Dossiers : IMM-2967-19
IMM-5570-19
Référence : 2023 CF 1147
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 24 août 2023
En présence de monsieur le juge Fothergill
Dossier : IMM-2967-19
|
ENTRE : |
ATTILA KISS et ANDREA KISS |
demandeurs |
et |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
défendeur |
Dossier : IMM-5570-19
|
ET ENTRE : |
LÁSZLÓ SZÉP-SZÖGI, JUDIT SZÉP-SZÖGI, LAURA SZÉP-SZÖGI ET LÉNA SZÉP-SZÖGI |
demandeurs |
et |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
I. Aperçu
[1] Les demandeurs dans les instances connexes en l’espèce sont des citoyens de la Hongrie. Ils demandent le contrôle judiciaire des décisions rendues par un agent de liaison [l’agent] de l’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC]. L’agent a annulé les autorisations de voyage électroniques [les AVE] des demandeurs, ce qui les a empêchés de prendre l’avion de Budapest à Toronto. Les demandeurs allèguent que l’agent n’avait pas le pouvoir d’annuler les AVE en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], et que ses décisions étaient discriminatoires.
[2] Au cours de leur formation, les agents de l’ASFC apprennent à utiliser des « indicateurs »
en vue de repérer les voyageurs susceptibles de faire de fausses déclarations quant au but véritable de leur voyage au Canada. Dans les deux cas en l’espèce, un des indicateurs utilisés par l’agent pour annuler les AVE était le fait que les hôtes prévus des demandeurs au Canada étaient des personnes ayant obtenu l’asile.
[3] Les demandeurs soutiennent que l’indicateur fondé sur l’« association avec des réfugiés »
, lorsqu’il est appliqué à des voyageurs roms d’origine hongroise ou à des voyageurs associés à des Roms, est discriminatoire et contrevient au droit international en matière de droits de la personne ainsi qu’au paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés, soit la partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11 [la Charte]. Les demandeurs affirment que l’utilisation de cet indicateur par les agents de liaison de l’ASFC a eu des conséquences négatives pour un grand nombre de ressortissants hongrois et de voyageurs roms, et ils espèrent créer un précédent mettant fin à cette pratique.
[4] Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration [le ministre] concède que les décisions de l’agent devraient être annulées au motif qu’elles étaient inéquitables sur le plan procédural et déraisonnables. Il reconnaît que l’association avec des réfugiés ne constitue pas un motif suffisant pour annuler une AVE, mais il rejette l’argument selon lequel il s’agissait du seul, voire du principal motif, des décisions de l’agent. Selon le ministre, un jugement déclaratoire n’est pas justifié dans les instances en l’espèce et les réparations ordinaires relevant du droit administratif suffiront.
[5] Pour les motifs exposés ci-dessous, les demandes de contrôle judiciaire seront accueillies et les AVE des demandeurs seront rétablies. Les demandes présentées par les demandeurs en vue d’obtenir d’autres mesures déclaratoires et d’autres formes de réparation seront rejetées.
II. Le contexte
A. Dossier de la Cour no IMM-2967-19
[6] Attila et Andrea Kiss sont mari et femme. Ils sont tous deux des citoyens de la Hongrie d’origine ethnique rom. Ils vivent à Budapest.
[7] En 2019, les Kiss prévoyaient se rendre au Canada pour visiter la sœur d’Andrea, Edit, qui était sur le point de subir une opération chirurgicale à l’abdomen à Toronto. Edit et sa famille ont le statut de réfugié au Canada.
[8] Andrea a déjà visité Edit en 2017 grâce à une AVE. Elle est restée chez sa sœur pendant près de trois mois. Son AVE était valide jusqu’en 2022. Le 11 janvier 2019, Attila a obtenu une AVE pour se rendre au Canada. Les Kiss ont acheté des billets aller-retour avec départ de Budapest le 2 avril et retour le 3 juin 2019.
[9] Le 2 avril 2019, les Kiss sont arrivés au comptoir d’enregistrement d’Air Canada Rouge à l’aéroport international de Budapest. Le transporteur aérien avait embauché du personnel de BUD Security Kft [BudSec] pour effectuer le contrôle des documents des voyageurs. Un employé de BudSec a demandé aux Kiss de présenter leurs documents et de répondre à des questions sur leur projet de voyage, y compris la durée de leur séjour, l’identité des personnes qui les accueilleraient et le fait qu’ils détiennent ou non une lettre d’invitation.
[10] L’employé de BudSec a autorisé les Kiss à poursuivre leur voyage. Cependant, avant que leur enregistrement soit terminé, une autre employée de BudSec les a convoqués pour un interrogatoire approfondi et a examiné de nouveau les documents du couple. Elle est allée téléphoner à l’agent, qui se trouvait à Vienne, en Autriche. L’agent a consulté le Système mondial de gestion des cas [le SMGC] et a découvert que les hôtes prévus des Kiss avaient obtenu l’asile au Canada après avoir présenté une demande dans un bureau intérieur. L’agent a décidé d’annuler les AVE de Kiss.
[11] L’employée de BudSec a informé les Kiss que leurs AVE avaient été annulées et qu’ils ne pouvaient pas prendre leur vol à destination du Canada. Les Kiss ont demandé à l’employée les raisons de l’annulation et ont enregistré la conversation à son insu. Après avoir mentionné plusieurs motifs de préoccupation, l’employée de BudSec leur a fait savoir que le [traduction] « le plus gros problème »
était que la personne qui devait les accueillir [traduction] « n’avait pas de statut »
(propos traduits du hongrois). Elle leur a également précisé que la décision d’annuler les AVE avait été prise par un agent de l’ASFC, et non par elle. Plus tard dans la journée, les Kiss ont reçu deux courriels d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada [IRCC] les informant que leurs AVE avaient été annulées.
[12] Les motifs de la décision de l’agent, tels qu’ils ont été consignés dans le SMGC, étaient les suivants :
[Traduction]
Le 2019-04-02, l’agent de liaison de l’ASFC à Vienne a été contacté par des contrôleurs de documents de BudSec à l’aéroport international de Budapest (BUD) au nom d’Air Canada Rouge au sujet de deux ressortissants hongrois souhaitant monter à bord du vol AC1911 de BUD à YYZ. D’après les renseignements figurant dans le SMGC et les déclarations faites à BudSec, les sujets ont présenté certains indicateurs relatifs aux immigrants sans visa (ISV), soit : l’époux (IUC 1118327278) et l’épouse (IUC 1104873105) déclarent que le but de leur visite est le tourisme, mentionnent les chutes Niagara et la Tour du CN, mais ne sont pas en mesure d’expliquer ce qu’ils feront d’autre pendant trois mois - ont des emplois manuels, ont fourni une lettre de l’employeur datée de décembre 2018 attestant leur statut d’emploi à cette date, mais ne sont pas en mesure d’expliquer comment ils peuvent prendre trois mois de congé - liens faibles avec leur pays d’origine, ne possèdent pas de logement ni de bail à long terme - voyagent avec 2 000 $ CA en espèces, aucun accès à d’autres fonds - aucun bagage enregistré pour un voyage de trois mois; l’épouse déclare que sa sœur a tout acheté pour eux - l’épouse s’est déjà rendue au Canada pour trois mois à des fins de tourisme en 2017, mais n’a pas été en mesure d’expliquer ce qu’elle a fait; premier voyage pour l’époux - hôtes identifiés comme [CAVIARDÉ] et [CAVIARDÉ], réfugiés au sens de la Convention qui sont arrivés au Canada par des moyens irréguliers en 2015 et 2016 respectivement [CAVIARDÉ]. Se fondant sur ces indicateurs, l’agent de liaison à Vienne a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, les sujets ne respecteront pas les conditions imposées à l’entrée au Canada aux résidents temporaires et ne quitteront pas le Canada à la fin de la période de séjour autorisée. Les sujets sont considérés comme des ISV conformément au BO 2012-05 et, à ce titre, ne sont pas habilités à détenir une AVE. Une recommandation d’interdiction d’embarquement a été faite au transporteur aérien; AVE annulées en application des art 12.06/07 du RIPR. [Non souligné dans l’original.]
B. Dossier de la Cour no IMM-5570-19
[13] László et Judit Szép-Szögi sont mari et femme. Laura et Léna Szép-Szögi sont leurs enfants. Ils sont tous citoyens hongrois et vivent à Komárom.
[14] Le 17 mai 2019, les Szép-Szögi ont obtenu des AVE afin de se rendre au Canada pour des vacances de sept jours. Ils ont acheté des billets aller-retour avec départ de Budapest le 11 juillet et retour le 18 juillet 2019. Ils ont également embauché un chauffeur pour les conduire de l’aéroport de Toronto jusqu’à leur hôtel à Kitchener, en Ontario. Le chauffeur était un ancien employé des Szép-Szögi en Hongrie qui avait obtenu l’asile au Canada.
[15] Le 11 juillet 2019, les Szép-Szögi sont arrivés à l’aéroport international de Budapest et se sont rendus à la porte d’embarquement de leur vol. Pendant qu’ils y faisaient la queue, une employée de BudSec leur a demandé de présenter leurs documents et de répondre à des questions sur leur projet de voyage, notamment la durée du voyage, l’endroit où ils séjourneraient, s’ils avaient des billets pour le retour, où ils travaillaient et quel était leur revenu.
[16] L’employée est allée téléphoner à l’agent, qui se trouvait à Vienne, en Autriche. L’agent a consulté le SMGC et a découvert que le chauffeur embauché par les Szép-Szögi était [traduction] « une personne ayant qualité de RC [réfugié au sens de la Convention] qui a présenté une demande d’asile au bureau d’IRCC à Kitchener »
. L’agent a émis une recommandation d’interdiction d’embarquement et a décidé d’annuler les AVE des Szép-Szögi.
[17] L’employée de BudSec a alors informé les Szép-Szögi que leurs AVE étaient annulées et qu’ils ne pouvaient pas prendre leur vol. Elle n’a fourni aucun motif et a conseillé aux Szép‑Szögi de communiquer avec l’ASFC pour obtenir de plus amples renseignements. Plus tard dans la journée, les Szép-Szögi ont reçu quatre courriels d’IRCC les informant que leurs AVE avaient été annulées.
[18] Les motifs de la décision de l’agent, tels qu’ils ont été consignés dans le SMGC, étaient les suivants :
[Traduction]
Le 2019-07-11, l’agent de liaison de l’ASFC à Vienne a été contacté par des contrôleurs de documents de BudSec à l’aéroport international de Budapest (BUD) au nom d’Air Canada Rouge au sujet d’une famille de quatre ressortissants hongrois souhaitant monter à bord du vol AC1911 en partance de BUD-YYZ. D’après les renseignements figurant dans le SMGC et les déclarations faites à BudSec, les sujets ont présenté certains indicateurs relatifs aux immigrants sans visa (ISV), soit : - l’époux, l’épouse, les deux enfants mineurs - déclarent que le but de leur voyage est de rendre visite à un ami à Kingston (Ontario) pendant une semaine - ne sont pas en mesure de fournir la date de naissance de leur hôte, ne connaissent que son âge approximatif (40-50 ans) - après une recherche dans le SMGC à partir du nom et du numéro de téléphone, l’hôte est identifié comme IUC [CAVIARDÉ], un ressortissant hongrois et actuel RC ayant présenté une demande d’asile au bureau d’IRCC à Kitchener le 2018-07-12 - les époux sont des travailleurs autonomes, propriétaires d’une entreprise de sécurité - leur hôte au Canada est un ancien employé qui les a invités - la famille Szép-Szögi n’habitera pas chez lui, mais à l’hôtel Kitchener Inn and Suites; déclarent que l’hôtel a été réservé, mais qu’il n’a pas été réglé d’avance - ne sont pas en mesure de préciser les endroits qu’ils visiteront ou les activités qu’ils entreprendront, sauf une visite des alentours de Toronto (à environ 220 km aller-retour de Kitchener) - billets achetés trois semaines avant le voyage, passeports délivrés deux mois avant voyage - la famille apporte un petit bagage à main seulement, aucun bagage enregistré; se fondant sur ces indicateurs, l’agent de liaison à Vienne a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, les sujets ne respecteront pas les conditions imposées à l’entrée au Canada aux résidents temporaires et ne quitteront pas le Canada à la fin de la période de séjour autorisée. Les sujets sont considérés comme des ISV conformément au BO 2012-05 et, à ce titre, sont interdits de territoire en vertu de l’art 41 de la LIPR par application de l’art 6 et de l’al 50l) du RIPR. Une recommandation d’interdiction d’embarquement a été émise au transporteur aérien; AVE annulées conformément à l’article 12.07 du RIPR. Les sujets ont été informés des raisons de l’annulation des AVE et invités à communiquer avec l’ambassade du Canada pour obtenir de plus amples renseignements. [Non souligné dans l’original.]
C. Historique des procédures
[19] Les demandes en l’espèce ont un long historique procédural.
[20] Les Kiss ont présenté leur demande d’autorisation et de contrôle judiciaire le 9 mai 2019. Le 11 juillet 2019, le ministre a demandé par écrit à la Cour d’annuler la décision de l’agent pour des raisons d’équité procédurale et de renvoyer l’affaire à un autre décideur pour nouvel examen. Les Kiss se sont opposés à la requête en jugement du ministre. Dans la correspondance envoyée à la Cour le 17 juillet 2019, ils ont affirmé que l’annulation de leurs AVE était illégale et que les réparations proposées par le ministre étaient inadéquates. La requête en jugement du ministre a été rejetée par la juge Elizabeth Heneghan le 1er octobre 2019 (Kiss c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1247).
[21] Le 16 octobre 2019, le procureur général du Canada [le PGC] a présenté, en application de l’article 87 de la LIPR, une requête visant à empêcher la divulgation d’extraits des motifs de l’agent.
[22] Les Kiss ont d’abord reçu l’aide de M. Gábor Lukács, un défenseur des droits des voyageurs aériens. Le 31 octobre 2019, ils ont déposé une requête écrite en vue d’obtenir une ordonnance nommant un avocat spécial en application de l’article 87.1 de la LIPR ou, subsidiairement, un amicus curiæ détenant une habilitation de sécurité pour assister la Cour. Ils ont également demandé de façon informelle que M. Lukács puisse présenter à la Cour des observations orales en leur nom. La Cour a rejeté les deux demandes le 12 décembre 2019.
[23] La première requête du PGC fondée sur l’article 87 de la LIPR a été rejetée en grande partie le 5 mai 2020 (Kiss c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 584).
[24] Les Szép-Szögi ont déposé leur demande d’autorisation et de contrôle judiciaire le 13 septembre 2019.
[25] Le 5 novembre 2020 ou vers cette date, les demandeurs dans les deux instances ont retenu les services d’un avocat, Me Benjamin Perryman, pour les représenter. Ils ont ensuite demandé par voie de requête la production d’un dossier certifié du tribunal [le DCT] amélioré et étoffé dans les deux cas, ce qui a été accordé le 15 janvier 2021. La Cour a également ordonné que les deux demandes soient instruites ensemble.
[26] Le 12 janvier 2021, les Szép-Szögi ont demandé par requête que leur demande soit réunie avec celle qui avait été introduite par les Kiss. Le 28 janvier 2021, la Cour a refusé de réunir les deux demandes, en soulignant la position du ministre, soit que les mêmes gains en efficience qui découleraient de la jonction seraient réalisés si les affaires étaient instruites ensemble, comme la Cour l’avait ordonné précédemment. Le ministre a convenu que la Cour pouvait examiner des éléments de preuve communs de façon coordonnée, plutôt que séparément dans les deux instances.
[27] La production d’un DCT amélioré et étoffé a donné lieu à des requêtes supplémentaires en vue d’empêcher, au titre de l’article 87 de la LIPR, la divulgation des motifs dans les deux instances. Les demandeurs ont obtenu, après en avoir fait la demande, que la requête fondée sur l’article 87 présentée par les Szép-Szögi soit suspendue jusqu’à ce qu’il soit statué sur la même requête dans le dossier des Kiss.
[28] Les DCT caviardés relatifs aux deux instances ont été transmis le 5 février 2021 à Me Perryman, qui les a acheminés sous forme électronique à M. Lukács; celui-ci a pu manipuler les documents et découvrir ainsi les renseignements que le PGC avait caviardés en vertu de l’article 87 de la LIPR.
[29] Le PGC a présenté deux requêtes en injonction interlocutoire visant à protéger la confidentialité des renseignements caviardés en attendant que la Cour statue sur la deuxième requête fondée sur l’article 87 de la LIPR. La Cour a rendu deux ordonnances interdisant à M. Lukács et à d’autres personnes de conserver, de divulguer ou de diffuser les renseignements caviardés, la première le 8 février 2021 et la seconde, le 22 mars 2021 (Kiss c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 248, conf par 2023 CAF 36).
[30] Le 22 février 2021, les demandeurs ont présenté une autre requête visant la nomination d’un avocat spécial ou d’un amicus curiæ détenant une habilitation de sécurité pour assister la Cour saisie de la deuxième demande d’interdiction de divulgation visée à l’article 87 de la LIPR. Cette requête a été rejetée le 4 mai 2021 (Kiss c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 398).
[31] Le 8 septembre 2021, les demandeurs ont présenté une requête en vue de procéder à un interrogatoire hors cour de l’agent relativement aux deux demandes. Cette requête a été rejetée le 3 février 2022 (Kiss c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 133). Les demandeurs ont tenté d’en appeler de la décision de la Cour, mais l’avis d’appel a été annulé le 20 avril 2022 (Kiss v Canada (Citizenship and Immigration), décision non publiée, 20 avril 2022, dossier de la Cour no A-37-22).
[32] La deuxième demande d’interdiction de divulgation présentée par le PGC en vertu de l’article 87 de la LIPR a été accueillie en partie le 5 mai 2022 (Kiss c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 373). Les Szép-Szögi ont fait valoir par la suite que la requête fondée sur l’article 87 déposée dans leur dossier ne devrait pas être régie par l’ordonnance et les motifs prononcés par la Cour dans la décision 2022 CF 373. Le 4 janvier 2023, la Cour a jugé que la position des Szép-Szögi constituait une contestation indirecte inappropriée de sa décision antérieure et qu’il s’agissait donc d’un abus de procédure (Szép-Szögi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 22).
[33] Le 10 mars 2023, les demandeurs ont présenté une requête en vue de modifier leurs demandes pour contester la constitutionnalité du programme mondial de l’ASFC servant à interdire de vol les voyageurs susceptibles de faire de fausses déclarations quant au but de leur voyage au Canada. Cette requête a été rejetée le 17 avril 2023 (Kiss v Canada (Citizenship and Immigration), 2023 FC 562).
[34] Les demandes ont été instruites ensemble à Halifax le 23 juin 2023. Les demandeurs ont déposé une requête pouvant être présentée à l’audience dans le but d’empêcher le ministre de faire valoir que l’« association avec des réfugiés »
n’était pas un indicateur sur lequel l’agent s’est appuyé pour rendre ses décisions dans les deux dossiers. Cette requête a été rejetée pour des motifs prononcés séance tenante.
III. Les questions en litige
[35] Les demandes de contrôle judiciaire en l’espèce soulèvent les questions suivantes :
L’agent avait-il le pouvoir légal d’annuler les AVE des demandeurs?
Les décisions de l’agent étaient-elles discriminatoires?
Quelles sont les réparations appropriées?
IV. Analyse
[36] Le paragraphe 11(1.01) de la LIPR prévoit ce qui suit :
|
|
[37] L’exigence pour les étrangers visés par règlement de détenir une AVE valide lorsqu’ils cherchent à entrer au Canada est en vigueur depuis novembre 2016. Elle sert de processus de contrôle précoce pour les personnes qui projettent de se rendre au Canada en provenance de certains pays dispensés de l’obligation de visa, dont la Hongrie.
[38] En vertu de l’article 12.07 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le RIPR], les agents de liaison de l’ASFC sont autorisés à annuler une AVE à certaines conditions :
|
|
[39] Le ministre concède que les demandes en l’espèce devraient être accueillies au motif qu’elles étaient inéquitables sur le plan procédural et déraisonnables. Le ministre propose que la Cour ordonne le rétablissement des AVE des demandeurs. Les avocates du ministre ont donné à la Cour l’assurance que les AVE des demandeurs ne seront pas annulées à l’avenir, à moins que la situation ne change radicalement.
[40] Les demandeurs sont d’accord pour dire que les décisions de l’agent étaient inéquitables sur le plan procédural et déraisonnables. Toutefois, ils soutiennent qu’elles souffraient de vices plus fondamentaux. Ainsi, l’agent n’avait pas le pouvoir légal d’annuler les AVE et, en décidant de le faire, il a exercé de la discrimination. Les demandeurs sollicitent un jugement déclaratoire à cet effet.
A. L’agent avait-il le pouvoir légal d’annuler les AVE des demandeurs?
[41] Selon les demandeurs, les agents de liaison de l’ASFC ne sont pas autorisés à appliquer la LIPR en dehors du Canada en créant des points d’entrée officieux dans les aéroports à l’étranger. Ils prétendent que les agents de l’ASFC ne peuvent intercepter, interroger ou contrôler des ressortissants étrangers que dans trois situations distinctes et limitées : a) lorsqu’une personne présente une demande (LIPR, art 15); b) lorsqu’une personne cherche à entrer au Canada (LIPR, art 18); c) s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une personne est entrée au Canada sans se présenter à un point d’entrée (Loi sur les douanes, LRC 1985, c 1 (2e supp), art 11 et 99.1).
[42] Selon les demandeurs, le pouvoir d’un agent de l’ASFC d’effectuer un contrôle est limité géographiquement aux points d’entrée au Canada. Ils se fondent à cette fin sur l’article 37 du RIPR, où il est précisé que le contrôle d’une personne qui « cherche à entrer au Canada »
ne prend fin que dans les cas suivants : a) la personne « est autorisée à entrer au Canada […] [ou] est autorisée à quitter le point d’entrée où le contrôle est effectué »
, b) le passager en transit quitte le Canada, c) la personne est autorisée à retirer sa demande et quitte le Canada ou d) une décision d’interdiction de territoire est rendue et la personne quitte le point d’entrée. Ils soulignent que cette interprétation du RIPR est conforme aux dispositions de la Loi sur les douanes régissant la présentation des personnes aux bureaux de douane désignés (art 11).
[43] Les demandeurs affirment qu’il existe une présomption bien établie en matière d’interprétation législative, soit que le Parlement n’entend pas appliquer les lois à l’extérieur du Canada, à moins qu’une intention contraire ne soit énoncée expressément ou implicitement. Ils font valoir que la LIPR ne contient aucune disposition expresse ou implicite permettant de réfuter cette présomption et qu’elle prescrit en toutes lettres les situations dans lesquelles les agents des services frontaliers étrangers sont autorisés à intercepter, à interroger et à contrôler des personnes au Canada.
[44] Les demandeurs exhortent la Cour à adopter une interprétation téléologique de la LIPR selon laquelle les agents de liaison de l’ASFC détiendraient un pouvoir distinct et limité leur permettant d’intercepter et d’interroger les voyageurs étrangers à l’extérieur du Canada. Le paragraphe 3(2) de la LIPR, où est énoncé l’objet de la loi, ne prévoit pas son exécution extraterritoriale et met plutôt l’accent sur la nécessité de protéger les réfugiés, d’offrir l’asile à ceux qui risquent d’être persécutés et de favoriser la réunification des familles au Canada. La seule exception concerne les demandeurs d’asile qui constituent un danger pour la sécurité ou qui sont de grands criminels. Par conséquent, les demandeurs font valoir que la LIPR ne peut être interprétée de manière à permettre son exécution à l’étranger contre des réfugiés potentiels et des personnes qui sont [traduction] « associées à des réfugiés »
.
[45] Je ne suis pas convaincu que l’agent a procédé à un contrôle à l’étranger des demandeurs avant de décider d’annuler leurs AVE. L’agent se trouvait à Vienne, en Autriche, et n’a eu aucun contact direct avec les demandeurs. L’employée de BudSec a été embauchée par Air Canada, et non par l’ASFC.
[46] Les décisions de l’agent étaient fondées sur des informations fournies par une agente de sécurité privée embauchée par le transporteur et sur d’autres renseignements figurant dans le SMGC. Il ne s’agissait pas d’un contrôle d’étrangers, mais plutôt d’une aide fournie à un transporteur aérien pour qu’il puisse s’acquitter de son obligation de s’assurer que les voyageurs sont admissibles à l’entrée au Canada. Les agents de liaison de l’ASFC font partie des fonctionnaires autorisés à annuler les AVE en vertu de l’article 12.07 du RIPR.
[47] Les parties s’entendent sur le fait que les conditions énoncées à l’article 12.07 du RIPR n’étaient pas remplies dans l’une ou l’autre des affaires en l’espèce, mais il ne s’ensuit pas que l’agent n’était pas du tout habilité par la loi à annuler les AVE.
B. Les décisions de l’agent étaient-elles discriminatoires?
[48] Les demandeurs font valoir que l’agent a décidé d’annuler leurs AVE parce que leurs dossiers affichaient l’indicateur de risque fondé sur l’« association avec des réfugiés »
. Ils affirment que l’utilisation de cet indicateur à l’endroit des Roms, ou de ceux qui s’associent à des Roms, constitue une pratique discriminatoire.
[49] Le ministre conteste l’argument selon lequel l’« association avec des réfugiés »
était le seul, voire le principal motif, des décisions de l’agent. Il concède néanmoins que l’« association avec des réfugiés »
n’offre pas en soi une justification suffisante pour annuler une AVE et que les deux demandes de contrôle judiciaire devraient être accueillies. Selon le ministre, un jugement déclaratoire n’est pas justifié dans les instances en l’espèce et les réparations ordinaires relevant du droit administratif suffiront.
[50] Une décision discriminatoire est intrinsèquement déraisonnable, parce qu’elle est fondée sur des considérations non pertinentes, ou elle est inéquitable sur le plan procédural parce qu’elle suscite une crainte raisonnable de partialité. Les motifs du décideur doivent être intrinsèquement cohérents et justifiés au regard des contraintes juridiques et factuelles pertinentes (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 101).
[51] La Cour suprême du Canada reconnaît depuis longtemps que la « discrétion »
implique nécessairement la bonne foi dans l’exercice d’un devoir public. Une loi doit toujours s’entendre comme s’appliquant dans une certaine optique, et tout écart manifeste de sa ligne ou de son objet est tout aussi répréhensible que la fraude ou la corruption. Le fait que les sympathies et les antipathies arbitraires, de même que les visées non pertinentes de titulaires de charge publique qui agissent en excédant leurs pouvoirs, puissent dicter leurs actions et remplacer une administration établie par la loi, voilà un affront au principe de la primauté du droit (Roncarelli v Duplessis, [1959] SCR 121 aux p 140, 142).
[52] Selon les demandeurs :
[traduction]
Pour ce qui est de la Hongrie, les personnes « associées à des réfugiés » au Canada sont plus susceptibles d’être des Roms, car ces derniers représentent la vaste majorité (79,5 %) des demandeurs d’asile provenant de la Hongrie. L’indicateur fondé sur l’« association avec des réfugiés » n’est pas neutre au chapitre de la race et fonctionne comme un indicateur indirect de l’origine ethnique ou de la race rom. Il aura une incidence disproportionnée sur les Roms, qui sont plus susceptibles d’être « associés à des réfugiés » que les autres ressortissants hongrois. […]
[53] Le précédent juridique qui ressemble le plus aux questions dont la Cour est saisie en l’espèce est l’arrêt rendu par la Chambre des lords du Royaume-Uni, soit (European Roma Rights Centre) v Immigration Officer at Prague Airport, [2004] UKHL 55 [Prague Airport]. L’affaire s’est déroulée dans le contexte suivant (Prague Airport, au para 4) :
[traduction]
En février 2001, les gouvernements [du Royaume-Uni] et de la République tchèque ont conclu un accord qui a eu pour effet de permettre aux agents d’immigration britanniques d’accorder ou de refuser aux voyageurs à l’aéroport de Prague l’autorisation d’entrer au Royaume-Uni avant qu’ils ne montent à bord d’un avion à destination de ce pays. L’accord a été mis en œuvre le 18 juillet 2001. Des agents d’immigration britanniques ont été affectés à l’aéroport de Prague pour effectuer le « contrôle préalable » de tous les passagers avant qu’ils n’embarquent sur des vols à destination du Royaume-Uni. L’autorisation d’entrer a été accordée aux passagers soumis à l’obligation d’obtenir une telle autorisation qui avaient convaincu les agents qu’ils avaient l’intention de se rendre au Royaume-Uni dans un but prévu dans les règles du pays en matière d’immigration. D’autres personnes qui avaient besoin d’une autorisation d’entrée, notamment celles qui avaient déclaré avoir l’intention de demander l’asile au Royaume-Uni et celles dont les agents avaient conclu qu’elles avaient l’intention de le faire, se sont vu refuser l’entrée. Elles n’ont donc pas pu se rendre au Royaume-Uni, puisqu’aucun transporteur aérien ne pouvait les accepter.
[54] Selon la preuve portée à la connaissance de la chambre des lords, sur une période de 51 jours, 68 Roms sur 78 se sont vu refuser l’embarquement, contre seulement 14 des 6 170 voyageurs non roms. Une personne d’origine rom était donc 400 fois plus susceptible d’être refoulée que les autres (Prague Airport, au para 92).
[55] Des éléments de preuve présentés à la chambre des lords décrivaient aussi une expérience au cours de laquelle trois personnes ont tenté de se rendre au Royaume-Uni pour une courte visite. Deux d’entre elles étaient des jeunes femmes qui gagnaient un revenu semblable, avaient des intentions similaires et portaient sur elles des sommes d’argent comparables : une était Rom et l’autre, non, tandis que la troisième était une femme rom mariée d’âge mûr qui exerçait une profession dans le secteur des médias. La femme non rom a été autorisée à entrer au Royaume‑Uni après un bref interrogatoire. La demande de la jeune femme rom a été rejetée après un interrogatoire plus long qu’elle a jugé envahissant et intrusif. La femme rom d’âge mûr a été interrogée pendant une longue période, puis s’est faire dire d’attendre dans une pièce séparée avant d’être finalement autorisée à poursuivre son voyage. Une expérience similaire réalisée par une émission de télévision tchèque a donné des résultats comparables (Prague Airport, au para 94).
[56] Six ressortissants roms tchèques qui s’étaient vu refuser l’autorisation d’entrer au Royaume-Uni ont contesté l’opération menée à Prague. Trois des demandeurs n’ont pas caché leur intention de demander l’asile à leur arrivée au Royaume-Uni. Ils n’ont pas invoqué de discrimination à leur endroit, car le traitement moins favorable dans leur cas se fondait sur des motifs autres que leur origine ethnique. Deux des demandeurs avaient également l’intention de demander l’asile, mais ils avaient prétendu que ce n’était pas le cas. Les lords ont souligné qu’il était difficile pour ces derniers de se plaindre d’avoir subi un interrogatoire plus intensif ayant révélé leurs véritables intentions. Une note au dossier de la dernière demanderesse indiquait que son beau-petit-fils, à qui elle espérait rendre visite, avait déclaré qu’il avait obtenu l’asile au Royaume-Uni, qu’il était prestataire d’aide sociale et qu’il cherchait un emploi. On pouvait alors se demander si un non-Rom se trouvant dans des circonstances semblables aurait été refusé (Prague Airport, au para 95).
[57] La chambre des lords (sous la plume de la baronne Hale) a conclu que l’opération menée à Prague avait été discriminatoire (Prague Airport, au para 97) :
[traduction]
[…] Tous les éléments de preuve dont nous disposons, à part ceux qui se rapportent aux intentions des responsables de l’opération, intentions qui n’ont pas été communiquées aux agents sur le terrain, nous amènent à inférer que les Roms étaient, simplement parce qu’ils étaient Roms, généralement traités avec plus de méfiance et soumis à un interrogatoire plus intensif et intrusif que les non-Roms. Nous n’y voyons rien de surprenant. De fait, la Cour d’appel a considéré que c’était « absolument inévitable ». Cette affirmation va peut-être trop loin. Par contre, la mise en œuvre d’une opération semblable, provoquée par un afflux de demandeurs d’asile appartenant majoritairement à un groupe racial ou ethnique relativement facile à identifier, exige que d’énormes précautions soient prises pour éviter toute discrimination. Ce ne fut pas le cas. Nous n’avons pas d’autre choix que de conclure que l’opération était intrinsèquement et systémiquement discriminatoire et illégale.
[58] En l’espèce, les demandeurs affirment que les décisions de l’agent doivent être interprétées dans le contexte d’une politique d’interdiction plus large qui vise à appliquer à l’étranger les lois canadiennes sur la protection des frontières et l’immigration. La politique s’appuie sur une « stratégie à frontières multiples »
destinée à « “repousser la frontière”, de sorte que les personnes représentant un risque pour la sécurité et la prospérité du Canada sont identifiées le plus loin possible de la frontière réelle, idéalement, avant même qu’elles quittent leur pays d’origine »
(d’après le Rapport de la vérificatrice générale du Canada, chapitre 5, Citoyenneté et Immigration Canada – contrôle et application de la loi (avril 2003); ASFC, Direction générale de la stratégie et de la coordination, Étude d’évaluation portant sur les activités d’examen de l’admissibilité et de soutien du renseignement (juillet 2009); Sécurité publique Canada, Par-delà la frontière : une vision commune de la sécurité du périmètre et de la compétitivité économique (février 2011); Sécurité publique Canada, Par-delà la frontière – Rapport de mise en œuvre 2015).
[59] Témoignant devant un comité permanent de la Chambre des communes, un représentant de l’ASFC a décrit les avantages des AVE en ces termes : « […] les personnes interdites de territoire ne pourront entrer au Canada. Cela offre également des avantages du point de vue des réfugiés, car nous recevrons moins de demandes d’asile »
(Chambre des communes, Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration, Procès-verbaux et témoignages, 41e lég, 1re sess, no 021 (14 février 2012)).
[60] Un représentant d’IRCC qui a témoigné devant le même comité permanent a fait l’éloge « [de] la beauté et [de] l’efficacité »
d’un processus permettant de veiller à ce que certaines catégories d’étrangers fassent l’objet d’une interdiction à l’étranger (Chambre des communes, Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration, Procès-verbaux et témoignages, 41e lég, 1re sess, no 059 (19 novembre 2012)) :
Ce que nous proposons avec l’AVE est de repousser à l’étranger les risques de cas semblables pour que ces personnes ne soient même pas en mesure de se rendre à un point d’entrée, à moins, bien entendu, d’avoir été soumises à une vérification dans le cadre de l’AVE avant de partir.
[61] Les demandeurs ont présenté une preuve d’expert sur les désavantages historiques et actuels auxquels sont confrontés les Roms en Hongrie. Cette preuve n’a pas été contestée par le ministre.
[62] Les demandeurs affirment que le Canada a adopté diverses mesures juridiques et politiques pour limiter le nombre de demandeurs d’asile roms arrivant en territoire canadien, notamment des visas obligatoires, une politique de pays d’origine désignés et le recours à une approche fondée sur des « causes types »
à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la CISR]. En 2012, l’ASFC a lancé le projet SARA en vue de réagir à un afflux de demandeurs d’asile hongrois. Selon le résumé présenté dans le rapport final du projet Sara :
[traduction]
Depuis l’élimination du visa obligatoire pour les ressortissants hongrois arrivant au Canada en 2008, l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) a constaté une augmentation annuelle importante du nombre de titulaires de passeports hongrois qui viennent au Canada dans le but d’y demander l’asile. Ces personnes, en grande partie, demandent une protection parce qu’elles sont persécutées en raison de leur origine ethnique rom. La majorité d’entre elles arrivent au Canada et présentent des demandes d’asile principalement dans la région du Grand Toronto. En 2011 seulement, environ 4 442 ressortissants hongrois ont demandé la protection au Canada, ce qui représente à peu près 17 % du nombre total de demandeurs d’asile pour l’année. Environ 3 759 personnes ont demandé l’asile à l’Aéroport international Pearson et au bureau d’Etobicoke de Citoyenneté et Immigration Canada. Il s’agit d’une hausse notable par rapport aux 2 353 demandeurs de l’année dernière pour l’ensemble du Canada. Les schémas de migration présentent les caractéristiques d’un mouvement coordonné. Par conséquent, l’ASFC a mis en œuvre un plan d’action, tant au pays qu’à l’étranger, en vue d’analyser les mesures qui pourraient être prises afin d’atténuer ce mouvement migratoire irrégulier.
[63] Sous la rubrique des « stratégies particulières »
, le rapport final du projet Sara recommandait les interventions suivantes avant l’arrivée à la frontière :
[traduction]
· Poursuivre les efforts accrus d’interception à des points d’embarquement stratégiques; il convient de souligner cependant que, même si les interdictions ont donné des résultats positifs, le mouvement semble être très réactif aux mesures d’interdiction : un certain nombre de personnes interdites d’embarquement ont par la suite emprunté d’autres points de transit pour finalement se rendre au Canada, ce qui a déplacé le problème. De plus, cette mesure n’est pas considérée comme une option viable à long terme, compte tenu des difficultés logistiques (manque de temps, installations insuffisantes, problèmes de traduction) ainsi que des ressources et des budgets importants nécessaires.
-
Maintenir la coopération des agents de liaison avec les autorités internationales chargées de l’application de la loi et du renseignement afin de détecter et de bloquer les flux migratoires irréguliers.
[64] Les demandeurs ont présenté des éléments de preuve relatifs au nombre de recommandations d’interdiction d’embarquement visant des ressortissants hongrois à l’étranger entre 2012 et 2018 ainsi qu’au taux d’acceptation des demandeurs d’asile roms au Canada. Il est difficile de savoir quelles conclusions peuvent être tirées de ces données.
[65] M. Lukács a déposé un affidavit dans lequel il affirmait que les agents de liaison de l’ASFC, entre 2012 et 2018, avaient interdit d’embarquement 1 252 ressortissants hongrois. Il n’a pas précisé quelle proportion de ces personnes étaient d’origine ethnique rom ou associées à des Roms. La Cour ne dispose d’aucun élément de preuve concernant les motifs d’interdiction d’embarquement.
[66] Le professeur Sean Rehaag, de l’Osgoode Hall Law School de l’Université York, a déposé un affidavit dans lequel il a déclaré ce qui suit au sujet de la période allant de 2013 à 2019 :
a)les demandeurs d’asile provenant de la Hongrie représentaient 1,7 % de tous les cas réglés par la CISR;
b)le taux d’acceptation des demandeurs hongrois était de 69,7 %;
c)les Roms représentaient la grande majorité (79,5 %) des demandeurs d’asile provenant de la Hongrie;
d)le taux d’acceptation des demandes de Roms provenant de la Hongrie était de 70,9 %;
e)la Hongrie représentait 47,5 % des demandes d’asile présentées par des Roms, ce qui en fait le pays d’origine le plus fréquent des demandeurs d’asile roms;
f)pour ce qui est des demandes d’asile fondées sur la race/l’origine ethnique/la nationalité, les demandeurs Roms étaient les plus nombreux, à 22,2 %;
g)les demandes d’asile de Roms provenant de la Hongrie représentaient 10,6 % de toutes les demandes fondées sur la race/l’origine ethnique/la nationalité.
[67] Les données contenues dans l’affidavit du professeur Rehaag montrent une progression du nombre de demandeurs d’asile de la Hongrie, y compris ceux qui sont d’origine ethnique rom, au cours des années postérieures à 2013 :
Tableau 5 : Issue des demandes d’asile provenant de la Hongrie (2013-2019)
|
|||||
Année de la décision
|
Désistement ou retrait
|
Décision défavorable
|
Décision favorable
|
Toutes les demandes
|
Taux d’acceptation
|
2013
|
7
|
11
|
6
|
24
|
0,352941
|
2014
|
16
|
34
|
48
|
98
|
0,585366
|
2015
|
29
|
47
|
170
|
246
|
0,783410
|
2016
|
44
|
83
|
210
|
337
|
0,716724
|
2017
|
48
|
45
|
86
|
179
|
0,656489
|
2018
|
92
|
49
|
116
|
257
|
0,703030
|
2019
|
70
|
28
|
47
|
145
|
0,626667
|
Toutes les demandes
|
306
|
297
|
683
|
1286
|
0,696939
|
Tableau 8 : Issue des demandes d’asile présentées par des Roms de la Hongrie
(2013-2019)
|
||||||
Année de la décision
|
Désistement ou retrait
|
Décision défavorable
|
Décision favorable
|
Toutes les demandes
|
Taux d’acceptation
|
Proportion
|
2013
|
0
|
5
|
2
|
7
|
0,285714
|
0,006849
|
2014
|
7
|
26
|
38
|
71
|
0,593750
|
0,069472
|
2015
|
21
|
45
|
145
|
211
|
0,763158
|
0,206458
|
2016
|
37
|
72
|
187
|
296
|
0,722008
|
0,289628
|
2017
|
34
|
37
|
80
|
151
|
0,683761
|
0,147750
|
2018
|
38
|
40
|
111
|
189
|
0,735099
|
0,184932
|
2019
|
26
|
25
|
46
|
97
|
0,647887
|
0,094912
|
Toutes les demandes
|
163
|
250
|
609
|
1022
|
0,708964
|
1,000000
|
[68] Selon les données contenues dans l’affidavit de M. Lukács, le nombre de recommandations d’interdiction d’embarquement pour tous les Hongrois a grimpé en 2015 et en 2016. Toutefois, il y a eu aussi une augmentation du nombre total de demandeurs d’asile hongrois qui sont entrés au Canada au cours de cette période. Les éléments de preuve dont dispose la Cour ne permettent pas de tirer des conclusions fiables quant au nombre de demandeurs d’asile roms hongrois potentiels qui n’ont pas pu voyager à cause des agents de liaison de l’ASFC à l’étranger.
[69] De plus, la preuve n’établit pas l’existence d’un programme coordonné de l’ASFC visant à interdire l’embarquement de voyageurs à l’étranger au seul motif qu’ils sont d’origine ethnique rom ou associés à des demandeurs d’asile roms au Canada. Les faits à l’origine des demandes en l’espèce peuvent donc être distingués de ceux qui ont mené à une conclusion de discrimination dans l’arrêt Prague Airport.
[70] Le matériel utilisé pour former les agents de liaison de l’ASFC et les employés de l’entreprise de sécurité privée à l’aéroport international de Budapest aux dates pertinentes ne mentionne pas l’origine ethnique du voyageur ou son « association avec des réfugiés »
. Les « indicateurs »
de risque apparaissent dans des présentations PowerPoint relatives à des études de cas portant sur de faux documents de voyage et concernent l’évaluation des passagers, sous les rubriques suivantes : « Les vêtements des passagers »
, « Les langues parlées par les passagers »
, « Le comportement des passagers »
, « Billetterie : signaux d’alerte »
, « Documents secondaires »
, « Facilitateurs/escortes »
et « Quelles questions poser »
.
[71] Selon le ministre, un décideur peut tenir compte de tout renseignement qu’il juge pertinent afin de déterminer si une personne titulaire d’une AVE pour un séjour temporaire au Canada quittera le pays à la fin de la période qui lui est applicable. Il n’est pas tenu de s’appuyer uniquement sur certains facteurs (d’après le Bulletin opérationnel PRG-2017-41). La formation que reçoivent les décideurs sur les « indicateurs »
vise uniquement à leur fournir des indices utiles pour faciliter la prise de décisions. Les indicateurs précisés dans le matériel de formation ne limitent pas le pouvoir discrétionnaire du décideur.
[72] Les « indicateurs »
précisés dans les documents de formation de l’ASFC n’offrent aucun fondement factuel qui confirmerait l’allégation de discrimination formulée par les demandeurs, car ceux-ci n’ont pas invoqué ces indicateurs, en fin de compte, pour étayer leurs arguments.
[73] L’agent en l’espèce n’a tiré aucune conclusion concernant le groupe ethnique auquel appartiennent les demandeurs. De fait, s’il est vrai que les Kiss sont d’origine rom, ce n’est pas le cas des Szép-Szögi. L’agent a centré son examen sur le statut d’immigration des hôtes prévus des demandeurs, ce qui peut dans certaines circonstances, selon le ministre, être un facteur légitime à considérer dans l’évaluation de la bonne foi d’un voyageur.
[74] Il incombe aux demandeurs de démontrer que l’utilisation de ces indicateurs par l’ASFC à l’égard des voyageurs hongrois, dont le facteur lié au statut d’immigration de leurs hôtes prévus au Canada, constitue de la discrimination au sens de la loi. Ils n’y sont pas parvenus.
[75] En conséquence, il est inutile d’examiner l’argument des demandeurs selon lequel les décisions de l’agent contrevenaient au droit international en matière de droits de la personne. Je ferais néanmoins remarquer que la chambre des lords du Royaume-Uni était convaincue que l’opération menée à l’aéroport de Prague contrevenait aux obligations imposées au Royaume‑Uni par les traités internationaux et le droit international coutumier (motifs de lord Bingham, aux para 39–46).
[76] De même, il n’est pas nécessaire d’examiner les arguments des demandeurs fondés sur la Charte. En outre, comme il a été énoncé récemment aux paragraphes 15 et 16 de la décision Kiss v Canada (Citizenship and Immigration), 2023 FC 562 :
[traduction]
Il est peu probable que la situation des demandeurs puisse entrer dans l’exception au principe de non-application de la Charte à l’étranger qui a été reconnue par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Khadr. Cette affaire concernait l’interrogatoire, par des agents canadiens du renseignement de sécurité, d’un jeune Canadien détenu par les États-Unis à Guantanamo Bay, à Cuba, dans des circonstances que la Cour suprême des États-Unis avait qualifiées de violation manifeste des droits fondamentaux de la personne protégés par le droit international. La Cour suprême du Canada a conclu que les actes des responsables canadiens avaient contribué à l’atteinte à la liberté de M. Khadr. Il faut distinguer l’arrêt Khadr de la situation en l’espèce, où des ressortissants hongrois n’ont pu monter à bord de vols de Budapest à Toronto.
Dans l’arrêt R c McGregor, 2023 CSC 4, la Cour suprême du Canada a eu l’occasion de réexaminer son analyse dans les arrêts Hape et Khadr, mais elle a refusé de le faire. Les observations de la juge Suzanne Côté, au paragraphe 24, sont applicables au présent contexte :
Il est donc préférable de reporter tout réexamen du cadre d’analyse établi dans l’arrêt Hape. Une approche empreinte de retenue est amplement étayée par notre jurisprudence. Comme l’a souligné le juge Sopinka dans l’arrêt Phillips c. Nouvelle‑Écosse (Commission d’enquête sur la tragédie de la mine Westray), [1995] 2 R.C.S. 97 : « Notre Cour a dit à maintes reprises qu’elle ne devait pas se prononcer sur des points de droit lorsqu’il n’est pas nécessaire de le faire pour régler un pourvoi. Cela est particulièrement vrai quand il s’agit de questions constitutionnelles […] » [renvois omis].
C. Quelles sont les réparations appropriées?
[77] Les demandeurs sollicitent un jugement déclaratoire dans le but de [traduction] « mettre fin à la politique illégale et discriminatoire du ministre, qui pourrait les cibler à nouveau à l’avenir »
. Selon les demandeurs :
[traduction]
En l’absence de jugement déclaratoire, les demandeurs n’ont aucune autre option que de retourner à l’aéroport de Budapest et d’y subir le même contrôle, puis de présenter une autre demande de contrôle judiciaire. Une déclaration de la Cour présente une utilité pratique en ce qu’elle clarifierait les mesures que pourront prendre ou ne pas prendre les agents de liaison de l’ASFC à l’étranger la prochaine fois que les demandeurs chercheront à venir au Canada et qu’elle préciserait si les agents peuvent se servir de l’indicateur fondé sur l’association avec des réfugiés.
[78] Le jugement déclaratoire est une mesure discrétionnaire d’une portée restreinte qui est offerte seulement si la Cour a compétence pour entendre le litige, que la question en cause est réelle et non pas simplement théorique, que la partie qui soulève la question a véritablement intérêt à ce qu’elle soit résolue et que la déclaration aura une utilité pratique, c’est-à-dire qu’elle règle un litige actuel entre les parties (Daniels c Canada (Affaires indiennes et du Nord canadien), 2016 CSC 12 au para 11).
[79] La Cour a conclu que l’agent avait le pouvoir légal d’annuler les AVE des demandeurs, même si les conditions justifiant l’exercice de ce pouvoir n’étaient pas remplies dans l’une ou l’autre des affaires en l’espèce. Le ministre le reconnaît. Il n’y aurait donc aucune utilité pratique à prononcer un jugement déclaratoire sur cette question.
[80] De plus, la preuve n’établit pas l’existence d’un programme coordonné au sein de l’ASFC visant à interdire l’embarquement de voyageurs à l’étranger au seul motif qu’ils sont d’origine ethnique rom ou associés à des demandeurs d’asile roms au Canada. Par conséquent, un jugement déclaratoire n’est pas justifié sur cette question.
[81] Le ministre soutient que le statut d’immigration des hôtes prévus d’un voyageur au Canada peut, dans certaines circonstances, être un facteur légitime à prendre en considération dans l’évaluation de la bonne foi d’un voyageur. Comme l’a souligné la baronne Hale dans l’arrêt Prague Airport, la mise en œuvre de politiques en réaction à [traduction] « un afflux de demandeurs d’asile appartenant majoritairement à un groupe racial ou ethnique relativement facile à identifier, exige que d’énormes précautions soient prises pour éviter toute discrimination »
(au para 97). Bien que la Cour ait conclu que l’utilisation d’indicateurs par l’ASFC ne constitue pas un acte discriminatoire, le ministre doit veiller à ce que l’application de tels indicateurs aux voyageurs roms, ou à ceux qui s’associent à des Roms, n’engendre pas par inadvertance des décisions discriminatoires.
[82] Les avocates du ministre ont donné à la Cour l’assurance que les AVE des demandeurs ne seront pas annulées à l’avenir, à moins que la situation change radicalement. Plus précisément, elles ne le seront pas pour la seule raison que les hôtes prévus des demandeurs au Canada y ont le statut de réfugié.
[83] Les demandes de contrôle judiciaire seront donc accueillies et les AVE des demandeurs seront rétablies.
V. Les questions en vue d’un appel
[84] Les demandeurs ont eu gain de cause dans la présente instance et, par conséquent, les seules questions pouvant faire l’objet d’un appel portent sur la possibilité d’obtenir un jugement déclaratoire. Le ministre a concédé que les demandes devraient être accueillies et s’oppose à la certification de questions en vue d’un appel.
[85] Une question ne peut être certifiée que si elle est grave, qu’elle est déterminante quant à l’issue de l’appel et qu’elle transcende les intérêts des parties. Elle doit également avoir été soulevée et examinée dans la décision de la cour d’instance inférieure, et elle doit découler de l’affaire plutôt que des motifs du juge. En corollaire, pour qu’une question soit d’importance générale aux termes de l’article 74 de la LIPR, elle ne peut pas avoir déjà été tranchée dans la jurisprudence (Obazughanmwen v Canada (Public Safety and Emergency Preparedness), 2023 FCA 151 au para 28).
[86] Les demandeurs ont proposé six questions en vue d’un appel. Trois d’entre elles concernent l’application du droit international des droits de la personne ou de la Charte aux faits en l’espèce. Ces questions n’ont pas été examinées par la Cour dans les présents motifs et ne peuvent donc être certifiées.
[87] Compte tenu de la conclusion de la Cour relativement à l’insuffisance de la preuve, la question proposée par les demandeurs, celle de savoir s’il est discriminatoire pour un agent de liaison de l’ASFC d’utiliser l’indicateur fondé sur l’association avec des réfugiés, ne serait pas déterminante quant à l’issue de l’appel. Cette question ne peut donc être certifiée.
[88] Les deux autres questions proposées par les demandeurs sont les suivantes :
-
[traduction]
Quel est le sens du mot « contrôle » aux articles 15 et 18 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et est-ce que le fait qu’un agent de l’ASFC interroge des étrangers dans des aéroports étrangers constitue, directement ou indirectement, un « contrôle » au sens de ces articles ou d’un autre article de la Loi? -
Est-ce que le Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés autorise un agent de l’ASFC à contrôler ou à interroger des ressortissants étrangers dans des aéroports étrangers, directement ou indirectement, afin de déterminer s’il y a lieu d’annuler leurs autorisations de voyage électroniques, de formuler une recommandation à l’intention des transporteurs ou d’appliquer la Loi?
[89] Ces questions n’ont pas été examinées par la Cour dans les présents motifs. La Cour a conclu que les décisions de l’agent étaient fondées sur des renseignements fournis par une agente de sécurité privée embauchée par le transporteur et sur d’autres informations figurant dans le SMGC. Il ne s’agissait pas d’un contrôle d’étrangers, mais plutôt d’une aide fournie à un transporteur aérien pour qu’il puisse s’acquitter de son obligation de s’assurer que les voyageurs sont admissibles à l’entrée au Canada.
[90] L’agent se trouvait à Vienne, en Autriche, et n’a eu aucune interaction directe avec les demandeurs. Il n’a exercé aucun pouvoir coercitif en application de la LIPR. L’affirmation des demandeurs selon laquelle l’agent a mené un contrôle à l’étranger non autorisé n’est essentiellement pas étayée par la preuve.
[91] L’argument des demandeurs en ce qui concerne le pouvoir de l’agent d’annuler leurs AVE était accessoire par rapport à leur argument fondamental, soit que les décisions étaient discriminatoires. Même si l’agent n’avait pas le pouvoir d’annuler les AVE, l’issue de la présente instance ne changerait pas. Les décisions de l’agent seraient annulées et les AVE des demandeurs seraient rétablies. Par conséquent, je ne suis pas convaincu que les questions relatives au pouvoir légal de l’agent d’annuler les AVE des demandeurs revêtent une importance générale suffisante pour justifier une certification dans la présente instance.
[92] Par conséquent, aucune question ne sera certifiée en vertu de l’article 74 de la LIPR.
JUGEMENT
LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :
Les demandes de contrôle judiciaire sont accueillies et les autorisations de voyage électroniques des demandeurs sont rétablies.
Aucune question n’est certifiée aux fins d’un appel.
« Simon Fothergill »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
|
Dossiers : |
IMM-2967-19 IMM-5570-19
|
|
INTITULÉ :
|
ATTILA KISS ET ANDREA KISS c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION LÁSZLÓ SZÉP-SZÖGI, JUDIT SZÉP-SZÖGI, LAURA SZÉP-SZÖGI ET LÉNA SZÉP-SZÖGI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
||
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
Halifax (Nouvelle-Écosse)
|
||
DATE DE L’AUDIENCE :
|
LE 23 JUIN 2023
|
||
JUGEMENT ET MOTIFS : |
LE JUGE FOTHERGILL
|
||
DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :
|
LE 24 AOÛT 2023
|
||
COMPARUTIONS :
Benjamin Perryman |
POUR LES DEMANDEURS |
Patricia MacPhee Ami Assignon |
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Benjamin Perryman Avocat Halifax (Nouvelle-Écosse) |
POUR LES DEMANDEURS |
Procureur général du Canada Halifax (Nouvelle-Écosse) |
POUR LE DÉFENDEUR |