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Date : 20230825


Dossier : IMM-5271-22

Référence : 2023 CF 1138

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 25 août 2023

En présence de monsieur le juge Southcott

ENTRE :

NIRACHHA KHADKA

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision du 27 mai 2022 par laquelle l’agent principal [l’agent] a rejeté la demande de résidence permanente après l’entrée au Canada présentée par la demanderesse et fondée sur des considérations d’ordre humanitaire au titre du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].

[2] Comme je l’explique en détail ci-dessous, la demande sera rejetée parce que, selon moi, le raisonnement de l’agent est transparent et que la décision est donc raisonnable.

II. Contexte

[3] La demanderesse est une citoyenne du Népal de 39 ans. Elle est mariée et a un fils de six ans, né au Canada et citoyen canadien. Son époux, qui est le père de l’enfant, vit au Népal, tandis que la majorité des autres membres de sa famille résident au Canada, dont ils sont citoyens ou résidents permanents. Il s’agit de ses parents, de son frère, de ses deux sœurs, de sa belle-sœur et de ses deux beaux-frères.

[4] La demanderesse est venue au Canada à titre de visiteur au mois de juillet 2015 et, durant son séjour, a accouché de son fils. Comme elle n’avait pas le statut de résident permanent du Canada, elle est retournée au Népal avec son fils en janvier 2016, avant l’expiration de son visa. Par la suite, elle est revenue au Canada avec le garçon en 2016, en 2017 et en 2018. L’entrée la plus récente de la demanderesse au Canada remonte à octobre 2020.

[5] La demanderesse a déposé sa demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire en juillet 2021.

III. Décision faisant l’objet du contrôle

[6] Dans son appréciation du bien-fondé de la demande, l’agent a pris en compte le degré d’établissement de la demanderesse au Canada et l’intérêt supérieur de son enfant.

[7] En ce qui concerne l’établissement, l’agent a souligné que la demanderesse avait toujours conservé un statut d’immigrant valide durant ses séjours au Canada. Bien que saluant la demanderesse pour sa diligence dans la tenue à jour de son statut d’immigration, l’agent a accordé à ce facteur un poids neutre, puisqu’il est attendu des résidents temporaires du Canada qu’ils respectent les lois canadiennes en matière d’immigration.

[8] L’agent a accordé peu de poids aux facteurs financiers et aux antécédents de travail de la demanderesse au Canada. Il a constaté que la demanderesse ne travaille pas au Canada, mais qu’elle y réside chez des membres de sa famille qui lui offrent une assistance financière en plus de l’argent que son mari lui envoie du Népal. L’agent a conclu qu’il existait peu d’éléments de preuve établissant que la demanderesse aurait besoin d’une assistance financière si elle retournait au Népal ou que sa famille ne lui viendrait alors pas en aide.

[9] L’agent a accordé un certain poids favorable aux lettres de soutien présentées par la demanderesse. Il a mentionné que la demanderesse avait fait du bénévolat et tissé des liens avec des personnes dans sa communauté.

[10] L’agent a accordé peu de poids au temps que la demanderesse a passé au Canada. Il a souligné qu’une des conditions à respecter pour l’obtention du statut de résident temporaire est de quitter le Canada au terme de la période de séjour autorisée. L’agent a donc estimé que la demanderesse devait raisonnablement s’attendre à devoir quitter le Canada. Il a signalé en outre que, si la demanderesse devait retourner au Népal, ce serait dans un lieu où elle est née et a grandi, où elle a de la famille, où elle a reçu une éducation et une formation, et où la langue, les coutumes et la culture lui sont familières. L’agent a conclu que peu d’éléments de preuve portent à penser que la demanderesse ne pourrait pas retourner au Népal en raison du temps qu’elle a passé au Canada.

[11] L’agent a accordé un certain poids favorable aux solides liens familiaux de la demanderesse au Canada.

[12] En ce qui concerne l’intérêt supérieur de l’enfant, comme je l’expose de manière plus détaillée ci-dessous, l’agent a évalué les impacts qu’aurait l’accueil ou le rejet de la demande sur le fils de la demanderesse. L’agent a finalement conclu que l’intérêt supérieur du garçon faisait pencher la balance en faveur d’une décision positive, mais qu’il ne constituait pas un facteur déterminant.

[13] À la lumière de ces analyses, l’agent a conclu que la dispense prévue au paragraphe 25(1) de la LIPR n’était pas justifiée.

IV. Question en litige et norme de contrôle

[14] La demande en l’espèce ne soulève qu’une seule question, soit celle de savoir si la décision contestée, et en particulier l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant, était raisonnable. Comme l’indique l’énoncé de cette question, les parties conviennent que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, et je suis d’accord (voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]).

V. Analyse

[15] Les parties s’entendent pour dire que l’agent n’a relevé aucun facteur négatif militant contre l’octroi d’une dispense pour des considérations d’ordre humanitaire. En effet, dans son analyse des éléments présentés par la demanderesse en ce qui concerne son degré d’établissement, l’agent a accordé à chacun soit un poids neutre, soit un poids faible ou un certain poids favorable, et a conclu que l’intérêt supérieur de l’enfant faisait pencher la balance en faveur d’une décision positive. Dans ces circonstances, la demanderesse soutient que la décision n’est pas transparente, et qu’elle est par conséquent déraisonnable suivant les principes exposés dans l’arrêt Vavilov, parce que l’agent a omis d’expliquer pourquoi une dispense pour des considérations d’ordre humanitaire n’était pas justifiée.

[16] Le défendeur estime que la demanderesse, dans ses arguments, soulève une question liée à la suffisance des motifs, qui ne justifie pas à elle seule le contrôle judiciaire (voir p ex Boukhanfra c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 4 aux para 18-21). Il soutient que la décision est raisonnable parce que l’agent a tenu compte des facteurs exposés dans les observations de la demanderesse sur les considérations d’ordre humanitaire et les a soupesés comme il avait l’obligation de le faire. Dans ses observations, le défendeur fait valoir que l’agent n’était tout simplement pas convaincu que les circonstances décrites par la demanderesse, ainsi que les éléments de preuve à l’appui, justifiaient que la demanderesse soit exemptée, pour des considérations d’ordre humanitaire, de l’exigence habituelle selon laquelle la demande de résidence permanente doit être présentée depuis l’étranger.

[17] À mon avis, la décision est transparente et, par conséquent, raisonnable.

[18] La décision contient une analyse et la conclusion qui en découle quant au poids accordé à chacun des éléments relatifs à l’établissement analysés par l’agent. Comme il est mentionné ci-dessus, le résultat le plus favorable de ces analyses était « un certain poids favorable », ce qui signifie selon moi que l’agent n’a pas accordé beaucoup de poids à l’élément en question.

[19] En ce qui concerne l’intérêt supérieur de l’enfant, qui constitue l’objet principal des observations de la demanderesse, l’agent a tenu compte de l’incidence qu’aurait sur le fils de la demanderesse l’acceptation ou le rejet de la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. L’agent a expliqué que, si cette demande était accueillie, la demanderesse pourrait demeurer au Canada en permanence et son fils pourrait continuer de vivre au Canada avec elle et sa famille élargie. Si la demande était refusée, la demanderesse devrait quitter le Canada à l’expiration de sa fiche du visiteur; elle et son époux devraient alors décider si leur fils demeure au Canada (ce qu’il peut faire grâce à sa citoyenneté canadienne) ou retourne au Népal avec eux. L’agent a précisé que les parents pourraient également continuer de faire des demandes de résidence temporaire pour visiter le Canada et s’occuper de leur enfant depuis l’étranger, et envisager de faire une demande de résidence permanente à partir du Népal.

[20] L’agent s’est ensuite reporté aux observations de la demanderesse concernant l’état de santé mentale de son fils, qui s’améliore lorsque le garçon se trouve au Canada, ainsi que les avantages que la vie au Canada lui procure, notamment l’éducation, les soins de santé et la sécurité de la vie au sein de sa famille. L’agent a souligné que la demanderesse a fait part, dans ses observations, des graves difficultés de langage et de communication qui affectent l’apprentissage et le développement de son fils au Népal et qui lui causent des troubles d’anxiété et de dépression. Cependant, il a conclu qu’il y avait peu d’éléments de preuve corroborant ce fait.

[21] L’agent a reconnu les bienfaits de la vie au Canada pour le fils de la demanderesse, y compris des infrastructures supérieures à celles du Népal et la capacité de passer du temps avec des membres de sa famille élargie, et a conclu que l’intérêt supérieur de l’enfant faisait pencher la balance en faveur d’une décision positive. Il a conclu toutefois qu’il ne s’agissait pas d’un facteur déterminant.

[22] J’estime, à l’instar du défendeur, que l’agent a examiné avec soin les observations de la demanderesse et justifié la pondération de chaque facteur. Bien que l’intérêt supérieur de l’enfant ait été un facteur positif, les raisons pour lesquelles l’agent ne lui a pas accordé un poids déterminant sont exposées dans la décision, comme je le souligne ci-dessus.

[23] Dans la conclusion de la décision, l’agent a affirmé avoir évalué la demande dans son intégralité et avoir pondéré cumulativement tous les facteurs qui lui ont été présentés, y compris ceux qui ont trait à l’intérêt supérieur de l’enfant. Après avoir rappelé qu’il incombait à la demanderesse de fournir des éléments de preuve à l’appui de sa demande de dispense pour des considérations d’ordre humanitaire et qu’il s’agissait d’une mesure d’exception et non simplement d’un autre moyen de demander la résidence permanente au Canada, l’agent a expliqué qu’il n’était pas convaincu que la preuve présentée et la situation particulière de la demanderesse justifiaient une dispense. À la lumière de l’analyse des facteurs liés à l’établissement et à l’intérêt supérieur de l’enfant exposée dans la décision, cette conclusion est transparente et intelligible et, par conséquent, la décision est raisonnable.

[24] Ayant jugé la décision raisonnable, la Cour rejettera la demande de contrôle judiciaire. Aucune des parties n’a proposé de question à certifier en vue d’un appel, et aucune n’est énoncée.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-5271-22

LA COUR REND LE JUGEMENT qui suit : La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée aux fins d’appel.

« Richard F. Southcott »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5271-22

INTITULÉ :

NIRACHHA KHADKA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 23 AOÛT 2023

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SOUTHCOTT

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 25 AOÛT 2023

COMPARUTIONS :

Elnaz Dast Parvardeh

POUR LA DEMANDERESSE

Aleksandra Lipska

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Korman & Korman LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Ministère de la Justice

POUR LE DÉFENDEUR

 

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