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Date : 20230816


Dossier : T-6-23

Référence : 2023 CF 1113

Ottawa (Ontario), le 16 août 2023

En présence de l’honorable juge Roy

ENTRE :

LUC BIBAUD

demandeur

et

BELL SOLUTIONS TECHNIQUE INC.

défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1] Bell Solutions Techniques Inc. [BST], la défenderesse désignée, présente une requête à deux volets :

  1. la requête vise à ce que la défenderesse désignée soit retirée de l’intitulé de la cause à titre de défenderesse; selon elle, c’est le Procureur général du Canada qui devrait lui être substitué en vertu du paragraphe 303(2) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [Règles];

  2. étant retirée de l’intitulé de la cause, BST voudrait néanmoins être intervenante au dossier, invoquant ainsi la Règle 109.

[2] Le Procureur général du Canada résiste à cette requête. M. Bibaud en fait tout autant.

I. Requête liminaire

[3] La partie requérante, BST, a voulu compléter son dossier de requête en déposant deux documents. Le premier est le formulaire de plainte de violence et harcèlement au travail qui fait l’objet de la présente affaire. Le second est le rapport d’enquête relatif à la plainte qui constitue la décision contestée sur contrôle judiciaire. Le rapport d’enquête a été fait en conformité avec le Règlement sur la prévention de harcèlement et de la violence dans le lieu de travail, DORS/2020-130 [Règlement]; ce Règlement est adopté en vertu du Code canadien du travail, LRC 1985, c L-2.

[4] M. Bibaud et le Procureur général du Canada ne se sont pas opposés à ce que ces documents fassent partie du dossier de requête, à moins que BST ne cherche par là à faire en sorte que le mérite même de la demande de contrôle judiciaire ne devienne un sujet accessoire à la présente requête.

[5] Il a été entendu que tel ne sera pas le cas. Quant aux deux documents eux-mêmes, ils font indubitablement partie du contexte pertinent. Leur dépôt comme faisant partie du dossier de requête a donc été autorisé.

II. Les faits

[6] À l’origine, il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée par M. Bibaud à l’encontre d’un rapport fait par une enquêtrice externe (à BST) qui s’était penchée sur une plainte faite quant à de la violence psychologique qui aurait été exercée par une employée de BST sur le demandeur, lui-même un employé de BST.

[7] La demande de contrôle judiciaire est présentée en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7 [LCF], et désigne BST comme défenderesse.

[8] Il n’est pas nécessaire d’exposer les allégations de M. Bibaud pour disposer de la requête. Il n’est pas plus besoin non plus de traiter longuement des motifs donnés par l’enquêtrice externe dans son traitement de la plainte. À ce stade, la seule question est de déterminer qui devrait être le défendeur. À supposer que ce ne devrait pas être BST, il faudrait alors voir si BST devrait être désignée comme intervenante.

III. La position des parties

[9] Le syllogisme juridique présenté par BST est, tout compte fait, assez simple.

[10] BST se dit être un « office fédéral », au sens de l’article 2 de la LCF. Si c’est bien le cas, elle ne pourrait être désignée comme défenderesse en vertu de l’alinéa 303(1)a) des Règles qui se lit comme suit :

303(1) Sous réserve du paragraphe (2), le demandeur désigne à titre de défendeur :

303(1) Subject to subsection (2), an applicant shall name as a respondent every person

a) toute personne directement touchée par l’ordonnance recherchée, autre que l’office fédéral visé par la demande;

(a) directly affected by the order sought in the application, other than a tribunal in respect of which the application is brought; or

[...]

...

[11] Cherchant appui sur une décision de notre Cour dans Doyle c Canada (Procureur général), 2020 CF 259, confirmée sommairement en appel (Doyle v Canada (Attorney General), 2022 FCA 56 [Doyle], au para 11), BST argue que les apanages de l’Office national de l’énergie, qui était considéré dans Doyle, s’appliquent à elle en faisant ainsi un office fédéral.

[12] Se trouvant exclue de l’intitulé de la cause, si la Cour se rend à ses prétentions, BST cherche néanmoins à rester impliquée dans le litige puisque, de toute évidence, elle a un intérêt direct : le demandeur était un employé lorsqu’il s’est plaint d’harcèlement psychologique dont il aurait souffert aux mains d’une autre employée de BST. La défenderesse se fonde sur la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale et suggère qu’elle déposerait un affidavit exposant les faits et documents pertinents qui se trouveraient dans son dossier de l’intervenante. Ledit dossier comporterait aussi un mémoire des faits et du droit dont la teneur resterait à préciser.

[13] Grâce à une candeur que l’honore, BST convient qu’elle « détient un intérêt important relativement à l’issue de la présente demande de contrôle judiciaire » (représentations écrites, au para 33). Il n’est donc pas particulièrement clair pourquoi BST voudrait être retirée du rôle de défenderesse pour reprendre le collier dans une bonne mesure à titre d’intervenante.

[14] M. Bibaud constate quant à lui que la défenderesse est une entreprise privée, ce qui n’était évidemment pas le cas de l’Office national de l’énergie dans Doyle. Cela permettrait de distinguer la situation dans Doyle de celle devant la Cour. Il soulève aussi qu’il n’est pas convaincu que BST soumettra tous les documents en sa possession si elle n’est qu’intervenante.

[15] Le Procureur général du Canada résiste à la requête sur la base que BST n’est pas un office fédéral et que BST est la partie directement touchée par le demandeur de contrôle judiciaire. Ainsi, la décision Doyle ne trouve pas application puisque l’Office national de l’énergie exerçait des pouvoirs conférés par la loi; ce n’est manifestement pas le cas en l’espèce, alors que BST est soumise à la règlementation fédérale en tant qu’employeur soumis à cette règlementation. Il s’agit d’une enquête, menée par une enquêtrice externe, au sujet d’une question de relations de travail, un litige décrit comme étant privé. Aux termes mêmes de l’alinéa 303(1)a) des Règles, BST étant la personne touchée par l’ordonnance recherchée, elle est la défenderesse désignée appropriée.

[16] En réplique, BST note que l’enquêtrice externe est retenue en vertu des articles 25 à 27 du Règlement. Si je comprends bien, l’argument avancé est que s’il est vrai que BST n’est pas un office fédéral parce qu’elle est une entreprise privée non créée par une loi fédérale, alors l’enquêtrice externe n’est pas non plus un office fédéral.

[17] Selon cet argument, BST prétend donc qu’il n’y a aucun contrôle judiciaire devant la Cour. BST annonce qu’elle pourrait vouloir soulever une telle question sur une requête à venir.

IV. Analyse

[18] La question principale qui se présente à la Cour est de déterminer si BST constitue la défenderesse appropriée face à une demande de contrôle judiciaire. Une intervention éventuelle est en fait une question accessoire.

[19] Je commence donc en situant comment on en arrive à un rapport en vertu du Règlement. La solution au problème posé par BST me semble devoir commencer par une compréhension de ce en quoi consiste le litige, et donc de mieux comprendre en quoi consiste le régime juridique créé par le Règlement et le rôle joué par celle qui est la signataire du rapport faisant l’objet de la demande de contrôle judiciaire.

A. Le régime en place

[20] Le Règlement, dont se réclame M. Bibaud, est adopté en vertu du Code canadien du travail. Le pouvoir règlementaire donne à l’employé qui allègue avoir fait l’objet d’un incident d’harcèlement et de violence dans le lieu de travail la faculté de donner un avis d’un tel incident à l’employeur (article 15 du Règlement). Des efforts raisonnables de la part de l’employeur et de l’employé doivent être faits pour régler l’incident pour lequel l’avis est donné en vertu de l’article 15. La conciliation est même possible (article 24). Si l’incident n’est pas réglé, il doit faire l’objet d’une enquête si l’employé le demande (article 25). Celle-ci n’est pas facultative. Le choix de l’enquêteur est régi par le paragraphe 27(1) du Règlement qui est ainsi libellé :

27(1) L’employeur ou le destinataire désigné choisit l’une des personnes ci-après pour agir comme enquêteur :

27 (1) Subject to subsection (2), an employer or designated recipient must select one of the following persons to act as the investigator:

a) dans le cas où l’employeur et le partenaire concerné ont élaboré ou sélectionné conjointement une liste de personnes qui pourraient agir comme enquêteur, une personne de cette liste;

(a) in the case where the employer and the applicable partner have jointly developed or identified a list of persons who may act as an investigator, a person from that list; and

b) dans les autres cas :

(b) in any other case,

(i) lorsque l’employeur ou le destinataire désigné, la partie principale et la partie intimée s’entendent à cet égard, la personne qu’ils choisissent,

(i) a person that is agreed to by the employer or designated recipient, the principal party and the responding party, or

(ii) lorsqu’ils ne s’entendent pas dans les soixante jours suivant la date à laquelle l’avis est donné en application de l’article 26, une personne parmi celles que le Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail a désignées comme ayant les connaissances, la formation et l’expérience visées au paragraphe 28(1).

(ii) if there is no agreement within 60 days after the day on which the notice is provided under section 26, a person from among those whom the Canadian Centre for Occupational Health and Safety identifies as having the knowledge, training and experience referred to in subsection 28(1).

[21] Dans notre cas, ce fut l’alinéa 27(1)b)ii) qui a dû être appliqué. Une fois l’enquête complétée, le rapport de l’enquêteur inclura une description générale de l’incident, les conclusions et les recommandations pour éliminer ou réduire au minimum le risque d’un incident similaire (article 30). La mise en œuvre des recommandations est prévue à l’article 31. Ce qu’il importe de noter, c’est qu’il n’existe aucune discrétion quant à la tenue d’une enquête. L’employeur voit l’enquête être tenue en vertu du Règlement. Effectivement, le Règlement l’impose. On peut même dire que le rôle de l’employeur quant au choix de l’enquêteur est lui-même circonscrit par le Règlement. Ou bien une liste conjointe aura été constituée, et l’enquêteur est choisi à partir de cette liste qui convient à tous, ou bien une telle liste n’existe pas et, alors, ou bien une personne est choisie conjointement, ou bien l’employeur ne peut que sélectionner qu’à partir d’une liste colligée par un organisme indépendant, organisme qui déterminera les qualités requises pour en faire partie. J’y reviendrai.

[22] Comme on le voit, ce qui est contesté devant la Cour n’est pas la nomination de l’enquêtrice, mais bien le rapport de l’enquêtrice au sujet duquel BST n’a aucun rôle décisionnel à jouer. Elle ne fait que nommer l’enquêtrice à partir d’une liste colligée par le Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail, enquêtrice qui est indépendante du BST. On peut donc dès lors se demander comment BST pourrait être un office fédéral puisque le contenu du rapport d’enquête n’est pas sien et que son seul rôle en vertu de la réglementation fédérale est de désigner une enquêtrice à partir d’une liste que l’employeur ne contrôle pas.

[23] La LCF comprend sa définition d’« office fédéral ». Je la reproduis en soulignant ce que je crois être les passages pertinents :

office fédéral Conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne ou groupe de personnes, ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d’une prérogative royale, à l’exclusion de la Cour canadienne de l’impôt et ses juges et juges adjoints, d’un organisme constitué sous le régime d’une loi provinciale ou d’une personne ou d’un groupe de personnes nommées aux termes d’une loi provinciale ou de l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867. (federal board, commission or other tribunal)

federal board, commission or other tribunal means any body, person or persons having, exercising or purporting to exercise jurisdiction or powers conferred by or under an Act of Parliament or by or under an order made under a prerogative of the Crown, other than the Tax Court of Canada or any of its judges or associate judges, any such body constituted or established by or under a law of a province or any such person or persons appointed under or in accordance with a law of a province or under section 96 of the Constitution Act, 1867; (office fédéral)

Pour se qualifier d’office fédéral, BST doit donc être un « organisme » ou une personne censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale (en anglais « by or under an Act of Parliament »).

B. BST est-elle un office fédéral

[24] Ceci dit avec égards, je n’ai pas été convaincu que BST constitue un office fédéral de par le rôle qu’elle joue en vertu du Règlement et plus spécifiquement dans la demande de contrôle judiciaire sous étude.

[25] Le modèle créé par le Code canadien du travail et le Règlement a ses particularités. Dans une certaine mesure, il cherche à ce que les questions relatives au harcèlement et à la violence dans le lieu du travail soient traitées et réglées au sein de l’entreprise. Ainsi, le Règlement prévoit que l’employeur conjointement avec un « partenaire concerné » (défini au Règlement comme valant « mention du comité d’orientation ou, à défaut, au comité local ou du représentant », para 1(2)) doit recenser les facteurs de risque et élaborer des mesures de prévention sur une base continuelle (articles 5 à 9). Le Règlement ordonne aussi que l’employeur et le partenaire concerné élaborent une politique de prévention de harcèlement et de la violence, avec des éléments spécifiques devant s’y trouver. De ce fait, le Règlement est prescriptif (article 10).

[26] Dans le même ordre d’idée, le Règlement requiert que des mesures d’urgence soient élaborées (article 11), que de la formation soit donnée (article 12) et que des mesures de soutien soient mises à la disposition des employés (article 13).

[27] Un incident de harcèlement et de violence dans le lieu de travail peut néanmoins requérir qu’il y ait un processus de règlement. Ainsi, comme dit plus haut, l’employé qui se dit l’objet d’un incident peut en donner avis en vertu de l’article 15 et cela enclenche le processus.

[28] Le processus à suivre pour répondre à l’avis d’incident est détaillé aux articles 20 à 22. Mais même le Règlement recherche toujours l’entente entre l’employeur et l’employé qui se dit victime. On fait une obligation aux parties intéressées de faire « tous les efforts raisonnables pour régler l’incident pour lequel un avis est donné » (article 23). La conciliation en vertu de l’article 24 est possible.

[29] Mais si l’incident ne peut être réglé malgré les efforts ou la conciliation, s’enclenche alors un processus d’enquête selon les articles 25 à 30 du Règlement.

[30] En notre espèce, c’est là où en sont M. Bibaud et BST. Une enquête a été tenue et un rapport a été complété, rapport qui de toute évidence ne satisfait pas M. Bibaud qui veut le contester devant notre Cour.

[31] Cet enquêteur possède certaines qualités requises par le Règlement. Il s’agit d’une personne parmi celles que le Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail a désigné comme ayant les connaissances, la formation et l’expérience visées au paragraphe 28(1). Ce paragraphe prévoit que l’enquêteur doit être formé en techniques d’enquête, et avoir des connaissances en plus d’une formation et de l’expérience pertinentes au harcèlement et à la violence en milieu de travail. La personne doit connaître la Partie II du Code canadien du travail, la Loi canadienne sur les droits de la personne et tout autre texte législatif pertinent. Ce Centre a été créé à titre d’institut national par la Loi sur le Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail, LRC 1985, c c-13). Il s’agit d’un organisme gouvernemental.

[32] Que fera l’enquêteur? Il produira un rapport qui contiendra une description de l’incident, les conclusions auxquelles il en est arrivé, dont les circonstances dans le lieu de travail ayant mené à l’incident, et des recommandations pour éliminer ou réduire au minimum le risque d’un incident similaire (article 30).

[33] Marquant à nouveau la collaboration qui devrait exister, l’article 31, qui traite de la mise en œuvre des recommandations faites par l’enquêteur, parle de la mise en œuvre de toutes les recommandations qui auraient été choisies par l’employeur, et le comité local ou le représentant. À défaut d’entente, l’article 2 prévoit que la décision de l’employeur l’emporte.

[34] En notre espèce, la question de la mise en œuvre des recommandations de l’enquêtrice ne se posait pas puisque celle-ci aura conclu que « [l]a plainte de violence et d’harcèlement déposée par Luc Bibaud n’est pas fondée ». Néanmoins, la Cour s’est enquis en cours d’audience de ce qui adviendrait dans le cas où l’employeur aurait choisi de rejeter les recommandations faites. Dans les représentations écrites supplémentaires du 1er juin 2023, BST expliquait qu’il semble qu’un recours serait alors possible en certaines circonstances en vertu du Code canadien du travail. Le Procureur général indiquait quant à lui dans un écrit du 6 juillet qu’il est prématuré de se prononcer sur l’interprétation du régime mis en place par le Code canadien du travail et le Règlement. Il s’est contenté de réitérer qu’à titre d’employeur, BST n’était pas un office fédéral. BST est validement désignée comme partie défenderesse.

[35] J’en suis aussi venu à la conclusion qu’il n’était pas nécessaire de se prononcer sur la question hypothétique de savoir ce qui peut être fait dans un cas où des recommandations ne sont pas mises à exécution. Ce n’est pas le cas en notre espèce. Une cour de révision ne devrait pas se prononcer sur une question si ce n’est pas nécessaire pour résoudre le litige tel que présenté. Étant donné qu’aucune recommandation n’est en jeu, il vaut mieux attendre qu’un cas d’espèce se présente pour l’examiner.

[36] Le propos est plutôt de démontrer que le régime législatif et règlementaire mis en place a un cadre précis prévu par les textes, où l’employeur joue un rôle déterminé, mais limité.

[37] BST déclare qu’elle a référé la plainte de M. Bibaud à Me Marceau, l’enquêtrice externe. Ce n’est pas inexact en soi, mais c’est imprécis. Me Marceau est une des personnes reconnues par un organisme fédéral, le Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail, comme ayant les connaissances, la formation et l’expérience pertinentes aux questions de harcèlement et de violence dans le lieu de travail en vertu des articles 27 et 28 du Règlement. De fait, l’enquêtrice se désigne elle-même comme « enquêtrice externe, » ayant des clients dans les milieux de l’éducation, de la fonction publique et des municipalités (rapport d’enquête, P-2). Elle est indépendante de l’employeur. Contrairement à ce que BST prétend dans sa réplique au mémoire des faits et du droit du Procureur général, BST et Me Marceau ne font pas qu’un. La loi prévoit qu’ils sont clairement distincts, ce qui ne serait peut-être pas le cas si l’employeur et la partie intimée s’entendaient sur le choix de l’enquêteur (alinéa 27(1)b)i) et alinéa 28(2)b) du Règlement). Le rapport dont il est question ici me semble être clairement un rapport constitué par une personne qui n’est pas l’employeur et qui n’a aucun lien de dépendance avec lui. De fait, on comprendrait mal comment il pourrait en être autrement alors même que les parties n’auraient pu s’entendre sur une personne pour agir en tant qu’enquêtrice.

C. Jurisprudence invoquée par BST

[38] Essentiellement, BST cherche appui sur une décision de cette Cour dans Doyle c Canada (Procureur général), 2020 CF 259. À mon avis, cette décision ne constitue pas un précédent auquel il faudrait se soumettre.

[39] M. Doyle était un employé de l’Office national de l’énergie (devenu depuis la Régie canadienne de l’énergie), qui se plaignait de violence dans son milieu de travail en ce qu’il alléguait un comportement irrespectueux à son égard. Quoique la décision ne soit pas limpide, on comprend qu’une enquête aurait été tenue en vertu du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail, DORS/86‐304; il n’est pas clair en quoi consistait le mécanisme en vertu du Règlement. Ce qui est davantage clair est qu’une enquête avait mené à la conclusion qu’il y avait un comportement irrespectueux, mais que cela ne constituait pas de la violence en milieu de travail.

[40] Puisqu’il n’était pas satisfait, M. Doyle, une personne non représentée par un avocat, avait demandé le contrôle judiciaire du rapport d’enquête parce qu’inéquitable sur le plan procédural. Le Procureur général qui était le défendeur était d’accord. Le désaccord portait exclusivement sur le remède à apporter. M. Doyle aurait voulu que notre Cour se substitue au décideur administratif pour maintenant trancher la plainte. Le Procureur général argumentait plutôt que le seul remède approprié consistait à renvoyer l’affaire « afin de permettre à l’employeur de tenter de régler la situation, conformément au paragraphe 20.9(2) du Règlement [...] » (para 12).

[41] Notre Cour devait donc décider la question en litige : la Cour peut-elle « faire droit à la demande de M. Doyle de statuer sur sa plainte quant au fond, à la lumière des éléments de preuve dont disposait la personne compétente » (para 31)? La question n’était pas de savoir si la demande de contrôle judiciaire devait être accordée, le défendeur ayant concédé que ce devrait être le cas, et encore moins qui constituait l’office fédéral dont la décision peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire en vertu de l’article 18.1 de la LCF. La question à régler était tout simplement en quoi devait consister la réparation. Selon la décision de notre Cour, le régime législatif a conféré à l’employeur, l’Office national de l’énergie, le pouvoir de décider si la personne a été victime de violence dans son lieu de travail (para 33), pas à la Cour. Il fallait donc retourner l’affaire et la Cour ne devait pas traiter du mérite. Une seconde raison donnée était que la Cour fédérale voit son pouvoir de réparation être limité. Ainsi l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Tennant, 2019 CAF 206, confirme que le pouvoir de tirer une conclusion précise par la cour de révision est réservé au cas où une seule conclusion raisonnable pourrait être tirée, rendant le renvoi au décideur administratif inutile. Or, ce n’était pas le cas en l’espèce. J’ajoute que depuis Doyle, la Cour suprême du Canada a commenté au sujet du pouvoir discrétionnaire en matière de réparation dans son arrêt phare Canada (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] 4 RCS 653 [Vavilov], aux paragraphes 139 à 142. La règle générale continue d’être le renvoi de l’affaire au décideur administratif, avec une discrétion limitée à la cour de révision « lorsqu’il devient évident aux yeux de la Cour, lors de son contrôle judiciaire, qu’un résultat donné est inévitable, si bien que le renvoi de l’affaire ne servirait à rien » (Vavilov, au para 142).

[42] Là résidait la ratio decidendi dans Doyle. La Cour dans Doyle devait soulever, proprio motu, que la désignation de l’Office national de l’énergie comme défendeur était inappropriée. Le retrait a été accepté par le défendeur en l’espèce, l’Office national de l’énergie, alors que M. Doyle s’était dit préoccupé (la version anglaise du jugement, qui constitue l’original, parlait de « concern »). Celui-ci disait que l’Office n’était pas un office fédéral, pas plus d’ailleurs que la personne compétente qui avait fait enquête n’était un office fédéral selon l’argument de M. Doyle. C’est que M. Doyle avait une raison particulière à l’esprit pour présenter un tel argument.

[43] Ainsi, on lit au paragraphe 19 de la décision :

[19] La préoccupation de M. Doyle concernant la question de savoir s’il existe un office fédéral qui peut être saisi du renvoi de la plainte découle de sa croyance selon laquelle la norme de contrôle applicable au rapport est celle de la décision correcte. D’après ce que je comprends de l’analyse de M. Doyle, si, comme il l’affirme, il n’y a pas d’office fédéral qui peut être saisi du renvoi et si la norme de contrôle est celle de la décision correcte, il revient donc à la Cour de rendre la décision que la personne compétente aurait dû rendre à la lumière des éléments de preuve dont elle disposait.

[Je souligne.]

L’argument au sujet du statut de l’Office national de l’énergie et de la personne ayant fait enquête comme n’étant pas l’office fédéral de la LCF était bien sûr dans une vaine tentative d’éviter que l’affaire soit renvoyée au tribunal administratif. Mais il s’agit là d’un argument oiseux, qui, en réalité, ne menait nulle part. Évidemment, si M. Doyle avait eu raison, notre Cour n’aurait fort probablement même pas eu juridiction pour entendre le contrôle judiciaire, et donc décider au sujet de la violation de l’équité procédurale. M. Doyle se tirait dans le pied. La motivation pour sa « préoccupation » était évidemment mal fondée.

[44] Mais c’est donc dans le cadre de cette préoccupation selon laquelle l’Office national de l’énergie n’est pas un office fédéral, qui donnait ouverture à l’argument que la Cour devait traiter du mérite de la décision administrative, que notre Cour se penchait brièvement sur la définition d’« office fédéral » pour se satisfaire que l’Office était un « office fédéral » qui exerçait des pouvoirs conférés par une loi fédérale. On note que l’Office, tout comme son successeur, la Régie canadienne de l’énergie, sont créés en vertu d’une loi fédérale. Puisque l’Office est un office fédéral, selon ce qui était soulevé proprio motu sans contestation, il devait être retiré de l’intitulé de la cause. De toute évidence, cela ne modifiait en rien la question en litige selon laquelle, une fois qu’il fut convenu par le défendeur qu’il y avait eu violation de l’équité procédurale, la Cour aurait dû se substituer au décideur.

[45] Essentiellement, tout ce que M. Doyle désirait était que la Cour fédérale examine le mérite de sa plainte, pour s’éviter de devoir retourner devant le décideur administratif qui devrait alors respecter les principes d’équité procédurale.

[46] C’est d’ailleurs de cette question dont traitait la Cour d’appel fédérale (2022 CAF 56). Dans un court arrêt, la Cour d’appel confirmait que le genre de remède demandé par M. Doyle n’était pas approprié : si après révision de la décision administrative, une révision judiciaire est fructueuse, il doit être ordonné de retourner l’affaire au décideur administratif (para 8), à moins que l’affaire ne se qualifie pour une exception quelconque.

[47] La Cour d’appel a aussi sommairement rejeté la prétention de M. Doyle que la Cour était biaisée parce que durant l’audience en Cour fédérale, sa position a fait l’objet de questionnement pour tester la qualité de ses représentations. Enfin, tout aussi sommairement, la Cour d’appel a refusé de renverser la décision de modifier l’intitulé de la cause qui avait été amendé par notre Cour. De façon plutôt laconique, la Cour d’appel déclare simplement qu’en amendant l’intitulé, « the Federal Court acted properly. We assure the appellant that this amendment did not affect the merits of this case in the Federal Court. It also does not affect the merits of his case in this Court » [traduction] « La Cour fédérale a agi de façon appropriée. L’appelant peut être assuré que l’amendement n’a eu aucun effet sur le mérite de sa cause en Cour fédérale. Il n’a pas été affecté non plus devant cette Cour » (para 11).

[48] À mon sens, la décision Doyle n’est pas d’une grande utilité. D’abord, le régime législatif duquel procédait la décision provient d’un règlement qui n’est pas celui qui existe ici. La décision de notre Cour n’est pas explicite à cet égard. Étant donné qu’il était convenu qu’il y avait violation de l’équité procédurale, il n’était pas besoin d’en dire plus. Il faut bien convenir qu’il ne s’agissait là que d’une question accessoire sans effet sur la véritable question à régler, comme le disait la Cour d’appel dans sa décision en appel.

[49] De façon plus significative, l’Office national de l’énergie est d’une nature toute différente de BST : il existe en vertu d’une loi fédérale qui la crée, comme le note la Cour dans Doyle. À tout le moins, l’Office participe de l’état fédéral où il joue un rôle d’adjudicateur, un rôle relevant du droit public. Il n’est pas certain selon moi qu’un organisme comme l’Office soit un office fédéral lorsque des questions relatives à sa régie interne se posent. Mais il n’est pas nécessaire, pour nos fins, de s’aventurer sur ce terrain. Ceci dit avec égard, on ne peut, à mon avis, suggérer que Doyle constitue un précédent ayant quel qu’effet sur l’affaire devant la Cour.

D. Jurisprudence sur la définition d’« office fédéral »

[50] Fondamentalement, BST n’est pas un office fédéral. Il ne m’apparaît pas qu’il ait les apanages fondamentaux que cette notion comporte. Le Procureur général insiste sur la complète absence de comparaison entre l’Office national de l’énergie, organisme créé par législation fédérale, et BST, un organisme d’un tout autre ordre : BST est une entreprise privée. Il s’agit d’une différence notable. Mais il y a plus. La jurisprudence de la Cour d’appel fédérale est constante quant à ce qui est nécessaire pour avoir un office fédéral. L’arrêt Oceanex Inc. c Canada (Transports), 2019 CAF 250 [Oceanex], reprenait les deux étapes de l’analyse pour déterminer si un organisme est un office fédéral exposées dans Anisman c Canada (Agence des services frontaliers), 2010 CAF 52 [Anisman], aux paragraphes 29 et 30 :

[29] Les mots clés de la définition d’« office fédéral » que donne l’art. 2 précise que l’organisme ou la personne a exercé, exerce ou est censé exercer une compétence ou des pouvoirs « prévus par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d’une prérogative royale [...] ». On doit donc procéder à une analyse en deux étapes pour déterminer si un organisme ou une personne constitue un « office fédéral ». Il est ainsi nécessaire en premier lieu de déterminer la nature de la compétence ou du pouvoir que l’organisme ou la personne cherche à exercer. Deuxièmement, il y lieu de déterminer la source ou l’origine de la compétence ou du pouvoir que l’organisme ou la personne cherche à exercer.

[30] Au paragraphe 2:4310 de leur ouvrage intitulé Judicial Review of Administrative Action in Canada, vol. 1, édition sur feuilles mobiles (Toronto, Canvasback Publishing, 1998), les éminents auteurs, D.J.M. Brown et J.M. Evans, ont écrit que lorsqu’il s’agit de déterminer si un organisme ou une personne est un « office fédéral », il convient d’examiner [traduction] « la source de la compétence du tribunal ». Voici ce qu’ils écrivent à ce sujet :

[traduction]

En fin de compte, la source de la compétence d'un tribunal--et non pas la nature du pouvoir exercé ou de l'office l'exerçant--est le premier facteur déterminant quant à savoir si elle fait partie de la définition. Le test consiste à chercher à savoir si l'office détient les pouvoirs en vertu d'une loi fédérale ou d'une ordonnance prise en vertu d'une prérogative de la Couronne fédérale. [...]

[51] Les mêmes éléments sont repris dans Canada (Conseil canadien de la magistrature) c Girouard, 2019 CAF 148; [2019] 3 RCF 503. À mon avis, BST n’exerçait aucun pouvoir au sujet du rapport qui doit faire l’objet du contrôle judiciaire. En effet, comme l’examen du Règlement l’aura révélé, BST n’a rien décidé. Au mieux, la compagnie, qui est soumise au Code canadien du travail, voit certaines de ses activités relatives au droit du travail être régies par lui. En matière de prévention du harcèlement et de la violence dans le lieu du travail, si l’entente entre les parties ou la conciliation ne produisent pas un règlement, l’affaire doit aller à un enquêteur par l’opération du Règlement. Le choix de celui-ci revient à l’employeur, mais uniquement dans notre cas à partir d’une liste générée par un organisme gouvernemental, le Centre canadien de l’hygiène et de sécurité au travail. Cet enquêteur produira un rapport où ses conclusions à l’égard des circonstances ayant mené à l’incident sous enquête et des recommandations pour éliminer ou réduire au minimum le risque d’un incident similaire seront exposés. Le rôle de l’employeur n’est pas décisionnel sous le régime du Règlement tel qu’il s’applique en notre espèce.

[52] Dans Air Canada c Administration portuaire de Toronto et Porter Airlines Inc., 2011 CAF 347; [2013] 3 RCF 606, la Cour d’appel refusait de limiter la portée d’un recours en contrôle judiciaire aux seules décisions et ordonnances, tel que semble le prévoir le texte des alinéas 18.1(3)b) et 18.1(4)c) de la Loi sur les Cours fédérales. Ces alinéas sont aussi libellés :

(3) Sur présentation d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale peut :

(3) On an application for judicial review, the Federal Court may

[...]

...

b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu’elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l’office fédéral.

(b) declare invalid or unlawful, or quash, set aside or set aside and refer back for determination in accordance with such directions as it considers to be appropriate, prohibit or restrain, a decision, order, act or proceeding of a federal board, commission or other tribunal.

(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises si la Cour fédérale est convaincue que l’office fédéral, selon le cas :

(4) The Federal Court may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal

[...]

...

c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;

(c) erred in law in making a decision or an order, whether or not the error appears on the face of the record;

[...]

...

[53] Ce sera plutôt « tout objet susceptible de donner droit à une réparation aux termes de l’article 18 » (Air Canada, au para 24) qui constituera la portée du recours. Mais encore faut-il qu’il y ait une décision ou ordonnance sous l’alinéa 18.1(4)c) ou tout acte susceptible de donner droit à réparation.

[54] Or la demande de contrôle judiciaire de M. Bibaud ne concerne en aucune manière une décision ou ordonnance de BST, ou un acte donnant droit à une réparation de droit public. La demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l’article 18.1 est à l’égard du rapport préparé par une enquêtrice externe choisie à partir d’une liste créée par le Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail. Le rapport d’enquête est produit aux termes de l’article 30 du Règlement à la suite d’une enquête qui doit être tenue, dit le Règlement. La conclusion recherchée en contrôle judiciaire est non équivoque et elle ne traite que du rapport d’enquête. Cela n’a rien à voir avec BST. La demande de contrôle judiciaire dit :

L’objet de la demande est le suivant :

Déclarer nul [sic] l’enquête, le rapport d’enquête ainsi que sa conclusion émise par l’Enquêtrice le 17 novembre 2022, et rendre le jugement qui aurait dû être rendue [sic]. Renvoyer la plainte déposée par le demandeur à un autre enquêteur externe différent.

[55] L’arrêt Oceanex rappelait les propos de la Cour Suprême dans Highwood Congregation of Jehovah’s Witnesses (Judicial Committee) c Wall, 2018 CSC 26 (CanLII), [2018] 1 RCS 750 [Highwood], une affaire où un contrôle judiciaire était demandé face à une décision de cette congrégation. Deux conditions doivent être remplies pour qu’un contrôle judiciaire soit possible : « lorsqu’un pouvoir étatique a été exercé et que l’exercice de ce pouvoir présente une nature suffisamment publique » (Highwood, au para 14). En notre espèce, si un pouvoir étatique a été exercé, il n’a certes pas été exercé par BST puisque l’enquête requise par le Règlement a été conduite par une enquêtrice externe. Cette enquêtrice a exercé le pouvoir que confère le Règlement. Le pouvoir que veut contester le demandeur est celui de l’enquêtrice, une personne différente de BST. Le seul rôle joué par celle-ci n’est que de choisir une enquêtrice à même une liste qu’elle n’a pas colligée.

[56] BST n’est pas un office fédéral pour ce qui s’agit de la décision contestée en notre espèce. BST n’exerçait pas une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale à l’égard de ce qui est contesté par M. Bibaud, à savoir le rapport de l’enquêtrice externe. Pour revenir à la grille d’analyse de l’arrêt Anisman, la nature de la compétence et du pouvoir est bel et bien l’enquête menée par une personne autre que BST.

[57] Ainsi, tant la décision dont on attaque la validité que la qualité de la personne qui l’a menée vont à l’encontre de la prétention de BST qu’elle est un office fédéral, la rendant ainsi une personne qui ne peut être visée par la demande de contrôle judiciaire aux termes de la Règle 303. BST n’est pas l’office fédéral qui a rendu la décision contestée.

V. Questions incidentes

[58] J’ajoute que la Règle 303(3) aurait aussi pu être un obstacle décisif aux prétentions de BST dans la mesure où on serait obligé de désigner comme défendeur le Procureur général à la place de BST (qui est la personne directement touchée par l’ordonnance recherchée). Je reproduis les paragraphes 303(2) et(3) :

(2) Dans une demande de contrôle judiciaire, si aucun défendeur n’est désigné en application du paragraphe (1), le demandeur désigne le procureur général du Canada à ce titre.

(2) Where in an application for judicial review there are no persons that can be named under subsection (1), the applicant shall name the Attorney General of Canada as a respondent.

(3) La Cour peut, sur requête du procureur général du Canada, si elle est convaincue que celui-ci est incapable d’agir à titre de défendeur ou n’est pas disposé à le faire après avoir été ainsi désigné conformément au paragraphe (2), désigner en remplacement une autre personne ou entité, y compris l’office fédéral visé par la demande.

(3) On a motion by the Attorney General of Canada, where the Court is satisfied that the Attorney General is unable or unwilling to act as a respondent after having been named under subsection (2), the Court may substitute another person or body, including the tribunal in respect of which the application is made, as a respondent in the place of the Attorney General of Canada.

[59] Si tant est que BST pourrait être un « office fédéral, » il est loin d’être entendu que le Procureur général pourrait agir dans le présent litige. Comme l’alinéa 303(3) le prévoit expressément, l’office fédéral pourrait même être désigné si une requête du Procureur général devait être faite. À l’audience de la requête, l’avocate représentant le Procureur général a suggéré que celui-ci est incapable d’agir dans une affaire comme celle-ci où il n’existe aucun lien gouvernemental avec ce litige ou les parties. On est loin d’un cas où un organisme gouvernemental aurait un intérêt direct, ou même indirect, dans un cas donné et où le Procureur général agirait alors pour un ministère ou autre organisme gouvernemental. De fait, la Loi sur le ministère de la Justice, LRC 1985, c J-2, prévoit que le Procureur général « est chargé des intérêts de la Couronne et des ministères dans tout litige où ils sont parties et portant sur des matières de compétence fédérale; » (alinéa 5d)). Son mandat est limité. Dit simplement, le Procureur général n’agit pas pour des parties privées.

[60] Finalement, était donné la conclusion à laquelle la Cour en arrive sur l’argument principal voulant que BST soit un office fédéral aux fins de la requête en contrôle judiciaire, il n’est pas nécessaire de traiter de la proposition accessoire selon laquelle BST pourrait intervenir au litige en vertu de la Règle 109.

[61] Il n’est peut-être pas inutile, afin d’être complet, de rappeler que même un organisme créé par législation est soumis aux lois d’application générale, y compris celles qui traitent de la régie interne, comme par exemple la location de locaux ou l’emploi des personnes (Highwood, au para 14). La qualité d’office fédéral ne tient pas pour ce qui a trait à des matières qui relèvent de sa régie interne et qui n’ont donc pas suffisamment de caractère public.

[62] La présente décision ne fait que disposer de la requête de BST selon laquelle elle ne serait pas un office fédéral dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire du rapport d’enquête d’une enquêtrice choisie en vertu du Règlement. Il doit être entendu qu’il s’agit de la seule question à laquelle il fallait répondre. Rien dans les motifs du jugement ne traite de la valeur du recours entrepris ou de son mérite.

VI. Conclusion

[63] La requête recherchant une ordonnance selon laquelle Bell Solutions Techniques Inc. serait retiré de l’intitulé de la cause à titre de défenderesse pour que lui soit substitué le Procureur général du Canada à titre de défendeur est rejetée. Il n’est pas nécessaire de déterminer si Bell Solutions Techniques Inc. devrait se voir accorder le statut d’intervenante.

[64] Les parties n’ont pas demandé des dépens et il n’en n’est pas adjugés.


ORDONNANCE au dossier T-6-23

LA COUR ordonne :

  1. La requête Bell Solutions Techniques Inc. en vue d’obtenir une ordonnance pour être retirée de l’intitulé de la cause à titre de défenderesse est rejetée.

  2. Il n’y pas d’adjudication de dépens.

« Yvan Roy »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-6-23

 

INTITULÉ :

LUC BIBAUD c BELL SOLUTIONS TECHNIQUE INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AFFAIRE ENTENDUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 30 mai 2023; mémoires supplémentaires les 1er et 6 juin 2023

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE roy

 

DATE DES MOTIFS :

LE 16 août 2023

 

COMPARUTIONS :

M. Luc Bibaud

Pour le demandeur

(POUR SON PROPRE COMPTE)

Me Maryse Tremblay

Pour la défendeRESSE

Me Maude Normand

pour le procureur général du canada

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Borden Ladner Gervais S.E.N.C.R.L., S.R.L./LLP

Montréal (Québec)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

 

 

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