admissibles qui avaient subi une perte de revenus en raison de la pandémie de COVID‑19 (Aryan c Canada (Procureur général), 2022 CF 139 [Aryan] au para 2). Les critères d’admissibilité à la PCRE sont prévus et détaillés dans la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique, LC 2020, ch 12, art 2 [Loi sur la PCRE]. Ils exigeaient entre autres que les salariés ou les travailleurs indépendants aient gagné au moins 5 000 $ de revenus d’emploi ou de revenus nets de travail indépendant en 2019, en 2020, ou au cours des 12 mois précédant la date de leur dernière demande. De plus, les salariés ou travailleurs indépendants devaient avoir subi une baisse de 50% de leur revenu hebdomadaire moyen par rapport à l’année précédente pour des raisons liées à la COVID‑19.

[6] Mme Lavigne exploite une boutique de robes de mariée et de bal dont elle est l’unique propriétaire. Puisque la pandémie de COVID‑19 ralentit considérablement les activités de son entreprise, Mme Lavigne fait des demandes de PCRE à l’ARC au cours de l’année 2021. Elle obtient la PCRE pour 27 périodes de deux semaines s’échelonnant du 27 septembre 2020 au 9 octobre 2021. Ces prestations lui sont versées sur la foi de ses demandes.

[7] En octobre 2022, Mme Lavigne est sélectionnée pour un examen de son admissibilité à la PCRE. Le 1er novembre 2022, suite à un premier examen de son admissibilité, Mme Lavigne reçoit une lettre de l’ARC lui indiquant qu’elle n’est pas éligible aux prestations reçues. Cette lettre informe Mme Lavigne qu’elle ne satisfait pas le critère du revenu minimal de 5 000 $ gagné en 2019, en 2020, ou au cours des 12 mois précédant la date de sa dernière demande, et qu’elle n’a pas subi une baisse de 50% de son revenu hebdomadaire moyen par rapport à l’année précédente pour des raisons liées à la COVID‑19.

[8] Aux environs du 11 novembre 2022, Mme Lavigne transmet à l’ARC une demande écrite de deuxième examen, comme la Loi sur la PCRE le lui autorise. Elle communique alors son désaccord avec la façon dont l’ARC a calculé son revenu net d’un travail indépendant pour déterminer son admissibilité à la PCRE. Mme Lavigne soumet des documents ainsi qu’une lettre d’explication au soutien de sa demande de réexamen.

[9] Le 28 novembre 2022, l’ARC envoie le résultat du deuxième examen à Mme Lavigne, dans une lettre qui lui indique à nouveau qu’elle n’est pas éligible aux prestations PCRE puisqu’elle n’a pas gagné au moins 5 000 $ de revenus nets de travail indépendant en 2019, en 2020 ou au cours des 12 mois précédant la date de sa première demande. La lettre ne mentionne toutefois pas que Mme Lavigne n’aurait pas eu une baisse de 50% de son revenu hebdomadaire moyen par rapport à l’année précédente pour des raisons liées à la COVID‑19.

[10] Le 5 décembre 2022, l’ARC reçoit de nouveaux documents de la part de Mme Lavigne et une nouvelle agente procède alors à un troisième examen de sa demande de prestations [Agente]. Dans le cadre de ce troisième examen, Mme Lavigne mentionne à l’ARC qu’elle a déposé une déclaration de revenus amendée pour l’année d’imposition 2019, laquelle fait maintenant état d’un revenu net de travail indépendant supérieur à 5 000 $. La différence entre les deux versions de sa déclaration de revenus de 2019 provient d’une modification à la déduction pour amortissement réclamée pour l’achat, en 2019, d’une bâtisse commerciale afin d’y loger son entreprise. Dans sa déclaration initiale, produite en mai 2020 avant sa demande de prestations PCRE, Mme Lavigne déclarait des revenus d’entreprise bruts de 72 560 $ et une perte d’entreprise nette de 94 $, résultant notamment d’une déduction pour amortissement d’un montant de 11 878 $. Dans sa déclaration amendée produite en janvier 2023, les revenus d’entreprise nets de Mme Lavigne passent à 6 525 $, en raison de son choix de réclamer une déduction moindre pour amortissement, soit 5 258 $ au lieu de 11 878 $.

[11] Mme Lavigne confirme également à l’ARC ne pas avoir eu de baisse de revenus pour 12 des 27 périodes pour lesquelles elle avait demandé la PCRE. Sa réclamation de prestations PCRE se voit donc réduite à 15 semaines. En ce qui concerne sa déclaration de revenus amendée pour l’année d’imposition 2019, Mme Lavigne indique à l’Agente de troisième examen qu’elle a amendé sa déclaration pour se rendre admissible à la PCRE, en modifiant la déduction d’amortissement qu’elle a la discrétion de demander sur ses revenus d’entreprise.

[12] Le 16 février 2023, suite au troisième examen de son admissibilité, Mme Lavigne reçoit la Décision de l’ARC, qui conclut à nouveau que Mme Lavigne n’est pas éligible aux prestations PCRE reçues. La Décision informe Mme Lavigne qu’elle ne satisfait toujours pas le critère du revenu minimal de 5 000 $ gagné en 2019, en 2020, ou au cours des 12 mois précédant la date de sa dernière demande, et qu’elle n’a pas subi une baisse de 50% de son revenu hebdomadaire moyen par rapport à l’année précédente pour des raisons liées à la COVID‑19.

[13] Le 6 mars 2023, Mme Lavigne dépose la présente demande de contrôle judiciaire de la Décision.

B. La norme de contrôle

[14] Il est bien acquis que la norme de contrôle applicable au mérite des décisions de l’ARC en matière de prestations PCRE est la norme de la décision raisonnable (He c Canada (Procureur général), 2022 CF 1503 [He] au para 20; Lajoie c Canada (Procureur général), 2022 CF 1088 au para 12; Aryan aux para 15–16).

[15] Lorsque la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, le rôle d’une cour de révision est d’examiner les motifs qu’a donnés le décideur administratif et de déterminer si la décision est fondée sur « une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle » et est « justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] au para 85). La cour de révision doit tenir compte « du résultat de la décision administrative eu égard au raisonnement sous-jacent à celle-ci afin de s’assurer que la décision dans son ensemble est transparente, intelligible et justifiée » (Vavilov au para 15). Il ne suffit pas que la décision soit justifiable. Dans les cas où des motifs s’imposent, le décideur administratif « doit également, au moyen de ceux-ci, justifier sa décision auprès des personnes auxquelles elle s’applique » [en italique dans l’original] (Vavilov au para 86). Ainsi, le contrôle en fonction de la norme de la décision raisonnable s’intéresse tant au résultat de la décision qu’au raisonnement suivi (Vavilov au para 87).

[16] L’exercice du contrôle selon la norme de la décision raisonnable doit comporter une évaluation rigoureuse des décisions administratives. Toutefois, dans le cadre de son analyse du caractère raisonnable d’une décision, la cour de révision doit examiner les motifs donnés avec « une attention respectueuse », et chercher à comprendre le fil du raisonnement suivi par le décideur pour en arriver à sa conclusion (Vavilov au para 84). La cour de révision doit adopter une attitude de retenue et n’intervenir que « lorsque cela est vraiment nécessaire pour préserver la légitimité, la rationalité et l’équité du processus administratif » (Vavilov au para 13). La norme de la décision raisonnable tire son origine du principe de la retenue judiciaire et de la déférence, et elle exige des cours de révision qu’elles témoignent d’un respect envers le rôle distinct que le législateur a choisi de conférer aux décideurs administratifs plutôt qu’aux cours de justice (Vavilov aux para 13, 46, 75). Une décision ne sera pas infirmée sur la base de simples erreurs superficielles ou accessoires; pour être invalidée, une décision doit plutôt comporter de graves lacunes, telles qu’un raisonnement intrinsèquement incohérent (Vavilov aux para 100–101).

[17] C’est à la partie qui conteste une décision administrative qu’il incombe de démontrer son caractère déraisonnable.

[18] En ce qui a trait aux questions d’équité procédurale, la Cour d’appel fédérale a toutefois affirmé à plusieurs reprises que celles-ci ne requièrent pas l’application des normes de contrôle judiciaire usuelles (Association canadienne des avocats en droit des réfugiés c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CAF 196 au para 35; Lipskaia c Canada (Procureur général), 2019 CAF 267 au para 14; Canadian Airport Workers Union c Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale, 2019 CAF 263 aux para 24–25; Perez c Hull, 2019 CAF 238 au para 18; Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 [CCP] aux para 33–56). Il appartient à la cour de révision de se demander, « en mettant nettement l’accent sur la nature des droits substantiels concernés et les conséquences pour la personne, si un processus juste et équitable a été suivi » (CCP au para 54). Par conséquent, lorsqu’une demande de contrôle judiciaire porte sur l’équité procédurale et sur des manquements aux principes de justice fondamentale, la véritable question n’est pas tant de savoir si la décision était « correcte ». C’est plutôt de déterminer si, compte tenu du contexte particulier et des circonstances de l’espèce, le processus suivi par le décideur administratif était équitable et a donné aux parties concernées le droit de se faire entendre ainsi que la possibilité complète et équitable d’être informées de la preuve à réfuter et d’y répondre (CCP au para 56; Huang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 940 aux para 51–54). Les cours de révision n’ont pas à faire preuve de déférence envers le décideur administratif sur des questions ayant trait à l’équité procédurale.

III. Analyse

[19] Dans sa demande de contrôle judiciaire, Mme Lavigne prétend que la Décision est déraisonnable et demande à la Cour de considérer certains documents qui n’ont pas été soumis aux décideurs administratifs de l’ARC lors des premier, deuxième ou troisième examens de sa demande de prestations. Elle soumet également que la Décision n’est pas suffisamment motivée et que l’Agente de troisième examen aurait enfreint les règles de l’équité procédurale en rendant la Décision.

[20] Aucun des arguments avancés par Mme Lavigne ne me convainc suffisamment pour justifier l’intervention de la Cour.

A. Admissibilité de nouveaux éléments

[21] Mme Lavigne tente de présenter à la Cour certains éléments de preuve qui, à son avis, permettent d’établir qu’elle respecte les critères d’admissibilité à la PCRE. Il n’est pas contesté que ces documents ne se trouvaient pas devant l’ARC lorsque la Décision a été rendue. Mme Lavigne demande aujourd’hui à la Cour de les accepter et de les considérer dans le cadre de sa demande de contrôle judiciaire.

[22] Comme je l’ai expliqué lors de l’audience, la Cour ne peut pas accepter de tels documents dans le cadre d’un contrôle judiciaire. En effet, il est bien établi que, lors d’un contrôle judiciaire, la règle générale veut que la cour de révision ne puisse examiner que les documents dont disposait le décideur administratif, à quelques exceptions près (Gittens c Canada (Procureur général), 2019 CAF 256 au para 14; Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 [AUCC] aux para 19–20; Aryan au para 42). Ces exceptions s’appliquent notamment aux documents qui : 1) fournissent des renseignements généraux susceptibles d’aider la cour de révision à comprendre les questions en litige; 2) font état de vices de procédure ou de manquements à l’équité procédurale dans la procédure administrative; ou 3) font ressortir l’absence totale de preuve dont disposait le décideur (Tsleil‑Waututh Nation c Canada (Procureur général), 2017 CAF 128 au para 98; Bernard c Canada (Agence du revenu), 2015 CAF 263 aux para 23–25; AUCC aux para 19–20; Nshogoza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1211 aux para 16–18). À mon avis, il est clair que les documents que Mme Lavigne souhaiterait déposer devant la Cour ne rencontrent aucune de ces exceptions.

[23] Je rappelle que le but premier d’un contrôle judiciaire est de contrôler des décisions administratives, et non pas de trancher, par un procès de novo, des questions qui n’auraient pas été examinées de façon adéquate sur le plan de la preuve devant le décideur administratif compétent (Cozak c Canada (Procureur général), 2022 CF 1351 [Cozak] au para 22). Une demande de contrôle judiciaire n’est pas un appel (Paiani c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 514 au para 1).

[24] Puisque les documents de Mme Lavigne n’ont pas été présentés à l’Agente de troisième examen, la Cour, dans son exercice du contrôle judiciaire, ne peut pas les examiner pour déterminer le caractère raisonnable ou la légalité de la Décision (Fortier c Canada (Procureur général), 2022 CF 374 au para 17). Ils ne font pas partie du dossier faisant l’objet du contrôle judiciaire. À tout événement, j’ajoute que ceci ne changerait rien au sort de la Décision, car même en considérant ces documents, je ne suis pas convaincu que Mme Lavigne a démontré le caractère déraisonnable de la Décision.

B. La motivation de la Décision

[25] Par ailleurs, dans ses soumissions écrites, Mme Lavigne se plaint du caractère laconique de la lettre du 16 février 2023 envoyée par l’ARC, laquelle se résume à un exposé succinct des critères d’admissibilité que Mme Lavigne n’a pas satisfaits.

[26] Cependant, il est bien établi que les rapports préparés par un agent de révision de l’ARC dans le cadre d’une demande de révision de l’admissibilité à la PCRE font partie des motifs des décisions sur la PCRE (He au para 30; Aryan au para 22). Par exemple, dans l’affaire Cozak, la Cour a conclu que, même si les lettres de décision ne présentaient pas le raisonnement ayant mené à la conclusion que le demandeur était inadmissible, le rapport de deuxième examen rédigé par les agents de l’ARC lors du réexamen des demandes de prestations fait partie des motifs de la décision rendue et qu’il est raisonnable pour l’ARC de simplement mentionner, dans sa lettre de refus, que le demandeur ne satisfait pas aux critères d’admissibilité en précisant quelles exigences ne sont pas satisfaites (Cozak au para 22).

[27] Dans le cas de Mme Lavigne, il ressort clairement du dossier que les notes de l’Agente de troisième examen font état de l’ensemble des faits retenus et du raisonnement ayant mené à la Décision. Je partage donc l’avis du Procureur général du Canada [PGC] à l’effet que, lorsqu’on lit la Décision avec les notes de l’Agente, l’ARC a suffisamment motivé la Décision rendue à l’encontre de Mme Lavigne.

C. Le caractère raisonnable de la Décision

[28] Le cœur des soumissions de Mme Lavigne porte sur le caractère déraisonnable de la Décision. Mme Lavigne soutient que la Décision de l’ARC est déraisonnable puisque les conclusions sur son inadmissibilité aux prestations PCRE auraient erronément fait abstraction des éléments de preuve fournis en lien avec son revenu net d’entreprise pour l’année 2019 et ses baisses de revenus pour 15 périodes de PCRE. Mme Lavigne ajoute qu’elle remplissait tous les critères d’admissibilité à la PCRE et avance que l’ARC aurait erré en ne considérant pas les preuves envoyées par sa comptable eu égard à ses revenus nets d’entreprise pour 2019.

[29] Avec égards, je ne partage pas l’avis de Mme Lavigne.

[30] Dans la Décision, l’ARC a refusé l’éligibilité de Mme Lavigne à la PCRE pour deux raisons : 1) le défaut d’avoir gagné au moins 5 000 $ de revenus d’emploi (avant impôt) ou revenus nets de travail indépendant en 2019, en 2020 ou au cours des 12 mois précédant la date de sa première demande; et 2) le fait de n’avoir pas eu une baisse de 50% de son revenu hebdomadaire moyen par rapport à l’année précédente pour des raisons liées à la COVID‑19.

[31] Le dossier certifié du tribunal contient les notes des trois agentes de l’ARC ayant analysé et revu le cas de Mme Lavigne. Ces notes sont enregistrées par les agentes de l’ARC dans le cours de leurs fonctions et font partie de la Décision. On y voit que l’Agente de troisième examen était bien au fait de la déclaration initiale de revenus de Mme Lavigne pour l’année 2019 et de sa déclaration amendée aux termes de laquelle elle a déclaré des revenus d’entreprise nets de 6 525 $, suite à son choix de réclamer une déduction pour amortissement réduite de 5 258 $. L’Agente a expressément tenu compte de la déclaration amendée de Mme Lavigne et l’a considérée dans ses notes du 7 et du 14 février 2023.

[32] Les notes de l’Agente indiquent également que les déclarations de revenus de Mme Lavigne pour les années d’imposition 2019, 2020 et 2021 montraient que ses revenus d’entreprise bruts n’avaient jamais été aussi élevés comparativement à son historique de déclarations de revenus. L’Agente a aussi relevé l’affirmation très candide, faite à deux reprises par Mme Lavigne lors de l’entretien téléphonique du 9 février 2023, à l’effet que l’amendement à sa déclaration de revenus pour 2019 avait pour objectif de se rendre admissible à la PCRE et d’avoir les 5 000 $ de revenus nets requis par les critères d’admissibilité.

[33] Pour sa part, l’agente de deuxième examen de l’ARC avait aussi noté, le 24 novembre 2022, que l’historique des déclarations de revenus de Mme Lavigne démontrait qu’elle n’avait pas déclaré de revenus d’entreprise nets supérieurs à 5 000 $ depuis qu’elle a commencé à exploiter sa boutique de robes de mariée en 2015, sauf pour l’année 2021.

[34] Dans de telles circonstances, je dois déterminer s’il était déraisonnable pour l’Agente de troisième examen, compte tenu de la preuve dont elle disposait, de conclure que Mme Lavigne n’avait pas démontré avoir atteint le seuil minimum de revenus nets aux fins des critères d’admissibilité pour les prestations PCRE.

[35] La Loi sur la PCRE ne définit pas le terme « revenu » mais le paragraphe 3(2) de la loi prévoit cependant que le revenu visé aux alinéas 3(1)d) à f) pour la personne qui exécute un travail pour son propre compte est son « revenu moins les dépenses engagées pour le gagner ». C’est ce qui permet d’établir la situation réelle du contribuable, et c’est ce qui doit être considéré aux fins de l’admissibilité à la PCRE.

[36] La déduction pour amortissement initialement prise par Mme Lavigne à l’encontre de ses revenus pour l’année d’imposition 2019 résulte d’une dépense engagée pour l’achat d’une bâtisse commerciale servant à abriter les opérations de son entreprise. Il s’agissait donc d’une dépense pour gagner son revenu d’entreprise lors de l’année en cause. Mme Lavigne a utilisé la déduction pour amortissement lorsqu’elle a produit sa déclaration de revenus puisque cette déduction permettait de refléter le revenu net réel de son entreprise pour l’année d’imposition 2019. Ceci dit, Mme Lavigne était en droit d’amender sa déclaration de revenus pour l’année 2019 en diminuant cette déduction pour amortissement, car il s’agit d’une déduction que toute personne a le loisir de prendre dans l’année en cours ou de reporter à des années ultérieures.

[37] Toutefois, même si Mme Lavigne pouvait modifier sa déduction pour amortissement au niveau fiscal, je ne suis pas persuadé qu’il était déraisonnable pour l’Agente de conclure qu’un amendement fait dans l’unique but de se rendre admissible à la PCRE n’a pas pour effet de modifier le fait que les revenus nets de l’entreprise de Mme Lavigne ne dépassaient pas le seuil de 5 000 $. En d’autres termes, il n’était pas déraisonnable, dans les circonstances particulières du dossier de Mme Lavigne, pour l’Agente de ne pas cautionner le choix fiscal de Mme Lavigne et de conclure, en regard de l’ensemble de la preuve devant elle, que Mme Lavigne n’avait pas réussi à démontrer qu’elle satisfaisait le critère d’admissibilité de 5 000 $.

[38] À la lecture de la Décision et des notes de l’Agente de troisième examen, je constate que l’ARC a considéré les arguments de Mme Lavigne ainsi que les informations de revenus et dépenses d’entreprise qu’elle a soumis. Qui plus est, l’Agente est restée fidèle au texte de la Loi sur la PCRE, qui définit le revenu de la personne qui exécute un travail pour son compte comme étant « son revenu moins les dépenses engagées pour le gagner ». Ce qui devait guider l’ARC pour calculer le revenu d’un travail indépendant donnant ouverture à la PCRE, c’est d’abord et avant tout cette définition établie par le législateur.

[39] Et il n’est pas contesté que le fait de ne pas satisfaire le critère de 5 000 $ suffisait, à lui seul, pour refuser les prestations PCRE demandées par Mme Lavigne.

[40] Je précise que cela ne veut pas dire du tout que Mme Lavigne a fait preuve de malhonnêteté en soumettant ses demandes de PCRE ou en amendant sa déclaration de revenus de 2019 pour tenter de se rendre admissible à la PCRE. Cela signifie seulement qu’elle n’a pas établi son admissibilité aux prestations à la satisfaction de l’Agente.

[41] Je reconnais qu’il peut paraître contradictoire et inconséquent pour l’ARC de ne pas reconnaître le revenu net de 5 000 $ aux fins des prestations PCRE, tout en l’acceptant au niveau d’une déclaration de revenus amendée et de la cotisation fiscale additionnelle qui y est associée. Je note que la déclaration de revenus amendée de Mme Lavigne pour l’année 2019 a été acceptée par l’ARC et a fait l’objet d’une nouvelle cotisation le 19 janvier 2023, pour un montant d’un peu plus de 731 $.

[42] J’ouvre une parenthèse pour mentionner que rien n’empêcherait Mme Lavigne d’essayer de faire renverser cette nouvelle cotisation en soumettant un nouvel amendement de sa déclaration de revenus pour l’année 2019 et en revenant à la situation antérieure en ce qui concerne sa déduction pour amortissement.

[43] Toutefois, comme l’a mentionné le PGC, la Cour a conclu à de nombreuses reprises, qu’en matière d’admissibilité à la Prestation Canadienne d’Urgence ou à la PCRE, un avis de cotisation ne constitue pas une preuve irréfutable pour établir qu’un demandeur a gagné et reçu le montant inscrit dans sa déclaration de revenus pour une année d’imposition, ni que ce revenu détermine l’admissibilité aux prestations (Aryan au para 35).

[44] Le fardeau incombait à Mme Lavigne d’établir qu’elle satisfait, selon la prépondérance des probabilités, les critères de la Loi sur la PCRE (Cantin c Canada (Procureur général), 2022 CF 939 au para 15; Walker v Canada (Attorney General), 2022 CF 381 aux para 37, 55). L’Agente de troisième examen a conclu que les documents et explications fournies par Mme Lavigne ne permettaient pas d’établir son admissibilité à la PCRE.

[45] Je suis satisfait que les motifs fournis dans la lettre et les notes de l’Agente justifient la Décision de manière transparente et intelligible. Ils permettent à la Cour de comprendre le fondement sur lequel repose la Décision rendue et confirment qu’aucun fait pertinent n’a été omis. Les notes de troisième examen sont rigoureuses et cohérentes; elles démontrent notamment que l’ARC a soigneusement examiné les documents de Mme Lavigne et a accordé à cette dernière la possibilité de répondre et de fournir les preuves de ses revenus de travail indépendant. Les notes de l’Agente établissent que cette dernière n’a pas fait abstraction des documents fournis par Mme Lavigne, mais plutôt qu’elle les a jugés insuffisants et non convaincants pour appuyer sa demande.

[46] L’ARC se devait d’expliquer sa Décision, et je conclus qu’elle l’a fait adéquatement en l’espèce. Depuis l’arrêt Vavilov, une attention particulière doit désormais être portée au processus décisionnel et à la justification des décisions administratives. Un des objectifs préconisés par la Cour suprême du Canada dans l’application de la norme de la décision raisonnable est de « développer et de renforcer une culture de la justification au sein du processus décisionnel administratif » (Vavilov aux para 2, 143). En fin de compte, la cour de révision doit « s’assurer de bien comprendre le raisonnement suivi par le décideur » et déterminer « si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité » (Vavilov au para 99).

[47] Dans le cas de Mme Lavigne, le dossier indique que l’Agente s’est appuyée sur le langage même de la Loi sur la PCRE au niveau du revenu net, qu’elle a suivi un raisonnement rationnel, cohérent et logique dans son analyse, et qu’elle a considéré les arguments et documents de Mme Lavigne. Bien que Mme Lavigne eût souhaité un résultat différent, la Décision est conforme aux contraintes juridiques et factuelles pertinentes ayant une incidence sur le résultat et la question en litige (Vavilov aux para 105–107).

[48] Je rappelle que les motifs d’une décision administrative n’ont pas à être exhaustifs ou parfaits. En effet, la norme de contrôle de la décision raisonnable ne porte pas sur le degré de perfection de la décision, mais plutôt sur son caractère raisonnable (Vavilov au para 91). Il suffit que les motifs soient compréhensibles et justifient la décision administrative. C’est le cas ici.

[49] Au surplus, dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire, ce n’est pas le rôle de la cour de révision d’apprécier à nouveau les éléments de preuve au dossier (Vavilov au para 125). Mme Lavigne a certes démontré son désaccord avec la conclusion tirée par l’Agente et avec le poids accordé à ses documents justificatifs de revenus nets; mais ce n’est pas là une raison autorisant la Cour à intervenir. Les motifs de l’Agente illustrent une logique interne sans bavures, et il n’appartient pas à la Cour d’y substituer une conclusion qui pourrait lui sembler préférable. Somme toute, la Décision ne souffre d’aucune lacune grave qui viendrait brider l’analyse et qui serait susceptible de porter atteinte aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence.

[50] Lors d’un contrôle judiciaire comme celui-ci, les cours de révision doivent toujours examiner les conclusions d’un décideur administratif sous l’angle du caractère raisonnable et de la retenue, avec une attention respectueuse aux motifs du décideur et à son expertise. Une cour de révision ne doit pas conclure que la décision d’un décideur administratif est déraisonnable simplement parce que le résultat lui déplaît, qu’il lui semble généralement injuste ou qu’elle aurait pu en disposer autrement. Même dans des situations où le contexte factuel d’une demande peut inciter à une certaine sympathie, comme c’est le cas pour le dossier de Mme Lavigne, la cour de révision doit résister à la tentation de se prononcer sur la demande de contrôle judiciaire en se fondant sur la conclusion qu’elle aurait pu elle-même tirer si elle avait occupé la place du décideur (Braud c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 132 aux para 51–52).

[51] Dans l’arrêt Trigonakis v Sky Regional Airlines Inc, 2022 FCA 170, la Cour d’appel fédérale a récemment rappelé les limites du rôle des cours de révision. Il est utile de reproduire les propos qu’elle a tenus au paragraphe 9 :

[9] Lors de sa plaidoirie, l’appelant a souligné, avec passion et éloquence, ce qu’il considérait personnellement comme l’injustice générale de cette situation, surtout à la lumière de ses antécédents et de ses motivations ainsi que de la conduite et des motivations de son employeur. Cependant, lors du contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la tâche de la Cour fédérale et de cette Cour est limitée : dans des cas comme celui-ci, nous ne pouvons vérifier que l’acceptabilité et la justesse d’une décision administrative, comme la décision de l’arbitre en l’espèce, sur la base du fondement juridique des normes établies dans les dispositions législatives, de tout autre document juridique tel que des contrats, ainsi que des faits constatés dans le dossier de la preuve. Nous ne pouvons pas fonctionner en dehors de ces limites. Nous ne pouvons pas rendre n’importe quelle décision qui pourrait, de façon générale, sembler juste à nos yeux ou à ceux d’un tiers.

[52] Je ne peux qu’adopter ces principes énoncés par la Cour d’appel fédérale. La norme de la décision raisonnable impose une discipline aux cours de justice qui se doivent de respecter le choix du législateur et de ne pas usurper l’autorité décisionnelle que ce dernier a confiée aux décideurs administratifs.

[53] J’ajoute les remarques suivantes. Le dossier de Mme Lavigne rappelle qu’il ne faut pas confondre les mesures de nature fiscale qui encadrent les déclarations de revenus et les mesures de soutien économique et social que sont les prestations PCRE et les autres prestations mises en place par le gouvernement fédéral suite à la pandémie de COVID‑19. Certes, il s’avère que les deux types de mesures sont administrées par l’ARC. Mais cela ne signifie toutefois pas qu’elles répondent aux mêmes impératifs.

[54] Lors de ses représentations, l’avocate du PGC s’est appuyée sur la décision Canada (Procureur général) c Collins Family Trust, 2022 CSC 26 [Collins] de la Cour suprême du Canada pour faire valoir que Mme Lavigne ne pouvait utiliser des réorganisations fiscales pour « contourner » les critères de la PCRE. J’aborderais la question différemment, car je ne suis pas convaincu que l’on peut nécessairement importer ces principes de droit fiscal dans l’analyse du traitement des demandes de prestations PCRE ou des autres prestations offertes par le gouvernement fédéral pour compenser l’impact économique négatif de la pandémie.

[55] À mon avis, la logique de l’arrêt Collins ne peut pas s’étendre aux faits du présent dossier. Au paragraphe 21 de l’arrêt Collins, la Cour suprême énonçait que « […] les tribunaux ne voient pas d’un bon œil les tentatives de réécrire l’histoire afin d’obtenir un traitement fiscal plus favorable ». Cette conclusion découlait du principe « selon lequel l’impôt à payer repose sur ce qui a été vraiment convenu et fait, et non pas sur ce que, si l’on analyse la situation rétrospectivement, le contribuable aurait dû faire ou aurait souhaité avoir fait » [je souligne] (Collins au para 21, citant 771225 Ontario Inc v Bramco Holdings Co (1995), 21 OR (3d) 739). Toutefois, l’analyse rétrospective d’un traitement fiscal abordée dans l’arrêt Collins ne se transpose pas à la situation de Mme Lavigne dans le cadre d’une demande de prestations PCRE.

[56] En effet, la PCRE ne peut pas être considérée comme un « impôt à payer » (tax liability en anglais) puisqu’il ne s’agit pas d’une mesure fiscale, d’un avantage fiscal ou d’une obligation de nature fiscale. Même si le programme est administré par l’ARC, cela ne suffit pas pour lui conférer le statut de mesure fiscale. Il s’agit plutôt, d’abord et avant tout, d’une mesure d’assistance de nature économique et sociale, qui visait à combler les limites du programme d’assurance-emploi dans le difficile contexte de la pandémie de COVID‑19. L’avocate du PGC a d’ailleurs elle-même indiqué que la PCRE n’est pas une mesure fiscale à la base, mais plutôt un programme d’aide gouvernementale. Or, il est clair que l’arrêt Collins traite d’une « obligation fiscale » découlant de l’application ordinaire d’une loi fiscale (Collins au para 22), et ne concerne pas le contexte d’une mesure de soutien économique gouvernemental comme la PCRE.

[57] Je précise qu’en réorganisant sa déduction pour amortissement comme elle l’a fait dans sa déclaration de revenus amendée pour 2019, Mme Lavigne n’a pas pris de mesures afin d’éviter une obligation fiscale. Elle a au contraire opté de réorganiser sa déclaration de revenus pour tenter de satisfaire aux critères d’admissibilité d’un programme de soutien gouvernemental. À mon avis, il est incorrect d’assimiler une modification de ses revenus pour tenter de satisfaire aux critères d’admissibilité d’une mesure de soutien économique comme la PCRE à une réorganisation pour se soustraire (de bon droit) à une obligation fiscale. Les deux cas de figure sont fort différents et ne doivent pas être confondus. En outre, le fait que la PCRE s’ajoute aux revenus imposables des bénéficiaires de ces prestations constitue une indication supplémentaire que cette prestation n’est pas un impôt à payer ou une obligation fiscale, mais plutôt une source de revenu susceptible d’engendrer elle-même une obligation fiscale.

[58] Dans la même veine, le principe établi par la décision Commissioners of Inland Revenue v Duke of Westminster, [1936] AC 1 (HL Eng) [Duke of Westminster], voulant qu’un « contribuable [ait] le droit d’organiser ses affaires de façon à réduire au maximum l’impôt qu’il doit payer » (Hypothèques Trustco Canada c Canada, 2005 CSC 54 au para 11, citant Duke of Westminster; Canada c Alta Energy Luxembourg SARL, 2021 CSC 49 au para 29) ne saurait être étendu aux cas de PCRE comme celui de Mme Lavigne. Les prestations PCRE ne sont pas des impôts à payer et ne tombent donc pas dans le champ d’application des arrêts Collins et Duke of Westminster. Il est donc inexact de prétendre, sous le couvert du principe établi par Duke of Westminster, qu’un contribuable aurait le droit d’organiser ses déclarations de revenus pour pouvoir bénéficier des avantages d’une mesure de soutien économique et social comme la PCRE.

D. Le manquement à l’équité procédurale

[59] Enfin, dans son mémoire des faits et du droit, Mme Lavigne reproche à l’Agente de troisième examen d’avoir rendu sa Décision sans avoir au préalable communiqué avec la comptable de Mme Lavigne, tel que l’aurait demandé cette dernière.

[60] Il est vrai que l’Agente de troisième examen a eu une conversation téléphonique avec Mme Lavigne en date du 9 février 2023, mais je dois constater que rien dans la preuve au dossier ne permet de conclure que l’Agente de l’ARC se serait engagée à communiquer avec la comptable de Mme Lavigne. Je comprends qu’il s’agit là du souvenir ou de la prétention de Mme Lavigne, mais rien dans le dossier certifié du tribunal ne permet d’appuyer les affirmations de Mme Lavigne à cet égard. Je constate plutôt que Mme Lavigne a bénéficié de multiples occasions pour présenter ses documents et transmettre ses informations à l’Agente de troisième examen lors de la conversation téléphonique du 9 février 2023, de même que durant les autres étapes des premier, deuxième et troisième examens. Ces documents incluaient notamment les documents préparés par la comptable de Mme Lavigne, son explication des modifications aux déductions pour amortissement pour l’année 2019 et son tableau de revenus hebdomadaires pour les différentes périodes de PCRE.

[61] J’ajoute également que nulle part dans le dossier de l’ARC ne figure quelque indication que ce soit à l’effet qu’une agente de l’ARC aurait indiqué ou même suggéré à Mme Lavigne ou à sa comptable qu’une modification à sa déclaration de revenus pour l’année 2019 suffirait pour la rendre admissible à la PCRE.

[62] Je suis donc satisfait que Mme Lavigne a eu une opportunité juste et équitable de discuter de son dossier avec l’Agente de troisième examen, qu’elle connaissait la preuve à réfuter et a eu l’occasion d’y répondre, et qu’aucun manquement à l’équité procédurale n’est survenu dans le traitement de son dossier par l’ARC.

IV. Conclusion

[63] Pour les raisons qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire de la Décision de l’ARC est rejetée. Aux termes de la norme de la décision raisonnable, les motifs de la Décision devaient démontrer que les conclusions de l’ARC étaient fondées sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et justifiées au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur administratif est assujetti. C’est le cas en l’espèce. L’analyse faite par l’ARC possède tous les attributs requis de transparence, de justification et d’intelligibilité, et la Décision n’est entachée d’aucune erreur susceptible de contrôle. De plus, le processus suivi par l’ARC ne comporte aucune atteinte aux règles de l’équité procédurale. Il n’y a donc aucun motif justifiant l’intervention de la Cour.

[64] Les parties se sont entendues sur le fait qu’aucuns dépens ne seraient accordés.


JUGEMENT au dossier T-439-23

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucuns dépens ne sont accordés.

« Denis Gascon »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-439-23

INTITULÉ :

LAVIGNE c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 21 AOÛT 2023

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GASCON

DATE DES MOTIFS :

LE 31 AOÛT 2023

COMPARUTIONS :

Mme Karolyne Lavigne

Pour lA demandeRESSE

(POUR SON PROPRE COMPTE)

Me Noémie Vespignani

Pour lE défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour lE défendeUr

 

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