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Date : 20230802


Dossier : T-1642-22

Référence : 2023 CF 1062

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 2 août 2023

En présence de madame la juge Pallotta

ENTRE :

HELEN BRYCHKA

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La demanderesse, madame Helen Brychka, conteste trois décisions rendues à la suite du deuxième examen de la question de savoir si elle est admissible à la prestation canadienne de relance économique (PCRE), la prestation canadienne de maladie pour la relance économique (PCMRE) et la prestation canadienne pour les travailleurs en cas de confinement (PCTCC).

[2] Madame Brychka faisait de l’entretien ménager pour son propre compte lorsqu’elle a touché la PCRE, la PCMRE et la PCTCC à certains moments entre septembre 2020 et mars 2022. Bien qu’aucune des demandes de prestation de madame Brychka n’ait été rejetée au moment de leur dépôt, l’Agence du revenu du Canada (ARC), agissant pour le compte du ministère de l’Emploi et du Développement social, a plus tard vérifié l’admissibilité de cette dernière à recevoir ces prestations.

[3] Au premier examen, l’ARC a conclu que madame Brychka ne satisfaisait pas aux critères d’admissibilité en matière de revenu de l’un ou l’autre de ces régimes de prestations étant donné que son revenu net à titre de travailleuse autonome ne s’élevait pas à au moins 5 000 $ (i) en 2019, en 2020 ou au cours des douze mois précédant sa première demande en vue de recevoir la PCRE ou la PCMRE et (ii) en 2020, en 2021 ou au cours des douze mois précédant sa première demande en vue de recevoir la PCTCC. Madame Brychka a demandé un deuxième examen de son dossier. Au terme de cet examen, l’ARC est parvenue à la même conclusion. Au surplus, elle a conclu que madame Brychka était inadmissible à recevoir la PCTCC durant certaines périodes où les résidents de sa région n’étaient pas confinés à domicile. Pour cette raison, madame Brychka a été informée que toute demande de prestation qu’elle ferait à l’avenir serait rejetée et qu’elle devait rembourser toute somme qu’elle avait reçue sans y avoir droit.

[4] Madame Brychka demande à la Cour d’infirmer les décisions que l’ARC a rendues au terme du deuxième examen de son dossier. Elle fait valoir que l’examen par l’ARC de son admissibilité aux prestations avait été inéquitable sur le plan procédural et que ces décisions étaient déraisonnables parce que, selon elle, l’ARC n’a pas pris en compte l’ensemble de ses revenus et ne lui a pas expliqué en quoi les renseignements qu’elle avait fournis n’établissaient pas que ses revenus nets à titre de travailleuse autonome s’élevaient au moins à 5 000 $, soit le seuil à atteindre pour être admissible à recevoir ces prestations. Madame Brychka fait valoir que les mesures de protection qui ont été prises pour faire face à la pandémie de COVID-19 l’empêchaient d’exercer pleinement son métier. Dans son affidavit, elle affirme que la diminution des revenus générés par son entreprise était de l’ordre de 80 pour cent. Elle y affirme également qu’elle avait besoin des prestations au moment où elle en a fait la demande et qu’elle estime avoir suivi les règles et satisfait aux critères lorsqu’elle a déposé ses demandes, notamment en confirmant que les résidents de sa région étaient confinés à domicile chaque fois qu’elle a demandé de recevoir la PCTCC. Elle mentionne dans son affidavit qu’elle avait été la seule employée de son entreprise pendant une dizaine d’années et qu’elle n’avait pas été en mesure de travailler depuis un accident d’automobile survenu en mars 2022. Enfin, elle fait valoir que sa situation financière est très mauvaise et qu’il lui est impossible de rembourser les prestations qu’elle a reçues.

[5] Le défendeur, quant à lui, soutient que les décisions de l’ARC au sujet de l’admissibilité de madame Brychka à recevoir la PCRE, la PCMRE et la PCTCC étaient raisonnables et qu’elles avaient été prises dans le respect de l’équité procédurale. Point n’est donc besoin de les modifier.

[6] Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable aux questions d’équité procédurale s’apparente à celle de la décision correcte. Comme le défendeur le fait remarquer avec justesse, les exigences en matière d’équité procédurale applicables varient selon le contexte. En bout de ligne, dans les cas comme celui-ci, il s’agit de savoir si la demanderesse comprenait ce qu’elle devait établir et si elle a eu la possibilité complète et équitable de faire valoir ses arguments.

[7] Selon moi, l’équité procédurale est la question déterminante en l’espèce. Il n’est pas nécessaire de se demander si les décisions de l’ARC quant à l’admissibilité de madame Brychka à recevoir les prestations étaient raisonnables.

[8] J’estime qu’il ressort du dossier que madame Brychka ne comprenait pas ce qu’elle devait établir et qu’elle n’a pas eu la possibilité complète et équitable de faire valoir ses arguments. Les représentants de l’ARC ont eu un certain nombre de conversations avec madame Brychka et ils ont notamment souligné que les déclarations de revenus de cette dernière à titre de travailleuse autonome faisaient état de pertes nettes depuis 2018. Cependant, les déclarations de revenus de madame Brychka ne pouvaient servir à calculer les revenus de cette dernière dans le cadre de l’examen de la question de savoir si elle satisfaisait au critère établi par la législation en matière de prestations.

[9] Il est vrai que madame Brychka a omis de fournir à l’ARC une preuve établissant ses revenus, mais seulement pour l’année d’imposition 2021, et ce même si ses revenus bruts en 2019 étaient supérieurs à ceux de 2021. À mon avis, madame Brychka ignorait sincèrement qu’elle aurait été admissible à recevoir des prestations si elle avait été en mesure d’établir qu’elle satisfaisait au critère applicable en matière de revenu pour l’une des années d’imposition en cause, telle l’année d’imposition 2019, ou pour toute période de douze mois précédant chacune de ses demandes. Le défendeur a confirmé qu’il aurait suffi à madame Brychka d’établir qu’elle satisfaisait à ce critère pour l’année 2019. Cela dit, le dossier ne démontre pas que cela ait été expliqué à madame Brychka. À l’audience, il était évident que madame Bryshka est toujours perplexe quant aux périodes dont il faut tenir compte pour déterminer si elle satisfait aux exigences en matière de revenu de ces régimes de prestations.

[10] Vu les circonstances et compte tenu du dossier qui m’a été présenté, j’estime que madame Brychka n’a pas eu la possibilité complète et équitable d’établir qu’elle satisfaisait aux exigences en matière de revenu de l’un ou plusieurs des régimes de prestations en cause. Il se pourrait bien que madame Brychka ne soit pas en mesure d’établir qu’elle satisfaisait à ces exigences; cela dit, elle doit avoir la possibilité de le faire. Elle pourrait bénéficier de l’aide de sa fille ou de son voisin, qui l’ont aidée à déposer la présente demande, ou encore de l’aide de la personne qui fait ses déclarations de revenus.

[11] Dans son mémoire, madame Brychka réclame des dépens de 1 000 $ [traduction] « pour son temps, la photocopie de documents et l’essence nécessaire pour se rendre aux rendez-vous liés à la présente demande ainsi que pour les sommes engagées, notamment celles versées au notaire, pour déposer l’ensemble des documents relatifs à la présente demande ». Madame Brychka a agi pour son propre compte avec l’aide de personnes qui n’exercent pas la profession d’avocat et je ne suis pas convaincue qu’il faille lui accorder des dépens pour le temps qu’elle a consacré à la présente demande. Cela dit, j’estime que 400 $ est une somme raisonnable pour dédommager madame Bryshka pour les frais qu’elle a engagés relativement à la présente demande et je lui accorde cette somme en guise de dépens dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire à cet égard.

[12] Enfin, le défendeur souligne avec raison qu’il convient de le désigner à ce titre dans l’intitulé de la présente cause à la place de l’ARC.


JUGEMENT dans le dossier T-1642-22

LA COUR REND LE JUGEMENT qui suit :

  1. L’intitulé est modifié de sorte que seul le procureur général du Canada soit mentionné à titre de défendeur.

  2. La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la question de l’admissibilité de la demanderesse à recevoir les prestations en cause est renvoyée à l’Agence du revenu du Canada pour nouvel examen par un autre agent.

  3. La somme globale de 400 $ est adjugée à la demanderesse au titre des dépens.

« Christine M. Pallotta »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1642-22

INTITULÉ :

HELEN BRYCHKA c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L’AUDIENCE :

vancouver (cOLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 24 JUILLET 2023

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE PALLOTTA

DATE DES MOTIFS :

LE 2 AOÛT 2023

COMPARUTIONS :

Helen Brychka

POUR La demanderesse

(POUR SON PROPRE COMPTE)

Katherine Matthews

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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