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Date : 20230830


Dossier : IMM-4104-22

Référence : 2023 CF 1170

Ottawa (Ontario), le 30 août 2023

En présence de monsieur le juge Pamel

ENTRE :

MAHDI CHAKROUN

SELIMA CHAKROU

YESSINE CHAKROUN

MERIAM BEN HAMMADI

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Les demandeurs, Mahdi Chakroun, son épouse, Meriam Ben Hammadi, et leurs enfants mineurs, Selima Chakroun et Yessine Chakroun, sont des citoyens de la Tunisie. Ils demandent le contrôle judiciaire d’une décision que la Section d’appel des réfugiés [SAR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a rendue le 7 avril 2022. La SAR a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés [SPR] selon laquelle les demandeurs n’ont pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni qualité de personne à protéger.

I. Contexte

[2] M. Chakroun est titulaire d’une maîtrise en comptabilité et, avant de quitter la Tunisie, il occupait le poste responsable des finances d’une société de vente de produits médicaux. M. Chakroun allègue craindre de retourner en Tunisie en raison d’une dispute commerciale entre lui et un contrebandier et mafieux, un dénommé M. Tebai, ainsi que le fils de ce dernier. Plus précisément, M. Chakroun prétend qu’en septembre 2017, il aurait refusé d’honorer un paiement équivalant à 10 000 CAD pour des téléphones intelligents en tentant de faire bloquer le chèque qu’il avait donné en garantie à M. Tebai, et en vidant son compte de banque. Après une série d’incidents menaçants s’étant déroulés de septembre à décembre 2017, M. Chakroun, qui avait déjà un visa canadien valide, a demandé un nouveau visa pour lui et ses enfants le 18 décembre 2017. Ce nouveau visa a été délivré le 2 janvier 2018. Mme Ben Hammadi ayant déjà en sa possession un visa canadien valide obtenu en 2013, la famille a quitté la Tunisie un mois plus tard, soit le 2 février 2018.

[3] Les demandeurs ont vécu de la détresse pendant une courte période, mais de façon intense. En janvier 2017, M. Chakroun rencontre M. Tebai, un important commerçant de téléphones intelligents et de tablettes qui exerce ses activités dans un marché de Tunis. M. Chakroun décide de s’associer avec M. Tebai et de lui trouver des détaillants en contrepartie d’une commission. Le 6 septembre 2017, M. Tebai exige de M. Chakroun un chèque postdaté de 19 350 TND (l’équivalent de 10 000 CAD) à titre de garantie pour la marchandise qu’il lui remet, et M. Chakroun le lui fournit. Trois jours plus tard, il semble que M. Chakroun se rend compte que M. Tebai lui a remis des appareils électroniques contrefaits. Après avoir tenté de contacter M. Tebai, en vain, M. Chakroun se rend au commerce de ce dernier quelques jours plus tard pour lui dire que les appareils sont contrefaits. Une dispute éclate entre les deux hommes dans laquelle M. Tebai nie lui avoir remis de la marchandise contrefaite. M. Chakroun décide donc d’aller à la banque pour faire bloquer le chèque. Comme la banque refuse de bloquer le chèque, M. Chakroun retire la totalité de l’argent de son compte afin d’éviter que M. Tebai n’obtienne le paiement pour la marchandise.

[4] Vers le 2 octobre 2017, M. Tebai appelle M. Chakroun pour lui dire que le chèque est sans provision ainsi que pour l’abreuver d’insultes. M. Tebai continue de harceler M. Chakroun au téléphone en lui disant que son histoire d’appareils contrefaits a terni sa réputation au marché, qu’il veut avoir son argent et qu’il va le détruire. Quelques jours après, M. Tebai se présente chez les demandeurs accompagné de deux hommes, cependant M. Chakroun n’y est pas. Le lendemain, M. Tebai se présente au lieu de travail de M. Chakroun, mais ce dernier ne s’y trouve pas. Le 21 octobre 2017, M. Chakroun se présente au commerce de M. Tebai pour tenter de régler leur différend à l’amiable. M. Tebai ne veut rien entendre et donne à M. Chakroun un ultimatum d’un mois pour lui rendre son argent, autrement sa famille en subira les conséquences. M. Chakroun ne porte pas plainte contre M. Tebai, car ce dernier est « bien entouré ». À la fin de novembre 2017, la voiture de compagnie de M. Chakroun est saccagée. Ce dernier soupçonne M. Tebai et décide de déménager chez sa belle-famille au début de décembre. M. Tebai continue toutefois de l’appeler et de se présenter à son lieu de travail.

[5] Selon le témoignage de M. Chakroun devant la SPR, 1’élément déclencheur se serait produit vers la mi-décembre 2017 : un concurrent de M. Tebai au marché à Tunis, qui serait lui aussi un contrebandier, avait entendu parler de ce qui s’était passé et a interpellé M. Chakroun au café pour l’avertir que M. Tebai était un mafieux. De plus, un autre contrebandier que M. Chakroun connaissait l’a également averti qu’il ferait mieux de payer M. Tebai ou de quitter le pays, autrement il serait tué. Comme je le mentionne plus haut, la famille a quitté la Tunisie pour le Canada deux mois plus tard, soit en février 2018. M. Tebai se serait présenté à la résidence des parents de M. Chakroun en mars 2018 pour réclamer les sommes que ce dernier lui devait et pour les avertir que, s’il n’était pas payé, il s’en prendrait à la famille.

[6] M. Chakroun prétend que sa famille et lui n’avaient pas l’intention de demander l’asile au Canada lorsqu’ils ont quitté la Tunisie. Il affirme qu’il ne savait pas qu’ils pouvaient le faire. Lorsqu’ils sont arrivés au Canada, les demandeurs ont plutôt fait appel à un avocat spécialisé en droit de l’immigration pour les aider à obtenir la résidence permanente. L’avocat semble avoir conseillé à Mme Ben Hammadi de retourner en Tunisie et d’y présenter une demande de permis d’études pour le Canada. Mme Ben Hammadi est donc retournée en Tunisie avec ses enfants en avril 2018 et a demandé un permis d’études pour le Canada deux mois plus tard, soit en juin 2018, cependant le permis d’études a été refusé le 11 juillet 2018. Le 3 juillet 2018, pendant que Mme Ben Hammadi était en Tunisie, il semblerait que M. Tebai se soit présenté chez les parents de cette dernière afin d’obtenir des informations sur M. Chakroun. M. Tebai aurait averti les parents de Mme Ben Hammadi que si M. Chakroun retournait en Tunisie, il ne resterait pas en vie.

[7] En ce qui concerne M. Chakroun, l’avocat canadien lui aurait conseillé de se rendre à Cuba pour faire renouveler son visa de visiteur, ce que M. Chakroun a fait du 14 au 20 juillet 2018. Au retour de M. Chakroun au Canada, l’Agence des services frontaliers du Canada [ASFC] l’a intercepté à l’aéroport. Lors du contrôle secondaire avec un agent de l’ASFC, M. Chakroun a indiqué craindre de retourner dans son pays et a demandé l’asile. Mme Ben Hammadi est revenue au Canada avec les enfants le 26 juillet 2018 et a demandé l’asile à l’aéroport.

[8] Quelques jours avant l’audience devant la SPR, M. Chakroun a modifié son formulaire Fondement de la demande d’asile [FDA] pour ajouter que la banque aurait intenté un recours contre lui concernant l’émission d’un chèque sans provision, une infraction punissable d’un emprisonnement de cinq ans. Il a également ajouté qu’il craignait d’être emprisonné pour 30 ans parce qu’il est un fumeur récréatif de cannabis. La SPR a rejeté la demande d’asile, jugeant que les demandeurs n’étaient pas crédibles en raison de contradictions dans leur témoignage, leur formulaire FDA et les notes des agents des services frontaliers. La SPR a également déterminé que le comportement des demandeurs était incompatible avec celui de personnes qui craignent d’être persécutées.

[9] Pour sa part, la SAR a jugé que les conclusions de la SPR concernant la crédibilité des demandeurs étaient correctes, indiquant que trois éléments étaient particulièrement déterminants : la période de six mois qui s’est écoulée avant que les demandeurs quittent la Tunisie; la période de cinq mois qui s’est écoulée avant que M. Chakroun demande l’asile après son arrivée au Canada; et le retour Mme Ben Hammadi et des enfants en Tunisie pour trois mois. La SAR a également noté des incohérences dans le témoignage et le formulaire FDA de M. Chakroun quant au processus qu’il aurait suivi à la banque pour faire bloquer le chèque et quant aux efforts qu’il aurait déployés pour obtenir l’assistance de la police en Tunisie. De plus, la SAR a été d’accord avec la SPR que M. Chakroun n’avait pas établi ses allégations quant à sa consommation de cannabis puisqu’il n’en a fait mention que lorsqu’il a modifié son formulaire FDA quelques jours avant l’audience.

II. Analyse

[10] La présente demande de contrôle judiciaire soulève la question du caractère raisonnable de la décision. La norme de la décision raisonnable s’applique au bien-fondé de la décision de l’agent des visas (Musasiwa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 617 au para 22; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 10, 23).

A. Est-ce que la décision de la SAR est raisonnable?

[11] Les demandeurs contestent les conclusions de la SAR quant à leur crédibilité. Ils soutiennent que, malgré les menaces de M. Tebai à leur endroit, la période de six mois qui s’est écoulée avant qu’ils quittent la Tunisie s’explique par le fait que leurs problèmes, bien qu’ils aient commencé en septembre 2017, se sont intensifiés en décembre 2017 et que c’est à ce moment que les demandeurs ont su qu’ils n’avaient d’autre choix que de quitter la Tunisie. La SAR a trouvé cette explication déraisonnable. Les menaces ont commencé au mois de septembre, mais elles se sont rapidement et dangereusement intensifiées. De plus, M. Chakroun savait déjà qu’il avait affaire à un dangereux contrebandier et mafieux, et les demandeurs avaient déjà des visas pour le Canada et pouvaient donc quitter la Tunisie pour assurer leur propre sécurité. La SAR a trouvé que bien que la période écoulée ne justifie pas à elle seule le rejet de la demande d’asile, la SAR a trouvé que, vu les circonstances, la crédibilité de M. Chakroun était sérieusement entachée par son comportement, lequel était incompatible avec celui d’une personne craignant pour sa vie. Pour ma part, je ne vois rien de déraisonnable dans les conclusions de la SAR sur ce point.

[12] Quant à la période qui s’est écoulée avant la présentation de la demande l’asile au Canada, comme je le mentionne plus haut, l’intention des demandeurs était uniquement de chercher à obtenir la résidence permanente au Canada, et ils ne savaient pas comment demander la protection du Canada. Ils ont rencontré un avocat spécialisé en droit de l’immigration, mais celui-ci ne leur a à aucun moment indiqué qu’ils pouvaient demander l’asile au Canada. Ce n’est qu’à son retour de Cuba, après avoir été intercepté par un agent des services frontaliers et menacé d’exclusion que M. Chakroun a demandé l’asile. M. Chakroun concède dans son mémoire qu’il avait d’abord déclaré au point d’entrée qu’il ne craignait pas de retourner dans son pays, mais qu’il avait fait cette déclaration en raison de sa crainte, et que c’est après avoir été intercepté et menacé de renvoi vers la Tunisie par une mesure d’exclusion qu’il a déclaré ne pas pouvoir retourner dans son pays, car il craignait pour sa vie.

[13] Les demandeurs prétendent que M. Chakroun n’était pas dans son état d’esprit habituel lorsqu’il s’est présenté à la douane, qu’il était fatigué, ne comprenait pas ce qui lui arrivait et ne connaissait rien à l’asile, et que ce n’est que lorsqu’un deuxième agent des services frontaliers lui a demandé s’il voulait demander l’asile qu’il a répondu oui. Les demandeurs allèguent que les décideurs ne doivent pas trop s’appuyer sur les déclarations faites au point d’entrée (Wu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1102 au para 16), et que le temps qui s’est écoulé avant la présentation de la demande d’asile n’est pas en soi un facteur déterminant (Ntatoulou c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 173 au para 14).

[14] Devant moi, les demandeurs ont réitéré qu’ils étaient arrivés au Canada sans savoir qu’ils pouvaient demander l’asile et que, pendant les six mois au cours desquels ils ont consulté un avocat au Canada, ils n’ont à aucun moment discuté avec lui de la possibilité de présenter une telle demande. Cela donne à penser qu’ils n’ont pas informé l’avocat de la raison pour laquelle ils ont fui la Tunisie; bien franchement, il s’agit de la première question que cet avocat aurait dû leur poser, comme me l’a concédé l’avocat des demandeurs lorsque je lui ai posé la question. Cependant, dans l’affidavit au soutien de sa demande, au paragraphe 29, M. Chakroun affirme :

Ici nous avons consulté Me Sylvio Houle et lui avons parlé de notre situation. Il nous a recommandé que je reste comme touriste puisque je ne pouvais pas retourner en Tunisie et que ma femme fasse une demande de permis d’études. Afin d’effectuer la demande de permis d’études, ma femme devait retourner en Tunisie.

[Non souligné dans l’original.]

[15] Il semblerait donc que les demandeurs ont effectivement discuté avec l’avocat spécialisé en droit de l’immigration des raisons pour lesquelles ils avaient fui la Tunisie, mais qu’au lieu de leur recommander de déposer une demande d’asile, cet avocat a concocté un plan prévoyant le retour de Mme Ben Hammadi en Tunisie et le voyage de M. Chakroun à Cuba. Ceci est très étrange, tout comme l’affirmation de M. Chakroun selon laquelle il a soudainement découvert la possibilité de demander l’asile après avoir été menacé de renvoi à son retour de Cuba. D’après ce que je peux voir, il est clair que les actions des demandeurs ont été bien planifiées sur le conseil d’un avocat spécialisé en droit de l’immigration qui, connaissant probablement la raison pour laquelle ils ont quitté la Tunisie, ne leur a pas parlé de la possibilité de demander l’asile au Canada. À mon avis, il n’était pas déraisonnable pour la SPR ni pour la SAR de s’attendre à ce que les demandeurs aient envisagé de demander l’asile la première fois qu’ils sont arrivés au Canada et lorsqu’ils ont parlé à un avocat spécialisé en droit de l’immigration. Le scénario que cet avocat a concocté me semble excessivement compliqué si, en fait, la demande d’asile des demandeurs était vraiment défendable. Le fait que les demandeurs n’ont demandé l’asile que plusieurs mois après leur arrivée au Canada, et seulement après l’interception de M. Chakroun à son retour de Cuba, jette un doute sur l’histoire des demandeurs quant aux raisons pour lesquelles ils ont quitté la Tunisie en premier lieu. Dans les circonstances, je ne vois rien de déraisonnable dans le fait que la SAR a souscrit à la conclusion de la SPR selon laquelle les allégations des demandeurs d’asile souffraient de graves problèmes de crédibilité.

[16] Quant au retour de Mme Ben Hammadi et des enfants en Tunisie, les demandeurs soutiennent qu’ils savaient que c’était un risque, mais ils citent l’arrêt Yusuf c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (CA), [1992] 1 CF 629, [1991] ACF no 1049 (QL) [Yusuf], selon lequel « la définition de réfugié n’est certainement pas conçue pour exclure les personnes courageuses ou simplement stupides au profit de celles qui sont plus timides ou plus intelligentes » (Yusuf au para 5). C’est peut-être le cas, mais cela ne rend pas les conclusions de la SAR déraisonnables pour autant. La SAR a trouvé qu’en quittant le Canada, un pays où Mme Ben Hammadi et sa famille étaient en sécurité, pour retourner en Tunisie simplement pour y faire une demande de permis d’études, alors que, d’après elle, M. Tebai « a des yeux partout », Mme Ben Hammadi s’est rapprochée de son agent de persécution « et en conséquence a fait preuve d’un comportement incompatible avec celui d’une personne qui craint pour sa vie » (décision de la SAR au para 15). Dans ces circonstances, je ne suis pas convaincu que la décision de la SAR est déraisonnable sur ce point.

[17] Lors de l’audience devant notre Cour, les demandeurs ont soutenu qu’ils ne pouvaient pas retourner en Tunisie puisque M. Chakroun a maintenant admis avoir émis un chèque sans provision et fumé du cannabis, deux infractions qui peuvent mener à des poursuites pénales en Tunisie. Ils soutiennent que la SAR n’a pas tenu compte des conséquences pénales graves, c’est-à-dire un emprisonnement maximal de cinq ans pour l’émission du chèque sans provision, et un emprisonnement maximal de 30 ans pour la consommation de cannabis. Selon les demandeurs, ces peines sont cruelles et inusitées puisqu’elles feraient « outrage aux normes de la convenance » et primeraient « toutes les limites rationnelles de la peine » (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Harvey, 2013 CF 717 [Harvey] au para 26), et elles sont complètement disproportionnées, étant donné notamment que la possession de cannabis est légale au Canada. La SAR devait se demander si ces peines seraient imposées « au mépris des normes internationales » (Harvey au para 41).

[18] Je reconnais que la SAR n’a pas examiné cette question en particulier, mais cette question ne lui a pas été soumise. Je ne peux pas blâmer la SAR de ne pas avoir examiné une question dont elle n’était pas saisie. Les demandeurs soutiennent que la SAR disposait des éléments de preuve concernant ces peines et qu’elle aurait dû soulever la question elle-même. Je ne souscris pas à cette affirmation. On ne peut pas s’attendre à ce que la SAR examine chaque élément de preuve et essaie d’en tirer les arguments qui pourraient appuyer une demande d’asile.

[19] De toute façon, les demandeurs admettent que personne en Tunisie n’est en mesure de déposer une plainte contre M. Chakroun concernant sa consommation de cannabis. De plus, la seule preuve d’une possible plainte de nature pénale en lien avec l’émission du chèque sans provision est une lettre de la mère de Mme Ben Hammadi affirmant que le père de M. Tebai a contacté Mme Ben Hammadi par Facebook et qu’il l’a menacé d’engager des poursuites pénales contre M. Chakroun concernant l’émission du chèque sans provision. Ceci dit, puisque M. Chakroun a affirmé devant la SPR et la SAR qu’il craignait pour sa vie et que M. Tebai l’avait menacé de le tuer pour avoir émis le chèque sans provision, je ne vois rien de déraisonnable dans la conclusion de la SAR selon laquelle, puisque le témoignage de M. Chakroun n’avait pas été crédible, il n’était pas déraisonnable pour la SPR de douter de la crédibilité de l’élément de preuve à l’appui de ces allégations et d’accorder un faible poids à cet élément de preuve.

[20] Les conclusions de la SAR ont été raisonnables. La SAR a considéré les explications des demandeurs concernant les incohérences, les contradictions et leur comportement incompatible avec celui de personnes qui craignent d’être persécutées. Elle a jugé, comme la SPR, que ces explications étaient insuffisantes. Devant notre Cour, les demandeurs ne font que répéter les arguments et explications qu’ils ont présentés devant la SAR. La SAR a également considéré les éléments de preuve soumise et il lui était loisible de leur accorder un faible poids.

[21] Finalement, quant aux contradictions et aux incohérences soulevées par la SAR par rapport aux histoires changeantes de M. Chakroun concernant la question de savoir si les banques en Tunisie acceptent de bloquer des chèques – raison pour laquelle il a dû vider son compte de banque afin d’éviter que son chèque soit encaissé – ainsi que la question de savoir si M. Chakroun a cherché à obtenir la protection de la police en lien avec les menaces de M. Tebai à son endroit, je ne suis pas convaincu que l’examen qu’en a fait la SAR est déraisonnable.

[22] La demande de contrôle judiciaire doit donc être rejetée.


JUGEMENT au dossier IMM-4104-22

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée.

« Peter G. Pamel »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4104-22

 

INTITULÉ :

MAHDI CHAKROUN, SELIMA CHAKROUN, YESSINE CHAKROUN, MERIAM BEN HAMMADI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 26 Juillet 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PAMEL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 30 août 2023

 

COMPARUTIONS :

Me Emmanuel Roy-Allain

Me Christopher Roy-Allain

 

Pour les demandeurs

Me Evan Liosis

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Emmanuel Roy-Allain, avocat

Montréal (Québec)

 

Pour les demandeurs

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

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