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Date : 20230830


Dossier : T-1758-21

Référence : 2023 CF 1173

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 30 août 2023

En présence de monsieur le juge Norris

ENTRE :

SHAHID ALI KHAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. APERÇU

[1] Le demandeur est pakistanais de naissance. Il a obtenu l’asile au Canada en novembre 2003, il est devenu résident permanent en novembre 2005 et il a obtenu la citoyenneté canadienne en février 2011.

[2] Le demandeur a omis de mentionner dans sa demande d’asile, sa demande de résidence permanente et sa demande de citoyenneté canadienne qu’il avait déjà utilisé deux autres identités pakistanaises, à savoir Kabir Ali Quershi (né le 21 février 1961) et Shahid Kabir Hussain (né le 14 novembre 1965).

[3] Selon le paragraphe 10(1) de la Loi sur la citoyenneté, LRC (1985), c -29, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration « peut révoquer la citoyenneté d’une personne ou sa répudiation lorsqu’il est convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que l’acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté de la personne ou sa réintégration dans celle-ci est intervenue par fraude ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels ». Le ministre peut refuser de révoquer la citoyenneté d’une personne même si elle a été obtenue par fraude ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels lorsqu’il est convaincu que la prise d’une mesure spéciale est justifiée dans les circonstances.

[4] Or, c’est sur la base d’une telle omission de divulguer des faits qu’un délégué du ministre a révoqué la citoyenneté canadienne du demandeur le 20 octobre 2021.

[5] Le demandeur demande maintenant le contrôle judiciaire de cette décision conformément à l’article 22.1 de la Loi sur la citoyenneté. Il fait valoir que la décision du délégué du ministre selon laquelle la prise d’une mesure spéciale n’était pas justifiée était déraisonnable.

[6] Comme je l’explique dans les motifs ci-après, le demandeur ne m’a pas convaincu que cette décision était déraisonnable. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

II. CONTEXTE

[7] C’est en décembre 2013, alors que le demandeur tentait d’entrer aux États-Unis en présentant son passeport canadien au nom de Shahid Ali Khan (né le 12 mai 1963), que les autorités ont découvert qu’il avait déjà utilisé d’autres identités. À cette occasion, les autorités américaines ont constaté que le demandeur avait présenté trois demandes d’asile aux États-Unis, à savoir deux demandes sous le nom de Kabir Ali Quershi (en 1992 et 1993) et une troisième demande sous le nom de Shahid Kabir Hussain (en 1994). À la suite du rejet de la demande présentée en 1994, les autorités américaines ont ordonné le renvoi du demandeur, mais ce dernier est néanmoins demeuré illégalement sur le territoire américain jusqu’en décembre 2001, alors qu’il a quitté les États-Unis afin de demander l’asile au Canada. Interrogé par les autorités américaines en décembre 2013 sur le fait qu’il utilisait plusieurs identités, le demandeur a déclaré qu’il était Kabir Ali Quershi et que l’identité sous laquelle il avait obtenu la citoyenneté canadienne n’était pas sa véritable identité.

[8] C’est sur la base de ces renseignements que le ministre a révoqué la citoyenneté canadienne du demandeur en novembre 2016. Cependant, en juin 2017, cette révocation a été annulée dans la foulée de la décision Hassouna c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 473, dans laquelle certaines dispositions de la Loi sur la citoyenneté en matière de révocation de la citoyenneté ont été déclarées incompatibles avec la Déclaration canadienne des droits, LRC (1985), appendice III.

[9] En février 2018, le processus de révocation de la citoyenneté canadienne du demandeur a été réactivé après l’entrée en vigueur de modifications apportées à la Loi sur la citoyenneté. Entretemps, le 18 février 2020, la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a accueilli la demande du ministre, fondée sur l’article 109 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés LC 2001, c 27 (la LIPR), visant à faire annuler la décision accordant au demandeur le statut de réfugié au sens de la Convention au motif que cette décision résultait de présentations erronées.

[10] En avril 2019, le ministre a avisé le demandeur, conformément au paragraphe 10(3) de la Loi sur la citoyenneté, de la révocation possible de sa citoyenneté. Dans l’avis, le ministre exposait en détail les motifs pour lesquels il envisageait de révoquer la citoyenneté canadienne du demandeur et informait ce dernier qu’il pouvait présenter des observations à cet égard.

[11] En réponse à cet avis, le demandeur a présenté, avec l’aide d’un avocat, des observations étoffées avec preuves à l’appui, notamment deux affidavits, l’un en date du 6 août 2019 et l’autre en date du 8 août 2019.

[12] Le demandeur maintenait que son nom véritable était Shahid Ali Khan, soit celui sous lequel il avait obtenu l’asile au Canada, la résidence permanente et la citoyenneté canadienne. Il a expliqué avoir utilisé un faux passeport pakistanais au nom de Kabir Ali Quershi pour entrer aux États-Unis en août 1991 dans le cadre d’une tournée d’un ensemble musical. Par ailleurs, il a admis avoir demandé l’asile aux États-Unis sous les noms Quershi et Hussain. Il n’a pas contesté le fait que c’est en niant sciemment avoir jamais utilisé une autre identité qu’il avait obtenu la résidence permanente et, par la suite, la citoyenneté canadienne, par fraude ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels. Il a cependant fait valoir que sa citoyenneté ne devrait pas être révoquée parce que sa situation personnelle justifiait la prise d’une mesure spéciale compte tenu de l’ensemble des circonstances.

[13] Le demandeur explique qu’il avait utilisé de fausses identités aux États-Unis en raison de [TRADUCTION] « situations difficiles » auxquelles il était confronté là-bas, mais qu’il regrettait maintenant l’avoir fait. Il a expliqué qu’il avait décidé d’utiliser son véritable nom pour présenter sa demande d’asile au Canada parce qu’il s’était rendu compte que l’utilisation de fausses identités aux États-Unis [TRADUCTION] « avait mené à rien » et qu’il [TRADUCTION] « commen[çait] à penser » qu’il avait eu tort de présenter une demande d’asile aux États-Unis sous de fausses identités.

[14] Le demandeur a reconnu que même s’il avait utilisé son véritable nom lorsqu’il avait présenté une demande d’asile au Canada, il avait menti lorsqu’il avait dit qu’il arrivait directement du Pakistan en passant par les États-Unis. En fait, il avait vécu aux États-Unis pendant plusieurs années avant de venir au Canada. Il dit [TRADUCTION] « regretter énormément » d’avoir menti à cet égard.

[15] Le demandeur explique qu’il avait entendu dire que le Canada était [TRADUCTION] « un pays paisible où on avait de la compassion et où il fait bon d’élever une famille » et qu’il souhaitait [TRADUCTION] « repartir à neuf », obtenir un statut légal et commencer une nouvelle vie avec sa famille. Il n’explique pas directement pourquoi, dans ses demandes de résidence permanente et de citoyenneté canadienne, il a nié avoir utilisé d’autres identités.

[16] Le demandeur fait valoir qu’il vit au Canada depuis presque vingt ans et qu’au fil du temps il est devenu un membre de la communauté établi et bien en vue. Il a dit que ses enfants et ses petits-enfants vivent au Canada, que ces derniers lui manqueraient énormément s’il devait rentrer au Pakistan et qu’il était dans leur intérêt qu’il demeure au Canada.

[17] En outre, le demandeur est séropositif et il a fait valoir que son éventuel retour au Pakistan [TRADUCTION] « mettrait grandement [sa] vie en danger » car il ne pourrait pas se payer les médicaments dont il aurait besoin, et ce même si on pouvait se les procurer là-bas. (Le demandeur n’a pas évoqué les conséquences de la perte d’accès à des soins de santé au Canada en cas de perte de sa citoyenneté canadienne.) Il a également soutenu qu’il serait stigmatisé et ostracisé au Pakistan parce qu’il est séropositif.

[18] Enfin, le demandeur a signalé que la perte de la citoyenneté canadienne l’empêcherait de poursuivre ses efforts en vue de faire venir son épouse du Pakistan au Canada afin qu’ils soient réunis alors qu’il fait face à cette maladie.

III. DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[19] Le 20 octobre 2021, un analyste principal d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), agissant à titre de délégué du ministre, a révoqué la citoyenneté canadienne du demandeur.

[20] Dans sa décision, l’analyste se disait convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur avait obtenu la citoyenneté canadienne par fraude ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels. Quoi qu’il en soit, cette question n’était pas en cause à ce moment-là.

[21] En outre, l’analyste n’était pas convaincu que la prise d’une mesure spéciale était justifiée dans les circonstances. Il a souligné que, en invoquant plusieurs aspects de sa situation personnelle dans sa demande de prise d’une mesure spéciale à son égard, le demandeur présumait qu’il devrait rentrer au Pakistan en cas de perte de sa citoyenneté canadienne. Cela dit, selon l’analyste, une telle présomption n’était pas fondée. Il est vrai que le demandeur deviendrait un ressortissant étranger en cas de révocation de sa citoyenneté canadienne, mais la question de savoir s’il serait alors renvoyé du Canada serait tranchée par d’autres décideurs en application de la LIPR. Pour cette raison, l’analyste estimait que les facteurs liés aux difficultés que causerait au demandeur son retour au Pakistan et les facteurs liés à la séparation des membres de sa famille n’étaient pas pertinents. Enfin, l’analyste a conclu que les fausses déclarations du demandeur quant à son utilisation d’autres identités étaient graves et que les facteurs atténuants que ce dernier avait invoqués n’étaient pas convaincants. Après avoir soupesé l’ensemble des considérations pertinentes, l’analyste a conclu que la prise d’une mesure spéciale n’était pas justifiée.

IV. NORME DE CONTRÔLE

[22] Les parties conviennent que c’est la norme de contrôle de la décision raisonnable qu’il convient d’appliquer. Je suis du même avis.

[23] La décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] au para. 85). La décision qui a ces qualités appelle la retenue de la cour de révision (ibid.). Lorsqu’elle applique la norme de la décision raisonnable, la cour de révision doit s’abstenir d’apprécier à nouveau la preuve prise en compte par le décideur et de modifier les conclusions de fait de ce dernier à moins de circonstances exceptionnelles (Vavilov, au para 125).

[24] Pour être raisonnable, une décision doit permettre à la cour de révision d’« être en mesure de suivre le raisonnement du décideur sans buter sur une faille décisive dans la logique globale [et d’] être convaincue qu’[un] mode d’analyse, dans les motifs avancés, [. . .] pouvait raisonnablement amener le tribunal, au vu de la preuve, à conclure comme il l’a fait » (Vavilov au para 102, citation et guillemets internes omis). Par contre, « si des motifs sont communiqués, mais que ceux‑ci ne justifient pas la décision de manière transparente et intelligible [. . .], la décision sera déraisonnable » (Vavilov, au para 136).

[25] In incombe au demandeur de démontrer le caractère déraisonnable de la décision. Avant de pouvoir infirmer la décision pour ce motif, la cour de révision doit être convaincue « qu’elle souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence » (Vavilov, au para 100).

V. ANALYSE

[26] Le demandeur soutient que la conclusion de l’analyste selon laquelle sa situation personnelle ne justifiait pas la prise d’une mesure spéciale à son égard était déraisonnable compte tenu de l’ensemble des circonstances. Il fait notamment valoir que cette décision est extrêmement superficielle, qu’elle manque de transparence et d’intelligibilité et qu’elle n’est pas justifiée.

[27] Je ne partage pas cet avis.

[28] S’agissant d’abord de l’appréciation que l’analyste a faite de la gravité des fausses déclarations du demandeur, j’estime, contrairement à ce que soutient ce dernier, que l’analyste ne s’est pas contenté de présumer qu’elles étaient graves. Au contraire, l’analyste en a expliqué la gravité sur le fondement de ce qui suit : a) l’identité est une question qui revêt une grande importance; b) le demandeur a délibérément trompé les autorités canadiennes à cet égard afin d’éluder les lois applicables en matière d’immigration et de citoyenneté; et c) cette tromperie a longtemps perduré. Comme l’analyste l’a mentionné :

[TRADUCTION]

Votre manque de respect à l’égard des lois canadiennes en matière d’immigration et de citoyenneté a empêché les fonctionnaires saisis de votre dossier d’évaluer correctement votre cas et de statuer sur votre admissibilité au Canada et votre admissibilité à la citoyenneté. Vous avez fait de fausses déclarations au sujet de votre identité et avez délibérément fait croire aux décideurs que vous aviez respecté nos lois alors qu’en réalité c’était tout le contraire. Or, nous devons absolument nous assurer de l’identité des personnes admises au Canada, et ce afin de maintenir l’intégrité de nos programmes et la sécurité de notre pays.

[29] Cela dit, l’analyste a reconnu que la gravité de l’inconduite du demandeur était atténuée par la situation personnelle de ce dernier, notamment les circonstances dans lesquelles il s’était comporté de cette façon. Cependant, l’analyste n’était pas convaincu que le demandeur avait fait état de circonstances atténuantes suffisantes. Plus important encore, l’analyste a conclu que les remords exprimés par le demandeur ne constituaient pas [TRADUCTION] « un facteur déterminant persuasif ». Comme l’analyste l’a expliqué, les remords exprimés par le demandeur n’étaient pas compatibles avec la preuve selon laquelle il avait déclaré aux autorités américaines en décembre 2013 que l’identité qu’il avait utilisée au Canada n’était pas sa véritable identité. Il importe de souligner que, même si cette fausse déclaration du demandeur concernant son identité a été mise en évidence dans la lettre par laquelle IRCC l’avisait que le ministre envisageait de révoquer sa citoyenneté, le demandeur n’a pas traité de cette question dans les observations qu’il a formulées en réponse ainsi que dans les affidavits qu’il a déposés à l’appui de celles-ci. Dans ce contexte, où la véritable identité du demandeur ne pouvait être clairement établie, il était tout à fait raisonnable de la part de l’analyste de n’accorder que peu de poids aux remords exprimés par le demandeur et au fait que ce dernier reconnaissait avoir trompé les autorités canadiennes à cet égard.

[30] Le demandeur soutient que l’analyste aurait dû davantage tenir compte de ses observations quant aux circonstances atténuantes dans lesquelles il avait fait de fausses déclarations avant de conclure que la gravité de celles-ci militait contre la prise d’une mesure spéciale à son égard. Selon lui, la décision de l’analyste sur ce point révèle la même lacune que celle que j’ai identifiée dans la décision Xu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1102 [Xu] aux paragraphes 76 et 77.

[31] Je ne suis pas d’accord. L’explication du demandeur de la raison pour laquelle il n’avait pas mentionné avoir utilisé d’autres identités aux États-Unis était très sommaire. Comme je l’ai déjà mentionné, il n’a jamais expliqué clairement pourquoi il a agi ainsi. Il s’est contenté de dire qu’il [TRADUCTION] « souhaitait désespérément avoir une vie paisible et stable » et qu’il souhaitait faire venir les autres membres de sa famille au Canada [TRADUCTION] « pour leur offrir un meilleur avenir ». L’analyste a pris acte de cet élément de preuve, qui, selon lui, n’atténuait que très peu la gravité des fausses déclarations du demandeur. Or, le demandeur n’ayant fourni que très peu de renseignements pour justifier son comportement, j’estime que la conclusion de l’analyste sur ce point était raisonnable, contrairement à ce qui était le cas dans l’affaire Xu. Dans cette affaire, la demanderesse avait exposé en détail des raisons personnelles impérieuses qui atténuaient le caractère répréhensible de son défaut de révéler qu’elle avait contracté un mariage de complaisance afin d’obtenir un statut au Canada, mais le décideur n’avait pas vraiment tenu compte de cet élément de preuve lors de son examen de la gravité de son inconduite.

[32] De même, je ne suis pas d’accord avec le demandeur pour dire que l’analyste a omis [TRADUCTION] « de pleinement et activement prendre en considération » le nombre d’années qu’il avait passées au Canada et jusqu’à quel point il y était établi. Il ressort des motifs de la décision de l’analyste que ce dernier a pleinement tenu compte de ce facteur. En effet, l’analyste explique dans ses motifs pourquoi il n’a pas jugé ce facteur suffisant pour compenser une omission grave et importante du demandeur qui [TRADUCTION] « empêchait le ministère de faire les vérifications nécessaires et déterminantes de ses antécédents, étape fondamentale pour assurer la santé et la sécurité de tous les Canadiens ». Or, le demandeur n’a pas de fourni de fondement permettant de remettre en question le caractère raisonnable de cette conclusion. Au contraire, ses observations m’incitent plutôt à soupeser à nouveau ce facteur et à en arriver à une autre conclusion. Cela dit, il ne m’appartient pas d’apprécier à nouveau la preuve en examinant une demande de contrôle judiciaire selon la norme de la décision raisonnable.

[33] Même si, dans les observations qu’il a soumises à l’analyste, le demandeur se fonde largement sur les difficultés auxquelles il serait confronté au Pakistan et sur la séparation des membres de sa famille pour faire valoir que la prise d’une mesure spéciale à son égard était justifiée, il ressort du dossier que le demandeur ne remet pas en question le caractère raisonnable de la conclusion de l’analyste selon laquelle ces considérations ne sont pas pertinentes quant à savoir si le ministre devrait révoquer la citoyenneté du demandeur en vertu de l’article 10 de la Loi sur la citoyenneté.

[34] Enfin, le demandeur soutient également que cette décision est déraisonnable du fait que l’analyste a omis de tenir compte du long délai qui s’était écoulé avant que le ministre ne se penche sur la question de savoir s’il devrait révoquer sa citoyenneté. Or, comme c’est la première fois que le demandeur soulève cette question, on ne peut pas reprocher au décideur de ne pas en avoir tenu compte. Par ailleurs, le demandeur soutient dans son mémoire (au paragraphe 24) que l’instance en révocation de sa citoyenneté n’a été lancée qu’en 2018, soit cinq ans après les événements de décembre 2013. Cela est inexact. En effet, c’est en mai 2014 que la Gendarmerie royale du Canada a informé le ministre des événements survenus aux États‑Unis en décembre 2013 et l’instance en révocation de la citoyenneté du demandeur a été lancée en juin 2016, aboutissant à la révocation de celle-ci en novembre 2016. Cette décision a été retirée en juin 2017. Or, le demandeur n’a mentionné aucun de ces événements dans sa plainte relative au délai qui s’était écoulé avant le lancement de l’instance en révocation de sa citoyenneté. L’argument selon lequel [TRADUCTION] « IRCC disposait de tous les renseignements nécessaires pour lancer l’instance en révocation en décembre 2013, mais qu’on a décidé de le faire seulement cinq ans plus tard » (mémoire du droit et des arguments du demandeur, au paragraphe 30) est franchement trompeur. Quoi qu’il en soit, même si le processus de révocation de la citoyenneté du demandeur a été long, rien ne démontre que cela a porté préjudice à ce dernier.

[35] En résumé, la perte de la citoyenneté est une question d’une gravité suprême : Xu, au paragraphe 70, ainsi que la jurisprudence qui y est citée. Selon Vavilov, « [l]e principe de la justification adaptée aux questions et préoccupations soulevées veut que le décideur explique pourquoi sa décision reflète le mieux l’intention du législateur, malgré les conséquences particulièrement graves pour l’individu concerné » (au paragraphe 133). Je suis convaincu que la décision de l’analyste répond à cette exigence. L’analyste a identifié les considérations pertinentes de façon justifiée, transparente et intelligible, il a expliqué comment il les a soupesées et il a expliqué en quoi la situation personnelle du demandeur ne justifiait pas la prise d’une mesure spéciale à son égard, compte tenu de l’ensemble des circonstances. Le demandeur n’a établi aucun fondement justifiant la modification de la décision.

VI. CONCLUSION

[36] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[37] Les parties n’ont soulevé aucune question grave de portée générale à certifier au titre de l’article 10.7 de la Loi sur la citoyenneté. Je conviens qu’il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT dans le dossier T-1758-21

LA COUR REND LE JUGEMENT qui suit :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question de portée générale n’est énoncée.

« John Norris »

Juge

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1758-21

 

INTITULÉ :

SHAHID ALI KHAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 FÉVRIER 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE NORRIS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 30 AOÛT 2023

 

COMPARUTIONS :

Farah Issa

 

PoUr Le DEMANDEUR

 

David Knapp

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Farah Issa

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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