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Date : 20230825


Dossier : T‐1839‐21

Référence : 2023 CF 1148

[TRADUCTION°FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 25 août 2023

En présence de monsieur le juge McHaffie

ENTRE :

KARSON MACKIE

demandeur

et

VIA RAIL CANADA INC.

défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, Karson Mackie, sollicite une ordonnance au titre de l’article 316 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‐106 [les Règles]. Il souhaite obtenir l’autorisation de convoquer 14 témoins à l’audience relative à la demande de contrôle judiciaire sous‐jacente, qui porte sur la décision par laquelle la Commission canadienne des droits de la personne a refusé de statuer sur sa plainte contre VIA Rail Canada au motif qu’une procédure de règlement des griefs lui était normalement ouverte.

[2] Pour les motifs exposés ci‐dessous, je ne suis pas convaincu qu’il existe des « circonstances particulières » justifiant la requête de M. Mackie. Les questions en litige dans la demande sous‐jacente en l’espèce se limitent à celles de savoir si la Commission a, de façon équitable et raisonnable, conclu que l’objet de la plainte de M. Mackie pouvait être soumis à une procédure de règlement des griefs. M. Mackie fait valoir que les témoins en question détiennent des renseignements concernant les événements qui sous‐tendent sa demande de contrôle judiciaire, mais ces événements ne sont pertinents que dans la mesure où ils se rattachent à la décision de la Commission portant que la plainte pouvait faire l’objet d’un grief. Sauf rares exceptions, qui ne s’appliquent pas ici, une demande de contrôle judiciaire est instruite et tranchée en fonction du dossier qui a été présenté au décideur. De nouveaux éléments de preuve sur le fond, qu’il s’agisse d’affidavits ou de témoignages de vive voix, ne sont pas admissibles. Les allégations de M. Mackie, qui reproche à VIA Rail et à plusieurs des témoins envisagés d’avoir adopté un comportement contraire à l’éthique, étrange, inacceptable et même criminel, ne rendent pas le témoignage de ces personnes pertinent ou admissible aux fins de la demande en l’espèce. La Cour ne prononcera pas l’ordonnance visée à l’article 316 des Règles pour autoriser des témoignages non pertinents ou inadmissibles.

[3] M. Mackie ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait de démontrer que la preuve qu’il envisage de présenter par l’intermédiaire de témoignages de vive voix est suffisamment nécessaire et pertinente à l’égard des questions en litige pour respecter la norme élevée des « circonstances particulières ». La requête sera donc rejetée. Étant donné que VIA Rail n’a pas réclamé de dépens, aucuns ne seront adjugés.

[4] Je souligne à titre préliminaire que M. Mackie a déposé sa requête en avril 2023. VIA Rail y a répondu peu de temps après. Malheureusement, la requête de M. Mackie n’a pas été présentée à notre Cour avant août 2023, ce qui a retardé la décision à son sujet, retard qui n’est imputable à aucune des parties.

II. Contexte de la présente requête

A. La plainte de M. Mackie pour atteinte aux droits de la personne

[5] M. Mackie se plaint de la manière dont VIA Rail a traité son problème de dépendance, qui, selon lui, constituait de la discrimination ouvrant droit à réparation en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC 1985, c H‐6 [la LCDP]. Ses allégations visent entre autres un incident qui s’est produit en 2017, lorsqu’il a été obligé de conduire une locomotive après avoir admis son problème de toxicomanie; la réponse à sa demande de mesures d’adaptation en 2019 à son retour d’une cure suivie pour sa dépendance; sa suspension peu de temps après sa demande de mesures d’adaptation; les déclarations d’un superviseur qui constitueraient des menaces; plusieurs mesures prises par VIA Rail en lien avec son emploi et qui seraient de nature coercitive.

B. La décision de la Commission de ne pas statuer sur la plainte

[6] Après avoir reçu la plainte, la Commission a écrit aux parties afin de s’enquérir de la possibilité que leur différend soit soumis à une procédure d’appel ou de règlement des griefs. Selon l’alinéa 41(1)a) de la LCDP, la Commission statue sur toute plainte dont elle est saisie à moins qu’elle estime que la plainte est irrecevable au motif que « la victime présumée de l’acte discriminatoire devrait épuiser d’abord les recours internes ou les procédures d’appel ou de règlement des griefs qui lui sont normalement ouvertes ». La Commission a avisé les parties qu’elle rédigerait un rapport sur la question et les a invitées à lui présenter des observations.

[7] En réponse à cet avis, M. Mackie a fait valoir que VIA Rail [traduction] « n’avait pas instauré les procédures et les processus appropriés et ne possédait pas le degré de crédibilité ou d’intégrité nécessaire pour examiner sa plainte dans le respect de l’équité procédurale et en toute impartialité ». Il a affirmé que le seul représentant syndical dans sa région se trouvait en situation de conflit d’intérêts puisqu’il était un ami de longue date du superviseur qui avait proféré des menaces à son endroit et qu’il s’était ligué avec des tiers chez VIA Rail contre un autre employé ayant un problème de dépendance. Il a décrit par ailleurs des communications avec le président général, Région du Centre, et a soutenu qu’il y avait de la corruption au sein du mécanisme d’appel chez VIA Rail impliquant le bureau de l’ombudsman/agent de conformité. M. Mackie a essentiellement affirmé qu’il y avait de la collusion entre le syndicat et les membres de la direction de VIA Rail et que, en raison des sévices et de la discrimination dont il avait été victime, il était impensable qu’il exerce ses recours dans son milieu de travail.

[8] VIA Rail a également répondu à l’avis en opposant que la plainte pouvait faire l’objet d’un grief. L’entreprise a affirmé que le syndicat concerné, la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada, avait aidé M. Mackie dans le passé et qu’il n’y avait aucune raison qu’il ne puisse pas le faire à l’égard de sa plainte de discrimination. Elle s’est reportée aux clauses de la convention collective applicable et a souligné que les litiges doivent être tranchés par trois arbitres du Bureau d’arbitrage et de médiation des chemins de fer du Canada, qui est censé être un organisme indépendant.

[9] La Commission a transmis en juillet 2021 un deuxième avis au sujet du recours au processus de règlement des griefs, conformément à un nouveau processus décisionnel. Cet avis accordait aux parties la possibilité de présenter de nouveaux renseignements. Les deux parties ont répondu cette fois encore, et elles ont réitéré leurs positions antérieures et présenté des renseignements complémentaires. M. Mackie a ajouté notamment que le représentant de son syndicat local avait fait des commentaires offensants, inappropriés et méprisants à propos de sa ville natale et a présenté aussi de l’information décrivant l’intervention inadéquate du président général dans un autre dossier. Pour sa part, VIA Rail a cité des exemples récents de cas où le syndicat est venu en aide à M. Mackie.

[10] Le 29 octobre 2021, la Commission a rendu sa décision. Elle a décidé de ne pas statuer sur la plainte de M. Mackie parce que ce dernier pouvait se prévaloir d’une procédure de règlement des griefs à l’égard des questions soulevées et parce que le fait que ce recours n’avait pas été épuisé était entièrement attribuable à M. Mackie.

C. La demande de contrôle judiciaire de M. Mackie

[11] Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue par la Commission le 29 octobre 2021, comme l’y autorise l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‐7. Dans son avis de demande, M. Mackie cherche à obtenir divers types de dommages‐intérêts de même que des ordonnances mandatoires concernant son emploi à VIA Rail et le système de production de rapports internes de celle‐ci. Selon M. Mackie, la Commission [traduction] « a fait preuve de négligence grossière et d’insouciance » dans son évaluation du litige, et il souligne ce qu’il considère être des erreurs dans la décision de la Commission.

[12] Les parties ont maintenant déposé leurs dossiers. En août 2022, M. Mackie a présenté une demande d’audience. En octobre 2022, la Cour s’est prononcée sur la demande présentée par VIA Rail en vue de déposer un dossier complémentaire : Mackie c VIA Rail Canada Inc, 2022 CF 1369, conf 2022 CF 871. En avril 2023, M. Mackie a saisi la Cour d’une requête écrite dans laquelle il a demandé l’autorisation de convoquer des témoins à l’audience relative au contrôle judiciaire.

III. Analyse

A. Les principes

(1) L’article 316 des Règles

[13] En règle générale, une demande visée à la partie 5 des Règles, notamment une demande de contrôle judiciaire, est jugée sur dossier. L’article 316 des Règles dispose que la Cour peut autoriser un témoin à témoigner « dans des circonstances particulières » :

Témoignage sur des questions de fait

Testimony regarding issue of fact

316 Dans des circonstances particulières, la Cour peut, sur requête, autoriser un témoin à témoigner à l’audience quant à une question de fait soulevée dans une demande.

316 On motion, the Court may, in special circumstances, authorize a witness to testify in court in relation to an issue of fact raised in an application.

[14] Les parties ont cité plusieurs décisions portant sur les articles 316 et 371 des Règles, l’article 371 étant l’équivalent de l’article 316, mais pour les requêtes : Holland c Canada (Procureur général), 1999 CanLII 9168 (CF) au para 3; Glaxo Canada Inc c Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‐être social), [1987] ACF no 838 (QL) (CF 1re inst) aux para 6‐10; Njonkou c Canada (Agence Revenu Canada), 2006 CF 849 aux para 3‐7; Cyanamid Canada Inc c Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‐être social), [1992] ACF no 144 (QL) (CF 1e inst), conf sans commentaires par [1992] ACF no 950 (QL) (CA); Canadian Supplement Trademark Ltd c Petrillo, 2010 CF 421 aux para 23‐25; GCT Canada Limited Partnership c Administration portuaire Vancouver Fraser, 2020 CF 970 aux para 20‐32. À cette liste, notre Cour ajoute les décisions Dunbar c Canada (Agence des douanes et du revenu), 2001 CFPI 1320 aux para 3‐4; Bande indienne de Tobique c Canada, 2009 CF 784 aux para 47‐49 et Lajeunesse c Canada (Procureur général), 2019 CF 1405 aux para 6, 15‐19, où les tribunaux décrivent et appliquent les principes pertinents.

[15] À partir de cette jurisprudence, il est possible d’énoncer certains principes relatifs à l’article 316 des Règles :

  • il incombe au requérant d’établir l’existence des circonstances particulières justifiant l’ordonnance demandée;

  • la nature de ce qui constitue des « circonstances particulières » dépend des faits propres à une affaire, mais il ne faut déroger au principe habituel qui consiste à instruire les demandes en fonction de la preuve documentaire que dans « des cas exceptionnels » ou s’il existe des « motifs très clairs » de le faire;

  • les témoignages proposés doivent constituer une preuve pertinente et admissible qui ne se trouve pas déjà dans le dossier et qui est essentielle ou nécessaire pour la résolution de la demande;

  • il doit être impossible ou inadéquat, et non pas simplement moins préférable, d’obtenir la preuve en question par voie d’affidavit ou de contre‐interrogatoire;

  • les contradictions dans la preuve documentaire ou le souhait de la Cour d’être en mesure d’évaluer le comportement d’un témoin ne justifient pas en soi une ordonnance.

[16] M. Mackie se reporte également à l’analyse des « circonstances particulières » faite par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Wenham c Canada (Procureur général), 2021 CAF 208, aux paragraphes 36 et 37. Il est question dans cet arrêt de l’article 334.39 des Règles, qui porte sur l’adjudication des dépens relativement à une requête en vue de faire autoriser l’instance comme recours collectif. Le contexte étant différent, il y a lieu de faire preuve de circonspection avant d’adopter les conclusions de la Cour d’appel fédérale. Néanmoins, je conviens avec M. Mackie que l’analyse des mots « circonstances particulières » par la Cour d’appel fédérale, expression qui désignerait selon lui [traduction] « quelque chose de tout à fait remarquable, hors de l’ordinaire ou, sinon rare, du moins très peu habituel », semble concorder avec la jurisprudence traitant de l’article 316 des Règles : Wenham, au para 37.

(2) La preuve relative à une demande de contrôle judiciaire

[17] À l’instar de tout élément de preuve présenté relativement à une demande, la preuve qu’une partie souhaite faire entendre par l’intermédiaire d’un témoin en vertu de l’article 316 des Règles doit être pertinente et admissible. Dans le cas d’un contrôle judiciaire, la portée de ce qui est pertinent et admissible est circonscrite par le rôle limité confié à notre Cour quand elle révise les décisions rendues par les décideurs administratifs : Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 aux para 16‐20; Sharma c Canada (Procureur général), 2018 CAF 48 aux para 7‐9. La tâche de la Cour, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, consiste à évaluer si le décideur a rendu une décision raisonnable et équitable, non pas à rendre une nouvelle décision. Par conséquent, le dossier de la preuve qui est soumis à notre Cour lorsqu’elle est saisie d’une demande de contrôle judiciaire se limite à celui dont disposait la Commission : Access Copyright, au para 19; Sharma, au para 7. Un demandeur ne peut déposer de nouveaux éléments de preuve à la Cour saisie du contrôle judiciaire afin de compléter, d’améliorer ou de corriger des documents qu’il a présentés au décideur administratif.

[18] Il existe des exceptions limitées à cette règle générale, dans le cas où les éléments de preuve supplémentaires n’auraient pas pour effet d’élargir ou d’entraver le rôle de la Cour. Il peut s’agir d’un élément de preuve qui contient des informations générales susceptibles d’aider la Cour à comprendre les questions; d’un élément de preuve qui concerne des vices de procédure qu’on ne peut déceler dans le dossier de la preuve; d’un élément de preuve qui fait ressortir l’absence de preuve devant le décideur : Access Copyright, au para 20.

B. L’application des principes

[19] M. Mackie sollicite l’autorisation de convoquer 14 témoins à l’audition de sa demande : a) un agent de la sécurité du Bureau de la sécurité des transports du Canada; b) un employé de Transports Canada; c) six mécaniciens de locomotive, qui sont d’ex‐employés ou actuellement en poste, de VIA Rail, dont un représentant syndical qui serait de connivence avec la direction; d) le président général, Région du Centre, de la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada; e) cinq gestionnaires de VIA Rail impliqués dans le dossier de diverses façons, dont le responsable de l’éthique et l’ancien président de l’entreprise. Dans ses observations écrites, M. Mackie décrit le rôle joué par chacun de ces témoins à l’égard des questions en litige; selon ce que la Cour en comprend, ces questions sont celles‐là mêmes sur lesquelles M. Mackie veut les faire témoigner.

[20] Je ne suis pas convaincu que M. Mackie s’est acquis de son fardeau de démontrer qu’il y a des circonstances particulières justifiant d’entendre ces personnes à l’audience. Une bonne partie des témoignages proposés qui sont décrits n’ont aucune pertinence à l’égard de la présente demande. Ils sont tous inadmissibles. M. Mackie n’a donc pas démontré que les témoignages proposés étaient essentiels ou nécessaires pour statuer sur la demande.

[21] La demande de M. Mackie doit être évaluée et tranchée en fonction des questions qui sont en litige. La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Commission a refusé de statuer sur la plainte de M. Mackie parce que ce dernier n’avait pas épuisé les procédures d’appel ou de règlement des griefs qui lui étaient par ailleurs normalement ouvertes. Les seules questions à trancher en lien avec la demande sont celles de savoir si la décision de la Commission était déraisonnable sur le fond et/ou inéquitable sur le plan procédural.

[22] Fait important, le fondement de la plainte pour atteinte aux droits de la personne de M. Mackie n’est pas en cause dans la présente demande. La Cour n’est pas non plus autorisée à déterminer quelle décision la Commission aurait pu rendre si une preuve ou des observations différentes ou supplémentaires lui avaient été présentées lorsqu’elle a demandé aux parties d’exposer leurs arguments au sujet de l’application de l’article 41 de la LCDP : Access Copyright, aux para 18‐19; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 125‐128. La Cour doit plutôt évaluer ce qui suit : a) la Commission a‐t‐elle en toute équité avisé les parties de la preuve et des arguments à réfuter et leur a‐t‐elle accordé la possibilité d’y répondre? et b) était‐il raisonnable pour la Commission de conclure, à la lumière du dossier dont elle disposait et des observations des parties, que M. Mackie aurait pu donner suite à sa plainte en recourant à la procédure de règlement des griefs et d’arbitrage prévue dans sa convention collective?

[23] Une grande partie des témoignages proposés par M. Mackie ne concernent ni l’une ni l’autre de ces questions. Ils portent sur le fondement de sa plainte pour atteinte aux droits de la personne et, dans certains cas, sur les allégations formulées contre VIA Rail qui dépassent ce fondement. M. Mackie explique qu’il souhaite convoquer des témoins [traduction] « pour faire jaillir la vérité intégralement et dans tous ses détails » en ce qui touche à la conduite de VIA Rail depuis six ans. Cette preuve n’est pas pertinente au regard des questions précises visées par la demande de contrôle judiciaire et ne peut justifier qu’une ordonnance soit rendue en application de l’article 316 des Règles, et ce, indépendamment de la nature ou de la gravité des allégations qui sont formulées.

[24] Une partie des témoignages proposés pourrait, il est vrai, concerner un ou plusieurs des facteurs pris en considération par la Commission pour évaluer si la procédure de règlement des griefs était « normalement ouverte » à M. Mackie. Il s’agit notamment des facteurs suivants : l’indépendance du décideur saisi du grief par rapport au plaignant et au défendeur; le fait que le refus de recourir à la procédure de règlement des griefs soit imputable ou non à M. Mackie; la question de savoir s’il s’agissait d’une plainte de discrimination systémique ou d’intérêt public. Cependant, ces facteurs ont trait au fond du litige dont a été saisie la Commission et à la décision qu’elle a rendue. La preuve qui porte sur ces aspects n’entre pas dans l’exception à la règle interdisant la présentation d’éléments de preuve nouveaux, et elle est donc inadmissible dans le cadre d’un contrôle judiciaire : Access Copyright, au para 19; Sharma, aux para 7‐9.

[25] M. Mackie affirme qu’il ne souhaite pas présenter des éléments de preuve « nouveaux » mais bien convoquer des témoins qui [traduction] « compléteront la preuve ayant déjà été présentée », citant Société canadienne de perception de la copie privée c Fuzion Technology Corp, 2005 CF 1557. Dans cette affaire, le juge Hughes a examiné la requête présentée par la demanderesse pour convertir en action une instance introduite sous forme de requête, ce qui lui aurait permis de déposer de nouveaux éléments de preuve ayant trait à la conduite des défendeurs. Le juge Hughes a rejeté la demande et souligné que « [l]es Règles des Cours fédérales renferment, au sujet des requêtes, des dispositions qui donnent à la partie demanderesse une certaine possibilité de compléter sa preuve [déposée initialement en vertu des articles 306 et 307 des Règles] »; le juge cite les articles 87 à 100, 312, 313 et 316 des Règles en guise d’exemples : Fuzion, au para 7.

[26] Contrairement à l’argument avancé par M. Mackie, la décision Fuzion ne confirme pas le principe suivant lequel la partie qui sollicite le contrôle judiciaire est autorisée à déposer des éléments de preuve ou à convoquer des témoins pour compléter sa preuve initiale en invoquant l’article 316 des Règles. Il faut rappeler que la décision Fuzion ne portait pas sur une demande de contrôle judiciaire mais bien sur une requête introduite en vertu du paragraphe 34(4) de la Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, c C‐42. Dans ce cas, il n’y a pas de décision sous‐jacente à réviser, alors des principes différents s’appliquent à l’admissibilité des éléments de preuve. Même si le juge Hughes a décrit la nature des dispositions en général, il n’a pas du tout examiné la portée de la preuve admissible dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire. De toute manière, les arrêts Access Copyright et Sharma de la Cour d’appel fédérale constituent des précédents contraignants empêchant la partie qui demande le contrôle judiciaire de déposer des éléments de preuve nouveaux qui ont trait au fond de la décision.

[27] Étant donné que la preuve que M. Mackie veut présenter sous forme de témoignages de vive voix est inadmissible, on ne peut pas considérer qu’elle est nécessaire ou essentielle pour trancher la demande. Il m’est donc impossible de conclure qu’il y a des circonstances particulières justifiant de rendre l’ordonnance visée à l’article 316 des Règles pour autoriser les témoins proposés à témoigner à l’audience relative au contrôle judiciaire.

IV. Conclusion

[28] Par conséquent, la requête de M. Mackie sera rejetée. Étant donné que VIA Rail n’a pas demandé l’adjudication de dépens, aucuns ne seront adjugés. VIA Rail a demandé à notre Cour de rendre une autre ordonnance refusant à M. Mackie le droit de présenter des éléments de preuve supplémentaires, y compris sous forme de témoignages. VIA Rail n’a présenté aucun argument relatif à la nécessité ou à la raison d’être d’une telle ordonnance.


ORDONNANCE DANS LE DOSSIER T‐1839‐21

LA COUR REND L’ORDONNANCE qui suit :

  1. La demande est rejetée, sans dépens.

« Nicholas McHaffie »

Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Corbeil


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‐1839‐21

 

INTITULÉ :

KARSON MACKIE c VIA RAIL CANADA INC.

REQUÊTE PRÉSENTÉE PAR ÉCRIT EXAMINÉE À OTTAWA (ONTARIO), CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE MCHAFFIE

 

DATE DE L’ORDONNANCE ET DES MOTIFS :

LE 25 AOÛT 2023

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Karson Mackie

POUR SON PROPRE COMPTE

 

André L. Baril

Caroline‐Ariane Bernier

Jasmin Ethier

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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